Language of document : ECLI:EU:T:2015:507

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

15 juillet 2015 (*)

« Concurrence – Ententes – Marchés européens des stabilisants thermiques ESBO/esters – Décision constatant une infraction à lʼarticle 81 CE et à lʼarticle 53 de lʼaccord EEE – Fixation des prix, répartition des marchés et échange d’informations commerciales sensibles – Amendes – Imputation de l’infraction – Présomption capitalistique – Durée et preuve de lʼinfraction – Prescription – Durée de la procédure administrative – Délai raisonnable – Droits de la défense »

Dans lʼaffaire T‑45/10,

GEA Group AG, établie à Düsseldorf (Allemagne), représentée par Mes A. Kallmayer, I. du Mont, G. Schiffers et R.Van der Hout, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. R. Sauer et F. Ronkes Agerbeek, en qualité d’agents, assistés de Me W. Berg, avocat

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2009) 8682 final de la Commission, du 11 novembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38589 – Stabilisants thermiques), ou, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende infligée,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. V. Kreuschitz, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 septembre 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige 

1        La présente affaire a trait à la décision C (2009) 8682 final de la Commission, du 11 novembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38589 − Stabilisants thermiques) (ci-après la « décision attaquée »).

2        Le litige implique différentes sociétés dont la responsabilité a été retenue en raison de leur participation, directe ou indirecte, par le comportement de leurs filiales, à une entente. Ces sociétés ont toutes appartenu à un même groupe au sein duquel la requérante a succédé à la société faîtière.

1.     Présentation succincte des sociétés impliquées

3        Entre le 11 septembre 1991 et le 17 mai 2000, Chemson Gesellschaft für Polymer Additive mbH (ci-après « OCG ») et Polymer Additive Produktions- und Vertriebs GmbH, Arnoldstein (ci-après « OCA » et, prise avec OCG, « Chemson ») étaient détenues directement ou par des filiales, par la société Metallgesellschaft AG (ci-après « MG ») (voir considérant 39 de la décision attaquée).

4        Du 30 septembre 1995 au 30 septembre 1999, OCA détenait directement l’intégralité du capital d’OCG et, du 30 septembre 1999 au 17 mai 2000, OCG détenait directement l’intégralité du capital d’OCA (voir considérant 617 de la décision attaquée).

5        Le 17 mai 2000, MG a cédé OCG, laquelle, au jour de l’adoption de la décision attaquée, était dénommée Aachener Chemische Werke Gesellschaft für glastechnishe Produkte und Verfahren mbH (ci-après « ACW ») (voir considérant 41 de la décision attaquée).

6        Après sa dissolution en mai 2000, les activités d’OCA ont été reprises par une société dénommée, à compter du 30 août 2000, Chemson Polymer-Additive AG (ci-après « CPA ») (voir considérant 41 de la décision attaquée).

7        La requérante, GEA Group AG, est issue de la fusion, en 2005, de MG avec une autre société (voir considérant 43 de la décision attaquée).

2.     Procédure administrative ayant mené à l’adoption de la décision attaquée

 Ouverture de l’enquête de la Commission des Communautés européennes

8        L’enquête qui a abouti à l’adoption de la décision attaquée a été engagée à la suite de l’introduction par Chemtura d’une demande d’immunité, le 26 novembre 2002, en application de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3) (voir considérants 79 et 80 de la décision attaquée).

9        Le 30 janvier 2003, la Commission a adopté la décision C (2003) 85/4, sur le fondement de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), ordonnant à Akzo Nobel Chemicals Ltd, à Akcros Chemicals Ltd et à leurs filiales respectives de se soumettre à une vérification visant à rechercher les preuves d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles (ci-après la « décision du 30 janvier 2003 »).

10      Le 10 février 2003, la Commission a adopté la décision C (2003) 559/4, également sur le fondement de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, portant modification de la décision du 30 janvier 2003 (ci-après, prises ensemble, les « décisions d’inspection »).

11      Les 12 et 13 février 2003, des vérifications sur place ont été effectuées, sur le fondement des décisions d’inspection, dans les locaux d’Akzo Nobel Chemicals et d’Akcros Chemicals situés à Eccles, Manchester (Royaume-Uni). Durant cette vérification, les agents de la Commission ont pris copie d’un nombre important de documents. Au cours de ces opérations, les représentants d’Akzo Nobel Chemicals et d’Akcros Chemicals ont indiqué aux agents de la Commission que certains documents étaient susceptibles d’être couverts par le secret professionnel protégeant les communications avec des avocats (ci-après les « documents litigieux »).

12      Durant l’examen des documents litigieux, un différend est survenu à propos de cinq documents, qui ont fait l’objet de deux types de traitement. En effet, les agents de la Commission ne sont pas parvenus sur-le-champ à une conclusion définitive quant à la protection dont deux documents devaient éventuellement bénéficier. Ils en ont donc pris copie et les ont placés dans une enveloppe scellée, qu’ils ont emportée au terme de leur vérification. Quant aux trois autres documents controversés, l’agent de la Commission responsable de la vérification a considéré qu’ils n’étaient pas protégés par le secret professionnel, en a, en conséquence, pris copie et les a joints au reste du dossier, sans les isoler dans une enveloppe scellée.

13      Ce différend a suscité un important contentieux judiciaire (ci-après la « procédure judiciaire Akzo »).

 Procédure judiciaire Akzo

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 avril 2003, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals ont introduit un recours ayant pour objet, en substance, une demande d’annulation de la décision C (2003) 559/4, du 10 février 2003, et, en tant que de besoin, de la décision du 30 janvier 2003, obligeant ces sociétés et leurs filiales respectives à se soumettre à la vérification en cause (affaire T‑125/03, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission).

15      Le 17 avril 2003, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals ont introduit une demande en référé visant, notamment, au sursis à l’exécution des décisions d’inspection (affaire T‑125/03 R, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission).

16      Le 8 mai 2003, la Commission a adopté la décision C (2003) 1533 final, sur la base de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 (ci-après la « décision du 8 mai 2003 »), rejetant la demande des requérantes de voir respectée la confidentialité des documents litigieux.

17      Dans la décision du 8 mai 2003, la Commission a rejeté la demande d’Akzo Nobel Chemicals et d’Akcros Chemicals visant à ce que les documents litigieux leur soient retournés et a indiqué son intention d’ouvrir l’enveloppe scellée en précisant, néanmoins, qu’elle ne procéderait pas à cette opération avant l’expiration du délai de recours contre ladite décision.

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 juillet 2003, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals ont introduit un recours visant à l’annulation de la décision du 8 mai 2003 (affaire T‑253/03, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission).

19      En outre, ces mêmes sociétés ont introduit une demande en référé visant, notamment, au sursis à l’exécution de la décision du 8 mai 2003 (affaire T‑253/03 R, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission).

20      Par ordonnance du président du Tribunal du 30 octobre 2003, la demande dans l’affaire T‑125/03 R, relative aux décisions d’enquête, a été rejetée, mais il a été fait partiellement droit à la demande dans l’affaire T‑253/03 R, relative à la protection de la confidentialité des documents litigieux (ordonnance du 30 octobre 2003, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission, T‑125/03 R et T‑253/03 R, Rec, EU:T:2003:287).

21      Cette ordonnance a été annulée par ordonnance du 27 septembre 2004, Commission/Akzo et Akcros [C‑7/04 P (R), Rec, EU:C:2004:566].

22      Par courrier du 15 octobre 2004, le greffe du Tribunal a retourné à la Commission l’enveloppe scellée contenant deux des documents litigieux (voir considérants 84 à 90 de la décision attaquée).

23      Par arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, le recours formé dans l’affaire T‑125/03, dirigé contre les décisions d’enquête, a été rejeté, comme étant irrecevable. Le recours formé dans l’affaire T‑253/03, concernant les documents litigieux, a quant à lui été rejeté comme étant non fondé, dès lors que, en substance, la Commission n’avait pas commis d’erreur en décidant qu’aucun des documents litigieux n’était matériellement couvert par la protection de la confidentialité des communications entre avocats et clients (arrêt du 17 septembre 2007, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission, T‑125/03 et T‑253/03, Rec, EU:T:2007:287, points 57 et 184).

24      Par arrêt du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission (C‑550/07 P, Rec, EU:C:2012:512), la Cour a rejeté le pourvoi formé contre l’arrêt Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission, point 23 supra (EU:T:2007:287).

 Clôture de l’enquête de la Commission

25      Le 8 octobre 2007 et à plusieurs reprises en 2008, la Commission a envoyé aux entreprises impliquées, dont Chemson, des demandes de renseignements au titre de l’article 18 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1) (voir considérants 91 et 92 de la décision attaquée).

26      Le 17 mars 2009, la Commission a adopté une communication des griefs qui a été notifiée à plusieurs sociétés, dont la requérante, le 18 mars 2009 (voir considérant 95 de la décision attaquée).

3.     Décision attaquée

27      Par la décision attaquée, la Commission a considéré qu’un certain nombre d’entreprises avaient enfreint l’article 81 CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (JO 1994, L 1, p. 3) en participant à deux ensembles d’accords et de pratiques concertées anticoncurrentiels couvrant le territoire de l’Espace économique européen (EEE) et concernant, d’une part, le secteur des stabilisants étain et, d’autre part, le secteur de l’huile de soja époxydée et des esters (ci-après le « secteur ESBO/esters »).

28      La décision attaquée retient l’existence de deux infractions portant sur deux catégories de stabilisants thermiques, lesquels constituent des produits ajoutés aux produits à base de polychlorure de vinyle (PVC) afin d’améliorer leur résistance thermique (voir considérant 3 de la décision attaquée).

29      Selon l’article 1er de la décision attaquée, chacune de ces infractions a consisté à fixer les prix, à répartir les marchés par le biais de quotas de vente, à répartir les clients et à échanger des informations commerciales sensibles, en particulier sur les clients, la production et les ventes.

30      La décision attaquée énonce que les entreprises concernées ont participé à ces infractions au cours de diverses périodes comprises entre le 11 septembre 1991 et le 26 septembre 2000, pour le secteur ESBO/esters.

31      La décision attaquée a été adressée, en ce qui concerne chaque infraction, à 20 sociétés, lesquelles ont soit participé directement aux infractions concernées, soit vu leur responsabilité retenue en tant que sociétés mères (voir considérant 510 de la décision attaquée).

 Imputation de l’infraction dans la décision attaquée

32      À son article 1er, paragraphe 2, sous k), la décision attaquée tient la requérante pour responsable au titre de l’infraction portant sur le secteur ESBO/esters du 11 septembre 1991 au 17 mai 2000.

33      Sa responsabilité a été retenue pour l’infraction commise, du 11 septembre 1991 au 17 mai 2000, par OCG et, du 13 mars 1997 au 17 mai 2000, par OCA (voir considérant 617 de la décision attaquée).

34      Dans la décision attaquée, la requérante a été sanctionnée en tant que successeur de MG pour l’intégralité de la période infractionnelle (voir considérants 628 à 632 de la décision attaquée).

35      En tant que successeur d’OCG, ACW a été sanctionnée, d’une part, pour l’infraction directe d’OCG durant l’intégralité de la période infractionnelle, c’est-à-dire du 11 septembre 1991 au 17 mai 2000, et, d’autre part, pour l’infraction directe d’OCA du 30 septembre 1999 au 17 mai 2000, alors que cette dernière était la filiale à 100 % d’OCG (voir considérants 619 à 621 et 632 de la décision attaquée).

36      En tant que successeur d’OCA, CPA a été sanctionnée, d’une part, pour l’infraction directe d’OCA du 13 mars 1997 au 17 mai 2000 et, d’autre part, pour l’infraction directe d’OCG du 30 septembre 1995 au 30 septembre 1999, alors que cette dernière était la filiale à 100 % d’OCA (voir considérants 622 à 627 et 632 de la décision attaquée).

37      En ce qui concerne son pouvoir d’infliger des amendes à la requérante pour l’infraction en cause, la Commission a rejeté, dans la décision attaquée, les arguments avancés par les entreprises concernées, selon lesquelles la suspension résultant de la procédure judiciaire Akzo, en vertu de l’article 25, paragraphe 6, du règlement n° 1/2003, s’appliquait seulement aux parties à ladite procédure, à savoir Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals. La Commission a, en effet, considéré que ladite suspension avait un effet erga omnes, de sorte que la prescription avait été suspendue à l’égard de toutes les sociétés concernées par l’enquête, y compris la requérante (voir considérants 672 à 682 de la décision attaquée).

 Imputation des amendes dans la décision attaquée

38      L’article 2, deuxième alinéa, de la décision attaquée énonce ce qui suit :

« Pour l’/(les) infraction(s) sur le [secteur ESBO/esters], les amendes suivantes sont infligées :

[…]

31)      [la requérante], [ACW] et [CPA] sont […] solidairement responsables pour le montant de 1 913 971 [euros] ;

32)      [la requérante] et [ACW] sont […] solidairement responsables pour le montant de 1 432 229 [euros] ; 

[…] »

39      Pour fixer le montant des amendes, la Commission a fait application des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2).

 Modification de la décision attaquée

40      La décision attaquée a été modifiée par la décision C (2010) 727 de la Commission, du 8 février 2010 (ci-après la « décision modificative »).

41      L’article 1er de la décision modificative a modifié l’article 2, deuxième alinéa, de la décision attaquée comme suit :

« L’article 2, [point] 31), est remplacé par le texte suivant :

‘31-a) [la requérante], [ACW] et [CPA] sont [solidairement] responsables pour le montant de 1 086 129 [euros] ;

31-b)      [la requérante] et [CPA] sont [solidairement] responsables pour le montant de 827 842 [euros]’. 

L’article 2, [point] 32), est remplacé par le texte suivant :

‘32)            [la requérante] est responsable pour le montant de 1 432 229 [euros]’. » 

42      La décision modificative, adressée à ACW, à la requérante et à CPA, a été notifiée à la requérante le 10 février 2010.

 Procédure et conclusions des parties

43      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 janvier 2010, la requérante a formé un recours contre la décision attaquée.

