Language of document : ECLI:EU:T:2002:272

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

12 novembre 2002 (1)

«Fonctionnaires - Rémunération - Allocation pour enfant à charge et allocation scolaire versées au parent titulaire de la garde de l'enfant - Refus de reconnaître à l'autre parent le bénéfice des allocations aux fins du calcul de l'abattement fiscal et de l'indemnité de dépaysement - Intérêts moratoires»

Dans l'affaire T-271/01,

José Manuel López Cejudo, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes G. Vandersanden et L. Levi, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, l'annulation de la décision de la Commission refusant de reconnaître au requérant, pour la période allant d'octobre 2000 à juillet 2001, le bénéfice de l'allocation pour enfant à charge et de l'allocation scolaire aux fins du calcul de l'abattement fiscal et de l'indemnité de dépaysement, ainsi que, d'autre part, une demande d'intérêts moratoires sur les sommes indûment récupérées ou non versées,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. R. M. Moura Ramos, président, J. Pirrung et A. W. H. Meij, juges,

greffier: M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 25 juin 2002,

rend le présent

Arrêt

Cadre réglementaire et faits à l'origine du litige

1.
    Le premier paragraphe de l'article 2 de l'annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») dispose que le fonctionnaire ayant un ou plusieurs enfants à charge bénéficie, dans les conditions énumérées aux paragraphes 2 et 3 du même article, d'une allocation mensuelle pour chaque enfant à sa charge.

2.
    D'après le paragraphe 2 de cet article, est «considéré comme enfant à charge, l'enfant légitime, naturel ou adoptif du fonctionnaire ou de son conjoint, lorsqu'il est effectivement entretenu par le fonctionnaire.»

3.
    Conformément au paragraphe 6 de cet article:

«L'enfant à charge au sens du présent article n'ouvre droit qu'à une seule allocation pour enfant à charge, même si les parents relèvent de deux institutions différentes des trois Communautés européennes.»

4.
    Le paragraphe 7 du même article dispose:

«Lorsque l'enfant à charge, au sens des paragraphes 2 et 3, est confié, en vertu de dispositions légales ou par décision de justice ou de l'autorité administrative compétente, à la garde d'une autre personne, l'allocation est versée à celle-ci pour le compte et au nom du fonctionnaire.»

5.
    L'article 3 de l'annexe VII du statut établit que le fonctionnaire bénéficie d'une allocation scolaire pour chaque enfant à charge, au sens de l'article 2, paragraphe 2, susmentionné, qui fréquente régulièrement et à plein temps un établissement d'enseignement. La même disposition énonce également que «[l]orsque l'enfant ouvrant droit à l'allocation scolaire est confié, en vertu de dispositions légales ou par décision de justice ou de l'autorité administrative compétente, à la garde d'une autre personne, l'allocation scolaire est versée à celle-ci pour le compte et au nom du fonctionnaire».

6.
    Le paragraphe 1 de l'article 4 de l'annexe VII du statut dispose que, sous certaines conditions, le fonctionnaire a droit à une indemnité de dépaysement égale à 16 % du montant total du traitement de base ainsi que de l'allocation de foyer et de l'allocation pour enfant à charge, qui lui sont versées.

7.
    Un bénéfice dérivé de l'allocation pour enfant à charge et de l'allocation scolaire est prévu par le paragraphe 3 de l'article 3 du règlement (CEE, Euratom, CECA) n° 260/68 du Conseil, du 29 février 1968, portant fixation des conditions et de la procédure d'application de l'impôt établi au profit des Communautés européennes (JO L 56, p. 8). Cette disposition énonce que ces deux allocations sont déduites de la base imposable de l'impôt sur les traitements, salaires et émoluments versés par les Communautés à leurs fonctionnaires et à leurs agents. Conformément au paragraphe 4 du même article, «pour chaque enfant à charge de l'assujetti [...] il est opéré un abattement supplémentaire équivalant au double du montant de l'allocation pour enfant à charge».

