Language of document : ECLI:EU:T:2018:911

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

12 décembre 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque verbale de l’Union européenne CARACTÈRE – Motifs absolus de refus – Absence de caractère descriptif – Caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑743/17,

Bischoff GmbH, établie à Muggensturm (Allemagne), représentée par Me D. Régnier, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme S. Pétrequin et M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Miroglio Fashion Srl, établie à Alba (Italie), représentée par Me O. Vanner, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 20 juillet 2017 (affaire R 328/2016-1), relative à une procédure de nullité entre Bischoff et Miroglio Fashion,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise et R. da Silva Passos (rapporteur), juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 9 novembre 2017,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 5 avril 2018,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 9 avril 2018,

à la suite de l’audience du 10 octobre 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 14 juillet 2008, l’intervenante, Miroglio Fashion Srl, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal CARACTÈRE.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 14, 18, 24, 25 et 35, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement ; appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l’accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques ; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le traitement de l’information et les ordinateurs ; extincteurs » ;

–        classe 14 : « Métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d’autres classes ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie » ;

–        classe 24 : « Tissus et produits textiles non compris dans d’autres classes, couvertures de lit et de table » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie » ;

–        classe 35 : « Services de vente au détail relatifs à la vente de vêtements, chaussures, sacs, produits en cuir, parfums, cosmétiques, lunettes, montres, lunettes de soleil, joaillerie, bijouterie ; services de médiation en affaires commerciales relatifs à la vente de vêtements, chaussures, sacs, produits en cuir, parfums, cosmétiques, lunettes, montres, lunettes de soleil, joaillerie, bijouterie ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 46/2008, du 17 novembre 2008. Le 6 avril 2009, le signe verbal mentionné au point 2 ci-dessus a été enregistré en tant que marque de l’Union européenne sous le numéro 7061922 (ci-après la « marque contestée »).

5        Le 17 septembre 2014, la requérante, Bischoff GmbH, a déposé une demande auprès de l’EUIPO visant à faire déclarer nulle la marque contestée pour l’ensemble des produits et des services pour lesquels elle avait été enregistrée.

6        Les motifs de nullité invoqués à l’appui de cette demande étaient ceux visés à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001] et l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001], respectivement tirés de l’absence de caractère distinctif de la marque contestée et de son caractère descriptif.

7        Par décision du 14 décembre 2015, la division d’annulation de l’EUIPO a accueilli la demande en nullité pour les produits relevant de la classe 9, à l’exception des « mécanismes pour appareils à prépaiement » et des « extincteurs ». S’agissant des produits et des services relevant des autres classes, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité.

8        Le 12 février 2016, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’annulation, en tant que cette dernière avait rejeté sa demande en nullité s’agissant des produits et des services couverts par la marque contestée.

9        Le 23 septembre 2016, l’intervenante a, sur le fondement de l’article 28, paragraphe 8, du règlement no 207/2009 (devenu article 33, paragraphe 8, du règlement 2017/1001), déclaré que, lors de sa demande de marque, son intention était de viser davantage de produits que ceux concernés par ladite demande. Le 1er février 2017, l’EUIPO a accepté la déclaration de l’intervenante à l’égard des produits suivants, auxquels la protection de la marque contestée a dès lors été étendue :

–        classe 9 : « Étuis spéciaux pour appareils et instruments photographiques ; allume-cigares pour automobiles ; vêtements de protection contre les accidents, les radiations et le feu ; habillement pour la protection contre le feu ; vêtements spéciaux pour laboratoires ; programmes d’ordinateurs enregistrés ; programmes du système d’exploitation enregistrés pour ordinateurs ; logiciels de jeux ; étuis pour verres de contact ; cache-prises ; masques de plongée ; combinaisons de plongée ; publications électroniques téléchargeables ; chaînettes de lunettes ; cordons de lunettes ; étuis à lunettes ; visières ; gants pour la protection contre les accidents ; gants de plongée ; bigoudis chauffés électriquement ; nécessaires mains libres pour téléphones ; changeurs de disques [informatique] ; tapis de souris ; montures de lunettes ; casques de protection ; casques de protection pour le sport ; appareils électriques à démaquiller ; bombes [équitation] ; chaussettes chauffées électriquement ; montures de lunettes ; étuis à lunettes ; ceintures de natation ; gilets de natation » ;

