Language of document : ECLI:EU:T:2023:74

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

15 février 2023 (*)

« Produits phytopharmaceutiques – Substance active mancozèbe – Non-renouvellement de l’approbation – Règlement (CE) no 1107/2009 et règlement d’exécution (UE) no 844/2012 – Procédure d’évaluation de la demande de renouvellement de l’approbation d’une substance active – Désignation d’un nouvel État membre rapporteur en raison du retrait de l’ancien État membre rapporteur de l’Union – Droits de la défense – Principe de bonne administration – Erreur manifeste d’appréciation – Procédure de classification et d’étiquetage harmonisés – Règlement (CE) no 1272/2008 – Confiance légitime »

Dans l’affaire T‑742/20,

UPL Europe Ltd, établie à Warrington (Royaume-Uni),

Indofil Industries (Netherlands) BV, établie à Amsterdam (Pays-Bas),

représentées par Mes C. Mereu et P. Sellar, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par M. A. Dawes, Mmes G. Koleva et F. Castilla Contreras, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. R. da Silva Passos, président, V. Valančius et Mme I. Reine (rapporteure), juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 30 juin 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, UPL Europe Ltd et Indofil Industries (Netherlands) BV, demandent l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2020/2087 de la Commission, du 14 décembre 2020, portant sur le non-renouvellement de l’approbation de la substance active « mancozèbe », conformément au règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, et modifiant l’annexe du règlement d’exécution (UE) no 540/2011 de la Commission (JO 2020, L 423, p. 50, ci-après le « règlement d’exécution attaqué »).

I.      Antécédents du litige

2        Les requérantes sont des sociétés qui commercialisent, notamment dans l’ensemble de l’Union européenne, des produits phytopharmaceutiques en tant que pesticides contenant la substance active « mancozèbe ». Le mancozèbe est un fongicide utilisé pour lutter contre plusieurs pathogènes fongiques affectant les cultures de la pomme de terre, de la vigne, des fruits tendres, des fruits d’arbres, des carottes et des oignons.

A.      Approbation du mancozèbe au niveau de l’Union

3        Le mancozèbe a été approuvé dans l’Union, à partir du 1er juillet 2006 et pour une période de 10 ans, par la directive 2005/72/CE de la Commission, du 21 octobre 2005, modifiant la directive 91/414/CEE du Conseil, en vue d’y inscrire les substances actives chlorpyriphos, chlorpyriphos-méthyl, mancozèbe, manèbe et métirame (JO 2005, L 279, p. 63), qui a ajouté la substance active mancozèbe à l’annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO 1991, L 230, p. 1).

4        Avec l’entrée en vigueur du règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414 (JO 2009, L 309, p. 1), les substances actives inscrites à l’annexe I de la directive 91/414, dont le mancozèbe, ont été réputées approuvées et ont été énumérées à l’annexe du règlement d’exécution (UE) no 540/2011 de la Commission, du 25 mai 2011, portant application du règlement no 1107/2009, en ce qui concerne la liste des substances actives approuvées (JO 2011, L 153, p. 1). Le règlement d’exécution no 540/2011 a été modifié à quatre reprises, par les règlements d’exécution (UE) no 762/2013 de la Commission, du 7 août 2013 (JO 2013, L 213, p. 14), (UE) 2018/84 de la Commission, du 19 janvier 2018 (JO 2018, L 165, p. 8), (UE) 2018/1796 de la Commission, du 20 novembre 2018 (JO 2018, L 294, p. 15) et (UE) 2019/2094 de la Commission, du 29 novembre 2019 (JO 2019, L 317, p. 102). Par le règlement d’exécution 2019/2094, la Commission a prolongé la période d’approbation du mancozèbe jusqu’au 31 janvier 2021 afin que la procédure de renouvellement puisse être achevée avant l’expiration de la période d’approbation de cette substance.

B.      Renouvellement de l’approbation du mancozèbe au niveau de l’Union

5        En juin 2013 et en novembre 2014, respectivement, des demandes distinctes de renouvellement de l’approbation du mancozèbe ont été déposées par l’« EU Mancozeb Task Force », à savoir un groupe de travail fondé par les requérantes spécifiquement aux fins de la procédure de renouvellement de l’approbation du mancozèbe, et par une autre société.

6        L’approbation du mancozèbe a été soumise à la procédure réglementaire standard des renouvellements d’approbation prévue aux articles 14 et suivants du règlement no 1107/2009 et aux différentes étapes de cette procédure prévues par le règlement d’exécution (UE) no 844/2012 de la Commission, du 18 septembre 2012, établissant les dispositions nécessaires à la mise en œuvre de la procédure de renouvellement des substances actives, conformément au règlement no 1107/2009 (JO 2012, L 252, p. 26).

7        Conformément au règlement d’exécution (UE) no 686/2012 de la Commission, du 26 juillet 2012, assignant aux États membres, aux fins de la procédure de renouvellement, l’évaluation des substances actives dont l’approbation expire au plus tard le 31 décembre 2018 (JO 2012, L 200, p. 5), le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a été désigné comme l’État membre rapporteur pour l’évaluation du mancozèbe dans le cadre de la procédure de renouvellement de son approbation (ci-après l’« EMR initial »), l’État membre corapporteur étant la République hellénique.

8        À la suite de la notification, le 29 mars 2017, par le Royaume-Uni de son intention de se retirer de l’Union en application de l’article 50, paragraphe 2, TUE, l’Union a négocié avec cet État un accord fixant les modalités d’un tel retrait, conformément à cette même disposition. Initialement, la date de ce retrait était fixée au 29 mars 2019.

9        Le 27 septembre 2017, l’EMR initial a soumis son projet de rapport d’évaluation du renouvellement (ci-après le « projet de RER de septembre 2017 ») à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), conformément à l’article 11 du règlement d’exécution no 844/2012. Dans ce projet, l’EMR initial a considéré que l’article 4 du règlement no 1107/2009 avait été respecté et que le mancozèbe pouvait être approuvé. Alors que l’EMR initial a identifié certains risques concernant une utilisation sans danger de certains produits ou usages, il a reconnu que ces risques pourraient être atténués au niveau des États membres.

10      En février 2018, l’EFSA a diffusé le projet de RER de septembre 2017 auprès des États membres et des requérantes pour observations, en application de l’article 12 du règlement d’exécution no 844/2012. Les requérantes ont déposé leurs observations le 26 avril 2018.

11      Le 4 juillet 2018, l’EFSA a demandé aux requérantes de fournir des informations supplémentaires dans un délai d’un mois, conformément à l’article 13, paragraphe 3, du règlement d’exécution no 844/2012. Cette demande comportait 88 points portant notamment sur la stabilité pendant le stockage du mancozèbe et du métabolite d’éthylène-thiourée (ETU), l’usage projeté de la substance dans les céréales, les facteurs de transformation du mancozèbe et de l’ETU pour les produits transformés à base de blé et de pommes de terre, ainsi que sur les critères de perturbation endocrinienne. Le 3 août 2018, les requérantes ont fourni une partie des informations demandées. Le 19 octobre 2018, avec l’accord de l’EFSA, elles ont fourni les informations supplémentaires demandées sur les effets perturbateurs du système endocrinien que génère le mancozèbe.

12      Au début du mois de décembre 2018, les requérantes ont sollicité une réunion avec l’EMR initial afin de discuter, notamment, de l’évaluation des données supplémentaires fournies à la suite de la demande de l’EFSA du 4 juillet 2018 (voir point 11 ci-dessus), plus particulièrement sur la question de savoir si ces données avaient été acceptées et si elles étaient de nature à démontrer une utilisation sans risque du mancozèbe. Cette demande n’a pas été accueillie. Par courriel du 18 décembre 2018, l’EMR initial a répondu aux questions posées par les requérantes.

13      En janvier 2019, l’EMR initial a présenté à l’EFSA une version actualisée du projet de RER.

14      En janvier et février 2019, l’EFSA a organisé des réunions d’experts dans le cadre de la procédure d’examen collégial afin d’étudier divers aspects de l’évaluation des risques du mancozèbe dans les domaines de la toxicologie des mammifères, des résidus et de l’écotoxicologie. À cet égard, avant ces réunions, d’une part, les requérantes ont fourni des informations supplémentaires à l’EFSA et à l’EMR initial justifiant, selon elles, une utilisation sans risque de cette substance et invité ceux-ci à les examiner lors des réunions d’experts.

15      D’autre part, elles ont écrit à la Commission européenne en lui demandant notamment d’évaluer les risques du mancozèbe au regard de leur proposition d’apporter des modifications aux bonnes pratiques agricoles (BPA) sur les céréales. Par courriel du 12 février 2019, la Commission a noté ce qui suit :

« S’agissant des modifications apportées aux BPA, celles-ci ne sont pas normalement permises, dans la mesure où cela peut avoir un impact sur l’évaluation du risque, tout en retardant et en compliquant l’évaluation par les pairs. Néanmoins, dans certains cas, l’État membre rapporteur peut se montrer disposé à accepter des modifications et nous vous conseillons de contacter celui-ci sur cette question. »

16      Par leur courriel du 14 février 2019, les requérantes ont contacté l’EMR initial au sujet, notamment, des BPA modifiées. En réponse, par courriel du 18 février 2019, l’EMR initial leur a indiqué ne pas être en mesure d’effectuer l’examen de leur demande concernant les BPA, compte tenu du caractère tardif de cette demande. Il les a, en revanche, orientées vers les autorités de la République hellénique, annoncée pour assumer le rôle d’État membre rapporteur (ci-après l’« EMR ») en lieu et place de l’EMR initial.

17      Le 27 février 2019, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2019/336, modifiant le règlement (UE) no 1141/2010 et le règlement d’exécution no 686/2012 en ce qui concerne l’État membre rapporteur pour l’évaluation des substances actives « 1-méthylcyclopropène », « famoxadone », « mancozèbe », « méthiocarbe », « méthoxyfénozide », « pirimicarbe », « pirimiphos-méthyl » et « thiaclopride » (JO 2019, L 60, p. 8). À l’annexe I de ce règlement d’exécution, la République hellénique a été désignée en tant que nouvel EMR pour l’évaluation du mancozèbe. En vertu de l’article 3 dudit règlement d’exécution, cette désignation était applicable à partir du 30 mars 2019 ou, s’il était décidé de proroger la période de deux ans visée à l’article 50, paragraphe 3, TUE, à compter du jour suivant celui où la législation relative aux produits phytopharmaceutiques cesserait de s’appliquer au Royaume-Uni et sur son territoire.

18      En mars 2019, l’EMR initial a présenté à l’EFSA une nouvelle mise à jour du projet de RER (ci-après le « projet de RER de mars 2019 »). Les requérantes ont reçu ce projet le 22 mars 2019. Ledit projet proposait de conclure que le mancozèbe ne remplissait pas les conditions d’approbation prévues à l’article 4 du règlement no 1107/2009 pour trois raisons, à savoir, premièrement, le mancozèbe était considéré comme un perturbateur endocrinien pour l’être humain, deuxièmement, il existait un risque résultant d’une exposition non alimentaire et, troisièmement, il existait un risque pour les oiseaux et les mammifères, pour les arthropodes non ciblés et pour les organismes du sol.

19      Le 12 avril 2019, les requérantes ont envoyé une lettre à l’EFSA, réaffirmant que les données supplémentaires sur la perturbation endocrinienne soumises en octobre 2018 n’avaient pas été prises en compte. Les requérantes exprimaient également leurs préoccupations quant aux fondements juridiques et scientifiques sur lesquels l’évaluation de la perturbation endocrinienne du mancozèbe avait été effectuée, principalement parce qu’une influence injustifiée y serait accordée à l’ETU plutôt qu’à la substance elle‑même.

20      Le 12 juin 2019, l’EFSA a publié ses conclusions sur l’examen collégial de l’évaluation du risque lié à l’utilisation du mancozèbe en tant que pesticide (ci-après les « conclusions de l’EFSA »), dans lesquelles elle indiquait que cette substance n’était pas susceptible de satisfaire aux conditions d’approbation énoncées à l’article 4 du règlement no 1107/2009 (voir point 44 ci-après).

