Language of document : ECLI:EU:T:2021:693

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

13 octobre 2021 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Agents temporaires – Agents contractuels – Rémunération – Personnel du SEAE affecté dans un pays tiers – Article 10 de l’annexe X du statut – Évaluation annuelle de l’indemnité de conditions de vie – Lignes directrices relatives à la méthode de fixation de l’indemnité de conditions de vie – Décision fixant le taux de l’indemnité de conditions de vie versée au personnel affecté au Ghana à 20 % – Défaut d’établissement du questionnaire requis par les lignes directrices – Irrégularité procédurale – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑655/18,

Delphine Aupicon, demeurant à Gaborone (Botswana), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe (1), représentés par Me N. de Montigny, avocate,

parties requérantes,

contre

Service européen pour l’action extérieure (SEAE), représenté par MM. S. Marquardt et R. Spáč, en qualité d’agents, assistés de Mes M. Troncoso Ferrer, F.-M. Hislaire et C. García Fernández, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, de la décision du directeur général pour le budget et l’administration du SEAE du 19 décembre 2017 relative à la fixation de l’indemnité de conditions de vie visée à l’article 10 de l’annexe X du statut des fonctionnaires de l’Union européenne au titre de l’exercice 2018, en ce qu’elle fixe le taux de l’indemnité de conditions de vie versée au personnel de l’Union européenne affecté au Ghana à 20 % du montant de référence et, d’autre part, pour autant que de besoin, du bulletin de rémunération du mois de janvier 2018 des requérants en ce qu’il applique pour la première fois cette décision,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, P. Nihoul et J. Martín y Pérez de Nanclares (rapporteur), juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 22 avril 2021,

rend le présent

Arrêt

I.      Cadre juridique

A.      Statut des fonctionnaires de l’Union européenne

1        Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version applicable au litige (ci-après le « statut »), précise, à son article 1er ter, sous a), que, sauf dispositions contraires et pour son application, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) est assimilé aux institutions de l’Union européenne.

2        L’article 101 bis du statut constitue l’unique article du titre VIII ter de celui-ci. Cet article prévoit que, « [s]ans préjudice des autres dispositions du statut, l’annexe X détermine les dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires affectés dans un pays tiers ».

3        L’article 110, paragraphe 1, du statut dispose que « [l]es dispositions générales d’exécution du […] statut sont arrêtées par l’autorité investie du pouvoir de nomination de chaque institution après consultation de son comité du personnel et avis du comité du statut ».

4        L’article 1er de l’annexe X du statut dispose :

« La présente annexe détermine les dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires de l’Union européenne affectés dans un pays tiers.

[...]

Des dispositions générales d’exécution sont arrêtées conformément à l’article 110 du statut. »

5        L’article 10 de l’annexe X du statut énonce :

« 1.      Une indemnité de conditions de vie est fixée, selon le lieu où le fonctionnaire est affecté, en pourcentage d’un montant de référence. Ce montant de référence est constitué du total du traitement de base ainsi que de l’indemnité de dépaysement, de l’allocation de foyer et de l’allocation pour enfant à charge, déduction faite des retenues obligatoires visées par le statut ou par les règlements pris pour son application.

Aucune indemnité de cette nature n’est versée lorsque le fonctionnaire est affecté dans un pays où les conditions de vie peuvent être considérées comme équivalentes à celles qui prévalent habituellement dans l’Union.

Pour les autres lieux d’affectation, l’indemnité de conditions de vie est fixée compte tenu, notamment, des paramètres suivants :

–        l’environnement sanitaire et hospitalier,

–        les conditions de sécurité,

–        les conditions climatiques,

–        le degré d’isolement,

–        les autres conditions [de vie] locales.

L’indemnité fixée pour chaque lieu d’affectation fait l’objet annuellement d’une évaluation et, le cas échéant, d’une révision de la part de l’autorité investie du pouvoir de nomination, après avis du comité du personnel.

[…]

3.      L’autorité investie du pouvoir de nomination fixe les modalités d’application du présent article. »

B.      Régime applicable aux autres agents de l’Union européenne

6        Le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, dans sa version applicable au litige (ci-après le « RAA »), précise, à son article 10, paragraphe 5, que le titre VIII ter du statut s’applique par analogie aux agents temporaires affectés dans un pays tiers.

