Language of document : ECLI:EU:T:2016:612

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

12 octobre 2016 (*)

« Recours en annulation – Inscription comme fournisseur d’une substance active sur la liste prévue à l’article 95 du règlement (UE) n° 528/2012 – Défaut d’affectation directe – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑543/15,

Lysoform Dr. Hans Rosemann GmbH, établie à Berlin (Allemagne),

Ecolab Deutschland GmbH, établie à Monheim (Allemagne),

Schülke & Mayr GmbH, établie à Norderstedt (Allemagne),

Diversey Europe Operations BV, établie à Amsterdam (Pays-Bas),

représentées par Mes K. Van Maldegem, M. Grunchard et P. Sellar, avocats,

parties requérantes,

contre

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par Mme C. Buchanan, M. W. Broere et Mme M. Heikkilä, en qualité d’agents, assistés de M. P. Oliver, barrister,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de l’ECHA du 17 juin 2015 concernant l’inscription d’Oxea GmbH, établie en Allemagne, en tant que fournisseur d’une substance active sur la liste visée à l’article 95, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 528/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides (JO 2012, L 167, p. 1),

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. A. Dittrich (rapporteur), président, J. Schwarcz et Mme V. Tomljenović, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        En vertu de l’article 16, paragraphe 2, de la directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, concernant la mise sur le marché des produits biocides (JO 1998, L 123, p. 1), la Commission européenne a été tenue d’entamer un programme de travail de dix ans pour l’examen systématique des substances actives biocides existantes, c’est-à-dire celles qui étaient déjà présentes sur le marché de l’Union européenne avant le 14 mai 2000 en tant que substances utilisées dans les biocides.

2        La substance active biocide propane-1-ol (ci-après l’« alcool propylique ») s’inscrit dans ledit programme de travail.

3        Les requérantes, Lysoform Dr. Hans Rosemann GmbH, Ecolab Deutschland GmbH, Schülke & Mayr GmbH et Diversey Europe Operations BV, sont membres d’un groupe de travail dénommé « Alcohol Task Force » (groupe de travail sur l’alcool), qui a été créé en 2001 en vue d’une collaboration et d’un partage des frais et des efforts liés à la présentation d’un dossier de réexamen concernant l’alcool propylique au niveau de l’Union. En tant que membres de ce groupe, elles ont notifié cette substance à la Commission pour réexamen avant le 31 juillet 2007, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1896/2000 de la Commission, du 7 septembre 2000, concernant la première phase du programme visé à l’article 16, paragraphe 2, de la directive 98/8 (JO 2000, L 228, p. 6).

4        La notification de l’alcool propylique par les requérantes a été acceptée par la Commission en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de ce dernier règlement.

5        Aux fins de l’évaluation de l’alcool propylique en tant que substance active, l’Allemagne a été désignée comme État membre rapporteur au titre de l’article 7 du règlement (CE) n° 1451/2007 de la Commission, du 4 décembre 2007, concernant la seconde phase du programme de travail de dix ans visé à l’article 16, paragraphe 2, de la directive 98/8 (JO 2007, L 325, p. 3).

6        En leur qualité de sociétés notifiantes, les requérantes ont présenté à l’État membre rapporteur le dossier requis en vue du réexamen de l’alcool propylique par cet État membre.

7        Le 29 janvier 2008, l’État membre rapporteur a informé les requérantes que leur dossier était complet.

8        Par lettres du 21 août et du 5 novembre 2008, dans le cadre du réexamen de l’alcool propylique, l’État membre rapporteur a demandé aux requérantes de produire une étude sur les vertébrés réalisée in vivo sur des cellules de foie, d’estomac et de sang de rat (ci-après l’« étude du test des comètes »). Les requérantes ont fourni cette étude au cours de l’année 2011.