8.
    Le point 2 de la conclusion du collège des chefs d'administration n° 178/87 du 3 décembre 1987 (ci-après la «conclusion du collège des chefs d'administration») dispose, en ce qui concerne le cas de deux fonctionnaires divorcés relevant de deux institutions différentes dont les enfants ont été confiés par décision de justice à la garde du fonctionnaire dont le traitement de base est le moins élevé:

«[...] le fonctionnaire ayant la garde du ou des enfant(s), à qui l'allocation pour enfant(s) à charge est versée par sa propre institution, bénéficie également de l'abattement fiscal équivalent au double de l'allocation considérée.

Le fonctionnaire qui, en l'espèce, a le traitement de base le plus élevé ne bénéficie pas de cet abattement au titre des enfants confiés à son conjoint divorcé (ou séparé), sauf s'il prouve qu'il contribue à l'entretien du ou des enfants par unerente alimentaire d'une importance telle que le ou les enfants peuvent être considérés comme étant restés à sa charge.»

9.
    À l'époque des faits à l'origine du litige, le requérant était chef de l'unité «Gestion de recettes» de la direction B «Ressources propres, évaluation et programmation financière» de la direction générale du budget de la Commission. Il bénéficiait du droit à l'allocation pour enfant à charge et à l'allocation scolaire pour ses quatre enfants (ci-après les «allocations litigieuses»). Ces allocations étaient versées en son nom et pour son compte à Mme Arranz, fonctionnaire du Parlement européen, une procédure de divorce entre les deux ayant été engagée devant les instances judiciaires belges. La garde des quatre enfants du couple a été confiée à Mme Arranz qui reçoit une pension alimentaire de la part du requérant pour l'entretien des enfants.

10.
    Par les éléments figurant sur sa fiche de traitement d'octobre 2000, le requérant a été informé de la décision de l'administration de ne plus lui reconnaître le bénéfice des allocations litigieuses avec effet rétroactif au 1er juillet 1999 (ci-après la «décision d'octobre 2000»).

11.
    Cette fiche de traitement l'informait du fait que, d'une part, son indemnité de dépaysement serait diminuée en conséquence et qu'il était privé du bénéfice de l'abattement fiscal (ci-après les «bénéfices dérivés des allocations litigieuses»). D'autre part, il lui était signifié que les montants perçus précédemment par lui au titre de ces bénéfices dérivés, correspondant à la période allant du 1er juillet 1999 au 30 septembre 2000, seraient récupérés à l'avenir.

12.
    Par lettre de la Commission du 7 décembre 2000, le requérant a été informé que cette situation faisait suite à la décision du Parlement, prise à la suite de la réclamation de Mme Arranz au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, de verser directement à cette dernière l'allocation pour enfant à charge et l'allocation scolaire, avec effet au 1er juillet 1999.

13.
    Par un autre courrier, également du 7 décembre 2000, le requérant a reçu copie de la note que le Parlement a envoyée à la Commission pour l'informer de sa décision susmentionnée. Par ailleurs, par note du même jour, il a été informé des modalités de récupération d'une somme d'un montant total de 13 193,85 euros que la Commission considérait comme trop perçue au titre des bénéfices dérivés des allocations litigieuses depuis le 1er juillet 1999. Selon ces modalités, un montant de 1 193,85 euros devait être retenu en novembre 2000 et ensuite un montant de 1 200 euros devait être retenu chaque mois, pendant la période allant de décembre 2000 à septembre 2001.

14.
    Le 8 janvier 2001, le requérant a introduit une réclamation à l'encontre de la décision d'octobre 2000.

15.
    Cette réclamation visait à:

«À titre principal,

-    l'annulation de la décision contenue dans [sa] fiche de traitement mensuel d'octobre 2000 de ne plus [lui] verser les allocations pour enfant à charge et scolaire pour [ses] quatre enfants avec effet rétroactif au 1er juillet 1999;

En conséquence,

-    la reconnaissance de [son] droit à la totalité des allocations pour enfant à charge et scolaire pour [ses] quatre enfants ou, à tout le moins, à la moitié de celles-ci;

-    et, partant,

    -    la reconnaissance de [son] droit à l'abattement fiscal ou, à tout le moins à la moitié de celui-ci, pour les allocations pour enfant à charge et scolaire auxquelles [il a] droit;

    -    la prise en compte desdites allocations, dans leur entièreté ou du moins, à concurrence de la moitié de leur montant pour le calcul de [son] indemnité de dépaysement;

    -    le remboursement des sommes déjà retenues et de celle[s] qui ser[aient] retenues sur [son] traitement, à compter du traitement de novembre 2000, en exécution de la [décision d'octobre 2000].

