Language of document : ECLI:EU:T:2023:29

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

1er février 2023 (*) 

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale Sustainability through Quality – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑253/22,

Groschopp AG Drives & More, établie à Viersen (Allemagne), représentée par Me R. Schiffer, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. A. Ringelhann et T. Klee, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. F. Schalin, président, Mme G. Steinfatt (rapporteure) et M. D. Kukovec, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Groschopp AG Drives & More, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 1er mars 2022 (affaire R 1076/2020-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 28 novembre 2019, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal Sustainability through Quality.

3        La marque demandée désignait les produits et les services relevant des classes 7, 9, 16 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 7 : « Moteurs (à l’exception des moteurs pour véhicules terrestres) ; accouplements, engrenages et dispositifs de transmission (à l’exception de ceux pour véhicules terrestres) ; pièces de moteurs, d’accouplements, d’engrenages et de dispositifs de transmission (comprises dans la classe 7) » ;

–        classe 9 : « Dispositifs de commande et de réglage électriques et électroniques pour moteurs ; appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement ; appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l’accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique ; équipement pour le traitement des données et ordinateurs ; logiciels et programmes informatiques (enregistrés et téléchargeables), y compris en particulier des applications pour dispositifs mobiles ; applications (logiciels) pour terminaux mobiles ; logiciels de recherche sur l’internet ; matériel informatique ; publications électroniques (téléchargeables) ; supports d’enregistrement magnétiques et optiques ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son, des images ou des données ; supports de sons, d’images et de données enregistrés et vierges (à l’exception des films non exposés) ; périphériques d’ordinateurs ; fichiers d’images, sons et vidéos téléchargeables ; sons, images et données téléchargeables (y compris dans chaque cas sous forme de fichiers de données), en particulier tonalités de sonnerie, musique, fichiers MP3, graphismes, jeux et bandes vidéo téléchargeables pour terminaux mobiles » ;

–        classe 16 : « Papier, carton ; produits de l’imprimerie ; articles pour reliures ; photographies ; papeterie ; matériel d’instruction ou d’enseignement (à l’exception des appareils) ; matières plastiques pour l’emballage (non comprises dans d’autres classes) ; brochures ; livres ; diagrammes ; représentations graphiques ; manuels ; calendriers ; prospectus ; lettres d’information ; magazines (périodiques) ; matériel d’écriture ; autocollants (papeterie) ; publications (imprimées) ; journaux » ;

–        classe 42 : « Services scientifiques et technologiques ainsi que services de recherche et de conception y relatifs ; services d’analyses et de recherches industrielles ; conception et développement d’ordinateurs et de logiciels ; programmation informatique ; services informatiques ; maintenance, mise à jour et maintenance de logiciels ; location de logiciels ; fourniture de plates-formes sur l’internet ; contrôle de projets et d’entreprises (diligence raisonnable) du point de vue technique ; services de recherches pour le compte de tiers en ce qui concerne de nouveaux produits ; services d’ingénierie ; services de conseil technique et d’expertise ».

4        Par décision du 23 mars 2020, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement de ladite marque, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, de ce même règlement.

5        Le 28 mai 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 11 février 2021 (affaire R 1076/2020-1), ce recours a été rejeté.

7        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 avril 2021, la requérante a introduit un recours, qui a été enregistré sous le numéro T‑212/21, visant à l’annulation de cette décision.

8        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 28 janvier 2022, l’EUIPO, d’une part, a informé le Tribunal de la décision de la première chambre de recours du 25 octobre 2021 portant révocation de la décision du 11 février 2021 et du fait que cette décision était devenue définitive et, d’autre part, a demandé au Tribunal de conclure, conformément à l’article 130, paragraphe 2, de son règlement de procédure, que, ledit recours étant devenu sans objet, il n’y avait plus lieu de statuer sur celui-ci.