21      Le 20 juin 2019, l’EFSA a communiqué ses conclusions à la Commission qui a ensuite invité les requérantes à présenter des observations sur celles-ci, ce qu’elles ont fait le 16 juillet 2019.

22      Par courriel du 18 septembre 2019, l’EMR initial a confirmé aux requérantes qu’il ne participait plus aux réunions du comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale (ci-après le « comité permanent ») concernant le mancozèbe.

23      Le 9 octobre 2019, à leur propre initiative, les requérantes ont rencontré des représentants de la Commission. Au cours de cette rencontre, elles ont effectué une présentation sur le mancozèbe et, notamment, sur son éventuelle utilisation sans risque, sur les préoccupations procédurales concernant le retrait de l’EMR initial de l’Union et sur la classification du mancozèbe au titre du règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) no 1907/2006 (JO 2008, L 353, p. 1).

24      Par courriel du 26 novembre 2019, la République hellénique a informé la Commission que, compte tenu de son rôle futur d’EMR, elle aurait besoin d’un délai jusqu’au 30 juillet 2020 pour « procéder à une évaluation détaillée du dossier » du mancozèbe et « mener un examen approfondi des éléments spécifiques soulevés par l’EFSA ».

25      En réponse, par courriel du 17 décembre 2019, la Commission a informé la République hellénique de son intention d’élaborer un rapport de renouvellement et un projet de règlement sur la base du projet de RER de mars 2019 et des conclusions de l’EFSA. La Commission a expliqué que l’EMR initial avait confirmé avoir dûment mené son évaluation en tenant compte de l’ensemble des informations et des observations fournies par les requérantes. Elle a également fait part de son intention de présenter un rapport de renouvellement et un projet de règlement aux États membres lors de la réunion du comité permanent des 23 et 24 mars 2020 et a précisé que la République hellénique devait achever son évaluation et son examen avant cette réunion.

26      Le 16 janvier 2020, la Commission a transmis aux requérantes un projet de rapport de renouvellement dans lequel elle proposait de ne pas renouveler l’approbation du mancozèbe. Par ailleurs, conformément à l’article 14, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement d’exécution no 844/2012, elle a invité les requérantes à présenter leurs observations sur ce projet, ce qu’elles ont fait le 31 janvier 2020.

27      Le 24 janvier 2020, les représentants de l’Union et du Royaume-Uni ont signé l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2020, L 29, p. 7, ci-après l’« accord sur le retrait du Royaume-Uni »). Le 29 janvier 2020, le Parlement européen a approuvé la conclusion de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni. Le 30 janvier suivant, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision (UE) 2020/135 relative à la conclusion de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni (JO 2020, L 29, p. 1). En vertu de l’article 1er de cette décision, l’accord sur le retrait du Royaume-Uni a été approuvé au nom de l’Union et de la Communauté européenne de l’énergie atomique. Cet accord fixait, à son article 126, une période de transition qui commençait à la date d’entrée en vigueur du même accord et se terminait le 31 décembre 2020.

28      Le 31 janvier 2020, à minuit, le Royaume-Uni s’est retiré de l’Union et de la Communauté européenne de l’énergie atomique et, le 1er février 2020, l’accord sur le retrait du Royaume-Uni est entré en vigueur, conformément à son article 185.

29      Le 1er février 2020, la République hellénique est officiellement devenue l’EMR pour l’évaluation du mancozèbe (ci-après le « nouvel EMR »).

30      Avant la réunion du comité permanent des 23 et 24 mars 2020, à une date non précisée, le nouvel EMR a diffusé un document sur le mancozèbe. Selon ce document, les requérantes avaient « informé [le nouvel EMR] que plusieurs éléments d’information relatifs à l’(éco)toxicologie et à l’évaluation des risques (non) alimentaires n’avaient pas été pris en considération dans le rapport d’évaluation du renouvellement (RER, 2019) élaboré par l’EMR [initial], à savoir le Royaume-Uni, à cause du Brexit et, donc, qu’ils n’avaient pas été pris en considération dans le cadre de la procédure d’examen collégial de l’EFSA ». Il ressort également de ce document que le nouvel EMR avait « brièvement examiné les informations supplémentaires qui, selon [les requérantes], n’avaient pas été prises en considération et constaté qu’une évaluation scientifiquement fondée ne pourrait être menée qu’à condition que [le nouvel EMR] dispose d’un délai suffisant pour apprécier l’ensemble des éléments soulevés par [les requérantes] et l’ensemble des études disponibles ».

31      Avant ladite réunion, la Commission a envoyé son projet de rapport de renouvellement et un projet de règlement d’exécution au comité permanent, conformément aux dispositions de l’article 14 du règlement d’exécution no 844/2012.

32      La proposition de non-renouvellement du mancozèbe a été mise à l’ordre du jour de la réunion du comité permanent des 23 et 24 mars 2020. À cette occasion, les requérantes ont demandé à la Commission une réunion avec cette dernière, laquelle a proposé de les rencontrer le 18 mars 2020. En raison de la crise sanitaire, cette réunion a été annulée, de même que la réunion du comité permanent des 23 et 24 mars 2020. Les États membres ont été invités par la Commission à faire part de leur point de vue sur le non-renouvellement du mancozèbe au plus tard le 14 avril 2020.

33      Le 5 mai 2020, les requérantes ont écrit à la Commission pour lui demander de ne pas aborder la question du non-renouvellement du mancozèbe lors d’une réunion du comité permanent prévue les 16 et 17 juillet 2020, étant donné que l’évaluation par le nouvel EMR des données concernant les BPA modifiées, de la perturbation endocrinienne et de tous les aspects liés aux oiseaux et aux mammifères, aux organismes du sol non ciblés et à la toxicité aquatique pour les métabolites et les résidus était toujours en cours.

34      Lors d’une réunion du comité permanent organisée, à distance, les 18 et 19 mai 2020, le mancozèbe a fait l’objet de discussions et la Commission a informé les États membres que le nouvel EMR s’était engagé à achever son évaluation et son examen des données qui, selon lui, avaient été négligées par l’EMR initial pour le début du mois de juillet 2020. En outre, la Commission a invité les États membres à présenter leurs observations écrites éventuelles au plus tard le 18 juin 2020.

35      Par lettre du 10 juin 2020, la Commission a informé les requérantes que les conclusions préliminaires du nouvel EMR « ne contenaient pas suffisamment d’éléments pour envisager une révision de [la] proposition », qu’« il rest[ait] encore à voir si l’évaluation supplémentaire annoncée par [celui-ci] aura[it] ce potentiel » et que « les informations soumises par [les requérantes] sans avoir été sollicitées ou fournies après l’expiration du délai […] ne sauraient être prises en considération ». Elle a également noté être prête à « reconsidérer la situation, une fois que cette évaluation supplémentaire sera[it] rendue ».

36      Par lettre du 10 juillet 2020, avant la réunion du comité permanent des 16 et 17 juillet 2020, les requérantes ont notamment demandé à la Commission d’attendre l’issue de la procédure devant l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) en application du règlement no 1272/2008 (voir points 45 à 50 ci-après) avant de publier une proposition de non‑renouvellement fondée sur une proposition de classification du mancozèbe comme substance toxique pour la reproduction de catégorie 1B, qui, selon les requérantes, était susceptible de changer, au vu d’une proposition de classification de la substance en cause comme substance toxique pour la reproduction de catégorie 2 par la République de Malte.

37      Lors de la réunion du comité permanent des 16 et 17 juillet 2020, les États membres ont une nouvelle fois examiné la question du non-renouvellement du mancozèbe et sont convenus d’organiser un vote sur le projet de règlement visant à ne pas renouveler l’approbation du mancozèbe par procédure écrite, laquelle a été engagée après la réunion. Toutefois, le vote a été reporté après avoir été interrompu pendant la procédure écrite par trois États membres qui demandaient la poursuite des discussions.

38      Le 2 septembre 2020, le nouvel EMR a présenté à la Commission une nouvelle mise à jour du projet de RER (ci-après le « projet de RER de septembre 2020 »). Il a maintenu la proposition de l’EMR initial, dans son projet de RER de mars 2019, de conclure que le mancozèbe ne remplissait pas les conditions d’approbation prévues à l’article 4 du règlement no 1107/2009 (voir point 18 ci-dessus). Il a également indiqué que le mancozèbe était considéré comme un perturbateur endocrinien pour l’être humain et les organismes non ciblés et qu’il existait un risque pour les oiseaux et les mammifères et pour les arthropodes non ciblés. Toutefois, le nouvel EMR a constaté que, en modifiant les BPA sur les céréales et en utilisant des sacs hydrosolubles, il était possible de conclure à une utilisation sans risque pour la santé humaine (c’est-à-dire pour les opérateurs, les travailleurs et les riverains). Le projet de RER de septembre 2020 a également été mis à la disposition de l’EFSA, des autres États membres et des demandeurs.

39      Par lettre du 21 septembre 2020, les requérantes ont demandé à la Commission, d’une part, de leur permettre de soumettre les commentaires sur le projet de RER de septembre 2020 et, d’autre part, de mandater l’EFSA pour organiser les réunions d’experts et adapter ses conclusions en conséquence. Elles ont considéré que la conclusion du nouvel EMR quant à l’existence d’une utilisation sans risque pour la santé humaine signifiait qu’elles pouvaient demander l’application de la dérogation prévue à l’article 4, paragraphe 7, du règlement no 1107/2009.

40      Le même jour, la Commission a envoyé aux requérantes un projet de rapport de renouvellement actualisé, dans lequel elle a proposé de ne pas renouveler l’approbation du mancozèbe. Les requérantes ont présenté leurs observations sur le projet de rapport de renouvellement le 2 octobre 2020.

41      En septembre et octobre 2020, plusieurs contacts ont eu lieu entre les requérantes et la Commission concernant la demande des premières de mandater l’EFSA pour que cette dernière organise un examen collégial du projet de RER de septembre 2020.

42      Le 23 octobre 2020, les États membres réunis dans le cadre du comité permanent ont finalisé le rapport de renouvellement et ont émis, à la majorité qualifiée, un avis favorable sur le projet de règlement d’exécution visant à ne pas renouveler l’approbation du mancozèbe.

43      Le 14 décembre 2020, la Commission a adopté le règlement d’exécution attaqué.

44      Les considérants 12 à 15 du règlement d’exécution attaqué exposent les motifs du non-renouvellement du mancozèbe comme suit :

« (12)      L’[EFSA] a exprimé certaines préoccupations spécifiques. Elle a notamment conclu que le mancozèbe était classé comme substance toxique pour la reproduction de catégorie 1B et que les nouveaux critères permettant de mettre en évidence des effets perturbateurs endocriniens étaient remplis pour l’être humain, et très probablement pour les organismes non ciblés. Elle a en outre conclu que les estimations de l’exposition non alimentaire dépassaient les valeurs de référence pour les utilisations représentatives dans les tomates, les pommes de terre, les céréales et la vigne. Par conséquent, pour les utilisations représentatives considérées, l’exposition non alimentaire au mancozèbe ne peut pas non plus être considérée comme négligeable aux fins de l’annexe II, points 3.6.4 et 3.6.5, du règlement […] no 1107/2009. Compte tenu des préoccupations soulevées, la dérogation prévue à l’article 4, paragraphe 7, du règlement […] no 1107/2009 ne peut s’appliquer.

(13)      La Commission a invité les demandeurs à présenter leurs observations sur les conclusions de l’[EFSA] et, conformément à l’article 14, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement d’exécution […] no 844/2012, sur le projet de rapport de renouvellement. Les demandeurs ont présenté leurs observations, qui ont fait l’objet d’un examen attentif.

(14)      Cependant, en dépit des arguments avancés par les demandeurs, les préoccupations concernant la substance active n’ont pas pu être dissipées.

