Language of document : ECLI:EU:T:2005:116

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
5 avril 2005


Affaire T-376/03


Michel Hendrickx

contre

Conseil de l’Union européenne

« Fonctionnaires – Concours interne – Non‑admission aux épreuves orales – Exigence de connaissances linguistiques spécifiques – Principe d’égalité de traitement – Accès aux documents du Conseil – Obligation de motivation »

Objet:      Recours ayant pour objet, d’une part, l’annulation de la décision du jury du concours Conseil/A/270 d’attribuer au requérant une note éliminatoire pour l’épreuve écrite A.3 et de ne pas l’admettre aux épreuves orales et, d’autre part, la condamnation du Conseil à payer un euro symbolique en indemnisation du préjudice moral subi.

Décision:      Le recours est rejeté. Chacune des parties supportera ses propres dépens.


Sommaire


1.      Fonctionnaires – Concours – Conditions d'admission – Égalité de traitement – Exigence de connaissances linguistiques spécifiques – Admissibilité

2.      Fonctionnaires – Concours – Appréciation des mérites des candidats – Droit d’accès du public aux documents – Exclusion en raison du secret des travaux du jury

(Art. 255, § 1, CE ; statut des fonctionnaires, annexe III, art. 6 ; règlement du Parlement et du Conseil n° 1049/2001)

3.      Fonctionnaires – Recours – Moyens – Insuffisance de motivation – Constatation d'office

4.      Fonctionnaires – Concours – Jury – Élimination d’un candidat – Obligation de motivation – Portée – Respect du secret des travaux

(Statut des fonctionnaires, art. 25; annexe III, art. 6)


1.      S’agissant des connaissances linguistiques posées par un avis de concours, d’une part, l’intérêt du service peut justifier qu’il soit exigé des connaissances linguistiques spécifiques dans certaines langues des Communautés et, d’autre part, l’article 28, sous f), du statut, qui ne fait qu’établir une exigence minimale en ce domaine, n’interdit pas à l’autorité investie du pouvoir de nomination d’imposer une exigence plus stricte, du moment que cela est justifié par des raisons fonctionnelles et que ce niveau d’exigence s’impose à tous les candidats.

C’est pourquoi doit être admis, dans une institution qui utilise principalement le français et l’anglais, un avis de concours pour des emplois d’administrateurs qui prévoit que les candidats doivent posséder une maîtrise parfaite d’une des langues officielles des Communautés européennes, que, pour des raisons fonctionnelles, une très bonne connaissance soit de l’anglais, soit du français, ainsi qu’une connaissance suffisante de l’autre de ces deux langues, est exigée et que les candidats ayant choisi le français ou l’anglais comme langue dont ils possèdent une maîtrise parfaite devront avoir une très bonne connaissance de l’autre de ces deux langues, ainsi qu’une connaissance suffisante d’une troisième langue officielle des Communautés européennes.

Ces exigences réalisent, en effet, une conciliation entre les besoins fonctionnels de l’institution et la nécessité, découlant du principe d’égalité de traitement des candidats, de ne pas avantager les candidats maîtrisant parfaitement l’anglais ou le français.

(voir points 2, 26, 29 et 37 à 39)

Référence à : Cour 19 juin 1975, Küster/Parlement, 79/74, Rec. p. 725, points 16 et 20 ; Cour 29 octobre 1975, Küster/Parlement, 22/75, Rec. p. 1267, points 13 et 17


2.      Comme toute norme de caractère général, le droit d'accès aux documents du Conseil, prévu par l’article 255, paragraphe 1, CE et par le règlement nº 1049/2001 relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, peut être limité ou exclu – selon le principe suivant lequel la règle spéciale déroge à la règle générale (lex specialis derogat legi generali) – lorsqu’il existe des normes spéciales qui régissent des matières spécifiques.

À cet égard, l’article 6 de l’annexe III du statut, adopté sur la base de l’article 283 CE et visant de manière spécifique la procédure de concours, dispose que les travaux du jury sont secrets. Ce secret a été institué en vue de garantir l’indépendance des jurys de concours et l’objectivité de leurs travaux, en les mettant à l’abri de toutes ingérences ou pressions extérieures, qu’elles proviennent de l’administration communautaire elle‑même, des candidats intéressés ou de tiers. Le respect de ce secret s’oppose, dès lors, tant à la divulgation des attitudes prises par les membres individuels des jurys qu’à la révélation de tous les éléments ayant trait à des appréciations de caractère personnel ou comparatif concernant les candidats.

Partant, un candidat à un concours ne peut se prévaloir de l’article 255, paragraphe 1, CE et du règlement nº 1049/2001 pour mettre en cause l’applicabilité de l’article 6 de l’annexe III du statut.

(voir points 55 à 57)

Référence à : Cour 28 février 1980, Bonu/Conseil, 89/79, Rec. p. 553, point 5 ; Cour 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, Rec. p. I‑3423, point 24 ; Tribunal 23 janvier 2003, Angioli/Commission, T‑53/00, RecFP p. I‑A‑13 et II‑73, point 84 ; Tribunal 27 mars 2003, Martínez Páramo e.a./Commission, T‑33/00, RecFP p. I‑A‑105 et II‑541, point 44


3.      Le juge communautaire est tenu de rechercher d’office si l’institution défenderesse a satisfait à l’obligation qui lui incombe de motiver toute décision faisant grief. Cet examen pouvant avoir lieu à tout stade de la procédure, aucun requérant ne saurait être forclos à se prévaloir de ce moyen au seul motif qu’il ne l’a pas soulevé à un stade antérieur.

(voir point 62)

Référence à : Tribunal 14 juillet 1994, Grynberg et Hall/Commission, T‑534/93, RecFP p. I‑A‑183 et II‑595, point 59 ; Tribunal 21 mai 1996, Kaps/Cour de justice, T‑153/95, RecFP p. I‑A‑233 et II‑663, point 75


4.      L’obligation de motivation d’une décision faisant grief a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est fondée ou non et, d’autre part, d’en rendre possible le contrôle juridictionnel.

En ce qui concerne les décisions prises par un jury de concours, l’obligation de motivation doit être conciliée avec le respect du secret qui entoure les travaux du jury en vertu de l’article 6 de l’annexe III du statut.

Compte tenu de ce secret, la communication des notes obtenues aux différentes épreuves constitue une motivation suffisante des décisions du jury, ce dernier n’étant pas tenu de préciser les réponses des candidats qui ont été jugées insuffisantes ou d'expliquer pourquoi ces réponses ont été jugées insuffisantes. Une telle motivation ne lèse pas les droits des candidats. Elle leur permet de connaître le jugement de valeur qui a été porté sur leurs prestations et elle leur permet de vérifier, le cas échéant, qu’ils n’ont effectivement pas obtenu le nombre de points requis par l’avis de concours pour être admis à certaines épreuves ou à l’ensemble des épreuves.

(voir points 68, 73 et 74)

Référence à : Cour 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point 22 ; Parlement/Innamorati, précité, point 23 ; Angioli/Commission, précité, points 67, 69 et 70 ; Martínez Páramo e.a./Commission, précité, points 43 et 50 à 52