Language of document : ECLI:EU:T:2013:476

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

16 septembre 2013(*)

« Marchés publics de services – Procédures d’appel d’offres – Intervention de navires de soutien pour la lutte contre la pollution par les hydrocarbures – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Obligation de motivation – Égalité de traitement – Transparence – Erreur manifeste d’appréciation – Responsabilité non contractuelle »

Dans l’affaire T‑518/09,

Ecoceane, établie à Paris (France), représentée par Me S. Spalter, avocat,

partie requérante,

contre

Agence européenne pour la sécurité maritime (EMSA), représentée par M. J. Menze, en qualité d’agent, assisté de MJ. Stuyck, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision de l’EMSA du 28 octobre 2009 rejetant l’offre soumise par la requérante dans le cadre de la procédure d’appel d’offres EMSA/NEG/1/2009, portant sur la conclusion de marchés de services relatifs à l’intervention de navires de soutien pour la lutte contre la pollution par les hydrocarbures (lot n° 2 : Atlantique/Manche), ainsi que de la décision attribuant le marché à un autre soumissionnaire et, d’autre part, une demande en indemnité,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. L. Truchot, président, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. A. Popescu (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 juin 2012,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’Agence européenne pour la sécurité maritime (EMSA) a été instituée par le règlement (CE) n° 1406/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2002 (JO L 208, p. 1). Elle a pour mission d’assurer un niveau élevé, uniforme et efficace de sécurité maritime, de sûreté maritime, de prévention de la pollution et de lutte contre la pollution causée par les navires dans l’Union européenne.

2        L’article 2, sous c), du règlement n° 1406/2002, tel que modifié par le règlement (CE) n° 724/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004 (JO L 129, p. 1), dispose :

« [L’EMSA] collabore avec les États membres pour :

[…]

iii)      soutenir avec des moyens complémentaires, et d’une manière présentant un rapport coût-efficacité satisfaisant, par le biais du mécanisme communautaire dans le domaine de la protection civile établi par la décision 2001/792/CE, Euratom, les actions qu’ils mènent en matière de lutte contre la pollution en cas de pollution accidentelle ou intentionnelle causée par des navires, lorsqu’une demande a été formulée en ce sens. À cet égard, l’Agence assiste l’État membre affecté sous la responsabilité duquel les opérations de dépollution sont conduites ;

[...] »

3        Les appels d’offres de l’EMSA sont soumis au règlement financier de l’EMSA, adopté par son conseil d’administration le 18 décembre 2008, et aux modalités d’exécution du règlement financier de l’EMSA, adoptées par son conseil d’administration le 12 mars 2009, et publiées sur le site Internet de l’EMSA.

4        L’article 81 des modalités d’exécution du règlement financier de l’EMSA prévoit que les dispositions du titre V du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 357 p. 1, ci-après les « modalités d’exécution »), sont applicables aux marchés publics de l’EMSA et font partie intégrante des modalités d’exécution du règlement financier de l’EMSA.

5        L’article 89, paragraphe 1, du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier »), prévoit :

« Tous les marchés publics financés totalement ou partiellement par le budget respectent les principes de transparence, de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination. »

6        L’article 97, paragraphe 1, du règlement financier dispose :

« Les critères de sélection permettant d’évaluer les capacités des candidats ou des soumissionnaires et les critères d’attribution permettant d’évaluer le contenu des offres sont préalablement définis et précisés dans les documents d’appel à la concurrence. »

7         L’article 98, paragraphe 4, du règlement financier prévoit :

« Toutes les candidatures ou offres déclarées conformes par la commission d’ouverture sont évaluées sur la base des critères de sélection et d’attribution préalablement définis dans les documents d’appel à la concurrence, par un comité désigné à cet effet afin de proposer l’attributaire du marché. »

8        L’article 100, paragraphe 2, du règlement financier dispose :

« Le pouvoir adjudicateur communique à tout candidat ou soumissionnaire écarté les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre et, à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable et qui en fait la demande par écrit, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire.

Toutefois la communication de certains éléments peut être omise dans les cas où elle ferait obstacle à l’application des lois, serait contraire à l’intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’entreprises publiques ou privées ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre celles-ci. »

9        L’article 131, paragraphe 1, des modalités d’exécution prévoit ce qui suit :

« Les spécifications techniques doivent permettre l’égalité d’accès des candidats et soumissionnaires et ne pas avoir pour effet de créer des obstacles injustifiés à l’ouverture des marchés à la concurrence.

Elles définissent les caractéristiques requises d’un produit, d’un service ou d’un matériau ou ouvrage au regard de l’usage auquel ils sont destinés par le pouvoir adjudicateur. »

10      L’article 135, paragraphe 2, des modalités d’exécution, tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) n° 1248/2006 de la Commission, du 7 août 2006 (JO L 227, p. 3), prévoit :

« Les critères de sélection s’appliquent dans toute procédure de passation de marchés afin que soit évaluée la capacité financière, économique, technique et professionnelle du candidat ou du soumissionnaire.

[…] »

11      L’article 146 des modalités d’exécution, tel que modifié par les règlements (CE, Euratom) n° 1261/2005 de la Commission, du 20 juillet 2005 (JO L 201, p. 3), n° 1248/2006 et n° 478/2007 de la Commission, du 23 avril 2007 (JO L 111, p. 13), dispose ce qui suit :

« 1. Toutes les demandes de participation et offres déclarées conformes sont évaluées et classées par un comité d’évaluation constitué pour chacune des deux étapes sur la base, respectivement, des critères d’exclusion et de sélection, d’une part, et d’attribution, d’autre part, préalablement annoncés.

[…]

2. Le comité d’évaluation est composé d’au moins trois personnes représentant au moins deux entités organisationnelles de l’institution concernée sans lien hiérarchique entre elles, dont l’une au moins ne dépend pas de l’ordonnateur compétent. En vue de prévenir toute situation de conflit d’intérêts, ces personnes sont soumises aux obligations visées à l’article 52 du règlement financier.

[…]

3. Les demandes de participation et les offres qui ne contiennent pas tous les éléments essentiels exigés dans les documents d’appels d’offres ou qui ne correspondent pas aux exigences spécifiques qui y sont fixées sont éliminées.

Toutefois, le comité d’évaluation ou le pouvoir adjudicateur peut inviter le candidat ou le soumissionnaire à compléter ou à expliciter les pièces justificatives présentées relatives aux critères d’exclusion et de sélection, dans le délai qu’il fixe.

Sont jugées recevables les offres des candidats ou des soumissionnaires qui ne sont pas exclus et qui satisfont aux critères de sélection.

[…] »

12      L’article 149, paragraphe 3, des modalités d’exécution, tel que modifié par les règlements n° 1261/2005 et n° 478/2007, dispose ce qui suit :

« Pour les marchés passés par les institutions communautaires pour leur propre compte, d’une valeur égale ou supérieure aux seuils visés à l’article 158 et qui ne sont pas exclus du champ d’application de la directive 2004/18/CE, le pouvoir adjudicateur notifie, simultanément et individuellement à chaque soumissionnaire ou candidat évincé, par lettre, par télécopie ou courrier électronique, que leur offre ou candidature n’a pas été retenue, à l’un ou l’autre des stades suivants :

a)      peu de temps après l’adoption de décisions sur la base des critères d’exclusion et de sélection et avant la décision d’attribution, lorsque les procédures de passation de marché sont organisées en deux étapes distinctes ;

b)      en ce qui concerne les décisions d’attribution et les décisions de rejet d’une offre, le plus tôt possible après la décision d’attribution et au plus tard dans la semaine qui suit.

Le pouvoir adjudicateur indique dans chaque cas les motifs du rejet de l’offre ou de la candidature ainsi que les voies de recours disponibles.

Les pouvoirs adjudicateurs notifient, en même temps qu’ils informent les candidats ou soumissionnaires évincés du rejet de leur offre, la décision d’attribution à l’attributaire en précisant que la décision notifiée ne constitue pas un engagement de la part du pouvoir adjudicateur concerné.

Les soumissionnaires ou candidats évincés peuvent obtenir des informations complémentaires sur les motifs du rejet, sur demande écrite, par lettre, par télécopie ou par courrier électronique et, pour tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable, sur les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire, sans préjudice des dispositions de l’article 100, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement financier. Les pouvoirs adjudicateurs répondent dans un délai maximal de quinze jours de calendrier à compter de la réception de la demande.

[…] »

 Antécédents du litige

13      La requérante, Ecoceane, est une société créée en 2003 ayant comme objet principal la recherche, le développement et la commercialisation de navires pour le ramassage des hydrocarbures et déchets solides flottants en mer.

14      Le 3 mars 2009, l’EMSA a publié, au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2009/S 42-060271), l’avis de marché intitulé « P-Lisbonne : Marchés de services relatifs à l’intervention de navires de soutien pour la lutte contre la pollution par les hydrocarbures ».

15      Par cet avis, divisé en deux lots sur la base d’une division géographique, elle cherchait à sélectionner les candidats et à les inviter ensuite à présenter, dans le cadre d’une procédure de négociation, une offre pour un contrat de services relatif à l’intervention de navires de soutien pour la lutte contre la pollution par les hydrocarbures.

16      Les conditions de participation au marché ainsi que les informations complémentaires concernant les capacités économique, financière et technique ont été publiées sur le site Internet de l’EMSA, sous la référence EMSA/NEG/1/2009.

17      Le 14 avril 2009, la requérante a répondu à cet avis lancé par l’EMSA en présentant sa candidature pour le lot n° 2 (Atlantique/Manche).

18      Dans la première phase, l’EMSA a effectué la sélection des candidatures sur la base de critères légaux et financiers, indépendamment de la possibilité également ouverte aux candidats dans cette phase de la procédure de déposer une offre initiale, qui constituait un point de départ pour des discussions individuelles et pouvait être améliorée ultérieurement.