7        L’article 118 du RAA prévoit que l’annexe X du statut s’applique par analogie aux agents contractuels affectés dans les pays tiers, sous réserve, dans certaines circonstances, de l’article 21 de celle-ci. Cette disposition concerne la prise en charge par l’institution de certains frais liés au logement des fonctionnaires dans les lieux d’affectation.

C.      Décisions du SEAE

8        La décision HR DEC(2013) 013 de la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, du 17 décembre 2013, relative à l’indemnité de conditions de vie et à l’indemnité complémentaire visées à l’article 10 de l’annexe X du statut (ci-après la « décision du 17 décembre 2013 ») vise le statut et le RAA, et notamment cet article 10, et précise qu’elle a été adoptée après consultation du comité du personnel. Selon son unique considérant, elle vise à arrêter des directives internes relatives notamment à l’indemnité de conditions de vie (ci-après l’« ICV »).

9        L’article 1er de la décision du 17 décembre 2013 dispose que « [l]es paramètres visés au paragraphe 1 de l’article 10 de l’annexe X du [s]tatut sont évalués par l’[autorité investie du pouvoir de nomination], qui peut se baser, entre autres, sur des informations fournies par des sources fiables à caractère international, publiques ou privées, par les États membres, ainsi que par les délégations de l’Union et les services des [i]nstitutions et organes de l’Union ».

10      Aux termes de l’article 2, premier et deuxième alinéas, de la décision du 17 décembre 2013 :

« Après avis des comités du personnel du SEAE et de la Commission, l’[autorité investie du pouvoir de nomination] détermine les pourcentages de l’[ICV] relatifs aux différents lieux d’affectation. Ces pourcentages sont répartis en huit catégories (0, 10, 15, 20, 25, 30, 35 et 40 %), en fonction des paramètres […]

Aucune indemnité de cette nature n’est versée en cas d’affectation dans un pays où les conditions de vie peuvent être considérées comme équivalentes à celles habituelles dans l’Union européenne. »

11      L’article 7, deuxième alinéa, de la décision du 17 décembre 2013 comporte une liste, donnée à titre d’exemple, des paramètres qui sont, notamment, pris en compte pour la fixation de l’ICV, lesquels correspondent aux paramètres indiqués à l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de l’annexe X du statut. Dans ses troisième à cinquième alinéas, cet article énonce :

« Pour chaque paramètre l’[autorité investie du pouvoir de nomination] fixe le degré de difficulté en nombre de points. Ces données sont transposées dans un tableau de comparaison, résultant dans une cotation finale, qui reflétera à son tour le pourcentage attribué pour l’[ICV].

La méthodologie employée fait l’objet de [l]ignes directrices adoptées par le SEAE en accord avec les services responsables de la Commission, après consultation du [g]roupe technique [ICV].

Le [g]roupe technique [ICV] est un groupe ad hoc de nature consultative incluant des membres de l’administration et des représentants du personnel du SEAE, d’une part, et de la Commission, d’autre part. Les représentants du personnel sont nommés par le [c]omité du [p]ersonnel de leur institution. Le groupe technique [ICV] se prononce sous forme de recommandations à la demande de l’[autorité investie du pouvoir de nomination]. Il est notamment consulté sur les décisions visées à l’article 2, par[agraphes 1 et 3]. »

12      L’article 12, premier alinéa, de la décision du 17 décembre 2013 précise que les dispositions de celle-ci s’appliquent par analogie aux agents temporaires ainsi qu’aux agents contractuels.

13      Sur la base de la décision du 17 décembre 2013, en particulier de ses articles 2 et 7, ainsi que sur la base de l’annexe X du statut, en particulier de ses articles 8 et 10, et après consultation du comité du personnel du SEAE et du comité du personnel de la Commission européenne, a été adoptée la décision EEAS DEC(2014) 049 du directeur général administratif ad interim du SEAE, du 3 décembre 2014, relative aux lignes directrices établissant la méthodologie pour fixer, notamment, les ICV (ci-après les « lignes directrices »).

