Language of document : ECLI:EU:C:2023:994

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NICHOLAS EMILIOU

présentées le 14 décembre 2023 (1)

Affaire C90/22

« Gjensidige » ADB

en présence de :

« Rhenus Logistics » UAB

« ACC Distribution » UAB

[demande de décision préjudicielle formée par le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (Cour suprême de Lituanie)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (UE) nº 1215/2012 – Article 71 – Relation avec une convention internationale qui règle la compétence judiciaire, la reconnaissance ou l’exécution des décisions de justice dans une matière particulière – Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR) – Accord non exclusif d’élection de for – Reconnaissance devant une juridiction d’un État membre d’une décision de justice relevant du champ d’application de la convention CMR – Juridiction d’origine ayant fondé sa compétence sur un fondement distinct – Compatibilité avec les principes sur lesquels repose le fonctionnement du règlement nº 1215/2012 – Article 45 – Motifs de refus de reconnaissance d’une décision de justice »






I.      Introduction

1.        Les litiges transfrontaliers débutent souvent par la nécessité pour la juridiction saisie de vérifier si elle a la compétence internationale pour statuer sur l’affaire dont elle est saisie. Dans l’Union européenne, en ce qui concerne les litiges en matière civile et commerciale, cet examen est en principe régi par les règles établies à cet effet par le règlement (UE) no 1215/2012 (2).

2.        Dans le même temps, et comme je l’expliquerai plus en détail ci‑après, ce règlement accorde la priorité aux règles spécifiques établies dans les conventions internationales spéciales conclues par les États membres.

3.        Cela étant, dans son arrêt TNT Express (3), la Cour a précisé, en substance, que l’application de telles règles spécifiques ne doit pas porter atteinte à certains principes fondamentaux qui sous-tendent le système de coopération judiciaire dans l’Union, tels que la prévisibilité de la compétence juridictionnelle ou la bonne administration de la justice.

4.        La complexité de l’exercice qui en découle est illustrée par le litige ayant donné lieu à la présente demande de décision préjudicielle. Ce litige est né à la suite d’un vol de marchandises lors de leur transport depuis les Pays-Bas vers la Lituanie. L’assureur concerné a demandé réparation au transporteur responsable et c’est en Lituanie qu’il a introduit cette action, en s’appuyant sur un accord d’élection de for figurant dans le contrat de transport.

5.        Or, à ce moment-là, le transporteur avait déjà engagé une procédure judiciaire aux Pays-Bas, dans le but d’établir que sa responsabilité dans ce contexte particulier était limitée. Avant de faire droit à cette demande, la juridiction néerlandaise s’est déclarée compétente en appliquant l’une des règles de compétence contenues dans la convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (ci-après la « CMR ») (4), malgré l’accord d’élection de for susmentionné, qui, du point de vue de la juridiction néerlandaise, ne pouvait pas exclure les autres chefs de compétence (alternatifs) prévus par la CMR.

6.        Les juridictions lituaniennes ayant reconnu ce jugement, « Gjensidige » ADB (ci-après « Gjensidige ») s’est pourvue en cassation devant le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (Cour suprême de Lituanie), qui est la juridiction de renvoi. Gjensidige fait valoir que la reconnaissance de la décision de la juridiction néerlandaise est contraire au règlement no 1215/2012, puisque ce règlement établit, en principe, l’exclusivité de la compétence découlant d’un accord d’élection de for.

7.        Dans ce contexte, la juridiction de renvoi s’interroge, en premier lieu, sur les règles de compétence applicables. Elle relève que le règlement no 1215/2012 accorde la primauté de l’application aux règles établies dans une convention internationale spécialisée, telle que la CMR. Néanmoins, elle doute qu’une telle primauté puisse permettre d’écarter un accord d’élection de for, compte tenu de la protection renforcée accordée à ces accords par le règlement no 1215/2012. En second lieu, elle cherche à savoir si cette protection accrue doit conduire à refuser la reconnaissance de la décision de la juridiction néerlandaise. Bien que le règlement no 1215/2012 ne permette pas expressément une telle approche, la juridiction de renvoi se demande s’il y a lieu d’en faire une interprétation plus large afin de préserver, en substance, les intentions des parties, telles que documentées dans l’accord d’élection de for en cause.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit international

8.        La CMR s’applique, conformément à son article 1er, « à tout contrat de transport de marchandises par route à titre onéreux au moyen de véhicules, lorsque le lieu de la prise en charge de la marchandise et le lieu prévu pour la livraison [...] sont situés dans deux pays différents dont l’un au moins est un pays contractant[,] [...] quels que soient le domicile et la nationalité des parties » (5).

9.        Aux termes de l’article 31 de la CMR :

« 1.      Pour tous litiges auxquels donnent lieu les transports soumis à la présente Convention, le demandeur peut saisir, en dehors des juridictions des pays contractants désignées d’un commun accord par les parties, les juridictions du pays sur le territoire duquel :

a)      le défendeur a sa résidence habituelle, son siège principal ou la succursale ou l’agence par l’intermédiaire de laquelle le contrat de transport a été conclu, ou

b)      le lieu de la prise en charge de la marchandise ou celui prévu pour la livraison est situé,

et ne peut saisir que ces juridictions [(6)].

2.      Lorsque dans un litige visé au paragraphe 1 du présent article une action est en instance devant une juridiction compétente aux termes de ce paragraphe, ou lorsque dans un tel litige un jugement a été prononcé par une telle juridiction, il ne peut être intenté aucune nouvelle action pour la même cause entre les mêmes parties à moins que la décision de la juridiction devant laquelle la première action a été intentée ne soit pas susceptible d’être exécutée dans le pays où la nouvelle action est intentée.

3.      Lorsque dans un litige visé au paragraphe 1 du présent article un jugement rendu par une juridiction d’un pays contractant est devenu exécutoire dans ce pays, il devient également exécutoire dans chacun des autres pays contractants aussitôt après accomplissement des formalités prescrites à cet effet dans le pays intéressé. Ces formalités ne peuvent comporter aucune révision de l’affaire.

4.      Les dispositions du paragraphe 3 du présent article s’appliquent aux jugements contradictoires, aux jugements par défaut et aux transactions judiciaires, mais ne s’appliquent ni aux jugements qui ne sont exécutoires que par provision, ni aux condamnations en dommages et intérêts qui seraient prononcées en sus des dépens contre un demandeur en raison du rejet total ou partiel de sa demande.

[...] »

10.      L’article 41, paragraphe 1, de la CMR dispose : « Sous réserve des dispositions de l’article 40, est nulle et de nul effet toute stipulation qui, directement ou indirectement, dérogerait aux dispositions de la présente Convention. La nullité de telles stipulations n’entraîne pas la nullité des autres dispositions du contrat ».

B.      Le droit de l’Union

11.      Le considérant 21 du règlement no 1215/2012 énonce : « Le fonctionnement harmonieux de la justice commande de réduire au minimum la possibilité de procédures concurrentes et d’éviter que des décisions inconciliables ne soient rendues dans différents États membres. Il importe de prévoir un mécanisme clair et efficace pour résoudre les cas de litispendance et de connexité [...] ».

12.      Le considérant 22 de ce règlement énonce : « Cependant, pour renforcer l’efficacité des accords exclusifs d’élection de for et éviter les manœuvres judiciaires, il est nécessaire de prévoir une exception à la règle générale de la litispendance de manière à traiter de manière satisfaisante une situation particulière pouvant donner lieu à des procédures concurrentes. Une telle situation voit le jour lorsqu’une juridiction non désignée dans un accord exclusif d’élection de for a été saisie d’une procédure et que la juridiction désignée est saisie en second lieu d’une procédure ayant le même objet et la même cause entre les mêmes parties. Dans un tel cas de figure, la juridiction saisie en premier lieu devrait être tenue de surseoir à statuer dès que la juridiction désignée est saisie et jusqu’à ce que cette dernière juridiction déclare qu’elle n’est pas compétente en vertu de l’accord exclusif d’élection de for. Cela vise à faire en sorte que, dans une telle situation, la juridiction désignée ait priorité pour décider de la validité de l’accord et de la mesure dans laquelle celui-ci s’applique au litige pendant devant elle. La juridiction désignée devrait être en mesure de poursuivre la procédure, que la juridiction non désignée ait déjà décidé ou non de surseoir à statuer ».

13.      La section 6 du chapitre II du règlement no 1215/2012 contient l’article 24, intitulé « Compétences exclusives » et libellé comme suit :

« Sont seules compétentes les juridictions ci-après d’un État membre, sans considération de domicile des parties :

1)      en matière de droits réels immobiliers et de baux d’immeubles, les juridictions de l’État membre où l’immeuble est situé.

[...]

2)      en matière de validité, de nullité ou de dissolution des sociétés ou personnes morales, ou de validité des décisions de leurs organes, les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel celles-ci ont leur siège. [...]

3)      en matière de validité des inscriptions sur les registres publics, les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel ces registres sont tenus ;

4)      en matière d’inscription ou de validité des brevets, marques, dessins et modèles, et autres droits analogues donnant lieu à dépôt ou à un enregistrement, que la question soit soulevée par voie d’action ou d’exception, les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le dépôt ou l’enregistrement a été demandé, a été effectué ou est réputé avoir été effectué aux termes d’un instrument de l’Union ou d’une convention internationale.