9        Le dossier présenté par les requérantes concernant l’alcool propylique est toujours en cours d’examen.

10      Depuis l’entrée en vigueur du règlement (UE) n° 528/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides (JO 2012, L 167, p. 1), lequel a remplacé la directive 98/8, certaines tâches concernant le fonctionnement dudit règlement sont confiées, en vertu de l’article 74 de ce règlement, à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), instituée par le règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, rectificatif JO 2007, L 136, p. 3). À ces fins, l’article 75 du règlement n° 528/2012 a institué au sein de l’ECHA un comité des produits biocides.

11      Selon l’article 95, paragraphe 1, premier alinéa, première phrase, du règlement n° 528/2012, dans les conditions y prévues, l’ECHA met, à compter du 1er septembre 2013, à la disposition du public une liste régulièrement mise à jour de toutes les substances actives et de toutes les substances générant une substance active (ci-après la « liste pertinente »).

12      En septembre 2013, souhaitant mettre à disposition sur le marché également de l’alcool propylique, Oxea GmbH a, en sa qualité de membre d’un groupe de travail alternatif appelé ASD Consortium Alcohol, contacté les requérantes par l’intermédiaire de ce groupe aux fins d’un éventuel partage des données au titre des articles 62 et 63 du règlement n° 528/2012. Plus précisément, elle a demandé à avoir accès à une étude de toxicité par inhalation concernant l’alcool propylique. En revanche, elle n’a pas demandé à avoir accès à l’étude du test des comètes, bien que les requérantes l’aient informée de la demande de la part de l’État membre rapporteur à cet égard. Par la suite, l’ASD Consortium Alcohol a acquis une lettre d’accès à l’étude de toxicité par inhalation.

13      Le 10 octobre 2013, Oxea a présenté une demande à l’ECHA en vertu de l’article 62, paragraphe 2, du règlement n° 528/2012 concernant les études disponibles sur l’alcool propylique.

14      Le 24 septembre 2014, l’ECHA a publié la liste pertinente. Dans cette liste, qui inclut l’alcool propylique, figuraient à cette date les requérantes ainsi que tous les autres membres de l’Alcohol Task Force, en tant que fournisseurs d’alcool propylique à compter de février 2014.

15      Le 25 janvier 2015, Oxea a demandé à l’ECHA à être inscrite sur cette liste en tant que fournisseur d’alcool propylique, conformément au deuxième alinéa de l’article 95, paragraphe 1, du règlement n° 528/2012.

16      Par décision du 17 juin 2015, l’ECHA a approuvé l’inscription d’Oxea sur la liste pertinente (ci-après la « décision attaquée »). Cette décision n’a été ni publiée ni adressée aux requérantes. La liste pertinente a été mise à jour par l’ECHA le 26 juin 2015.

17      Le 28 juillet 2015, les requérantes ont demandé à l’ECHA de leur indiquer si elle était d’avis que l’étude du test des comètes n’était pas nécessaire à l’inscription d’Oxea sur la liste pertinente. Par lettre du 18 août 2015, l’ECHA a confirmé qu’elle était effectivement de cet avis.

18      Le 28 août 2015, les requérantes ont déposé un acte de recours contre la décision attaquée devant la chambre de recours de l’ECHA.

19      Par décision du 25 septembre 2015, le président de cette chambre a rejeté le recours comme manifestement irrecevable.

 Procédure et conclusions des parties

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 septembre 2015, les requérantes ont introduit le présent recours.

21      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 20 novembre 2015, les requérantes ont introduit une demande de sursis à l’exécution de la décision attaquée. Cette demande a été rejetée par ordonnance du président du Tribunal du 17 décembre 2015.

22      Par actes déposés au greffe du Tribunal respectivement le 18 janvier 2016, Oxea et BASF SE ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de l’ECHA.

23      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 24 février 2016, l’ECHA a soulevé une exception d’irrecevabilité.

24      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’ECHA aux dépens.

25      L’ECHA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

26      En vertu de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité ou l’incompétence sans engager le débat au fond. Dans ce cas, au titre de l’article 130, paragraphe 7, du règlement de procédure, le Tribunal statue dans les meilleurs délais sur la demande ou, si des circonstances particulières le justifient, joint l’examen de celle-ci au fond.