9        Il ressortait de la décision de révocation que la décision du 11 février 2021 était entachée d’une erreur de procédure manifeste dans la mesure où elle avait été prise par un seul membre, en application de l’article 165, paragraphes 2 et 5, du règlement 2017/1001, de l’article 36 du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), et de l’article 7 de la décision 2020-7 du 21 juillet 2020 du présidium des chambres de recours relative à l’organisation des chambres, bien que la chambre de recours ne fût pas arrivée à la conclusion selon laquelle le recours était manifestement non fondé au sens de l’article 36, paragraphe 1, sous g), du règlement délégué 2018/625.

10      Par ordonnance du 19 mai 2022, Groschopp/EUIPO (Sustainability through Quality) (T‑212/21, non publiée, EU:T:2022:325), le Tribunal a jugé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur ledit recours.

11      L’affaire a été attribuée à la cinquième chambre de recours sous la référence R 1076/2020-5.

12      Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Elle a notamment considéré que cette marque serait comprise par le public pertinent comme un slogan publicitaire et non comme une indication de l’origine des produits et services en cause.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

14      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      La requérante invoque en substance deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et, le second, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), de ce même règlement.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7 paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001

16      L’EUIPO fait valoir que dans la mesure où la requérante invoque une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, le recours est irrecevable, puisque la décision attaquée a été fondée exclusivement sur l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

17      Ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, la chambre de recours a fondé le rejet du recours de la requérante sur l’absence de caractère distinctif de la marque demandée, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. En revanche, elle ne s’est pas fondée sur le motif de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement.

18      Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir violé une disposition qu’elle n’a pas appliquée [arrêt du 8 septembre 2015, Gold Crest/OHMI (MIGHTY BRIGHT), T‑714/13, non publié, EU:T:2015:600, point 29].

19      Par conséquent, il convient de rejeter le second moyen comme non fondé.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

20      Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée). Ce caractère doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).

21      D’emblée, il convient de noter que la requérante ne conteste pas la possibilité pour la chambre de recours de limiter son appréciation à la partie du public pertinent composée des consommateurs dans des États membres dans lesquels l’anglais est soit la langue officielle, soit couramment parlée, à savoir l’Irlande, Malte, le Danemark, les Pays‑Bas, la Finlande, la Suède et Chypre.

22      S’agissant de marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par ces marques, leur enregistrement n’est pas exclu en raison d’une telle utilisation [arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 35, et du 22 mars 2017, Hoffmann/EUIPO (Genius), T‑425/16, non publié, EU:T:2017:199, point 26].

23      Quant à l’appréciation du caractère distinctif de telles marques, la Cour a jugé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer à celles-ci des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres signes (arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 36, et du 22 mars 2017, Genius, T‑425/16, non publié, EU:T:2017:199, point 27). Ainsi, un minimum de caractère distinctif suffit pour que le motif absolu de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 ne soit pas applicable [voir arrêt du 6 octobre 2021, Kondyterska korporatsiia « Roshen »/EUIPO – Krasnyj Octyabr (Représentation d’un homard), T‑254/20, non publié, EU:T:2021:650, point 116 et jurisprudence citée].

24      Il ressort cependant de la jurisprudence que, si les critères relatifs à l’appréciation du caractère distinctif sont les mêmes pour les différentes catégories de marques, la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même pour chacune de ces catégories et, dès lors, il pourrait s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif des marques de certaines catégories que de celles d’autres catégories [voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 37 et jurisprudence citée ; arrêt du 25 mai 2016, U-R LAB/EUIPO (THE DINING EXPERIENCE), T‑422/15 et T‑423/15, non publié, EU:T:2016:314, point 47]. En effet, il convient également de tenir compte du fait que, s’agissant des consommateurs moyens, ceux-ci n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits et services en se fondant sur des slogans (voir arrêt du 25 mai 2016, THE DINING EXPERIENCE, T‑422/15 et T‑423/15, non publié, EU:T:2016:314, point 78 et jurisprudence citée).