[...]

5)      en matière d’exécution des décisions, les juridictions de l’État membre du lieu de l’exécution. »

14.      L’article 25 du règlement no 1215/2012 figure au chapitre II, section 7, de ce dernier, et dispose : « Si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d’une juridiction ou de juridictions d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. [...] ».

15.      L’article 29 du règlement no 1215/2012 dispose :

« 1.      Sans préjudice de l’article 31, paragraphe 2, lorsque des demandes ayant le même objet et la même cause sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d’États membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d’office à statuer jusqu’à ce que la compétence de la juridiction première saisie soit établie.

[...] »

16.      L’article 31 du règlement no 1215/2012 est libellé comme suit :

« [...]

2.      Sans préjudice de l’article 26, lorsqu’une juridiction d’un État membre à laquelle une convention visée à l’article 25 attribue une compétence exclusive est saisie, toute juridiction d’un autre État membre sursoit à statuer jusqu’à ce que la juridiction saisie sur le fondement de la convention déclare qu’elle n’est pas compétente en vertu de la convention.

3.      Lorsque la juridiction désignée dans la convention a établi sa compétence conformément à la convention, toute juridiction d’un autre État membre se dessaisit en faveur de ladite juridiction.

[...] »

17.      L’article 45 du règlement no 1215/2012 dispose :

« 1.      À la demande de toute partie intéressée, la reconnaissance d’une décision est refusée :

a)      si la reconnaissance est manifestement contraire à l’ordre public de l’État membre requis ;

[...] ou

e)      si la décision méconnaît :

(i)      les sections 3, 4 ou 5 du chapitre II lorsque le preneur d’assurance, l’assuré, un bénéficiaire du contrat d’assurance, la victime, le consommateur ou le travailleur était le défendeur, ou

(ii)      la section 6 du chapitre II.

[...]

3.      Sans préjudice du paragraphe 1, point e), il ne peut être procédé au contrôle de la compétence de la juridiction d’origine. Le critère de l’ordre public visé au paragraphe 1, point a), ne peut être appliqué aux règles de compétence.

[...] »

18.      L’article 71 du règlement no 1215/2012 dispose :

« 1.      Le présent règlement n’affecte pas les conventions auxquelles les États membres sont parties et qui, dans des matières particulières, règlent la compétence judiciaire, la reconnaissance ou l’exécution des décisions.

2.      En vue d’assurer son interprétation uniforme, le paragraphe 1 est appliqué de la manière suivante :

[...]

b)      les décisions rendues dans un État membre par une juridiction ayant fondé sa compétence sur une convention relative à une matière particulière sont reconnues et exécutées dans les autres États membres conformément au présent règlement.

Si une convention relative à une matière particulière et à laquelle sont parties l’État membre d’origine et l’État membre requis détermine les conditions de reconnaissance et d’exécution des décisions, il est fait application de ces conditions. Il peut, en tout cas, être fait application des dispositions du présent règlement relatives à la reconnaissance et à l’exécution des décisions. »

III. Les faits à l’origine du litige, la procédure nationale et les questions préjudicielles

19.      « ACC Distribution » UAB (ci-après « ACC Distribution »), le client, et « Rhenus Logistics » UAB (ci-après « Rhenus Logistics »), le transporteur, ont conclu un contrat de transport de matériel informatique des Pays-Bas vers la Lituanie. Lors de ce transport, une partie de la cargaison a été volée.

20.      L’article 3 du contrat de transport stipulait que, « dans le cas où un litige ou un différend entre les parties n’est pas réglé par négociation entre les parties, il sera examiné par le juge du lieu dans lequel le [c]lient a son adresse légale ». Le siège social d’ACC Distribution (en tant que client) se trouvant en Lituanie, les parties sont convenues de la compétence des juridictions lituaniennes.

21.      À la suite du vol, Gjensidige, compagnie d’assurances qui avait assuré le chargement, a versé à ACC Distribution, le 21 avril 2017, un paiement d’assurance d’un montant de 205 108,89 EUR.

22.      Le 3 février 2017, une action a été introduite devant le rechtbank Zeeland‑West-Brabant (tribunal de la Zélande et du Brabant occidental, Pays-Bas, ci-après le « tribunal de la Zélande et du Brabant occidental »), entre autres, par Rhenus Logistics contre, notamment, ACC Distribution et Gjensidige. Sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il ressort du dossier que Rhenus Logistics s’est prévalue de la CMR (dont relevait le litige), laquelle permet au demandeur de porter la demande, notamment, devant les juridictions d’un pays sur le territoire duquel se trouve le lieu de la prise en charge de la marchandise par le transporteur (7).

23.      Cette action tendait à faire constater une limitation de la responsabilité civile du transporteur dans le cadre du vol susmentionné. ACC Distribution et Gjensidige ont contesté la compétence de la juridiction néerlandaise en se référant à l’accord d’élection de for contenu dans le contrat de transport. Cette objection a été rejetée au motif que l’accord d’élection de for était nul et non avenu en vertu de l’article 41, paragraphe 1, de la CMR, au motif qu’il restreignait le choix des juridictions compétentes en vertu de l’article 31, paragraphe 1, de la CMR.

24.      Le 19 septembre 2017, Gjensidige a saisi le Kauno apygardos teismas (tribunal régional de Kaunas, Lituanie, ci-après le « tribunal régional ») d’une action en réparation d’un montant de 205 108,89 EUR avec intérêts contre Rhenus Logistics. Ce recours était fondé sur la subrogation revendiquée par Gjensidige après le paiement du montant d’assurance à ACC Distribution.

25.      En réponse, Rhenus Logistics a demandé le rejet de cette action, en faisant valoir que celle-ci créait une situation de litispendance, laquelle devait être résolue par la reconnaissance de la compétence du tribunal de la Zélande et du Brabant occidental, qui avait été la première juridiction saisie dans cette affaire.

26.      Dans ce contexte, le tribunal régional a sursis à statuer. Cette décision a été confirmée en appel par le Lietuvos apeliacinis teismas (Cour d’appel de Lituanie, ci-après la « cour d’appel »).

27.      Par jugement du 25 septembre 2019, le tribunal de la Zélande et du Brabant occidental a déclaré que la responsabilité engagée, notamment, par Rhenus Logistics envers, notamment, ACC Distribution et Gjensidige était limitée et ne pouvait excéder le montant de la compensation au titre de l’article 23, paragraphe 3, de la CMR (8). Cette décision n’a fait l’objet d’aucune voie de recours.

28.      Se conformant à cette décision, Rhenus Logistics a transféré le montant correspondant à Gjensidige. Cette dernière a alors demandé que son action pendante en Lituanie soit partiellement retirée, tout en la maintenant pour le surplus.

29.      Par son jugement du 22 mai 2020, le tribunal régional a accepté ce désistement partiel tout en rejetant l’action pour le surplus et a considéré que le jugement du tribunal de la Zélande et du Brabant occidental avait acquis force de chose jugée. La cour d’appel a confirmé ce jugement.

30.      Le 2 juin 2021, Gjensidige s’est pourvue en cassation devant le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (Cour suprême de Lituanie). Gjensidige y faisait notamment valoir que, contrairement à la CMR, le règlement no 1215/2012 établit l’exclusivité de la compétence déterminée par un accord d’élection de for et que la situation née dans l’affaire au principal devrait conduire à faire prévaloir ce règlement. Selon cette partie, la solution contraire aurait des conséquences moins favorables pour le bon fonctionnement du marché intérieur et ne garantirait pas les principes, notamment, de prévisibilité de la compétence et de bonne administration de la justice.

31.      Nourrissant des doutes à cet égard, le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (Cour suprême de Lituanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 71 du [règlement no 1215/2012], lu à la lumière des articles 25, 29 et 31 et des considérants 21 et 22 du même règlement, peut-il être interprété en ce sens qu’il permet d’appliquer l’article 31 de la convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR) même lorsque les parties à un litige relevant des champs d’application de ces deux actes ont conclu un accord d’élection de for ?

2)      À la lumière de l’objectif du législateur consistant à renforcer la protection des accords d’élection de for dans l’Union européenne, l’article 45, paragraphe 1, sous e), ii) du règlement no 1215/2012 peut-il être interprété de manière plus large, comme visant non seulement la section 6, mais aussi la section 7 du chapitre II de ce règlement ?

3)      Eu égard aux particularités du cas d’espèce et aux conséquences juridiques qui en découlent, la notion d’“ordre public” employée dans le règlement no 1215/2012 peut-elle être interprétée comme incluant un motif de non‑reconnaissance d’une décision d’une juridiction d’un autre État membre lorsque l’application d’une convention particulière, telle que la CMR, donne lieu à une situation juridique dans laquelle, dans une seule et même affaire, ni l’élection de for ni le choix de la loi applicable n’est respecté ? »

32.      Des observations écrites ont été déposées par Gjensidige, Rhenus Logistics, le gouvernement lituanien et la Commission européenne. Ces parties ont également été entendues lors de l’audience qui s’est tenue le 23 mars 2023.

IV.    Appréciation

33.      Après des remarques introductives sur les éléments pertinents du litige au principal (section A) et sur l’arrêt TNT Express de la Cour sur lequel se fondent, du moins en partie, les questions posées par la juridiction de renvoi (section B), j’aborderai le bien-fondé des questions posées (section C).