44      Par télécopie adressée au greffe du Tribunal le 23 février 2010, la Commission a demandé au Tribunal de prolonger le délai imparti pour déposer le mémoire en défense.

45      Par courrier adressé au greffe du Tribunal le 16 mars 2010, la Commission a demandé au Tribunal, à la suite de l’adoption de la décision modificative, de permettre à la requérante, au titre de mesures d’organisation de la procédure, d’adapter ou de compléter la requête et de fixer un nouveau délai pour le dépôt du mémoire en défense.

46      Par courrier du 9 avril 2010, la requérante a soumis au Tribunal ses observations sur la demande de mesures d’organisation de la procédure de la Commission.

47      Par télécopie adressée au greffe du Tribunal le 18 mai 2010, la Commission a demandé au Tribunal de prolonger le délai imparti pour déposer le mémoire en défense.

48      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 avril 2010 et enregistrée sous la référence T‑189/10, la requérante a formé un recours contre la décision modificative (affaire GEA Group/Commission).

49      Dans la requête dans l’affaire T‑189/10, la requérante a demandé au Tribunal de joindre cette affaire à la présente affaire.

50      En date du 14 juin 2010, les parties ont été invitées à soumettre leurs observations sur une éventuelle jonction des affaires T‑45/10 et T‑189/10 aux fins de la procédure écrite.

51      La requérante a soumis ses observations le 22 juin 2010 et la Commission le 5 juillet 2010.

52      Par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 7 juillet 2010, la présente affaire a été jointe à l’affaire T‑189/10 aux fins de la procédure écrite.

53      Par télécopie adressée au greffe du Tribunal le 9 novembre 2010, la Commission a déposé un corrigendum au mémoire en défense.

54      Par télécopie adressée au greffe du Tribunal le 21 décembre 2010, la Commission a déposé un complément à la duplique.

55      Par télécopie adressée au greffe du Tribunal le 8 mars 2011, la Commission a déposé un corrigendum à la duplique.

56      Par lettre du 4 août 2011 adressée au greffe du Tribunal, la Commission a fait savoir que, à la lumière de l’arrêt du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a. (C‑201/09 P et C‑216/09 P, Rec, EU:C:2010:190), elle retirait ses arguments selon lesquels la suspension de la prescription, en application de l’article 25, paragraphe 6, du règlement n° 1/2003, par la procédure judiciaire Akzo avait un effet erga omnes, y compris à l’égard de la requérante. Elle a également déclaré qu’elle maintenait l’ensemble des autres arguments avancés par rapport au premier moyen de la requête. Le Tribunal en a pris acte.

57      Par télécopie adressée au greffe du Tribunal le 18 août 2011, la requérante a demandé au Tribunal de prolonger le délai imparti pour soumettre ses observations sur la lettre de la Commission du 4 août 2011.

58      La requérante a déposé des observations sur la lettre susvisée dans le nouveau délai imparti, en l’occurrence le 28 septembre 2011.

59      En date du 25 février 2013, il a été décidé d’entendre les parties sur une éventuelle jonction de la présente affaire et de l’affaire T‑189/10 aux fins de la procédure orale et de la décision mettant fin au litige.

60      En dates du 25 février et du 8 mars 2013, le Tribunal a décidé, au titre des mesures d’organisation de la procédure, de poser plusieurs questions aux parties.

61      Ainsi, les parties ont été invitées à soumettre leurs observations sur une éventuelle suspension de l’affaire, en application de l’article 77, sous d), du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, dans l’attente du prononcé de la décision de la Cour mettant fin au litige dans l’affaire C‑23l/11 P, Commission/Siemens Österreich e.a..

62      Les parties ont également été invitées à indiquer durant quelle période précise, au cours des années 1994 et 1995, la participation de MG dans le capital d’une société intermédiaire avait été limitée à 71,4 %.

63      La requérante a été invitée à préciser son chiffre d’affaires durant le dernier exercice clos.

64      La Commission a été invitée à préciser comment elle était parvenue, dans le calcul des amendes, aux montants figurant aux cinquième et sixième lignes en maigre des tableaux figurant aux considérants 717 et 773 de la décision attaquée et à l’article 2, points 31 et 32, de cette décision.

65      La Commission a répondu aux questions du Tribunal le 18 mars 2013.

66      La requérante a répondu aux questions du Tribunal le 20 mars 2013.

67      Les réponses de la Commission ont été communiquées à la requérante le 16 avril 2013.

68      Les réponses de la requérante ont été communiquées à la Commission le même jour.

69      Par ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 24 avril 2013, il a été décidé, en application de l’article 77, sous d), du règlement de procédure du 2 mai 1991, de suspendre l’affaire dans l’attente du prononcé de la décision de la Cour mettant fin au litige dans l’affaire C‑23l/11 P, Commission/Siemens Österreich e.a..

70      Par télécopie adressée au greffe du Tribunal le 3 mai 2013, la Commission a déposé un corrigendum à ses réponses aux questions du Tribunal.

71      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée le 1er octobre 2013.

72      Le 10 avril 2014, la Cour a prononcé l’arrêt Commission/Siemens Österreich e.a. et Siemens Transmission & Distribution e.a./Commission (C‑231/11 P à C‑233/11 P, Rec, ci-après l’« arrêt Siemens », EU:C:2014:256).

73      Le même jour, la Cour a prononcé l’arrêt Areva e.a./Commission (C‑247/11 P et C‑253/11 P, Rec, ci-après l’« arrêt Areva », EU:C:2014:257).

74      Au titre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a, en date du 23 avril 2014, invité les parties à soumettre par écrit leurs observations sur l’incidence sur la présente affaire de l’arrêt Siemens, point 72 supra (EU:C:2014:256).

75      Le 8 mai 2014, la requérante a soumis ses observations sur l’incidence, sur la présente affaire, de l’arrêt Siemens, point 72 supra (EU:C:2014:256).

76      Le même jour, la Commission a soumis ses observations sur l’incidence, sur la présente affaire, de l’arrêt Siemens, point 72 supra (EU:C:2014:256).

77      La réponse de la requérante, sur l’incidence, sur la présente affaire, de l’arrêt Siemens, point 72 supra (EU:C:2014:256), a été communiquée à la Commission le 14 mai 2014.

78      Le même jour, la réponse de la Commission, sur l’incidence, sur la présente affaire, de l’arrêt Siemens, point 72 supra (EU:C:2014:256), a été communiquée à la requérante.

79      Par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 21 mai 2014, la présente affaire a été jointe à l’affaire T‑189/10 aux fins de la procédure orale.

80      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé, en date du 22 mai 2014, d’ouvrir la procédure orale et a invité les parties à soumettre par écrit leurs observations sur l’incidence sur ces deux affaires de l’arrêt Areva, point 73 supra (EU:C:2014:257), en particulier des points 132, 137 et 138 dudit arrêt.

81      En date du 6 juin 2014, la Commission a soumis ses observations sur l’incidence de l’arrêt Areva, point 73 supra (EU:C:2014:257).

82      Le même jour, la requérante a soumis ses observations sur l’incidence de l’arrêt Areva, point 73 supra (EU:C:2014:257).

83      La réponse de la requérante, sur l’incidence de l’arrêt Areva, point 73 supra (EU:C:2014:257), a été communiquée à la Commission le 16 juin 2014.

84      Le même jour, la réponse de la Commission, sur l’incidence de l’arrêt Areva, point 73 supra (EU:C:2014:257), a été communiquée à la requérante.

85      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 24 septembre 2014. Au terme de l’audience, le Tribunal a décidé de laisser la procédure orale ouverte, ce dont il a été pris acte au procès-verbal de l’audience, dans l’attente des réponses aux questions du Tribunal aux parties. Les parties ont répondu auxdites questions les 23 et 28 octobre 2014.

86      Dans la présente affaire, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, annuler partiellement la décision attaquée et réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

87      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

88      Par arrêt prononcé ce jour dans l’affaire T‑189/10, GEA Group/Commission, le Tribunal a annulé la décision modificative.

 En droit

89      Au soutien du recours, la requérante invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré d’erreurs d’imputation de l’infraction. Le deuxième moyen est tiré de violations des règles de prescription et le troisième de violations des droits de la défense.

1.     Sur le premier moyen, tiré d’erreurs d’imputation de l’infraction

90      Dans le cadre du premier moyen du recours, la requérante invoque, aux fins d’annulation ou, à titre subsidiaire, de réformation de la décision attaquée, des erreurs d’imputation de l’infraction.

91      La requérante conteste l’imputation de l’infraction qu’a retenue la Commission dans la décision attaquée pour la période postérieure à la fin de l’année 1994, de sorte que, selon elle, la prescription était acquise, en application de l’article 25, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 1/2003, pour l’infraction commise avant cette période et qui lui a été imputée.

 Considérations liminaires

92      À titre liminaire, il convient, sur la base de leurs écrits et des réponses apportées par les parties aux questions du Tribunal lors de l’audience, de faire état de l’évolution du groupe des sociétés en cause durant l’intégralité de la durée de l’infraction retenue dans la décision attaquée.

93      Il en ressort que, entre le 11 septembre 1991 et, ainsi qu’en sont convenues les parties durant l’audience, septembre 1994 (ci-après la « première période infractionnelle »), MG détenait, à hauteur de 100 %, les capitaux d’OCG et de Chemetall GmbH ainsi que, par l’intermédiaire de sa filiale détenue à 100 %, MG Autriche, 100 % du capital d’OCA.

94      Ainsi, durant la première période infractionnelle, MG détenait, directement, 100 % du capital d’OCG.

95      À compter, ainsi qu’en sont convenues les parties durant l’audience, de septembre 1994 et jusqu’au 1er janvier 1995 (ci-après la « deuxième période infractionnelle »), MG a détenu, d’une part, intégralement (100 %), mais indirectement, par l’intermédiaire de MG Autriche et de Chemson Holding Autriche, le capital d’OCA et, d’autre part, par l’intermédiaire de sa filiale détenue à 100 %, MG Industrie , 71,4 % du capital de Dynamit Nobel AG (ci-après « DN »), Dresdner Bank AG et Deutsche Bank AG (ci-après les « banques ») détenant à parts égales, soit 14,3 % chacune, le reste du capital de DN, cette dernière détenant l’intégralité (100 %) du capital de Chemetall ainsi que l’intégralité (100 %) du capital d’OCG.

96      Ainsi, durant la deuxième période infractionnelle, MG détenait, indirectement, 71,4 % du capital d’OCG.

97      Entre, ainsi qu’en sont convenues les parties durant l’audience, le 1er janvier 1995 et le 17 mai 2000, soit la fin de l’infraction selon la durée retenue dans la décision attaquée (ci-après la « troisième période infractionnelle »), la participation des banques a été réduite à 0,25 % chacune dans le capital de DN.

98      Le 1er janvier 1995, ainsi qu’en sont convenues les parties durant l’audience, MG Management-Service Gmbh (ci-après « MG Management »), détenue à 100 % par MG, est entrée dans le capital de DN à hauteur de 28,1 %.

99      Par conséquent, il doit être considéré, selon les réponses des parties aux questions du Tribunal à cet effet lors de l’audience, que, durant la troisième période infractionnelle, MG détenait 100 % du capital de MG Industrie et 100 % du capital de MG Management et que le capital de DN était détenu à hauteur de 0,25 % par chacune des banques, de 71,4 % par MG Industrie et de 28,1 % par MG Management.

100    Il doit également être considéré, selon les réponses des parties aux questions du Tribunal à cet effet lors de l’audience, que DN détenait, pour le moins en 1995, l’intégralité du capital de Chemetall, laquelle détenait l’intégralité du capital d’OCA, cette dernière détenant l’intégralité du capital d’OCG.

101    Au cours des années 1996 et 1997, la seule modification a consisté à supprimer MG Industrie de la chaîne des sociétés en cause, MG Management détenant 99,5 % du capital de DN et continuant à être contrôlée à 100 % par MG, les participations des banques dans le capital de DN n’ayant pas été modifiées, ni celles de Chemetall dans le capital d’OCA, pas plus que celle d’OCA dans le capital d’OCG.

102    En 1998, la seule modification a consisté à supprimer MG Management, MG détenant directement 99,5 % du capital de DN et à interposer DN Beteiligung entre DN et Chemetall, les participations des banques dans le capital de DN n’ayant pas été modifiées, ni celles de Chemetall dans le capital d’OCA, pas plus que celle d’OCA dans le capital d’OCG.

103    En 1999 et jusqu’au 17 mai 2000, la seule modification a consisté à inverser OCA et OCG dans la chaîne des sociétés en cause.

104    Ainsi, durant la troisième période infractionnelle, MG détenait, indirectement, 99,5 % du capital d’OCG et d’OCA.

 Arguments des parties

105    En premier lieu, la requérante soutient que MG, à laquelle elle a succédé en droit, n’a pas exercé une influence déterminante sur OCA (devenue CPA) et sur OCG (devenue ACW).

106    En ce sens, la requérante affirme, tout d’abord, que les banques avaient de larges pouvoirs d’influence sur DN, en vertu d’un accord de consortium du 30 septembre 1992, d’une convention de crédit de 1995 et d’un accord formel de contrôle conclu en septembre 1996.

107    Ensuite, elle prétend que l’influence exercée par MG sur DN a été par conséquent limitée à partir de la fin de l’année 1994, de même que son influence sur OCA et OCG, car DN s’était interposée.

108    Puis, la requérante fait valoir différents témoignages pour établir que, après le rachat par DN d’OCA et d’OCG, MG n’exerçait pas sur ces sociétés une influence déterminante.

109    Enfin, elle soutient que, pour étayer sa présomption d’une influence déterminante, la Commission a invoqué des faits inexacts, quant à l’existence de plusieurs accords de contrôle qui menaient en fin de compte d’OCA et d’OCG à MG, quant à la preuve en résultant, avec d’autres documents, de l’exercice par MG d’une influence effective, quant à l’existence d’un mécanisme qui lui permettait d’exercer une influence sur ses filiales, de telle sorte que ces dernières ne pouvaient déterminer leur comportement sur le marché de façon autonome, quant à l’exercice, après 1993, d’une influence de MG sur les questions relatives à la liquidité et à la rentabilité de la société et quant à la direction commerciale de DN par MG.