14      L’article 1er, paragraphe 1, des lignes directrices comporte une liste des paramètres qui sont pris en compte pour la fixation de l’ICV, lesquels correspondent aux paramètres indiqués à l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de l’annexe X du statut. L’article 1er, paragraphes 2 et 3, des lignes directrices dispose :

« 2.      Chacun des paramètres doit être évalué et reçoit le score suivant :

–        1 [point] quand les conditions de vie sont équivalentes à celles dans l’Unioneuropéenne,

–        2 [points] quand les conditions de vie sont plutôt difficiles comparées à celles dans l’Union européenne,

–        3 [points] quand les conditions de vie sont difficiles comparées à celles dans l’Union européenne,

–        4 [points] quand les conditions de vie sont très difficiles comparées à celles dans l’Union européenne,

–        5 [points] quand les conditions de vie sont extrêmement difficiles comparées à celles dans l’Union européenne.

3.      Le score total résultant de cette évaluation peut être ajusté sur la base des considérations figurant à l’[a]rticle 3, [étape] 3. Le score total maximal attribué à un pays sera de 25 points. L’[ICV] sera fixée conformément à l’échelle suivante :

–        […]

–        20 % pour un score de 10 ou 11 [points]

–        25 % pour un score de 12 ou 13 [points]

–        […] »

15      L’article 2, paragraphes 1 à 5, des lignes directrices se lit comme suit :

« 1.      Environnement sanitaire et hospitalier

Le score pour [le paramètre] “Environnement sanitaire et hospitalier” sera déterminé sur la base de la “carte sanitaire” comparative établie par “International SOS” et, le cas échéant, [sur la base d’]autres informations fournies par des sources fiables à caractère international publiques ou privées.

La “carte sanitaire” d’“International SOS” attribue un classement médical aux pays en évaluant une gamme de facteurs, y compris le standard des soins médicaux et dentaires disponibles, l’accès aux médicaments sur ordonnance, la présence de maladies infectieuses graves et [l’existence] de barrières culturelles, linguistiques ou administratives, conformément à une échelle de cinq échelons allant de “faible risque” à “risque extrême”.

2. Sécurité

Le score pour [le paramètre] “[s]écurité” sera déterminé sur la base de la base de données “Country Threat Assesment” (CTA) gérée par les services de sécurité au sein des institutions et, le cas échéant, [sur la base d’]autres informations fournies par des sources fiables à caractère international publiques ou privées.

Le CTA décrit, d’une manière générale et standardisée, des menaces sécuritaires nationales existant dans tous les pays où sont présents les délégations de l’[Union] conformément à une échelle de cinq échelons [allant] de faible [risque] à [risque] critique.

3. Climat

Le score pour [le paramètre] “[c]limat” sera déterminé sur la base des données obtenues auprès de l’Organisation météorologique mondiale et, le cas échéant, [sur la base d’]autres informations fournies par des sources fiables à caractère international publiques ou privées.

4. Degré d’isolement

Le score pour [le paramètre] “[d]egré d’isolement” sera déterminé sur la base des données communiquées par les délégations en réponse à un questionnaire et, le cas échéant, [sur la base d’]autres informations fournies par des sources fiables à caractère international publiques ou privées.

Les données à communiquer par les délégations concerneront :

–        [l]es facilités de déplacement et les moyens de transport,

–        [l]es facilités de communication (Internet, Skype, couverture des téléphones portables, …),

–        [l]’environnement linguistique,

–        [l]es restrictions sur la vie sociale.

5.      Autres conditions [de vie] locales

Le score pour [le paramètre] “Autres conditions de vie locales” sera déterminé sur la base des données communiquées par les délégations en réponse à un questionnaire et, le cas échéant, [sur la base d’]autres informations fournies par des sources fiables à caractère international publiques ou privées.