À titre subsidiaire,

-    l'annulation de la décision [...] d'octobre 2000 en ce qu'elle [le] prive du bénéfice de l'abattement fiscal relatif aux allocations pour enfant à charge et scolaire pour [ses] quatre enfants prévu aux paragraphes 3 et 4 de l'article 3 du règlement n° 260/68.

À titre encore plus subsidiaire,

-    l'annulation de la [décision d'octobre 2000] en ce qu'elle s'applique rétroactivement du 1er juillet 1999 à octobre 2000.»

16.
    En réponse à cette réclamation, la Commission, par lettre du 16 juillet 2001 (ci-après la «décision du 16 juillet 2001»), a reconnu que, d'une part, le requérant participe aux frais de subsistance et d'éducation de ses enfants en versant 10 000 francs belges (BEF) par mois et par enfant, en plus du paiement du loyer et d'autres charges, tout en les hébergeant régulièrement chez lui et que, d'autre part, Mme Arranz reçoit la totalité des allocations familiales, scolaires et de foyer. LaCommission a en conséquence décidé que les bénéfices dérivés des allocations litigieuses seraient partagés entre le requérant et Mme Arranz.

17.
    En outre, concernant la demande faite par la Commission au requérant de rembourser les sommes relatives aux bénéfices dérivés des allocations litigieuses et qu'elle avait considérées comme ayant été indûment perçues durant la période allant du 1er juillet 1999 à septembre 2000, la Commission a déclaré, dans la décision du 16 juillet 2001, estimer que les conditions pour la récupération de l'indu prévue à l'article 85 du statut n'étaient pas réunies dans le cas d'espèce. Elle a expliqué que, dès lors que le requérant n'avait eu connaissance de l'irrégularité des versements qu'à partir d'octobre 2000 et qu'une telle connaissance ne saurait lui être imputée, l'irrégularité n'avait pas le caractère évident qui est requis pour l'application de l'article 85 du statut. Par conséquent, les sommes qui avaient été retenues au titre de cette disposition, concernant les bénéfices dérivés des allocations litigieuses, pour la période allant de juillet 1999 à septembre 2000 inclus, lui seraient restituées. Le même courrier ne prévoyait pas l'application d'un taux d'intérêt de retard pour ces sommes.

18.
    À la suite des lettres du requérant du 7 août et du 6 septembre 2001, la Commission a répondu par lettres du 28 août et du 5 novembre 2001, dans lesquelles elle a refusé de faire droit aux demandes du requérant visant, d'une part, à lui appliquer lesdits bénéfices à compter d'octobre 2000 et, d'autre part, à lui octroyer des intérêts de retard sur les sommes qui lui ont été remboursées. En outre, elle a déclaré qu'une clé de répartition des bénéfices dérivés des allocations litigieuses entre le requérant et Mme Arranz devait être définie entre la Commission et le Parlement européen.

Procédure et conclusions des parties

19.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 octobre 2001, le requérant a introduit le présent recours.

20.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

21.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 25 juin 2002.

22.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision contenue dans sa fiche de traitement mensuel d'octobre 2000, lui refusant la reconnaissance de son droit aux allocations pour enfant à charge et scolaire pour ses quatre enfants, et, partant, la prise en compte de ces allocations familiales pour l'abattement fiscal et pour l'indemnité de dépaysement et ce depuis juillet 1999, en ce compris dans ses effets pourla période d'octobre 2000 à septembre 2001 et, pour autant que de besoin, annuler la décision du 16 juillet 2001 prise à la suite de la réclamation;

-    condamner la défenderesse au paiement de dommages et intérêts, sous la forme d'intérêts de retard sur les sommes irrégulièrement retenues par elle en exécution de la décision d'octobre 2000, au taux de 6,75 % l'an courant à compter de novembre 2000 jusqu'à complet paiement;

-    condamner la défenderesse au paiement de dommages et intérêts, sous la forme d'intérêts de retard sur la quotité de l'abattement fiscal et la quotité de l'indemnité de dépaysement, pour la période allant d'octobre 2000 à septembre 2001, au taux de 6,75 % l'an courant à compter d'octobre 2000 et ce jusqu'à complet paiement des sommes dues;

-    condamner la défenderesse aux dépens.