110    En deuxième lieu, la requérante prétend que la Commission n’a pas établi que MG, à laquelle elle a succédé en droit, avait exercé une influence déterminante sur OCA (devenue CPA) et réaffirme qu’elle s’est appuyée sur une présomption reposant sur des constatations erronées.

111    La Commission n’aurait pas non plus établi que MG a exercé une influence déterminante sur DN, car elle se serait contentée d’alléguer la participation majoritaire de MG dans le capital de DN, une telle participation n’impliquant pas nécessairement l’exercice d’une influence déterminante, alors que cet exercice doit avoir été effectif.

112    Elle invoquerait à tort, aux considérants 649 et 650 de la décision attaquée, la direction industrielle accordée à MG en vertu de l’accord de consortium du 30 septembre 1992, un accord de transfert des bénéfices conclu entre MG et DN en septembre 1995 et l’accord de contrôle conclu entre DN et MG en septembre 1996, car ces éléments ne permettraient pas d’établir l’exercice effectif d’une influence déterminante ou l’existence d’une unité économique.

113    En troisième et dernier lieu, la requérante soutient que l’exercice effectif d’une influence déterminante de MG ne pouvait, en l’espèce, être présumé, les conditions jurisprudentielles de la présomption capitalistique n’étant pas réunies.

114    D’une part et en général, ladite présomption ne s’appliquerait que lorsque la société mère détient directement l’intégralité (100 %) du capital de sa filiale.

115    D’autre part, concernant les circonstances de la présente affaire, il serait contraire aux principes de la présomption d’innocence, de responsabilité et de légalité des peines de présumer que MG a exercé son influence, présumée, sur DN pour se servir de DN et, indirectement, de Chemetall pour finalement exercer une influence sur OCA et sur OCG.

116    Partant, la requérante ne saurait devoir répondre des agissements d’OCA et d’OCG, car on ne saurait, en tout état de cause, lui imputer la responsabilité de leurs agissements postérieurs à la fin de 1994, ces agissements imputés directement à la requérante étant prescrits en vertu de l’article 25, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 1/2003.

117    Avant de soutenir qu’elle pouvait, en l’espèce, s’appuyer sur la présomption capitalistique et que certaines circonstances confirment cette présomption, la Commission conteste avoir erronément apprécié les rapports de participation des sociétés en cause dans la décision attaquée.

118    À cet égard, elle affirme avoir correctement reproduit, au considérant 635 de la décision attaquée, la structure de l’actionnariat tout au long de la durée de l’infraction telle que la requérante la présente dans la requête. Certes, il serait exact que, dans sa description de la structure de l’entreprise, aux considérants 39, 628 et 629, la Commission part du principe que MG détient seule les sociétés concernées. Aux considérants 40 et 634, elle préciserait toutefois, explicitement, qu’il ne s’agit que des faits tels qu’elle en avait connaissance au moment de la communication des griefs. Après la communication des griefs et à la suite de la mise au point effectuée par les destinataires concernés, la Commission aurait donné, au considérant 635, une présentation plus précise de la structure de l’entreprise pour la période postérieure à septembre 1994. Et, comme elle le préciserait au considérant 634, ce serait sur ces faits, modifiés, qu’elle se serait fondée dans la décision attaquée.

119    Selon ces indications, OCA et OCG auraient été, durant les première et deuxième périodes infractionnelles, des filiales, directes, à 100 % de MG. Après une restructuration interne du groupe MG, ces sociétés auraient été, à compter du début et jusqu’à la fin de la troisième période infractionnelle, des filiales, également détenues à 100 %, de DN. Avec ses filiales, DN aurait alors constitué un sous-groupe du groupe MG. En 1994, MG aurait détenu une participation de 71,4 % dans DN. Dès 1995, cette participation aurait été portée à près de 100 % (99,5 %), tandis que la participation des banques aurait été réduite pour chacune d’elles de 14,3 % à une participation marginale de 0,25 %.

120    La Commission ajoute qu’il est significatif que la requérante n’évoque une participation majoritaire nettement inférieure à 100 % de MG dans OCA et OCG que durant la deuxième période infractionnelle, la requérante indiquant elle-même que la participation de MG dans DN est remontée, « à partir de 1995 », à 99,5 %, la participation réduite de 71,4 % détenue pendant la période à prendre en compte ne pouvant donc, en toute hypothèse, avoir existé que pendant une période très courte.

121    Ces considérations faites, la Commission soutient, en premier lieu, qu’elle pouvait, en l’espèce, faire application de la présomption capitalistique, dès lors que ladite présomption est également applicable, non seulement en cas de participations « de près de 100 % », mais également en présence d’une participation indirecte détenue dans un groupe à plusieurs niveaux.

122    En deuxième lieu, selon la Commission, l’application de la présomption capitalistique ne serait contraire ni à la présomption d’innocence ni au principe de responsabilité.

123    En troisième lieu, la Commission fait valoir des éléments qui confirmeraient l’exercice effectif, en l’espèce, d’une influence déterminante de MG dans le groupe des auteurs directs des infractions. Or, même en admettant qu’il ait existé une très brève période pendant laquelle MG n’a détenu, par l’intermédiaire de DN, que 71,4 % du capital d’OCA et d’OCG, l’exercice de son influence serait prouvé par des faits cités et la requérante aurait échoué à rapporter la preuve contraire.

124    Il ne serait pas nécessaire que la société mère ait exercé une influence sur la politique commerciale au sens strict, à savoir dans le cadre d’une activité opérationnelle, l’exercice d’une influence sur des aspects essentiels de la stratégie de la filiale étant suffisant. En l’espèce, il n’est donc pas nécessaire que MG soit intervenue directement dans la politique des prix d’OCA et d’OCG.

125    Les obligations de rendre compte à plusieurs niveaux seraient typiques de l’organisation de grands groupes avec une structure hiérarchisée et démontreraient donc l’existence d’une entité économique formée par la filiale et la société mère. Le fait que les investissements soient soumis à autorisation constituerait une autre indication de l’existence d’une entité économique, la limitation de la communication entre la société mère et la filiale ne constituant pas un indice d’une absence d’influence, pas plus que la différence de secteurs d’activités ou la faiblesse du chiffre d’affaires de la filiale ou encore la consolidation des chiffres d’affaires au niveau inférieur.

126    En quatrième lieu, la Commission soutient que l’application des solutions jurisprudentielles en l’espèce, notamment à la lumière des informations communiquées par la requérante, démontrerait qu’OCA et OCG étaient intégrées, au moyen d’un grand nombre de liens économiques, organisationnels et juridiques, dans le groupe MG, à la tête duquel MG jouait le rôle de centre décisionnel, MG, OCA et OCG formant ainsi ensemble une entité économique.

127    Selon la Commission, le groupe MG présentait une structure à plusieurs niveaux, MG opérant comme holding faîtier, DN et Chemetall comme holdings intermédiaires et OCG et OCA comme sociétés d’exploitation, et MG était chargée de la gestion industrielle du sous-groupe DN et des filiales le composant.

128    Le groupe MG aurait été organisé en plusieurs niveaux hiérarchiques, allant de MG à OCA et OCG, cette organisation hiérarchique et uniforme de l’entreprise ressortant des obligations de rendre compte existant au sein du groupe et de la gestion centralisée de la politique commerciale par MG.

129    À compter de la troisième période infractionnelle, DN, en tant que société dirigeante pour l’activité chimique du groupe, aurait été directement dirigée par MG et aurait contrôlé Chemetall, cette dernière contrôlant opérationnellement OCA et OCG.

130    Ce groupe aurait été contrôlé par la société mère pour tout ce qui concernait les questions clés, des règles strictes ayant été imposées aux filiales, qui étaient soumises à un contrôle particulièrement étroit, notamment pour ce qui était des investissements qui étaient soumis à une obligation d’autorisation.

131    L’existence d’une entité économique ne serait pas contredite de manière déterminante par l’absence, alléguée par la requérante, d’obligations directes de rendre compte incombant aux employés de DN à l’égard de MG ou par la prétendue vérification des comptes, par DN, de ses filiales. Quant à l’affirmation selon laquelle le secteur des stabilisants ne revêtait, au sein du groupe, qu’une importance mineure, elle n’est ni pertinente ni exacte, puisqu’il constituait un des deux seuls centres de profit de MG.

132    L’argument tiré des pouvoirs des banques ne serait pas non plus pertinent, dès lors que ces banques ne visaient qu’à protéger leurs intérêts financiers, sans que cela implique pour autant l’autonomie de DN par rapport à MG.

 Appréciation du Tribunal

 Rappel de la jurisprudence pertinente

133    D’emblée, il faut rappeler que la Cour a déjà jugé qu’il résulte d’une jurisprudence constante que le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère, notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, Rec, EU:C:2009:536, point 58).

134    En effet, il en est ainsi parce que, dans une telle situation, la société mère et sa filiale font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise. Ainsi, le fait qu’une société mère et sa filiale constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE permet à la Commission d’adresser une décision imposant des amendes à la société mère, sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 133 supra, EU:C:2009:536, point 59).

135    Dans le cas particulier où une société mère détient la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de concurrence, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable (ci-après la « présomption capitalistique ») selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale (voir, en ce sens, arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 133 supra, EU:C:2009:536, point 60 et jurisprudence citée).

136    Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité ou la quasi-totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme solidairement responsable pour le paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 133 supra, EU:C:2009:536, point 61 et jurisprudence citée).

 Observations liminaires

137    En l’espèce et à titre liminaire, d’une part, il y a lieu d’observer que, en réponse à des questions posées à cet effet par le Tribunal lors de l’audience, la requérante ne conteste pas l’imputation de l’infraction commise durant la première période infractionnelle, c’est-à-dire du 11 septembre 1991 à septembre 1994, de sorte que le moyen tiré d’une erreur d’imputation de l’infraction ne vise que la période commençant à compter de septembre 1994, soit à compter de la deuxième période infractionnelle.

138    D’autre part, il convient de relever que la Commission a précisé durant l’audience qu’elle avait fait application, dans la décision attaquée, de la présomption capitalistique tant pour la première période infractionnelle, allant du 11 septembre 1991 à septembre 1994, que pour la troisième période infractionnelle, allant du 1er janvier 1995 au 17 mai 2000, mais non pour la deuxième période infractionnelle, allant de septembre 1994 au 1er janvier 1995.

139     Le Tribunal estime opportun d’analyser dans un premier temps le moyen en tant qu’il concerne la troisième période infractionnelle.

 Sur la troisième période infractionnelle

140    Pour ce qui est de la troisième période infractionnelle, les arguments que fait valoir la requérante, pour écarter, en l’espèce, l’application de la présomption capitalistique, ne sauraient prospérer.

141    Dans le contexte de la présente affaire, c’est-à-dire d’une participation indirecte de 99,5 % durant l’intégralité de la troisième période infractionnelle, il convient, tout d’abord, de rappeler qu’il a déjà été admis que ladite présomption trouve application lorsque la société mère détient non pas 100 % du capital de sa filiale, mais, comme en l’espèce, près de 100 % (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, Rec, EU:C:2011:620, point 63.).

142    Ensuite, il convient de rappeler qu’il a déjà été admis que ladite présomption trouve également application lorsque la société mère détient le capital de sa filiale, non directement, mais, comme en l’espèce, par l’intermédiaire d’autres sociétés (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C‑90/09 P, Rec, EU:C:2011:21, point 86). Ainsi, dans le cas particulier où une société holding détient la totalité ou la quasi-totalité du capital d’une société interposée, qui possède à son tour la totalité ou la quasi-totalité du capital d’une filiale de son groupe auteur d’une infraction aux règles de concurrence de l’Union, il existe également une présomption capitalistique selon laquelle cette société holding exerce une influence déterminante sur le comportement de la société interposée et indirectement, par l’intermédiaire de cette dernière, également sur le comportement de ladite filiale (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2013, Eni/Commission, C‑508/11 P, Rec, EU:C:2013:289, points 48 et 49).

143    Enfin, il a déjà été jugé que la présomption capitalistique n’est pas contraire au principe de présomption d’innocence (voir, en ce sens, arrêt Elf Aquitaine/Commission, point 141 supra, EU:C:2011:620, point 59).

144    De même, la Cour a déjà jugé que ladite présomption n’était pas contraire au principe de responsabilité personnelle (voir, en ce sens, arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 133 supra, EU:C:2009:536, point 56).

145    La présomption capitalistique ne saurait être non plus contraire au principe de légalité des peines (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2011, Elf Aquitaine/Commission, T‑299/08, Rec, EU:T:2011:217, points 187 à 189).

146    Partant, dans les circonstances de l’espèce, la Commission pouvait, pour ce qui est de la troisième période infractionnelle, s’appuyer sur la présomption capitalistique, pour retenir que MG avait exercé une influence déterminante sur l’auteur de l’infraction eu égard à l’ampleur de ses participations indirectes dans le capital dudit auteur.

147    Dans ces conditions, dès lors que la Commission a prouvé que la totalité ou la quasi-totalité du capital d’OCA et d’OCG était détenue, même indirectement, par MG et que, par conséquent, cette dernière était présumée avoir exercé de manière effective une influence déterminante sur leur politique commerciale, il incombait à la requérante de renverser la présomption capitalistique en apportant des éléments de preuve susceptibles de démontrer que ses filiales déterminaient de façon autonome leur ligne d’action sur le marché.

148    Si la présomption n’a pas été renversée, la Commission était en mesure, par la suite, d’imputer l’infraction à MG et de la condamner solidairement au paiement des amendes infligées à ses filiales.

149    Il s’ensuit que le grief de la requérante selon lequel la Commission a méconnu le régime probatoire gouvernant l’imputabilité des infractions au sein des groupes de sociétés ne saurait être accueilli.