(15)      Il n’a donc pas été établi, pour ce qui concerne une ou plusieurs utilisations représentatives d’au moins un produit phytopharmaceutique, que les critères d’approbation énoncés à l’article 4 du règlement […] no 1107/2009 étaient remplis. Il convient par conséquent de ne pas renouveler l’approbation de la substance active “mancozèbeˮ. »

C.      Classification et étiquetage harmonisés du mancozèbe en vertu du règlement no 1272/2008

45      En août 2017, en application du règlement no 1272/2008, l’EMR initial a soumis à l’ECHA un dossier de classification et d’étiquetage harmonisés (ci‑après le « dossier CEH ») en fournissant des données pour modifier la classification du mancozèbe comme substance « toxique pour la reproduction de catégorie 2 ». L’EMR initial proposait de ne retenir « aucune classification » du mancozèbe au regard de la toxicité pour la reproduction. En décembre 2017, il a présenté à l’ECHA le dossier CEH mis à jour qui a servi de base à une consultation publique qui s’est déroulée de février à avril 2018.

46      Au mois de mai 2018, conformément à l’article 37, paragraphe 4, du règlement no 1272/2008, le comité d’évaluation des risques de l’ECHA (ci-après le « CER ») a distribué son projet d’avis aux termes duquel il a été établi que les discussions sur la classification du mancozèbe devaient être divisées en deux parties : d’une part, les questions liées à la toxicité qui devraient être discutées lors de sa 47e réunion de novembre 2018 et, d’autre part, la mutagenèse et la cancérogénicité devant être discutées lors de sa 48e réunion de mars 2019.

47      Lors de la 47e réunion du CER de novembre 2018, il a été conclu que le mancozèbe serait classifié comme substance toxique pour la reproduction de catégorie 1B (ci-après l’« avis du CER »). Le 7 mars 2019, lors de sa 48e réunion, le CER a adopté une proposition de classification du mancozèbe en tant que substance cancérogène de catégorie 2.

48      À la suite de ces deux réunions, plusieurs échanges écrits ont eu lieu entre les requérantes, d’une part, et le secrétariat du CER, l’ECHA et la Commission, d’autre part. Plus particulièrement, l’ECHA a notamment indiqué, dans une lettre du 29 mars 2019, que la question de la classification du mancozèbe en tant que substance toxique pour la reproduction de catégorie 1B ne serait rouverte que sur la base de « nouveaux arguments » et de « nouvelles preuves scientifiques ».

49      Après avoir reçu la confirmation de l’EMR initial, le 16 mai 2019, qu’il n’était pas en mesure de prendre en charge un nouveau dossier de classification et d’étiquetage harmonisés pour le mancozèbe, les requérantes ont pris contact notamment avec la République de Malte en lui demandant d’accepter de se charger, en tant qu’autorité nationale compétente, d’un nouveau dossier CEH pour cette substance, en vertu de l’article 37, paragraphe 6, du règlement no 1272/2008. La République de Malte a accepté cette demande le 3 février 2020.

50      Le 4 mai 2020, l’ECHA a mis à jour son registre d’intentions sur le mancozèbe, en indiquant que la classification harmonisée qui serait proposée par la République de Malte était celle d’une substance toxique pour la reproduction de catégorie 2. Selon les modifications apportées à ce registre le 13 juillet 2020, la République de Malte entendait soumettre un nouveau dossier CEH pour le 30 juin 2021.

II.    Conclusions des parties

51      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement d’exécution attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens.

52      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

III. En droit

53      À l’appui de leur recours, les requérantes invoquent cinq moyens, tirés, le premier, de la violation de formes substantielles, le deuxième, d’une violation de leurs droits de la défense, le troisième, d’une violation du principe de bonne administration, le quatrième, d’une erreur manifeste d’appréciation et, le cinquième, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime.

A.      Observations liminaires

1.      Sur la procédure d’approbation et de renouvellement des produits phytopharmaceutiques au niveau de l’Union 

a)      Règlement no 1107/2009

54      Le règlement no 1107/2009, qui a abrogé la directive 91/414, établit le régime de l’Union applicable à l’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. En vertu de son article 1er, paragraphe 3, ce règlement vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement et à améliorer le fonctionnement du marché intérieur par l’harmonisation des règles concernant la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques, tout en améliorant la production agricole.

55      L’article 4 du règlement no 1107/2009, qui renvoie à l’annexe II du même règlement, prévoit des critères d’approbation des substances actives de produits phytopharmaceutiques.

56      Les articles 14 à 20 du règlement no 1107/2009 portent sur le renouvellement de l’approbation des substances actives. L’approbation d’une substance active est renouvelée sur demande introduite par un producteur de la substance active auprès d’un État membre au plus tard trois ans avant l’expiration de l’approbation, s’il est établi qu’il est satisfait aux critères d’approbation énoncés à l’article 4 du même règlement (article 14, paragraphe 1, et article 15, paragraphe 1). Lorsqu’il sollicite le renouvellement de l’approbation, le demandeur précise les données nouvelles qu’il entend présenter et démontre qu’elles sont nécessaires, eu égard à des exigences en matière de données ou à des critères qui ne s’appliquaient pas lors de la dernière approbation de la substance active ou du fait que sa demande concerne une modification de l’approbation (article 15, paragraphe 2). Le demandeur fournit simultanément un calendrier de toutes les études nouvelles et en cours (article 15, paragraphe 2). Un règlement, adopté conformément à la procédure de réglementation visée à l’article 79, paragraphe 3, du règlement no 1107/2009, prévoit que l’approbation d’une substance active est renouvelée et, s’il y a lieu, assortie de conditions et de restrictions, ou l’approbation d’une substance active n’est pas renouvelée (article 20, paragraphe 1).

b)      Règlement d’exécution no 844/2012

57      Le règlement d’exécution no 844/2012 établit notamment les règles concernant les différentes étapes de la procédure de renouvellement.

58      Les articles 1 à 8 du règlement d’exécution no 844/2012 prévoient les règles concernant la recevabilité de la demande introduite par un producteur de la substance active auprès d’un État membre. Conformément à l’article 3 dudit règlement d’exécution, cette demande est d’abord vérifiée par l’État membre rapporteur qui s’assure qu’elle a été soumise dans le délai prévu à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, de ce règlement d’exécution et qu’elle contient tous les éléments prévus à l’article 2 du même règlement d’exécution. Plus particulièrement, conformément à l’article 2, paragraphe 2, dudit règlement d’exécution, la demande de renouvellement doit contenir la liste des nouvelles informations que le demandeur entend présenter et qui sont nécessaires, conformément à l’article 15, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 1107/2009 (voir point 56 ci-dessus). Ensuite, conformément à l’article 6 du règlement d’exécution no 844/2012, après la réception de la réponse affirmative de la part de l’EMR sur cette vérification, le demandeur soumet les dossiers complémentaires à l’EMR, à l’État membre corapporteur, à la Commission et à l’EFSA. Enfin, conformément à l’article 8 de ce règlement d’exécution, lorsque les dossiers complémentaires ont été soumis dans le délai et qu’ils contiennent tous les éléments prévus, l’EMR informe le demandeur, l’État membre corapporteur, la Commission et l’EFSA de la date de réception des dossiers complémentaires et de la recevabilité de la demande.

59      Les articles 11 à 14 du règlement d’exécution no 844/2012 définissent la procédure d’évaluation de la demande de renouvellement de l’approbation d’une substance active. Tout d’abord, l’EMR, après avoir consulté l’État membre corapporteur, établit et soumet à la Commission, avec copie à l’EFSA, un rapport évaluant s’il est permis d’escompter que la substance active satisfait aux critères d’approbation conformément à l’article 4 du règlement no 1107/2009 (article 11 dudit règlement d’exécution). Après avoir reçu le projet de rapport d’évaluation que lui a transmis l’EMR, l’EFSA le communique au demandeur et aux autres États membres (article 12 de ce règlement d’exécution). À compter de l’expiration de la période de présentation d’observations écrites, l’EFSA adopte, compte tenu de l’état des connaissances scientifiques et techniques et en utilisant les documents d’orientation en vigueur à la date de la soumission des dossiers complémentaires, des conclusions dans lesquelles elle indique s’il est permis d’escompter que la substance active satisfait aux critères d’approbation énoncés à l’article 4 du règlement no 1107/2009. S’il y a lieu, l’EFSA organise une consultation d’experts, y compris d’experts de l’EMR et de l’État membre corapporteur. Elle communique ses conclusions au demandeur, aux États membres et à la Commission et les met à la disposition du public (article 13 du même règlement d’exécution). Enfin, à la suite de la réception des conclusions de l’EFSA et en tenant compte du projet de rapport d’évaluation établi par l’EMR, des observations du demandeur et des autres États membres et des conclusions adoptées par l’EFSA, la Commission présente un rapport, dénommé « rapport de renouvellement », et un projet de règlement au comité permanent. La possibilité est donnée au demandeur de présenter des observations concernant le rapport de renouvellement (article 14, paragraphe 1, du règlement d’exécution en question). Sur la base du rapport de renouvellement et compte tenu des observations soumises par le demandeur, la Commission adopte un règlement conformément à l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009 (article 14, paragraphe 2, du règlement d’exécution concerné).

2.      Sur l’étendue du contrôle du Tribunal

60      Selon la jurisprudence, afin de pouvoir poursuivre efficacement les objectifs qui lui sont assignés par le règlement no 1107/2009 et en considération des évaluations techniques complexes qu’elle doit opérer, un large pouvoir d’appréciation doit être reconnu à la Commission (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C‑326/05 P, EU:C:2007:443, points 74 et 75, et du 6 septembre 2013, Sepro Europe/Commission, T‑483/11, non publié, EU:T:2013:407, point 38). Cela vaut, notamment, pour les décisions en matière de gestion du risque qu’elle doit prendre en application dudit règlement.

61      L’exercice de ce pouvoir n’est toutefois pas soustrait au contrôle juridictionnel. À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre de ce contrôle, le juge de l’Union doit vérifier le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus par la Commission, l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou l’absence de détournement de pouvoir (arrêts du 25 janvier 1979, Racke, 98/78, EU:C:1979:14, point 5 ; du 22 octobre 1991, Nölle, C‑16/90, EU:C:1991:402, point 12, et du 9 septembre 2008, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑75/06, EU:T:2008:317, point 83).

62      S’agissant de l’appréciation par le juge de l’Union de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation, il convient de préciser que, afin d’établir que la Commission a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de faits complexes de nature à justifier l’annulation de l’acte attaqué, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans l’acte (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T‑380/94, EU:T:1996:195, point 59). Sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle de l’auteur de l’acte [arrêt du 9 septembre 2011, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑475/07, EU:T:2011:445, point 152 ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2009, Enviro Tech (Europe), C‑425/08, EU:C:2009:635, point 47].

63      En outre, il y a lieu de rappeler que, dans les cas où une institution dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle du respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance fondamentale. La Cour a eu l’occasion de préciser que, parmi ces garanties, figuraient notamment pour l’institution compétente l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce et celle de motiver sa décision de façon suffisante (arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14 ; du 7 mai 1992, Pesquerias De Bermeo et Naviera Laida/Commission, C‑258/90 et C‑259/90, EU:C:1992:199, point 26, et du 6 novembre 2008, Pays-Bas/Commission, C‑405/07 P, EU:C:2008:613, point 56).

64      Ainsi, il a été jugé que l’accomplissement d’une évaluation scientifique des risques aussi exhaustive que possible sur la base d’avis scientifiques fondés sur les principes d’excellence, de transparence et d’indépendance constituait une garantie procédurale importante en vue d’assurer l’objectivité scientifique des mesures et d’éviter la prise de mesures arbitraires (arrêt du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99, EU:T:2002:209, point 172).

3.      Sur la charge de la preuve

65      L’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009, qui énonce les conditions d’approbation des substances actives, exige qu’il soit « prévisible » que les produits phytopharmaceutiques contenant une substance active satisfassent aux conditions prévues aux paragraphes 2 et 3 dudit article. Ces derniers paragraphes, à leur tour, exigent que lesdits produits et leurs résidus soient conformes aux conditions énoncées par la suite (à savoir qu’ils n’ont aucun effet nocif sur la santé humaine ou animale ou qu’ils n’ont aucun effet inacceptable sur l’environnement). Conformément au principe selon lequel il appartient à la partie qui se prévaut d’une disposition légale de prouver que les conditions d’application de celle-ci sont remplies, il découle de ces formulations que c’est le demandeur qui doit prouver que les conditions d’approbation sont satisfaites, afin d’obtenir l’approbation, et non la Commission qui doit prouver qu’il n’est pas satisfait aux conditions d’approbation afin de pouvoir la refuser (arrêt du 17 mai 2018, BASF Agro e.a./Commission, T‑584/13, EU:T:2018:279, point 88).