34.      À cette fin, j’examinerai tout d’abord la prémisse sur laquelle repose la présente demande, à savoir qu’il est encore possible de contrôler la compétence du tribunal de la Zélande et du Brabant occidental en tant que juridiction d’origine, dans le cadre de la procédure dont la juridiction de renvoi est saisie, qui concerne la reconnaissance d’une décision de justice rendue dans un autre État membre. J’expliquerai que cette prémisse est erronée et que, dans une telle situation, les effets transfrontaliers d’une décision de justice ne peuvent être empêchés que lorsqu’une partie a invoqué avec succès l’un des motifs de refus de sa reconnaissance prévus par le règlement no 1215/2012 (section C, sous-section 1). La juridiction de renvoi envisage cette possibilité dans les deuxième et troisième questions préjudicielles. J’expliquerai que ces motifs ne comprennent pas la situation dans laquelle, en substance, la juridiction d’origine a établi sa compétence alors même qu’elle n’était pas une juridiction de l’État membre désigné par un accord d’élection de for (section C, sous-section 2).

35.      Par souci d’exhaustivité et pour aborder la discussion approfondie, dans le cadre de la présente procédure, en ce qui concerne ce sujet, j’expliquerai que la règle de compétence pertinente contenue dans la CMR ne contredit pas, en tout état de cause, les principes qui sous-tendent le règlement no 1215/2012, conformément à l’application du critère énoncé dans l’arrêt TNT Express (section D).

A.      Les éléments pertinents du litige en cause

36.      Il convient de rappeler que le litige au principal trouve son origine dans le vol d’une partie de la cargaison au cours de son transport international. Bien que le contrat de transport contienne une clause attributive de juridiction donnant compétence aux juridictions lituaniennes (9), le litige occasionné par ce vol a finalement été entendu et tranché par les juridictions néerlandaises (10).

37.      En effet, ce litige relevait, ratione materiae, du champ d’application de la CMR qui comprend non seulement des règles matérielles de responsabilité dans le cadre du transport de marchandises par route, mais aussi, entre autres, des règles de compétence applicables aux litiges nés de ce transport.

38.      Plus précisément, l’article 31, paragraphe 1, de la CMR offre au demandeur un choix entre quatre lieux possibles, à savoir, premièrement, les juridictions du pays convenu par les parties, deuxièmement, les juridictions du pays où – en substance – le défendeur est établi (11), troisièmement, les juridictions du lieu de la prise en charge de la marchandise ou, quatrièmement, les juridictions du lieu prévu de la livraison.

39.      Bien qu’il résulte de ces règles que les parties peuvent conclure un accord d’élection de for, il apparaît que, du moins selon la position du tribunal de la Zélande et du Brabant occidental, un tel accord ne peut pas être exclusif (12). Tel semble également être le point de vue exprimé par la juridiction de renvoi.

40.      Je crois comprendre que c’est en s’appuyant sur la troisième catégorie, mentionnée au point 38 des présentes conclusions, que Rhenus Logistics, le transporteur concerné, a saisi le tribunal de la Zélande et du Brabant occidental(13). Son action semble avoir été préventive en ce que cette société visait à faire constater en justice que sa responsabilité pour les dommages résultant du vol était limitée à un certain montant.

41.      Selon ma compréhension, l’article 23, paragraphe 3, de la CMR limite en principe la responsabilité que le transporteur peut encourir du fait de la perte des marchandises (14). Il apparaît toutefois qu’en vertu de l’article 29, paragraphe 1, de la CMR, une telle limitation de la responsabilité du transporteur ne s’applique pas lorsque le dommage « provient de son dol ou d’une faute qui lui est imputable et qui, d’après la loi de la juridiction saisie, est considérée comme équivalente au dol ».

42.      À cet égard, il est possible que les juridictions des États signataires de la CMR interprètent de manière divergente les conditions dans lesquelles la clause précitée vient à s’appliquer (15). Une telle situation peut, lors de la naissance d’un litige, amener les parties à rivaliser de vitesse pour saisir chacune la juridiction qui applique l’interprétation qui lui est la plus favorable. Cela peut, par la suite, aboutir à l’ouverture de procédures judiciaires parallèles dans différents États en vue d’obtenir, dans le cas d’une partie ayant le droit de disposer des marchandises, la réparation du dommage ou de la perte et, inversement, dans le cas du transporteur, un jugement déclaratoire excluant ou limitant la responsabilité pour ce dommage ou cette perte (16).

43.      Dans le cadre de la présente procédure, Gjensidige a évoqué les positions divergentes adoptées par les juridictions néerlandaises, d’une part, et par les juridictions lituaniennes, d’autre part, en ce qui concerne les conditions dans lesquelles la responsabilité des transporteurs peut être considérée comme illimitée. Cette partie a fait valoir que la position des juridictions néerlandaises est plus favorable aux transporteurs dans la mesure où les conditions déclenchant leur responsabilité illimitée sont plus difficiles à remplir. La juridiction de renvoi semble être du même avis.

44.      Rhenus Logistics a obtenu avec succès, aux Pays-Bas, un jugement déclaratoire limitant sa responsabilité. Ce jugement a par la suite été reconnu par les juridictions lituaniennes, pendant les étapes de la procédure au principal qui ont précédé la saisine de la juridiction de renvoi. Dans le cadre de cette procédure, Gjensidige a d’abord cherché à obtenir réparation de la perte d’une partie de la cargaison. Elle a ensuite limité sa créance au montant excédant la somme qui lui avait déjà été versée par Rhenus Logistics conformément au jugement néerlandais.

45.      Dans ce contexte, Gjensidige fait valoir que la reconnaissance de ce jugement était illégale puisque la juridiction néerlandaise a établi sa compétence en violation de l’accord d’élection de for applicable. Selon Gjensidige, cet accord aurait dû être considéré comme prioritaire, car, en vertu de l’article 25, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012, la compétence résultant d’un accord d’élection de for est, dans le cas d’espèce, exclusive (17).

46.      Plus précisément, cette partie fait valoir que, étant donné que le litige en cause relève à la fois de la CMR et du règlement no 1215/2012 (plus général) – et que ces deux instruments semblent contenir des règles contradictoires sur les effets à donner à un accord d’élection de for –, la reconnaissance du jugement néerlandais doit être rejetée parce que l’application des règles de compétence de la CMR, sur lesquelles ce jugement se fonde, a des conséquences moins favorables pour le bon fonctionnement du marché intérieur qu’en a – si je comprends bien l’argument – l’application du règlement no 1215/2012, en ce qui concerne les effets d’un accord d’élection de for.

47.      C’est dans ce contexte que la juridiction de renvoi se demande quelles règles de compétence devraient s’appliquer et si la reconnaissance du jugement néerlandais doit être refusée.

48.      Afin que le lecteur saisisse pleinement l’argumentation de Gjensidige ainsi que les interrogations de la juridiction de renvoi, notamment la première question préjudicielle, j’examinerai tout d’abord ce qui constitue sans doute leur source d’inspiration, à savoir l’arrêt de la Cour dans l’affaire TNT Express.

B.      Les conventions internationales spécialisées sont prioritaires… mais sous certaines conditions

49.      L’article 71, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 reconnaît l’existence de règles de compétence et d’exécution spécifiques qui peuvent figurer dans des conventions internationales spéciales conclues par des États membres et accorde la priorité à ces instruments. Cette disposition dispose en effet que le règlement « n’affecte pas les conventions auxquelles les États membres sont parties et qui, dans des matières particulières, règlent la compétence judiciaire, la reconnaissance ou l’exécution des décisions ».

50.      Le considérant 35 de ce règlement présente cette « clause de conflit de lois » (18) comme l’expression du respect des engagements internationaux des États membres. Bien que cette formulation puisse faire croire au lecteur que l’article 71 du règlement no 1215/2012 concerne les engagements souscrits vis-à-vis de pays tiers, le libellé de cet article 71, notamment la deuxième phrase de son paragraphe 2, indique clairement, comme le fait observer la Commission, qu’il s’applique également dans les relations internes à l’Union (19).

51.      Dans le même temps, l’article 71 du règlement no 1215/2012 a également été décrit comme reconnaissant la spécificité des domaines régis par les conventions spécialisées respectives (20).

52.      Auparavant, cette règle était exprimée, en des termes identiques, à l’article 71, paragraphe 1, du règlement no 44/2001 qui a précédé le règlement no 1215/2012.

53.      L’interprétation de cette règle était au centre de l’arrêt TNT Express (21), rendu dans le cadre d’un litige opposant la société de transport éponyme à l’assureur de marchandises perdues lors de son transport. Dans ladite affaire, TNT s’opposait à l’exécution, aux Pays‑Bas, d’une décision d’une juridiction allemande la condamnant à réparer le préjudice causé par cette perte.

54.      L’axe principal des questions préjudicielles s’articulait autour de la question – semblable à celle implicitement soulevée en l’espèce – de savoir si le juge de l’État requis (en l’occurrence les Pays-Bas) pouvait contrôler la compétence du tribunal allemand (en tant que juridiction d’origine) (22). Si un tel contrôle était interdit par la disposition (alors applicable) du règlement no 44/2001 (tout comme il est aujourd’hui interdit en vertu du règlement no 1215/2012), la même solution ne découlerait pas nécessairement de la CMR.