19      La candidature de la requérante ayant été, avec quatre autres candidatures, retenue par l’EMSA, celle-ci a été invitée, à l’ouverture de la deuxième phase, par lettre en date du 14 mai 2009, à soumissionner. L’invitation à soumissionner contenait, notamment à l’annexe 1, les critères de sélection techniques, généraux et spécifiques, requis par le cahier des charges, qui devaient être remplis par les soumissionnaires et leurs offres. Le cahier des charges prévoyait ainsi à ladite annexe, au point 12.3.1, des critères de sélection techniques généraux à remplir par les soumissionnaires et, au point 12.3.2, des critères de sélection techniques généraux à remplir par leurs navires, ainsi que des critères de sélection techniques spécifiques applicables à chacun des deux lots concernés par l’avis de marché. Ainsi, parmi les critères de sélection techniques généraux à remplir par les navires des soumissionnaires, le cahier des charges mentionnait la « capacité des navires à opérer dans de mauvaises conditions météorologiques », le « numéro OMI », la « vitesse de déplacement » des navires d’un minimum de 12 nœuds, les « bras rigides de collecte » d’un minimum de 12 mètres ainsi que le critère « décantation ». Pour ce qui est des critères de sélection techniques spécifiques pour le lot n° 2 (Atlantique/Manche), les navires offerts devaient être classifiés pour une « navigation illimitée » et disposer d’une « capacité propre de stockage » des hydrocarbures d’un minimum de 700 m³. La capacité de stockage nette ciblée pour le lot concerné allait de 1500 à 6000 m³. L’annexe 7 de l’invitation à soumissionner contenait des points à clarifier pour la requérante, et notamment le fait que, d’une part, l’un de ses navires, le Catamar, n’était pas approprié pour opérer en haute mer dans de mauvaises conditions météorologiques et, d’autre part, que les deux navires proposés, à savoir le Catamar et le Jumbo, avaient une capacité réduite de stockage, par rapport à la capacité de stockage nette ciblée dans l’appel d’offres pour le lot n° 2 (Atlantique/Manche).

20      Au terme de cette invitation, avant la date limite de soumission fixée au 6 juillet 2009, chaque candidat sélectionné, dont la requérante, était invité à une réunion de clarification individuelle avec l’EMSA. À cette réunion, l’EMSA devait procéder à une présentation du cahier des charges ayant pour but de résumer les points clés des critères contenus dans ce dernier et, notamment, d’examiner avec les candidats ces critères compte tenu de leur complexité technique, pour que leurs offres soient en accord avec ledit cahier. Selon les précisions apportées par l’EMSA, une telle réunion n’impliquait pas une évaluation formelle de l’offre.

21      Le 9 juin 2009, lors de la réunion de clarification avec la requérante, qui a eu lieu à Lisbonne, le représentant de l’EMSA a confirmé que, pour les raisons indiquées dans l’annexe 7 de l’invitation à soumissionner, il estimait que les navires offerts par celle-ci n’étaient pas appropriés pour les services requis.

22      Le 23 juin 2009, l’EMSA a envoyé à la requérante, par courriel, le procès-verbal de la réunion de clarification, lequel reprenait, en substance, la conclusion de l’annexe 7 de l’invitation à soumissionner.

23      Par courriel du 2 juillet 2009, la requérante a contesté la conclusion du procès-verbal de la réunion de clarification, en indiquant que les autorités françaises et le bureau « Veritas » du ministère chargé des questions relatives à la mer français avaient autorisé le navire Catamar à sortir en pleine mer sans restriction et que, en ce qui concerne la question de la capacité de stockage, celle-ci n’était pas si importante dès lors qu’il était proposé un système de travail avec des « souteurs » et des barges.

24      Par courriel du 3 juillet 2009, l’EMSA a répondu à ce message en proposant d’ajouter au procès-verbal de la réunion de clarification les objections de la requérante et la considération suivant laquelle elle entendait indiquer « également que le concept offert par Ecoceane para[issai]t bien développé, mais ne correspond[ait] pas aux spécifications de l’EMSA pour cet appel d’offres ». Le 13 juillet 2009, une version révisée du procès-verbal en question a été envoyée par courriel à la requérante, laquelle a fait part de ses remarques, le 21 juillet 2009.

25      Par lettre du même jour, l’EMSA a envoyé à la requérante une liste des critères d’exclusion et de sélection qui n’étaient pas remplis par son offre. Il était indiqué dans cette lettre que le but des commentaires de l’EMSA était de rapprocher l’offre de la requérante des objectifs de la procédure, en informant celle-ci que c’était « [s]eulement si les critères d’exclusion et de sélection mentionnés ci-dessus [étaient] satisfaits » que « l’offre sera[it] évaluée plus loin ». La requérante était ainsi invitée à modifier son offre pour la mettre en accord avec l’invitation à soumissionner et le cahier des charges.

26      Par courriel du 6 août 2009, la requérante a répondu à ladite lettre en insistant, en substance, sur le fait que son offre satisfaisait aux critères et que ses navires étaient appropriés pour accomplir les services requis par le marché. Elle a également reproché à l’EMSA de ne pas avoir donné suite à son invitation à visiter son navire Catamar afin qu’elle puisse apprécier directement sa capacité à remplir les critères en cause.

27      Le 18 septembre 2009, l’EMSA a informé la requérante que son offre serait soumise en l’état au comité de sélection et d’attribution (ci-après le « comité d’évaluation »). La requérante était également informée que la capacité propre de stockage des navires offerts était bien en dessous de la capacité minimale requise et que les autres points à améliorer ou à clarifier, indiqués par l’EMSA dans ses lettres antérieures, avaient besoin de justifications additionnelles.

28      Par lettre du 21 septembre 2009, la requérante a répondu en réaffirmant que la capacité de stockage et de ramassage des hydrocarbures de ses navires, en rotation avec le « souteur », allait bien au-delà des capacités requises dans l’appel d’offres.

29      Le 7 octobre 2009, la requérante a proposé à l’EMSA d’ajouter une cuve flottante en aluminium de 1000 m³, afin de répondre au critère concernant la capacité de stockage de ses navires. Cette cuve, tractée par le navire Jumbo, devait fonctionner « comme une capacité de barge ».

30      Par lettre du 28 octobre 2009 (ci-après la « décision de rejet »), l’EMSA a informé la requérante que son offre était rejetée, celle-ci n’étant pas considérée comme « la plus économiquement avantageuse ». La requérante a également été informée qu’elle pouvait obtenir des informations supplémentaires concernant les raisons sur lesquelles se fondait le rejet de son offre.

31      Par lettre du 17 novembre 2009, l’EMSA a fourni, à la suite d’une demande de la requérante transmise par courriel le 5 novembre 2009, les raisons pour lesquelles l’offre de la requérante avait été rejetée. Il y était ainsi précisé que l’offre en question n’avait pas rempli plusieurs critères de sélection indiqués dans le cahier des charges, à savoir la classification des navires pour une « navigation illimitée », la « capacité propre de stockage » des navires, la « vitesse de déplacement » des navires, la « capacité de stockage ciblée » pour le lot concerné, les « bras rigides de collecte » ainsi que l’équipement spécifique de lutte contre la pollution.

32      Par courriel, en date du 11 décembre 2009, la requérante a demandé la communication du procès-verbal du comité d’évaluation (ci-après le « rapport d’évaluation ») concernant l’évaluation des offres faisant l’objet de l’appel en cause. Par courrier en date du 18 décembre 2009, l’EMSA a fait savoir à la requérante que les raisons du rejet de son offre étaient exposées dans sa lettre du 17 novembre 2009.

33      Le 22 décembre 2009, la requérante a réitéré à l’EMSA sa demande de communication du rapport d’évaluation. L’EMSA a répondu par lettre du 26 janvier 2010 en refusant de communiquer ledit rapport. Elle a notamment rappelé que les motifs du rejet de l’offre de la requérante avaient été expliqués en détail dans la lettre du 17 novembre 2009 et que, en outre, son offre n’étant pas considérée comme recevable, la requérante n’était pas en droit d’obtenir des informations concernant les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue.

 Procédure et conclusions des parties

34      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 décembre 2009, la requérante a introduit le présent recours.

35      L’EMSA a déposé son mémoire en défense le 5 mai 2010. La réplique a été présentée le 27 juillet 2010 et la duplique le 8 octobre 2010.

36      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté, le 24 septembre 2010, à la deuxième chambre. En raison du renouvellement partiel du Tribunal, le 30 novembre 2010, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur siégeant dans la deuxième chambre. La composition des chambres du Tribunal ayant été ensuite de nouveau modifiée, le juge rapporteur a été affecté, le 6 décembre 2011, à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

37      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

38      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 7 juin 2012.

39      Lors de l’audience, la requérante a demandé au Tribunal de pouvoir produire des offres de preuve nouvelles au titre de l’article 66, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal. L’EMSA a présenté ses observations sur cette demande. Le Tribunal a décidé de verser lesdites preuves au dossier tout en réservant son appréciation quant à la recevabilité et la force probante de celles-ci à la décision mettant fin à l’instance.

40      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours en annulation recevable ;

–        annuler la décision de l’EMSA du 28 octobre 2009 rejetant son offre ;

–        annuler la décision de l’EMSA attribuant le marché 2009/S 42‑060271 et sa signature ;

–        condamner l’EMSA à lui verser le montant de 224 744 euros en dommages et intérêts ;

–        condamner l’EMSA à lui verser le montant de 25 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

–        condamner l’EMSA aux dépens.

41      L’EMSA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours en annulation non fondé ;

–        rejeter les demandes en annulation et en indemnité ;

–        condamner la requérante à supporter ses propres dépens ainsi que les siens.

42      Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la requérante a renoncé à son cinquième chef de conclusions, au motif que les frais irrépétibles, tels que prévus en droit français, faisaient partie des éléments visés par le sixième chef de conclusions, par lequel la requérante demandait au Tribunal de condamner l’EMSA aux dépens.

 En droit

 Sur la demande en annulation

43      Au soutien de sa demande, la requérante invoque quatre moyens, tirés, le premier, de la violation des dispositions de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et de l’article 149, paragraphe 3, des modalités d’exécution, en ce que les motifs de la décision de rejet ne sont pas conformes auxdites dispositions, le deuxième, de la violation des principes d’égalité d’accès, de non-discrimination et de transparence visés à l’article 89, paragraphe 1, du règlement financier et à l’article 131, paragraphe 1, des modalités d’exécution, le troisième, de la violation des principes d’égalité et de transparence dans le traitement des candidats et, le quatrième, de l’erreur manifeste d’appréciation commise par l’EMSA dans l’évaluation de son offre.