66      Les principes qui figurent au point 65 ci-dessus sont applicables dans le cadre de la procédure de renouvellement de l’approbation d’une substance active (arrêt du 9 février 2022, AMVAC Netherlands/Commission, T‑317/19, non publié, EU:T:2022:62, point 51).

67      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les moyens mentionnés au point 53 ci-dessus. Il convient d’abord d’analyser ensemble les premier et deuxième moyens, tirés respectivement de la violation de formes substantielles et de la violation des droits de la défense des requérantes.

B.      Sur les premier et deuxième moyens, tirés de la violation de formes substantielles et de la violation des droits de la défense des requérantes

68      Dans le cadre du premier moyen, les requérantes font valoir, en substance, que le règlement d’exécution attaqué est fondé sur une évaluation incomplète des risques du mancozèbe et, dès lors, manque de fiabilité scientifique pour deux raisons principales.

69      En premier lieu, les requérantes allèguent que, en raison de l’échéance initiale de son retrait de l’Union, le 29 mars 2019, l’EMR initial aurait ignoré certaines données cruciales pour l’évaluation du mancozèbe concernant, d’une part, la perturbation endocrinienne et, d’autre part, les risques pour les oiseaux et les mammifères, les arthropodes non ciblés, les organismes du sol et les valeurs de référence toxicologiques.

70      En second lieu, la Commission n’aurait pas respecté la procédure définie aux articles 11 à 14 du règlement d’exécution no 844/2012 à la suite de l’évaluation des risques du mancozèbe, présentée par le nouvel EMR dans le projet de RER de septembre 2020. Premièrement, les requérantes reprochent à la Commission plus particulièrement d’avoir adopté son rapport de renouvellement au mois de janvier 2020, soit avant que le nouvel EMR termine son évaluation des risques. Deuxièmement, cette évaluation n’aurait pas été soumise à consultation publique. Troisièmement, la Commission n’aurait pas veillé à ce que l’EFSA produise ses conclusions sur ladite évaluation. Quatrièmement, en l’absence de telles conclusions de l’EFSA, l’exigence de les soumettre à consultation publique n’aurait pas été respectée.

71      Au soutien de leur deuxième moyen, les requérantes indiquent n’avoir pas été mises en mesure d’examiner le projet de RER de septembre 2020 du nouvel EMR, conformément à l’article 12, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 844/2012, ni de formuler leurs observations sur celui-ci dans un délai de 60 jours, conformément à l’article 12, paragraphe 3, du même règlement, alors que ce projet aurait mis à jour et finalisé l’évaluation de l’EMR initial dans le cadre de la procédure de renouvellement du mancozèbe. Ce non-respect de leurs droits à commenter le projet de RER de septembre 2020 finalisé aurait eu pour conséquence de les empêcher de s’exprimer sur le rapport de renouvellement de la Commission mis à jour, entre le 21 septembre et le 2 octobre 2020. À cet égard, elles n’auraient eu que 14 jours pour formuler des observations de fond sur le projet finalisé de RER et sur le rapport de renouvellement mis à jour.

1.      Sur le grief tiré de l’absence de prise en considération de certaines données par l’EMR initial en raison de l’échéance initiale de son retrait de l’Union

72      En premier lieu, s’agissant des données sur la perturbation endocrinienne qui n’auraient pas été prises en considération par l’EMR initial, les requérantes se prévalent de celles mentionnées par le nouvel EMR dans son document sur le mancozèbe, communiqué au comité permanent avant sa réunion des 23 et 24 mars 2020. Ces données auraient été présentées par les requérantes en réponse à la demande de l’EFSA du 4 juillet 2018. Plus particulièrement, les requérantes font référence à cinq passages du document sur le mancozèbe du nouvel EMR.

73      Selon le premier passage, le nouvel EMR aurait reconnu que l’EMR initial n’avait pas effectué une évaluation de la perturbation endocrinienne liée au mancozèbe dans son projet de RER de mars 2019, alors qu’une telle évaluation aurait été sollicitée par l’EFSA dans sa demande du 4 juillet 2018 et qu’elle aurait été fournie par le demandeur dans les délais. À la lecture des deuxième à cinquième passages, l’EMR initial n’aurait pas pris en considération plusieurs arguments supplémentaires soumis par les requérantes concernant, premièrement, la stabilité dans des conditions de stockage du mancozèbe et l’ETU dans les pommes de terre, deuxièmement, l’usage projeté de la substance dans les céréales, troisièmement, l’ETU de la charge alimentaire animale et, quatrièmement, les facteurs de transformation du mancozèbe et l’ETU pour les produits transformés à base de blé et de pommes de terre.

74      D’une part, en ce qui concerne la prétendue absence d’évaluation de la perturbation endocrinienne par l’EMR initial dans son projet de RER de mars 2019, il est vrai que ce projet de RER a été adopté juste avant la date initiale du retrait de l’EMR initial de l’Union, à savoir le 29 mars 2019. Néanmoins, en l’espèce, ce seul fait n’établit pas en soi une précipitation dans l’évaluation de l’EMR initial. Au contraire, il ressort du dossier que, à la suite des informations soumises par les requérantes le 19 octobre 2018 à la demande de l’EFSA, le 4 juillet 2018 (voir point 11 ci-dessus), l’EMR initial a présenté à l’EFSA une version actualisée du projet de RER au mois de janvier 2019 (voir point 13 ci-dessus), conformément à l’article 13, paragraphe 3, du règlement d’exécution no 844/2012.

75      En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ressort du dossier que l’EMR initial avait pris en compte l’évaluation actualisée de la perturbation endocrinienne liée au mancozèbe fournie par les requérantes en réponse à la demande de l’EFSA du 4 juillet 2018.

76      En effet, comme l’indique à juste titre la Commission, le projet de RER de mars 2019 a été actualisé après la réception des réponses des requérantes, pour préciser que, « à la suite du processus d’examen par les pairs, une évaluation actualisée de la perturbation endocrinienne a été fournie par [les requérantes] dans deux rapports d’experts [ ; c]eux-ci sont inclus dans ce document en annexes 2 et 3 [ ; c]es nouveaux rapports n’apportent pas d’informations nouvelles et ne vont pas changer les conclusions auxquelles est parvenu [l’EMR initial] avant le processus d’examen par les pairs ».

77      Ainsi, l’argument des requérantes tirée d’une absence d’examen des données sur la perturbation endocrinienne dans le projet de RER de mars 2019 de l’EMR initial, prétendument motivée par l’obligation de respecter l’échéance initiale de son retrait de l’Union, ne saurait prospérer.

78      D’autre part, en ce qui concerne l’absence alléguée de prise en considération par l’EMR initial des arguments supplémentaires des requérantes mentionnés au point 73 ci-dessus, il convient de relever que, dans ses écritures et lors de l’audience, la Commission a fait valoir, sans être contestée par les requérantes, que ces arguments avaient été soumis après l’expiration du délai pour répondre à la demande de l’EFSA du 4 juillet 2018. À cet égard, lors de l’audience, la Commission s’est référée au courriel du 11 février 2019, envoyé par les requérantes à l’EMR initial.

79      Il ressort de ce courriel que les requérantes indiquent vouloir fournir certaines « informations additionnelles » qui pourraient être examinées lors des réunions d’experts sur le mancozèbe, ce qui démontre le caractère nouveau de ces arguments. En outre, se trouvent joints à ce courriel, en tant qu’informations additionnelles, des commentaires des experts des requérantes en date du 11 février 2019 ainsi que deux présentations fournies aux experts d’un institut de la République hellénique en date du 24 janvier 2019.

80      Ainsi, dans la mesure où les dernières informations sollicitées par l’EFSA auraient dû être soumises par les requérantes au plus tard un mois après la demande de l’EFSA du 4 juillet 2018 (voir point 11 ci-dessus), soit le 4 août 2018, il convient de considérer que les nouvelles informations, transmises le 11 février 2019 et concernant la période postérieure au 4 août 2018, ont été fournies après expiration du délai fixé pour leur communication conformément à l’article 13, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement d’exécution no 844/2012. Partant, en application du paragraphe 5 de cet article, ces informations ne doivent pas être prises en compte.

81      En tout état de cause, il y a lieu de relever que, en réponse à une question posée par le Tribunal dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, invitant les requérantes à indiquer si elles avaient soumis ces arguments supplémentaires en réponse à la demande de l’EFSA du 4 juillet 2018, elles se sont limitées à alléguer qu’elles l’avaient fait sans toutefois apporter d’éléments à l’appui. Ainsi, il ne ressort ni du document communiqué par le nouvel EMR au comité permanent avant sa réunion des 23 et 24 mars 2020 ni des écritures des parties devant le Tribunal que les arguments en cause auraient été soumis par les requérantes en réponse à la demande de l’EFSA du 4 juillet 2018. Dans ces conditions, les arguments en cause ne doivent pas être pris en compte, conformément à l’article 13, paragraphe 5, du règlement d’exécution no 844/2012.

82      Par conséquent, à la lumière de ce qui a été constaté aux points 75 à 81 ci-dessus, le grief tiré de l’absence de prise en considération des données sur la perturbation endocrinienne doit être rejeté comme non fondé.

83      En deuxième lieu, s’agissant de l’absence de prise en considération des données sur le risque pour les oiseaux et les mammifères, les arthropodes non ciblés, les organismes du sol et les valeurs de référence toxicologiques, les requérantes se réfèrent aux « données scientifiques » qu’elles ont présentées avant les réunions d’experts des 28 janvier et 11 février 2019.

84      À cet égard, force est à nouveau de constater qu’il s’agit de données présentées après expiration du délai fixé pour la communication des informations supplémentaires demandées par l’EFSA conformément à l’article 13, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement d’exécution no 844/2012. En effet, il y a lieu de rappeler que, à la date du 4 juillet 2018, l’EFSA avait demandé aux requérantes de fournir des informations supplémentaires dans un délai d’un mois, à savoir jusqu’au 4 août 2018, et que, en vertu de l’article 13, paragraphe 5, du règlement d’exécution no 844/2012, les informations soumises sans avoir été sollicitées ou soumises après expiration du délai fixé pour leur communication conformément au paragraphe 3, premier alinéa, ne doivent pas être prises en compte.

85      Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission une absence de prise en compte de ces données par l’EMR initial lors de la procédure de renouvellement de l’approbation du mancozèbe.

86      En troisième lieu, dans leur réplique, les requérantes allèguent que, au cours de l’évaluation du mancozèbe, les critères provisoires de perturbation endocrinienne prévus au point 3.6.5 de l’annexe II du règlement no 1107/2009 auraient dû être appliqués et que, sur la base de ces critères provisoires, cette substance active n’aurait pas dû être considérée comme revêtant des propriétés de perturbation endocrinienne. À cet égard, lors de l’audience, elles ont allégué la violation de l’article 13, paragraphe 3, sous a), du règlement d’exécution no 844/2012, une disposition en vigueur à l’époque des faits, qui prévoirait l’application de nouveaux critères de perturbation endocrinienne pour les demandes introduites avant le 30 novembre 2018 et pour lesquelles il n’y aurait pas encore eu de conclusions de l’EFSA. Les requérantes ont considéré, toujours lors de l’audience, que cette disposition n’aurait pas dû leur être appliquée si les autorités impliquées dans la procédure de renouvellement du mancozèbe avaient respecté les délais applicables dans cette procédure. En effet, selon elles, en respectant ces délais, les conclusions de l’EFSA auraient dû être adoptées avant le 30 juin 2017, date à laquelle les critères provisoires de perturbation endocrinienne s’appliquaient.

87      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

88      Selon la jurisprudence, cette disposition est applicable également aux griefs ou aux arguments. En outre, la généralité de l’intitulé d’un moyen invoqué au stade de la requête introductive d’instance ne saurait couvrir le développement, à un stade ultérieur de la procédure, d’arguments spécifiques ne présentant pas un lien suffisamment étroit avec les arguments soulevés dans cette requête (voir arrêt du 14 juillet 2021, AQ/eu-LISA, T‑164/19, non publié, EU:T:2021:456, point 59 et jurisprudence citée).