–        classe 14 : « Étuis pour l’horlogerie ; écrins pour l’horlogerie ; écrins ; bracelets de montres ; chaînes de montres ; verres de montres ; boîtiers de montre » ;

–        classe 18 : « Sacs de sport ; porte-documents ; colliers pour animaux ; habits pour animaux de compagnie ; filets à provisions ; portefeuilles ; bourses ; sacs à dos ; serviettes d’écoliers ; sacs à provisions » ;

–        classe 25 : « Semelles ».

10      Le 14 juin 2017, la requérante a indiqué que sa demande en nullité de la marque contestée concernait non seulement les produits et les services mentionnés au point 3 ci-dessus et pour lesquels sa demande en nullité n’avait pas été accueillie par la division d’annulation, mais également les produits visés au point 9 ci-dessus.

11      Par décision du 20 juillet 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours introduit par la requérante. D’une part, s’agissant du prétendu caractère descriptif de la marque contestée, la chambre de recours a relevé que l’élément verbal composant cette dernière était « caractère », et non « de caractère ». Elle en a déduit que les éléments de preuve produits par la requérante et portant sur l’expression « de caractère » n’étaient pas pertinents pour démontrer que la marque contestée était descriptive. La chambre de recours a ajouté que, en tout état de cause, à supposer même que la marque contestée soit perçue comme indiquant que les produits et les services qu’elle couvre ont « du caractère », une telle indication n’était pas de nature à renseigner sur une des caractéristiques desdits produits et services. D’autre part, en ce qui concerne la prétendue connotation laudative de la marque contestée, la chambre de recours a de nouveau relevé que cette marque était composée uniquement du terme « caractère », lequel revêtait une connotation neutre et n’informait aucunement sur la valeur de marché des produits en cause. La chambre de recours en a déduit que la marque contestée était suffisamment distinctive pour remplir la fonction de marque à l’égard des produits en cause.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en tant qu’elle porte rejet de son recours s’agissant des produits et des services relevant des classes 14, 18, 24, 25 et 35 ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

13      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité d’éléments de preuve présentés pour la première fois devant le Tribunal

14      L’EUIPO et l’intervenante contestent la recevabilité des annexes B.1 à B.17 de la requête. En effet, ces annexes, qui consistent en des extraits de sites Internet visant à démontrer l’usage des expressions « de caractère », « du caractère » ou « à fort caractère » en rapport avec des produits couverts par la marque contestée, n’auraient été produites à aucune étape de la procédure devant l’EUIPO.

15      À cet égard, il y a lieu de relever que, compte tenu de l’objet du recours prévu à l’article 65 du règlement no 207/2009 (devenu article 72 du règlement 2017/1001), la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer, dans le cadre d’un tel recours, les circonstances de fait à la lumière des documentsprésentéspourlapremièrefoisdevant lui [voir arrêt du 15 mars 2018, La Mafia Franchises/EUIPO – Italie (La Mafia SE SIENTA A LA MESA), T‑1/17, EU:T:2018:146, point 16 et jurisprudence citée].

16      En l’espèce, les éléments visés au point 14 ci-dessus ont été présentés pour la première fois devant le Tribunal, ainsi que la requérante l’a admis lors de l’audience. Il convient, dès lors, d’écarter ces éléments comme étant irrecevables.

 Sur le fond

17      À l’appui de son recours, la requérante soulève, en substance, deux moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. Le second moyen est tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009

18      La requérante soutient que la marque contestée présente un caractère descriptif et tombe, pour cette raison, sous le coup du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. La marque contestée, composée du seul élément verbal « caractère », serait perçue comme indiquant que les produits qu’elle protège ont « du caractère », en ce sens qu’ils sortent de l’ordinaire et sont particulièrement originaux. La requérante suggère que, dans ces conditions, l’enregistrement de la marque contestée fait obstacle à l’utilisation par tous de l’expression « de caractère » pour des produits tels que les bijoux, les vêtements, les sacs ou les montres.