25      Si toutes les marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services désignés par ces marques véhiculent par définition, dans une mesure plus ou moins grande, un message objectif, même simple, elles peuvent néanmoins être aptes à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services en cause. Tel peut notamment être le cas lorsque ces marques peuvent avoir plusieurs significations, constituer un jeu de mots ou être perçues comme fantaisistes, surprenantes et inattendues et, par là même, être mémorisables, de sorte qu’elles ne se réduisent pas à un message publicitaire ordinaire, mais possèdent une certaine originalité ou prégnance, nécessitent un minimum d’effort d’interprétation ou déclenchent un processus cognitif auprès du public concerné (arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, points 47, 56 et 57, et du 22 mars 2017, Genius, T‑425/16, non publié, EU:T:2017:199, point 28).

26      Pour autant que ce public perçoit la marque comme une indication de cette origine, le fait qu’elle soit simultanément, voire en premier lieu, appréhendée comme une formule promotionnelle est sans incidence sur son caractère distinctif (voir, en ce sens, arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 45, et du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, EU:C:2012:460, point 30).

27      En revanche, une marque constituée d’un slogan publicitaire doit être considérée comme dépourvue de caractère distinctif si elle n’est susceptible d’être perçue par le public pertinent que comme une simple formule promotionnelle [arrêts du 6 juin 2013, Interroll/OHMI (Inspired by efficiency), T‑126/12, non publié, EU:T:2013:303, point 25, et du 22 mars 2017, Genius, T‑425/16, non publié, EU:T:2017:199, point 29]. En particulier, il en est ainsi lorsqu’un signe indique au consommateur une caractéristique des produits ou services visés par celui-ci qui, sans être précise, procède d’une information à caractère promotionnel ou publicitaire que le public pertinent percevra en tant que telle, plutôt que comme une indication de l’origine commerciale des produits ou services [arrêts du 17 mars 2016, Mudhook Marketing/OHMI (IPVanish), T‑78/15, non publié, EU:T:2016:155, point 25, et du 14 juillet 2016, Volkswagen/EUIPO (ConnectedWork), T‑491/15, non publié, EU:T:2016:407, point 32].

28      La chambre de recours a estimé qu’il ressortait de la jurisprudence qu’une structure formellement inhabituelle d’un slogan comme, par exemple, l’humour ou des allitérations inhabituelles était considérée comme un critère permettant de conclure à l’existence d’un caractère distinctif. Or, la marque demandée ne présenterait pas de telles caractéristiques. La chambre de recours a constaté que l’expression anglaise « sustainability through quality » signifiait simplement « la durabilité par la qualité ». Ce slogan communiquerait de manière immédiatement compréhensible le fait que la durabilité doit passer par un produit de qualité et refléterait une tendance parfaitement en phase avec l’air du temps, consistant à combiner la durabilité avec la qualité, par exemple en ce qui concerne l’environnement, et par conséquent avec un procédé écologique, qui en l’espèce serait manifestement destiné à être associé à des considérations économiques. Selon la chambre de recours, la marque demandée est un message promotionnel et élogieux qui souligne les aspects positifs des produits et services concernés, à savoir qu’ils sont durables. Elle exprimerait donc également une philosophie d’entreprise générale et abstraite.

29      La requérante fait valoir qu’il ressort de la jurisprudence qu’un slogan publicitaire présente un caractère distinctif si, au-delà de son message purement publicitaire, il peut également être perçu par le public ciblé comme une indication de l’origine commerciale des produits et services en cause. Tel pourrait notamment être le cas lorsque ces marques ne se réduisent pas à un message publicitaire ordinaire, mais possèdent une certaine originalité ou prégnance, nécessitent un minimum d’effort d’interprétation ou déclenchent un processus cognitif auprès du public concerné.

30      En particulier, la requérante estime qu’il n’est pas concevable de considérer que le slogan « Vorsprung durch Technik » (« avance par la technique »), en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI (C‑398/08 P, EU:C:2010:29), présente un caractère distinctif et n’est pas descriptif à l’égard de produits et de services, mais que le slogan « sustainability through quality » est descriptif et dépourvu de caractère distinctif. Les deux slogans seraient analogues aux fins de l’appréciation de ces deux critères.