44      Il convient d’examiner d’abord le deuxième moyen, puis le quatrième, le troisième et, enfin, le premier.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des principes d’égalité d’accès, de non-discrimination et de transparence visés à l’article 89, paragraphe 1, du règlement financier et à l’article 131, paragraphe 1, des modalités d’exécution

45      La requérante soutient que les critères de sélection techniques établis par l’EMSA dans son cahier des charges pour apprécier les différentes offres n’ont pas de caractère objectif et ne sont pas justifiés par l’objet du marché, en ce qu’ils ne permettent pas d’assurer l’égalité d’accès aux candidats. Ainsi, certains critères de sélection techniques, à savoir le « numéro OMI », la « vitesse de déplacement » des navires d’un minimum de 12 nœuds, les « bras rigides de collecte » d’un minimum de 12 mètres, la « capacité propre de stockage » d’un minimum de 700 m³ par navire et le critère « décantation » seraient discriminatoires, non objectifs et injustifiés par rapport à l’objet du marché.

46      La requérante estime que, compte tenu des critères de sélection fixés dans le cahier des charges, l’EMSA a imposé aux soumissionnaires de répondre à des contraintes techniques anciennes en excluant toute autre nouvelle technique de ramassage des hydrocarbures, ce qui aurait inévitablement conduit le pouvoir adjudicateur à retenir une seule technique, à savoir celle actuellement proposée par ses opérateurs partenaires.

47      En outre, la requérante soutient que, malgré le fait que l’article 131 des modalités d’exécution et le cahier des charges prévoyaient la possibilité de recourir à des technologies équivalentes pour satisfaire aux critères techniques, l’EMSA a examiné son offre exclusivement selon les critères techniques énoncés dans le cahier des charges.

48      Enfin, la requérante prétend que l’EMSA a méconnu ses propres objectifs au titre de l’innovation, résultant de son plan d’action pour la prévention et la lutte contre la pollution par des hydrocarbures, adopté en octobre 2004 (ci-après le « plan d’action »), qui souligneraient la nécessité d’innovation dans le domaine. Ainsi, les quinze navires actuellement sous contrat avec l’EMSA seraient sélectionnés selon des critères identiques à ceux répertoriés en 2004, tels que résumés à la page 60 du plan d’action.

49      L’EMSA conteste les arguments de la requérante.

50      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que le pouvoir adjudicateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de l’adoption d’une décision de passer un marché sur appel d’offres et que le contrôle du Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi qu’à l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir. Ce large pouvoir d’appréciation est reconnu au pouvoir adjudicateur tout au long de la procédure de passation du marché, y compris en ce qui concerne le choix et l’évaluation des critères de sélection (voir arrêt du Tribunal du 24 avril 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑554/08, non publié au Recueil, points 37 et 38, et la jurisprudence citée).

51      Les critères de sélection doivent, en vertu des dispositions de l’article 97, paragraphe 1, du règlement financier, être définis et précisés préalablement dans les documents d’appel à la concurrence. L’application de ces critères dans le cadre d’une procédure de passation de marchés a comme objectif, conformément aux dispositions de l’article 135, paragraphe 2, des modalités d’exécution, l’évaluation de la capacité financière, économique, technique et professionnelle des soumissionnaires. Ces critères visent, ainsi, à permettre au pouvoir adjudicateur d’examiner, au regard de ces paramètres, la capacité des soumissionnaires à exécuter le marché établi dans l’appel d’offres (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 20 septembre 1988, Beentjes, 31/87, Rec. p. 4635, point 17 ; du 24 janvier 2008, Lianakis e.a., C‑532/06, Rec. p. I‑251, point 27, et du 12 novembre 2009, Commission/Grèce, C‑199/07, Rec. p. I‑10669, point 52).

52      La marge d’appréciation dont, selon la jurisprudence citée au point 50 ci‑dessus, dispose le pouvoir adjudicateur trouve sa limite dans la nécessité de respecter le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination, consacré à l’article 89, paragraphe 1, du règlement financier et à l’article 131, paragraphe 1, des modalités d’exécution.

53      À cet égard, selon une jurisprudence constante, le pouvoir adjudicateur est tenu de veiller, à chaque phase d’une procédure d’appel d’offres, au respect du principe d’égalité de traitement et, par voie de conséquence, à l’égalité des chances de tous les soumissionnaires (voir arrêts du Tribunal du 17 mars 2005, AFCon Management Consultants e.a./Commission, T‑160/03, Rec. p. II‑981, point 75, et la jurisprudence citée, et du 12 mars 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑345/03, Rec. p. II‑341, point 141).

54      En l’espèce, la requérante soutient, en substance, que certains critères de sélection, sur lesquels l’EMSA s’est fondée pour écarter son offre, ne sont pas justifiés par l’objet du marché et sont, donc, discriminatoires.

55      À cet égard, il convient de rappeler que le marché en cause est un marché de services portant sur l’intervention de navires de soutien pour la lutte contre la pollution par les hydrocarbures.

56      Or, la requérante n’apporte aucun élément suffisant pour établir que les critères relatifs à la « vitesse de déplacement » des navires, à l’usage d’un « bras rigide de collecte » de 12 mètres au minimum, à la « capacité de stockage » des hydrocarbures polluants de 700 m3 au moins et, enfin, à l’usage d’une cuve de « décantation » seraient sans rapport avec l’objet du marché qui vient d’être rappelé au point précédent.

57      S’agissant du critère relatif à la possession d’un « numéro OMI », il y a lieu de relever qu’il ressort des explications de l’EMSA, non contredites par la requérante, qu’il s’agit d’un numéro introduit par l’Organisation maritime internationale (OMI) pour faciliter l’identification des navires. Ce numéro figure sur la documentation qui accompagne chaque navire et reste identique lors du transfert d’un navire à un autre pavillon. Il constitue donc une référence permanente qui permet d’obtenir facilement des informations sur un navire déterminé, notamment dans une base de données. L’EMSA admet que le « numéro OMI » n’est attribué qu’à des navires faisant plus de 24 mètres de long. Elle explique, toutefois, sans être contredite par la requérante, qu’il est techniquement impossible d’avoir une capacité de stockage de 700 m3, comme l’exige un autre critère de sélection du cahier des charges, sans satisfaire aux critères pour obtenir un « numéro OMI ».

58      Il ressort de ces explications de l’EMSA que le critère relatif à la possession d’un « numéro OMI » ne saurait non plus être considéré comme étant sans rapport avec l’objet du marché. Tel est d’autant plus le cas que ce numéro peut également servir à surveiller les navires en mission en haute mer pour des raisons de sécurité maritime. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, qu’il est indiqué au point 12.3.2 de l’annexe 1 du cahier des charges que les navires des soumissionnaires doivent être capables d’opérer en haute mer dans des conditions difficiles, y compris en cas de mauvais temps.

59      Par ailleurs, la circonstance selon laquelle l’offre de la requérante, parce qu’elle met en œuvre une nouvelle technique de récupération des hydrocarbures polluants, ne répond pas aux cinq critères qui viennent d’être mentionnés aux points précédents ne permet pas, à elle seule, d’établir que ces critères seraient de nature à créer des obstacles injustifiés à l’ouverture du marché en cause à la concurrence ou qu’ils seraient discriminatoires.

60      Dans l’hypothèse où l’argumentation de la requérante selon laquelle les critères de sélection choisis par l’EMSA ne présentaient pas un caractère objectif et n’étaient pas justifiés par l’objet du marché devrait être comprise en ce sens que la requérante invoque une erreur manifeste d’appréciation de l’EMSA dans le choix d’une technique de récupération des hydrocarbures polluants différente de celle que la requérante propose, un tel argument ne saurait non plus prospérer.

61      En effet, en premier lieu, si la requérante a joint à sa requête une description de la technique de dépollution qu’elle proposait, ainsi qu’une copie du brevet qui lui avait été délivré pour cette technique, elle n’a pas procédé à une comparaison détaillée de ladite technique avec celle envisagée par l’EMSA dans le cahier des charges et n’a pas, encore moins, démontré par des éléments de preuves pertinents et cohérents l’équivalence de résultat de ces deux techniques. Le seul fait que la requérante dispose d’un brevet pour sa technique n’est pas, à cet égard, suffisant, dès lors que ce brevet atteste du caractère innovateur de la technique de la requérante et non de son efficacité.

62      En deuxième lieu, l’« étude Pramex », que la requérante a présentée en annexe de sa requête, n’est pas non plus suffisante pour démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation. Il s’agit, en effet, selon son propre titre, d’une « étude de faisabilité commerciale et économique du projet Ecoceane : Jumbo 25 », relative au projet de construction du navire Jumbo, que la requérante évoquait, d’ailleurs, dans son offre. Il ressort de cette étude que celle-ci visait à soutenir une demande de financement de la requérante en vue de la construction dudit navire. Elle ne procède à aucune comparaison entre la technique de dépollution conventionnelle de l’EMSA et celle que la requérante se proposait d’utiliser et ne contient aucun élément susceptible de démontrer que la technique de remplacement de la requérante conduisait à des résultats équivalents à ceux obtenus par la technique envisagée dans le cahier des charges.

63      En troisième lieu, la requérante a présenté lors de l’audience des offres de preuve, à savoir un dossier relatif au prix « Best Innovator » 2011 et un dossier relatif au prix de « l’Innovation GEP-AFTP » 2011. La requérante a précisé que les pièces produites constituaient une offre de preuve contraire visant à répondre, notamment, aux arguments de l’EMSA invoqués dans son mémoire en défense, selon lesquels la technologie « prétendument innovante » de ramassage d’hydrocarbures proposée par la requérante ne remplissait pas les critères de sélection techniques et n’était pas apte à réaliser les services requis par le marché. L’EMSA a fait valoir qu’elle ne contestait pas la recevabilité de ces preuves, mais a exprimé des réserves quant à leur force probante.

64      Sans qu’il soit nécessaire de déterminer si, aux termes de l’article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure, lesdites offres de preuve nouvelles sont recevables, elles ne sauraient, en tout état de cause, remettre en question les considérations qui précèdent. Le seul fait que la requérante s’est vu décerner des prix pour le caractère innovateur de sa technique de remplacement ne signifie pas que cette technique conduisait à des résultats équivalents à ceux escomptés par la technique envisagée par l’EMSA dans le cahier des charges, ni encore moins que cette dernière a commis une erreur manifeste d’appréciation en définissant les critères de sélection qui sont contestés par la requérante.

