Language of document : ECLI:EU:T:2023:147

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

22 mars 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale BIO‑BEAUTÉ – Motifs absolus de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001] – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001] – Caractère distinctif acquis par l’usage – Article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001) – Article 52, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement 2017/1001] – Obligation de motivation – Article 75, première phrase, du règlement no 207/2009 (devenu article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001) »

Dans l’affaire T‑750/21,

Beauty Biosciences LLC, établie à Dallas, Texas (États-Unis), représentée par Me D. Mărginean, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme G. Sakalaitė-Orlovskienė et M. R. Raponi, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Société de Recherche Cosmétique SARL, établie à Luxembourg (Luxembourg), représentée par Me P. Wilhelm, avocat,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, R. Mastroianni (rapporteur) et I. Gâlea, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure, notamment la mesure d’organisation de la procédure du 10 novembre 2022 et les réponses des parties déposées au greffe du Tribunal les 23 et 24 novembre 2022,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Beauty Biosciences LLC, demande l’annulation et la réformation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 28 septembre 2021 (affaires jointes R 1871/2020-4 et R 1891/2020-4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 2 août 2019, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande en nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande déposée le 26 décembre 2014 pour le signe verbal BIO‑BEAUTÉ.

3        Les produits couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient des classes 3 et 10 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Dentifrices ; cosmétiques ; parfums, eaux de toilette, eau de Cologne, désodorisants pour le corps ; huiles essentielles ; extraits de plantes à usage cosmétique ; savons, laits de toilette ; crèmes, gels, laits, lotions, masques, pommades, poudres, sérums et préparations cosmétiques pour les soins de la peau ; produits cosmétiques antirides ; produits cosmétiques pour le soin des lèvres ; produits cosmétiques antisolaires, préparations cosmétiques pour le bronzage de la peau, produits cosmétiques après-solaires ; préparations cosmétiques pour l’amincissement ; produits épilatoires ; produits capillaires (préparations pour le soin des cheveux et du cuir chevelu) ; préparations cosmétiques pour le bain ; produits de maquillage et de démaquillage ; préparations pour le rasage et préparations après-rasage ; lingettes et serviettes imprégnées de lotions cosmétiques ; coton à usage cosmétique, bâtonnets ouatés à usage cosmétique, disques à démaquiller ; encens, eaux de senteur ».

–        classe 10 : « Appareils et instruments chirurgicaux, médicaux, dentaires et vétérinaires, membres, yeux et dents artificiels ; articles orthopédiques, prothèses, implants artificiels ; matériel de suture ; vêtements de contention, de compression ou de maintien à usage médical ».

4        Les causes invoquées à l’appui de la demande en nullité étaient celles visées à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du même règlement.

5        Le 28 juillet 2020, la division d’annulation a partiellement fait droit à la demande en nullité pour les produits compris dans la classe 3, à l’exception des « parfums, eaux de toilette, eau de Cologne, encens, eau de senteur ». Pour ces derniers produits et pour ceux compris dans la classe 10, l’enregistrement de la marque contestée a été maintenu.

6        Le 22 septembre 2020, l’intervenante a formé un recours, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation dans la mesure où cette dernière a accueilli partiellement la demande en nullité.

7        Le 25 septembre 2020, la requérante a formé un recours, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation dans la mesure où la demande en nullité a été rejetée pour les « parfums, eaux de toilette, eau de Cologne, encens, eau de senteur » compris dans la classe 3.

8        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours de la requérante, d’une part, et a partiellement accueilli le recours de l’intervenante, d’autre part. Premièrement, elle a considéré que le public pertinent se composait du grand public francophone qui se trouvait en France, en Belgique et au Luxembourg, faisant preuve d’un niveau d’attention moyen. Deuxièmement, elle a relevé que la combinaison des termes « bio » et « beauté » de la marque contestée au regard des produits destinés à améliorer l’apparence d’une personne était perçue comme fournissant des informations sur les produits, à savoir qu’ils étaient fabriqués de manière naturelle, à partir de matériaux naturels, dans des conditions respectueuses de la nature et de l’environnement. Ainsi, selon la chambre de recours, le signe revêt et revêtait à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée un caractère descriptif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 pour certains produits, dits de « beauté », relevant de la classe 3, en ce qu’il désigne une des caractéristiques visant à améliorer la beauté de manière naturelle et écologique. Troisièmement, la chambre de recours a considéré que la marque contestée, outre son caractère descriptif, revêtait une connotation promotionnelle, entrainant l’absence de caractère distinctif intrinsèque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b) du règlement 2017/1001. Quatrièmement, s’agissant des produits « Dentifrices, parfums, eaux de toilette, eau de Cologne ; huiles essentielles ; encens, eaux de senteur » compris dans la classe 3, la chambre de recours a considéré que la marque contestée n’était pas descriptive de ces produits étant donné qu’ils étaient destinés à nettoyer les dents ou à donner une odeur agréable et désirable et non pas à embellir l’apparence visuelle. Cinquièmement, elle a relevé que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par l’usage pour la plupart des produits relevant de la classe 3 pour lesquelles la marque contestée avait été identifiée comme étant descriptive et non distinctive. À cet égard, elle a considéré que les éléments de preuves produits par l’intervenante, dans le cadre du recours devant l’EUIPO, démontraient un usage continu de la marque entre 2008 et 2018 en France, en Belgique et au Luxembourg pour de nombreux produits de beauté. Enfin, la chambre de recours a ajouté que la mention additionnelle « by nuxe », qui accompagnait la marque contestée, était une simple indication du fait que les produits de la marque BIO‑BEAUTÉ étaient commercialisés par Nuxe, cela n’empêchant pas que le signe contesté soit reconnu en tant que marque.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement la décision attaquée ;