55.      C’est la raison pour laquelle la Cour a dû examiner l’interaction entre les deux instruments. À cet égard, la Cour a précisé que la primauté conférée par l’article 71 de ce règlement aux conventions internationales spécialisées, telles que la CMR, était assortie d’une condition importante : leurs règles ne priment que pour autant qu’elles « présentent un haut degré de prévisibilité, facilitent une bonne administration de la justice et permettent de réduire au maximum le risque de procédures concurrentes, et qu’elles assurent, dans des conditions au moins aussi favorables que celles prévues par ledit règlement, la libre circulation des décisions en matière civile et commerciale et la confiance réciproque dans la justice au sein de l’Union (favor executionis) » (23).

56.      La Cour est parvenue à cette conclusion après avoir expliqué que les règles contenues dans les conventions internationales spécialisées ne sauraient aboutir à des « résultats qui soient moins favorables à la réalisation du bon fonctionnement du marché intérieur que ceux auxquels aboutissent les dispositions dudit règlement » (24), ni ne sauraient « porter atteinte aux principes qui sous-tendent la coopération judiciaire en matière civile et commerciale au sein de l’Union [...] » (25).

57.      J’aborderai la conclusion spécifique que la Cour avait tirée, dans ladite affaire, de ces considérations. À ce stade, il suffit de noter que le critère général retenu dans cet arrêt a suscité de la part de la doctrine des réactions mitigées, lesquelles soulignaient en substance qu’il serait difficile à appliquer (26) – alors que les règles figurant à l’article 71 sont censées être de simples règles de conflit – et que son existence « fait quelque peu violence » (27) au texte de cette disposition (28). Dans le même temps, l’arrêt a également été reconnu comme apportant une solution à la menace perçue pouvant survenir pour le régime commun de compétence et de reconnaissance, si des règles divergentes de conventions spécialisées s’appliquaient à des situations internes à l’Union (29).

58.      Quoi qu’il en soit, le critère développé dans l’arrêt TNT Express, qui éclaire désormais l’application de l’article 71 du règlement no 1215/2012, est devenu un élément incontournable de l’évaluation comparative de régimes juridictionnels et d’exécution potentiellement concurrents (30). De manière compréhensible, des considérations fondées sur ce critère se sont retrouvées dans les mémoires de la procédure au principal et dans les raisonnements qui ont amené la juridiction de renvoi à formuler la présente demande de décision préjudicielle, que je vais maintenant examiner plus en détail.

C.      Les questions préjudicielles dans la présente affaire

59.      Les trois questions posées dans la présente affaire semblent refléter la crainte de la juridiction de renvoi que l’accord d’élection de for conclu entre les parties au principal n’ait pas été respecté lorsque le tribunal de la Zélande et du Brabant occidental a accepté de connaître de la demande de Rhenus Logistics et de statuer sur celle-ci.

60.      La première question préjudicielle demande plus précisément si l’article 71 du règlement no 1215/2012, lu à la lumière des considérants 21 et 22 du même règlement, permet d’appliquer les règles alternatives de compétence figurant à l’article 31, paragraphe 1, de la CMR, lorsque le litige en cause est régi par un accord d’élection de for.

61.      Je crains que cette question ne repose sur la prémisse selon laquelle il serait toujours possible, pour la juridiction de renvoi, de contrôler la compétence de la juridiction d’origine au stade de la reconnaissance. J’expliquerai dans la suite des présentes conclusions qu’un tel contrôle est exclu et que, partant, la réponse à la première question préjudicielle n’est pas pertinente aux fins de la procédure au principal (sous-section 1).

62.      Lorsque, au contraire, une partie cherche à empêcher les effets transfrontaliers d’un jugement, elle doit invoquer à cet effet l’un des motifs de refus de sa reconnaissance prévus par le règlement no 1215/2012. Je me pencherai donc sur cette problématique, et plus précisément sur les deuxième et troisième questions préjudicielles par lesquelles la juridiction de renvoi cherche à savoir si le fait que l’accord d’élection de for est resté inappliqué doit conduire au refus de la reconnaissance du jugement néerlandais. J’expliquerai que ces questions doivent recevoir une réponse négative (sous-section 2).

1.      Sur l’impossibilité pour la juridiction de renvoi de contrôler la compétence de la juridiction d’origine

63.      Ainsi qu’il ressort du considérant 26 du règlement nº 1215/2012, le régime de reconnaissance et d’exécution prévu par celui-ci est fondé précisément sur la confiance réciproque dans la justice au sein de l’Union. Ces règles reposent sur la prémisse que toute décision rendue par les juridictions d’un État membre devrait être traitée comme si elle avait été rendue dans l’État membre requis (31).

64.      Ainsi, et comme la Commission l’a en substance souligné à l’audience dans la présente procédure, l’une des caractéristiques fondamentales du système établi par le règlement no 1215/2012 est la reconnaissance automatique des décisions en matière civile et commerciale rendues par les juridictions d’un autre État membre. En particulier, ce système exclut la possibilité d’un contrôle de la compétence des juridictions de l’État membre d’origine par les juridictions de l’État membre requis, ainsi que le précise l’article 45, paragraphe 3, du règlement no 1215/2012 (32).

65.      Toutefois, la situation litigieuse en l’espèce n’est pas régie (ou, du moins, pas exclusivement, comme je l’expliquerai ci-après) par le règlement no 1215/2012, mais par les règles spéciales de la CMR, auxquelles l’article 71 du règlement no 1215/2012 confère la priorité. La question se pose dès lors de savoir si l’interdiction de contrôler la compétence de la juridiction d’origine s’applique également dans une telle situation.

66.      À mon avis, tel est le cas.

67.      À cet égard, je relève, premièrement, que la CMR n’est pas un instrument du droit de l’Union, de sorte qu’elle échappe à la compétence de la Cour (33).

68.      Cette limitation ne signifie toutefois pas que la Cour ne puisse pas prendre en considération le texte de tels instruments pour prendre connaissance de leur contenu. Dans le cas contraire, il serait impossible de vérifier si ces conventions contiennent des règles concurrentes (34).

69.      Sur cette base, s’agissant, deuxièmement, du contenu spécifique de la CMR, je relève que les règles de la CMR relatives à la reconnaissance et à l’exécution sont plutôt rudimentaires, ce qui a également été reconnu dans la présente procédure tant par Rhenus Logistics que par Gjensidige (35).

70.      Ces règles figurent à l’article 31, paragraphe 3, de la CMR qui impose la force exécutoire d’un jugement, rendu dans une partie contractante, dans les autres, sous réserve du respect de « formalités » qui excluent toutefois toute révision du fond de l’affaire.

71.      D’autres aspects de la reconnaissance et de l’exécution semblent ne pas avoir été réglementés, ce qui signifie que les règles correspondantes doivent être identifiées dans le droit de l’État requis (36).

72.      En ce qui concerne les États membres, cette législation figure dans le règlement no 1215/2012. Le régime applicable est donc, selon moi, celui prévu aux articles 45 et suivants de ce règlement, y compris la règle cardinale susmentionnée interdisant, dans l’espace juridique interne à l’Union, le contrôle de la compétence de la juridiction d’origine.

73.      En outre, et indépendamment de ce qui précède, l’arrêt TNT Express induit la même conclusion.

74.      En effet, après avoir énoncé le critère général limitant le champ d’application de l’article 71 du règlement no 1215/2012, comme je l’ai décrit dans la section précédente, la Cour a rappelé que « la juridiction de l’État requis n’est, en aucun cas, mieux placée que la juridiction de l’État d’origine pour se prononcer sur la compétence de cette dernière » (37). La Cour a précisé que c’est précisément cette circonstance qui a conduit à l’interdiction d’un tel contrôle en droit de l’Union.

75.      Bien que la Cour ne se soit pas prononcée expressément sur la question de savoir si les principes qui sous-tendent le fonctionnement du règlement no 44/2001 faisaient effectivement obstacle au contrôle du tribunal compétent en application d’une convention spécialisée, l’arrêt TNT Express a été généralement compris comme confirmant cette dernière option (38). Lors de l’audience dans la présente procédure, la Commission et le gouvernement lituanien ont, en substance, exprimé le même point de vue.

76.      Ainsi et en résumé, selon moi, que l’appréciation se fasse à travers le prisme du critère dégagé dans l’arrêt TNT Express ou sur le fondement du libellé de la CMR, une juridiction d’un État membre, invitée à reconnaître une décision rendue par une juridiction d’un autre État membre en application de cette convention, n’est pas autorisée à contrôler la compétence de la juridiction d’origine. Par conséquent, la réponse à la première question posée n’est pas pertinente pour la solution du litige dont la juridiction de renvoi est saisie, dès lors que cette dernière ne peut pas contrôler si le tribunal de la Zélande et du Brabant occidental a correctement établi sa compétence avant de rendre le jugement dont la reconnaissance est en cause dans l’affaire au principal.

77.      Cela étant précisé, j’aborderai à présent la question de savoir si le fait que cette juridiction a établi sa compétence indépendamment de l’accord d’élection de for en cause peut constituer un motif permettant de refuser la reconnaissance du jugement qui en résulte.

