Language of document : ECLI:EU:F:2007:83

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

16 mai 2007 (*)

« Procédure – Taxation des dépens »

Dans l’affaire F‑100/05 DEP,

Eleni Chatziioannidou, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Auderghem (Belgique), représentée par Me S. A. Pappas, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme K. Herrmann et M. D. Martin, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kreppel, président, H. Tagaras et S. Gervasoni (rapporteur), juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 13 octobre 2005 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 17 octobre suivant) et enregistrée sous le numéro T‑387/05, Mme Chatziioannidou a demandé l’annulation de la décision du 8 juillet 2005 par laquelle l’autorité investie du pouvoir de nomination de la Commission des Communautés européennes a rejeté sa réclamation tendant à un nouveau calcul des annuités de pension résultant du transfert, vers le régime communautaire, de l’équivalent actuariel des droits à pension qu’elle a acquis en Grèce (ci-après la « décision litigieuse »).

 Faits et procédure

2        Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), a renvoyé l’affaire T‑387/05 devant le Tribunal. Le recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro F‑100/05.

3        Par arrêt du 14 novembre 2006, le Tribunal, faisant droit aux conclusions de la requérante, a annulé la décision litigieuse et condamné la Commission aux dépens.

4        Par lettre du 1er décembre 2006, la requérante a demandé à la Commission le remboursement d’une somme de 10 388,75 euros correspondant au montant des honoraires (9 000 euros) et des frais (1 388,75 euros) afférents à l’affaire F‑100/05.

5        Par lettre du 8 décembre 2006, la Commission a estimé que les honoraires réclamés étaient d’un montant excessif et qu’elle n’était prête à régler l’état de frais et d’honoraires présenté qu’à hauteur de 8 000 euros.

6        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 février 2007, la requérante a présenté une demande de taxation des dépens, en application de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752, jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure du Tribunal.

7        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 13 mars 2007, la Commission a présenté ses observations sur cette demande.

 Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal fixer à 11 888,75 euros le montant des dépens dus par la Commission.

9        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande de la requérante ;

–        fixer les dépens récupérables à 6 000 euros.

 Arguments des parties

10      La requérante considère que la question soulevée par sa demande est une question de principe. Dans les affaires de fonction publique, la Commission se montrerait, dans l’estimation des dépens, beaucoup plus économe que dans les affaires portant sur d’autres politiques communautaires. Une telle différenciation ne serait pas justifiée. L’instruction d’une affaire de fonction publique serait aussi, sinon plus, exigeante que l’instruction d’autres affaires et porterait sur un domaine crucial pour l’intégration européenne.

11      La requérante fait valoir que si le montant des honoraires de son avocat était calculé sur la base des heures effectivement consacrées à son affaire, à savoir 42 heures, le montant global demandé, avec un forfait horaire de 250 euros, s’établirait à 10 500 euros. Au lieu de demander le paiement des honoraires de son avocat calculés selon un tarif horaire, la requérante se serait contentée de présenter à la Commission un état d’honoraires, qui fixait forfaitairement à 3 000 euros le montant dû pour chacun des trois actes de procédure réalisés dans le cadre de l’affaire F‑100/05, ce afin qu’il n’y ait pas de grand décalage par rapport aux « tarifs » appliqués par la Commission en matière de fonction publique.

12      La requérante soutient que l’affaire soulevait des questions factuelles et juridiques complexes, exigeant notamment l’interprétation de règles de droit à première vue contradictoires, que cette affaire avait valeur de précédent pour d’autres affaires similaires et revêtait une importance économique exceptionnelle pour elle et un enjeu économique considérable pour la Commission en cas d’application aux autres fonctionnaires concernés de la solution dégagée par l’arrêt du Tribunal. Contrairement à ce qu’a allégué la Commission dans sa lettre du 8 décembre 2006, le montant des honoraires dus ne saurait être fonction du volume des actes de procédure produits.

13      La Commission rétorque que l’affaire F‑100/05 ne soulevait, tant sur la recevabilité que sur le fond, aucune question complexe. Elle souligne que l’argumentation juridique développée dans la requête et la réplique, limitée à huit pages, ne s’appuyait sur aucune analyse de la jurisprudence et n’a donc pas impliqué un travail de recherche approfondi.

14      En ce qui concerne l’enjeu du litige pour les parties, l’arrêt rendu par le Tribunal se serait traduit, pour la requérante, par une augmentation conséquente mais non exceptionnelle de ses droits à pension transférés. En revanche, pour la Commission, la solution résultant de l’arrêt ne pourrait être appliquée à d’autres fonctionnaires que si cette institution le décidait librement, cet arrêt ne pouvant être invoqué par les fonctionnaires n’ayant pas introduit de réclamation dans les délais.