65      Au demeurant, il ressort de la requête que les capacités de stockage limitées des deux navires de la requérante imposent, au-delà d’une pollution de 50 m3 pour l’un d’eux et de 120 m3 pour l’autre, de transférer au fur et à mesure les hydrocarbures polluants qui sont récupérés dans un navire de type pétrolier ou dans une barge.

66      Or, l’EMSA a indiqué, dans son mémoire en défense, qu’une technique de récupération mettant en œuvre, en particulier, l’usage de barges comportait des risques en cas de mauvaises conditions météorologiques.

67      À cet égard, la circonstance selon laquelle l’EMSA a indiqué, dans son plan d’action adoptée en 2004, que le transfert des hydrocarbures en mer devrait être étudié plus en détail ne lui interdisait pas, en 2009, lorsqu’elle a adopté la décision attaquée, de considérer que cette technique n’était finalement pas adaptée. De surcroît, s’agissant du non-respect par l’EMSA de ses propres objectifs en matière d’innovation, aucune disposition normative, dont la méconnaissance pourrait avoir une incidence sur la légalité de la décision attaquée, n’est invoquée avec suffisamment de précision par la requérante. Or, à lui seul, le non-respect d’un « objectif » ne saurait entraîner l’annulation de la décision attaquée.

68      Il résulte de ce qui précède que la requérante n’établit pas que l’EMSA aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant des critères de sélection qui relèvent d’une technique de récupération des hydrocarbures polluants différente de celle que la requérante propose.

69      Par ailleurs, si la requérante invoque, outre la violation des principes d’égalité d’accès et de non-discrimination, une violation du principe de transparence, aucun des arguments soulevés par elle dans le cadre de ce moyen ne se rapporte à une violation du principe de transparence. De plus, lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la requérante a indiqué qu’elle renonçait à invoquer ce grief.

70      S’agissant du grief tiré de ce que l’EMSA aurait rejeté l’offre de la requérante en méconnaissance des dispositions de l’article 131 des modalités d’exécution et de certaines stipulations du cahier des charges, qui imposeraient au pouvoir adjudicateur de ne pas rejeter une offre au motif qu’elle ne serait pas conforme aux spécifications du cahier des charges dès lors que le soumissionnaire prouverait qu’elle répond de manière équivalente aux exigences posées par celui-ci, il y a lieu de relever que la requérante invoque, à ce propos, l’indication suivante, qui figurait dans le cahier des charges à la fin de son annexe 1 : « Lorsque des équivalences sont offertes (en ce qui concerne les spécifications techniques jointes à l’appel d’offres), elles doivent être dûment motivées et justifiées ».

71      Il y a toutefois lieu de replacer cette indication dans son contexte, en tenant compte des spécifications techniques détaillées figurant à l’annexe 3 du cahier des charges. Cette annexe contient des descriptions détaillées des systèmes dont doivent disposer les navires proposés par les soumissionnaires. Pour certaines spécifications techniques, l’annexe 3 du cahier des charges prévoit qu’un soumissionnaire peut proposer un système différent de celui mentionné dans ladite annexe, à la condition que le système alternatif proposé soit d’une efficacité équivalente. Une telle possibilité est, ainsi, prévue pour les spécifications des points G.1 (« description de l’arrangement »), G.2.5. (« réservoir de stockage »), G.2.5.1. (« décantation »), G.2.5.2 (« remplissage/vidange huile »), G.2.6 (« système d’eau chaude pour pompes ») et G.3.2 (« système additionnel : barrage/récupérateurs »). À l’évidence, la mention de l’annexe 1 du cahier des charges invoquée par la requérante vise, précisément, des cas de propositions de remplacement portant sur les systèmes évoqués dans ces spécifications particulières.

72      Or, parmi les critères de sélection critiqués par la requérante dans son argumentation, seuls deux sont concernés par les dispositions de l’annexe 3 du cahier des charges qui prévoient la possibilité d’admettre des propositions de remplacement. Il s’agit du critère de sélection relatif aux « bras rigides de collecte » (point G.1, « description de l’arrangement », de ladite annexe) et de celui relatif à la « décantation » (point G.2.5.1. de la même annexe).

73      En revanche, dans le cas des autres critères de sélection, qui n’étaient pas non plus remplis par l’offre de la requérante et que cette dernière critique dans son argumentation, l’annexe 3 du cahier des charges ne prévoyait pas la possibilité de proposer une solution de remplacement équivalente. Par conséquent, à supposer même que l’EMSA ait écarté à tort les propositions d’autres solutions de la requérante dans le cas des deux critères mentionnés au point précédent, cette seule circonstance n’est pas suffisante pour entacher la décision de rejet de l’offre de la requérante d’illégalité.

74      En tout état de cause, même pour les critères de sélection pour lesquels des propositions de remplacement pouvaient être envisagées selon les termes de l’annexe 3 du cahier des charges, la requérante n’a pas fourni d’explications précises permettant de conclure que la solution qu’elle proposait était au moins équivalente à celle exigée par ladite annexe et que l’EMSA a commis une erreur manifeste d’appréciation en parvenant à la conclusion contraire.

75      Par ailleurs, à supposer même que la requérante ait entendu invoquer de manière autonome une argumentation spécifique fondée sur une méconnaissance du principe d’égalité de traitement, il y a lieu de rappeler que le principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires, qui a pour objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les entreprises participant à un marché public, impose que tous les soumissionnaires disposent des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres et implique donc que celles-ci soient soumises aux mêmes conditions pour tous les compétiteurs (voir arrêt du 12 mars 2008, Evropaiki Dynamiki/Commission, point 53 supra, point 143, et la jurisprudence citée).

76      Or, il est constant que les critères de sélection litigieux ont été appliqués indistinctement à tous les soumissionnaires.

77      Par suite, le choix allégué de l’EMSA d’opter pour une certaine technique de ramassage déterminée et de fixer les critères de sélection du marché litigieux par référence à cette technique, à l’exclusion d’une nouvelle technique éventuelle, ne constitue pas une violation du principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires.

78      Au surplus, la circonstance selon laquelle l’offre de la requérante, parce qu’elle mettait en œuvre une nouvelle technique de récupération des hydrocarbures polluants, ne répondait pas aux cinq critères spécifiques contestés par elle ne permet pas, à elle seule, d’établir que ces critères seraient de nature à créer un obstacle injustifié à l’ouverture du marché en cause à la concurrence ou qu’ils seraient discriminatoires.

79      Il résulte de tout ce qui précède que le deuxième moyen doit être écarté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation commise par l’EMSA dans l’évaluation de l’offre de la requérante

80      La requérante soutient que les motifs de rejet de son offre, tels qu’exposés par l’EMSA dans le courrier du 17 novembre 2009, sont non seulement discriminatoires, notamment en ce qui concerne la « vitesse de déplacement » et la « capacité de stockage », mais également erronés, pour ce qui relève de l’absence de certification de ses navires attestant la classification pour une « navigation illimitée ». Bien que son navire Catamar n’ait pas été en mesure de satisfaire au critère concernant la « navigation illimitée », il aurait fait l’objet d’une certification par une société de classification reconnue, à savoir le bureau « Veritas » du ministère chargé de la mer français. De plus, son navire Jumbo, qui aurait dû être mis à disposition dès 2010, aurait pu intervenir dans toutes les zones.

81      Par ailleurs, la requérante affirme que le critère d’obtention du certificat attestant la classification pour une « navigation illimitée » est un critère de sélection des candidatures et non des offres et que l’EMSA ne pouvait pas rejeter valablement son offre en raison du non‑respect d’un des critères de sélection des candidatures, dès lors que sa candidature aurait été acceptée nonobstant le prétendu défaut de certificat.

82      En outre, la requérante prétend que la condition concernant la durée minimale de services de récupération des hydrocarbures, de 21 jours renouvelables, à laquelle fait référence l’EMSA dans son mémoire en défense, n’était pas mentionnée dans l’invitation à soumissionner et que, dès lors, l’argument soulevé par l’EMSA à cet égard devrait être rejeté.

83      Enfin, la requérante soutient que ses navires ont une vitesse d’intervention bien meilleure que celle des navires en exercice actuellement, du fait de l’emplacement de leur port d’attache, Brest (France), mais également parce qu’ils sont entièrement dédiés à la dépollution. Ainsi, le Catamar et le Jumbo pourraient récupérer les hydrocarbures sans émulsion, ce qui permettrait de les transférer directement dans un « souteur » naviguant derrière ces navires, une rotation des « souteurs » rendant les capacités de ramassage et de stockage illimitées.

84      En conclusion, selon la requérante, les motifs du rejet de son offre sont fondés sur une erreur manifeste d’appréciation de l’EMSA, puisque celle-ci aurait examiné ladite offre uniquement selon des critères discriminatoires, non objectifs et orientés au profit de certains opérateurs présentant une technologie prédéterminée.

85      L’EMSA conteste les arguments de la requérante.

86      Il convient de rappeler tout d’abord la jurisprudence constante citée au point 50 ci-dessus, selon laquelle le pouvoir adjudicateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise d’une décision de passer un marché sur appel d’offres et, dès lors, le contrôle du Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir.

87      Ainsi, dans les limites fixées par ladite jurisprudence, il convient d’examiner si l’EMSA a commis des erreurs manifestes d’appréciation lors de l’évaluation de l’offre au regard des critères de sélection, tels que mentionnés par la requérante.

88      S’agissant du premier grief de la requérante, selon lequel l’EMSA a commis une erreur manifeste d’appréciation en fondant le rejet de son offre sur l’absence de certification prouvant que les navires proposés satisfaisaient au critère technique concernant la classification pour une « navigation illimitée », il y a lieu de relever, tout d’abord, que la requérante reconnaît dans la requête introductive d’instance que la certification de son navire Catamar, classifié en 2e catégorie, ne satisfaisait pas audit critère.