2.      Si un accord d’élection de for est ignoré, la reconnaissance de la décision peut-elle être refusée ?

78.      Ainsi que cela a été expliqué précédemment, le litige dont la juridiction de renvoi est saisie relève du champ d’application de la CMR. En application de l’article 71 du règlement no 1215/2012, cette convention prime ce règlement (39). Il peut donc sembler surprenant, à première vue, de se tourner vers ledit règlement pour vérifier si ses dispositions permettent de refuser la reconnaissance du jugement susmentionné.

79.      Toutefois, j’ai déjà expliqué que, en l’absence de règles spécifiques à cet effet dans la CMR, les règles applicables sont celles prévues par le droit de l’État membre requis, qui est, dans le cas de la Lituanie, le règlement no 1215/2012. C’est donc à juste titre que la juridiction de renvoi examine cet instrument juridique de manière plus approfondie.

80.      Ainsi que cela a déjà été souligné, le fonctionnement du règlement no 1215/2012 repose sur la reconnaissance automatique des décisions rendues par les juridictions d’un autre État membre en matière civile et commerciale.

81.      Par exception à cette règle, la reconnaissance ne peut être refusée que sur la base de l’un des motifs spécifiquement prévus à l’article 45, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 (et lorsque, comme le souligne la Commission, une demande a été introduite à cette fin).

82.      Pour ce qui concerne la présente affaire, ces motifs comprennent, d’une part, conformément à l’article 45, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 1215/2012, une violation des règles de compétence énoncées à la section 6 du chapitre II de ce règlement (deuxième question préjudicielle) et, d’autre part, une situation dans laquelle la reconnaissance de la décision rendue est considérée comme manifestement contraire à l’ordre public de l’État membre requis, comme le prévoit l’article 45, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1215/2012 (troisième question préjudicielle).

83.      La juridiction de renvoi sait qu’aucun de ces motifs ne couvre, en principe, la situation considérée en l’espèce. Toutefois, elle se demande par ses deuxième et troisième questions, que j’aborderai par la suite, si la reconnaissance de la décision du juge néerlandais peut être refusée sur la base d’une interprétation large de ces motifs. J’examinerai successivement ces différents points.

a)      Une interprétation large du motif visé à l’article 45, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 1215/2012 ?

84.      Il ressort de l’article 45, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 1215/2012 que, lorsqu’une demande a été introduite à cet effet, la reconnaissance d’une décision de justice est refusée si celle-ci méconnaît les règles de compétence énoncées à la section 6 du chapitre II de ce règlement.

85.      Les règles qui y sont décrites (et plus précisément à l’article 24 qui constitue la seule disposition de la section précitée) établissent une compétence exclusive pour les litiges portant sur cinq matières énumérées. Pour faire bref, ces sujets portent, premièrement, sur certains aspects des droits réels immobiliers, deuxièmement, sur certaines questions relatives aux entreprises, troisièmement, sur la validité des inscriptions dans les registres publics, quatrièmement, sur la validité des brevets, marques, dessins et modèles ou autres droits similaires, ainsi que, cinquièmement, sur l’exécution des décisions.

86.      Il ne saurait être dérogé par convention à ces règles de compétence (40) et leur raison d’être a été décrite par référence au lien de rattachement étroit existant entre les matières concernées et l’État membre concerné (41).

87.      En particulier, il ressort de la description qui précède que la section 6 du chapitre II du règlement no 1215/2012 ne s’applique pas à un accord d’élection de for. Je rappelle que de tels accords relèvent de la section 7 du même chapitre.

88.      La juridiction de renvoi en est consciente, mais demande, par sa deuxième question, si les modifications législatives apportées par le règlement no 1215/2012, par lesquelles la protection des accords d’élection de for avait été renforcée, impliquent que la règle énoncée à l’article 45, paragraphe 1, sous e), ii), doit faire l’objet d’une interprétation large de manière à inclure non seulement la violation des règles de la section 6 du chapitre II de ce règlement, mais également la violation de la section 7.

89.      Je ne le pense pas.

90.      La juridiction de renvoi a raison de souligner que, par rapport au règlement no 44/2001, le règlement no 1215/2012 renforce l’efficacité de ces accords en prévoyant à l’article 31, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012 une règle de litispendance spécifique (42).

91.      Toutefois, nonobstant ce changement, le législateur de l’Union a choisi de ne pas le faire figurer dans le système des motifs permettant de refuser la reconnaissance d’une décision de justice.

92.      Ces motifs sont énumérés de manière exhaustive à l’article 45, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 (43).

93.      Il en va logiquement de même en ce qui concerne, plus spécifiquement, le motif mentionné à l’article 45, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 1215/2012, relatif à une violation des règles de compétence exclusive de la section 6 du chapitre II de ce règlement.

94.      Or, la juridiction de renvoi relève que, faute d’un motif permettant de refuser la reconnaissance d’une décision portant atteinte à un accord exclusif d’élection de for, la violation d’un tel accord restera sans conséquence.

95.      Je crains que ce ne soit précisément la logique du fonctionnement du règlement no 1215/2012 dans sa conception actuelle : il favorise la reconnaissance automatique de décisions de justice même lorsque les règles de compétence qu’il prévoit n’ont pas été respectées, sauf dans des situations limitativement énumérées à l’article 45, paragraphe 1, de ce règlement (44).

96.      En cas de violation des règles de compétence, cette disposition précise que le refus de reconnaissance n’est admis que lorsque le conflit concerne, premièrement, des règles figurant dans la section 6 du chapitre II du règlement, ainsi que je l’ai examiné ici [article 45, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 1215/2012], ou, deuxièmement, des règles figurant dans d’autres sections de ce chapitre et qui visent, en substance, à protéger la partie considérée comme la plus faible (45). En revanche, l’article 45, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 ne vise pas de violation d’autres règles de compétence prévues par le règlement no 1215/2012.

97.      Il convient de rappeler que les motifs énoncés à l’article 45, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 constituent des exceptions à la règle générale selon laquelle les décisions rendues par les juridictions d’un autre État membre sont reconnues de plein droit. Dans le contexte de l’affaire en l’espèce, il me semble néanmoins superflu de rappeler ici le principe général d’interprétation selon lequel les exceptions sont d’interprétation stricte. Ce principe est utile lorsque la portée de l’exception manque de précision. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. L’article 45, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 1215/2012 est clair et il cite les règles de compétence précises dont la violation peut relever de son champ d’application. Dans ces conditions, l’interprétation envisagée par la juridiction de renvoi et proposée par Gjensidige irait tout simplement à l’encontre du libellé de cette disposition.

98.      Pour clore ce point, je suis d’avis que si le législateur de l’Union avait souhaité que la protection des accords d’élection de for aille jusqu’à prendre la forme d’un nouveau motif de refus de reconnaissance en cas de violation de ces accords, on aurait pu s’attendre à ce qu’il le fasse expressément. Toutefois, le libellé de la disposition en cause, qui permet de refuser la reconnaissance d’une décision de justice, indique que ce législateur n’avait manifestement pas cette intention.

b)      Faut-il une interprétation large du motif dordre public ?

99.      Par la troisième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande si la situation en cause pourrait conduire à une interprétation large du motif énoncé à l’article 45, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1215/2012, en vertu duquel la reconnaissance d’une décision est, en principe, refusée si celle-ci est manifestement contraire à l’ordre public de l’État requis.

100. Je considère que toutes les considérations que j’ai formulées à propos de l’article 45, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 1215/2012 s’appliquent mutatis mutandis, puisque le libellé de l’article 45, paragraphe 1, sous a), de ce règlement est tout aussi clair.

101. En effet, la réponse à la troisième question préjudicielle est fournie, en partie, par l’article 45, paragraphe 3, du règlement no 1215/2012 ainsi que le fait observer, en substance, le gouvernement lituanien. Cette disposition précise que le critère de l’ordre public « ne peut être appliqué aux règles de compétence ». Cette disposition est sans préjudice des motifs visés à l’article 45, paragraphe 1, sous e), du règlement no 1215/2012, examinés dans la sous-section précédente des présentes conclusions, et je ne vois aucune raison pour laquelle cette disposition devrait être lue différemment de son propre libellé.

102. En outre, la juridiction de renvoi s’interroge, par sa troisième question, sur l’applicabilité du motif d’ordre public, non seulement à une situation dans laquelle un accord d’élection de for n’a pas été respecté, mais également à une situation impliquant une violation d’un accord sur la loi applicable.

103. Toutefois, le dossier ne révèle aucune information quant à la conclusion d’un tel accord entre les parties concernées.

104. Cette partie de la troisième question préjudicielle apparaît donc irrecevable.

105. Cela étant, la décision de renvoi suggère que la juridiction de renvoi s’inquiète du fait qu’en établissant sa compétence sur la demande en cause, le tribunal de la Zélande et du Brabant occidental a déclenché l’applicabilité du droit néerlandais au fond du litige, ce qui a conduit à ce que la responsabilité du transporteur soit déterminée selon le droit néerlandais et non selon le droit lituanien. La juridiction de renvoi considère que la partie défenderesse au principal devant le tribunal néerlandais (à savoir, selon ma compréhension, Gjensidige) ne pouvait pas prévoir de telles conséquences. Je comprends ces remarques comme soulignant que la question de la responsabilité du transporteur aurait dû être tranchée par application du droit lituanien, et non par application du droit néerlandais, et que le résultat est moins favorable à une partie telle que Gjensidige.