15      S’agissant des frais réclamés par la requérante, ils seraient excessifs. Le montant de 325 euros correspondant à des frais de traduction ne serait pas justifié, aucune pièce n’ayant dû être traduite pour les besoins de la procédure. Quant au montant global des frais, il dépasserait le montant forfaitaire de 5 % des honoraires, en l’espèce 450 euros, constamment retenu par la jurisprudence du Tribunal de première instance comme n’excédant pas ce qui est indispensable pour conduire la procédure devant le Tribunal (ordonnance du 26 janvier 2006, Camar/Conseil et Commission, T‑79/96 DEP et T‑260/97 DEP, non publiée au Recueil, point 71, et la jurisprudence citée).

16      Enfin, la Commission note que la requérante réclame dorénavant un montant supérieur à celui mentionné dans sa lettre du 1er décembre 2006. Le montant de 8 000 euros ayant été proposé le 8 décembre 2006 par la Commission dans un souci de compromis, il serait plus juste que les dépens soient désormais fixés à 6 000 euros.

 Appréciation du Tribunal

17      En premier lieu, aux termes de l’article 91, sous b), du règlement de procédure du Tribunal de première instance, sont considérés comme dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ». Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (voir ordonnance de la Cour du 21 octobre 1970, Hake/Commission, 75/69, Rec. p. 901, points 1 et 2 ; ordonnances du Tribunal de première instance du 24 janvier 2002, Groupe Origny/Commission, T‑38/95 DEP, Rec. p. II‑217, point 28, et du 20 novembre 2002, Spruyt/Commission, T‑171/00 DEP, RecFP p. I‑A‑225 et II‑1127, point 22).

18      En deuxième lieu, bien que la requérante indique sur un mode hypothétique quel aurait été le nombre d’heures consacrées par son avocat au traitement de l’affaire F‑100/05 et le tarif horaire pratiqué si cette méthode de calcul des honoraires était retenue, il ressort des conclusions de la demande de l’intéressée que le montant total dont elle sollicite le remboursement inclut une somme de 10 500 euros au titre des honoraires, qui résulte précisément de ladite méthode de calcul. La demande doit donc bien être interprétée comme tendant à ce que le Tribunal prenne en considération, dans son estimation du montant des dépens récupérables, le nombre d’heures et le tarif horaire allégués par la requérante.

19      En troisième lieu, s’agissant des dépens relatifs à ladite affaire, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, le juge communautaire n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées auprès de la partie condamnée aux dépens. En statuant sur la demande de taxation des dépens, il n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils (voir, par exemple, ordonnance Spruyt/Commission, précitée, point 25).

20      Il est également de jurisprudence constante que, à défaut de dispositions communautaires de nature tarifaire, le juge communautaire doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit communautaire ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu nécessiter de la part des agents ou conseils qui sont intervenus et des intérêts économiques que le litige a représentés pour les parties (voir, par exemple, ordonnances du Tribunal de première instance du 9 septembre 2002, Pannella/Parlement, T‑182/00 DEP, non publiée au Recueil, point 29 ; Spruyt/Commission, précitée, point 26, et du 8 juillet 2004, De Nicola/BEI, T‑7/98 DEP, T‑208/98 DEP et T‑109/99 DEP, RecFP p. I‑A‑219 et II‑973, point 32).

21      C’est en fonction de ces critères qu’il convient d’évaluer le montant des dépens récupérables en l’espèce.

22      En ce qui concerne les difficultés de la cause et l’importance de l’affaire sous l’angle du droit communautaire, il apparaît que le recours soulevait une question de droit nouvelle et délicate, concernant l’interprétation de deux règlements communautaires relatifs à l’introduction de l’euro, dont la portée peut à première vue sembler contradictoire et dont le champ d’application ne peut être déterminé avec évidence. Les divergences d’interprétation du droit applicable entre les principales institutions communautaires, révélées par une question écrite posée par le Tribunal, attestent que la question juridique ainsi soulevée, pour n’être pas d’une grande complexité, n’en présentait pas moins une réelle difficulté. En outre, l’interprétation des dispositions juridiques régissant le passage à l’euro est susceptible de revêtir une portée pratique considérable pour les États membres ne l’ayant pas encore adopté. Il est donc manifeste que l’affaire présentait un intérêt dépassant largement le cadre du litige opposant la requérante à la Commission.

23      En ce qui concerne l’ampleur du travail lié à la procédure devant le Tribunal de première instance puis devant le Tribunal, il appartient au juge de tenir compte du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de cette procédure (voir ordonnances du Tribunal de première instance du 30 octobre 1998, Kaysersberg/Commission, T‑290/94 DEP, Rec. p. II‑4105, point 20, et Spruyt/Commission, précitée, point 29).