89      Cependant, la requérante soutient dans sa réplique que l’EMSA a commis une erreur manifeste d’appréciation, puisque le navire en cause aurait fait l’objet d’une certification par une société de classification reconnue et serait classé « navire prototype de veille et de dépollution » pour la « récupération d’hydrocarbures ». À cet égard, la requérante invoque un document de conformité délivré par la direction régionale des affaires maritimes de Bretagne (France), du ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement et de l’Aménagement du territoire français, et, respectivement, un certificat délivré par le bureau « Veritas » du ministère chargé des questions relatives à la mer français.

90      Or, à l’instar de l’EMSA, il y a lieu de relever que ces documents, tels que présentés en annexe de la requête, ne font ressortir aucune indication de ce que le navire Catamar satisfaisait au critère concernant la classification pour une « navigation illimitée » et, de surcroît, ne permettent pas de considérer qu’ils aient été délivrés, selon les exigences du cahier des charges, par une organisation reconnue conformément à la directive 94/57/CE du Conseil, du 22 novembre 1994, établissant les règles et normes communes concernant les organismes habilités à effectuer l’inspection et la visite des navires et les activités pertinentes des administrations maritimes (JO L 319, p. 20). Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal concernant la portée de cet argument, tel qu’exposé dans la réplique, la requérante a précisé qu’elle ne soutenait pas que le navire Catamar satisfaisait au critère de « navigation illimitée », mais que ce critère était inapproprié. Elle a, ainsi, soulevé un argument différent, contestant la légalité du critère de sélection en question, au demeurant de manière vague et sans préciser les motifs de cette contestation. Il convient de rappeler, à cet égard, que la question de la légalité des critères de sélection relève du deuxième moyen et, dans le contexte de l’analyse de celui-ci, le Tribunal, au regard des critiques formulées par la requérante, a examiné la légalité de plusieurs critères de sélection et n’a décelé l’existence d’aucune illégalité. Les conclusions tirées dans le cadre de cette analyse ne sauraient être remises en question par le présent argument, qui se limite à qualifier d’« inapproprié » un critère de sélection, sans fournir aucune explication quant aux motifs susceptibles de justifier cette qualification. Partant, cet argument doit être rejeté.

91      Par conséquent, il convient de constater que l’EMSA n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant que les certificats présentés par la requérante n’étaient pas de nature à prouver que son navire Catamar satisfaisait au critère de sélection technique concernant la classification pour une « navigation illimitée ».

92      En ce qui concerne le deuxième navire, le Jumbo, proposé par la requérante, lequel aurait dû être opérationnel dès 2010, la requérante prétend que celui-ci satisfaisait audit critère dès lors qu’il était classifié en 1ère catégorie et pouvait intervenir dans toutes les zones.

93      Il convient tout d’abord de relever que, ainsi qu’il ressort de l’offre de la requérante, telle que présentée en annexe de la requête, la construction du navire Jumbo devait commencer à la fin de l’été 2009 et que, par conséquent, il se trouvait au stade de projet au moment où la requérante a déposé ladite offre. Dès lors, l’examen par le pouvoir adjudicateur de la capacité de ce navire à satisfaire aux critères de sélection, y compris le critère concernant la classification pour une « navigation illimitée », était nécessairement limité à des documents attestant les caractéristiques techniques d’un projet.

94      Or, tel qu’il est confirmé par la requérante elle-même, dans la requête, le navire en cause n’aurait pu disposer d’un certificat attestant sa classification en 1ère catégorie qu’une fois sa construction achevée. À supposer même que ledit navire ait rempli, au stade de projet, les conditions pour être classifié pour une « navigation illimitée », il n’en reste pas moins qu’une telle classification devait être ensuite certifiée, selon les exigences du cahier des charges, par une organisation reconnue conformément à la directive 94/57. Il s’ensuit que la requérante ne saurait prétendre que son navire Jumbo satisfaisait au critère de sélection en cause, du seul fait que ledit navire en remplissait les conditions au moment de la présentation de son offre et que, dès lors, l’EMSA aurait commis une erreur manifeste d’appréciation à cet égard.

95      Au vu de ce qui précède, il convient de constater que l’EMSA n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lors de l’évaluation de l’offre de la requérante au regard du critère de sélection technique concernant la classification des navires pour une « navigation illimitée ».

96      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel, en fondant le rejet de l’offre de la requérante sur le non-respect dudit critère, l’EMSA a commis une erreur dès lors que ce critère était un critère de sélection des candidatures et non des offres et que sa candidature aurait été acceptée nonobstant le prétendu défaut de certificat.

97      D’une part, il y a lieu de relever, ainsi qu’il résulte des points 18 et 19 ci-dessus, que la candidature de la requérante avait été acceptée lors de la phase de sélection des candidatures sur la base, notamment, des critères légaux et financiers. D’autre part, tel qu’il ressort du cahier des charges, au point 12.3.2 de son annexe 1, le critère concernant la classification pour une « navigation illimitée » était inscrit parmi les critères de sélection techniques spécifiques pour le lot n° 2 (Atlantique/Manche) et concernait directement les offres des soumissionnaires, à savoir la capacité technique de leurs navires, et non pas leurs candidatures.

98      Par son deuxième grief, la requérante soutient, en substance, que l’EMSA a commis une erreur manifeste d’appréciation en fondant le rejet de son offre sur le non-respect, par les navires Catamar et Jumbo, des critères de sélection techniques concernant la « capacité propre de stockage » et la « vitesse de déplacement », puisque la capacité et la vitesse d’intervention de ses navires étaient supérieures aux navires actuellement sous contrat avec l’EMSA.

99      Premièrement, s’agissant de la « capacité propre de stockage » des navires, il y a lieu de relever que le cahier des charges prévoyait, au point 12.3.2 de son annexe 1, pour le lot n° 2 (Atlantique/Manche), une capacité de stockage de 700 m³ d’hydrocarbures par navire. Or, il est constant que la capacité des navires proposés par la requérante était sensiblement inférieure à la capacité exigée par le cahier des charges. Ainsi, le Catamar possédait une capacité propre de stockage de 50 m³ et le Jumbo, encore au stade de la construction, devait disposer d’une capacité propre de stockage de 120 m³.

100    Cependant, la requérante soutient que le système qu’elle avait proposé permettait le transfert direct des hydrocarbures, tels que récupérés par le Catamar et le Jumbo, dans des « souteurs » naviguant par rotation derrière ces navires, ce qui déterminait une capacité de stockage illimitée. À cet égard, il suffit de constater que le système proposé par la requérante n’était pas conforme au cahier des charges dès lors que, comme le fait valoir l’EMSA, celui-ci exigeait expressément que les navires aient eux-mêmes une « capacité propre de stockage » d’un minimum de 700 m³. Par conséquent, il convient de considérer que la requérante n’a pas prouvé que son offre était en mesure de respecter les conditions relatives à la capacité de stockage des navires, conformément au cahier des charges.

101    Deuxièmement, s’agissant de la « vitesse de déplacement » des navires, il convient de relever que le cahier des charges prévoyait, au point 12.3.2 de son annexe 1, une vitesse de douze nœuds au minimum à un régime continu du moteur. Or, il est constant que la vitesse du Catamar, de huit nœuds, était sensiblement inférieure à celle requise par le cahier des charges. Quant au navire Jumbo, il était prévu qu’il atteigne une vitesse de quinze nœuds. Toutefois, ainsi qu’il résulte de la lettre de la requérante du 7 octobre 2009, présentée en annexe du mémoire en défense et comme le fait valoir l’EMSA, il y a lieu de relever que ce navire, tel qu’il avait été proposé le 7 octobre 2009, à savoir accompagné d’une cuve flottante tractée, développait également une vitesse de déplacement de seulement huit nœuds. Par conséquent, il convient de considérer que la requérante n’a pas prouvé non plus que son offre respectait les conditions relatives à la vitesse de déplacement des navires, conformément au cahier des charges.

102    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation de la requérante selon laquelle ses navires disposaient d’une vitesse d’intervention supérieure à celle des navires en exercice actuellement, du fait de l’emplacement de leur port d’attache, Brest, et également parce qu’ils seraient entièrement dédiés à la dépollution. À cet égard, il y a lieu de relever, à l’instar de l’EMSA, que le cahier des charges prévoyait au point 3.2 de son annexe 1 que, en cas de pollution par des hydrocarbures dans des régions avoisinantes au lot concerné par l’appel d’offres, à savoir le lot n° 2 (Atlantique/Manche), les navires sous contrat avec l’EMSA devaient être en mesure d’intervenir dans lesdites régions, donc, au-delà du lot concerné. Une telle condition nécessitait, selon le cahier des charges, une distribution optimale des navires dans le cadre du lot concerné, mais également sur la côte maritime européenne. Or, compte tenu de ces exigences, l’argumentation de la requérante, tirée de l’avantage du positionnement de ses navires du fait de l’emplacement de leur port d’attache, Brest, et de leur affectation à la dépollution, n’est pas pertinente en l’espèce.

103    Au vu des considérations qui précèdent, il convient de constater que l’EMSA n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en fondant le rejet de l’offre de la requérante sur le non-respect, par ses navires, des critères de sélection techniques concernant la « capacité propre de stockage » et la « vitesse de déplacement ».

104    Enfin, la requérante soutient, en substance, que les motifs du rejet de son offre se fondent sur une erreur manifeste d’appréciation de l’EMSA, puisque celle-ci aurait examiné ladite offre uniquement selon des critères discriminatoires, non objectifs et orientés au profit de certains opérateurs présentant une technologie prédéterminée. Or, ce grief ne fait que réitérer, au demeurant de manière très vague, les griefs avancés dans le cadre du deuxième moyen, lesquels ont été examinés et rejetés par le Tribunal.

105    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le quatrième moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation commise par l’EMSA dans l’évaluation de l’offre de la requérante, doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation des principes d’égalité et de transparence dans le traitement des candidats

106    En premier lieu, la requérante fait valoir qu’elle avait demandé à plusieurs reprises à l’EMSA de visiter son navire Catamar, mais que celle-ci n’a jamais répondu aux invitations, contrairement à ce qui aurait été accordé aux autres soumissionnaires.

107    En second lieu, la requérante soutient que, lors de la réunion du 9 juin 2009, ses représentants n’avaient été reçus que par un seul des membres du comité d’évaluation, alors que, en application de l’article 146 des modalités d’exécution, le comité d’évaluation des entités adjudicatrices devait être composé d’au moins trois membres.