–        réformer la décision attaquée en ce qui concerne les « dentifrices ; huiles essentielles ; parfums, eaux de toilette, eau de Cologne ; encens, eaux de senteur » ;

–        réformer la décision attaquée en ce qui concerne les « cosmétiques ; désodorisants pour le corps ; extraits de plantes à usage cosmétique ; savons, laits de toilette ; crèmes, gels, laits, lotions, masques, pommades, poudres, sérums et préparations cosmétiques pour les soins de la peau ; produits cosmétiques antirides ; produits cosmétiques pour le soin des lèvres ; produits cosmétiques antisolaires, préparations cosmétiques pour le bronzage de la peau, produits cosmétiques après-solaires ; préparations cosmétiques pour l’amincissement ; produits épilatoires ; produits capillaires (préparations pour le soin des cheveux et du cuir chevelu) ; préparations cosmétiques pour le bain ; produits de maquillage et de démaquillage ; préparations pour le rasage et préparations après-rasage » ;

–        condamner l’intervenante aux dépens, y compris ceux exposés devant la chambre de recours et la division d’annulation.

10      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 26 décembre 2014, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p.1) (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

12      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leurs écritures aux dispositions du règlement 2017/1001 comme visant les dispositions, d’une teneur identique, du règlement no 207/2009.

13      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré, en substance, d’une part, d’une insuffisance de motivation découlant d’une contradiction dans la décision attaquée et, d’autre part, de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement, en ce que la chambre de recours a conclu que la marque contestée n’était pas descriptive pour les produits « Dentifrices ; huiles essentielles ; parfums, eaux de toilette, eau de Cologne ; encens, eaux de senteur » relevant de la classe 3. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement, en ce que la chambre de recours a considéré, à tort, que la marque contestée n’était pas dépourvue de caractère distinctif pour lesdits produits. Enfin, le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec son paragraphe 2 et avec l’article 7, paragraphe 3, du même règlement, en ce que la chambre de recours a considéré, à tort, que la marque contestée avait acquis, par l’usage, un caractère distinctif pour certains produits relevant de la classe 3.

14      Le Tribunal estime qu’il y a lieu, tout d’abord, de traiter la première branche du premier moyen, tirée d’un défaut de motivation découlant d’une contradiction dans la décision attaquée.

 Sur la première branche du premier moyen, tirée d’un défaut de motivation découlant d’une contradiction dans la décision attaquée

15      La requérante fait valoir que la décision attaquée est fondée sur une motivation contradictoire. En effet, la chambre de recours a constaté que la marque contestée était enregistrable pour des produits, à savoir les « parfums, eaux de toilette, eau de Cologne ; huiles essentielles ; encens, eaux de senteur » ainsi que les « dentifrices », dont la finalité était non seulement d’embellir, mais également de nettoyer ou de maintenir l’hygiène. En revanche, elle a estimé que la marque contestée était descriptive au regard « des désodorisants pour le corps », pourtant utilisés pour masquer les odeurs corporelles comme les « parfums », et pour les « produits de démaquillage » et les « savons », dont la finalité est le nettoyage au même titre que les « dentifrices ». Le fait pour la chambre de recours d’avoir ainsi scindé deux finalités, nettoyer et embellir, serait donc artificiel et aboutirait à une motivation contradictoire.

16      En réponse à la mesure d’organisation de la procédure du Tribunal portant sur l’existence d’une contradiction de motivation dans la décision attaquée en ce qui concerne l’examen du caractère descriptif de la marque BIO-BEAUTÉ à l’égard de certains produits relevant de la classe 3, l’EUIPO soutient que la motivation de la décision attaquée est exempte de contradictions. Selon lui, même si l’objectif de nettoyer est le même pour les « produits de démaquillage » et les « savons », d’une part, et pour les « dentifrices », d’autre part, il n’en reste pas moins que la marque est descriptive pour les premiers, qui sont liés entre eux, car ils sont des produits cosmétiques (les « savons » pouvant inclure les « savons à raser », les « savons pour la barbe » et les « savons démaquillants »), ce qui n’est pas le cas des « dentifrices ». En outre, il conteste que la seule finalité des « désodorisants pour le corps », à l’instar des « parfums », soit celle de prévenir ou de masquer les odeurs, en ce que les « désodorisants pour le corps » permettent aussi d’éviter la transpiration en gardant les aisselles sèches, alors que, selon lui, les « parfums » ont pour fonction d’améliorer l’odeur dégagée par la personne qui les utilise.

17      En réponse à ladite mesure d’organisation de la procédure, l’intervenante soutient, en substance, que la motivation de la décision attaquée ne présente pas de contradictions et montre que la chambre de recours a voulu adopter une appréciation spécifique, et non générale, s’agissant de la nature et des caractéristiques des produits en cause.

18      Conformément à l’article 75, première phrase, du règlement no 207/2009 (devenu article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001), les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation de motivation, découlant aussi de l’article 296 TFUE, a fait l’objet d’une jurisprudence constante selon laquelle la motivation doit faire apparaitre de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de manière à permettre, d’une part, aux intéressés un exercice effectif de leur droit à demander un contrôle juridictionnel de la décision qui est attaquée et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. Toutefois, les chambres de recours ne sont pas obligées, dans la motivation des décisions qu’elles sont amenées à adopter, de prendre position sur tous les arguments que les intéressés invoquent devant elles. Il suffit qu’elles exposent les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision [voir arrêt du 21 février 2018, Laboratoire Nuxe/EUIPO – Camille et Tariot (NYouX), T‑179/17, non publié, EU:T:2018:89, point 20 et jurisprudence citée].

19      Ensuite, il y a lieu de rappeler que la motivation d’une décision doit être logique et, notamment, ne pas présenter de contradiction interne entravant la bonne compréhension des raisons sous-tendant cette décision (voir arrêt du 21 février 2018, NYouX, T‑179/17, non publié, EU:T:2018:89, point 21 et jurisprudence citée).