89      Toutefois, un moyen, ou un grief, qui constitue l’ampliation d’un moyen ou d’un grief énoncé antérieurement, explicitement ou implicitement, dans la requête et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (voir arrêt du 24 septembre 2019, Yanukovych/Conseil, T‑301/18, non publié, EU:T:2019:676, point 74 et jurisprudence citée). Pour pouvoir être regardé comme une ampliation d’un moyen ou d’un grief antérieurement énoncé, un nouvel argument doit présenter, avec les moyens ou les griefs initialement exposés dans la requête, un lien suffisamment étroit pour pouvoir être considéré comme résultant de l’évolution normale du débat au sein d’une procédure contentieuse (voir arrêt du 20 novembre 2017, Petrov e.a./Parlement, T‑452/15, EU:T:2017:822, point 46 et jurisprudence citée).

90      En l’espèce, il y a lieu de constater qu’il ne ressort nullement de la requête que le non-respect des délais par les autorités impliquées dans la procédure de renouvellement du mancozèbe, tel que décrit au point 86 ci-dessus, y a été mentionné. En effet, le moyen portant sur la violation notamment de l’article 13 du règlement d’exécution no 844/2012 ne peut être lu comme énonçant implicitement un tel argument.

91      Lors de l’audience, si les requérantes ont invoqué un point de la requête et une annexe qui y est citée, il y a toutefois lieu de constater que ce point ne mentionne pas les critères provisoires de perturbation endocrinienne ni le respect des délais pour que ces critères soient appliqués en l’espèce. En outre, il ressort de l’annexe citée que les requérantes ont uniquement demandé à la Commission d’inviter l’EFSA à actualiser ses conclusions à la lumière des nouvelles constatations du nouvel EMR. Or, cette demande n’a aucun rapport avec la procédure s’étant déroulée avant l’implication du nouvel EMR et, notamment, avec le respect des délais de celle-ci.

92      Par conséquent, l’argument tiré du prétendu non-respect des délais par les autorités impliquées dans la procédure de renouvellement du mancozèbe, tel que décrit au point 86 ci-dessus, doit être considéré comme présentant un caractère nouveau et, donc, comme irrecevable.

93      En outre, les requérantes indiquent, également au stade de la réplique, que l’évaluation menée par les deux EMR correspondrait à une évaluation des propriétés de perturbation endocrinienne de l’ETU, et non du mancozèbe. Cet argument est inopérant en ce qu’il est formellement soulevé à l’appui du premier moyen, mais sera abordé dans le cadre de l’examen du quatrième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation (voir points 153 à 157 ci-après). En effet, cet argument relève de la question de fond, et non de celle du respect de la procédure et des droits procéduraux qui sont en cause dans le cadre des deux premiers moyens.

94      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le grief tiré de l’absence de prise en considération de certaines données par l’EMR initial en raison de l’échéance initiale de son retrait de l’Union.

2.      Sur le grief tiré du non-respect de la procédure de renouvellement prévue par le règlement d’exécution no 844/2012

a)      Sur les prétendues absences de consultation publique portant sur l’évaluation du nouvel EMR et de conclusions de l’EFSA sur cette évaluation

95      Les requérantes soutiennent, en substance, que le choix de la Commission de poursuivre la procédure de renouvellement du mancozèbe, sans soumettre l’évaluation du nouvel EMR à consultation publique et sans veiller à ce que l’EFSA produise ses conclusions sur cette évaluation, aurait eu pour effet que le règlement d’exécution attaqué serait fondé sur une évaluation incomplète et, dès lors, scientifiquement non fiable, impliquant que la Commission aurait outrepassé ses pouvoirs réglementaires de gestionnaire des risques et usurpé le mandat d’évaluateur des risques de l’EFSA.

96      À titre liminaire, il importe de relever que le règlement d’exécution no 844/2012, qui établit notamment les règles concernant les différentes étapes de la procédure de renouvellement d’une substance active, y compris celle impliquant son évaluation de la part de l’EMR (voir point 59 ci-dessus), ne contient aucune disposition concernant le déroulement de ces étapes en cas de désignation d’un nouvel EMR au cours de cette procédure.

97      Ainsi, dans le silence du règlement d’exécution no 844/2012 quant au déroulement de la procédure de renouvellement d’une substance active en cas de désignation d’un nouvel EMR au cours de celle-ci, il ne saurait être considéré que la désignation d’un nouvel EMR exige de recommencer la procédure d’évaluation prévue aux articles 12 et 13 du même règlement d’exécution.

98      En outre, il ressort des articles 11 à 14 du règlement d’exécution no 844/2012 (voir point 59 ci-dessus) que l’évaluation de l’EMR dans le cadre de la procédure de renouvellement d’une substance constitue l’une des étapes obligatoires de celle-ci. Cette évaluation doit être impérativement soumise à l’EFSA et au demandeur et faire l’objet d’une consultation publique suivie par l’adoption de conclusions de l’EFSA, sauf si la Commission décide d’informer cette dernière que de telles conclusions ne sont pas nécessaires (voir article 13, paragraphe 1, second alinéa, du règlement d’exécution no 844/2012).

99      En l’espèce, la désignation du nouvel EMR pour l’évaluation du mancozèbe, le 1er février 2020, et son évaluation de cette substance sont intervenues postérieurement à l’achèvement du processus d’évaluation des risques du mancozèbe par l’EMR initial dans son projet de RER de septembre 2017, tel qu’actualisé par le projet de RER de mars 2019, et par l’EFSA dans ses conclusions du 12 juin 2019 (voir points 17, 18 et 20 ci-dessus). Partant, en l’espèce, les requérantes avaient déjà eu la possibilité de présenter des observations, le 16 juillet 2019, en faisant ainsi usage de leurs droits prévus à l’article 12, paragraphe 3, du règlement d’exécution no 844/2012, sur le projet de RER actualisé de mars 2019 et sur les conclusions de l’EFSA du 12 juin 2019 (voir points 10 et 21 ci-dessus).

100    Néanmoins, les requérantes considèrent, en substance, que si elles avaient eu la possibilité de présenter leurs observations sur l’évaluation du nouvel EMR, à savoir sur le projet actualisé de RER de septembre 2020, et si la Commission avait demandé à l’EFSA d’actualiser ses conclusions du 12 juin 2019, la Commission aurait peut-être présenté une proposition différente au comité permanent. À cet égard, elles rappellent que le nouvel EMR a conclu, au chapitre consacré à la santé humaine de son rapport de septembre 2020, à une utilisation sans risque pour les applications uniques de la substance dans le domaine de l’exposition non‑alimentaire (c’est‑à‑dire pour les opérateurs, les travailleurs et les riverains). En outre, en ce qui concerne les résidus, ce rapport aurait conclu à un usage sans risque, notamment pour les céréales, la vigne et les pommes de terre.

101    À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort du projet de RER de mars 2019 que l’EMR initial a proposé de conclure que le mancozèbe ne remplissait pas les conditions d’approbation prévues à l’article 4 du règlement no 1107/2009, étant donné que le mancozèbe était considéré comme un perturbateur endocrinien pour l’être humain et qu’il existait un risque résultant d’une exposition non alimentaire ainsi qu’un risque pour les oiseaux et les mammifères, pour les arthropodes non ciblés et pour les organismes du sol (voir point 18 ci-dessus).

102    De même, dans ses conclusions du 12 juin 2019, l’EFSA a exprimé certaines préoccupations spécifiques (voir point 44 ci-dessus). En effet, elle a notamment conclu que le mancozèbe était classé comme substance toxique pour la reproduction de catégorie 1B et que les nouveaux critères permettant de mettre en évidence des effets perturbateurs endocriniens étaient remplis pour l’être humain, et très probablement pour les organismes non ciblés. Elle a en outre conclu que les estimations de l’exposition non alimentaire dépassaient les valeurs de référence pour les utilisations représentatives dans les tomates, les pommes de terre, les céréales et la vigne. Par conséquent, selon elle, pour les utilisations représentatives considérées, l’exposition non alimentaire au mancozèbe ne pouvait pas non plus être considérée comme négligeable s’agissant d’effets perturbateurs endocriniens néfastes pour l’homme (point 3.6.5 de l’annexe II du règlement no 1107/2009). L’EFSA a également considéré que, compte tenu des préoccupations soulevées, la dérogation prévue à l’article 4, paragraphe 7, du règlement no 1107/2009 ne pouvait pas s’appliquer.

103    Certes, dans sa mise à jour du projet de RER en septembre 2020, après sa propre évaluation des risques du mancozèbe, le nouvel EMR a constaté que, en modifiant les BPA sur les céréales et en utilisant des sacs hydrosolubles, il était possible de conclure à une utilisation sans risque pour la santé humaine (c’est-à-dire pour les opérateurs, les travailleurs et les riverains) (voir point 38 ci-dessus). Les requérants ont précisé, dans leurs réponses aux mesures d’organisation de la procédure, que cette conclusion ne portait que sur l’exposition non alimentaire au mancozèbe.

104    Toutefois, ainsi que l’indique la Commission, sans que cela soit contesté par les requérantes, l’évaluation du nouvel EMR a abouti à la même conclusion que celle de l’EMR initial dans son projet de RER de mars 2019, à savoir que le mancozèbe ne satisfaisait pas aux conditions d’approbation prévues à l’article 4 du règlement no 1107/2009. En effet, dans son évaluation, le nouvel EMR a notamment indiqué que le mancozèbe était considéré comme un perturbateur endocrinien pour l’être humain et les organismes non ciblés et qu’il existait un risque pour les oiseaux et les mammifères et pour les arthropodes non ciblés (voir point 38 ci-dessus).

105    Comme il est rappelé au point 98 ci-dessus, dans le cadre de la procédure de renouvellement d’une substance, il appartient à l’EMR et à l’EFSA d’effectuer une évaluation scientifique. En l’espèce, il convient de constater que la conclusion du nouvel EMR n’est pas substantiellement différente des conclusions de l’EFSA quant à deux préoccupations identifiées selon lesquelles, d’une part, le mancozèbe était considéré comme un perturbateur endocrinien pour l’être humain et les organismes non ciblés et, d’autre part, il existait un risque pour les oiseaux et les mammifères et pour les arthropodes non ciblés.

106    Il s’ensuit que ces préoccupations avaient déjà été évaluées par l’EMR initial et par l’EFSA et que le nouvel EMR avait à cet égard adopté la même position.

107    En outre, lors de l’audience, la Commission a fait valoir, sans que cela soit contesté à cet égard par les requérantes, que chaque risque identifié à lui seul était suffisant pour le non-renouvellement du mancozèbe. Il est vrai que la possibilité de conclure à une utilisation sans risque pour la santé humaine concernant l’exposition non alimentaire au mancozèbe, identifiée par le nouvel EMR dans son évaluation (voir point 103 ci-dessus), pouvait signifier, comme l’ont indiqué les requérantes lors de la procédure de renouvellement de la substance en cause (voir point 39 ci-dessus), qu’elles pouvaient demander à bénéficier de la dérogation prévue à l’article 4, paragraphe 7, du règlement no 1107/2009. Toutefois, l’application de cette dérogation n’intervient pas au stade de l’évaluation scientifique, mais au stade de gestion du risque.

108    Or, dans la procédure d’approbation des produits phytopharmaceutiques au niveau de l’Union, ainsi que cela ressort du considérant 12 du règlement no 1107/2009, c’est la Commission qui assume le rôle de gestion des risques et prend la décision définitive concernant une substance active.

109    Ainsi, dans les circonstances décrites aux points 99 à 108 ci-dessus, et compte tenu du large pouvoir d’appréciation reconnu à la Commission par le règlement no 1107/2009 pour adopter des mesures de protection appropriées au stade de gestion des risques identifiés lors de l’évaluation scientifique, la Commission pouvait choisir de poursuivre la procédure de renouvellement du mancozèbe sans soumettre l’évaluation du nouvel EMR à consultation publique et sans veiller à ce que l’EFSA produise ses conclusions sur cette évaluation.

