Language of document : ECLI:EU:T:2012:704

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

18 décembre 2012 (*)

« Recours en annulation – Aides d’État – Délai de recours – Tardiveté – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑205/11,

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. T. Henze et J. Möller, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. R. Lyal, T. Maxian Rusche et M. Adam, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2011/527/UE de la Commission, du 26 janvier 2011, concernant l’aide d’État de l’Allemagne C 7/10 (ex CP 250/09 et NN 5/10) au titre de la clause d’assainissement prévue par la loi relative à l’impôt sur les sociétés (« KStG, Sanierungsklausel ») (JO L 235, p. 26),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. L. Truchot, président, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. A. Popescu (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Par lettres des 5 août et 30 septembre 2009, la Commission des Communautés européennes a demandé à la République fédérale d’Allemagne des renseignements sur l’article 8c du Körperschaftsteuergesetz (loi relative à l’impôt sur les sociétés) prévoyant une mesure fiscale appelée « Sanierungsklausel » (clause d’assainissement). Les autorités allemandes ont répondu à cette demande par lettres des 20 août et 5 novembre 2009.

2        Par décision du 24 février 2010 (JO C 90, p. 8), la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE à l’égard de la mesure fiscale en cause et les parties intéressées ont été invitées à présenter leurs observations. Par lettre du 9 avril 2010, les autorités allemandes ont transmis leurs observations à la Commission. À la suite de deux réunions entre les services de la Commission et les autorités allemandes, tenues les 9 avril et 3 juin 2010, la République fédérale d’Allemagne a transmis, le 2 juillet 2010, des renseignements supplémentaires.

3        Le 26 janvier 2011, la Commission a adopté la décision 2011/527/UE concernant l’aide d’État de l’Allemagne C 7/10 (ex CP 250/09 et NN 5/10) au titre de la clause d’assainissement prévue par la loi relative à l’impôt sur les sociétés (« KStG, Sanierungsklausel ») (JO L 235, p. 26, ci-après la « décision attaquée »).

 Procédure et conclusions des parties

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 avril 2011, la République fédérale d’Allemagne a introduit le présent recours.

5        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 28 juin 2011, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal. La République fédérale d’Allemagne a déposé ses observations sur cette exception le 22 août 2011.

6        La République fédérale d’Allemagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, annuler partiellement la décision attaquée, pour autant que la Commission indique dans l’article 2 de ladite décision que les aides accordées sont globalement incompatibles avec le marché intérieur et doivent être restituées en totalité, dès lors que leur montant excède 500 000 euros ;

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et poursuivre la procédure ;

–        à titre subsidiaire, joindre l’exception au fond ;

–        condamner la Commission aux dépens.

7        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        statuer sur l’irrecevabilité du recours conformément à l’article 114 du règlement de procédure ;

–        condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.

8        La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

9        Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, le Tribunal (huitième chambre) a invité les parties à répondre, par écrit, à certaines questions. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

 En droit

10      Selon l’article 114 du règlement de procédure, si une partie demande que le Tribunal statue sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond, la suite de la procédure sur l’exception d’irrecevabilité est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

11      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en conséquence, qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

12      À l’appui de son exception d’irrecevabilité, la Commission fait valoir que le présent recours est irrecevable au motif qu’il a été introduit tardivement, la décision attaquée ayant été notifiée à la République fédérale d’Allemagne le 27 janvier 2011.

13      Aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification à la partie requérante ou, à défaut, du jour où celle-ci en a eu connaissance. En l’occurrence, le délai de recours est à compter à partir de la notification de la décision attaquée, ce qui n’est pas contesté par la République fédérale d’Allemagne. Conformément aux dispositions de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, ce délai doit être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

14      En outre, il ressort de la jurisprudence qu’il appartient à la partie qui se prévaut de la tardiveté d’une requête de démontrer à partir de quel jour le délai pour former cette requête a commencé à courir (voir arrêt de la Cour du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, Rec. p. I‑5829, point 70, et la jurisprudence citée).