20      En l’espèce, la chambre de recours a, tout d’abord, constaté que la marque contestée était composée de deux mots, à savoir « bio » et « beauté », séparés par un trait d’union. Elle a constaté, au point 49 de la décision attaquée, que, utilisée en rapport avec des produits pour les soins du corps, la toilette et la beauté, la marque contestée prise dans son ensemble était perçue comme fournissant des informations selon lesquelles ces produits étaient fabriqués de manière naturelle, à partir de matériaux naturels, dans des conditions respectueuses de la nature et de l’environnement. Elle a considéré, par ailleurs, au point 50 de la décision attaquée, que la marque contestée était descriptive des « produits de beauté », qui pouvaient être également considérés comme des « cosmétiques ». Elle a ajouté, au point 51 de la décision attaquée, que le mot anglais « cosmetic » était traduit par « cosmétique, produit de beauté » et que le mot « cosmétique » était défini par le dictionnaire Larousse comme « toute préparation non médicamenteuse destinée aux soins du corps, à la toilette, à la beauté ».

21      Ensuite, la chambre de recours a constaté, au point 52 de la décision attaquée, que la marque contestée était descriptive pour certains produits relevant de la classe 3, et notamment pour les « désodorisants pour le corps », les « savons », les « produits de démaquillage », les « cotons à usage cosmétique » et les « bâtonnets ouatés à usage cosmétique, les disques à démaquiller ».

22      Toutefois, au point 53 de la décision attaquée, la chambre de recours, en examinant le caractère descriptif de la marque contestée par rapport à d’autres produits relevant de la classe 3, à savoir les « parfums, eaux de toilette, eau de Cologne ; huiles essentielles ; encens, eaux de senteur » ainsi que les « dentifrices », a déduit que, pour ces derniers, la marque contestée était dépourvue de caractère descriptif, en ce qu’ils étaient conçus, non pour embellir, mais, d’une part, pour donner une odeur agréable et désirable au corps d’une personne ou à son cadre de vie et, d’autre part, pour nettoyer les dents afin de maintenir l’hygiène buccale.

23      Il y a lieu de constater que cette appréciation de la chambre de recours se fonde sur une motivation contradictoire.

24      En effet, la chambre de recours a considéré, au point 53 de la décision attaquée, que les produits relevant de la classe 3, désignés au point 22 ci-dessus, au regard desquels elle n’a pas reconnu de caractère descriptif de la marque contestée, étaient conçus « pour donner une odeur agréable et désirable au corps, que ce soit au corps d’une personne ou à son cadre de vie [ou pour] nettoyer les dents afin de maintenir l’hygiène buccale ». Or, une telle finalité ne diffère pas, en substance, de celle des produits désignés au point 21 ci-dessus, tels que les « désodorisants pour le corps », les « savons » ou encore les « produits de démaquillages », au regard desquels elle a, en revanche, reconnu un caractère descriptif de la marque contestée.

25      Par ailleurs, il convient également de relever que ce même point de la décision attaquée, en ce qu’il se fonde sur la finalité des produits désignés au point 22 ci-dessus, sans toutefois opérer une distinction entre ceux-ci, ne permet pas de comprendre de quelle manière la marque contestée n’est pas descriptive de chaque produit.

26      Ainsi, en raison de telles contradictions dans sa motivation, la décision attaquée ne permet pas de comprendre pourquoi la chambre de recours a apprécié de façon différente le caractère descriptif de la marque contestée pour les « désodorisants pour le corps », les « savons », les « produits de démaquillage », les « cotons à usage cosmétique » et les « bâtonnets ouatés à usage cosmétique, les disques à démaquiller » relevant de la classe 3, considérés comme étant des produits de beauté, d’une part, et les produits, relevant de la même classe, « parfums, eaux de toilette, eau de Cologne ; huiles essentielles ; encens, eaux de senteur » et les « dentifrices », d’autre part.

27      Partant, il y a lieu d’annuler la décision attaquée pour une insuffisance de motivation découlant d’une contradiction dans la décision attaquée, en ce qui concerne les « parfums, eaux de toilette, eau de Cologne ; huiles essentielles ; encens, eaux de senteur » et les « dentifrices », sans qu’il soit besoin d’examiner la seconde branche du premier moyen ni le deuxième moyen.

28      En revanche, dans la mesure où la décision attaquée n’est annulée qu’en ce qui concerne les « parfums, eaux de toilette, eau de Cologne ; huiles essentielles ; encens, eaux de senteur » et les « dentifrices », il convient d’examiner le troisième moyen.

29      S’agissant du chef de conclusions de la requérante visant à la réformation de la décision attaquée en ce qui concerne lesdits produits, il y a lieu de rappeler que le pouvoir de réformation reconnu au Tribunal n’a pas pour effet de conférer à celui‑ci le pouvoir de substituer sa propre appréciation à celle de la chambre de recours et, pas davantage, de procéder à une appréciation sur laquelle ladite chambre n’a pas encore pris position. L’exercice d’un tel pouvoir doit par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72).