150    En effet, dans la mesure où la quasi-totalité du capital d’OCA et d’OCG était, durant la troisième période infractionnelle, indirectement détenue par MG, c’est à bon droit que la Commission pouvait présumer leur absence d’autonomie et considérer qu’il appartenait à la requérante d’apporter des éléments de preuve démontrant que les filiales de MG déterminaient de façon autonome leur ligne d’action sur le marché.

151    C’est dans ces circonstances qu’il convient d’analyser, en l’espèce, les éléments de preuve apportés par la requérante aux fins de renverser la présomption capitalistique.

152    À cet égard, il faut souligner que l’essentiel des arguments de la requérante rappelés aux points 105 à 116 du présent arrêt, au titre de son moyen tiré d’une erreur d’imputation de l’infraction, ne vise pas tant à renverser la présomption capitalistique qu’à rejeter les éléments que la Commission a retenus pour l’étayer.

153    Partant, ces arguments ne sauraient être opérants, dès lors que, ainsi que cela a été considéré, la Commission pouvait à bon droit, dans les circonstances de l’affaire, s’appuyer sur la présomption capitalistique aux fins d’établir l’exercice effectif d’une influence déterminante durant la troisième période infractionnelle.

154    Pour ce qui est des arguments qui visent spécifiquement à renverser ladite présomption, force est de constater, tout d’abord, que la requérante surestime les pouvoirs d’influence des banques, car pour les motifs exposés aux points 163 et suivants ci-après, ces dernières n’étaient aucunement impliquées dans le contrôle de la gestion de DN. Même avec quelques ajustements, elles ne détenaient que 0,25 %, chacune, des parts de DN durant la troisième période infractionnelle.

155    Ensuite, l’interposition de DN, entre MG et OCG et OCA, sous la forme d’une prise de participation, de la part de DN, dans OCA et OCG et d’une participation de MG dans DN, ne saurait, à elle seule, être considérée comme limitant l’influence exercée par MG sur OCA et OCG, sauf à remettre en cause l’applicabilité de la présomption capitalistique en cas de participation indirecte de la société mère dans le capital de la filiale, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 142 ci-dessus.

156    Enfin, les différents témoignages produits par la requérante et résumés aux points 27 à 36 de la requête ne sauraient non plus renverser ladite présomption selon laquelle, après le rachat par DN d’OCA et d’OCG, MG exerçait effectivement sur ces sociétés une influence déterminante.

157    En effet, selon la requérante, il en ressort, en substance, que MG n’était qu’une société holding financière ne disposant pas du savoir-faire nécessaire pour exercer un contrôle sur les activités commerciales de DN, de Chemetall et, a fortiori, sur OCA et OCG.

158    Selon lesdits témoignages, l’influence de MG sur DN serait limitée à la fixation d’objectifs en termes de résultats financiers et ne consisterait pas en un contrôle des activités opérationnelles du groupe, et ce, en dépit d’un accord de contrôle.

159    S’agissant plus précisément de la période postérieure audit accord de contrôle, la requérante relève que les différents témoignages révèlent l’opposition constante du conseil d’administration de DN, soutenu expressément par les banques, à l’exercice d’un contrôle de la part de MG, ce qui ressortirait de la nomination, à la fonction de président du conseil d’administration de DN, de personnes hostiles à l’instauration d’un rapport hiérarchique direct entre les deux sociétés.

160    De même, il ressortirait des témoignages en question que DN n’exerçait, elle non plus, aucune influence déterminante sur les activités opérationnelles de Chemetall, considérant que cette dernière intervenait de manière autonome dans le secteur de l’industrie chimique, nécessitant des connaissances spécialisées faisant défaut à DN, et bénéficiait, outre d’un réseau de clients et fournisseurs personnel, de ses propres infrastructures.

161    À cet égard, force est de constater que la requérante sous-estime le pouvoir de contrôle exercé par MG, et ce quand bien même l’exercice dudit contrôle se limiterait à une obligation de rendre compte de la gestion en termes de résultats financiers.

162    En effet, MG et DN étaient liés par un accord de contrôle, conclu le 23 août 1996 entre MG-Management-Service GmbH (ci-après « MGMS »), société détenue à 100 % par MG, et DN, octroyant la possibilité à MG d’imposer des directives, selon l’article 1er, paragraphe 1, dudit accord, mais également par un contrat de cession de bénéfices, conclu le 29 septembre 1995 et entré en vigueur rétroactivement le 1er octobre 1994, démontrant un intérêt direct au contrôle de la gestion de DN.

163    Par ailleurs, les banques n’étaient aucunement impliquées dans la gestion commerciale de DN, leur influence se limitant, selon les articles I.6 et I.7 de l’accord de consortium conclu le 30 septembre 1992, entre les banques et MG, MG Industriebeteiligungen AG (ci-après « MGI ») et MGMS, aux décisions pouvant porter atteinte à leurs intérêts financiers. En effet, il ressort, expressément de l’article I.5 de l’accord de consortium, lu en combinaison avec les articles I.1 à I.3, que MGI devait assumer, dans la mesure du possible, la gestion industrielle auprès de DN et solliciter uniquement l’autorisation des banques en cas de restructuration du « groupe MG » pouvant affecter leurs intérêts financiers.

164    Enfin, l’influence exercée par DN sur Chemetall ne saurait être contestée, en raison des liens financiers unissant les deux sociétés, en vertu, notamment, du contrat de cession de bénéfices unissant les deux sociétés, en vigueur depuis le 24 septembre 1992, et du contrôle opéré par DN tant pour le recrutement du personnel que pour la prise de certaines décisions stratégiques, ainsi qu’il ressort du point 7.2 du règlement intérieur d’OCA et du formulaire utilisé par Chemetall pour le recrutement du personnel, nécessitant la signature de DN.

165    Par conséquent, la requérante ne saurait, par ces différents témoignages, renverser la présomption capitalistique résultant du rachat d’OCA et d’OCG par DN.

166    Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen du recours, tiré d’erreurs d’imputation de l’infraction, en ce qu’il vise la troisième période infractionnelle.

 Sur la deuxième période infractionnelle

167    Concernant la deuxième période infractionnelle, à savoir, pour rappel, la période allant, ainsi qu’en sont convenues les parties durant l’audience, de septembre 1994 au 1er janvier 1995, la Commission a, lors de l’audience, confirmé que, durant cette période, la participation de MG dans le capital de DN n’était que de 71,4 %.

168    Ainsi, dès lors que les conditions de la présomption capitalistique, avec une participation indirecte à hauteur de 71,4 %, n’étaient manifestement pas réunies, il appartenait à la Commission d’établir l’exercice effectif, même indirect, d’une influence déterminante de MG sur DN ou sur OCG.

169    En effet, à défaut de présomption capitalistique, la société mère peut être tenue pour responsable des comportements infractionnels d’une de ses filiales pour autant qu’il soit démontré que cette dernière ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 133 supra, EU:C:2009:536, point 58).

170    Il incombait donc à la Commission de tenir compte des liens organisationnels, économiques et juridiques entre la société mère et la filiale de nature à démontrer que ces sociétés constituaient une entité économique unique. L’énumération des critères à prendre en considération n’est pas exhaustive et il convient de déterminer leur caractère et importance dans chaque cas d’espèce. Ainsi, l’autonomie de la filiale ne s’apprécie pas nécessairement uniquement sur le plan opérationnel, mais également sur le plan financier (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2013, Eni/Commission, C‑508/11 P, Rec, EU:C:2013:289, point 68), le point déterminant étant finalement de savoir si la société mère exerce une influence suffisante pour orienter le comportement de la filiale dans une mesure telle que les deux doivent être considérées comme une unité sur le plan économique (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, Rec, EU:C:2009:262, point 93).

171    En l’espèce, la Commission a estimé, en substance, dans les considérants 629 et 630 de la décision attaquée, que, pour la période antérieure au 17 mai 2000, les accords de contrôle entre MG et ses filiales ainsi que d’autres documents démontraient que MG disposait d’un mécanisme destiné à exercer une influence sur ses filiales de sorte qu’elles n’étaient pas capables de déterminer de façon autonome leur comportement sur le marché. La Commission évoque en particulier le fait que, après avoir failli faire faillite en 1993, MG a intensifié le contrôle exercé sur ses filiales. Elle invoque à cet égard la réponse de Chemson du 10 juin 2008 à une question de la Commission.

172    Par ailleurs, dans les considérants 647 à 650 de la décision attaquée, la Commission a répondu à la contestation de la requérante selon laquelle, à partir de septembre 1994, MG ne contrôlait plus, de fait, DN, Chemetall et Chemson. Elle a rétorqué que, jusqu’en septembre 1994, MG était une société mère à 100 % d’OCG de sorte qu’elle pouvait présumer une influence déterminante sur sa filiale sans que la requérante ait pu renverser cette présomption. Pour la période postérieure à septembre 1994, la Commission a estimé qu’il ne pouvait être considéré que l’accord de consortium du 30 septembre 1992 et l’accord de crédit conclu par le consortium en 1995 avaient donné des pouvoirs de gestion importants aux banques, dont le rôle se limiterait à celui d’investisseur financier. Les contrats en cause n’auraient visé qu’à protéger les intérêts financiers desdites banques, qui se seraient accordées pour que MG gère l’activité industrielle de DN. Les contrats en cause n’auraient dès lors pas réduit l’influence que MG exerçait sur la gestion opérationnelle (operational business) de DN. Enfin, la Commission a invoqué le fait que, le 29 septembre 1995, MGI et DN avaient conclu un accord de transfert de bénéfices de DN vers MGI. Cet accord, enregistré le 8 décembre 1995, avait pris effet rétroactivement au 1er octobre 1994. La requérante conteste que lesdits éléments avancés par la Commission dans la décision attaquée suffisent à démontrer l’existence d’une influence déterminante par MG sur DN au cours de la deuxième période infractionnelle.

173    À cet égard, le Tribunal observe tout d’abord que la contestation de la requérante n’a trait qu’aux rapports entre MG et DN. Elle ne remet pas en cause l’influence déterminante de DN ou de Chemetall sur Chemson. En effet, dans ses écritures, elle mentionne qu’il est exact que Chemetall donnait des instructions précises à Chemson et exerçait en cela une influence déterminante. Ceci est confirmé par la réponse de Chemson du 10 juin 2008 à une demande de renseignements de la Commission, dans laquelle elle a indiqué que, pour la plus importante partie des décisions, Chemson était de fait gérée par Chemetall. Par ailleurs, la requérante indique dans la requête que, fin 1992, DN a racheté 100 % des parts de Chemetall de sorte qu’il pouvait être présumé que DN avait exercé une influence déterminante sur Chemetall.

174    Ensuite, s’agissant du rapport entre MG et DN durant la deuxième période infractionnelle, la requérante admet que MG a adressé à DN des objectifs concernant la liquidité et la rentabilité de la société et que DN a répercuté ses objectifs sur Chemetall. La requérante estime toutefois que DN ne recevait pas d’instructions de MG quant aux moyens à mettre en œuvre pour atteindre lesdits objectifs et, partant, que MG n’exerçait pas d’influence déterminante sur DN au sens de la jurisprudence reprise au point 169 et 170 ci-dessus.

175    À cet égard, ainsi que la Commission l’a exposé aux considérants 647 à 649 de la décision attaquée, le 30 septembre 1992, MG, MG Management, MG Industrie, Deutsche Bank et Dresdner Bank ont conclu un accord de consortium. Il ressort de son préambule et de son article V. que cet accord avait notamment pour objet, pendant une durée initiale de trois années, la prise de participation de Deutsche Bank et de Dresdner Bank dans DN à hauteur de 14,3 % pour chacune.

176    En outre, nonobstant cet accord de consortium, qui prévoit la diminution de la participation de MG Industrie dans DN à 71,4 % et la prise de participation par Deutsche Bank et Dresdner Bank dans DN respectivement à hauteur de 14,3 %, c’est à bon droit que la Commission a conclu, au considérant 649 de la décision attaquée, que MG a également exercé, durant la deuxième période infractionnelle, une influence déterminante sur DN. En effet, ainsi que l’a exposé la Commission, l’article I.5 de cet accord prévoyait l’approbation desdites banques pour que MGI assume, dans la mesure du possible, la gestion industrielle auprès de DN et que, pour ce qui était des décisions de personnel, les propositions de MGI revêtaient une importance particulière. Par ailleurs, il découle d’une lecture combinée des articles I.1 à I.3 que cette gestion industrielle de DN impliquait notamment l’autorisation de la prise de décisions stratégiques par MGI, dont des mesures de restructuration au sein du « groupe MG » (MG-Konzerns), telles que des transferts de participations et de départements d’activité commerciale de DN à MG. En vertu de l’article I.6, les banques étaient censées accepter de telles propositions de restructuration tant que leurs intérêts financiers étaient respectés de manière équitable. De même, au titre de l’article I.1., à défaut de disposition contraire, MGI, en tant qu’actionnaire majoritaire, était autorisée à faire usage de ses droits de vote dans DN conformément à ses propres décisions. Au cas où ces décisions étaient susceptibles d’affecter les intérêts des banques actionnaires, MGI était appelée à les consulter en vue d’un accord visant à respecter lesdits intérêts de manière équitable (wird MGI eine faire Interessenwahrung mit DB und DreBA vereinbaren). Par ailleurs, il ressort de l’article I.2 que MGI était tenue, notamment, d’informer les banques, en temps utile, de l’ensemble des questions et problèmes essentiels concernant le « groupe DN » (Unternehmensverbund DN) et de les tenir au courant, de manière biannuelle, de l’évolution courante de l’activité commerciale de DN. S’agissant de livraisons et de services entre le « groupe partiel DN » (Teilkonzern DN) et le « groupe restant MG » (übrigen Konzern MG), l’article I.3 stipulait que lesdites livraisons et lesdits services devaient être fournis conformément aux prix et aux conditions valables à l’égard de tiers. Enfin, en vertu de l’article I.4, les banques actionnaires pouvaient, si elles le souhaitaient, nommer chacune un représentant dans le conseil de surveillance de DN.