19      Selon la requérante, la circonstance, relevée par la chambre de recours, que la marque contestée soit composée de l’élément verbal « caractère », et non de l’élément verbal « de caractère », est sans pertinence, dans la mesure où la préposition « de » est invariable et n’a d’autre fonction que de réunir deux mots. À l’appui de son argumentation, la requérante fait valoir que des termes comme « créateur », « luxe », « qualité » ou « prestige » pourraient également, par l’ajout de la préposition « de », qualifier des produits ou des services tels que ceux protégés par la marque contestée. Or, cette seule circonstance ne suffirait pas à permettre l’enregistrement de tels termes comme marques de l’Union européenne.

20      La requérante fait également grief à la chambre de recours de s’être appuyée sur un arrêt de la Cour d’appel de Paris (France) du 17 juin 2011 et sur plusieurs décisions de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI, France), produits par l’intervenante. Or, d’une part, l’arrêt de la Cour d’appel de Paris susmentionné se limiterait à constater l’imprécision du terme « caractère », laquelle ne ferait pas obstacle à ce que la marque contestée soit jugée descriptive et dépourvue de caractère distinctif. D’autre part, les décisions de l’INPI auraient trait à des procédures d’opposition et ne se prononceraient donc pas sur la question de savoir si le terme « caractère » est distinctif.

21      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

22      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ». Selon le paragraphe 2 du même article, le paragraphe 1 de cette disposition est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

23      Selon une jurisprudence constante, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les indications ou les signes descriptifs des caractéristiques de produits ou de services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous [voir arrêt du 12 juin 2007, MacLean-Fogg/OHMI (LOKTHREAD), T‑339/05, non publié, EU:T:2007:172, point 27 et jurisprudence citée].

24      Ainsi, pour qu’un signe relève de l’interdiction énoncée par cette disposition, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou de l’une de leurs caractéristiques (voir arrêt du 12 juin 2007, LOKTHREAD, T‑339/05, non publié, EU:T:2007:172, point 29 et jurisprudence citée).

25      À cet égard, le choix par le législateur du terme « caractéristique » met en exergue le fait que les signes visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, ne sont que ceux qui servent à désigner une propriété, facilement reconnaissable par les milieux intéressés, des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé. Ce n’est donc que s’il est raisonnable d’envisager qu’un signe sera effectivement reconnu par les milieux intéressés comme une description de l’une desdites caractéristiques qu’il pourra être refusé à l’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 (voir arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 50 et jurisprudence citée).

26      En outre, il ressort de la jurisprudence que, pour qu’une marque verbale tombe sous le coup de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, elle doit servir à désigner de manière spécifique, non vague et objective, les caractéristiques essentielles des produits ou des services en cause [voir, en ce sens, arrêts du 2 décembre 2008, Ford Motor/OHMI (FUN), T‑67/07, EU:T:2008:542, point 32 et jurisprudence citée, et du 16 mars 2016, Schoeller Corporation/OHMI – Sqope (SCOPE), T‑90/15, non publié, EU:T:2016:153, point 32].

27      Il importe également de rappeler que l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport à la compréhension qu’en a le public concerné et, d’autre part, par rapport aux produits ou aux services concernés (voir arrêt du 12 juin 2007, LOKTHREAD, T‑339/05, non publié, EU:T:2007:172, point 32 et jurisprudence citée).

28      En l’espèce, la chambre de recours a retenu, comme public pertinent, le consommateur francophone de produits et de services de consommation courante. Il convient de confirmer cette appréciation, qui n’est d’ailleurs pas mise en cause par la requérante, dans la mesure où la marque contestée est composée du mot français « caractère » et concerne des produits qui relèvent du domaine de la bijouterie, de la mode et de la décoration, ainsi que des services liés à ces produits.

29      Dans la requête, la requérante fait valoir que la marque contestée est perçue comme indiquant l’originalité de certains produits. Au soutien de cet argument, elle se prévaut d’extraits de dictionnaires en ligne dont il ressort que le terme « caractère » peut être défini comme l’« aspect typique et original de quelque chose » (Larousse), comme « une forte originalité, beaucoup d’expressivité » (dictionnaire du Centre national de ressources textuelles et lexicales, CNTRL) ou encore comme l’« air expressif, personnel et original » (Le Grand Robert de la langue française).