108    Par conséquent, selon la requérante, l’égalité de traitement des candidats, en ce qu’ils devaient disposer des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres, aurait été clairement violée.

109    L’EMSA conteste les arguments de la requérante.

110    Alors que le présent moyen comprend, outre la violation du principe d’égalité, celle du principe de transparence, il convient de souligner tout d’abord que la requérante ne développe aucune argumentation au soutien de ce dernier grief, la conclusion énoncée à cet égard dans la requête introductive d’instance faisant notamment le constat d’une violation du principe d’égalité de traitement des candidats.

111    Or, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir arrêt du Tribunal du 2 mars 2010, Evropaïki Dynamiki/EMSA, T‑70/05, Rec. p. II‑313, point 78, et la jurisprudence citée).

112    Dans ces circonstances, le grief, tiré d’une violation du principe de transparence doit être écarté comme étant irrecevable et le troisième moyen doit ainsi être compris comme étant tiré uniquement d’une violation du principe d’égalité dans le traitement des candidats.

113    Tel qu’il a été reconnu par une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale (arrêts de la Cour du 19 octobre 1977, Ruckdeschel e.a., 117/76 et 16/77, Rec. p. 1753, point 7, et du 13 décembre 1984, Sermide, 106/83, Rec. p. 4209, point 28).

114    Il convient de rappeler, également, la jurisprudence citée au point 53 ci-dessus, selon laquelle le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, qui a pour objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les entreprises participant à un marché public, impose que tous les soumissionnaires disposent des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres et implique donc que celles-ci soient soumises aux mêmes conditions. À cet égard, le pouvoir adjudicateur est tenu de veiller, à chaque phase d’une procédure d’appel d’offres, au respect du principe d’égalité de traitement et, par voie de conséquence, à l’égalité des chances de tous les soumissionnaires.

115    S’agissant du premier grief, tiré du refus du pouvoir adjudicateur de visiter son navire Catamar, l’EMSA reconnaît qu’elle a refusé de se rendre sur ledit navire, mais elle fait valoir, en substance, que, étant donné que l’offre de la requérante n’était pas recevable en ce qu’elle ne remplissait pas tous les critères de sélection, une telle visite aurait supposé une dépense injustifiée des moyens du budget de l’Union. Or, elle aurait uniquement visité les navires des soumissionnaires ayant rempli tous les critères de sélection et, donc, ayant déposé une offre recevable.

116    Il convient, tout d’abord, de relever que, ainsi qu’il ressort du document présenté en annexe du mémoire en défense, la visite en cause avait été évoquée dans la présentation faite par l’EMSA lors de la réunion de clarification avec la requérante, qui a eu lieu le 9 juin 2009 à Lisbonne. Ladite visite, qui était prévue, en principe, au cours du mois d’août 2009, figurait parmi les mesures considérées comme nécessaires par l’EMSA pour la mise en œuvre des règles applicables en l’espèce au marché en cause.

117    Il ressort également des précisions apportées par l’EMSA dans le mémoire en défense, ainsi que dans la duplique, qu’une telle visite était destinée à vérifier, sur place, si les navires des soumissionnaires qui satisfaisaient aux critères de sélection étaient effectivement en mesure de satisfaire à tous les critères prévus dans le cahier des charges.

118    Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, l’EMSA a précisé qu’il était inutile de se rendre sur le navire Catamar pour vérifier si l’offre de la requérante satisfaisait aux critères de sélection ou pour examiner si cette offre réunissait les conditions nécessaires afin d’attribuer le marché à la requérante, dès lors que celle-ci avait maintenu son offre initiale, qui, par rapport aux documents justificatifs présentés, clairement ne satisfaisait pas auxdits critères.

119    À l’instar de l’EMSA, il convient de considérer qu’une telle visite n’était justifiée que si l’offre d’un soumissionnaire était recevable en ce qu’elle satisfaisait aux critères de sélection techniques établis dans le cahier des charges.

120    La requérante conteste toutefois le bien-fondé de l’appréciation de l’EMSA selon laquelle son offre n’était pas recevable. À cet égard, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il a été conclu dans le cadre du quatrième moyen ci-dessus, l’EMSA n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant que la requérante n’avait pas prouvé à suffisance de droit que son offre satisfaisait à certains critères de sélection techniques, tels qu’établis dans le cahier des charges. Or, conformément aux dispositions de l’article 146, paragraphe 3, troisième alinéa, des modalités d’exécution, sont considérées comme recevables les offres des soumissionnaires qui satisfont aux critères de sélection. Par conséquent, la requérante ne saurait prétendre que son offre pouvait être considérée par le pouvoir adjudicateur comme recevable en l’espèce.

121    Il résulte de ce qui précède que, en refusant de procéder à la visite du Catamar, l’EMSA n’a pas violé le principe d’égalité dans le traitement des candidats dès lors que, ainsi qu’il a été conclu au point 119 ci-dessus, une telle mesure n’était justifiée qu’à l’égard des soumissionnaires dont l’offre avait été considérée comme recevable. Or, par rapport aux offres des autres soumissionnaires remplissant lesdits critères, la visite du navire de la requérante aurait, en effet, constitué, au regard de la jurisprudence citée au point 113 ci-dessus, une violation du principe d’égalité de traitement, en ce que des situations différentes auraient été traitées de manière égale.

122    Par conséquent, le premier grief de la requérante, tiré de ce que l’égalité de traitement des candidats avait été violée par le refus de l’EMSA de visiter le navire Catamar, doit être rejeté.

123    Par son deuxième grief, la requérante invoque, premièrement, une irrégularité affectant la réunion de clarification du 9 juin 2009, venant de ce que, contrairement aux dispositions de l’article 146 des modalités d’exécution, la requérante n’y aurait été reçue que par un seul des trois membres du comité d’évaluation de l’EMSA, et, deuxièmement, en conséquence, la violation du principe d’égalité de traitement des candidats.

124    L’EMSA ne conteste pas que les membres du comité d’évaluation n’ont pas tous participé à cette réunion, mais elle fait valoir, en substance, que, en l’occurrence, s’agissant d’une réunion de clarification avec les soumissionnaires, dont le but était clairement indiqué dans le cahier des charges, et non d’une réunion du comité d’évaluation, elle n’avait pas enfreint les règles procédurales applicables dans le cas d’espèce.

125    Il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que, avant la date limite de soumission des offres, fixée au 6 juillet 2009, chaque candidat, y compris la requérante, avait été invité à une réunion de clarification individuelle avec l’EMSA. Ainsi qu’il ressort de l’invitation à déposer des candidatures, présentée en annexe de la réplique, le but de cette réunion était d’examiner avec les candidats les différents aspects des services requis par le marché, compte tenu notamment de la complexité de ses caractéristiques techniques, pour qu’ils puissent ensuite adapter leurs offres aux exigences du cahier des charges. Une telle possibilité était accordée à tous les candidats retenus à l’issue de la première phase de sélection.

126    Il convient donc d’examiner si, en ce qui concerne l’objectif déclaré de cette réunion et compte tenu des dispositions applicables de l’article 146 des modalités d’exécution, l’EMSA a manqué à son obligation d’assurer la participation du comité d’évaluation à ladite réunion, dans sa composition de trois membres, telle que prévue au paragraphe 2, premier alinéa, dudit article.

127    À cet égard, il y a lieu de constater que, ainsi qu’il ressort des dispositions de l’article 146, paragraphe 1, premier alinéa, des modalités d’exécution, le pouvoir adjudicateur doit assurer la participation du comité d’évaluation chaque fois que les offres sont évaluées et classées sur la base, respectivement, des critères d’exclusion et de sélection ou d’attribution.

128    Or, ainsi qu’il a été relevé au point 125 ci-dessus et comme le fait valoir l’EMSA, l’objectif de la réunion du 9 juin 2009 n’était pas d’évaluer ou de classer les offres. Il ressort du procès‑verbal de la réunion en cause, tel que présenté en annexe de la requête, que l’EMSA s’était limitée, lors de ladite réunion, à présenter et à clarifier les différents aspects techniques de l’appel d’offres en cause, y compris en ce qui concerne les exigences liées aux critères de sélection et d’attribution établis dans le cahier des charges. C’est uniquement dans ce contexte et à titre de clarification que l’EMSA avait réaffirmé que les navires de la requérante n’étaient pas appropriés pour les services requis par le marché. Cette constatation est corroborée également par le fait que, à ce stade de la procédure, une évaluation formelle de l’offre de la requérante par le comité d’évaluation était exclue, dès lors que la date limite de soumission des offres avait été fixée au 6 juillet 2009.

129    Il résulte de ce qui précède que le comité d’évaluation n’était pas tenu de participer à ladite réunion dans sa composition prévue à l’article 146, paragraphe 2, premier alinéa, des modalités d’exécution.

130    En tout état de cause, il convient de relever qu’aucun des arguments soulevés par la requérante dans le cadre de ce grief ne consiste à faire valoir que, lors des réunions de clarification similaires, qui ont eu lieu avec les autres candidats, ceux-ci ont été reçus par le comité d’évaluation dans sa composition prévue à l’article 146, paragraphe 2, premier alinéa, des modalités d’exécution ou dans une composition différente de celle établie pour la réunion du 9 juin 2009.

131    Par conséquent, le grief consistant à invoquer une violation du principe d’égalité de traitement des candidats doit être rejeté, dès lors qu’il ne ressort pas des éléments versés au dossier que la requérante et les autres candidats aient été traités d’une manière différente.

132    Il s’ensuit que le deuxième grief de la requérante, tiré d’une violation du principe d’égalité dans le traitement des candidats fondée sur la prétendue irrégularité affectant la réunion du 9 juin 2009, doit également être rejeté.