30      En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 27 ci-dessus, dans la mesure où le raisonnement de la chambre de recours relatif aux « parfums, eaux de toilette, eau de Cologne, huiles essentielles ; encens, eaux de senteur » et aux « dentifrices » est entaché d’une contradiction de motivation, le Tribunal ne dispose pas de tous les éléments pour prendre la décision que la chambre de recours aurait dû prendre [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 23 septembre 2020, Polfarmex/EUIPO – Kaminski (SYRENA), T‑677/19, non publié, EU:T:2020:424, point 132]. Il s’ensuit que les conditions de la réformation ne sont pas réunies en l’espèce, de sorte qu’il convient de rejeter la demande de la requérante en ce sens et, par conséquent, le deuxième chef de conclusions de la requête.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec son paragraphe 2 et l’article 7, paragraphe 3, du même règlement

31      Dans le cadre de son troisième moyen, la requérante soutient que la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, en concluant, à tort, que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par l’usage pour les produits « cosmétiques ; désodorisants pour le corps ; extraits de plantes à usage cosmétique ; savons, laits de toilette ; crèmes, gels, laits, lotions, masques, pommades, poudres, sérums et préparations cosmétiques pour les soins de la peau ; produits cosmétiques antirides ; produits cosmétiques pour le soin des lèvres ; produits cosmétiques antisolaires, préparations cosmétiques pour le bronzage de la peau, produits cosmétiques après-solaires ; préparations cosmétiques pour l’amincissement ; produits épilatoires ; produits capillaires (préparations pour le soin des cheveux et du cuir chevelu) ; préparations cosmétiques pour le bain ; produits de maquillage et de démaquillage ; préparations pour le rasage et préparations après-rasage » compris dans la classe 3.

32      À cet égard, tout d’abord, la requérante considère que la chambre de recours n’a pas tenu compte de tous les territoires pertinents dans lesquels l’acquisition par l’usage du caractère distinctif devait être prouvée, en ce qu’elle n’a pas tenu compte de la région italienne de la Vallée d’Aoste où le français est une langue minoritaire. Ensuite, la requérante soutient que, malgré les copieux éléments de preuve produits par l’intervenante pour démontrer que la marque contestée a acquis un caractère distinctif par l’usage depuis son enregistrement, ceux-ci, d’une part, ne se réfèrent pas aux territoires de l’Union pertinents et, d’autre part, n’ont pas suffisamment ou n’ont pas du tout de valeur probante. Enfin, la requérante soutient que l’intervenante n’a pas démontré que le signe BIO‑BEAUTÉ permettait, à lui seul, et non avec la mention additionnelle « by nuxe », d’identifier l’entreprise déterminée dont provenaient les produits en cause.

33      Premièrement, l’EUIPO fait valoir que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que, dans la mesure où l’absence de caractère distinctif a été confirmée sur la base de la perception du public francophone en France, en Belgique et au Luxembourg, ce sont ces territoires qui doivent être pris en considération pour analyser l’éventuelle acquisition du caractère distinctif de la marque contestée. En outre, l’intervenante soutient que, au sens de la jurisprudence, elle était tenue de prouver qu’au moins une fraction significative du public francophone identifie grâce à la marque BIO‑BEAUTÉ les produits en cause comme provenant d’une entreprise déterminée.

34      Deuxièmement, l’EUIPO et l’intervenante soutiennent que, au vu de l’ensemble des éléments de preuve, la chambre de recours a pu conclure, à juste titre, que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif pour les produits en cause en ce que les éléments de preuve produits par l’intervenante étaient suffisants pour démontrer une intensité d’usage élevée, à long terme, de la marque contestée sur les territoires pertinents.

35      Troisièmement, l’EUIPO et l’intervenante allèguent que la marque contestée est présentée d’une manière proéminente par rapport à la mention additionnelle « by nuxe ». Ainsi, de par sa position et sa taille, la marque contestée occupe une position clairement dominante, ce qui permet de conclure qu’elle ne passera pas inaperçue auprès du public pertinent lorsqu’elle sera lue en combinaison avec ladite mention additionnelle. En outre, l’EUIPO soutient que l’élément « by nuxe » est insignifiant pour la marque contestée, qui est une marque complexe et qui, complétée par cet ajout, sera perçue comme une variante globalement équivalente à la marque contestée.

36      En vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, les motifs absolus de refus, visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), de ce même règlement, ne s’opposent pas à l’enregistrement d’une marque si celle-ci a acquis, pour les produits ou les services pour lesquels l’enregistrement est demandé, un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.

37      À cet égard, en premier lieu, l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage d’une marque exige qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie grâce à la marque les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée. Cette identification doit être effectuée grâce à l’usage du signe en tant que marque et, donc, grâce à la nature et à l’effet de celui-ci, qui le rendent propre à distinguer les produits ou les services concernés de ceux d’autres entreprises [voir arrêt du 29 septembre 2010, CNH Global/OHMI (Combinaison des couleurs rouge, noire et grise pour un tracteur), T‑378/07, EU:T:2010:413, points 28 et 29 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt du 7 juillet 2005, Nestlé, C‑353/03, EU:C:2005:432, points 26 et 29].

38      En deuxième lieu, pour qu’une marque puisse être enregistrée sur le fondement de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque doit être démontré dans la partie de l’Union européenne où elle en était dépourvue au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), de ce même règlement (voir arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, point 75 et jurisprudence citée).

39      En troisième lieu, l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage doit avoir eu lieu antérieurement au dépôt de la demande (voir arrêt du 29 septembre 2010, Combinaison des couleurs rouge, noire et grise pour un tracteur, T‑378/07, EU:T:2010:413, point 34 et jurisprudence citée).

40      En quatrième lieu, il y a lieu de relever qu’il ressort de la jurisprudence que, pour déterminer si le signe en question a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait, il faut apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que la marque est devenue apte à identifier les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée et, donc, à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Aux fins de cette appréciation, peuvent être prises en considération, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie les produits ou les services comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles (voir arrêt du 29 septembre 2010, Combinaison des couleurs rouge, noire et grise pour un tracteur, T‑378/07, EU:T:2010:413, points 31 et 32 et jurisprudence citée).