31      Il importerait peu que des mots individuels tels que « sustainability » ou « quality » ne puissent pas en eux-mêmes faire l’objet d’une protection, car ce serait l’impression de la marque demandée, considérée dans son ensemble, qui serait déterminante. Or, la chambre de recours n’aurait pas correctement apprécié cet aspect.

32      En l’espèce, même si la marque demandée contenait un message concernant les produits et services indiquant par exemple que, grâce au soin apporté à leur fabrication, leur atteinte au climat est limitée, cette indication n’en ressortirait pas de manière manifeste. La marque demandée ne révélerait qu’un lien de causalité. À cet égard, le mode de construction du syntagme serait inhabituel. La requérante soutient que s’il convenait de comprendre le slogan dans le sens retenu par la chambre de recours, il devrait plutôt se lire « sustainability by quality » ou « sustainability thanks to quality ». Ainsi, le message transmis par la marque demandée serait vague et, partant, créatif et original. Il susciterait une analyse intellectuelle et serait mémorisé en tant qu’indication de l’origine commerciale. En outre, il serait conforme aux coutumes générales du marché en matière d’étiquetage qu’un message publicitaire indique également l’origine commerciale.

33      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

34      À cet égard, le mot « sustainability » se traduit par « durabilité », le mot « through » signifie « par » et le mot « quality » veut dire « qualité ». Le contenu sémantique de chacun des termes composant la marque demandée est clair et précis. Il n’est pas modifié de façon perceptible lorsque ces termes sont combinés en un seul signe.

35      Ainsi que la chambre de recours l’a, en substance, indiqué, l’expression « sustainability through quality » doit être traduite par « la durabilité par la qualité » et signifie que la durabilité passe ou doit passer par la qualité.

36      Contrairement à ce que prétend la requérante, cette signification ne se traduirait pas en anglais par « sustainability by quality » ou « sustainability thanks to quality ».

37      D’une part, « sustainability by quality » correspond à une traduction littérale des mots composant l’expression « la durabilité par la qualité », mais non à son sens. Ainsi qu’il ressort des dictionnaires en ligne Macmillan et Cambridge, le mot « by » peut être utilisé soit comme une préposition, suivie d’un nom, soit comme un adverbe, qui n’est pas suivi d’un nom. Or, il ressort clairement des exemples de l’usage de ce mot fournis par ces dictionnaires que le public anglophone ne l’emploierait pas pour formuler l’idée qu’un résultat, exprimé par un nom, découle d’une cause, représentée par un second nom. Ce public n’exprimerait donc pas le message « la durabilité par la qualité » par « sustainability by quality ».

38      D’autre part, « sustainability thanks to quality » se traduirait par « la durabilité grâce à la qualité ».

39      L’expression « sustainability through quality » est conforme à la grammaire et aux règles syntaxiques anglaises, où le mot « through » exprime que le résultat, « sustainability », est atteint en raison de « quality ». Cette expression ne constitue d’ailleurs aucun jeu de mots. Si de très légères nuances dans sa compréhension sont possibles (voir point 35 ci-dessus), cette circonstance n’implique nullement que sa signification serait vague, imprécise ou ambiguë [voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, Knauf/EUIPO (upgrade your personality), T‑102/18, EU:T:2018:932, point 28]. Elle renvoie toujours au même sens, à savoir que la durabilité est ou doit être atteinte par la qualité. Ainsi, il ne saurait être considéré que cette expression peut avoir plusieurs significations, au sens de la jurisprudence rappelée au point 25 ci-dessus.

40      Partant, la marque demandée est tout à fait compréhensible et claire pour les consommateurs anglophones des produits et services concernés et ne présente aucune caractéristique inhabituelle, fantaisiste, surprenante ou inattendue qui la rendrait aisément mémorisable par les consommateurs concernés.

41      Si, certes, l’expression en question révèle un lien de causalité entre la durabilité et la qualité, elle ne fait, ainsi qu’il découle en substance des points 23 et 26 de la décision attaquée, que formuler un message général applicable à toute entreprise selon lequel la durabilité passe ou doit passer par un produit ou un service de qualité et selon lequel ceux-ci sont fondés sur ce principe de durabilité.