133    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le troisième moyen, tiré de la violation des principes d’égalité et de transparence dans le traitement des candidats, doit être rejeté.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des dispositions de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et de l’article 149, paragraphe 3, des modalités d’exécution, en ce que la motivation de la décision de rejet n’est pas conforme auxdites dispositions

134    La requérante soutient que, en l’espèce, l’EMSA n’a fourni qu’une très brève motivation du rejet de son offre, étant donné que la décision de rejet contenue dans la lettre du 28 octobre 2009 précisait seulement que le comité d’évaluation avait considéré ladite offre comme n’étant pas « la plus économiquement avantageuse ». À la suite de sa demande du 5 novembre 2009, l’EMSA aurait justifié le rejet de son offre, dans un courrier du 17 novembre 2009, par l’exposé des critères auxquels cette offre n’avait pas satisfait pour être retenue, sans pour autant préciser les raisons pour lesquelles ladite offre n’était pas la plus économiquement avantageuse. L’EMSA n’aurait pas fourni ainsi de réponse claire et non équivoque sur le raisonnement suivi pour parvenir à sa décision finale.

135    Par ailleurs, la requérante s’oppose à l’argumentation de l’EMSA selon laquelle, l’offre de la requérante n’étant pas recevable, elle n’était pas obligée, au regard des dispositions de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier, de lui communiquer les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue. Une telle argumentation serait contraire aux propres écritures de l’EMSA et aux décisions que celle-ci aurait prises pendant la procédure négociée qu’elle a mise en œuvre et, notamment, à la lettre de l’EMSA du 18 septembre 2009 ainsi qu’à la décision de rejet, lesquelles indiqueraient que son offre aurait été considérée comme recevable et éliminée à la suite d’une comparaison avec les autres offres.

136    Ainsi, selon la requérante, la motivation de la décision de rejet n’est pas conforme aux dispositions du règlement financier et des modalités d’exécution, lesquelles imposeraient au pouvoir adjudicateur de fournir aux soumissionnaires ayant fait une offre recevable et qui en font la demande expresse les caractéristiques et les avantages de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire. En outre, l’EMSA aurait refusé de lui communiquer le rapport d’évaluation, lequel aurait permis d’obtenir plus d’informations sur les motifs du rejet de son offre.

137    L’EMSA conteste les arguments de la requérante.

138    Tout d’abord, il convient de rappeler que, dans le cadre d’une procédure de passation de marchés publics telle que celle en cause, les dispositions réglementaires qui déterminent le contenu de l’obligation de motivation incombant au pouvoir adjudicateur à l’égard du soumissionnaire dont l’offre n’a pas été retenue sont l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et l’article 149 des modalités d’exécution.

139    Il résulte de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur satisfait à son obligation de motivation si, tout d’abord, il se contente de communiquer immédiatement à tout soumissionnaire écarté les motifs du rejet de son offre et, ensuite, fournit aux soumissionnaires ayant présenté une offre recevable et qui en font la demande expresse les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire dans un délai de quinze jours de calendrier à compter de la réception d’une demande écrite (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 9 septembre 2010, Evropaïki Dynamiki/OEDT, T‑63/06, non publié au Recueil, point 111, et du 9 septembre 2010, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑300/07, Rec. p. II‑4521, point 49, et la jurisprudence citée).

140    Il convient également de préciser que, lorsque l’institution concernée envoie une lettre, à la suite d’une demande d’explications supplémentaires de la part d’un requérant au sujet d’une décision, avant l’introduction d’un recours, mais après la date fixée par l’article 149, paragraphe 3, des modalités d’exécution, cette lettre peut aussi être prise en considération pour examiner si la motivation du cas d’espèce était suffisante. En effet, l’obligation de motivation doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont le requérant disposait au moment de l’introduction du recours (arrêts du Tribunal du 20 mai 2009, VIP Car Solutions/Parlement, T‑89/07, Rec. p. II‑1403, point 73, et du 9 septembre 2010, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑387/08, non publié au Recueil, point 36).

141    Cette façon de procéder est conforme à la finalité de l’obligation de motivation inscrite à l’article 253 CE, selon laquelle il convient de faire apparaître d’une manière claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, afin de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, au juge d’exercer son contrôle (voir arrêts Evropaïki Dynamiki/OEDT, point 139 supra, point 112, et du 9 septembre 2010, Evropaïki Dynamiki/Commission, point 139 supra, point 50, et la jurisprudence citée).

142    Il importe également de rappeler que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée).

143    Il ressort également de la jurisprudence que le contexte entourant la prise de décision, qui est, notamment, caractérisé par l’échange entre l’auteur de celle-ci et la partie concernée, est également pertinent du point de vue du respect de l’obligation de motivation et peut, notamment, alléger les exigences de motivation qui sont à la charge de l’institution (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 avril 2000, Kuijer/Conseil, T‑188/98, Rec. p. II‑1959, points 44 et 45).

144    C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner les griefs soulevés par la requérante dans le cadre du présent moyen.

145    En premier lieu, il convient d’examiner le grief de la requérante selon lequel la motivation très brève de la décision de rejet, communiquée par la lettre de l’EMSA du 28 octobre 2009, et les explications supplémentaires fournies par l’EMSA dans son courrier du 17 novembre 2009 exposant des motifs différents de ceux contenus dans ladite décision ne permettraient pas de comprendre, de manière claire et non équivoque, le raisonnement du pouvoir adjudicateur sur lequel se fonde la décision en cause.

146    À cet égard, il y a lieu de constater que, comme le fait valoir la requérante, il existe une contradiction apparente entre les motifs concernant le rejet de son offre, avancés dans la lettre de l’EMSA du 28 octobre 2009, et ceux exposés dans la lettre subséquente de l’EMSA du 17 novembre 2009, envoyée à la requérante en réponse à sa demande présentée le 5 novembre 2009. Alors que la première lettre mentionnait que l’offre de la requérante n’était pas « la plus économiquement avantageuse », la seconde indiquait que l’offre de la requérante avait été rejetée au motif qu’elle ne remplissait pas les critères de sélection et fournissaient des précisions à cet égard. Les termes de cette seconde lettre ont été confirmés par une lettre ultérieure de l’EMSA à la requérante, en date du 18 décembre 2009.

147    Lors de l’audience, l’EMSA a précisé que sa lettre du 28 octobre 2009, selon laquelle « [l]e comité d’évaluation [avait] considéré que [l’]offre [de la requérante] n’était pas la plus économiquement avantageuse offre reçue », avait été entachée d’une erreur matérielle. Elle a expliqué que l’erreur en cause s’était produite lors de l’envoi de ladite lettre, qui était en substance une lettre standard, et que cette circonstance avait eu comme conséquence une motivation incorrecte de la décision de rejet. L’EMSA a également fait valoir à cette occasion que la motivation réelle du rejet de l’offre de la requérante, à savoir le non-respect par ladite offre de plusieurs critères de sélection, ressortait clairement des documents antérieurs et postérieurs à la lettre du 28 octobre 2009, communiqués à la requérante, et que celle-ci était ainsi informée des vraies raisons sur lesquelles se fondait la décision de rejet. L’EMSA a mentionné à cet égard plusieurs documents sur lesquels le Tribunal devrait fonder son examen concernant la motivation du rejet de l’offre de la requérante, à savoir l’annexe 7 de l’invitation à soumissionner, le procès‑verbal de la réunion de clarification du 9 juin 2009 ainsi que ses lettres des 21 juillet, 18 septembre, 17 novembre et 18 décembre 2009.

148    Au regard de cette argumentation de l’EMSA, il convient de procéder à une analyse des différents documents qu’elle invoque.

149    À cet égard, premièrement, il convient de relever que l’invitation à soumissionner, adressée par l’EMSA à la requérante le 14 mai 2009, comportait une annexe 7 énumérant certains « aspects techniques » de l’offre de la requérante qui devaient être « améliorés » ou « clarifiés ». Les problèmes soulevés dans cette annexe étaient substantiellement ceux identifiés dans la lettre du 17 novembre 2009.

150    Deuxièmement, il ressort du procès-verbal de la réunion de clarification du 9 juin 2009 que, lors de celle-ci, les représentants de l’EMSA ont affirmé que l’offre présentée par la requérante n’était pas adéquate en ce qui concerne les services requis par le marché. Ils ont invoqué, à cet égard, en substance, les mêmes raisons que celles mentionnées dans l’annexe 7 de l’invitation à soumissionner.

151    Troisièmement, par lettre du 21 juillet 2009, l’EMSA a envoyé à la requérante une liste de critères d’exclusion et de sélection, qui n’étaient pas remplis par son offre, et l’a invitée à modifier ladite offre pour la mettre en accord avec l’invitation à soumissionner et le cahier des charges. Au point 2 de l’annexe de cette lettre, la requérante était informée que, c’était « [s]eulement si les critères d’exclusion et de sélection mentionnés ci-dessus [étaient] satisfaits » que « l’offre sera[it] évaluée plus loin ».

152    Quatrièmement, dans sa lettre du 18 septembre 2009 précédant la décision de rejet, l’EMSA a rappelé que l’offre de la requérante n’était pas conforme à certains critères de sélection techniques et a précisé que l’offre allait toutefois être soumise « en son état actuel » au comité d’évaluation. En réponse à la lettre de l’EMSA du 18 septembre 2009 annonçant la saisine du comité d’évaluation, la requérante a, par lettre du 21 septembre 2009, insisté sur la conformité de son offre aux critères de sélection techniques.

153    Il ressort ainsi de l’analyse des échanges entre l’EMSA et la requérante qui ont précédé la communication de la décision de rejet que la requérante avait, à plusieurs reprises, été informée de la non-conformité de son offre à certains critères de sélection. Il s’ensuit qu’elle était consciente du fait que, si le comité d’évaluation partageait l’opinion exprimée par l’EMSA dans ces échanges, selon laquelle l’offre n’était pas conforme à certains critères de sélection, il envisagerait de la rejeter pour ce motif.

154    Ne saurait, à cet égard, être admis l’argument de la requérante selon lequel la lettre du 18 septembre 2009 avait indiqué que son offre avait été traitée par le pouvoir adjudicateur comme une « offre recevable » et que le comité d’évaluation procéderait à la comparaison de celle-ci avec les offres des autres soumissionnaires.