27      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.

28      Les fins de non-recevoir invoquées par l’ECHA sont tirées d’un défaut d’affectation directe des requérantes et du fait que la décision attaquée, qui ne serait pas un acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, ne concernerait pas individuellement les requérantes.

29      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cet article, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

30      En l’espèce, il est constant que la décision attaquée a pour unique destinataire Oxea.

31      Dans ces conditions, le présent recours en annulation n’est recevable, en vertu de la disposition susvisée, que si les requérantes sont directement et individuellement concernées par la décision attaquée ou si elles sont directement concernées par cette décision et que cette dernière constitue un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution.

32      S’agissant de l’affectation directe, les requérantes font valoir que le critère de l’affectation directe est rempli en l’espèce car la décision attaquée aurait affecté leur situation juridique négativement.

33      Selon une jurisprudence constante, l’« affectation directe » requiert, premièrement, que la mesure de l’Union incriminée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, deuxièmement, qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation communautaire sans application d’autres règles intermédiaires. Il en va de même lorsque la possibilité pour les destinataires de ne pas donner suite à l’acte communautaire est purement théorique, leur volonté de tirer des conséquences conformes à celui-ci ne faisant aucun doute (arrêt du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, EU:C:1998:193, points 43 et 44).

34      À cet égard, s’agissant du second critère permettant d’examiner si une personne est affectée directement par une décision, à savoir le point de savoir si cette dernière ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à son destinataire qui est chargé de sa mise en œuvre, il convient de constater que la décision attaquée prévoit directement l’inscription d’Oxea sur la liste pertinente, sans qu’il existe un tiers chargé de sa mise en œuvre.

35      Dès lors, il y a lieu d’examiner uniquement le premier critère de la notion d’affectation directe, à savoir le point de savoir si la mesure concernée produit des effets sur la situation juridique des requérantes.

36      À cet égard, il a été jugé que le seul fait qu’un acte soit susceptible d’avoir une influence sur la situation matérielle des requérants ne suffit pas pour que l’on puisse considérer qu’il les concerne directement (voir ordonnance du 18 février 1998, Comité d’entreprise de la Société française de production e.a./Commission, T‑189/97, EU:T:1998:38, point 48 et jurisprudence citée), la situation juridique devant, en tout état de cause, être distinguée nettement de la situation de fait des requérants (voir, en ce sens, arrêt du 27 juin 2000, Salamander e.a./Parlement et Conseil, T‑172/98 et T‑175/98 à T‑177/98, EU:T:2000:168, point 62).

37      En l’espèce, les requérantes n’ont pas démontré que leur situation juridique a été atteinte par la décision attaquée.

 Sur le droit des requérantes de commercialiser l’alcool propylique

38      S’agissant de la situation juridique des requérantes, l’ECHA invoque que la décision attaquée ne les empêche pas de mettre sur le marché des produits biocides contenant de l’alcool propylique.

39      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 95, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 528/2012, l’ECHA met à la disposition du public une liste régulièrement mise à jour de toutes les substances actives et de toutes les substances générant une substance active, pour lesquelles un dossier conforme à l’annexe II du présent règlement ou à l’annexe II A ou IV A de la directive 98/8 et, le cas échéant, à l’annexe III A de ladite directive (ci-après dénommé « dossier complet relatif à la substance ») a été présenté et accepté ou validé par un État membre dans le cadre d’une procédure prévue par le même règlement ou la même directive. Pour chacune de ces substances, la liste inclut également le nom de toutes les personnes qui ont présenté un tel dossier ou soumis des informations à l’ECHA conformément au deuxième alinéa du paragraphe 1 susvisé et mentionne leur rôle tel que précisé audit alinéa et le ou les types de produits pour lesquels elles ont présenté un dossier ou soumis des informations ainsi que la date d’inscription de la substance sur la liste.