Les données à communiquer par les délégations concerneront :

–        [l]es conditions d’approvisionnement,

–        [l]es services publics,

–        [l]es infrastructures scolaires pour les enfants du personnel,

–        [l]es possibilités de travail pour les conjoints,

–        [l]es activités sportives et culturelles. »

16      L’article 3 des lignes directrices, intitulé « Le système en 3 étapes », dispose :

« L’évaluation des pays sera organisée en 3 étapes :

1.      Première évaluation par pays au niveau administratif […]

2.      Évaluation intermédiaire : [c]ontrôle de la première évaluation pour vérifier la cohérence régionale et mener la comparaison avec des pays similaires ([…] avec les services du SEAE et les services géographiques de la Commission).

3.      Évaluation finale et comparaison avec les données des États membres en consultant le comité de direction pour les délégations “EUDEL”.

Étape 1 : la première évaluation.

Les services administratifs préparent une évaluation initiale pour chaque paramètre, en attribuant un score de 1 à 5 selon le système décrit à l’article 2. Les résultats sont inscrits dans un tableau comparatif et une estimation de l’impact budgétaire est établie.

Étape 2 : la vérification de l’évaluation au regard de la cohérence régionale et en comparaison avec des pays similaires.

L’évaluation régionale prend en compte les similitudes ou les disparités régionales, les facteurs d’isolement spécifiques ou les conditions locales qui sont comparables dans la région. Les services géographiques évalueront si les résultats de l’étape 1 semblent appropriés d’un point de vue régional. De manière similaire, à cette étape de la procédure, les résultats entre pays comparables (comparables au niveau de la taille, du développement, de l’émergence du pays, des pays de l’OCDE, des petits territoires ou des îles) seront vérifiés.

Un rapport concluant l’étape 2 sera établi, y compris un résumé des avis reçus et une estimation de l’impact budgétaire.

Étape 3 : l’évaluation finale.

Dans le cadre de l’évaluation finale, le comité directeur pour les délégations “EUDEL” dispose des résultats intermédiaires à la suite de l’étape 1 et de l’étape 2. À cette étape de la procédure, le comité directeur pour les délégations “EUDEL” procède à une analyse comparative et émet une évaluation finale sur le fondement :

–        du niveau de cohérence entre les scores obtenus avec des schémas de difficultés comparables établis par chaque État membre ou d’autres schémas de difficultés comparables, publics ou privés,

–        d’une vérification approfondie de la prise en considération suffisante des objectifs de politique générale, des problèmes de recrutement et d’autres éléments non inclus dans les paramètres classiques, comme des situations de crise atypiques (épidémie, crises, etc.) lors des résultats intermédiaires de l’étape 1 et de l’étape 2.

L’évaluation finale permet d’ajuster les scores. Un rapport final sera établi avec une description des procédures et des conclusions, y compris une justification des scores qui ont été ajustés et une estimation de l’impact budgétaire. »

17      Sur la base de la décision du 17 décembre 2013 et des lignes directrices, le directeur général pour le budget et l’administration du SEAE a adopté la décision du 19 décembre 2017 relative à la fixation de l’indemnité de conditions de vie visée à l’article 10 de l’annexe X du statut au titre de l’exercice 2018 (ci-après la « décision attaquée »). En vertu de la décision attaquée, le taux de l’ICV versée au personnel de l’Union affecté au Ghana a été fixé à 20 % du montant de référence à compter du 1er janvier 2018.

II.    Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

18      Les requérants, Mme Delphine Aupicon et les autres personnes physiques dont les noms figurent en annexe, sont des fonctionnaires ou des agents de l’Union qui étaient affectés au Ghana lorsque la décision attaquée a été adoptée.

19      Par décision du directeur général administratif du SEAE du 23 février 2015, le taux de l’ICV versée au personnel affecté au Ghana a été réduit de 25 % à 20 % du montant de référence (ci-après la « décision de 2015 portant réduction du taux de l’ICV »).

20      Le 28 décembre 2015, M. David Martinez de Prins et d’autres fonctionnaires et agents affectés au Ghana lorsque la décision de 2015 portant réduction du taux de l’ICV a été adoptée ont introduit un recours en annulation de leurs bulletins de rémunération du mois de mars 2015 ainsi que de leurs bulletins de rémunération subséquents dans la mesure où ils faisaient application de cette décision. Cette affaire a reçu le nom usuel de Martinez de Prins e.a./SEAE et a été enregistrée sous le numéro T‑575/16.