30      Cependant, premièrement, il importe de constater que, dans le contexte des définitions mentionnées au point 29 ci-dessus, l’élément dont l’originalité est soulignée est systématiquement présenté comme ayant « du caractère » ou comme étant « de caractère ». Ce constat est confirmé par les annexes à la requête qui ne sont pas frappées d’irrecevabilité. En effet, d’une part, l’annexe A.1 concerne des extraits de sites Internet de vente en ligne qui présentent des produits comme étant « de caractère ». D’autre part, les annexes A.2 et A.3 concernent les attestations respectives d’un traducteur et d’un professeur de droit, qui reposent sur des exemples relatifs aux expressions « de caractère » ou « du caractère ».

31      Deuxièmement, la marque contestée est composée du terme « caractère » et non des expressions « de caractère » ou « du caractère ».

32      Or, il ressort des pièces du dossier que, pris isolément, le terme « caractère » est un terme usuel qui peut être employé pour désigner toute caractéristique ou tout attribut propre à une chose.

33      Par ailleurs, ainsi qu’en témoigne la définition donnée par le dictionnaire en ligne du CNTRL, produite par la requérante devant la chambre de recours et devant le Tribunal, le terme « caractère » « sert de base à un syntagme dont le [deuxième] élément est un adj[ectif] déterminatif ou un compl[ément] déterminatif introd[uit] par la prép[osition] [“de”] ». Ainsi, en principe, le terme « caractère », d’une part, est suivi d’un adjectif qui peut avoir un sens mélioratif, dépréciatif ou neutre et, d’autre part, peut se rattacher à tous types de produits et de services.

34      Il s’ensuit que, à lui seul, le terme « caractère » est un terme usuel dépourvu de toute signification particulière et de toute connotation en rapport avec les produits et les services couverts par la marque contestée. Autrement dit, le terme « caractère », pris isolément, est neutre et ne suffit pas pour identifier les produits ou les services auxquels ce terme se rapporte ni une caractéristique ou tout autre attribut propre auxdits produits et services.

35      Troisièmement, contrairement à ce que soutient la requérante, la préposition « de » par laquelle débute l’expression « de caractère » ne peut être regardée comme ayant pour unique fonction de relier deux mots entre eux, ce qui permettrait de considérer que le « caractère » d’un produit doit être compris comme décrivant son aspect original.

36      D’une part, le seul fait que le terme « caractère », associé à la préposition « de », puisse évoquer l’originalité du produit ou du service auquel il se rapporte, ne suffit pas pour conclure que tel serait également le cas du signe CARACTÈRE (voir, par analogie, arrêts du 2 décembre 2008, FUN, T‑67/07, EU:T:2008:542, point 40, et du 16 mars 2016, SCOPE, T‑90/15, non publié, EU:T:2016:153, point 35).

37      En effet, contrairement à l’expression « de caractère », qui peut souligner l’originalité d’un produit, le terme « caractère », pris isolément, est neutre et ne véhicule aucun sentiment positif (voir point 32 à 34 ci-dessus).

38      Comme le souligne à juste titre l’EUIPO, s’il est possible de parler, par exemple, d’un « bijou de caractère », pour souligner son aspect original, le « caractère d’un bijou » ne désigne pas directement l’originalité de celui-ci, mais plutôt l’une de ses caractéristiques ou l’un de ses attributs, sans aucune connotation et sans identifier, en lui-même, ladite caractéristique ou ledit attribut.

39      D’autre part, l’analogie suggérée par la requérante entre le terme « caractère » et les termes « créateur », « luxe », « qualité » et « prestige », n’est pas pertinente. En effet, comme le fait observer l’EUIPO, les termes « créateur », « luxe », « qualité » et « prestige » qu’ils soient ou non précédés de la préposition « de », conservent la même signification, laquelle est susceptible de mettre en valeur l’élément auquel ils se rapportent.