23.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    statuer comme de droit sur les dépens.

Sur la demande en annulation

24.
    Bien que les conclusions du requérant visent également à l'annulation de la décision de la Commission du 16 juillet 2001 de rejet partiel de la réclamation introduite le 8 janvier 2001, au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision d'octobre 2000, le présent recours a pour effet, conformément à une jurisprudence constante, de saisir le Tribunal de l'acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (voir, notamment, arrêts du Tribunal du 9 juillet 1997, Echauz Brigaldi e.a./Commission, T-156/95, RecFP p. I-A-171 et II-509, point 23, et du 15 décembre 1999, Latino/Commission, T-300/97, RecFP p. I-A-259 et II-1263, point 30). Il convient de noter, cependant, que la Commission, dans sa décision du 16 juillet 2001, en réponse à la réclamation du requérant, a fait partiellement droit à ses prétentions. Il en résulte que le présent recours tend à l'annulation de la décision d'octobre 2000 dans la mesure où elle a été confirmée par la décision du 16 juillet 2001.

25.
    À l'appui de ses conclusions en annulation, le requérant invoque trois moyens tirés, premièrement, de la violation du principe de légalité, deuxièmement, de la violation de l'obligation de motivation et, troisièmement, de la violation des articles 2, 3 et 4 de l'annexe VII du statut, de la conclusion du collège des chefs d'administration et des paragraphes 3 et 4 de l'article 3 du règlement n° 260/68.

26.
    Le Tribunal considère qu'il convient d'analyser conjointement le premier et le troisième moyen du requérant.

Arguments des parties

27.
    Par son premier moyen, tiré de la violation du principe de légalité, le requérant soutient que le principe de légalité s'oppose à ce que la décision du 16 juillet 2001 ne vaille que pour l'avenir, sans lui reconnaître les bénéfices dérivés des allocations litigieuses pour la période allant d'octobre 2000 à juillet 2001. Il estime que, comme la Commission a reconnu le bien-fondé des arguments invoqués à l'encontre de la décision d'octobre 2000 et, donc, l'illégalité de celle-ci, il appartenait à la Commission de rétablir la légalité en retirant cette décision avec effet rétroactif.

28.
    Par son troisième moyen, le requérant, tout en rappelant que l'autorité investie du pouvoir de nomination a reconnu qu'il entretenait effectivement ses enfants, soutient que, dans la mesure où la décision du 16 juillet 2001 ne vaut que pour l'avenir et ne reconnaît pas son droit aux allocations litigieuses et les bénéfices dérivés de ces allocations en ce qui concerne la période allant d'octobre 2000 à juillet 2001, elle constitue une violation des articles 2, 3 et 4 de l'annexe VII du statut, de la conclusion du collège des chefs d'administration et des paragraphes 3 et 4 de l'article 3 du règlement n° 260/68. Il invoque à l'appui de ce moyen l'arrêt du Tribunal du 3 mars 1993, Peroulakis/Commission (T-69/91, Rec. p. II-185, points 32 et 33).

29.
    En ce qui concerne le premier moyen, la Commission soutient que, comme, durant la période nécessaire à l'adoption de la décision du 16 juillet 2001, le Parlement a versé à Mme Arranz les allocations litigieuses et les bénéfices dérivés de ces allocations, un effet rétroactif de la décision du 16 juillet 2001 est exclu. Étant donné qu'un tel effet aurait signifié que des doubles droits avaient été octroyés par enfant, cela aurait constitué une violation de la règle prévue au paragraphe 6 de l'article 2 de l'annexe VII du statut, selon laquelle les droits en cause ne peuvent être accordés qu'une seule fois par enfant. La défenderesse ajoute qu'elle ne pouvait pas non plus imposer au Parlement de prendre une décision de récupération partielle du montant correspondant à ces droits auprès de Mme Arranz pour la période allant d'octobre 2000 à juillet 2001.