21      Par l’arrêt du 14 décembre 2017, Martinez De Prins e.a./SEAE (T‑575/16, EU:T:2017:911, point 27), le Tribunal, en interprétant le recours en ce sens que les requérants avaient soulevé une exception d’illégalité à l’encontre de la décision de 2015 portant réduction du taux de l’ICV, a estimé qu’il convenait d’annuler les bulletins de rémunération des requérants du mois de mars 2015 en ce qu’ils faisaient application du taux d’ICV pour les fonctionnaires et les agents affectés à la délégation au Ghana, tel qu’arrêté dans la décision de 2015 portant réduction du taux de l’ICV, en raison d’un vice de procédure entachant cette dernière décision (arrêt du 14 décembre 2017, Martinez De Prins e.a./SEAE, T‑575/16, EU:T:2017:911, point 59).

22      Le taux de l’ICV versée au personnel de l’Union affecté au Ghana a également été fixé, au titre des exercices suivant l’exercice 2015, à 20 % du montant de référence. En effet, les décisions du 19 avril et du 23 décembre 2016 du directeur général pour le budget et l’administration du SEAE relatives à la fixation de l’ICV visée à l’article 10 de l’annexe X du statut au titre des exercices, respectivement, 2016 et 2017 prévoient que le taux de l’ICV versée au personnel de l’Union affecté au Ghana est de 20 % du montant de référence.

23      Le 20 mars 2018, les requérants ont, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit, auprès de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») ou de l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement, une réclamation à l’encontre de la décision attaquée, contestant la fixation du taux de l’ICV versée au personnel de l’Union affecté au Ghana, au titre de l’exercice 2018, à 20 % du montant de référence.

24      Par arrêt du 13 avril 2018, Alba Aguilera e.a./SEAE (T‑119/17, EU:T:2018:183), le Tribunal a annulé la décision du directeur général pour le budget et l’administration du SEAE du 19 avril 2016 portant réduction, à compter du 1er janvier 2016, du taux de l’ICV versée au personnel de l’Union affecté en Éthiopie. En effet, le Tribunal a accueilli le premier moyen soulevé par les parties requérantes dans cette affaire, tiré d’une violation de l’obligation d’adopter des dispositions générales d’exécution (ci-après les « DGE ») concernant l’article 10 de l’annexe X du statut. À l’appui de ce moyen, les parties requérantes avaient soutenu que le SEAE était tenu, en vertu de l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut et conformément à l’article 110 du statut, d’adopter des DGE relatives à l’article 10 de l’annexe X du statut avant d’adopter la décision du 19 avril 2016 susmentionnée.

25      Par décision du 23 juillet 2018, la réclamation des requérants a été rejetée (ci-après la « décision de rejet »).

26      Le 26 juin 2018, le SEAE a introduit un pourvoi contre l’arrêt du 13 avril 2018, Alba Aguilera e.a./SEAE (T‑119/17, EU:T:2018:183), devant la Cour, donnant lieu à l’affaire SEAE/Alba Aguilera e.a., enregistrée sous le numéro C‑427/18 P. À l’appui de ce pourvoi, le SEAE a soulevé, notamment, un moyen tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut, en ce que le Tribunal a jugé que l’obligation qu’il contenait d’adopter des DGE conformément à l’article 110 du statut vaudrait obligation d’adopter des DGE concernant l’ensemble de cette annexe.

27      La Cour a fait droit à ce moyen en considérant que, en jugeant que l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut constituait une disposition édictant une obligation expresse d’adopter des DGE concernant l’ensemble de cette annexe et en en déduisant que le SEAE était tenu d’adopter des DGE concernant l’article 10 de ladite annexe avant de pouvoir légalement adopter la décision du 19 avril 2016 mentionnée au point 24 ci-dessus, le Tribunal avait commis une erreur de droit (arrêt du 26 février 2020, SEAE/Alba Aguilera e.a., C‑427/18 P, EU:C:2020:109, point 83). En conséquence, la Cour a partiellement annulé l’arrêt du 13 avril 2018, Alba Aguilera e.a./SEAE (T‑119/17, EU:T:2018:183), et, par ailleurs, a renvoyé l’affaire devant le Tribunal, estimant que le litige n’était pas en état d’être jugé.