110    Au regard des considérations qui précèdent, il convient de rejeter l’argument des requérantes tiré de ce que la Commission a outrepassé ses pouvoirs règlementaires de gestionnaire des risques et usurpé le mandat d’évaluateur des risques de l’EFSA. En outre, ne saurait également prospérer leur argument quant à la pratique habituelle de la Commission qui consisterait à mandater l’EFSA afin que celle-ci mette à jour ses conclusions. En l’espèce, la Commission a accompli sa fonction prévue par le règlement no 1107/2009. Par ailleurs, les requérantes ne précisent pas en quoi les quatre exemples qu’elles invoquent seraient comparables à la situation en l’espèce et comment ceux-ci permettraient d’établir que le choix de la Commission en l’espèce de poursuivre la procédure aurait pour effet que le règlement d’exécution attaqué est fondé sur une évaluation incomplète et, dès lors, scientifiquement non fiable des risques.

111    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le grief tiré du non-respect de la procédure de renouvellement du fait du choix de la Commission de poursuivre la procédure de renouvellement du mancozèbe sans soumettre l’évaluation du nouvel EMR à consultation publique et sans veiller à ce que l’EFSA produise ses conclusions sur cette évaluation.

b)      Sur la prétendue absence de consultation publique sur l’éventuelle version actualisée des conclusions de l’EFSA

112    Les requérantes précisent qu’une consultation publique sur l’éventuelle version actualisée des conclusions de l’EFSA est exigée par l’article 12, paragraphe 3, du règlement d’exécution no 844/2012.

113    Or, ainsi que l’indique à bon droit la Commission, cette disposition ne requiert pas que les conclusions de l’EFSA ou leur version actualisée fassent l’objet d’une consultation publique, celle-ci imposant uniquement une telle consultation pour le projet de RER. Dès lors, il convient de rejeter ce grief.

c)      Sur l’adoption par la Commission de son projet de rapport de renouvellement de janvier 2020 avant la fin de l’évaluation par le nouvel EMR

114    Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir adopté son rapport de renouvellement au mois de janvier 2020 avant la fin de l’évaluation par le nouvel EMR. Certes, avant la fin de cette évaluation et l’expiration du délai fixé par la Commission à cet égard, au début du mois de mars 2020, cette dernière a adopté, au mois de janvier 2020, un projet de rapport de renouvellement en vertu de l’article 14 du règlement d’exécution no 844/2012. Elle a transmis ce projet aux requérantes le 16 janvier 2020 pour observations, leur accordant un délai à cet égard jusqu’au 31 janvier 2020, et a soumis le projet de règlement d’exécution au comité permanent contenant la proposition de non-renouvellement du mancozèbe, pour inscription à l’ordre du jour de la réunion des 23 et 24 mars 2020 (voir points 26, 31 et 32 ci-dessus).

115    Néanmoins, il ressort du dossier que, plus tard dans la procédure de renouvellement du mancozèbe, à savoir au mois d’octobre 2020, la Commission a communiqué aux requérantes et au comité permanent la version actualisée de son projet de rapport de renouvellement à la suite de la présentation, par le nouvel EMR, de la version mise à jour du projet de RER de septembre 2020 (voir points 38 à 42 ci-dessus).

116    Dans ces circonstances, il ne saurait être soutenu que la Commission aurait adopté son rapport de renouvellement avant que le nouvel EMR ne termine sa propre évaluation des risques. Par conséquent, ce grief doit être rejeté dans la mesure où il manque en fait.

117    En conclusion, au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le grief tiré du non-respect de la procédure de renouvellement prévue par le règlement d’exécution no 844/2012 comme étant non fondé, et, partant, le premier moyen.

3.      Sur la violation alléguée des droits de la défense des requérantes

118    Il convient de relever que les arguments des requérantes examinés aux points 95 à 111 ci-dessus se confondent, en substance, avec ceux qu’elles avancent dans le cadre de leur deuxième moyen, tiré d’une violation de leurs droits de la défense pour n’avoir pas été mises en mesure de s’exprimer sur le projet de RER de septembre 2020, conformément à l’article 12, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 844/2012. En effet, il y a lieu de relever que les requérantes n’avancent, dans le cadre du deuxième moyen, aucun élément concret quant aux aspects sur lesquels elles auraient souhaité s’exprimer à cet égard. Elles contestent, à nouveau, le respect du déroulement de la procédure après l’établissement du projet de RER de septembre 2020, et, plus particulièrement, l’absence de consultation publique sur ce projet de RER en vertu de l’article 12 du règlement no 1107/2009. Au vu de la conclusion tirée au point 111 ci-dessus, il y a donc lieu de rejeter également le deuxième moyen.

C.      Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration

119    Les requérantes font valoir que la Commission n’a pas procédé à une évaluation impartiale des risques du mancozèbe. En effet, elle aurait abrégé la procédure d’évaluation de cette substance en proposant son non-renouvellement sans attendre, d’une part, l’évaluation finale des risques par le nouvel EMR et, d’autre part, les conclusions finales de l’EFSA. D’après les requérantes, cette façon de procéder de la Commission traduirait sa volonté de ne pas renouveler le mancozèbe, ce qui l’aurait conduite à prendre une décision aussi vite que possible et partiale, entachant ainsi de partialité toutes les décisions ultérieures.

120    La partialité de la Commission serait démontrée également par le fait qu’elle aurait engagé, au mois de juillet 2020, une procédure de vote écrit au sein du comité permanent sur la proposition de non-renouvellement de cette substance, conformément à l’article 3, paragraphe 5, du règlement (UE) no 182/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission (JO 2011, L 55, p. 13). Les requérantes soutiennent qu’une telle procédure répondait à un objectif politique visant à interdire le mancozèbe.

121    Les requérantes ajoutent que la Commission n’a apporté aucun changement de fond à son rapport de renouvellement mis à jour, ce qui montrerait qu’elle avait déjà pris sa décision de non-renouvellement du mancozèbe. À cet égard, elles attirent l’attention sur deux éléments. D’une part, ce rapport mentionnerait simplement le fait que le nouvel EMR aurait remis son évaluation le 2 septembre 2020, mais ne contiendrait aucune évaluation de fond ni aucune invitation adressée à l’EFSA pour qu’elle procède à une telle évaluation, alors que le nouvel EMR aurait conclu à une utilisation sans risque du mancozèbe. D’autre part, le même rapport porterait la date du 23 octobre 2020 et indiquerait qu’il a été « finalisé par le comité permanent […] le 23 octobre 2020 », soit la date de la réunion de ce dernier durant laquelle la substance a été interdite, alors que ce rapport aurait été adressé aux requérantes le 21 septembre 2020.

122    Lors de l’audience, les requérantes ont précisé que la partialité de la Commission ressortirait également du fait qu’elle n’avait pas tenu compte de tous les éléments pertinents avant sa proposition du non-renouvellement du mancozèbe au mois de février 2020. Plus particulièrement, elles ont indiqué que la Commission avait proposé ce non-renouvellement avant d’avoir obtenu l’évaluation du nouvel EMR.

123    La Commission conteste les arguments des requérantes.

124    Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour qu’il incombe aux institutions, aux organes et aux organismes de l’Union de se conformer à l’exigence d’impartialité, dans ses deux composantes que sont, d’une part, l’impartialité subjective, en vertu de laquelle aucun membre de l’institution concernée ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, conformément à laquelle cette institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 2019, August Wolff et Remedia/Commission, C‑680/16 P, EU:C:2019:257, point 27 et jurisprudence citée).

125    Il ressort du dossier que le règlement d’exécution attaqué a été adopté après l’achèvement de l’évaluation du nouvel EMR et après l’adoption, par la Commission, de la version actualisée de son projet de rapport de renouvellement afin de tenir compte de l’évaluation du nouvel EMR. Ainsi, bien que la Commission ait proposé le non-renouvellement du mancozèbe au mois de janvier 2020, à savoir avant que le nouvel EMR ait finalisé son évaluation (voir point 26 ci-dessus), la décision finale n’a toutefois pas été prise avant cette évaluation.

126    Il s’ensuit qu’est non fondé l’argument des requérantes tiré de la partialité de la Commission du fait d’une prétendue absence de prise en compte de l’évaluation du nouvel EMR après sa proposition de non-renouvellement du mancozèbe au mois de janvier 2020. Pour les mêmes motifs doivent être écartés, d’une part, leur argument portant sur l’engagement de la procédure de vote écrit sur la proposition de non-renouvellement du mancozèbe de la Commission au mois de juillet 2020 et, d’autre part, leur allégation selon laquelle une telle procédure écrite visait à réaliser un objectif politique d’interdire cette substance.

127    S’agissant de l’argument des requérantes tiré de ce que la Commission n’a apporté aucun changement de fond à son rapport de renouvellement mis à jour, ce qui montrerait qu’elle avait déjà pris sa décision de non-renouvellement du mancozèbe, il suffit de constater que cette affirmation n’est soutenue par aucun élément de preuve. À cet égard, il a été constaté que l’évaluation du nouvel EMR a abouti à la même conclusion que celle de l’EMR initial dans son projet de RER de mars 2019, à savoir celle selon laquelle le mancozèbe ne satisfaisait pas aux conditions d’approbation prévues à l’article 4 du règlement no 1107/2009 et que la Commission pouvait choisir de poursuivre la procédure de renouvellement du mancozèbe sans soumettre l’évaluation du nouvel EMR à consultation publique et sans veiller à ce que l’EFSA produise ses conclusions sur cette évaluation (voir points 101 à 109 ci-dessus). Dans ces circonstances, il ne saurait être considéré que la décision de ne pas renouveler la substance en cause a été purement reprise de la position exprimée par la Commission au mois de février 2020. Au regard de ces considérations, il convient également d’écarter l’argument des requérantes relatif à l’absence de prise en compte des conclusions finales de l’EFSA.

128    Quant à l’argument des requérantes selon lequel la version actualisée du projet de rapport de renouvellement de la Commission du 21 septembre 2020 portait la date du 23 octobre 2020 et indiquait qu’il avait été « finalisé par le comité permanent […] le 23 octobre 2020 », la Commission a expliqué qu’elle avait pour pratique d’ajouter les dates aux rapports en fonction de la date prévue des réunions du comité permanent lors desquelles les rapports doivent être clôturés. Au vu de cette explication, qui n’est pas contestée par les requérantes, il y a lieu de conclure que la procédure qui a été suivie par la Commission a offert les garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé de sa part.

129    À la lumière de ce qui précède, il convient de rejeter le troisième moyen.

D.      Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

130    Les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation lors de la procédure de renouvellement du mancozèbe pour trois raisons.

131    Tout d’abord, elles indiquent que, dans le règlement d’exécution attaqué, la Commission a retenu une proposition de classification fondée sur les propriétés du métabolite ETU et non sur les propriétés de la substance elle-même. Ainsi, la Commission aurait intégré des éléments dénués de pertinence dans son processus décisionnel lié au mancozèbe. À cet égard, les requérantes soutiennent qu’il résulte clairement de l’article 3, point 32, du règlement no 1107/2009 que les métabolites ne sont pas un facteur déterminant dans la procédure de renouvellement d’une substance active. En outre, cette approche de la Commission contredirait le principe selon lequel chaque substance doit être évaluée séparément sur la base de ses propriétés intrinsèques.

132    Ensuite, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir omis de tenir compte de nouveaux éléments importants soutenant la classification du mancozèbe comme substance toxique pour la reproduction de catégorie 2 dans le cadre du dossier CEH. Plus particulièrement, elles invoquent l’existence de défaillances scientifiques commises lors de la classification du mancozèbe comme substance toxique pour la reproduction de catégorie 1B et la notification de la République de Malte concernant son intention de soumettre un nouveau dossier de classification pour cette substance à l’ECHA au mois de mars 2020, qui confirmerait une classification de catégorie 2. Les requérantes se prévalent par ailleurs d’actualisations ultérieures du registre d’intentions de l’ECHA, les 4 mai et 13 juillet 2020. Elles considèrent également que la Commission a ignoré les études récentes qu’elles auraient invoquées dans leurs observations sur les conclusions de l’EFSA, alors que ces études auraient réfuté les conclusions d’une étude de 1980, sur laquelle le CER avait fondé sa proposition de classification du mancozèbe comme substance toxique pour la reproduction de catégorie 1B.