30.
    En ce qui concerne le troisième moyen, la Commission affirme, d'une part, qu'elle a pris la décision du 16 juillet 2001 pour l'avenir en application des principes dérivés de la jurisprudence pertinente (arrêts de la Cour du 27 novembre 1980, Sorasio-Allo e.a./Commission, 81/79, 82/79 et 146/79, Rec. p. 3557; du 28 novembre 1991, Schwedler/Parlement, C-132/90 P, Rec. p. I-5745, et Peroulakis/Commission, précité).

31.
    D'autre part, la Commission fait valoir que la décision du 16 juillet 2001 n'a été rendue possible que par la réclamation du requérant, à l'appui de laquelle il a présenté des éléments démontrant qu'il participait à l'entretien effectif de ses enfants. La défenderesse estime que le requérant n'avait pas fourni cette preuve auparavant et qu'il n'était donc pas question de partager le droit aux allocations litigieuses ou les bénéfices dérivés de ces allocations. Elle ajoute qu'elle alégitimement pris le temps nécessaire pour adopter sa décision, vu la nouveauté de la question posée par la réclamation et la complexité administrative de la situation.

32.
    À cet égard, elle fait valoir également que, en vertu du paragraphe 6 de l'article 2 de l'annexe VII du statut, la décision du 16 juillet 2001 ne pouvait pas viser la période allant d'octobre 2000 à juillet 2001. Elle soutient que ce n'est qu'à la suite de cette décision qu'ont été réunies les conditions de l'application de la jurisprudence issue de l'arrêt Peroulakis/Commission, précité, puisque ce n'est que dans sa réclamation que le requérant a présenté des éléments démontrant qu'il participait à l'entretien effectif de ses enfants. La défenderesse estime que le requérant n'avait pas fourni cette preuve auparavant et qu'il n'était donc pas question de partager le droit aux allocations litigieuses ou les bénéfices dérivés de ces allocations. Elle ajoute qu'elle a légitimement pris le temps nécessaire pour adopter sa décision, vu la nouveauté de la question posée par la réclamation et la complexité administrative de la situation.

Appréciation du Tribunal

33.
    Tout d'abord, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence, il n'y a pas d'obstacle à ce qu'un enfant puisse être considéré comme étant effectivement entretenu simultanément par plusieurs personnes. Par conséquent, l'enfant de deux fonctionnaires communautaires divorcés peut être considéré comme étant effectivement entretenu simultanément par ces deux fonctionnaires et peut donc être regardé comme étant simultanément à leur charge (arrêts Schwedler/Parlement, précité, point 17, et Peroulakis/Commission, précité, point 32).

34.
    Il résulte, dès lors, de la logique même de l'article 1er, paragraphe 2, sous b), de l'annexe VII du statut que, si deux fonctionnaires communautaires divorcés subviennent effectivement en commun aux besoins essentiels des enfants issus de leur mariage dissous par le divorce, ayant ainsi ces enfants simultanément à leur charge, ces fonctionnaires ont tous deux droit à l'allocation de foyer. Dans un tel cas, il découle, en outre, des articles 2, paragraphe 1, et 3, premier alinéa, de l'annexe VII du statut que les deux fonctionnaires communautaires divorcés bénéficient, pour les enfants simultanément à leur charge, de l'allocation pour enfant à charge et de l'allocation scolaire, sous les conditions spécifiques fixées, par ailleurs, par ces articles (arrêt Peroulakis/Commission, précité, point 33).

35.
    En outre, il y a lieu de considérer que, tout comme le droit aux allocations familiales énumérées à l'article 67, paragraphe 1, du statut (arrêt de la Cour du 14 juin 1988, Christianos/Cour de justice, 33/87, Rec. p. 2995, et arrêt Peroulakis/Commission, précité, point 34), le droit aux bénéfices dérivés des allocations litigieuses se justifie pour les mêmes raisons que celles pour lesquelles se justifie le droit à ces mêmes allocations, à savoir, l'entretien des enfants concernés.