42      Ainsi, contrairement à ce qu’allègue la requérante d’ailleurs sans l’étayer, la marque demandée ne suscite aucune analyse intellectuelle, ne nécessite aucun effort d’interprétation et ne déclenche aucun processus cognitif auprès du public concerné.

43      Les mots « sustainability » et « quality » et les idées qu’ils transmettent sont déjà courants dans le domaine de la publicité et confèrent, de ce fait, un caractère publicitaire à la marque demandée. Ce caractère publicitaire de la marque demandée prise dans son ensemble est également facilement perceptible en raison de la circonstance que l’intérêt du public pour la durabilité dans la production et la consommation a fortement augmenté ces dernières années, les thèmes de l’urgence de la protection de l’environnement et de l’action climatique influençant fortement les actualités et la vie quotidienne. L’utilisation conjointe des mots « sustainability » et « quality » au sein d’un slogan ne témoigne donc d’aucune originalité et apparaît cohérente.

44      La marque demandée souligne des caractéristiques positives générales et élogieuses des produits et services visés. Elle indique clairement à leurs consommateurs anglophones qu’ils peuvent s’attendre à une qualité et une durabilité supérieures de ces produits et services, ce qui aurait pour conséquence que leur impact sur l’environnement serait limité ou inexistant.

45      La requérante n’a d’ailleurs pas concrètement contesté l’appréciation de la chambre de recours figurant aux points 27 à 29 de la décision attaquée selon laquelle, en substance, premièrement, pour les produits et services concernés de nature technique, ou ceux susceptibles d’avoir des contenus techniques ou une qualité déterminée, la marque demandée est perçue comme une indication promotionnelle du fait que ce sont des produits et services de qualité, qui sont également durables et donc particulièrement respectueux de l’environnement, deuxièmement, pour les produits concernés relevant de l’industrie du divertissement, la marque demandée est perçue comme un message publicitaire indiquant que ces produits contribuent à communiquer au sujet de la protection de l’environnement et, en particulier, de la durabilité sans pour autant renoncer à la qualité et, troisièmement, pour les produits concernés relevant du domaine de la communication, elle est considérée comme une indication promotionnelle soulignant que ces produits permettent de communiquer au sujet de la durabilité par la qualité.

46      Or, il appartient au demandeur d’une marque, qui se prévaut du caractère distinctif de celle-ci et qui dispose d’une connaissance approfondie du marché en cause, de fournir des indications concrètes et étayées établissant que la marque demandée est dotée d’un caractère distinctif intrinsèque ou acquis par l’usage, puisqu’il est le mieux placé pour le faire [voir ordonnance du 5 décembre 2007, Kapman/OHMI (représentation d’une lame de scie de couleur bleue), T‑127/06, non publiée, EU:T:2007:366, point 34 et jurisprudence citée].

47      Dans la mesure où le public pertinent est peu attentif à l’égard d’un signe qui ne lui donne pas d’emblée une indication sur la provenance ou la destination de ce qu’il souhaite acheter, mais plutôt une information exclusivement promotionnelle et abstraite, il ne s’attardera ni à rechercher les différentes fonctions éventuelles de l’expression ni à la mémoriser en tant que marque [arrêt du 24 septembre 2019, Daimler/EUIPO (ROAD EFFICIENCY), T‑749/18, non publié, EU:T:2019:688, point 39].

48      Dès lors, il y a lieu de conclure que l’expression en cause sera perçue par le public pertinent exclusivement comme une formule promotionnelle, en raison de son sens intrinsèque, plutôt que comme une indication d’une origine commerciale [voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2012, Fomanu/OHMI (Qualität hat Zukunft), T‑22/12, non publié, EU:T:2012:663, point 30].

49      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les analogies que la requérante tente de tirer entre la présente affaire et celle ayant donné lieu à l’arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI (C‑398/08 P, EU:C:2010:29).