40      De plus, en raison de l’article 95, paragraphe 2, du règlement n° 528/2012, à compter du 1er septembre 2015, tout produit biocide constitué d’une substance pertinente inscrite sur la liste visée au paragraphe 1 de cet article, ou contenant ou générant ladite substance, n’est mis à disposition sur le marché qu’à condition que le fournisseur de la substance ou le fournisseur du produit figure sur la liste mentionnée au paragraphe 1 de cet article pour le ou les types de produits auxquels le produit appartient.

41      Plus précisément, les personnes envisagées à l’article 95, paragraphe 1, du règlement n° 528/2012 constituent des participants au titre de l’article 2, second alinéa, du règlement n° 1451/2007, à savoir des producteurs, des formulateurs ou des associations ayant présenté une demande de notification qui a été acceptée par la Commission conformément à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1896/2000.

42      À cet égard, il convient de relever que le règlement n° 1451/2007 a été abrogé par l’article 23 du règlement délégué (UE) n° 1062/2014 de la Commission, du 4 août 2014, relatif au programme de travail pour l’examen systématique de toutes les substances actives existantes contenues dans les produits biocides visé dans le règlement n° 528/2012 (JO 2014, L 294, p. 1), et que ce dernier était d’application à la date de la décision attaquée.

43      Il est exact que l’article 2, sous c), du règlement n° 1062/2014 définit également la notion de « participant ». Ainsi, il découle de cette disposition qu’un « participant » est une personne ayant présenté une demande pour une combinaison substance/type de produit faisant partie du programme d’examen ou ayant présenté une notification jugée conforme en vertu de l’article 17, paragraphe 5, de ce règlement, ou au nom de laquelle une telle demande ou notification a été présentée. Quant à la notion de « demande pour une combinaison substance/type de produit faisant partie du programme d’examen », elle est définie à l’article 2, sous b), du même règlement.

44      Toutefois, selon l’article 23, second alinéa, du règlement n° 1062/2014, les références faites au règlement n° 1451/2007 s’entendent comme faites au règlement n° 1062/2014.

45      Il en va de même de la notion de « participant » au sens du règlement n° 1451/2007, cette dernière correspondant en substance à la notion qui découle du règlement n° 1062/2014.

46      En l’espèce, du fait qu’elles ont notifié l’alcool propylique à la Commission avant le 31 juillet 2007, cette institution ayant accepté la notification, les requérantes sont devenues des participants au programme d’examen de cette substance active au titre de l’article 2, second alinéa, du règlement n° 1451/2007. Depuis l’entrée en vigueur du règlement n° 1062/2014, elles conservent cette qualité en vertu de l’article 2, sous c), de ce règlement.

47      Dès lors, en raison de leur inscription sur la liste pertinente en tant que fournisseurs d’alcool propylique avec effet à partir de février 2014, elles ont le droit de commercialiser cette substance active sur le marché de l’Union en leur qualité de participants au programme d’examen de ladite substance active.

48      Par ailleurs, ce droit n’a pas été affecté par la décision attaquée. En effet, l’inclusion d’Oxea dans la liste pertinente n’empêche pas les requérantes de commercialiser la substance active en cause.

 Sur les arguments tirés d’une atteinte à des droits découlant de l’article 63 du règlement n° 528/2012

49      Afin d’étayer l’existence d’une affectation de leur situation juridique, les requérantes font valoir que l’étude du test des comètes était nécessaire pour compléter le dossier d’Oxea portant sur l’alcool propylique. Dès lors, cette dernière société aurait été tenue de négocier l’accès à cette étude. Au cas où cette négociation n’aurait pas abouti, l’ECHA aurait dû adopter une décision sur la base de l’article 63 du règlement n° 528/2012 ayant pour effet de permettre à Oxea de faire référence à ladite étude. Une telle décision aurait pu être contestée par les requérantes devant la chambre de recours de l’ECHA. Quant à la décision attaquée, elle priverait les requérantes du droit d’attaquer une décision prise sur la base dudit article 63. De plus, en inscrivant Oxea sur la liste pertinente, sans que cette société ait été obligée de négocier un accès à l’étude du test des comètes, la décision attaquée aurait privé les requérantes du droit à une compensation équitable telle que celle prévue audit article 63.