36.
    Par conséquent, lorsque deux fonctionnaires divorcés contribuent tous les deux à l'entretien effectif de leurs enfants, le partage des bénéfices dérivés des allocations litigieuses correspond à une correcte application des dispositions du statut applicables en l'espèce, telles qu'interprétées par la jurisprudence susmentionnée.

37.
    En l'espèce, il y a lieu d'examiner la question de savoir si la Commission, ayant reconnu au requérant, dans sa décision du 16 juillet 2001, le droit au partage des bénéfices dérivés des allocations litigieuses, s'est limitée à juste titre à reconnaître ce droit pour l'avenir, en lui refusant ce même droit pour la période allant d'octobre 2000 à juillet 2001.

38.
    À cet égard, la Commission fait valoir, en substance, premièrement, que, comme, pendant cette période, le Parlement versait à Mme Arranz les allocations litigieuses et les bénéfices dérivés de ces allocations, l'effet rétroactif de sa décision du 16 juillet 2001 était exclu afin d'éviter que des doubles droits soient octroyés par enfant, en violation du principe de l'unicité prévu au paragraphe 6 de l'article 2 de l'annexe VII du statut.

39.
    Toutefois, la Commission n'explique pas en quoi ces considérations sont pertinentes dans le cadre de l'interprétation des dispositions applicables pour déterminer si le requérant avait droit à ces allocations et aux bénéfices qui en découlent. Le simple fait que le Parlement a octroyé ces droits à Mme Arranz ne saurait avoir comme conséquence que, si le requérant remplit les conditions pour en bénéficier, ainsi que la Commission l'a reconnu en l'espèce, ces droits lui soient refusés. En effet, on ne saurait mettre à la charge du requérant les conséquences de l'absence de coordination entre la Commission et le Parlement, ou du délai que la défenderesse a pris pour adopter une décision au regard de la complexité relative de la question.

40.
    Deuxièmement, la Commission soutient que sa décision du 16 juillet 2001 n'a été rendue possible que par la réclamation du requérant, à l'appui de laquelle il a présenté des éléments démontrant qu'il participait à l'entretien effectif de ses enfants.

41.
    Cependant, il convient d'observer que cette explication n'a été avancée par la Commission que dans la présente procédure devant le Tribunal et ne fait pas partie de la motivation fournie au requérant au cours de la procédure précontentieuse. En outre, la défenderesse ne peut pas reprocher au requérant de ne lui avoir démontré qu'il participait à l'entretien effectif de ses enfants que le 8 janvier 2001 alors que la Commission n'a mis en doute cette situation que par la communication de la motivation de la décision d'octobre 2000 par lettre du 7 décembre 2000. Cette circonstance n'est nullement contestée par la Commission, tel que cela résulte de la décision du 16 juillet 2001.

42.
    Il résulte de ce qui précède que, ayant reconnu le droit du requérant au partage des bénéfices dérivés des allocations litigieuses, la Commission n'était pas fondéeà ne reconnaître ce droit que pour l'avenir, en le lui refusant pour la période allant d'octobre 2000 à juillet 2001.

43.
    Dans ces conditions, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur le bien-fondé du deuxième moyen avancé par le requérant, il y a lieu d'accueillir ses conclusions en annulation.

Sur les demandes en réparation

Arguments des parties

44.
    En premier lieu, le requérant demande la condamnation de la Commission au paiement d'intérêts moratoires sur les sommes que, en exécution de la décision d'octobre 2000, elle l'avait obligé à rembourser pour ce qui est de la période comprise entre le 1er juillet 1999 et septembre 2000, mais qu'elle lui a restituées à la suite de sa réclamation.

45.
    Le requérant fait valoir que, dans sa réclamation, il demandait l'annulation de la décision d'octobre 2000 et, par conséquent, sa suppression rétroactive, ce qui emporte nécessairement l'octroi d'intérêts moratoires sur les sommes qui avaient été illégalement retenues. En outre, il soutient que, en toute hypothèse, une demande d'octroi d'intérêts moratoires peut être formulée dans le présent recours, en raison de la compétence de pleine juridiction du Tribunal à cet égard. Enfin, il estime que le défaut de paiement d'intérêts moratoires aboutirait à un enrichissement sans cause de la défenderesse, ce qui serait contraire aux principes généraux du droit communautaire (arrêt du Tribunal du 10 octobre 2001, Corus UK/Commission, T-171/99, Rec. p. II-2967).