15      Il y a lieu de relever, à l’instar de la République fédérale d’Allemagne, que les conditions d’une notification régulière d’une décision prise en application de l’article 7 du règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 83, p. 1), telle que la décision attaquée, ne sont pas définies dans ledit règlement.

16      En l’espèce, afin de prouver que la décision attaquée a été notifiée à la République fédérale d’Allemagne le 27 janvier 2011, la Commission produit une copie de la lettre de transmission de ladite décision, sur laquelle ont été apposés deux cachets. Le premier cachet porte les mentions « Accusé de réception », « Nom (en caractères d’imprimerie) », « Reçu le … à … heures », « Reçu par téléfax le … à … heures » et « Signature », lesquelles mentions n’ont pas été complétées, tandis que le second cachet est un cachet de réception de la représentation permanente de la République fédérale d’Allemagne auprès de l’Union européenne (ci-après la « représentation permanente allemande ») portant la date du 27 janvier 2011.

17      À cet égard, la République fédérale d’Allemagne ne conteste pas le mode de notification utilisé en l’espèce, caractérisé par le dépôt du courrier en cause, par coursier, à la représentation permanente allemande.

18      Par ailleurs, la République fédérale d’Allemagne ne remet pas en cause le fait que la Commission a déposé, par coursier, le 27 janvier 2011, à la représentation permanente allemande, le courrier transmettant la décision attaquée. Elle ne conteste pas, en outre, que la Commission soit en possession d’un accusé de réception se présentant, notamment, sous la forme d’un cachet de réception de la représentation permanente allemande, daté du 27 janvier 2011 et apposé sur la lettre de transmission de la décision attaquée.

19      Par conséquent, il y a lieu de conclure que, ainsi que la Commission le soutient, elle a prouvé que la décision attaquée a été valablement notifiée à la République fédérale d’Allemagne le 27 janvier 2011. Le document produit par la Commission, revêtu du cachet de réception de la représentation permanente allemande daté du 27 janvier 2011, permet, en effet, de considérer que, en l’espèce, le courrier en cause a été remis à son destinataire à cette date. Il s’ensuit que la République fédérale d’Allemagne était, à cette date, en mesure de prendre connaissance du contenu dudit courrier et, partant, de la teneur de la décision attaquée.

20      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la République fédérale d’Allemagne visant à contester la régularité de la notification de la décision attaquée à la date du 27 janvier 2011, ainsi que la preuve de cette notification par la Commission, et à soutenir que le délai de recours court à partir du 28 janvier 2011. Au soutien de son argumentation, la République fédérale d’Allemagne produit, à l’annexe de la requête et de ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, deux copies de la lettre de transmission de la décision attaquée sur laquelle a été apposé un cachet de réception de la représentation permanente allemande comportant la date du 28 janvier 2011, ainsi qu’une colonne contenant un signe et des chiffres.

21      À titre liminaire, il y a lieu de constater que, si sur la copie, produite à l’annexe de la requête, les chiffres « 2 » et « 8 » sont partiellement manuscrits, alors que sur la copie, produite à l’annexe des observations sur l’exception d’irrecevabilité, ils apparaissent en caractères d’imprimerie, les dates figurant sur les deux copies sont identiques. Il en résulte que, contrairement à l’allégation de la Commission, la date apparaissant sur la copie produite à l’annexe de la requête n’a pas été modifiée.

22      En premier lieu, la République fédérale d’Allemagne prétend que la jurisprudence a fixé certaines conditions devant être respectées afin qu’une notification d’une décision puisse être considérée comme étant régulière. La République fédérale d’Allemagne invoque à cet égard l’arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission (T‑374/94, T‑375/94, T‑384/94 et T‑388/94, Rec. p. II‑3141), lequel aurait établi l’exigence de la réception du courrier concerné par une personne habilitée à cet effet.