50      À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que les requérantes font valoir leurs arguments quant aux droits découlant de l’article 63 du règlement n° 528/2012 pour attaquer une décision sur la base de l’article 95, paragraphe 1, deuxième alinéa, de ce même règlement.

51      Ainsi qu’il découle de cette dernière disposition, toute personne établie dans l’Union qui fabrique ou importe une substance pertinente, seule ou dans des produits biocides, ou qui fabrique ou met à disposition sur le marché un produit biocide constitué de la substance pertinente, en contenant ou en générant (ci-après le « fournisseur alternatif »), peut à tout moment présenter à l’ECHA soit un dossier complet relatif à la substance pertinente, soit une lettre d’accès à un dossier complet relatif à la substance, ou encore une référence à un dossier complet relatif à la substance pour lequel toutes les périodes de protection des données sont arrivées à échéance.

52      Ayant demandé son inscription sur la liste pertinente, sans avoir participé au programme d’examen, Oxea constitue un tel fournisseur alternatif.

53      En second lieu, il y a lieu de rappeler que, selon le considérant 57 du règlement n° 528/2012, il est primordial de réduire le nombre d’essais sur les animaux au minimum et de ne réaliser des essais avec des produits biocides ou des substances actives contenues dans ces produits que si le but et l’utilisation du produit l’exigent. Dans cette optique, l’article 62, paragraphe 1, du même règlement énonce que, afin d’éviter les essais sur les animaux, les essais sur les vertébrés ne sont réalisés qu’en dernier recours. Les essais sur les vertébrés ne sont pas répétés aux fins de ce règlement.

54      Ainsi, lorsqu’une autre personne demandant son inscription sur la liste pertinente doit produire un essai ou une étude sur des vertébrés afin de compléter son dossier sur une substance active, l’article 62, paragraphe 2, du règlement n° 528/2012 impose au demandeur de se renseigner auprès de l’ECHA pour déterminer si de tels essais ou études lui ont déjà été soumis. Si tel est le cas, la personne souhaitant être inscrite sur la liste pertinente doit demander au propriétaire toutes les données découlant des essais et des études sur les vertébrés ainsi que la permission de faire référence à ces données afin de compléter son dossier.

55      À cet effet, l’article 63, paragraphe 1, du règlement n° 528/2012 énonce que le propriétaire des données et le demandeur s’efforcent de parvenir à un accord sur le partage des données souhaitées par ce dernier.

56      Si, toutefois, aucun accord n’intervient, en ce qui concerne des données impliquant des essais ou des études sur des vertébrés, selon l’article 63, paragraphe 1, du règlement n° 528/2012, l’ECHA autorise le demandeur, en vertu de l’article 63, paragraphe 3, deuxième alinéa, de ce règlement, à faire référence aux essais ou études demandés impliquant des vertébrés, pour autant que le demandeur prouve que tout a été fait pour parvenir à un accord et qu’il ait versé au propriétaire des données une part des dépenses encourues.

57      En d’autres termes, il ressort de l’ensemble des articles 62, 63 et de l’article 95, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 528/2012 qu’un participant au programme d’examen peut demander une compensation équitable pour l’utilisation de données provenant d’études sur des vertébrés, en vertu de l’article 63, paragraphe 3, de ce règlement, dans la mesure où une référence aux données dont il est propriétaire est nécessaire pour compléter le dossier du fournisseur alternatif au titre de l’article 95, paragraphe 1, deuxième alinéa, du même règlement.

58      En l’espèce, les requérantes n’ont pas démontré qu’une référence aux données figurant dans l’étude du test des comètes était nécessaire pour compléter le dossier présenté par Oxea à l’ECHA en vertu de cette dernière disposition.