133    Enfin, l’avis du CER visant à classer cette substance en tant que substance toxique pour la reproduction de catégorie 1B ne serait pas contraignant, puisque seuls seraient juridiquement contraignants des actes délégués statuant sur la procédure de classification d’une substance et publiés au Journal officiel de l’Union européenne.

134    La Commission conteste les arguments des requérantes.

135    Il y a lieu d’examiner d’abord les griefs tirés, d’une part, de l’absence de caractère juridiquement contraignant de la classification du mancozèbe en tant que substance toxique pour la reproduction de catégorie 1B et, d’autre part, de l’omission de la Commission de tenir compte de nouveaux éléments importants concernant la classification du mancozèbe comme substance toxique.

1.      Sur le grief tiré de l’absence de caractère juridiquement contraignant de la classification du mancozèbe comme substance toxique pour la reproduction de catégorie 1B

136    À titre liminaire, il convient de relever que la conclusion de l’EFSA, reprise au considérant 12 du règlement d’exécution attaqué, selon laquelle le mancozèbe « était classé comme substance toxique pour la reproduction de catégorie 1B » (voir point 44 ci-dessus), a été fondée sur l’avis du CER (voir point 47 ci-dessus), adopté au mois de novembre 2018 sur la proposition de l’EMR initial du mois d’août 2017 (voir point 45 ci-dessus), soumise à l’ECHA en vertu du règlement no 1272/2008.

137    Le règlement no 1272/2008 établit notamment les règles concernant les différentes étapes de la procédure d’harmonisation de la classification et de l’étiquetage des substances. Conformément à son article 37, paragraphe 4, lorsqu’une proposition de classification est soumise à l’ECHA, le CER, institué conformément à l’article 76, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, rectificatif JO 2007, L 136, p. 3), émet un avis sur ladite proposition de classification, avis que l’ECHA soumet avec les observations reçues des parties concernées à la Commission. Le paragraphe 5 du même article prévoit que, lorsque la Commission estime que l’harmonisation de la classification de la substance concernée est appropriée, elle soumet un projet de décision concernant l’inclusion de cette substance et des éléments de classification pertinents dans la liste des classifications harmonisées de substances dangereuses.

138    Comme l’indiquent en substance les requérantes, l’avis du CER n’est qu’une recommandation dans le cadre de la procédure de classification et d’étiquetage harmonisés d’une substance active, seuls des actes délégués adoptés dans le cadre de la procédure de classification d’une substance et publiés au Journal officiel étant juridiquement contraignants. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort également des informations disponibles du dossier, au moment de l’adoption du règlement d’exécution attaqué le 14 décembre 2020, aucun acte délégué statuant sur la procédure de classification de la substance n’avait encore été adopté à la suite de l’avis du CER. Il s’ensuit que, à cette date, le mancozèbe était formellement classé comme substance toxique pour la reproduction de catégorie 2 au regard de la toxicité pour le développement, ce que la Commission ne conteste pas.

139    Ainsi se pose la question de savoir si l’EFSA, et ensuite la Commission, pouvaient prendre en considération l’avis du CER sur la classification du mancozèbe comme substance toxique pour la reproduction de catégorie 1B, alors que, formellement, au moment de l’adoption des conclusions de l’EFSA et du règlement d’exécution attaqué, cette substance était classée comme toxique pour la reproduction de catégorie 2 au regard de la toxicité pour le développement.

140    Selon la jurisprudence, ainsi qu’il ressort de l’article 4, paragraphes 1 et 7, et du point 3.6.4 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, les éléments ressortant de la procédure de classification et d’étiquetage harmonisés d’une substance active, régie par le règlement no 1272/2008, peuvent avoir des incidences de fond sur l’approbation de celle-ci en vertu du règlement no 1107/2009 (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Probelte/Commission, T‑67/18, EU:T:2019:873, point 91). En effet, la question de savoir si une substance active est ou devrait être classifiée dans une classe de danger particulière peut être pertinente non seulement aux fins de l’identification et de la communication des dangers des substances, conformément au règlement no 1272/2008, mais également pour savoir si elle remplit ou non les critères d’approbation prévus à l’article 4 du règlement no 1107/2009.

141    Toutefois, il ressort également de la jurisprudence que les procédures prévues dans les règlements nos 1272/2008 et 1107/2009 sont distinctes, chacune étant organisée selon ses propres règles (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Probelte/Commission, T‑67/18, EU:T:2019:873, point 91). D’une part, conformément au règlement no 1272/2008, les opérateurs sont obligés de classifier et d’étiqueter les substances ou les mélanges d’une certaine manière, et l’ECHA est l’autorité compétente pour classifier ou reclassifier des substances comme dangereuses. D’autre part, dans le cadre du règlement no 1107/2009, les substances actives sont contrôlées aux fins d’approbation pour leur mise sur le marché, l’évaluation du respect de catégories ou des classes de danger objectives appartenant à l’EFSA.

142    Néanmoins, le caractère non contraignant de l’avis du CER dans le cadre de la procédure de classification et d’étiquetage harmonisés du mancozèbe ne diminue pas la valeur scientifique de cet avis et, partant, n’empêche pas que celui-ci soit pris en considération aux fins de l’approbation d’une substance active conformément au règlement no 1107/2009. À cet égard, à l’instar de la Commission, il convient d’observer que l’existence d’une classification formelle d’une substance active n’est pas déterminante aux fins de son approbation au titre du règlement no 1107/2009. En effet, conformément au point 3.6.4 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, une substance active n’est approuvée que si elle « n’est pas » ou « ne doit pas » être classée comme étant toxique pour la reproduction de catégorie 1A ou 1B conformément aux dispositions du règlement no 1272/2008.

143    Au vu de ce qui précède, il convient de considérer que la Commission n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a pris en considération, aux fins de la procédure de renouvellement du mancozèbe, l’avis du CER sur la classification de cette substance comme toxique pour la reproduction de catégorie 1B, en dépit de son caractère juridiquement non contraignant aux fins de la procédure d’harmonisation de la classification et de l’étiquetage prévue par le règlement no 1272/2008.

2.      Sur le grief tiré de l’omission de la Commission de tenir compte de nouveaux éléments importants concernant la classification du mancozèbe comme substance toxique

144    Dans le cadre de ce grief, les requérantes contestent à nouveau la prise en compte, d’abord par l’EFSA, puis par la Commission, de l’avis du CER. D’une part, elles considèrent que cet avis est fondé sur une étude ancienne, l’étude « Gallo » datant de 1980, qui ne satisferait pas aux lignes directrices applicables, notamment en ce qui concerne le nombre d’animaux, la posologie et la durée de l’exposition. En remettant en cause la fiabilité de cette étude, elles invoquent une étude récente de 2015 sur la toxicité pour le développement. D’autre part, selon les requérantes, cet avis du CER ne présente pas les dernières avancées scientifiques aux fins de la classification du mancozèbe comme substance toxique. En effet, selon elles, la Commission aurait dû tenir compte de la notification de la République de Malte concernant son intention de soumettre un nouveau dossier de classification pour cette substance à l’ECHA au mois de mars 2020, qui confirmerait la classification du mancozèbe comme substance toxique pour la reproduction de catégorie 2.

145    Selon l’article 114, paragraphe 3, TFUE, sur lequel est notamment fondé le règlement no 1107/2009, dans ses propositions en matière de santé, de sécurité, de protection de l’environnement et de protection des consommateurs, faites au titre du rapprochement des législations ayant pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur, la Commission prend pour base un niveau de protection élevé en tenant compte notamment de toute nouvelle évolution fondée sur des faits scientifiques. De plus, il a été jugé que cette protection, notamment de la santé publique et de l’environnement, a une importance prépondérante par rapport aux considérations économiques, de sorte qu’elle est de nature à justifier des conséquences économiques négatives, même considérables, pour certains opérateurs. Il découle de ces principes, qui constituent le fondement de l’objectif général de protection dudit règlement, que, sauf indication contraire, les décisions que la Commission est appelée à prendre dans le cadre de ce règlement doivent toujours tenir compte des connaissances scientifiques et techniques les plus récentes (voir arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 289 et jurisprudence citée).

146    Plus particulièrement, s’agissant de la procédure de renouvellement de l’approbation d’une substance active, ces considérations de principe sont exprimées, d’une part, à l’article 2, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 844/2012. En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 58 ci-dessus, cette disposition prévoit que la demande de renouvellement doit contenir la liste des nouvelles informations que le demandeur entend présenter et qui sont nécessaires, conformément à l’article 15, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 1107/2009. Il ressort de cette dernière disposition que la nécessité de fournir de nouvelles informations vise à répondre notamment à des exigences en matière de données ou à des critères qui ne s’appliquaient pas lors de la dernière approbation de la substance active. En outre, c’est aux demandeurs qu’il appartient d’identifier ces nouvelles informations scientifiques.

147    D’autre part, en ce qui concerne les dossiers complémentaires soumis en vue d’un renouvellement, le considérant 8 du règlement d’exécution no 844/2012 dispose que de tels dossiers doivent inclure de nouvelles données nécessaires et de nouvelles évaluations des risques. À cet égard, il ressort de l’article 7 dudit règlement d’exécution, relatif au contenu des dossiers complémentaires, que ces dossiers doivent comprendre les données et les évaluations des risques qui ne figuraient pas dans le dossier d’approbation ou les dossiers de renouvellement ultérieurs et qui sont nécessaires pour la prise en compte, notamment, des changements intervenus dans les exigences légales depuis l’approbation ou le dernier renouvellement de l’approbation de la substance active concernée ainsi que des changements intervenus dans les connaissances scientifiques et techniques depuis l’approbation. C’est également aux demandeurs qu’il appartient d’identifier les nouvelles informations en cause.

148    En l’espèce, l’avis du CER a été adopté dans le cadre de la procédure d’harmonisation de la classification et de l’étiquetage des substances conformément au règlement no 1272/2008. Ainsi qu’il ressort du point 137 ci-dessus, le CER effectue son évaluation scientifique sur toute proposition soumise dans le cadre de cette procédure.

149    Ainsi, c’est en vertu du règlement no 1272/2008, et non du règlement no 1107/2009, que le CER a adopté son avis sur la classification du mancozèbe comme substance toxique pour la reproduction de catégorie 1B, une classification qui a été retenue par l’EFSA, puis par la Commission dans le cadre de la procédure de renouvellement de cette substance au titre du règlement no 1107/2009. Il s’ensuit que tout grief tiré de l’absence de bien-fondé de cette classification par le CER doit être examiné uniquement au regard des règles établies par le règlement no 1272/2008, de sorte que les requérantes ne sauraient invoquer une prétendue violation matérielle intervenue dans le cadre de cette procédure, afin de remettre en cause la légalité du règlement d’exécution attaqué. Partant, il convient d’écarter le grief tiré de ce que l’avis du CER serait fondé sur une étude ancienne.

150    Quant à la question de savoir si la Commission pouvait considérer l’avis du CER comme étant le dernier développement scientifique aux fins de la classification du mancozèbe comme substance toxique, il y a lieu de relever que cet avis a été adopté sur proposition de l’EMR initial et avant l’adoption des conclusions de l’EFSA dans la procédure de renouvellement de cette substance (voir points 45 à 47 ci-dessus), à savoir au moment où était en cours l’évaluation scientifique du mancozèbe dans cette procédure. Il s’ensuit que l’avis du CER pouvait être regardé comme un document présentant les connaissances scientifiques les plus récentes concernant la classification du mancozèbe comme substance toxique, et ce d’autant plus que, au cours de la procédure de renouvellement de cette substance, les requérantes ont fourni les données demandées par l’EFSA après l’expiration du délai fixé pour leur communication.