23      Cette argumentation de la République fédérale d’Allemagne doit être rejetée en ce qu’elle est fondée sur une interprétation des exigences définies par le juge de l’Union dans l’arrêt European Night Services e.a./Commission, précité, en matière de notification de décisions de la Commission, qui n’est pas transposable en l’espèce.

24      Ainsi que la Commission le relève à juste titre, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt European Night Services e.a./Commission, précité, la notification de la décision de la Commission en cause avait été effectuée, à la différence de la situation en l’espèce, à un destinataire autre qu’un État membre, par un envoi recommandé avec avis de réception postal et la condition de validité de la notification, consistant en la remise du courrier en cause à une personne habilitée à recevoir le courrier, découlait de la réglementation nationale applicable dans cette affaire.

25      Par conséquent, la règle découlant de l’arrêt European Night Services e.a./Commission, précité, selon laquelle, il appartient à la Commission de s’assurer, aux fins de la régularité de la notification de la décision attaquée, que la personne à laquelle le courrier en cause a été remis à la représentation permanente allemande et qui a apposé le cachet de réception de celle-ci était habilitée, selon les règles d’organisation interne de cette représentation permanente, à recevoir le courrier n’est pas applicable en l’espèce.

26      Il en résulte que, si tant est que la République fédérale d’Allemagne entende soutenir qu’il appartient à la Commission de prouver que la personne à laquelle le courrier en cause a été remis à la représentation permanente allemande était habilitée à recevoir le courrier, la Commission n’est pas tenue de rapporter une telle preuve.

27      En deuxième lieu, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que la Commission recourt, à son égard, à une pratique constante pour notifier les décisions fondées sur l’article 7 du règlement n° 659/1999, telles que la décision attaquée et qu’elle peut pas s’en écarter, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité juridique. Dans le cadre de cette pratique, la Commission utiliserait un récépissé séparé sur lequel devraient être portés la date, le nom en caractères d’imprimerie de la personne prenant réception du courrier concerné, « le tampon ou le cachet, ainsi que la signature ». En l’espèce, cette pratique n’aurait pas été respectée, car l’accusé de réception, qui prend la forme d’un cachet apposé sur la copie de la lettre de transmission de la décision attaquée produite par la Commission, serait différent de celui habituellement utilisé par cette institution et ne serait ni rempli ni signé. La République fédérale d’Allemagne soutient que, dès lors, la notification de la décision attaquée ne peut pas être considérée comme ayant été valablement effectuée le 27 janvier 2011.

28      Il convient de relever que, si la République fédérale d’Allemagne soutient que l’accusé de réception, utilisé en l’espèce, se présentant sous la forme d’un cachet apposé sur un double de la lettre de transmission de la décision attaquée, est différent de celui habituellement utilisé par la Commission, lequel serait un récépissé distinct, elle ne développe aucune argumentation particulière à cet égard et n’apporte pas d’éléments prouvant le caractère inhabituel d’un tel accusé de réception. Elle précise, en outre, que l’accusé de réception utilisé en l’espèce constitue la preuve de la pratique constante de la Commission selon laquelle, « que ce soit sur un récépissé distinct ou en tous les cas sur le double de la lettre de notification préparé à cet effet », les champs pour la date, le nom et la signature doivent être remplis lors de la remise du courrier concerné. Il convient, dès lors, de comprendre que, par son argumentation relative à l’existence d’une prétendue pratique de la Commission en matière de notification des décisions telles que la décision attaquée, la République fédérale d’Allemagne ne conteste pas tant l’utilisation d’un accusé de réception différent de celui prétendument habituellement utilisé par la Commission que le fait que les champs pour la date, le nom et la signature n’aient pas été remplis.

29      Toutefois, l’allégation par la République fédérale d’Allemagne de l’existence d’une pratique constante de la Commission selon laquelle, quelle que soit sa forme, les champs de l’accusé de réception prévus pour la date, le nom et la signature doivent être remplis ne saurait prospérer aux fins de l’examen de la régularité de la notification de la décision attaquée.