59      Ainsi qu’il ressort du point 38 de son exception d’irrecevabilité, l’ECHA indique que le dossier d’Oxea était complet sans l’étude du test des comètes. La raison pour laquelle une référence à cette étude n’était pas nécessaire tiendrait au fait que ces sociétés avaient soumis trois essais in vitro négatifs pour satisfaire aux effets 8.5.1, 8.5.2 et 8.5.3 de l’annexe II du règlement n° 528/2012 et, partant, qu’un essai in vivo n’aurait pas été requis, conformément à l’effet 8.6, troisième tiret, de l’annexe II de ce règlement. Les essais in vitro négatifs auraient signifié que l’exigence d’un « ensemble de données supplémentaires » visée à l’effet 8.6 de l’annexe II dudit règlement n’aurait pas été déclenchée.

60      Cependant, les requérantes n’ont apporté aucun élément concret susceptible de remettre en question l’avis exprimé par l’ECHA audit point 38 de son exception d’irrecevabilité. En effet, elles n’ont pas établi que les essais et les études présentés par Oxea en vue de compléter son dossier conformément à l’article 95, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 528/2012 ne répondaient pas aux exigences des annexes visées à cet article.

61      À cet égard, elles se sont bornées à invoquer que l’évaluation réalisée par l’ECHA d’un dossier comme celui présenté par Oxea afin d’être inscrite sur la liste pertinente ne serait pas et ne pourrait pas être « indépendante » de l’évaluation réalisée par l’État membre rapporteur dans le cadre du règlement n° 1451/2007. Or, l’article 95, paragraphe 1, du règlement n° 528/2012 exigerait que toutes les candidatures soumises aux fins de l’inscription sur la liste de l’article 95 se conforment aux conditions prévues à l’annexe II de ce règlement ou à l’annexe II A ou IV A de la directive 98/8 et, le cas échéant, à l’annexe III A de cette directive. Aucune règle n’autoriserait l’ECHA à interpréter différemment l’annexe II du règlement n° 528/2012 ou bien l’annexe II A ou IV A de ladite directive, ou, le cas échéant, l’annexe III A de celle-ci.

62      En substance, ces arguments des requérantes partent à l’évidence du postulat selon lequel des données requises par l’État membre rapporteur lors de la phase de l’évaluation de la substance active prévue à l’article 14 du règlement n° 1451/2007 font partie d’un « dossier complet relatif à la substance » aux termes de l’article 95, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 528/2012.

63      Une telle interprétation ne saurait toutefois être retenue.

64      En effet, dans la mesure où le règlement n° 1451/2007 était d’application en l’espèce, selon son article 13, paragraphe 1, l’État membre rapporteur devait vérifier si le dossier était complet conformément à l’article 11, paragraphe 1, sous b), de la directive 98/8 et donc aux exigences de l’annexe IV A et de l’annexe IV B ou de l’annexe II A, de l’annexe II B et, le cas échéant, des annexes III A et III B de cette directive. Selon l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 1451/2007, lorsque l’État membre rapporteur estimait qu’un dossier était complet au titre de l’article 13 du même règlement, il pouvait procéder, le cas échéant, à l’évaluation de la substance active dans les douze mois suivant l’acceptation du dossier conformément à l’article 11, paragraphe 2, de la directive 98/8.

65      Or, les requérantes n’ont pas démontré, même pour leur propre dossier, que l’étude du test des comètes était requise en vertu dudit article 13 du règlement n° 1451/2007 en combinaison avec l’article 11, paragraphe 1, sous b), de la directive 98/8 et les exigences des annexes y mentionnées.

66      Au contraire, le 29 janvier 2008, l’État membre rapporteur a informé les requérantes que leur dossier était complet, alors que leur dossier ne contenait pas cette étude, la production de ladite étude n’ayant été demandée que lors de la phase de l’évaluation de l’alcool propyplique sur le fondement de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 1451/2007.