177    Ainsi, il résulte d’une lecture d’ensemble des dispositions susmentionnées de l’accord de consortium que la participation des banques dans ledit consortium se limitait à protéger leurs intérêts financiers jusqu’à ce que soit mis un terme à cette participation, en principe après trois ans, soit par la cotation en bourse des actions de DN, telle qu’envisagée par l’article II dudit accord, lu en combinaison avec son article V, troisième alinéa, soit par le rachat par MG des actions détenues par lesdites banques, sur le fondement du droit de rachat irrévocable de MG prévu aux articles III.3 et 4 de l’accord, lus en combinaison avec son article V, deuxième alinéa. En revanche, cet accord ne prévoyait pas de possibilité pour les banques actionnaires d’influer, de manière sensible, sur la gestion industrielle de DN, en ce compris sa structure et son activité commerciale.

178    Par ailleurs, dans la lettre du 5 juin 2008, reprise dans le dossier en tant que document ID 1715, à laquelle la Commission se réfère dans la note en bas de page n° 731 sous le considérant 630 de la décision attaquée, M. S. a indiqué que, à la suite du risque de faillite de MG survenu en 1993, la gestion exécutive d’OCA avait changé. Le nouveau directeur a été forcé de réorganiser la société et, de la sorte, d’augmenter sa liquidité et sa profitabilité. Depuis lors, MG avait un pouvoir d’influence sur toutes les questions qui concernaient la liquidité et la profitabilité de ladite société. M. S. a précisé que, à ce propos, des instructions claires avaient été données par les propriétaires, que la direction du groupe Chemson devait suivre. Cette dernière description rejoint la réponse de Chemson, du 10 juin 2008, à une demande de renseignements de la Commission dans laquelle il est indiqué que, après 1992, les propriétaires du groupe Chemson avaient exercé un pouvoir accru afin de rendre leurs filiales plus profitables. Ces pièces confirment que, durant la deuxième période infractionnelle, MG exerçait une influence déterminante sur DN sur le plan financier. Pour les motifs exposés aux points 175 et suivants du présent arrêt, l’intervention des banques n’était pas susceptible d’affecter l’exercice effectif de cette influence.

179    En outre, il est constant que, le 30 septembre 1994, c’est-à-dire au cours de la période initiale de validité de trois ans de l’accord de consortium du 30 septembre 1992, MG a transféré sa participation dans OCG à DN tout en maintenant une participation dans cette dernière. Le fait que MG ait unilatéralement procédé à une telle restructuration, conformément à l’article I.3 de l’accord de consortium, confirme que ledit accord lui permettait d’exercer, par le biais de MGI, une influence déterminante sur DN. En effet, la requérante ne conteste pas cette restructuration, mais se limite à indiquer que toutes les activités de MG dans le domaine de la chimie avaient été transférées à DN en vue de la cotation en bourse du nouveau groupe chimique ou de sa vente.

180    À cet égard, la Commission a précisé, à juste titre, en réponse aux allégations de la requérante faites en cours d’instance, qu’il ressortait tant de la réponse de M. S. que des ordres du jour du conseil de surveillance de DN du 30 septembre 1994 et du 30 septembre 1995 que M. N. était à la fois le président du directoire de MG à partir de 1993 et le président du conseil de surveillance de DN. Ce lien personnel entre les organes décisionnels des sociétés en cause est susceptible d’indiquer l’existence d’une influence effective de MG sur DN durant la deuxième période infractionnelle.

181    De même, il convient d’observer que, dans le document rédigé par M. R. et invoqué par la requérante en cours d’instance, celui-ci a qualifié MG de « holding de gestion stratégique ». Dans la continuité de cette qualification, il a indiqué que le « groupe [DN] mettait à la disposition de [MG], dans le cadre du reporting, les données réclamées par cette dernière », que « [d]es réunions d’évaluation étaient en outre régulièrement organisées », que, « lors de ces réunions, qui se tenaient dans les locaux de [MG], les différentes divisions de cette dernière, dont, notamment [DN], rendaient compte de l’évolution de l’activité ainsi que des mesures plus importantes prévues qui allaient au-delà de valeurs seuils déterminées » et que, « [a]lors que l’organisation stratégique proprement dite et les investissements de grande ampleur faisaient l’objet de discussions et de décisions, pratiquement aucune influence n’était, en revanche, exercée sur les activités opérationnelles ». Ainsi, ce témoignage confirme que MG intervenait auprès de DN non seulement afin de déterminer des objectifs de liquidité et de rentabilité, mais également dans l’organisation stratégique. Ainsi, la requérante n’est pas fondée à invoquer un manque d’influence directe de MG sur DN sur cette base.

182    Un manque d’influence déterminante n’est pas non plus démontré par la circonstance que, selon la requérante, MG n’était pas parvenue à placer son propre personnel chez DN contre la volonté des banques. En effet, d’une part, comme l’indique la Commission dans ses écritures sur la base d’une déclaration de M. J., lorsque les résultats financiers du groupe laissaient à désirer, MG prenait des décisions en matière de personnel et, d’autre part, la requérante n’a avancé aucun élément concret et précis permettant de considérer que, durant la deuxième période infractionnelle, les banques se sont opposées à la nomination d’une personne proposée par MG.

183    Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, le Tribunal estime que la Commission a démontré à suffisance de droit que, eu égard aux liens organisationnels, économiques et juridiques entre MGI et DN, MGI a, durant la deuxième période infractionnelle, exercé une influence déterminante pour orienter le comportement de DN dans une mesure telle que les deux doivent être considérées comme une unité sur le plan économique.

184    Partant, il y a également lieu de rejeter le premier moyen du recours, tiré d’erreurs d’imputation de l’infraction, en ce qu’il vise la deuxième période infractionnelle, de sorte que ce moyen doit être rejeté dans son ensemble.

2.     Sur le deuxième moyen, tiré de violations des règles de prescription

 Arguments de parties

185    Dans le cadre du deuxième moyen du recours, tiré de violations des règles de prescription, la requérante fait valoir, dans le cadre d’une première branche, que la Commission n’a pas établi l’existence de l’infraction « après 1996-1997 », de sorte que, pour l’infraction commise après cette période, l’action de la Commission était prescrite, en application de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1/2003.

186    Dans le cadre d’une seconde branche, la requérante soutient que, en tout état de cause, la Commission n’a pas établi l’existence de l’infraction durant les années 1999 et 2000, de sorte que les pouvoirs d’infliger des amendes de la Commission étaient prescrits à la date d’adoption de la décision attaquée, en application de l’article 25, paragraphe 5, du règlement n° 1/2003.

187    La Commission rejette les arguments de la requérante et soutient avoir, dans la décision attaquée, établi, à suffisance de droit, l’existence de l’infraction durant l’intégralité de la période infractionnelle.

 Rappel de la jurisprudence pertinente

188    À cet égard, il y a lieu de rappeler, en ce qui concerne l’administration de la preuve d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, que la Commission doit rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction (voir arrêt du 14 mai 2014, Reagens/Commission, T‑30/10, EU:T:2014:253, point 117 et jurisprudence citée).

189    Aussi est-il nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise (voir arrêt Reagens/Commission, point 188 supra, EU:T:2014:253, point 118 et jurisprudence citée).

190    Certes, si la Commission constate une infraction aux règles de concurrence en se fondant sur la supposition que les faits établis ne peuvent pas être expliqués autrement qu’en fonction de l’existence d’un comportement anticoncurrentiel, le juge de l’Union européenne sera amené à annuler la décision en question lorsque les entreprises concernées avancent une argumentation qui donne un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permet ainsi de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par la Commission pour conclure à l’existence d’une infraction. En effet, dans un tel cas, il ne saurait être considéré que la Commission a apporté la preuve de l’existence d’une infraction au droit de la concurrence (voir arrêt Reagens/Commission, point 188 supra, EU:T:2014:253, point 119 et jurisprudence citée).

191    Toutefois, il ressort également de la jurisprudence que chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction, car il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt Reagens/Commission, point 188 supra, EU:T:2014:253, point 120 et jurisprudence citée).

192    Il convient également de considérer que l’interdiction de participer à des pratiques et à des accords anticoncurrentiels ainsi que les sanctions que les contrevenants peuvent encourir étant notoires, il est usuel que les activités que ces pratiques et ces accords comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement, le plus souvent dans un pays tiers, et que la documentation s’y rapportant soit réduite au minimum (voir arrêt Reagens/Commission, point 188 supra, EU:T:2014:253, point 121 et jurisprudence citée).

193    Par ailleurs, même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, telles que les comptes rendus d’une réunion, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions (voir arrêt Reagens/Commission, point 188 supra, EU:T:2014:253, point 122 et jurisprudence citée).

194    Ainsi, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices, qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de concurrence (voir arrêt Reagens/Commission, point 188 supra, EU:T:2014:253, point 123 et jurisprudence citée).

195    En outre, il ressort de la jurisprudence que, en l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement l’intégralité de la durée d’une infraction, la Commission doit se fonder, au moins, sur des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises (voir arrêt Reagens/Commission, point 188 supra, EU:T:2014:253, point 124 et jurisprudence citée).

196    La Cour a également jugé que, dès lors que la Commission avait pu établir qu’une entreprise avait participé à des réunions entre entreprises à caractère manifestement anticoncurrentiel, le Tribunal avait pu estimer à juste titre qu’il incombait à cette dernière de fournir une autre explication du contenu de ces réunions. Ce faisant, le Tribunal n’avait pas opéré un renversement indu de la charge de la preuve, ni violé la présomption d’innocence (voir arrêt Reagens/Commission, point 188 supra, EU:T:2014:253, point 125 et jurisprudence citée).

197    De même, lorsque la Commission se fonde sur des éléments de preuve qui sont, en principe, suffisants pour démontrer l’existence de l’infraction, il ne suffit pas à l’entreprise concernée d’évoquer la possibilité qu’une circonstance s’est produite qui pourrait affecter la valeur probante de ces éléments de preuve pour que la Commission supporte la charge de prouver que cette circonstance n’a pas pu affecter la valeur probante de ceux-ci. Au contraire, sauf dans les cas où une telle preuve ne pourrait pas être fournie par l’entreprise concernée en raison du comportement de la Commission elle-même, il appartient à l’entreprise concernée d’établir à suffisance de droit, d’une part, l’existence de la circonstance qu’elle invoque et, d’autre part, que cette circonstance met en cause la valeur probante des éléments de preuve sur lesquels se fonde la Commission (voir arrêt Reagens/Commission, point 188 supra, EU:T:2014:253, point 126 et jurisprudence citée).

198    Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, pour prouver à suffisance de droit la participation d’une entreprise à une entente, il suffit de démontrer que l’entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, sans s’y être manifestement opposée. Lorsque la participation à de telles réunions a été établie, il incombe à cette entreprise d’avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur (voir arrêt Reagens/Commission, point 188 supra, EU:T:2014:253, point 127 et jurisprudence citée).

199    C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’apprécier le deuxième moyen de la requérante, tiré de violations des règles de prescription.

 Sur la durée de l’infraction

200    Dans le cadre du deuxième moyen, la requérante, en substance, soutient, à titre principal, que les comportements infractionnels ont cessé en « 1996/1997 », de sorte que la Commission ne pouvait plus agir contre elle, en application de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1/2003, dès lors que le premier acte de la Commission visant les requérantes n’a été pris que par la décision du 30 janvier 2003, ce que ne conteste pas la Commission, soit plus de cinq ans, selon la requérante, après la cessation de l’infraction.

201    En substance également, c’est à titre subsidiaire qu’elle prétend que la Commission n’a pas, dans la décision attaquée, établi, à suffisance de droit, l’existence de l’infraction pour les années 1999 et 2000, de sorte que ses pouvoirs de lui infliger des amendes étaient prescrits, en application de l’article 25, paragraphe 5, du règlement n° 1/2003, dès lors que ladite décision n’a été adoptée que le 11 novembre 2009, soit plus de dix ans, selon la requérante, après la cessation de l’infraction.

202    À cet égard, force est de constater que, même si, dans le cadre de son premier moyen, elle en conteste l’imputation à compter de septembre 1994 et seulement à compter de cette date ainsi qu’elle l’a confirmé à l’audience en réponse à une question du Tribunal à cet effet, la requérante ne conteste pas la commission de l’infraction par OCG durant les années 1991 à 1995, ne serait-ce qu’en soutenant que l’infraction a cessé « en 1996/1997 ».

203    Partant, il n’y a pas lieu, aux fins d’apprécier le deuxième moyen du recours, de vérifier si la Commission a, dans la décision attaquée, établi, à suffisance de droit, l’infraction imputée à la requérante durant les années 1991 à 1995.

204    En revanche, il faut considérer que, à titre principal, la requérante soutient que la Commission n’a pas établi l’existence de l’infraction après « 1996/1997 » et, à titre subsidiaire et en tout état de cause, elle conteste la force probante des éléments avancés par la Commission dans la décision attaquée pour établir que l’infraction a perduré au-delà du 11 novembre 1999.

205    Il convient également de relever que la requérante admet que c’est principalement dans le cadre de réunions organisées en Suisse par AC-Treuhand (ci-après les « réunions AC-Treuhand ») que les comportements infractionnels en cause ont eu lieu durant les première et deuxième périodes infractionnelles, soit durant les années 1991 à 1995.

206    La requérante ne conteste pas qu’OCG a participé, en y étant représentée par Mme R. et M. H., aux réunions AC-Treuhand durant ces mêmes périodes.

207    Elle ne conteste pas que, durant les années 1991 à 1995, les réunions AC-Treuhand ont toutes été « animées », en toute connaissance du caractère infractionnel de l’objet desdites réunions, par M. S., un collaborateur d’AC-Treuhand.

208    La requérante ne conteste pas l’existence de réunions AC-Treuhand durant les années 1996 à 2000.

209    Elle ne conteste pas la participation de Mme R et de M. H. à des réunions AC-Treuhand durant les années 1996 à 2000.

210    Elle ne conteste pas non plus que toutes les réunions AC-Treuhand ayant eu lieu durant les années 1996 à 2000 ont également été animées par M. S., et ce avec la quasi-totalité des entreprises ayant participé aux réunions AC-Treuhand durant les années 1991 à 1995.