30      Premièrement, la Commission conteste l’existence d’une telle pratique.

31      Dans sa réponse à la question du Tribunal posée dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure (voir point 9 ci-dessus), la Commission a décrit sa pratique concernant la notification des décisions prises en application de l’article 7 du règlement n° 659/1999 aux États membres destinataires desdites décisions. Elle a ainsi indiqué qu’un bordereau était établi et que, sur une copie de celui-ci, était apposé un cachet portant la mention « Accusé de réception », ainsi que les champs « Nom (en caractères d’imprimerie) », « Reçu le … à … heures », « Reçu par téléfax le … à … heures » et « Signature ». L’original du bordereau, le texte de la décision concernée et la copie du bordereau seraient remis, par un coursier de la Commission, à un agent de la représentation permanente auprès de l’Union de l’État membre concerné, lequel en confirmerait la réception en apposant le cachet de réception de la représentation permanente sur la copie du bordereau. Cette copie serait ensuite archivée par la Commission. Ce ne serait que dans le cas où la personne à laquelle le courrier est remis ne disposerait pas du cachet de réception de la représentation permanente qu’il lui serait demandé, par le coursier de la Commission, de remplir les champs du cachet portant la mention « Accusé de réception ».

32      À cet égard, il convient de relever que le mécanisme de notification des décisions de cette institution aux représentations permanentes auprès de l’Union des États membres présuppose que le cachet de réception dont les représentations permanentes font usage sont utilisés par des personnes habilitées à recevoir le courrier, selon les règles internes à l’État membre en cause.

33      Par conséquent, selon la pratique décrite par la Commission, l’apposition du cachet de réception de la représentation permanente allemande sur la copie de la lettre de transmission de la décision attaquée suffisait à établir que le courrier avait été valablement réceptionné par son destinataire à la date mentionnée sur ledit cachet, sans que la Commission soit tenue d’exiger que le nom et la signature de la personne à laquelle le courrier était remis soient mentionnés sur le cachet de réception ou sur le cachet portant la mention « Accusé de réception » figurant sur la même page.

34      Deuxièmement, la République fédérale d’Allemagne, entendant faire prévaloir l’existence d’une pratique constante différente de celle décrite par la Commission et selon laquelle les champs de l’accusé de réception pour la date, le nom et la signature seraient remplis en toutes circonstances, même lorsque le cachet de la représentation permanente allemande a été apposé sur le document remis à la Commission, la charge de la preuve de l’existence d’une telle pratique lui incombe, contrairement à ses affirmations. Or, en l’espèce, la République fédérale d’Allemagne n’a pas apporté une telle preuve.

35      À cet égard, contrairement à l’allégation de la République fédérale d’Allemagne, la présence du cachet « Accusé de réception » sur la copie de la lettre de transmission de la décision attaquée, produite par la Commission, ne constitue pas la preuve de la pratique invoquée par la République fédérale d’Allemagne. Selon la pratique décrite par la Commission (voir point 31 ci-dessus), ce cachet est, en effet, systématiquement apposé sur la copie du bordereau, mais n’est rempli que si le cachet de réception de la représentation permanente auprès de l’Union de l’État membre concerné ne peut pas être apposé sur la même page.

36      Par ailleurs, la référence à l’exigence de la signature de l’avocat sur les pièces de procédure déposées auprès du juge de l’Union est dépourvue de pertinence aux fins de démontrer l’existence de la pratique de la Commission que la République fédérale d’Allemagne lui attribue, dans la mesure où, en l’espèce, il s’agit de la réception d’un document notifié par la Commission à un État membre, et non du dépôt d’un acte de procédure. De plus, il convient de rappeler que le dépôt d’un acte de procédure auprès du juge de l’Union est soumis à l’exigence d’une signature en vertu, notamment, de l’article 43 du règlement de procédure. Or, la République fédérale d’Allemagne n’invoque aucune disposition légale imposant l’exigence d’une signature dans le cas d’une notification aux représentations permanentes auprès de l’Union des États membres.