155    À cet égard, il convient de constater que la requérante se fonde sur une lecture tronquée et, partant, erronée de la lettre en cause. Il ressort de cette lettre que l’EMSA a, d’abord, rappelé à la requérante que la capacité propre de stockage de son navire était inférieure au minimum requis et que ce point avait été soulevé à plusieurs occasions, de sorte qu’aucune nouvelle négociation entre elle-même et la requérante n’était nécessaire. L’EMSA a ajouté que les autres problèmes posés par l’offre de la requérante, antérieurement soulevés, aurait nécessité une justification si la capacité de stockage avait été conforme aux critères de sélection. Il s’ensuit que l’EMSA a considéré qu’une telle justification n’était pas nécessaire, l’offre de la requérante ne respectant pas, en tout état de cause, le critère de sélection relatif à la capacité de stockage. Elle a poursuivi dans les termes suivants :

« En tout état de cause, votre offre sera soumise en son état actuel au [comité de sélection]. Vous serez informé du résultat final de l’évaluation de son offre. »

156    Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal sur la portée de la lettre du 18 septembre 2009, l’EMSA a admis que la formule utilisée à la fin de cette lettre, selon laquelle la requérante serait informée quant au « résultat final de l’évaluation de son offre », pouvait être interprétée en ce sens qu’elle renvoyait à une évaluation au sens strict du terme. Elle a précisé que le comité d’évaluation procédait, en vertu de ses attributions, à une évaluation des offres, tant au regard des critères d’attribution qu’au regard des critères de sélection et que, en l’espèce, elle avait décidé de soumettre l’offre de la requérante au comité d’évaluation dans le but, notamment, qu’une décision soit prise au regard de ces derniers critères.

157    Compte tenu du libellé de la lettre du 18 septembre 2009, tel que reproduit au point 155 ci‑dessus, ces explications de l’EMSA doivent être acceptées. Cette dernière a expressément maintenu, dans cette lettre, ses observations antérieures portant sur la non-conformité de l’offre de la requérante à certains critères de sélection. Au regard de cette circonstance, ainsi que de l’utilisation des termes « en tout état de cause », précédant l’information selon laquelle l’offre de la requérante serait soumise au comité d’évaluation, il devait être clair pour celle-ci que son offre n’avait pas été jugée recevable, et ce définitivement. Même si, comme l’EMSA l’a admis lors de l’audience, le terme « évaluation » utilisée dans la lettre en cause pourrait, pris isolément, donner l’impression que le comité de sélection aurait procédé uniquement à la comparaison de l’offre de la requérante avec celles des autres soumissionnaires, il ressortait clairement de la lecture de l’intégralité de la lettre en cause que, en l’occurrence, ce terme avait été utilisé dans un sens large, comprenant aussi bien l’examen de la conformité des offres soumises au comité de sélection aux critères de sélection que leur évaluation comparative.

158    Il ressort ainsi des considérations qui précèdent que, antérieurement à la réception de la lettre du 28 octobre 2009, la requérante avait été informée, à plusieurs reprises, du fait que l’EMSA considérait son offre comme n’étant pas conforme aux critères de sélection. Il était, en outre, clair pour la requérante, notamment au regard des termes de la lettre du 18 septembre 2009, que le comité d’évaluation devait prendre position sur la conformité de son offre aux critères de sélection et que, s’il partageait la position de l’EMSA sur cette question, l’offre serait rejetée pour non-conformité auxdits critères.

159    Au vu des considérations qui précèdent et en tenant compte de la jurisprudence citée aux points 140 et 143 ci‑dessus, il convient de constater que, malgré la référence erronée, dans la lettre du 28 octobre 2009, au rejet de l’offre de la requérante au motif qu’elle n’était pas la plus économiquement avantageuse, la requérante a pu comprendre, à la suite de la réception de la lettre du 17 novembre 2009, les vraies raisons du rejet de son offre, lesquelles, en substance, étaient les mêmes que celles que le pouvoir adjudicateur avait mentionnées dans sa lettre du 21 juillet 2009, à savoir le non-respect par ladite offre de plusieurs critères de sélection techniques prévus dans le cahier des charges. De surcroît, une autre lettre de l’EMSA, en date du 18 décembre 2009, laquelle, en réponse à une nouvelle demande d’informations de la requérante transmise par courriel du 11 décembre 2009, avait renvoyé à ces mêmes raisons, est venue confirmer la conclusion qui pouvait être tirée de la lettre du 17 novembre 2009 quant aux motifs de rejet de l’offre de la requérante.

160    Dès lors, il y a lieu d’admettre que l’erreur matérielle figurant dans la lettre du 28 octobre 2009 ne fait pas obstacle, en l’espèce, à ce que les lettres ultérieures précitées fassent apparaître d’une manière claire et non équivoque les motifs du rejet de l’offre de la requérante et, par voie de conséquence, le raisonnement de l’EMSA sur lequel se fonde la décision de rejet.

161    Il s’ensuit que ladite erreur matérielle ne permet pas de conclure que la décision de rejet était entachée d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation. Au contraire, comme l’exige la jurisprudence (voir arrêt du Tribunal du 15 novembre 2011, CTG Luxembourg PSF/Cour de justice, T‑170/10 et T‑340/10, non publié au Recueil, point 49, et la jurisprudence citée), la motivation de cette décision a été communiquée à la requérante en temps utile, à savoir avant l’introduction du présent recours, et lui a permis d’introduire efficacement un recours pour contester, quant au fond, ladite décision, comme elle l’a d’ailleurs fait.

162    Par conséquent, le grief de la requérante tiré de ce que les motifs du rejet de son offre, tels qu’exposés par l’EMSA, ne permettaient pas de comprendre, de manière claire et non équivoque, le raisonnement du pouvoir adjudicateur sur lequel se fondait la décision du rejet doit être rejeté.

163    En second lieu, s’agissant, du grief de la requérante selon lequel, en substance, elle était en droit d’obtenir des informations réservées aux soumissionnaires ayant présenté une offre recevable, à savoir les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue et le nom de l’attributaire, y compris le rapport d’évaluation, il doit aussi être rejeté.

164    En effet, ce grief se fonde uniquement sur l’argumentation de la requérante selon laquelle son offre avait été considérée par le pouvoir adjudicateur comme conforme aux critères de sélection et rejetée au motif qu’elle n’était pas la plus avantageuse économiquement. Or, il ressort des considérations exposées ci‑dessus que cette argumentation n’est pas fondée.

165    L’information concernant les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue et le nom de l’attributaire n’est nécessaire qu’en cas de rejet d’une offre recevable, à savoir d’une offre respectant les critères de sélection établis par le cahier des charges, condition qui fait précisément défaut en l’espèce. Par conséquent, conformément à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et à l’article 149, paragraphe 3, quatrième alinéa, des modalités d’exécution, la requérante n’avait aucun droit à ladite information. Quant à la prétendue obligation de l’EMSA de communiquer à la requérante le rapport d’évaluation, il suffit de constater que l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier prévoit uniquement que le pouvoir adjudicateur communique, à la suite d’une demande écrite, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 12 juillet 2007, Evropaïki Dynamiki/ Commission, T‑250/05, non publié au Recueil, point 113, et du 19 avril 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑49/09, non publié au Recueil, point 45). Dès lors, l’EMSA n’était pas tenue de communiquer le rapport d’évaluation à la requérante.

166    Il s’ensuit que ce grief de la requérante ne saurait davantage être accueilli.

167    Il résulte des considérations qui précèdent que le premier moyen, tiré de la violation des dispositions de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et de l’article 149, paragraphe 3, des modalités d’exécution, en ce que la motivation de la décision de rejet n’est pas conforme auxdites dispositions, doit être rejeté.

168    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les conclusions en annulation doivent être rejetées dans leur intégralité.

 Sur la demande en indemnité

169    Selon la requérante, les illégalités commises par l’EMSA dans l’adoption de la décision de rejet seraient de nature à engager la responsabilité non contractuelle de celle-ci. L’EMSA aurait commis des erreurs graves et manifestes quant à l’appréciation de l’offre de la requérante et des manquements à plusieurs règles du droit de l’Union concernant les marchés publics, telles que le respect des principes d’égalité, de non-discrimination et de transparence. Les éléments nécessaires pour engager la responsabilité non contractuelle du pouvoir adjudicateur seraient donc réunis en l’espèce. Le préjudice subi par la requérante, lequel serait actuel, réel et certain, consisterait en un préjudice économique résultant des coûts représentés par l’ensemble des moyens qu’elle aurait mobilisés pour répondre à la mise en concurrence, manifestement irrégulière, dont le montant total est estimé à 227 744 euros.

170    L’EMSA conteste les arguments de la requérante.

171    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, pour comportement illicite de ses organes, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêt du Tribunal du 14 décembre 2005, FIAMM et FIAMM Technologies/Conseil et Commission, T‑69/00, Rec. p. II‑5393, point 85, et la jurisprudence citée).

172    Dans la mesure où ces trois conditions d’engagement de la responsabilité sont cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit pour rejeter un recours indemnitaire, sans qu’il soit, dès lors, nécessaire d’examiner les autres conditions (voir arrêt du Tribunal du 13 septembre 2006, CAS Succhi di Frutta/Commission, T‑226/01, Rec. p. II‑2763, point 27, et la jurisprudence citée).

173    En l’espèce, dès lors que la requérante n’a pas prouvé, ainsi qu’il ressort des considérations relatives à la demande en annulation exposées aux points 43 à 168 ci-dessus, l’existence d’un comportement illégal de la part de l’EMSA, sa demande d’indemnité doit être rejetée dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions.

174    Il s’ensuit que la demande en indemnité doit être rejetée comme non fondée.

175    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

176    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

177    Par conséquent, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EMSA.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Ecoceane est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Agence européenne pour la sécurité maritime (EMSA).

Truchot

Martins Ribeiro

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 2013.

Signatures



Table des matières


Cadre juridique

Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la demande en annulation

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des principes d’égalité d’accès, de non-discrimination et de transparence visés à l’article 89, paragraphe 1, du règlement financier et à l’article 131, paragraphe 1, des modalités d’exécution

Sur le quatrième moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation commise par l’EMSA dans l’évaluation de l’offre de la requérante

Sur le troisième moyen, tiré de la violation des principes d’égalité et de transparence dans le traitement des candidats

Sur le premier moyen, tiré de la violation des dispositions de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et de l’article 149, paragraphe 3, des modalités d’exécution, en ce que la motivation de la décision de rejet n’est pas conforme auxdites dispositions

Sur la demande en indemnité

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.