41      En outre, aux fins d’apprécier si une marque a acquis un caractère distinctif par l’usage, il y a lieu de tenir compte également de toutes les circonstances dans lesquelles le public pertinent est mis en présence de cette marque. Tel est le cas non seulement au moment de la décision d’achat, mais aussi avant ce moment, par exemple par le biais de la publicité, et au moment où le produit est consommé (arrêt du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑24/05 P, EU:C:2006:421, point 71).

42      En cinquième lieu, le caractère distinctif d’un signe, y compris celui acquis par l’usage qui en a été fait, doit être apprécié par rapport, d’une part, aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et, d’autre part, à la perception présumée d’un consommateur moyen de la catégorie des produits ou des services en cause, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [voir arrêt du 28 octobre 2009, BCS/OHMI – Deere (Combinaison des couleurs verte et jaune), T‑137/08, EU:T:2009:417, point 29 et jurisprudence citée].

43      Enfin, il convient de rappeler que la charge de la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage en application de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, et de l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement, repose sur le titulaire de la marque en cause [voir, en ce sens, arrêt du 4 avril 2019, Stada Arzneimittel/EUIPO (Représentation de deux arches opposées), T‑804/17, non publié, EU:T:2019:218, point 49 et jurisprudence citée].

44      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a erronément considéré que la marque contestée pouvait être enregistrée en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, lu conjointement à l’article 52, paragraphe 1, sous a) du même règlement.

45      En l’espèce, la chambre de recours a estimé que les éléments de preuve produits par l’intervenante devant les instances de l’EUIPO étaient suffisants et permettaient d’établir que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par l’usage pour certains produits relevant de la classe 3, à savoir les « cosmétiques ; désodorisants pour le corps ; extraits de plantes à usage cosmétique ; savons, laits de toilette ; crèmes, gels, laits, lotions, masques, pommades, poudres, sérums et préparations cosmétiques pour les soins de la peau ; produits cosmétiques antirides ; produits cosmétiques pour le soin des lèvres ; produits cosmétiques antisolaires, préparations cosmétiques pour le bronzage de la peau, produits cosmétiques après-solaires ; préparations cosmétiques pour l’amincissement ; produits épilatoires ; produits capillaires (préparations pour le soin des cheveux et du cuir chevelu) ; préparations cosmétiques pour le bain ; produits de maquillage et de démaquillage ; préparations pour le rasage et préparations après-rasage » sur les territoires français et luxembourgeois ainsi que dans une partie du territoire belge.

46      En particulier, il convient de relever que la chambre de recours s’est fondée, afin d’établir l’acquisition d’un tel caractère distinctif de la marque contestée, sur les éléments de preuve, produits par l’intervenante au cours de la procédure devant l’EUIPO, suivants :

–        des prix décernés à certains produits portant la marque NUXE ainsi que des prix décernés à des produits portant la marque BIO‑BEAUTÉ en France entre 2008 et 2014 et à l’international entre 2010 à 2017 (pièces nos 1, 5, 8 et 12) ;

–        le premier enregistrement de la marque BIO‑BEAUTÉ datant de 1999 et les dépôts de la marque BIO‑BEAUTÉ depuis 2008 (pièces nos 2 et 3) ;

–        des affiches de lignes de produits portant la marque BIO-BEAUTÉ datant de 2017 (pièce no 4) ;

–        des extraits d’un site Internet sur l’histoire de la marque BIO‑BEAUTÉ et des produits portant cette marque ainsi que des archives de différents sites Internet relatifs à la marque BIO‑BEAUTÉ concernant le Portugal, le Luxembourg, la Hongrie, la Slovénie, les Pays‑Bas, la Croatie, l’Irlande, Malte, l’Italie, l’Autriche, le Royaume-Uni, la Grèce et la Lettonie (pièces nos 7 et 10) ;

–        des enquêtes sur l’utilisation de la marque BIO-BEAUTÉ au Royaume-Uni, en Allemagne, en Croatie, en Estonie, en Grèce, en Hongrie, en Irlande, en Italie, en Lettonie, en Lituanie, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Pologne, au Portugal, en Espagne et en Roumanie (pièce no 9) ;

–        des articles de presse datant de 2007 à 2018, publiés en Finlande, au Danemark, en Suède, en Slovénie, en Bulgarie, en Espagne, en France et en Belgique (pièces nos 11 et 18) ;

–        un rapport sur les médias sociaux couvrant la période de 2011 à 2019 montrant le nombre de publications dans lesquelles apparaissent des produits portant la marque BIO‑BEAUTÉ ainsi que des jeux concours sur Facebook datant de 2016, de 2017 et de 2018 (pièces nos 13 et 16) ;

–        une liste des magazines les plus lus en France en 2019 ainsi qu’un classement des magazines féminins pour la même année (pièces nos 14 et 15) ;

–        les différents magasins de vente de produits portant la marque NUXE (pièce no 17) ;

–        des images des produits portant la marque BIO‑BEAUTÉ vendus en Belgique et au Luxembourg (pièce no 20) ;

–        les volumes des ventes des produits portant la marque BIO‑BEAUTÉ en Belgique et au Luxembourg pour la période allant de 2009 à 2019, les investissements dans les médias concernant les produits portant la marque BIO‑BEAUTÉ pour la période allant de 2008 à 2017 ainsi que les valeurs et les volumes des produits portant la marque BIO‑BEAUTÉ vendus entre 2009 et 2017 en France (pièces nos 19, 21 et 22).

47      En premier lieu, s’agissant de la détermination du public pertinent et de son niveau d’attention, il y a lieu de constater que la chambre de recours a considéré que les produits « cosmétiques ; désodorisants pour le corps ; extraits de plantes à usage cosmétique ; savons, laits de toilette ; crèmes, gels, laits, lotions, masques, pommades, poudres, sérums et préparations cosmétiques pour les soins de la peau ; produits cosmétiques antirides ; produits cosmétiques pour le soin des lèvres ; produits cosmétiques antisolaires, préparations cosmétiques pour le bronzage de la peau, produits cosmétiques après-solaires ; préparations cosmétiques pour l’amincissement ; produits épilatoires ; produits capillaires (préparations pour le soin des cheveux et du cuir chevelu) ; préparations cosmétiques pour le bain ; produits de maquillage et de démaquillage ; préparations pour le rasage et préparations après-rasage » s’adressaient au grand public dont le niveau d’attention était moyen.