46.
    Selon le requérant, les sommes en question comprennent 1 193,85 euros, qui ont été retenus en novembre 2000, et 1 200 euros, qui ont été retenus chaque mois, de décembre 2000 à septembre 2001. Ainsi, il soutient que les intérêts demandés doivent courir à compter de novembre 2000, sur la somme de 1 193,85 euros, et, ensuite, à compter de chaque mois depuis décembre 2000 jusqu'à septembre 2001 (y compris ce mois), sur chaque échéance de 1 200 euros, jusqu'à complet paiement des sommes dues.

47.
    En deuxième lieu, le requérant demande la condamnation de la Commission au paiement d'intérêts moratoires sur sa part des bénéfices dérivés des allocations litigieuses à compter de chaque mois depuis octobre 2000 jusqu'à septembre 2001, jusqu'à complet paiement des sommes dues.

48.
    En troisième lieu, il invoque l'arrêt du Tribunal du 23 février 2001, De Nicola/BEI (T-7/98, T-208/98 et T-109/99, RecFP p. I-A-49 et II-187), pour demander un taux d'intérêt de retard de 6,75 %.

49.
    La Commission, tout d'abord, excipe de l'irrecevabilité de la demande du requérant de paiement d'intérêts moratoires concernant les sommes qu'elle l'avait obligé à rembourser relativement à la période comprise entre le 1er juillet 1999 et septembre 2000, mais qu'elle lui avait restituées à la suite de sa réclamation. Elle soutient que, comme dans cette réclamation le requérant s'est limité à demander la restitution de ces sommes sans demander le paiement d'intérêts, sa demande actuelle est irrecevable pour absence de concordance avec le recours précontentieux.

50.
    En ce qui concerne la demande de condamnation de la Commission au paiement d'intérêts moratoires sur la part du requérant des bénéfices dérivés des allocations litigieuses, relativement à la période allant d'octobre 2000 à septembre 2001, la Commission fait valoir qu'étant donné que l'autorité investie du pouvoir de nomination n'a commis aucune illégalité en limitant les effets de sa décision du 16 juillet 2001 à l'avenir, il ne saurait être question ni de dommages ni d'intérêts en ce qui concerne les montants relatifs à la même période.

51.
    À titre subsidiaire, la Commission soutient que le taux d'intérêt de 6,75 % mentionné par le requérant est excessif, eu égard au taux de 5,75 % qui a été retenu par le Tribunal dans ses arrêts du 20 septembre 2001, Spruyt/Commission (T-171/00, RecFP p. I-A-187 et II-855), et Corus UK/Commission, précité.

Appréciation du Tribunal

52.
    À titre liminaire, en ce qui concerne la recevabilité de la demande du requérant visant à voir condamner la Commission au paiement d'intérêts moratoires sur les sommes relatives à la période comprise entre le 1er juillet 1999 et septembre 2000 qu'elle l'avait obligé à rembourser, il y a lieu de rappeler la jurisprudence selon laquelle, quand il ressort de la requête que la demande de paiement d'intérêts n'y a été formulée que pour le cas d'une annulation de la décision attaquée, il doit être considéré que cette demande, qui présente en outre un caractère purement accessoire, n'avait pas besoin d'être déjà expressément mentionnée dans la réclamation que le requérant a adressée à la défenderesse (arrêts du Tribunal du 30 mars 1993, Vardakas/Commission, T-4/92, Rec. p. II-357, point 50; du 30 novembre 1993, Vienne/Parlement, T-15/93, Rec. p. II-1327, point 42, et, par analogie, Corus UK/Commission, précité, points 50 à 54).

53.
    Or, en l'espèce, la réclamation du requérant visait, à titre principal, «l'annulation de la décision contenue dans [sa] fiche de traitement mensuel d'octobre 2000 de ne plus [lui] verser les allocations pour enfant à charge et scolaire pour [ses] quatre enfants avec effet rétroactif au 1er juillet 1999» (voir, ci-dessus, point 15).