106. Par ailleurs, la juridiction de renvoi relève également que l’article 29, paragraphe 1, de la CMR, qui renvoie à la loi nationale pour ce qui est des conditions dans lesquelles la responsabilité des transporteurs peut être considérée comme illimitée (46), semble entrer en conflit avec l’article 3 et l’article 5, paragraphe 1, du règlement (CE) no 593/2008 (47).

107. De plus, la juridiction de renvoi doute que la situation qui en résulte soit compatible avec le droit fondamental à un procès équitable, ainsi qu’avec les principes qui sous-tendent, si j’ai bien compris, le règlement no 1215/2012.

108. À cet égard, je relève tout d’abord que la procédure pendante devant la juridiction de renvoi concerne, comme cela a déjà été souligné à plusieurs reprises, la reconnaissance d’une décision de justice rendue dans un autre État membre.

109. Partant, la question essentielle dans le présent contexte est celle de savoir si les différences de droit matériel qui semblent exister entre le droit néerlandais et le droit lituanien, en ce qui concerne l’étendue de la responsabilité du transporteur, pourraient justifier le refus, sur la base de l’application du motif d’ordre public visé à l’article 45, paragraphe 1, sous a), de reconnaître la décision qui en résulte.

110. Je ne le pense pas.

111. En premier lieu, selon une jurisprudence constante, si les États membres restent libres de déterminer, conformément à leurs conceptions nationales, les exigences de leur ordre public, il incombe à la Cour de contrôler les limites dans le cadre desquelles le juge d’un État membre peut avoir recours à cette notion pour ne pas reconnaître une décision émanant d’un autre État membre (48).

112. En deuxième lieu, ce motif ne peut être invoqué que dans des cas exceptionnels (49), lorsque la reconnaissance « heurterait de manière inacceptable l’ordre juridique de l’État [où la reconnaissance est demandée ou, également, contestée] en tant qu’elle porterait atteinte à un principe fondamental » (50).

113. En troisième lieu, inversement, le motif de refus visé à l’article 45, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1215/2012 ne saurait être déclenché uniquement au motif qu’« une divergence existerait entre la règle de droit appliquée par le juge de l’État d’origine et celle qu’aurait appliquée le juge de l’État membre requis s’il avait été saisi du litige » (51).

114. La préoccupation principale de la juridiction de renvoi semble être que, du fait d’une détermination supposément erronée de la juridiction compétente pour connaître de l’action en cause, cette action a finalement été jugée au regard du droit néerlandais plutôt que du droit lituanien.

115. Pour autant que cette préoccupation consiste à indiquer que le juge néerlandais a désigné à tort la loi néerlandaise comme étant la loi applicable, je relève qu’une telle erreur, même si elle était avérée, ne pourrait pas, en soi, conduire à un refus de reconnaissance de la décision de justice.

116. Il résulte de la jurisprudence précitée qu’un tel refus n’est possible que lorsque la reconnaissance de la décision qui en résulte porterait atteinte à un principe considéré, dans l’État requis, comme fondamental.

117. Toutefois, en ce qui concerne les conséquences concrètes que la reconnaissance de la décision litigieuse a eues en l’espèce, la juridiction de renvoi n’explique pas en quoi la divergence de droit matériel susmentionnée affecterait l’ordre public lituanien, ni comment, partant, la reconnaissance de cette décision irait, dans une mesure inacceptable, à l’encontre de l’ordre juridique de cet État membre dans la mesure où elle violerait un principe fondamental.

118. Dans ces conditions, pour répondre aux deuxième et troisième questions préjudicielles, il convient à mon avis d’interpréter l’article 45, paragraphe 1, sous a), et l’article 45, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 1215/2012 en ce sens que ces dispositions ne couvrent pas une situation dans laquelle la juridiction d’origine a établi sa compétence sur l’une parmi plusieurs règles figurant dans une convention spécialisée au sens de l’article 71 de ce règlement, lesquelles incluent – sans le qualifier d’« exclusif » – un accord d’élection de for, et lorsque la juridiction d’origine n’était pas la juridiction désignée par l’accord d’élection de for conclu par les parties. De plus, l’article 45, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu’une erreur, fût-elle avérée, dans la détermination de la loi applicable ne saurait, en soi, conduire à un refus de reconnaissance d’une décision au motif qu’elle serait contraire à l’ordre public de l’État requis.

119. Cette réponse, combinée à celle suggérée au point 76 des présentes conclusions, apporte, à mon sens, des précisions pertinentes qui permettront à la juridiction de renvoi de trancher l’affaire dont elle est saisie. Cela étant, par souci d’exhaustivité et pour aborder la discussion approfondie qui a eu lieu sur cette question dans le cadre de la présente procédure, je souhaite expliquer dans la suite des présentes conclusions que les règles de compétence de la CMR ne violent pas, en tout état de cause, les principes qui sous-tendent la coopération judiciaire en matière civile et commerciale au sein de l’Union, par application du critère établi dans l’arrêt TNT Express.

D.      Le « critère TNT Express » et le caractère non exclusif d’une compétence résultant d’un accord d’élection de for

120. Une grande partie de la discussion dans la présente affaire a tourné autour de la question de savoir si les règles de compétence énoncées dans la CMR sont en contradiction avec le critère établi dans l’affaire TNT Express et, partant, avec les principes qui sous-tendent le fonctionnement du règlement no 1215/2012.

121. Le problème, tel que perçu par la juridiction de renvoi, tient au fait que, d’une part, le règlement no 1215/2012 qualifie, en principe, d’« exclusive » la compétence établie par un accord d’élection de for. D’autre part, la CMR, tout en permettant d’établir la compétence sur ce fondement, semble exclure son caractère exclusif (à tout le moins dans l’interprétation de la CMR retenue par le tribunal de la Zélande et du Brabant occidental, position à laquelle la juridiction de renvoi semble également souscrire).

122. À cet égard, je relève d’abord que, dans son arrêt Nickel & Goeldner Spedition, la Cour a déjà jugé, comme l’indique la juridiction de renvoi, que les règles de compétence énoncées à l’article 31, paragraphe 1, de la CMR n’entrent pas en conflit avec le critère établi dans l’affaire TNT Express. Toutefois, comme l’observe la Commission, dans cet arrêt, la Cour avait examiné toutes les règles de compétence prévues à l’article 31, paragraphe 1, de la CMR (et qui sont citées au point 38 des présentes conclusions), à l’exception de la règle de compétence en cause en l’espèce (52).

123. Je comprends que c’est là la raison pour laquelle la juridiction de renvoi pose la question de savoir si la différence de traitement que la CMR (telle qu’interprétée, comme je le rappelle, par le tribunal de la Zélande et du Brabant occidental) semble appliquer aux accords d’élection de for, si on la compare au règlement no 1215/2012, fait naître un conflit avec les principes qui sous-tendent la coopération judiciaire en matière civile et commerciale au sein de l’Union.

124. Je ne le pense pas.

125. Tout d’abord, compte tenu de la position défendue par le tribunal de la Zélande et du Brabant occidental, il semble effectivement exister une différence entre la CMR et le règlement no 1215/2012 en ce qui concerne le régime applicable aux accords d’élection de for.

126. Je considère néanmoins qu’une telle différence ne constitue pas un problème en soi.

127. En effet, si la moindre différence avait pour résultat que le régime spécial s’efface devant le règlement no 1215/2012, l’article 71 de ce règlement serait vidé de tout sens. Aucun régime spécial s’écartant dudit règlement ne pourrait jamais être appliqué dans les relations juridiques internes à l’Union. Toutefois, un tel résultat ne saurait être retenu, au regard du libellé clair de cette disposition.

128. Il convient au contraire de ne refuser l’application de règles spécialisées, éventuellement différentes des règles prévues par le règlement no 1215/2012, que lorsqu’elles sont réellement en contradiction avec les principes rappelés dans l’arrêt TNT Express. En ce qui concerne les règles de compétence, les principes pertinents sont en substance, d’une part, le haut degré de prévisibilité des règles de compétence et la sécurité juridique pour les justiciables et, d’autre part, la bonne administration de la justice (53).

129. Je ne pense pas que l’un ou l’autre de ces principes soit mis en péril.

130. En premier lieu, je suis d’avis que, pour que le principe de prévisibilité élevée des règles de compétence soit respecté, il importe que le demandeur puisse facilement décider du lieu de l’action et que le défendeur puisse raisonnablement prévoir le lieu de l’action.

131. C’est, selon moi, le cas en vertu de l’article 31, paragraphe 1, de la CMR. On ne trouve dans cette disposition pas de règle vaguement libellée et prévoyant, par exemple, qu’un for approprié doive être déterminé au cas par cas à la lumière de toutes les circonstances et dans l’intérêt de la justice. Au contraire : l’article 31, paragraphe 1, de la CMR vise plusieurs sortes de lieux, clairement définis par des catégories générales et facilement compréhensibles (à savoir, et pour faire bref, le siège du défendeur, le lieu où les marchandises ont été prises en charge par le transporteur, le lieu désigné pour la livraison, ou l’accord conclu par les parties).