50      En effet, hormis la question posée quant aux différences entre les marques demandées respectives et leur « compréhension de base » dans la présente affaire et celle dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI (C‑398/08 P, EU:C:2010:29), la requérante n’a avancé aucun argument de nature à comparer, voire à rapprocher, les cadres factuels respectifs des deux affaires au regard de l’ensemble des éléments essentiels d’une appréciation de l’existence du caractère distinctif intrinsèque d’une marque demandée, à savoir, outre le signe en question, les produits et services visés, ainsi que le public concerné (voir point 20 ci-dessus). Or, c’est à elle qu’il aurait appartenu de les présenter devant le Tribunal (voir point 46 ci-dessus).

51      En tout état de cause, il suffit de relever que le cadre factuel de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI (C‑398/08 P, EU:C:2010:29), diffère substantiellement de celui de la présente affaire. D’une part, il ressort des points 53 et 59 de cet arrêt que le slogan « Vorsprung durch Technik » était, selon la Cour, « renommé et utilisé depuis de nombreuses années par Audi » pour promouvoir la vente de ses véhicules automobiles relevant de la classe 12, de sorte qu’il ne pouvait être exclu que le fait que le public concerné ait été habitué à établir le lien entre ce slogan et les automobiles fabriquées par cette société ait facilité également l’identification par ce public de l’origine commerciale des produits ou des services désignés dans ladite affaire. Cependant, un tel fait n’a, en l’espèce, pas été établi, ni même allégué par la requérante pour ce qui concerne la marque demandée [voir, en ce sens, arrêts du 6 juin 2013, Inspired by efficiency, T‑126/12, non publié, EU:T:2013:303, point 43, et du 20 juillet 2016, Reisenthel/EUIPO (keep it easy), T‑308/15, non publié, EU:T:2016:420, point 33].

52      D’autre part, aux points 47 et 48 de l’arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI (C‑398/08 P, EU:C:2010:29), la Cour a constaté, en substance, que le Tribunal avait considéré que le slogan « Vorsprung durch Technik » pouvait avoir plusieurs significations, constituer un jeu de mots ou être perçu comme fantaisiste, surprenant et inattendu, et par la même être mémorisable. Selon la Cour, une telle constatation contredisait dans une certaine mesure la conclusion du Tribunal dans l’arrêt du 9 juillet 2008, Audi/OHMI (Vorsprung durch Technik) (T‑70/06, non publié, EU:T:2008:266), quant à l’absence de caractère distinctif dudit signe.

53      La Cour a également relevé, aux points 57 à 59 de l’arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI (C‑398/08 P, EU:C:2010:29), que ladite marque témoignait d’une certaine originalité et prégnance et qu’un effort d’interprétation avait été nécessaire pour comprendre sa signification.

54      Toutefois, à la différence de la marque Vorsprung durch Technik, la marque demandée ne présente aucun de ces éléments, ainsi qu’il découle des points 34 à 48 ci-dessus, de sorte qu’elle ne permet pas d’identifier l’origine commerciale des produits et services qu’elle vise.

55      Les différences substantielles entre l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI (C‑398/08 P, EU:C:2010:29), et le cas d’espèce, eu égard à leurs cadres factuels respectifs et aux slogans en cause, ne permettent donc pas au Tribunal de s’inspirer de l’appréciation de la Cour dans l’affaire susvisée et de reconnaître un caractère distinctif à la marque demandée [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 6 juin 2013, Inspired by efficiency, T‑126/12, non publié, EU:T:2013:303, point 43, et du 13 mai 2020, View/EUIPO (CREATE DELIGHTFUL HUMAN ENVIRONMENTS), T‑49/19, non publié, EU:T:2020:197, point 39].

56      Dans ces conditions, il convient de relever que la chambre de recours a considéré, à juste titre, que la marque demandée n’était pas distinctive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

57      Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter comme non fondé le premier moyen de la requérante et, par voie de conséquence, de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

58      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

59      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Groschopp AG Drives & More est condamnée aux dépens.

Schalin

Steinfatt

Kukovec

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er février 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.