37      De surcroît, il y a lieu de rejeter l’argument de la République fédérale d’Allemagne selon lequel l’existence de la pratique attribuée à la Commission est confortée par le fait qu’elle permettrait d’établir que le courrier en cause a été remis à une personne habilitée à cet effet. Cet argument est, en effet, fondé sur la prémisse erronée selon laquelle il découlerait de l’arrêt European Night Services e.a./Commission, précité, que, en l’espèce, le courrier en cause devait être réceptionné par une personne habilitée, selon les règles d’organisation interne de la représentation permanente allemande, à recevoir le courrier (voir points 23 à 25 ci‑dessus).

38      En tout état de cause, il convient de relever que la République fédérale d’Allemagne ne soutient pas que, dans le cadre de la pratique constante attribuée à la Commission, cette institution aurait été en mesure de vérifier, en l’espèce, la qualité de la personne réceptionnant le courrier en cause. La République fédérale d’Allemagne fait valoir, en effet, que seul le cachet de réception de la représentation permanente allemande, daté du 28 janvier 2011 et rempli de manière manuscrite par un agent de cette représentation permanente, clairement identifiable et habilité à réceptionner le courrier, prouve la réception du courrier en cause en l’espèce. Toutefois, la République fédérale d’Allemagne n’explique pas de quelle manière la Commission pouvait vérifier que la personne réceptionnant le courrier en cause à la représentation permanente allemande était habilitée à recevoir le courrier, selon les règles d’organisation internes de la représentation permanente allemande, ainsi que, le cas échéant, la signature de cette personne. La Commission précise qu’elle n’était pas en mesure de procéder à une telle vérification.

39      Par conséquent, comme la Commission le fait valoir à juste titre, suivre l’argumentation invoquée en l’espèce par la République fédérale d’Allemagne conduirait à permettre à cette dernière de déterminer, en vertu de règles d’organisation internes de sa représentation permanente, la date de la notification du courrier en cause, sans tenir compte de la date à laquelle celle-ci aura été en mesure de prendre connaissance du contenu dudit courrier et, de ce fait, de la teneur de la décision attaquée.

40      Or, la validité de la notification de la décision attaquée à la République fédérale d’Allemagne, et subséquemment la détermination du point de départ du délai de recours, ne peut pas dépendre de règles d’organisation internes de la représentation permanente allemande, eu égard à l’objectif de la réglementation de l’Union en matière de délais de recours, qui est de concilier l’exigence de sécurité juridique et la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice (ordonnance de la Cour du 16 octobre 2010, Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Commission, C‑73/10 P, Rec. p. I‑11535, point 52).

41      En troisième lieu, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que, indépendamment de la question de la charge de la preuve, l’absence de signature ou d’un paraphe constitue un vice de forme grave et substantiel, lequel empêcherait de considérer que la notification de la décision attaquée est intervenue de manière régulière.

42      Premièrement, comme la Commission le relève à bon droit, la République fédérale d’Allemagne ne précise pas le fondement juridique d’une telle exigence formelle.

43      En outre, la République fédérale d’Allemagne n’a pas établi l’existence de la pratique constante qu’elle attribue à la Commission et selon laquelle une signature serait exigée au moment de la notification des décisions telles que la décision attaquée (voir points 34 à 41 ci-dessus).

44      Deuxièmement, l’argument de la République fédérale d’Allemagne selon lequel il est impossible, en l’absence de signature, d’identifier la personne ayant réceptionné le courrier en cause et de vérifier, dès lors, si les conditions de forme de la notification d’une décision de la Commission, définies par la jurisprudence, ont bien été respectées est fondé sur la prémisse erronée selon laquelle de telles conditions de forme auraient été établies par l’arrêt European Night Services e.a./Commission, précité, et seraient applicables en l’espèce (voir points 23 à 25 ci-dessus).