132. Or, le nœud du problème dans la présente affaire semble être le fait que la compétence, telle que réglée par la CMR (dans l’interprétation de celle-ci retenue par le tribunal de la Zélande et du Brabant occidental), lorsqu’elle est déterminée par un accord d’élection de for, ne devient pas exclusive. Au contraire, cette interprétation de la CMR semble préserver tous les autres choix de lieux prévus à l’article 31, paragraphe 1, de la CMR.

133. À cet égard, on pourrait certes soutenir que la présomption d’exclusivité conférée aux accords d’élection de for par le règlement no 1215/2012 renforce la sécurité juridique pour les justiciables (et surtout pour le défendeur) en ce qu’elle précise que lorsqu’un accord d’élection de for a été conclu, et sauf disposition contraire, les autres fors hypothétiques peuvent, en principe, être valablement exclus.

134. Je considère toutefois que la détermination du caractère exclusif ou non d’un for ainsi désigné est, en définitive, une question d’ordre politique sur laquelle des positions différentes peuvent être adoptées dans des ordres juridiques différents (et dans des domaines différents).

135. À cet égard, les auteurs d’une convention régissant une matière particulière, telle que la CMR, peuvent avoir eu de bonnes raisons d’insister sur la disponibilité de plusieurs fors au regard de la spécificité du secteur (54).

136. Je relève en outre que si le règlement no 1215/2012 établit la présomption d’exclusivité des accords d’élection de for, cette exclusivité n’est pas une règle absolue et les parties peuvent y déroger. Lorsque cela se produit, la situation s’apparente à celle qui résulte de l’article 31, paragraphe 1, de la CMR. Par ailleurs, le règlement no 1215/2012 limite lui-même l’effet des accords d’élection de for, car ces accords ne peuvent pas modifier le fonctionnement des règles de compétence dans certaines matières (55).

137. En second lieu, pour ce qui est de la bonne administration de la justice et du risque d’ouverture de procédures concurrentes, le fait de ne pas considérer comme exclusif un accord d’élection de for augmente, certes, ce risque. Cela dit, je note que l’article 31, paragraphe 2, de la CMR contient une règle de litispendance, qui – dans son expression générale – est comparable à celle figurant à l’article 29 du règlement no 1215/2012, en ce qu’elle vise, selon ma compréhension, à éviter le risque que des procédures se déroulent en parallèle et que soient prononcées des décisions de justice inconciliables (56).

138. Il est vrai que, contrairement au règlement no 1215/2012, la CMR ne contient pas de règles de litispendance qui seraient spécifiquement protectrices des accords d’élection de for (à l’instar de celles de l’article 31, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1215/2012). Mais cette différence est la conséquence logique du choix politique susmentionné de considérer la compétence résultant de tels accords comme une alternative, qu’il y a lieu de préserver parallèlement à d’autres règles envisageables.

139. Cette vue d’ensemble m’incite dès lors à considérer que l’article 71 du règlement no 1215/2012 et le critère énoncé dans l’arrêt TNT Express ne s’opposent pas à ce que la règle de compétence figurant à l’article 31, paragraphe 1, de la CMR soit interprétée en ce sens qu’une compétence résultant d’un accord d’élection de for ne peut pas être considérée comme étant exclusive.

140. Je rappelle que mon analyse dans la présente section n’a été effectuée que par souci d’exhaustivité et pour aborder le vif débat qui a eu lieu sur cette question dans le cadre de la présente procédure. Je réitère en particulier mes considérations précédentes, dont il découle que la compétence de la juridiction d’origine ne saurait être contrôlée par la juridiction de renvoi dans l’affaire au principal relative à la reconnaissance d’une décision de justice rendue dans un autre État membre.

V.      Conclusion

141. À la lumière des considérations exposées dans les présentes conclusions, je propose à la Cour d’apporter la réponse suivante aux questions préjudicielles posées par le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (Cour suprême de Lituanie) :

L’article 45, paragraphe 1, sous a), et l’article 45, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale

doivent être interprétés en ce sens que :

les motifs de refus de reconnaissance qui y sont énoncés ne s’appliquent pas à une situation dans laquelle la juridiction d’origine a établi sa compétence sur l’une parmi plusieurs règles figurant dans une convention spécialisée au sens de l’article 71 de ce règlement, lesquelles incluent – sans le qualifier d’« exclusif » – un accord d’élection de for, lorsque la juridiction d’origine n’était pas la juridiction désignée par l’accord d’élection de for conclu par les parties au litige.

De plus, l’article 45, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1215/2012

doit être interprété en ce sens que :

une erreur, fût-elle avérée, dans la détermination de la loi applicable ne saurait, en soi, conduire à un refus de reconnaissance d’une décision au motif qu’elle est contraire à l’ordre public de l’État requis.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1).


3      Arrêt du 4 mai 2010, TNT Express Nederland (C‑533/08, ci-après l’« arrêt TNT Express », EU:C:2010:243). Cet arrêt concernait le règlement qui a précédé le règlement no 1215/2012, à savoir le règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1). Ce dernier avait remplacé la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32, ci-après la « convention de Bruxelles de 1968 »). En vertu d’une jurisprudence constante, « dans la mesure où [le règlement no 1215/2012] abroge et remplace le règlement no 44/2001, lequel a lui-même remplacé la convention de Bruxelles de 1968, l’interprétation fournie par la Cour en ce qui concerne les dispositions de ces derniers instruments juridiques vaut également pour le règlement no 1215/2012 lorsque ces dispositions peuvent être qualifiées d’“équivalentes” ». Voir, par exemple, arrêt du 10 mars 2022, BMA Nederland (C‑498/20, EU:C:2022:173, point 27).


4      Signée à Genève le 19 mai 1956, Recueil des traités des Nations unies, vol. 399, p. 189 ; telle que modifiée par le protocole signé à Genève le 5 juillet 1978, Recueil des traités des Nations unies, vol. 1208, p. 427, ainsi que par le protocole additionnel concernant la lettre de voiture électronique signé à Genève le 20 février 2008, Recueil des traités des Nations unies, vol. 2762, p. 23.


5      La juridiction de renvoi relève que le texte officiel de la CMR en langue lituanienne n’est pas exact par rapport aux versions rédigées dans d’autres langues.


6      Je note que certaines des versions de la CMR accessibles au public ne semblent pas contenir l’expression « et ne peut saisir que ces juridictions » figurant tout à la fin de l’article 31, paragraphe 1, de cette convention. En tout état de cause, cette expression est bien présente dans la version faisant foi, disponible dans le Recueil des traités des Nations unies.


7      Voir également, plus en détail, note en bas de page 13 des présentes conclusions.


8      L’article 23, paragraphe 1, de la CMR énonce que « [q]uand, en vertu des dispositions de la présente Convention, une indemnité pour perte totale ou partielle de la marchandise est mise à la charge du transporteur, cette indemnité est calculée d’après la valeur de la marchandise au lieu et à l’époque de la prise en charge ». L’article 23, paragraphe 3, de la CMR ajoute que « [t]outefois, l’indemnité ne peut dépasser 8,33 unités de compte par kilogramme du poids brut manquant ».


9      Comme cela a été expliqué en détail au point 20 des présentes conclusions.


10      Gjensidige fait valoir que les deux actions n’ont pas le même objet et considère qu’elles n’impliquent pas les mêmes parties. Il ressort de la décision de renvoi que la juridiction de renvoi considère que les conditions de la litispendance sont remplies. Ainsi que cette juridiction le souligne à juste titre, une action déclaratoire négative et une action récursoire formée au titre du même dommage sont à considérer comme ayant la même cause aux fins de l’application de la règle de litispendance de l’article 29 du règlement no 1215/2012. Voir arrêt du 19 décembre 2013, Nipponkoa Insurance (C‑452/12, ci-après l’« arrêt Nipponkoa », EU:C:2013:858, points 40 à 49), qui concernait la disposition correspondante du règlement no 44/2001, ou arrêt du 6 décembre 1994, Tatry (C‑406/92, ci-après l’« arrêt Tatry », EU:C:1994:400, point 44).


11      L’article 31, paragraphe 1, de la CMR se réfère plus particulièrement à la résidence habituelle de la défenderesse, à son siège principal et à la succursale ou à l’agence par l’intermédiaire de laquelle le contrat de transport a été conclu.


12      Voir point 23 des présentes conclusions. Les positions des parties contractantes à la CMR semblent diverger sur cette question. Voir point 7.3 des rapports rédigés par l’Institut du Droit International des Transports sur l’application de l’article 31 de la CMR, qui peuvent être consultés à l’adresse suivante : https://www.idit.fr/rapports-pays/index.php?lang=fr. Voir également Commentary on the Convention of 19 May 1956 on the Contract for the International Carriage of Goods by Road (CMR), Nations unies, 1975, paragraphe 240, p. 64 (ECE/TRANS/14).


13      Sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il ressort du dossier que les marchandises en cause devaient être transportées des Pays-Bas vers la Lituanie. Tous les autres éléments de rattachement rappelés au point 38 des présentes conclusions semblent au contraire conduire à la compétence des juridictions lituaniennes.


14      Voir note en bas de page 8 des présentes conclusions.


15      Voir, à cet égard, conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire TNT Express Nederland (C‑533/08, ci-après les « conclusions dans l’affaire TNT Express », EU:C:2010:50, point 22). Il ressort du dossier que des différences à cet égard existent également entre la jurisprudence néerlandaise et la jurisprudence lituanienne.