48      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel, d’une part, de façon générale, les preuves produites par l’intervenante démontrant que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par l’usage depuis son enregistrement ne se référaient pas aux territoires de l’Union pertinents, à savoir la France, la Belgique et le Luxembourg, et, d’autre part, en particulier, la chambre de recours n’aurait pas tenu compte du territoire de la région italienne de la Vallée d’Aoste dans lequel l’acquisition d’un caractère distinctif devait être également prouvée en ce que le français y est une langue minoritaire, il convient de rappeler que, pour que soit admis l’enregistrement d’une marque en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque doit être démontré dans la partie de l’Union où elle en était dépourvue ab initio au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), dudit règlement. La partie de l’Union visée à l’article 7, paragraphe 2, du même règlement peut être constituée, le cas échéant, d’un seul État membre (arrêt du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, EU:C:2006:422, point 83).

49      En outre, bien qu’il ne soit pas nécessaire, aux fins de l’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 d’une marque dépourvue ab initio de caractère distinctif dans l’ensemble des États membres de l’Union, que la preuve soit rapportée, pour chaque État membre pris individuellement, de l’acquisition par cette marque d’un caractère distinctif par l’usage, les preuves rapportées doivent permettre de démontrer une telle acquisition dans l’ensemble des États membres de l’Union (arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, point 83).

50      En l’espèce, il y a lieu de relever que l’intervenante a produit des éléments de preuve au regard des territoires pertinents, à savoir ceux de la France, de la Belgique et du Luxembourg, mais également au regard d’autres États membres de l’Union, à savoir le Portugal, la Hongrie, la Slovénie, les Pays-Bas, la Croatie, l’Irlande, Malte, l’Italie, l’Autriche, la Grèce, la Lettonie, l’Allemagne, l’Estonie, la Lituanie, la Pologne, l’Espagne, la Roumanie, le Danemark, la Suède et la Bulgarie, ainsi que le démontrent les pièces nos 7, 9, 10, 11 et 18 produites par l’intervenante et décrites au point 46 ci-dessus. Dès lors, il convient de constater que les preuves rapportées permettaient de démontrer l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage dans l’ensemble des États membres, au sens de la jurisprudence citée au point 49 ci-dessus, sans qu’il soit nécessaire d’en apporter la preuve pour la région italienne de la Vallée d’Aoste.

51      En troisième lieu, il convient de répondre à l’argument de la requérante selon lequel l’intervenante n’a pas démontré que le signe BIO‑BEAUTÉ permettait, à lui seul, et non avec la mention additionnelle « by nuxe », d’identifier l’entreprise déterminée dont provenaient les produits en cause, dans la mesure où cela permet de définir l’objet de la preuve que l’intervenante devait rapporter afin de démontrer que le signe contesté avait acquis un caractère distinctif par l’usage.

52      À cet égard, il convient de rappeler que l’acquisition d’un caractère distinctif peut résulter aussi bien de l’usage, en tant que partie d’une marque enregistrée, d’un élément de celle-ci que de l’usage d’une marque distincte en combinaison avec une marque enregistrée. Dans les deux cas, il suffit que, en conséquence de cet usage, les milieux intéressés perçoivent effectivement le produit ou le service, désigné par la seule marque contestée, comme provenant d’une entreprise déterminée (arrêt du 17 juillet 2008, L & D/OHMI, C‑488/06 P, EU:C:2008:420, point 49 ; voir également, par analogie, arrêt du 7 juillet 2005, Nestlé, C‑353/03, EU:C:2005:432, point 30). Ainsi, indépendamment de la question de savoir si l’usage concerne un signe en tant que partie d’une marque enregistrée ou en combinaison avec celle-ci, la condition essentielle est que, en conséquence de cet usage, le signe puisse désigner, dans l’esprit des milieux intéressés, les produits sur lesquels il portait comme provenant d’une entreprise déterminée (voir, par analogie, arrêt du 16 septembre 2015, Société des Produits Nestlé, C‑215/14, EU:C:2015:604, point 65).

53      Premièrement, la chambre de recours a relevé que les pièces nos 2 et 3 montraient que la marque BIO-BEAUTÉ avait été enregistrée pour la première fois en France en 1999 et que la pièce no 7 montrait que les produits spécifiques vendus sous la marque contestée dataient de 2008 et étaient des produits naturels pour les soins de la peau. Puis, elle a ajouté que certains éléments de preuve, à savoir les pièces nos 4, 9, 11, 16, 18, 19, 20 et 22, démontraient un usage continu de la marque au cours de la période allant de 2008 à 2018 en France, en Belgique et au Luxembourg pour une large gamme de produits de beauté. Deuxièmement, la chambre de recours a considéré que le grand nombre d’articles de presse ainsi que les exemples d’usage figurant dans les pièces nos 11, 16, 18 et 20 démontraient que la marque contestée était utilisée et promue dans des magazines, comme le prouvaient les pièces nos 14 et 15, dans lesdits pays. Selon la chambre de recours, ces éléments de preuve démontraient que la marque contestée n’était pas utilisée de manière descriptive sur les emballages des produits concernés ou dans les publicités et que, au contraire, il était clair que le signe était utilisé par l’intervenante de manière constante depuis le début de 2008. En outre, la chambre de recours soutient que la marque contestée est toujours utilisée avec le symbole « ® » et qu’elle est toujours en caractères bien plus grands et frappants que l’expression « by nuxe ». Ainsi, cette expression, en tant que mention additionnelle, sera perçue par le public pertinent comme une indication du fait que les produits de la marque BIO-BEAUTÉ sont commercialisés par Nuxe.