151    Par ailleurs, s’agissant de la notification de la République de Malte concernant son intention de soumettre un nouveau dossier de classification pour le mancozèbe à l’ECHA au mois de mars 2020, il convient d’observer, à l’instar de la Commission, que la soumission d’un dossier par une autorité compétente d’un État membre ne constitue que la première étape de la procédure d’harmonisation de la classification et de l’étiquetage des substances conformément au règlement no 1272/2008, sans préjudice du résultat final. Selon les informations disponibles du dossier, à la date de l’adoption du règlement d’exécution attaqué, cette proposition n’avait pas encore été évaluée du point de vue scientifique dans le cadre de cette dernière procédure.

152    Partant, il convient de considérer que la Commission n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle s’est fondée sur l’avis du CER, et non sur la notification de la République de Malte en cause, pour proposer la classification du mancozèbe comme substance toxique.

3.      Sur le grief tiré de l’octroi par l’avis du CER d’une influence indue au métabolite ETU plutôt qu’à la substance elle-même

153    Les requérantes font valoir que la Commission a retenu une proposition de classification du mancozèbe comme substance toxique pour la reproduction de catégorie 1B, fondée sur les propriétés du métabolite ETU et non sur les propriétés de la substance même. Ce faisant, les requérantes confirment que cette proposition ressort de l’avis du CER.

154    Ainsi qu’il a été conclu au point 149 ci-dessus, les requérantes ne sauraient invoquer une prétendue violation matérielle intervenue dans le cadre de la procédure d’harmonisation de la classification et de l’étiquetage des substances conformément au règlement no 1272/2008 afin de remettre en cause la légalité du règlement d’exécution attaqué.

155    De plus, d’une part, si les requérantes indiquent qu’il résulte de l’article 3, point 32, du règlement no 1107/2009 que les métabolites ne sont pas un facteur déterminant dans la procédure de renouvellement d’une substance active, il ressort toutefois de cet article que, dans certains cas, les métabolites peuvent l’être.

156    À cet égard, l’article 3, point 32, du règlement no 1107/2009 prévoit ce qui suit :

« […]

Un métabolite est jugé pertinent s’il y a lieu de présumer qu’il possède des propriétés intrinsèques comparables à celles de la substance mère en ce qui concerne son activité cible biologique, qu’il représente, pour les organismes, un risque plus élevé que la substance mère ou un risque comparable, ou qu’il possède certaines propriétés toxicologiques qui sont considérées comme inacceptables. Un tel métabolite est pertinent dans le cadre de la décision générale d’approbation ou de la définition de mesures visant à réduire les risques ».

157    D’autre part, concernant l’argument des requérantes selon lequel chaque substance doit être évaluée séparément sur la base de ses propriétés intrinsèques, il est constant que le mancozèbe est une substance métabolisée. À cet égard, les requérantes ne contestent pas l’allégation de la Commission selon laquelle, si une substance est métabolisée et si les métabolites qui en résultent produisent des effets critiques, cet élément est pertinent en vue de la classification d’une substance active, dès lors que l’exposition à la substance induit l’effet toxique critique (directement ou à travers l’activité métabolique chez l’être humain).

158    Partant, les arguments des requérantes au soutien du présent grief ne démontrent pas que l’avis du CER aurait octroyé une influence indue au métabolite ETU plutôt qu’à la substance elle-même. Le présent grief doit donc être également rejeté comme non fondé.

159    Au vu de ce qui précède, la Commission n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation et, par conséquent, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen.

E.      Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime

160    Les requérantes font valoir que la Commission a violé le principe de protection de la confiance légitime à trois reprises.

161    En premier lieu, elles auraient eu une confiance légitime et fondée dans le fait que les BPA modifiées qu’elles avaient proposées à l’EMR initial seraient dûment évaluées, compte tenu de la recommandation de la Commission, dans son courriel du 12 février 2019, de « contacter l’[EMR initial] sur cette question » et du fait que l’EMR initial avait lui-même conseillé de contacter les autorités du nouvel EMR afin de mener à bien la nouvelle évaluation des BPA. À cet égard, les requérantes citent un document de l’EFSA, datant du mois de mars 2019, contenant les instructions administratives sur les dossiers et les rapports d’évaluation pour l’examen collégial des substances actives, dont il ressortirait que « les BPA sont un élément fondamental du dossier et du rapport d’évaluation puisqu’elles exposent en détail les utilisations représentatives qui font l’objet de la demande ».

162    En deuxième lieu, les requérantes s’attendaient que, à la suite de l’octroi d’un délai supplémentaire au nouvel EMR pour effectuer sa propre évaluation, la procédure de renouvellement du mancozèbe soit suspendue jusqu’à l’issue de cette évaluation. Or, elles rappellent que la Commission a publié un rapport de renouvellement proposant le non‑renouvellement de la substance un mois après avoir accordé un délai supplémentaire au nouvel EMR pour achever son évaluation, et deux mois avant l’échéance convenue par la Commission avec les autorités de ce nouvel EMR.

163    En troisième lieu, les requérantes considèrent que la Commission leur a fourni des assurances légitimes lorsqu’elle a déclaré, dans sa lettre du 10 juin 2020, qu’elle était disposée à « reconsidérer la situation, une fois que les évaluations complémentaires [de la part du nouvel EMR] aur[aient] été effectuées ». Selon les requérantes, la Commission n’avait pas tenu compte de cette assurance écrite dans la mesure où son projet actualisé de rapport de renouvellement sur le mancozèbe se bornerait à mentionner le rapport du nouvel EMR sans apporter à ce projet actualisé de la Commission des modifications substantielles résultant de l’évaluation du nouvel EMR.

164    La Commission conteste les arguments des requérantes.

165    Il convient de rappeler que le droit de se prévaloir de la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées (arrêts du 15 juillet 2004, Di Lenardo et Dilexport, C‑37/02 et C‑38/02, EU:C:2004:443, point 70, et du 17 décembre 1998, Embassy Limousines & Services/Parlement, T‑203/96, EU:T:1998:302, point 74). Le droit de se prévaloir de ce principe suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 15 juillet 2015, Socitrel et Companhia Previdente/Commission, T‑413/10 et T‑414/10, EU:T:2015:500, point 174 et jurisprudence citée).

166    En l’espèce, tout d’abord, il est vrai que, dans son courriel du 12 février 2019, la Commission a proposé aux requérantes de contacter l’EMR initial concernant les modifications des BPA sur les céréales (voir point 15 ci-dessus). Il est également vrai que, à cette occasion, l’EMR initial leur a conseillé, dans son courriel du 18 février 2019, de prendre contact avec les autorités du nouvel EMR afin de traiter aussitôt que possible leur demande d’évaluer ces modifications s’agissant du mancozèbe (voir point 16 ci-dessus). Toutefois, ces deux affirmations, l’une de la part de la Commission et l’autre de la part de l’EMR initial, n’équivalent pas à une assurance précise et inconditionnelle que les modifications des BPA sur les céréales seraient prises en considération dans l’évaluation des risques du mancozèbe soit par l’EMR initial, soit par le nouvel EMR. Par ailleurs, la Commission a prévenu les requérantes que « de telles modifications [n’étaient] pas normalement permises, dans la mesure où cela [pouvait] avoir un impact sur l’évaluation du risque, tout en retardant et en compliquant l’évaluation par les pairs ».

167    Ensuite, le fait que la Commission a octroyé un délai supplémentaire au nouvel EMR pour effectuer sa propre évaluation ne peut être considéré comme équivalant à des assurances précises fournies aux requérantes selon lesquelles la procédure de renouvellement du mancozèbe serait suspendue jusqu’à l’issue de cette évaluation. Au contraire, il ressort du dossier que la Commission a informé le nouvel EMR de son intention de continuer le processus décisionnel sur le mancozèbe et de présenter à cet égard le rapport de renouvellement conformément à l’article 14 du règlement d’exécution no 844/2012 sur la base des conclusions de l’EFSA et du RER de l’EMR initial, et ce pour la réunion du comité permanent du mois de mars 2020 (voir point 25 ci-dessus). Les requérantes n’apportent aucun autre élément démontrant que des assurances auraient été fournies par la Commission quant à la suspension de la procédure en cause.

168    Enfin, la disponibilité de la Commission, déclarée dans sa lettre du 10 juin 2020, afin de réexaminer la situation lorsque le nouvel EMR aurait achevé son évaluation (voir point 35 ci-dessus) ne peut être interprétée comme une assurance précise qu’elle modifierait sa position à l’égard du mancozèbe par rapport à celle qui était exprimée dans le projet de rapport de renouvellement du mois de janvier 2020 et qu’elle suivrait les conclusions tirées par le nouvel EMR dans son évaluation. Par ailleurs, dans la même lettre, après avoir relevé que les conclusions préliminaires du nouvel EMR ne contenaient pas suffisamment d’éléments pour envisager une révision de la proposition de ne pas renouveler le mancozèbe, la Commission a ajouté qu’« il rest[ait] encore à voir si l’évaluation supplémentaire annoncée par [le nouvel EMR] aura[it] ce potentiel ». Cette dernière observation de la Commission démontre clairement l’absence d’assurances précises de sa part quant à la modification de sa position à l’égard du mancozèbe par rapport à celle exprimée dans le projet de rapport de renouvellement du mois de janvier 2020.

169    Ainsi, il ne ressort pas du dossier que la Commission aurait fourni aux requérantes des assurances précises de nature à faire naître à leur égard des espérances fondées. Par conséquent, le cinquième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

170    Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

171    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

172    Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission dans le cadre du présent recours, conformément aux conclusions de cette dernière.

173    Par ailleurs, par ordonnance du 19 mars 2021, Indofil Industries (Netherlands)/Commission (T‑742/20 R, non publiée, EU:T:2021:199), confirmée sur pourvoi par ordonnance du 16 juillet 2021, Indofil Industries (Netherlands)/Commission [C‑276/21 P(R) et C‑276/21 P(R)‑R, non publiée, EU:C:2021:634], le président du Tribunal a rejeté la demande de surseoir à l’exécution du règlement d’exécution attaqué, présentée par Indofil Industries (Netherlands), et a réservé les dépens. Il y a lieu donc de condamner Indofil Industries (Netherlands) à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission dans le cadre de la procédure en référé devant le Tribunal, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      UPL Europe Ltd et Indofil Industries (Netherlands) BV supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne dans le cadre du présent recours.

3)      Indofil Industries (Netherlands) supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission dans le cadre de la procédure en référé.

da Silva Passos

Valančius

Reine

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 février 2023.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Approbation du mancozèbe au niveau de l’Union

B. Renouvellement de l’approbation du mancozèbe au niveau de l’Union

C. Classification et étiquetage harmonisés du mancozèbe en vertu du règlement no 1272/2008

II. Conclusions des parties

III. En droit

A. Observations liminaires

1. Sur la procédure d’approbation et de renouvellement des produits phytopharmaceutiques au niveau de l’Union

a) Règlement no 1107/2009

b) Règlement d’exécution no 844/2012

2. Sur l’étendue du contrôle du Tribunal

3. Sur la charge de la preuve

B. Sur les premier et deuxième moyens, tirés de la violation de formes substantielles et de la violation des droits de la défense des requérantes

1. Sur le grief tiré de l’absence de prise en considération de certaines données par l’EMR initial en raison de l’échéance initiale de son retrait de l’Union

2. Sur le grief tiré du non-respect de la procédure de renouvellement prévue par le règlement d’exécution no 844/2012

a) Sur les prétendues absences de consultation publique portant sur l’évaluation du nouvel EMR et de conclusions de l’EFSA sur cette évaluation

b) Sur la prétendue absence de consultation publique sur l’éventuelle version actualisée des conclusions de l’EFSA

c) Sur l’adoption par la Commission de son projet de rapport de renouvellement de janvier 2020 avant la fin de l’évaluation par le nouvel EMR

3. Sur la violation alléguée des droits de la défense des requérantes

C. Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration

D. Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

1. Sur le grief tiré de l’absence de caractère juridiquement contraignant de la classification du mancozèbe comme substance toxique pour la reproduction de catégorie 1B

2. Sur le grief tiré de l’omission de la Commission de tenir compte de nouveaux éléments importants concernant la classification du mancozèbe comme substance toxique

3. Sur le grief tiré de l’octroi par l’avis du CER d’une influence indue au métabolite ETU plutôt qu’à la substance elle-même

E. Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.