67      N’ayant pas établi qu’une référence aux données figurant dans l’étude du test des comètes était nécessaire pour le dossier présenté par Oxea à l’ECHA en vertu de l’article 95, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 528/2012, ni que cette étude était nécessaire afin de compléter leur propre dossier concernant l’alcool propylique présenté à l’État membre rapporteur selon l’article 13 du règlement n° 1451/2007, l’argument des requérantes lié à un droit à une compensation équitable, tel que celui-ci pourrait découler de l’article 63, paragraphe 3, du règlement n° 528/2012, doit donc être rejeté.

68      Il en va de même pour ce qui est de l’argument lié à la circonstance que l’ECHA aurait privé les requérantes de la possibilité d’attaquer une éventuelle décision prise sur la base de cette même disposition. En effet, en l’absence d’une nécessité de faire référence, dans le dossier d’Oxea, aux données provenant de l’étude du test des comètes, l’ECHA n’était pas tenue d’adopter une décision autorisant l’utilisation de ces données.

 Sur l’argument tiré de l’existence d’un avantage concurrentiel déloyal

69      Afin de prouver les conditions de recevabilité telles que prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, les requérantes font valoir que, en adoptant la décision attaquée, l’ECHA a conféré à Oxea un avantage concurrentiel déloyal puisqu’elle l’aurait placée dans la même position que les requérantes, qui sont participantes et propriétaires des données, sans qu’Oxea ait eu à prendre en charge une partie des coûts supportés par les requérantes au cours du programme d’examen. La situation juridique et factuelle des requérantes serait donc affectée négativement par la décision attaquée.

70      À cet égard, il suffit de relever que les coûts supportés par les requérantes en raison de la réalisation de l’étude du test des comètes n’étaient pas nécessaires pour que les requérantes aient le droit de commercialiser l’alcool propylique. En effet, cette étude n’était pas requise pour compléter le dossier des requérantes sur la base de l’article 13 du règlement n° 1451/2007.

71      Dès lors, aucun avantage concurrentiel « déloyal » ne saurait être retenu à l’encontre d’Oxea et l’argument des requérantes à ce titre doit donc être rejeté.

 Sur l’argument tiré de l’existence d’une aide d’État

72      Toujours afin d’étayer leur qualité pour agir au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, les requérantes font valoir en substance que, du fait qu’Oxea n’a pas eu à supporter une partie des dépenses engagées dans le cadre de la production de l’étude du test des comètes, elle peut vendre à ses clients des produits à base d’alcool propylique à un coût moindre que les requérantes. Cette circonstance devrait être assimilée à l’octroi d’une aide d’État, laquelle aurait pour effet d’affecter la situation juridique des requérantes.

73      À cet égard, il convient de rappeler que la qualification d’aide, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions visées par cette disposition soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêt du 17 décembre 2008, Ryanair/Commission, T‑196/04, EU:T:2008:585, point 36 et jurisprudence citée).

74      Or, en l’espèce, à l’exception de la thèse liée à l’existence d’un prétendu avantage concurrentiel pour Oxea en vertu de la décision attaquée, qui a déjà été réfutée aux points 70 et 71 ci-dessus, les requérantes n’ont apporté aucun argument permettant de conclure que les conditions prévues à l’article 107, paragraphe 1, TFUE sont remplies.

75      Il convient, dès lors, de rejeter l’argument tiré de l’existence d’une aide d’État.

76      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter l’argumentation des requérantes tendant à établir une affectation directe au sens de la deuxième variante du quatrième alinéa de l’article 263 TFUE.

77      Il s’ensuit que, indépendamment de la question de savoir si les requérantes sont également individuellement concernées par la décision attaquée, le présent recours en annulation ne remplit pas les conditions de recevabilité prévues à cette disposition.

78      Par ailleurs, il convient de relever que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, la décision attaquée ne constitue pas un acte règlementaire ne comportant pas des mesures d’exécution au sens de la troisième variante du quatrième alinéa de l’article 263 TFUE.