54      Troisièmement, la chambre de recours a considéré que les pièces nos 19, 21 et 22 dans lesquelles figuraient les volumes des ventes et les chiffres liés à la publicité pour la France, la Belgique et le Luxembourg, pour la période allant de 2009 à 2019, confirmaient que la marque avait été utilisée pendant toutes ces années. Plus particulièrement, en France, en s’appuyant sur la pièce no 22, la chambre de recours a considéré que les tableaux de classification des marques de produits cosmétiques d’origine naturelle sélectionnés par la société indépendante IQVIA montraient que, pendant toutes ces années, la marque contestée figurait parmi les trois premières marques de produits cosmétiques d’origine naturelle qui avaient connu le plus de succès en termes de valeur ou de volume.

55      La requérante, quant à elle, soutient, premièrement, que, les enregistrements figurant dans les pièces nos 2 et 3 n’ayant pas été obtenus sur la base du caractère distinctif acquis, ils n’auraient pas dû être pris en compte par la chambre de recours dans le cadre de son appréciation des éléments de preuve. Deuxièmement, s’agissant des prix décernés mentionnés dans les pièces nos 5 et 8, la requérante estime qu’il s’agit de listes, dressées par l’intervenante, de prix décernés aux produits de la marque BIO-BEAUTÉ accompagnée de l’expression « by nuxe » et que leur crédibilité ainsi que leur exactitude sont douteuses. Troisièmement, s’agissant des articles de presse figurant dans les pièces nos 11 et 18, la requérante allègue que seule une partie de ces pièces se réfère à la Belgique et à la France et qu’elle fait référence à de la publicité pour les produits portant la marque BIO‑BEAUTÉ accompagnée de l’expression « by nuxe ». Quatrièmement, elle souligne que les quatre jeux concours sur Facebook mentionnés dans la pièce no 16, ont été organisés par Nuxe en 2016, en 2017 et en 2018 et toujours pour des produits portant la marque BIO‑BEAUTÉ accompagnée de l’expression « by nuxe ».

56      Cinquièmement, selon la requérante, la pièce no 19 contient un graphique relatif aux volumes des ventes au Luxembourg et en Belgique entre 2009 et 2019 élaboré par l’intervenante. À cet égard, elle soutient que, au sens de la jurisprudence, du fait que cette déclaration émane d’une personne liée par une relation de travail à l’intervenante, elle ne saurait, à elle seule, constituer une preuve suffisante de l’acquisition par l’usage du caractère distinctif de la marque contestée et doit être corroborée par d’autres éléments de preuve. Sixièmement, elle relève que la pièce no 20 contient des photographies de produits portant la marque BIO‑BEAUTÉ accompagnée de l’expression « by nuxe » en Belgique et en France, sans qu’il soit possible de distinguer lesquelles ont été prises dans l’un ou l’autre pays. La requérante ajoute que ces images, à elles seules, ne suffisent pas à démontrer que la marque contestée a acquis un tel caractère distinctif par l’usage. Septièmement, s’agissant de la pièce no 21, à savoir deux tableaux dans lesquels figurent des montants investis par l’intervenante dans la publicité pour la marque BIO‑BEAUTÉ accompagnée de l’expression « by nuxe », la requérante soutient que ce document n’est pas officiel, que les chiffres ne sont pas ventilés par marché et que, par conséquent, la valeur probante de ce document doit être considérée comme très faible. Huitièmement, la requérante relève que les tableaux contenus dans la pièce no 22 ont été également réalisés par l’intervenante en se basant sur des données prétendument fournies par IQVIA mais qu’il n’y a pas de document officiel confirmant que les informations figurant dans lesdits tableaux proviennent d’IQVIA. En outre, la requérante met en avant le fait que rien n’indique dans ces tableaux que les chiffres concernent le territoire français. Enfin, la requérante estime que la seule preuve qui fait réellement référence au Luxembourg est la pièce no 10, dans laquelle figurent trois captures d’écran de deux sites Internet luxembourgeois. En conclusion, la requérante soutient que les éléments de preuve produits par l’intervenante ne permettent pas d’établir le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée, ces documents prouvant, tout au plus, l’existence d’un usage sérieux sur les territoires français, belge et luxembourgeois.

57      Il ressort de la jurisprudence citée aux points 40 et 41 ci-dessus que les éléments de preuve doivent être appréciés globalement. Il en ressort également que, dans le cadre de cette appréciation globale, certains éléments de preuve sont considérés comme jouissant d’une force probante plus importante que d’autres. En particulier, les chiffres de ventes et le matériel publicitaire ne peuvent être considérés que comme des preuves secondaires qui peuvent corroborer, le cas échéant, les preuves directes du caractère distinctif acquis par l’usage, telles qu’elles sont rapportées par des enquêtes ou des études de marché ainsi que par des déclarations d’associations professionnelles [voir arrêt du 7 décembre 2017, Colgate-Palmolive/EUIPO (360°), T‑332/16, non publié, EU:T:2017:876, point 46 et jurisprudence citée]. En l’espèce, il y a lieu de constater que la chambre de recours, au sens de la jurisprudence citée ci-dessus, a apprécié les éléments de preuve globalement.