211    La requérante ne soutient pas, enfin, s’être publiquement distanciée de l’objet des réunions AC-Treuhand à un quelconque moment durant la durée de l’infraction.

212    Par conséquent, pour apprécier le deuxième moyen de la requérante, en ce qu’il vise l’infraction durant les années 1996 à 2000, il suffit de vérifier si la Commission a, dans la décision attaquée, établi, à suffisance de droit, que les réunions AC-Treuhand auxquelles les représentants de Chemson, Mme R et de M. H., ont participé, durant les années 1996 à 2000, avaient un objet anticoncurrentiel tout comme les réunions AC-Treuhand qui ont eu lieu durant les années 1991 à 1995.

 Contenu de la décision attaquée

213    Aux fins d’établir l’existence de l’infraction, la Commission a, dans la décision attaquée, fait état de différents éléments aux considérants 252 à 256, pour l’année 1996, aux considérants 267 à 269, pour l’année 1997, aux considérants 278 à 297, pour l’année 1998, aux considérants 305 à 315, pour l’année 1999, et aux considérants 316 à 318 et 320 à 323, pour l’année 2000.

214    Premièrement, pour ce qui est de l’année 1996, la Commission a, dans la décision attaquée, établi l’existence de quatre réunions AC-Treuhand, qui ont eu lieu les 13 et 14 février, le 16 juillet ainsi que le 6 novembre (voir considérants 252, 254 et 255 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante, pas plus que la participation à ces réunions d’Akcros, de CECA SA (ci-après « CECA »), de Chemson, de Ciba et de Faci SpA (ci-après « Faci »).

215    Deuxièmement, la Commission a fait état, au considérant 254 de la décision attaquée, de preuves fournies par Ciba concernant une réunion AC-Treuhand du 14 février 1996 à laquelle Akcros, OCG et Ciba ont participé, ce que ne conteste pas la requérante, et durant laquelle ont été envisagés des quotas pour Faci en tant que nouvel arrivant.

216    Troisièmement, la Commission a fait état, au considérant 255 de la décision attaquée, de preuves fournies par Ciba concernant une réunion AC-Treuhand du 16 juillet 1996 à laquelle Akcros, CECA, Chemson et Ciba ont participé et durant laquelle les participants ont confirmé leur souhait de « coopération », ce que ne conteste pas la requérante, mais la suppression des « audits ».

217    Quatrièmement, la Commission a fait état de notes manuscrites de Ciba, du 6 novembre 1996, obtenues dans le cadre de la coopération de cette entreprise durant la procédure administrative (voir considérant 256 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante.

218    Il ressort desdites notes, rédigées à l’occasion d’une réunion AC-Treuhand du 6 novembre 1996, à laquelle Akcros, CECA, Chemson, Ciba et Faci ont participé, ce que ne conteste pas la requérante, que les entreprises participantes sont convenues d’objectifs de prix pour la France.

219    Cinquièmement, pour ce qui est de l’année 1997, la Commission a établi, dans la décision attaquée, l’existence de trois réunions AC-Treuhand, qui ont eu lieu le 13 mars, le 10 juillet et le 10 septembre (considérant 267 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante, pas plus que la participation à ces réunions d’Akcros, de CECA, de Chemson, de Ciba, Chemtura et de Faci.

220    Sixièmement, pour ce qui est de l’année 1998, la Commission a, dans la décision attaquée, établi l’existence de huit réunions AC-Treuhand, lesquelles ont eu lieu les 11 et 12 mars, les 20 et 25 mai, le 20 juillet, le 14 août ainsi que les 19 et 20 octobre (considérant 278 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante, pas plus que la participation à ces réunions d’Akcros, de CECA, de Chemson, de Ciba/Chemtura et de Faci.

221    Septièmement, concernant la réunion AC-Treuhand qui s’est tenue en Suisse le 12 mars 1998, à laquelle Akcros, CECA, Chemson, Ciba et Faci ont participé, ce que ne conteste pas la requérante, la Commission a produit des notes du représentant de CECA (ci-après les « notes CECA de mars 1998 »), cette entreprise ayant également participé à la réunion (voir considérant 279 de la décision attaquée).

222    Il ressort des notes CECA de mars 1998 que les entreprises participantes non seulement ont échangé des informations commerciales sensibles sur leurs parts de marché respectives en Europe de l’Ouest pour les années 1996 et 1997, mais également, d’une part, ont discuté d’augmentations de prix pour le deuxième trimestre de l’année 1998 dans certains États européens et, d’autre part, sont convenues d’un prix minimal et d'un prix indicatif à atteindre avant la fin de l’année, le contenu des notes CECA de mars 1998 étant corroboré par des notes de Ciba du 12 mars 1998, obtenues dans le cadre de la coopération de cette entreprise durant la procédure administrative (voir considérant 280 de la décision attaquée).

223    Huitièmement, concernant la réunion AC-Treuhand qui s’est tenue à Zurich (Suisse) le 20 mai 1998, à laquelle Akcros, CECA, Chemson, Ciba et Faci ont participé, ce que ne conteste pas la requérante, la Commission a fait valoir des notes rédigées par CECA (voir considérant 281 de la décision attaquée).

224    Ces notes font ressortir, pour les mois de janvier, de février, de mars et d’avril 1998, concernant l’Europe de l’Ouest et l’Europe de l’Est, les parts de marché de différentes entreprises, dont Akcros, CECA, Chemson, Ciba/Chemtura et Faci, ce que ne conteste pas la requérante, dans une colonne intitulée « Quotas ».

225    Neuvièmement, concernant la réunion AC-Treuhand qui s’est tenue à Zurich le 25 mai 1998, à laquelle Akcros, CECA, Chemson, Ciba/Chemtura et Faci ont participé, ce que ne conteste pas la requérante, la Commission a fait valoir, au considérant 282 de la décision attaquée, des notes manuscrites et contemporaines de cette réunion rédigées par un collaborateur d’Arkema (ci-après les « notes Arkema de mai 1998 ») ainsi que des notes manuscrites et contemporaines de cette réunion rédigées par un collaborateur de Ciba.

226    Il ressort des notes Arkema de mai 1998 que les entreprises participantes ont échangé des informations commerciales sensibles non seulement sur les différents niveaux de prix pratiqués dans certains États européens, mais également sur des « quotas » et les volumes de vente des entreprises participantes, à savoir Akcros, CECA, Chemson, Ciba et Faci.

227    Le contenu des notes Arkema de mai 1998 est corroboré par les notes de mai 1998 rédigées par un collaborateur de Ciba, susvisées, dont il ressort, de plus, que les entreprises participantes, Akcros, CECA, Chemson, Ciba et Faci, sont également convenues de nouveaux prix indicatifs à appliquer à partir des mois de juin et de juillet 1998.

228    Dixièmement, concernant la réunion AC-Treuhand qui s’est tenue à Lugano (Suisse) le 20 juillet 1998, à laquelle Akcros, CECA, Chemson, Ciba et Faci ont participé, ce que ne conteste pas la requérante, la Commission a fait valoir, au considérant 284 de la décision attaquée, des notes manuscrites et contemporaines de cette réunion rédigées par un collaborateur de CECA ainsi que des notes manuscrites et contemporaines de cette réunion rédigées par un collaborateur de Ciba.

229    Il ressort des notes rédigées par un collaborateur de CECA que les entreprises participantes ont discuté des volumes de vente et des prix, de même qu’elles sont convenues de nouveaux quotas et de nouveaux prix indicatifs et minimaux, ces notes contenant la mention « directive : 1,95 aujourd’hui (pas de baisse) ».

230    Les notes rédigées par un collaborateur de Ciba contiennent une mention de la même teneur, à savoir : « pas de réduction de prix ! Objectif : 1,95 DM ».

231    Onzièmement, pour ce qui est de la réunion AC-Treuhand du 14 août 1998, à laquelle Akcros, CECA, Chemson, Ciba et Faci ont participé, ce que ne conteste pas la requérante, la Commission a fait valoir, au considérant 285 de la décision attaquée, des notes manuscrites et contemporaines rédigées à l’occasion de cette réunion faisant état d’échanges d’informations sur les prix pratiqués pour certains clients et sur des objectifs de prix dans certains pays de l’EEE.

232    Douzièmement, pour ce qui est de la réunion AC-Treuhand du 20 octobre 1998, à laquelle Akcros, CECA, Chemson, Ciba et Faci ont participé, ce que ne conteste pas la requérante, la Commission a fait valoir, au considérant 287 de la décision attaquée, des notes manuscrites et contemporaines rédigées à l’occasion de cette réunion par un collaborateur de Ciba.

233    Ces notes contiennent un tableau présentant la répartition des clients entre les entreprises participantes, Akcros, CECA, Chemson, Ciba et Faci, et les prix appliqués à chacun d’eux, ce que ne conteste pas la requérante.

234    Treizièmement, la Commission a fait valoir, au considérant 290 de la décision attaquée, des notes manuscrites d’une collaboratrice d’Arkema du 24 novembre 1998, faisant état d’écarts de volumes des ventes en octobre 1998 pour Akcros, CECA, Chemson, Ciba et Faci.

235    Quatorzièmement, la Commission a fait valoir, au considérant 291 de la décision attaquée, des notes d’un collaborateur de CECA également datées du 24 novembre 1998, faisant état des parts de marché d’Akcros, de CECA, de Chemson, de Ciba et de Faci, ce que ne conteste pas la requérante.

236    Quinzièmement, la Commission a fait valoir, au considérant 293 de la décision attaquée, des notes d’un autre collaborateur de CECA datées du 25 novembre 1998, faisant état des niveaux des ventes mensuelles d’Akcros, de CECA, de Chemson, de Ciba et de Faci, ainsi que des écarts par rapport aux « quotas » convenus entre ces entreprises.

237    Seizièmement, pour ce qui est de l’année 1999, la Commission a établi, dans la décision attaquée, l’existence de huit réunions AC-Treuhand, qui ont eu lieu les 25 et 26 janvier, les 26 et 27 mai, les 28 et 29 septembre et les 14 et 15 décembre (considérant 305 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante, pas plus que la participation à ces réunions d’Akcros, de CECA, de Chemson, de Chemtura et de Faci.

238    Dix-septièmement, la Commission a fait état, au considérant 306 de la décision attaquée, de notes fournies par Ciba et prises à l’occasion de la réunion AC-Treuhand du 26 janvier 1999, faisant état d’échanges d’informations commerciales sensibles, concernant les quantités vendues et les clients, entre les entreprises participantes, à savoir Akcros, CECA, Chemson, Chemtura et Faci.

239    Dix-huitièmement, la Commission a fait état, au considérant 307 de la décision attaquée, de notes fournies par Ciba et prises à l’occasion de la réunion AC-Treuhand du 27 mai 1999, faisant état d’échanges d’informations commerciales sensibles, concernant les prix appliqués aux clients dans certains pays de l’EEE, entre les entreprises participantes, à savoir Akcros, CECA, Chemson, Chemtura et Faci.

240    Dix-neuvièmement, la Commission a souligné que le rapport mensuel de Chemtura pour le mois d’août 1999, daté du 16 septembre 1999, indiquait que des entreprises étaient parvenues « à une augmentation de prix d’environ 10 % pour [le secteur ESBO/esters] effective en octobre » (voir considérant 308 de la décision attaquée).

241    Vingtièmement, la Commission a rapporté des notes manuscrites fournies par Arkema et rendant compte d’une réunion AC-Treuhand du 29 septembre 1999, à laquelle Akcros, CECA, Chemson, Chemtura et Faci ont participé (voir considérant 309 de la décision attaquée), ce que la requérante ne conteste pas.

242    Lesdites notes font état d’un accord sur les prix par la mention « oct. min. 1,9 nov. 2,0 DM ».

243    Vingt-et-unièmement, pour ce qui est de l’année 2000, la Commission a établi, dans la décision attaquée, l’existence, notamment, de deux réunions AC-Treuhand qui ont eu lieu les 21 et 22 mars (voir considérant 316 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante, pas plus que la participation à ces réunions d’Akcros, de CECA, de Chemson, de Faci et de Chemtura.