40      Dans ces conditions, rien ne permet de considérer que le terme « caractère » serait, dans la marque contestée, perçu par le public pertinent comme synonyme de l’expression « de caractère » [voir, par analogie, arrêt du 15 septembre 2016, Trinity Haircare/EUIPO – Advance Magazine Publishers (VOGUE), T‑453/15, non publié, EU:T:2016:491, point 36]. Il s’ensuit que l’allégation de la requérante, réitérée lors de l’audience, selon laquelle l’enregistrement de la marque contestée reviendrait à octroyer un monopole à l’intervenante quant à l’utilisation de l’expression « de caractère » n’est pas établie.

41      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas démontré que la marque contestée était susceptible d’être perçue par le public pertinent, immédiatement, et sans autre réflexion, comme une description des produits et des services couverts par ladite marque, ou de l’une de leurs caractéristiques, c’est-à-dire, selon la jurisprudence rappelée au point 25 ci-dessus, une propriété, facilement reconnaissable par les milieux intéressés, desdits produits et services.

42      Par conséquent, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas établi le caractère descriptif de la marque contestée au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

43      Le premier moyen doit donc être écarté, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la pertinence de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris et des décisions de l’INPI cités dans la décision attaquée.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

44      Selon la requérante, la marque contestée est dépourvue de caractère distinctif, dans la mesure où elle est perçue comme indiquant que certains des produits qu’elle protège sont « de caractère » ou ont « du caractère », ce qui revêt une connotation positive et élogieuse. Ainsi, la marque contestée constituerait une qualification favorable censée pousser à l’achat de ces produits.

45      À l’appui de ce second moyen, la requérante renvoie à son argumentation développée dans le cadre du premier moyen et rappelée aux points 18 et 19 ci-dessus.

46      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

47      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

48      Selon une jurisprudence constante, le caractère distinctif d’une marque au sens de cet article signifie que cette marque permet d’identifier les produits ou les services pour lesquels l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, EU:C:2011:680, point 42 et jurisprudence citée).

49      À cet égard, il convient de rappeler que les signes dépourvus de caractère distinctif visés par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine du produit ou service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêts du 27 février 2002, REWE-Zentral/OHMI (LITE), T‑79/00, EU:T:2002:42, point 26, et du 14 décembre 2017, GeoClimaDesign/EUIPO – GEO (GEO), T‑280/16, non publié, EU:T:2017:913, point 56].

50      Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 34 et jurisprudence citée, et du 9 septembre 2010, OHMI/Borco-Marken-Import Matthiesen, C‑265/09 P, EU:C:2010:508, point 32 et jurisprudence citée).

51      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, comme le soutient la requérante, la chambre de recours a méconnu l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, lorsqu’elle a conclu que la marque contestée n’était pas dépourvue de caractère distinctif pour les produits et les services relevant des classes 14, 18, 24, 25 et 35, couverts par la marque contestée.

52      En l’espèce, dans le cadre du second moyen, la requérante renvoie à son argumentation développée au soutien du premier moyen, selon laquelle la marque contestée serait perçue comme indiquant que certains produits pour lesquels elle est enregistrée sont « de caractère » ou ont « du caractère », en ce sens qu’ils sont particulièrement originaux et sortent de l’ordinaire. La marque contestée présenterait dès lors un caractère élogieux, ce qui ferait obstacle à ce que lui soit reconnu un caractère distinctif.

53      Or, il ressort de l’examen du premier moyen que, d’une part, la marque contestée est composée du seul terme « caractère », qui est neutre et dépourvu de toute connotation positive (voir points 31 à 34 ci-dessus). D’autre part, rien n’indique que la marque contestée est perçue comme synonyme de l’expression « de caractère » (voir points 35 à 40 ci-dessus).

54      La requérante n’a donc pas établi que la marque contestée présentait un caractère élogieux. De plus, la requérante n’invoque aucun autre élément de nature à établir que la marque contestée serait inapte à identifier les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises.

55      En conséquence, c’est à juste titre que la chambre de recours a rejeté les arguments de la requérante tirés de l’absence de caractère distinctif de la marque contestée.

56      Le second moyen doit dès lors être écarté, et le recours rejeté dans son ensemble, comme non fondé, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par l’EUIPO lors de l’audience et tirée de l’imprécision de la requête.

 Sur les dépens

57      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Bischoff GmbH est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Madise

da Silva Passos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 décembre 2018.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

      S. Gervasoni


*      Langue de procédure : le français.