58      Il convient de constater que l’intervenante a produit, pour l’essentiel, des éléments de preuve qui, au sens de la jurisprudence citée au point 40 ci-dessus, sont susceptibles d’avoir une valeur probante moins importante que d’autres. Ainsi, premièrement, s’agissant du premier enregistrement de la marque BIO‑BEAUTÉ en 1999 et des dépôts de ladite marque depuis 2008 (pièces nos 2 et 3) produits par l’intervenante pour montrer la durée de l’usage, des articles de presse (pièces nos 11 et 18) ainsi que tous les documents pouvant être considérés comme promotionnels, à savoir les images des produits concernés associés à la marque contestée (pièces nos 4 et 20), un rapport sur les médias sociaux (pièce no 13), les jeux concours sur Facebook (pièce no 16), ainsi que les volumes des ventes (pièce no 19), il y a lieu de constater que, au sens de la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus, la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage ne saurait être apportée par la seule production des volumes des ventes et du matériel publicitaire. En particulier, le matériel publicitaire ne peut être considéré que comme une preuve secondaire qui peut corroborer, le cas échéant, les preuves directes du caractère distinctif acquis par l’usage. En effet, le matériel publicitaire en tant que tel ne démontre pas que le public visé par les produits ou les services en cause perçoit le signe comme une indication d’origine commerciale [arrêts du 12 septembre 2007, Glaverbel/OHMI (Texture d’une surface de verre), T‑141/06, non publié, EU:T:2007:273, point 41, et du 24 février 2016, Coca-Cola/OHMI (Forme d’une bouteille à contours sans cannelures), T‑411/14, EU:T:2016:94, point 84].

59      Toutefois, il y a également lieu de constater que l’intervenante a produit des éléments de preuve qui, au sens de la jurisprudence citée aux points 40 et 57 ci-dessus, permettent, en ce qu’ils sont considérés comme étant des preuves directes, de démontrer l’acquisition par l’usage du caractère distinctif de ladite marque contestée. En effet, les investissements de l’intervenante dans le domaine publicitaire (pièce no 21), les valeurs et volumes des ventes des produits entre 2009 et 2017 (pièce no 22) ainsi que les enquêtes sur l’utilisation de la marque BIO-BEAUTÉ (pièce no 9) suffisent à constater, en l’espèce, que les éléments de preuve produits par l’intervenante, pris dans leur ensemble, sont suffisants afin de démontrer le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée. En outre, il y a lieu de relever que la chambre de recours a considéré, à juste titre, que lesdits éléments de preuve permettaient également de démontrer que le signe contesté était utilisé, sur les territoires pertinents, de manière constante depuis 2008, et, dès lors, de démonter une certaine durée de l’usage au sens de la jurisprudence.

60      Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’intervenante n’a pas démontré que le signe BIO‑BEAUTÉ permettait, à lui seul, et non avec la mention additionnelle « by nuxe », d’identifier l’entreprise déterminée dont provenaient les produits en cause, il y a lieu de rappeler la jurisprudence citée au point 52 ci-dessus, selon laquelle, indépendamment de la question de savoir si l’usage concerne un signe en tant que partie d’une marque enregistrée ou en combinaison avec celle-ci, la condition essentielle est que, en conséquence de cet usage, le signe puisse désigner, dans l’esprit des milieux intéressés, les produits sur lesquels il portait comme provenant d’une entreprise déterminée. En l’espèce, il y a lieu de constater que le signe contesté désigne bien, dans l’esprit des milieux intéressés, les produits en cause comme provenant d’une entreprise déterminée, à savoir Nuxe. En effet, à l’instar de la chambre de recours, il y a lieu de constater que le signe contesté est toujours utilisé en combinaison direct avec le symbole « ® » et toujours présenté dans une police de caractères beaucoup plus grande que l’expression « by nuxe ». Par conséquent, ladite expression apparait comme la simple indication que les produits en cause sont commercialisés par la société Nuxe, n’enlevant rien au fait que BIO-BEAUTÉ est reconnue comme une marque qui a acquis un caractère distinctif par l’usage qui en a été fait.

61      Il s’ensuit que l’intervenante a rapporté la preuve de l’acquisition d’un caractère distinctif par la marque contestée dans l’ensemble de l’Union et que la chambre de recours a conclu, à juste titre, que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif après l’usage qui en avait été fait au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 pour les produits concernés.

62      Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le troisième moyen ainsi que, par voie de conséquence, le troisième chef de conclusions de la requérante visant à ce que la décision attaquée soit réformée pour les produits en cause dans le cadre de ce moyen.

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

64      En l’espèce, la requérante, l’EUIPO et l’intervenante ont, respectivement, partiellement succombé en leurs conclusions, dans la mesure où la décision attaquée est partiellement annulée. Par conséquent, il y a lieu d’ordonner que chaque partie supporte ses propres dépens.

65      En outre, la requérante a également conclu à ce que l’intervenante soit condamnée à lui rembourser les dépens exposés devant la chambre de recours et la division d’annulation. À cet égard, il ressort de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure que seuls les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme récupérables. En revanche, les frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’annulation ne constituent pas des dépens récupérables, de sorte que, dans cette mesure, la demande de la requérante ne saurait prospérer.

66      Dès lors, d’une part, les conclusions de la requérante doivent être rejetées en ce qu’elles tendent à la condamnation de l’intervenante aux dépens exposés devant la division d’annulation. D’autre part, en ce que la demande de la requérante concerne les dépens de la procédure devant la chambre de recours, il appartiendra à cette dernière de statuer, à la lumière du présent arrêt, sur les frais afférents à cette procédure [voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2019, Inditex/EUIPO – Ffauf Italia (ZARA), T‑269/18, non publié, EU:T:2019:306, point 88 et jurisprudence citée].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 28 septembre 2021 (affaires jointes R 1871/2020-4 et R 1891/2020-4) est annulée en ce qu’elle concerne les « parfums, eaux de toilette, eau de Cologne ; huiles essentielles ; encens, eaux de senteur » et les « dentifrices ».

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens exposés au cours de la procédure devant le Tribunal.

Spielmann

Mastroianni

Gâlea

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 mars 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.