16      Conclusions dans l’affaire TNT Express, point 22.


17      Je note que, conformément à l’article 25, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012, un accord d’élection de for est exclusif, sauf indication contraire.


18      Cremona, M., « The Internal Market and Private International Law Regimes : A Comment on Case C‑533/08 TNT Express Nederland BV v AXA Versicherung AG, Judgment of the Court (Grand Chamber) of 4 May 2010 », EUI Department of Law Working Paper, no 2014/08, juillet 2014, p. 12. Le considérant 35 du règlement no 1215/2012 énonce : « Le respect des engagements internationaux souscrits par les États membres justifie que le présent règlement n’affecte pas les conventions auxquelles les États membres sont parties et qui portent sur des matières spéciales ».


19      Arrêt TNT Express, point 47.


20      Arrêt Tatry, point 24. Voir, également, arrêt TNT Express, point 48 et jurisprudence citée, ainsi que conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire Brite Strike Technologies (C‑230/15, EU:C:2016:366, point 31). Ce raisonnement était sans doute particulièrement présent dans l’article 57 de la convention de Bruxelles de 1968. Cette disposition, en cause dans l’arrêt Tatry, était le précurseur de l’article 71 du règlement no 44/2001 et s’en distinguait uniquement (mais de manière importante) en ce qu’elle préservait la possibilité pour les États membres de conclure, dans le futur, de telles conventions spécialisées. Voir arrêt TNT Express, point 38.


21      Cité à la note en bas de page 3 des présentes conclusions.


22      Conclusions dans l’affaire TNT Express, point 27.


23      Arrêt TNT Express, point 56.


24      Arrêt TNT Express, point 51.


25      Se référant aux sixième, onzième, douzième et quinzième à dix‑septième considérants du règlement no 44/2001, la Cour a identifié ces principes comme ceux de libre circulation des décisions en matière civile et commerciale, de prévisibilité des juridictions compétentes et, partant, de sécurité juridique pour les justiciables, de bonne administration de la justice, de minimisation du risque de procédures concurrentes, ainsi que de confiance réciproque dans la justice au sein de l’Union. Voir arrêt TNT Express, point 49.


26      Cremona, M., cité à la note en bas de page 18 des présentes conclusions, p. 6.


27      Kuijper, P. J., « The Changing Status of Private International Law Treaties of the Member States in Relation to Regulation No. 44/2001 », Legal Issues of Economic Integration, 2011, p. 89 à 104, p. 99.


28      Voir également Attal, M., « Droit international privé communautaire et conventions internationales : une délicate articulation », Petites affiches, no 238, 2010, p. 22.


29      Kuijper, P. J., cité à la note en bas de page 27 des présentes conclusions, p. 102. Voir, à titre de point de vue différent, Cremona, M., cité à la note en bas de page 18, p. 6.


30      Rappelée dans les arrêts Nipponkoa, points 36 à 39 ; du 4 septembre 2014, Nickel & Goeldner Spedition (C‑157/13, ci-après l’« arrêt Nickel & Goeldner Spedition », EU:C:2014:2145, point 38), et du 14 juillet 2016, Brite Strike Technologies (C‑230/15, ci-après l’« arrêt Brite Strike Technologies », EU:C:2016:560, point 65).


31      Voir également, dans le contexte du règlement no 44/2001, arrêt du 16 juillet 2015, Diageo Brands (C‑681/13, ci-après l’« arrêt Diageo Brands », EU:C:2015:471, point 40 et jurisprudence citée).


32      C’est ce que confirme la jurisprudence constante de la Cour. Voir, récemment, arrêt du 7 avril 2022, H Limited (C‑568/20, ci-après l’« arrêt H Limited », EU:C:2022:264, point 31 et jurisprudence citée). Dans le contexte du règlement no 44/2001, voir arrêts du 28 avril 2009, Apostolides (C‑420/07, EU:C:2009:271, point 49), et du 15 novembre 2012, Gothaer Allgemeine Versicherung e.a. (C‑456/11, EU:C:2012:719, point 35 et jurisprudence citée). Dans le contexte de la convention de Bruxelles de 1968, voir arrêt du 28 mars 2000, Krombach (C‑7/98, EU:C:2000:164, point 31).


33      Arrêt TNT Express, point 63.


34      Je partage l’idée que la situation n’est pas différente de celle où la Cour est appelée, dans le cadre d’une procédure d’interprétation du droit de l’Union fondée sur l’article 267 TFUE, à prendre en compte des dispositions de droit interne afin de déterminer si le droit de l’Union s’y oppose. Voir conclusions dans l’affaire TNT Express, points 76 et 78. La situation ne se distingue pas non plus des cas dans lesquels la Cour prend en compte le contenu des conventions internationales au sens de l’article 351 TFUE afin d’établir s’il y a lieu pour les États membres d’éliminer les « incompatibilités » au titre de cette disposition.


35      Pour rappel, cette convention date de 1956 et a été modifiée en 1978 et en 2008 (voir note en bas de page 4 des présentes conclusions). Ces modifications ne sont pas pertinentes aux fins de la présente affaire.


36      Voir, à cet égard, conclusions dans l’affaire TNT Express, point 93.


37      Arrêt TNT Express, point 55.


38      Voir, par exemple, Lamont-Black, S., « The UK Supreme Court on jurisdiction over successive CMR Convention carriers and European Union rules », Uniform Law Review, vol. 21, no 4, 2016, p. 487 à 509, p. 498, ainsi que Kuijper, P. J., cité à la note en bas de page 27 des présentes conclusions, p. 99 (qui souligne néanmoins que cette conclusion n’était pas tout à fait certaine).


39      Voir également article 71, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 1215/2012.


40      Ainsi qu’il découle de l’article 25, paragraphe 4, du règlement no 1215/2012, aux termes duquel « [l]es conventions attributives de juridiction [...] sont sans effet [...] si les juridictions à la compétence desquelles elles dérogent sont exclusivement compétentes en vertu de l’article 24 ».


41      Arrêt du 13 juillet 2000, Group Josi (C‑412/98, EU:C:2000:399, point 46), dans le contexte de l’article 16 de la convention de Bruxelles de 1968. Voir également, à titre d’exemple, conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Apostolides (C‑420/07, EU:C:2008:749, point 83), concernant la compétence juridictionnelle pour des litiges portant sur des droits réels immobiliers.


42      Il découle de ces dispositions que, en cas de procédures parallèles, dont l’une est pendante devant la juridiction saisie sur la base d’un accord d’élection de for, toute juridiction d’un autre État membre doit s’abstenir de statuer lorsque la juridiction désignée confirme qu’elle est compétente et sauf si cette juridiction déclare que tel n’est pas le cas. Voir, également, considérant 22 du règlement no 1215/2012.


43      Voir arrêt H Limited, point 31, ou, dans le cadre du règlement no 44/2001, arrêt du 23 octobre 2014, flyLAL-Lithuanian Airlines (C‑302/13, ci-après l’« arrêt flyLAL-Lithuanian Airlines », EU:C:2014:2319, point 46 et jurisprudence citée). Voir également considérant 30 du règlement no 1215/2012, que le gouvernement lituanien rappelle à juste titre, selon lequel « la reconnaissance d’une décision ne devrait être refusée qu’en présence d’un ou de plusieurs des motifs de refus prévus par le présent règlement ».


44      Ainsi que le relève la juridiction de renvoi, la violation alléguée des règles de compétence peut être contestée au moyen des voies de recours ouvertes dans l’État membre de la juridiction concernée.


45      Il s’agit des sections 3, 4 ou 5 du chapitre II du règlement no 1215/2012.


46      Voir points 41 à 43 des présentes conclusions.


47      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (JO 2008, L 177, p. 6).


48      Voir, par exemple, arrêt flyLAL-Lithuanian Airlines, point 47 et jurisprudence citée.


49      Arrêt du 28 avril 2009, Apostolides (C‑420/07, EU:C:2009:271, point 55 et jurisprudence citée), dans le contexte de l’article 34, paragraphe 1, du règlement no 44/2001.


50      Voir l’arrêt Diageo Brands, point 44 et jurisprudence citée.


51      Voir, à cet égard, arrêt flyLAL-Lithuanian Airlines, point 48 et jurisprudence citée.


52      Arrêt Nickel & Goeldner Spedition, points 39 à 41.


53      Je relève que la Cour a rappelé, au point 53 de son arrêt TNT Express, comme principes pertinents – pour la question de la compétence – ceux du haut degré de prévisibilité, de la bonne administration de la justice et de la réduction au minimum du risque de procédures concurrentes. Au point 65 de l’arrêt Brite Strike Technologies, ces principes concernent la sécurité juridique pour les justiciables et la bonne administration de la justice.


54      Je note qu’une flexibilité similaire semble également être recherchée par l’article 21 de la Convention des Nations unies sur le transport de marchandises par mer, Recueil des traités des Nations unies, 1978, vol. 1695, p. 3, ou encore par l’article 46, paragraphe 1, des Règles uniformes concernant le Contrat de transport international ferroviaire des marchandises (CIM), disposition fort semblable à l’article 31, paragraphe 1, de la CMR.


55      Voir articles 15, 19 et 23 ainsi qu’article 25, paragraphe 4, du règlement no 1215/2012.


56      Ces dispositions sont reproduites aux points 9, 15 et 16 des présentes conclusions.