24      En l’espèce, la requérante soutient à juste titre que le montant des honoraires de son conseil ne saurait dépendre du volume des mémoires produits par celui-ci. En effet, la concision des mémoires peut être autant le reflet des qualités de synthèse de leur auteur, économe du temps de travail du juge et de la partie adverse, que le signe d’un travail rapide. La brièveté d’un mémoire ne saurait en principe être analysée comme reflétant un travail expéditif ou sommaire de celui qui le produit, ce que la Commission admet d’ailleurs dans ses observations.

25      Certes, ainsi que le fait valoir la Commission, les deux mémoires présentés par la requérante étaient d’un volume très limité et n’étaient pas assortis d’analyses jurisprudentielles approfondies. En outre, il ne ressort pas de l’état d’honoraires dressé par l’avocat de la requérante que celui-ci ait effectué des prestations inhabituelles.

26      Néanmoins, compte tenu des spécificités du litige et de la circonstance que la procédure a comporté un second échange de mémoires ainsi qu’une audience, pour laquelle l’avocat de la requérante a dû se déplacer de Bruxelles, où il est établi, à Luxembourg, le nombre de 42 heures allégué dans la demande de taxation des dépens n’apparaît pas excessif. Ce nombre d’heures reflète de manière adéquate l’étendue des prestations qui étaient objectivement indispensables aux fins de la procédure, sans même prendre en considération les travaux nécessités par la présente procédure de taxation des dépens.

27      En ce qui concerne l’intérêt économique du litige pour la partie requérante, il convient de souligner que la décision litigieuse avait privé cette dernière d’un mécanisme de calcul des droits à pension transférés vers le régime communautaire de pension qui était pour elle particulièrement avantageux. La décision litigieuse avait donc eu pour effet d’allonger la période de service requise pour que la requérante bénéficie d’une retraite au taux maximal. La Commission indique elle-même que l’arrêt du Tribunal du 14 novembre 2006, rendu dans l'affaire au principal, se traduit par une augmentation « conséquente » des droits à pension transférés par la requérante. L’intérêt économique du litige était donc substantiel, au moins pour cette dernière.

28      Au terme de l’analyse qui précède, il s’avère que la nature et l’intérêt du litige justifiaient des honoraires élevés (voir, par analogie, ordonnance Spruyt/Commission, précitée, point 31). Dans les circonstances de l’espèce, un tarif horaire de 225 euros peut être retenu comme reflétant la rémunération raisonnable due à un avocat expérimenté dans une affaire de cette nature (voir, par analogie, pour un forfait horaire un peu supérieur dans une affaire relative à la politique agricole commune, ordonnance Camar/Conseil et Commission, précitée, point 67).

29      Il convient donc de considérer, pour le calcul des honoraires indispensables exposés par la requérante aux fins de l’instance F‑100/05, que le litige a nécessité une activité d’une durée de 42 heures d’un avocat expérimenté, dont la rémunération, à raison du tarif horaire susmentionné, doit être évaluée à 9 450 euros (soit 225 multiplié par 42).

30      Enfin, s’agissant des frais réclamés par la requérante, il convient de relever, d’une part, que les frais de voyage et de séjour, d’un montant de 480 euros, même s’ils ne sont pas contestés par la Commission, apparaissent excessifs. S’agissant des frais de voyage entre Bruxelles et Luxembourg et des frais de séjour exposés dans cette dernière ville pour les besoins d’une audience d’une demi-journée, un forfait de 300 euros constitue, en l’absence de toute circonstance particulière, une estimation plus fidèle des coûts réellement indispensables.

31      D’autre part, en ce qui concerne l’ensemble des autres frais, il y a lieu de retenir, comme le fait valoir la Commission, compte tenu notamment de l’absence de toute pièce justificative de frais de traduction et des autres frais allégués, un montant forfaitaire de 5 % des honoraires (ordonnance Camar/Conseil et Commission, précitée, point 71). Il y a donc lieu de retenir à ce titre la somme de 472 euros, correspondant, après arrondissage à l’euro inférieur, à 5 % des honoraires tels qu’évalués au point 29 ci-dessus.

32      Ainsi, eu égard aux circonstances de l’espèce, il y a lieu de fixer le montant des dépens à rembourser à titre d’honoraires à 9 450 euros, auxquels s’ajoute le montant de 772 euros correspondant aux frais exposés par la requérante aux fins de la procédure devant le Tribunal de première instance puis devant le Tribunal.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le montant des dépens récupérables par la partie requérante dans l’affaire F-100/05, Chatziioannidou/Commission, est fixé à 10 222 euros.

Fait à Luxembourg, le 16 mai 2007.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

      H. Kreppel


* Langue de procédure : le français.