244    Vingt-deuxièmement, au considérant 317 de la décision attaquée, la Commission a fait valoir un mémorandum daté du 16 février 2000 et rédigé par un collaborateur d’Akcros pour l’un de ses supérieurs (ci-après le « mémorandum Akcros »), dont il convient de reproduire intégralement les termes, que ne conteste pas la requérante, ci-après :

« J’ai parlé aux directeurs marketing qui connaissent très bien les marchés UE des stabilisants […] Aujourd’hui nous et la plupart de nos concurrents UE participons à des groupes industriels (un pour l’ESBO et un pour les stabilisants étains) dont l’objectif principal consiste à consolider les informations du marché sous la forme de ventes mensuelles de tonnes. Chaque entreprise membre envoie ces informations à AC-Treuhand, Suisse, qui renvoie les résultats à toutes les entreprises participantes sous la forme de totaux […] Aucune information concurrentielle n’apparaît. Ceci me paraît tout ce qu’il y a de plus régulier et utile. Toutefois, de deux à quatre fois par an, les entreprises membres se rencontrent en Suisse afin de débattre des points d’intérêt commun tels que les perspectives et les tendances du marché, les activités des entreprises non-membres et ainsi de suite. Alors que la réunion présidée par AC-Treuhand ne semble pas en soi abusive, l’on m’a rapporté qu’une fois ensemble les concurrents discutaient des niveaux des prix et des clients. C’est pour cette raison que je recommanderais de faire savoir à AC-Treuhand que nous ne participerons plus à ces réunions, mais enverrons nos informations sur nos ventes afin de bénéficier de ce service. Il y a deux ans, la situation de ces groupes était tout à fait différente. Puis les feuilles rouges sont apparues : ils contenaient le procès-verbal des réunions et détaillaient les décisions de groupes, portant sur les hausses de tarifs et la répartition des marchés. L’on y parlait également de clients spécifiques. Ces procès-verbaux n’étaient pas distribués mais conservés dans des dossiers AC-Treuhand, en ‘sécurité’, puisque la Suisse n’était pas membre de l’UE. En 1996 ou 1997, ce genre de réunion n’a plus eu lieu, vraisemblablement à cause des pressions accrues pour ne pas exercer de telles activités, en raison d’une application plus rigoureuse des lois. Plus d’un membre du groupe étain a exercé une pression sur notre représentant pour revenir à la situation où la fixation des prix et la répartition du marché étaient régulièrement convenues lors de ces réunions AC-Treuhand. Baerlocher, exerce la plus forte pression sur nous ainsi que sur d’autres membres qui ne sont pas en faveur d’un tel accord. Ils parlent plus particulièrement de ‘geler’ les parts de marchés, mais si un membre augmente sa part en prenant un client, il devrait céder un autre client pour retrouver l’équilibre. Cela serait confirmé par des vérifications mensuelles des quotas. Nous n’accepterons plus de participer à de telles activités abusives, et ceci est une raison supplémentaire pour laquelle nous devrions nous retirer de ces réunions […] En résumé, il y a eu apparemment des réunions/discussions abusives auxquelles a bien participé Akcros. Bien que nous ayons encore probablement des discussions occasionnelles qui pourraient être considérées comme étant inadéquates, nous ne participons plus à ces réunions officielles qui sont clairement inappropriées. Je recommanderais de : 1) notifier à AC-Treuhand que nous n’assisterons plus aux réunions en Suisse pour les groupes étain et [ESBO/esters], même si nous continuons à envoyer nos données de vente comme auparavant ; 2) organiser une formation de sensibilisation […] pour nos directeurs marketing (et autres) afin qu’ils connaissent clairement les limites à ne pas franchir dans le cadre des contacts avec les concurrents. Veuillez me faire savoir si vous adhérez à ces suggestions. »

245    Vingt-troisièmement, pour corroborer son interprétation du mémorandum Akcros, la Commission a fait valoir, au considérant 318 de la décision attaquée, qu’Akzo Nobel avait reconnu que le mémorandum Akcros avait été précédé de notes manuscrites de l’auteur dudit mémorandum (ci-après les « notes manuscrites Akcros ») dont il ressort, ce que ne conteste pas la requérante, d’une part, que des discussions « non écrites » avaient lieu sur le « niveau des prix », « devant être augmenté[s] » ou « soutenu[s] », ainsi que sur « certains clients » et, d’autre part, que les réunions avaient lieu en « Suisse, non membre de l’UE », car ne pouvant « pas faire l’objet de visites surprises ».

246    Vingt-quatrièmement, la Commission a fait valoir que, dans le prolongement du mémorandum Akcros, le représentant d’Akcros a fait savoir, dans le cadre d’une réunion AC-Treuhand du 22 mars 2000 à Zurich, que ladite société ne participerait plus aux réunions AC-Treuhand (voir considérant 320 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante.

247    Vingt-cinquièmement, la Commission a également précisé qu’Akcros avait confirmé, par courrier du 5 juin 2000, son intention de ne plus participer aux réunions AC-Treuhand (voir considérant 321 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante.

248    Vingt-sixièmement, la Commission a également fait valoir des déclarations effectuées par Chemtura, dans le cadre de sa coopération avec elle durant la procédure administrative, faisant état de la continuation de l’entente sur le secteur ESBO/esters « jusqu’en 2001 » [considérant 420, sous b), de la décision attaquée], ce que ne conteste pas la requérante.

 Appréciation du Tribunal

–       Appréciation d’ensemble

249    Eu égard à l’ensemble de ces éléments, pris ensemble, le Tribunal estime que la Commission a établi la participation de Chemson au cours des années 1996 à 2000, en fournissant des éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs de l’infraction portant sur le secteur ESBO/esters sur l’ensemble de ces périodes durant des réunions auxquelles Chemson a participé. La Commission a ainsi fait état, dans la décision attaquée, de preuves suffisantes pour fonder la ferme conviction que Chemson a participé à l’infraction portant sur le secteur ESBO/esters durant les années 1996 à 2000.

250    En effet, considérés ensemble, les différents éléments rapportés aux points 213 à 248 ci-dessus, établissent, à suffisance de droit, que, durant les années 1996 à 2000, les entreprises participant aux réunions AC-Treuhand sont convenues de la fixation de prix et de la répartition des clients sous la forme de quotas, de même que de l’échange d’informations commercialement sensibles.

251    Lesdits éléments démontrent clairement que les réunions auxquelles Chemson a participé avaient pour objet la fixation de prix et la répartition des clients sous la forme de quotas, notamment pour ce qui est des réunions AC-Treuhand tenues entre 1996 et 2000, du mémorandum Akcros, évoquant des discussions sur les prix et des quotas, et des notes manuscrites Akcros, mentionnant également des discussions sur les prix et sur les clients.

252    Il en ressort que les réunions AC-Treuhand ayant eu lieu durant les années 1996 à 2000, pour lesquelles la requérante admet la participation de Chemson, n’ont pas pris un tour différent, quant à leur objet anticoncurrentiel, que les précédentes durant plusieurs années, alors que les mêmes entreprises et les mêmes personnes se rencontraient dans le même contexte autour de M. S.

253    Par conséquent, il y a lieu de juger que la Commission a fait état, dans la décision attaquée, d’un faisceau d’indices qui, apprécié globalement, fonde la ferme conviction que Chemson a participé à l’infraction portant sur le secteur ESBO/esters durant les années 1996 à 2000.

254    L’ensemble des considérations qui précèdent ne saurait être remis en cause par les arguments de la requérante.

–       Rejet des arguments de la requérante

255    En premier lieu et aux fins d’établir la fin de l’infraction en 1996 ou en 1997, premièrement, la requérante fait valoir le mémorandum Akcros, invoqué au considérant 317 de la décision attaquée et rédigé in tempore non suspecto, faisant état de ce que, « en 1996 ou 1997, ce genre de réunion n’a plus eu lieu », ce qui serait corroboré par les demandes de clémence d’Akzo du 31 mars 2003 et de Baerlocher du 24 mars 2003.

256    Pour rejeter cette argumentation, il suffit de constater que, indépendamment des déclarations d’Akzo et de Baerlocher, rédigées in tempore suspecto, la requérante ne prend pas en compte l’ensemble des termes du mémorandum Akcros, dont l’intégralité est reproduite au point 244 ci-dessus et qui, il convient de le souligner, date du premier trimestre de l’année 2000.

257    Il en ressort effectivement, notamment à la lumière des notes manuscrites Akcros, que, dans le cadre de réunions AC-Treuhand auxquelles Chemson a participé, des discussions ont eu lieu sur les prix, les clients et les marchés et que l’auteur dudit mémorandum a préconisé, au cours du premier trimestre de l’année 2000, de se distancier officiellement desdites réunions.

258    Il ressort ainsi clairement de certains passages du mémorandum Akcros, daté du 16 février 2000, que son auteur a recommandé de ne plus participer aux réunions AC-Treuhand, et ce à deux reprises dans ce document, et de se contenter d’envoyer « [les] informations sur [les] ventes ». Il a également fait état, en utilisant le présent, ce qu’il convient de souligner, de « geler les parts de marchés » et de « discussions occasionnelles qui pourraient être considérées comme inadéquates » et qui « sont clairement inappropriées ».

259    En tout état de cause, une lecture d’ensemble du mémorandum Akcros permet d’établir, à suffisance de droit, l’existence des comportements infractionnels imputés à la requérante dans la décision attaquée. En effet il en ressort, pour ce qui concerne le marché du secteur ESBO/esters, la preuve qu’une entreprise participant aux réunions AC-Treuhand en a constaté l’objet anticoncurrentiel. Il en ressort également que cette même entreprise a jugé opportun de ne plus participer auxdites réunions en mars 2000 et de se distancier ouvertement et à deux reprises de leur objet, et ce au cours du premier trimestre de l’année 2000, c’est-à-dire durant une période contemporaine des réunions AC-Treuhand, dont l’existence n’est pas contestée par la requérante.

260    Deuxièmement, la requérante soutient que la Commission reconnait au demeurant elle-même, au considérant 412 de la décision attaquée, que, en 1996, les entreprises participantes ont décidé de mettre fin à la fonction d’« audit » d’AC Treuhand et que les « feuillets rouges » n’étaient plus utilisés. Elle allègue que la coopération entre les parties n’a plus été aussi intense et qu’il existe des indications de comportements concurrentiels sur les marchés. Selon la requérante, dans ce contexte, le fait que la Commission évoque, au considérants 413 de la décision attaquée, des « plans globaux » concernant le secteur ESBO/esters entre 1991 et 2000 n’est pas compréhensible, car il n’existe pas de modèle unique, ni d’infraction poursuivant une seule finalité, d’accords de quotas ou de fixation des prix, de répartition des marchés ou de la clientèle, comme c’était le cas avant la rupture opérée en 1996 ou en1997.

261    Pour rejeter cette argumentation, il suffit de juger que ces considérations de la requérante ne sauraient non plus établir la fin des comportements infractionnels en 1996 ou en 1997.

262    En effet, il ne saurait tout au plus en ressortir que les ententes en cause ont évolué, quant à leur modalités et quant à leurs participants, ce qui caractérise au demeurant des infractions de très longue durée, comme en l’espèce. Le fait que certaines entreprises aient cessé leur participation ne peut en tout état de cause établir la fin des comportements infractionnels de Chemson.

263    Troisièmement, la requérante estime que le mémorandum Akcros ne fait référence qu’à des discussions en marge des réunions officielles, de sorte qu’il ne saurait être considéré que les participants aux réunions officielles participaient aux accords informels présumés, pour le moins en ce qui concerne les représentants de Chemson. Partant, les infractions de ces derniers étaient prescrites à la date à laquelle la Commission a ouvert l’enquête. Selon la requérante, il en est également ainsi si, comme le fait la Commission, l’existence d’une infraction unique et continue composée de deux phases distinctes est reconnue, car, s’agissant de la phase des discussions informelles postérieures à 1996 ou à 1997, la Commission n’aurait pas rapporté la preuve du fait que les représentants de Chemson, Mme R. et M. H., auraient participé à des pratiques contraires aux règles de concurrence.

264    Pour rejeter cette argumentation, il suffit de renvoyer aux considérations figurant aux points 257 et 258 du présent arrêt.

265    En second lieu, la requérante conteste la force probante des éléments de preuve retenus par la Commission pour établir l’existence de l’infraction à compter de l’année 1998. Selon la requérante, ni OCG ni OCA n’ont participé à des pratiques infractionnelles à partir de la fin de l’année 1998, ces pratiques ayant cessé au plus tard au milieu de l’année 1999. Elle précise qu’aucun élément de preuve de la Commission ne permet d’établir une infraction en 1999, en tout état de cause une infraction commise par OCG ou par OCA.

266    Premièrement, il en serait ainsi des réunions AC-Treuhand du 26 janvier (considérant 306 de la décision attaquée), du 27 mai (considérant 307 de la décision attaquée) et du 29 septembre 1999 (considérant 309 de la décision attaquée), des communications de Chemtura du 16 septembre et du 12 octobre 1999 (considérants 308 et 312 de la décision attaquée) et des prétendues réunions de l’association européenne des stabilisants liquides (ELISA) en 1999 (considérant 310 de la décision attaquée).

267    Deuxièmement, il en serait de même du rapport mensuel de Chemtura du 15 novembre 1999 (considérant 313 de la décision attaquée), du prétendu courrier électronique interne de Chemtura du 23 novembre 1999 (considérant 314 de la décision attaquée) et du procès-verbal de la réunion d’AC-Treuhand du 15 décembre 1999 (considérant 315 de la décision attaquée).

268    Troisièmement, il en serait tout autant des réunions AC-Treuhand du 22 mars et du 26 septembre 2000 (considérants 320 et 323 de la décision attaquée), du projet de courrier destiné à AC-Treuhand du 17 mai 2000 (considérant 321 de la décision attaquée) et du rapport de Chemtura du 6 avril 2000 (considérant 322 de la décision attaquée).

269    Pour rejeter cette argumentation, d’une part, il suffit de relever que les réunions d’ELISA en 1999, invoquées au considérant 310 de la décision attaquée, la communication de Chemtura du 12 octobre 1999, invoquée au considérant 312 de la décision attaquée, le projet de courrier destiné à AC-Treuhand du 17 mai 2000, invoqué au considérant 312 de la décision attaquée, le rapport mensuel de Chemtura du 15 novembre 1999, invoqué au considérant 313 de la décision attaquée, le courriel de Chemtura du 23 novembre 1999, invoqué au considérant 314 de la décision attaquée, le procès-verbal de la réunion d’AC-Treuhand du 15 décembre 1999, invoqué au considérant 315 la décision attaquée, le rapport de Chemtura du 6 avril 2000, invoqué au considérant 322 de la décision attaquée, le procès-verbal de la réunion AC-Treuhand du 26 septembre 2000, invoqué considérant 323 de la décision attaquée, ne figurent pas parmi les éléments retenus dans le cadre du présent arrêt, pour vérifier si la Commission avait, dans la décision attaquée, établi, à suffisance de droit, l’existence de l’infraction durant l’année 1999 et l’année 2000.

270    D’autre part, il ressort clairement, à la lumière d’autres éléments de preuve invoqués dans la décision attaquée et contestés ou non par la requérante, mais retenus, aux points 237 à 248 ci-dessus, pour vérifier si la Commission avait, dans la décision attaquée, établi, à suffisance de droit, l’existence de l’infraction durant l’année 1999 et l’année 2000, que les réunions auxquelles a participé Chemson avaient un caractère anticoncurrentiel.