54.
    Ainsi, il y a lieu de constater qu'il existe un lien étroit entre, d'une part, la demande que le requérant a fait dans sa réclamation à l'encontre de la décision d'octobre 2000, y compris en ce qui concerne le remboursement des sommes mentionnées, et, d'autre part, la demande, qu'il a présentée dans le cadre de la présente affaire, visant au paiement d'intérêts moratoires pour ces sommes. Ladernière demande étant une conséquence naturelle de la première, elle doit être considérée comme recevable.

55.
    Quant au fond, s'agissant, en premier lieu, des intérêts moratoires concernant les sommes indûment récupérées, il y a lieu de donner suite à la demande du requérant. Si la Commission a décidé que les conditions pour obtenir le remboursement des sommes en question n'étaient pas remplies, le remboursement auquel elle a obligé le requérant doit être considéré comme illégal et, partant, le requérant est également en droit de se voir payer les intérêts moratoires correspondant à ces sommes.

56.
    Par conséquent, il y a lieu de condamner la Commission au paiement d'intérêts moratoires à compter de novembre 2000, sur la somme de 1 193,85 euros, et, ensuite, à compter de chaque mois depuis décembre 2000 jusqu'à septembre 2001 (y compris ce mois), sur chaque somme de 1 200 euros correspondant à chaque échéance, jusqu'au moment où ces sommes lui ont été restituées.

57.
    En second lieu, en ce qui concerne la demande de condamnation de la Commission au paiement d'intérêts moratoires sur la part du requérant des bénéfices dérivés des allocations litigieuses à compter de chaque mois depuis octobre 2000 jusqu'à septembre 2001, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu'il a été conclu ci-dessus au point 42, le requérant a droit au partage de ces bénéfices pour la période mentionnée.

58.
    Il en découle qu'il y a lieu de donner suite à la demande du requérant et de condamner la Commission au paiement d'intérêts moratoires sur la part du requérant des bénéfices dérivés des allocations litigieuses à compter de chaque mois depuis octobre 2000 jusqu'à la date de prise d'effet de la décision du 16 juillet 2001 lui reconnaissant ces droits à l'avenir, jusqu'à complet paiement des sommes dues.

59.
    Enfin, en ce qui concerne le pourcentage du taux annuel des intérêts moratoires à appliquer, le Tribunal considère que ce taux doit être calculé sur la base du taux fixé par la Banque centrale européenne pour les opérations principales de refinancement, applicable pendant les différentes phases de la période concernée, majoré de deux points.

Sur les dépens

60.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter l'ensemble des dépens conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

déclare et arrête:

1)    La décision de la Commission, résultant de la fiche de traitement du requérant d'octobre 2000, de ne plus lui reconnaître le droit à l'allocation pour enfant à charge et à l'allocation scolaire, à partir de juillet 1999, aux fins du calcul de l'abattement fiscal et de l'indemnité de dépaysement, telle que modifiée par la décision de la Commission du 16 juillet 2001, est annulée, dans la mesure où cette dernière décision ne porte reconnaissance du partage du droit aux allocations litigieuses et des bénéfices qui en découlent que pour l'avenir.

2)    La Commission est condamnée à verser au requérant:

    -    des intérêts moratoires, à compter de novembre 2000, sur la somme de 1 193,85 euros et, à compter de chaque mois depuis décembre 2000 jusqu'à septembre 2001, sur chaque échéance de 1 200 euros, jusqu'au moment où ces sommes lui ont été restituées;

     -     des intérêts moratoires sur la part du requérant des bénéfices dérivés des allocations litigieuses, à compter de chaque mois depuis octobre 2000 jusqu'à la date de prise d'effet de la décision du 16 juillet 2001, jusqu'à complet paiement des sommes dues.

3)    Le taux d'intérêts moratoires à appliquer doit être calculé sur la base du taux fixé par la Banque centrale européenne pour les opérations principales de refinancement, applicable pendant la période concernée, majoré de deux points.

4)    La Commission est condamnée aux dépens.

Moura Ramos
Pirrung
Meij

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 novembre 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. M. Moura Ramos


1: Langue de procédure: le français.