45      En tout état de cause, la République fédérale d’Allemagne ne soutient pas que, en l’espèce, la Commission aurait été en mesure de vérifier la signature de la personne à laquelle le courrier en cause a été remis à la représentation permanente allemande.

46      Troisièmement, il y a lieu de relever que, bien que le cachet « Accusé de réception » figurant sur le document produit par la Commission, à l’annexe de son exception d’irrecevabilité, ne comporte pas de signature ou de paraphe, il est apposé sur la même page que le cachet de réception de la représentation permanente allemande. À cet égard, comme la Commission le fait valoir à juste titre, l’utilisation du cachet de réception de la représentation permanente allemande relève des règles d’organisation interne de celle-ci et de la responsabilité de l’État membre concerné et un tel cachet ne peut pas être considéré comme étant un cachet anonyme, comme la République fédérale d’Allemagne semble l’indiquer.

47      En quatrième lieu, dans l’hypothèse où la République fédérale d’Allemagne contesterait l’absence de mentions sur le cachet de réception de la représentation permanente allemande, telles que les mentions apparaissant sur le cachet de réception, daté du 28 janvier 2011 et apposé sur les copies de la lettre de transmission de la décision attaquée produites à l’annexe de la requête et des observations sur l’exception d’irrecevabilité, il convient de relever que la République fédérale d’Allemagne invoque « la réception et le traitement, le 28 janvier 2011, par le préposé responsable du courrier entrant ». Ces mentions étant ainsi liées à l’enregistrement interne du courrier concerné, leur absence sur le cachet du 27 janvier 2011 est dépourvue de pertinence afin d’apprécier la validité de la notification par la Commission.

48      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que, en l’espèce, la validité de la notification de la décision attaquée et la preuve de cette notification n’étaient pas soumises à l’exigence que la Commission produise un accusé de réception comportant, notamment, outre la date, le nom et la signature de la personne ayant réceptionné le courrier, celle-ci devant, de surcroît, être habilitée à recevoir le courrier, selon les règles d’organisation interne de la représentation permanente allemande.

49      Par conséquent, la Commission ayant prouvé que la décision attaquée a été valablement notifiée à la République fédérale d’Allemagne le 27 janvier 2011 (voir point 19 ci-dessus), le délai de recours a commencé à courir à compter de cette date.

50      À cet égard, dans sa réponse aux questions du Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, la République fédérale d’Allemagne fait valoir, en substance, que, de manière générale, il convient de retenir comme date de la notification et point de départ du délai de recours le jour ouvré suivant le jour au cours duquel le document en cause est parvenu dans les locaux du destinataire, celui-ci étant alors effectivement en mesure de prendre connaissance dudit document. Cette argumentation ne reposant que sur des considérations liées à l’organisation interne du destinataire, elle doit être rejetée.

51      Par conséquent, le délai de recours en l’espèce, ayant commencé à courir à compter du 27 janvier 2011, a expiré, en application des dispositions combinées de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, de l’article 101 et de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, le mercredi 6 avril 2011 à minuit.

52      Il s’ensuit que, la République fédérale d’Allemagne ayant introduit le présent recours par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 avril 2011, celui-ci a été introduit après l’expiration du délai de recours.

53      Par ailleurs, la République fédérale d’Allemagne n’a pas établi ni même invoqué l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure qui permettrait de déroger au délai en question sur le fondement de l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53 dudit statut, ni entendu se prévaloir d’une erreur excusable.

54      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le présent recours est irrecevable et doit, dès lors, être rejeté.

 Sur les dépens

55      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République fédérale d’Allemagne ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République fédérale d’Allemagne est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 18 décembre 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       L. Truchot


* Langue de procédure : l’allemand.