271    Quatrièmement, la requérante fait valoir que la Commission ferait état, dans la décision attaquée, d’éléments de preuve sans distinguer le marché auquel ils se rattachent. Ce serait le cas de la déclaration d’un responsable de Chemtura de l’hiver 1999 (considérants 357 et 359 de la décision attaquée) et d’un courriel d’Akcros du 19 février 1999 (considérant 300 de la décision attaquée). Cet élément serait d’autant plus important que la Commission attache plus de valeur probante aux documents établis in tempore non suspecto. Aucun comportement infractionnel ne ressortirait des procès-verbaux manuscrits des réunions AC-Treuhand en 1999 et en 2000, lesquels constitueraient ainsi des documents à décharge d’une valeur probante accrue.

272    Pour rejeter cette argumentation, d’une part, il suffit de relever que la déclaration d’un responsable de Chemtura de l’hiver 1999, invoquée aux considérants 357 et 359 de la décision attaquée, ainsi que le courriel d’Akcros du 19 février 1999, invoqué au considérant 300 de la décision attaquée, ne figurent pas parmi les éléments retenus dans le cadre du présent arrêt, pour vérifier si la Commission avait, dans la décision attaquée, établi, à suffisance de droit, l’existence de l’infraction durant l’année 1999.

273    D’autre part, il ressort clairement, à la lumière d’autres éléments de preuve invoqués dans la décision attaquée, retenus par le Tribunal, aux points 237 à 248 du présent arrêt, pour vérifier si la Commission avait, dans la décision attaquée, établi, à suffisance de droit, l’existence de l’infraction durant l’année 1999 et l’année 2000, que les réunions auxquelles a participé Chemson avaient un caractère anticoncurrentiel.

274    Cinquièmement, la requérante soutient que l’on ne saurait déduire de la participation de Mme R. et de M. H. aux réunions AC-Treuhand, qu’OCG et OCA ont participé, en marge des réunions officielles, à des réunions anti-concurrentielles.

275    Cette argumentation ne saurait prospérer en ce qu’elle ne remet en cause ni le caractère contemporain des notes invoquées par la Commission quant aux réunions AC-Treuhand, ni l’existence même de ces réunions, ni leur objet anticoncurrentiel.

276    Par conséquent, il y a lieu de considérer que la Commission a, dans la décision attaquée, établi, à suffisance de droit, l’existence de l’infraction pour Chemson au cours des années 1996 à 2000.

277    Partant, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen du recours.

3.     Sur le troisième moyen, tiré de violations des droits de la défense

278    Dans le cadre du troisième moyen du recours, la requérante invoque des violations des droits de la défense en soutenant que la Commission a enfreint ses droits de la défense, eu égard à la durée de la procédure administrative et à des insuffisances d’instruction.

 Arguments des parties

279    En premier lieu, la requérante soutient, aux fins de l’annulation de la décision attaquée, que la durée excessive de la procédure administrative a affecté l’exercice de ses droits de la défense.

280    D’une part, elle prétend que la durée qui s’est écoulée entre l’ouverture de la procédure administrative et la communication des griefs, soit plus de six ans, a été excessive, et que cela a résulté de la suspension de l’enquête par la Commission durant quatre ans, eu égard à la procédure judiciaire Akzo. Or, la Commission aurait pu utiliser certains des documents en cause dans ladite procédure et ne devait donc pas suspendre la procédure dans son ensemble, ce retard lui étant par conséquent imputable.

281    D’autre part, en faisant valoir, a fortiori, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 septembre 2006, Technische Unie/Commission (C‑113/04 P, Rec, EU:C:2006:593), dans le cadre de laquelle la procédure administrative a été plus courte qu’en l’espèce, la requérante souligne que la Commission ne l’a pas même avisé de la suspension de la procédure, de sorte que, en l’espèce, non seulement elle a été confrontée au problème du départ des témoins éventuels, mais en outre, pendant six ans, elle n’a pas pu recueillir de documents écrits ou électroniques à décharge ou interroger des témoins à décharge, afin de conserver leurs témoignages.

282    L’exercice de ses droits de la défense aurait été affecté, car, si la Commission n’avait pas suspendu l’enquête ou si, en tout état de cause, elle l’avait informée de cette suspension, MG aurait été informée avant la vente de DN et de Chemetall en juillet 2004, de sorte qu’elle aurait encore eu accès à des documents et à des collaborateurs du groupe DN et aurait pu recueillir des éléments de preuve à décharge, notamment concernant l’imputation des infractions et leur cessation après 1996 ou 1997.

283    En second lieu, la requérante fait valoir une violation de ses droits de la défense en ce que, pour élucider des circonstances de fait, la Commission ne s’est pas adressée aux personnes responsables des prétendues infractions reprochées à OCA et à OCW, à savoir Mme R. et M. H.. Représentant Chemson, ces personnes ont participé aux réunions AC-Treuhand, mais sont désormais employées par Chem Trade Roth, à laquelle a été vendue l’ensemble du domaine d’activité pertinent, cette société disposant des documents pertinents, par exemple de notes manuscrites de Mme R et de M. H., de décomptes, courriers électroniques et procès-verbaux. Or, la Commission n’aurait pas recueilli, ni même tenté de recueillir, ces éléments de preuve.

284    Selon la requérante, si l’enquête avait été élargie à ces personnes, elle aurait pu faire valoir des arguments permettant d’établir la cessation des infractions après 1996 ou 1997 ou, au plus tard, en 1999 et l’absence d’influence déterminante de MG sur Chemson.

285    La Commission rejette l’ensemble des arguments de la requérante.

286    En premier lieu, pour ce qui est de la durée de la procédure administrative, la Commission admet son anormalité et fait valoir qu’elle en a tenu compte dans la décision attaquée en accordant une réduction des amendes infligées, notamment à la requérante, mais soutient qu’elle ne saurait lui être imputable, dès lors que la suspension de la procédure administrative a résulté de la procédure judiciaire Akzo.

287    La Commission affirme que les documents litigieux dans ladite procédure étaient d’une importance capitale pour l’enquête.

288    La Commission soutient en tout état de cause que la requérante n’a pas établi qu’une violation de ses droits de la défense aurait résulté de la durée de la procédure administrative. À en croire la requérante, l’enquête aurait pu reprendre en octobre 2003. Or, MG avait déjà cédé, en juillet 2002, sa division ESBO/esters et les holdings intermédiaires avaient été vendues en juillet 2004.

289    Les prétendus éléments de preuve évoqués par la requérante demeureraient obscurs et vagues, sans que soit précisé leur contenu aux fins invoquées par la requérante. Au surplus, la Commission aurait annoncé par voie de presse l’ouverture d’une enquête dans le secteur des stabilisant thermiques en février 2003, ce dont ne pouvait pas ne pas avoir connaissance MG, à laquelle la requérante a succédé.

290    En second lieu, pour ce qui est des prétendues insuffisances d’instruction, la Commission souligne qu’elle se voit reconnaître un pouvoir discrétionnaire pour organiser son instruction et pour prendre les mesures qu’elle juge nécessaire à cet égard, de sorte qu’elle n’était nullement tenue de procéder comme la requérante le prétend et que, dans les circonstances invoquées, il n’existait aucun indice de la présence de pièces à décharge dans l’entreprise en question.

291    La Commission ajoute que, en tout état de cause, la requérante n’a pas établi que, si elle avait mené son enquête de la manière qui s’imposait selon cette dernière, elle aurait mis à jour des éléments à décharge ou que la décision attaquée aurait eu un contenu différent, notamment quant à la durée des infractions ou à leur imputation.

 Appréciation du Tribunal

292    Le troisième moyen, tiré de violations des droits de la défense, est composé de deux branches.

 Sur la première branche, relative à la durée de la procédure administrative

293    Pour ce qui est de la première branche, relative à la durée de la procédure administrative, il convient de rappeler, tout d’abord, que le respect d’un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives en matière de concurrence constitue un principe général du droit de l’Union (voir arrêt Technische Unie/Commission, point 188 supra, EU:C:2006:593, point 40 et jurisprudence citée).

294    Il faut ensuite rappeler que le caractère raisonnable d’un délai donné ne saurait être examiné par référence à une limite maximale précise, déterminée de manière abstraite, mais doit être apprécié dans chaque espèce en fonction des circonstances de la cause (arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec, EU:C:2002:582, point 192).

295    En outre, il y a lieu de rappeler que, même s’il est constaté que la Commission a dépassé un délai raisonnable, cela peut uniquement constituer un motif d’annulation d’une décision constatant des infractions aux règles de concurrence que s’il a été établi que le manquement de la Commission a porté atteinte aux droits de la défense des entreprises concernées (voir arrêt du 16 décembre 2003, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied et Technische Unie/Commission, T‑5/00 et T‑6/00, Rec, EU:T:2003:342, point 74 et jurisprudence citée).

296    Il convient, enfin, de rappeler que la charge de la preuve d’une éventuelle violation des droits de la défense, résultant de ce qu’une entreprise aurait éprouvé des difficultés pour se défendre contre les allégations de la Commission, en conséquence de la durée excessive de la procédure administrative, incombe à l’intéressée (voir arrêt du 31 mars 2009, ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, T‑405/06, Rec, EU:T:2009:90, point 167 et jurisprudence citée).

297    Il appartient donc à l’entreprise concernée de démontrer à suffisance de droit qu’elle a éprouvé des difficultés pour se défendre, en conséquence de la durée de la procédure administrative, en indiquant les griefs spécifiques constatés par la Commission dans la décision qui auraient pu être réfutés (voir, en ce sens, arrêt Technische Unie/Commission, point 286 supra, EU:C:2006:593, points 61 et 64).

298    En l’espèce, force est de constater que la Commission ne conteste pas la durée excessivement longue de la procédure administrative, ayant elle-même réduit, dans la décision attaquée, le montant des amendes infligées à toutes les entreprises impliquées, dont la requérante, à l’exception d’une seule.

299    La Commission soutient toutefois que la durée de la procédure administrative résulte de la procédure judiciaire Akzo, de sorte que ne saurait lui être reproché une telle durée.

300    De plus, pour rejeter le moyen que la requérante tire d’une violation du principe du respect d’un délai raisonnable aux fins de l’annulation de la décision attaquée, elle soutient que la requérante n’a, en tout état de cause, pas établi l’existence d’une violation de ses droits de la défense.

301    Aussi suffit-il de limiter l’appréciation du Tribunal sur cette dernière question, à savoir celle de l’existence ou non d’une violation des droits de la défense du fait de la durée excessivement longue de la procédure administrative.

302    En effet, quand bien même il serait retenu que la Commission a enfreint ledit principe et que ce manquement lui est imputable, la décision attaquée ne saurait être annulée que s’il est établi que les droits de la défense de la requérante ont effectivement été violés du fait même de cette durée excessive.

303    Sur cette question, la requérante fait valoir que, à défaut de violation du principe du respect d’un délai raisonnable, elle aurait été informée avant la vente de DN et de Chemetall, en juillet 2004, de sorte qu’elle aurait encore eu accès à des documents et à des collaborateurs du groupe DN et aurait pu recueillir des éléments de preuve à décharge, notamment concernant l’imputation des infractions et leur cessation après 1996 ou 1997.

304    Or, force est de constater qu’aucun des arguments de la requérante ne saurait convaincre.

305    En effet, les prétendus éléments de preuve évoqués par la requérante demeurent beaucoup trop vagues et génériques aux fins invoquées par celle-ci.

306    À la fois dans ses écrits et lors de l’audience, la requérante s’est contentée d’invoquer l’impossibilité pour elle de retrouver des documents utiles pour sa défense, sans toutefois indiquer de manière suffisamment précise et circonstanciée de quels documents il s’agissait.

307    En tout état de cause, selon la requérante, l’enquête aurait pu reprendre en octobre 2003. Or, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, sans être contredite par la requérante, MG avait déjà cédé, en juillet 2002, sa division ESBO/esters, de sorte que la reprise de l’enquête en octobre 2003 ne lui aurait pas permis de mieux assurer sa défense pour ce qui est de l’imputation de l’infraction dans le présent contexte.

308    Partant, il y a lieu de rejeter l’argumentation de la requérante quant à une violation du principe du respect d’un délai raisonnable aux fins de l’annulation de la décision attaquée.

309    En tout état de cause, indépendamment de l’appréciation du Tribunal quant à la légalité de la décision attaquée pour ce qui est de la durée de la procédure administrative, il convient de relever que la Cour a également jugé que, même à supposer qu’une violation du principe du respect d’un délai raisonnable puisse être établie en raison de la longueur de la procédure administrative, une telle violation ne saurait, à elle seule, amener le Tribunal à réduire le montant de l’amende qui a été infligée au titre de l’infraction en cause (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2014, Bolloré/Commission, C‑414/12 P, EU:C:2014:301, point 105).

310    Partant, il y a lieu de rejeter la première branche du troisième moyen.

 Sur la seconde branche, tirée de prétendus défauts d’instruction

311    Pour ce qui est du troisième moyen, pris en sa seconde branche, tirée de prétendus défauts d’instruction, il convient de rappeler que c’est à la Commission qu’il appartient, en principe, d’apprécier si un renseignement est nécessaire dans le cadre d’une enquête pour infraction aux règles de concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, 374/87, Rec, EU:C:1989:387, point 15 ; du 22 octobre 2002, Roquette Frères, C‑94/00, Rec, EU:2002:C:603, point 78 et jurisprudence citée, et du 8 juillet 2004, Corus UK/Commission, T‑48/00, Rec, EU:T:2004:219, point 212).

312    En l’espèce, force est de constater que la requérante ne fait état d’aucun élément précis qui aurait pu être recueilli si l’enquête avait été élargie, mais se contente de faire référence, de manière vague et générique, à des éléments qu’elle aurait pu faire valoir pour établir la cessation des infractions après 1996 ou 1997 ou, au plus tard, en 1999, et l’absence d’influence déterminante de MG sur les sociétés auteurs des infractions.

313    Il ne saurait donc être reproché à la Commission de ne pas avoir mené son enquête comme le suggère la requérante.

314    Dès lors, il convient de rejeter la seconde branche du troisième moyen et, partant, le troisième moyen dans son ensemble et le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

315    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      GEA Group AG est condamnée aux dépens.

Prek

Labucka

Kreuschitz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 juillet 2015.

Signatures


* Langue de procédure : lʼallemand.