79      À cet égard, il suffit de rappeler que la notion d’« acte réglementaire » doit être comprise comme visant tout acte de portée générale à l’exception des actes législatifs (ordonnance du 14 janvier 2015, SolarWorld e.a./Commission, T‑507/13, EU:T:2015:23, point 64).

80      En l’espèce, force est de constater d’emblée que la décision attaquée ne s’applique pas à des situations déterminées objectivement et ne produit pas d’effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite. La décision attaquée ayant, en revanche, pour unique destinataire Oxea, il ne peut s’agir d’un acte réglementaire, au sens de la troisième variante du quatrième alinéa de l’article 263 TFUE.

81      En conséquence, il convient de rejeter l’argument des requérantes quant à l’existence d’acte réglementaire au sens de la troisième variante du quatrième alinéa de l’article 263 TFUE.

82      Au vu de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se pencher sur la question de savoir si la décision attaquée ne comporte pas de mesures d’exécution au titre de l’article 263, quatrième alinéa, troisième variante, TFUE et sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les requérantes justifient d’un intérêt légitime à agir, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble comme irrecevable.

 Sur les demandes d’intervention

83      Conformément à l’article 142, paragraphe 2, du règlement de procédure, l’intervention est accessoire au litige au principal et perd son objet, notamment, lorsque la requête est déclarée irrecevable.

84      Par conséquent, il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes en intervention d’Oxea et de BASF.

 Sur les dépens

85      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

86      Les requérantes ayant succombé en leur recours, il y a lieu de les condamner à supporter leur propres dépens ainsi que ceux exposés par l’ECHA, conformément aux conclusions de cette dernière.

87      Au point 32 de leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, les requérantes ont demandé que l’ECHA soit condamnée aux dépens, car ce serait uniquement dans cette requête portant sur la recevabilité qu’elle aurait fourni des détails sur les justifications et les fondements de l’acte attaqué, malgré plusieurs demandes en ce sens qui auraient pu permettre d’éviter le litige.

88      Toutefois, sur la base d’un tel argument, il ne saurait être dérogé à l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure.

89      À cet égard, il suffit de relever que les lettres par lesquelles l’ECHA a confirmé l’avis selon lequel l’étude du test des comètes n’était pas nécessaire pour le dossier d’Oxea n’ont eu aucune conséquence sur les effets de la décision attaquée ou sur la recevabilité de ce recours.

90      En effet, il est constant que, par lettre du 18 août 2015, l’ECHA a confirmé qu’elle était effectivement d’avis que l’étude du test des comètes n’était pas nécessaire à l’inscription d’Oxea sur la liste pertinente.

91      Les requérantes ne sont pas parvenues à établir en quoi cette réponse de l’ECHA n’était pas suffisante afin de leur permettre de se défendre de manière efficace et adéquate dans la présente affaire.

92      Aux termes de l’article 144, paragraphe 10, du règlement de procédure, s’il est mis fin à l’instance dans l’affaire principale avant qu’il soit statué sur une demande d’intervention, le demandeur en intervention et les parties principales supportent chacun leurs propres dépens afférents à la demande d’intervention.

93      En l’espèce, les requérantes, l’ECHA, Oxea et BASF supporteront donc chacune leurs propres dépens afférents aux demandes d’intervention.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes d’intervention d’Oxea GmbH et de BASF SE.

3)      Lysoform Dr. Hans Rosemann GmbH, Ecolab Deutschland GmbH, Schülke & Mayr GmbH et Diversey Europe Operations BV sont condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) à l’exception de ceux afférents aux demandes d’intervention.

4)      Lysoform Dr. Hans Rosemann, Ecolab Deutschland, Schülke & Mayr, Diversey Europe Operations, l’ECHA, Oxea et BASF supporteront chacune leurs propres dépens afférents aux demandes d’intervention.

Fait à Luxembourg, le 12 octobre 2016.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       A. Dittrich


* Langue de procédure : l’anglais.