III. Procédure et conclusions des parties

28      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 octobre 2018, les requérants ont introduit le présent recours.

29      Compte tenu de l’identité de leur premier moyen avec le premier moyen invoqué par les requérants dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 avril 2018, Alba Aguilera e.a./SEAE (T‑119/17, EU:T:2018:183), contre lequel le SEAE avait formé un pourvoi devant la Cour, par lettre du 5 novembre 2018, les requérants ont demandé la suspension de la procédure jusqu’à l’issue de la procédure de pourvoi.

30      Le SEAE n’ayant pas formulé d’observations sur la demande de suspension introduite par les requérants, le président de la cinquième chambre du Tribunal a décidé, le 6 décembre 2018, de suspendre la procédure jusqu’au prononcé de la décision de la Cour dans l’affaire SEAE/Alba Aguilera e.a. (C‑427/18 P).

31      Par décision adoptée le 18 octobre 2019, le président du Tribunal a, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, réattribué l’affaire à un nouveau juge rapporteur, affecté à la quatrième chambre.

32      Par l’arrêt du 26 février 2020, SEAE/Alba Aguilera e.a. (C‑427/18 P, EU:C:2020:109), la Cour a statué sur le pourvoi formé par le SEAE. Par conséquent, la procédure a été reprise et les parties ont été invitées, le 10 mars 2020, à prendre position sur les conséquences qu’elles tiraient, pour la présente affaire, dudit arrêt.

33      Le 25 mars 2020, les parties ont déposé au greffe du Tribunal leurs observations sur les conséquences qu’elles tiraient pour la présente affaire de l’arrêt du 26 février 2020, SEAE/Alba Aguilera e.a. (C‑427/18 P, EU:C:2020:109).

34      Le 25 juin 2020, le SEAE a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en défense.

35      La réplique et la duplique ont été déposées, respectivement, le 31 août et le 12 octobre 2020.

36      La phase écrite de la procédure a été clôturée le 15 octobre 2020.

37      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous d), du règlement de procédure, le Tribunal a, le 3 mars 2021, demandé au SEAE de produire une copie du questionnaire rempli par la délégation de l’Union au Ghana concernant les paramètres « degré d’isolement » et « autres conditions de vie locales », prévus à l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de l’annexe X du statut, dans le cadre de l’évaluation annuelle ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, demande à laquelle le SEAE a déféré dans le délai imparti.

38      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 22 avril 2021.

39      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler, pour autant que de besoin, leurs bulletins de rémunération du mois de janvier 2018 en ce qu’ils appliquent pour la première fois la décision attaquée ;

–        condamner le SEAE aux dépens.

40      Le SEAE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        « déclarer le recours recevable, mais non fondé » ;

–        condamner les requérants aux dépens.

41      Lors de l’audience, ainsi qu’il a été acté au procès-verbal, le SEAE a précisé que son premier chef de conclusions, par lequel il admet la recevabilité du recours, se rattachait au second moyen soulevé par les requérants à l’appui de leur recours.

IV.    En droit

42      À l’appui de leur recours, les requérants soulèvent deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’obligation prévue à l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut d’adopter des DGE concernant l’article 10 de ladite annexe et, le second, d’erreurs manifestes d’appréciation.

A.      Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation prévue à l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut d’adopter des DGE concernant l’article 10 de l’annexe X du statut

43      À titre liminaire, il convient de rappeler que le juge de l’Union est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si la bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond le moyen, sans statuer préalablement sur sa recevabilité (voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 2017, France/Commission, T‑344/15, EU:T:2017:250, point 92).

44      Le Tribunal estime que, eu égard aux circonstances de l’espèce et pour des raisons d’économie de la procédure, il y a lieu d’examiner le bien-fondé du présent moyen sans statuer préalablement sur sa recevabilité, mise en cause par le SEAE au motif que les arguments soulevés à son soutien n’auraient été présentés qu’après l’arrêt du 26 février 2020, SEAE/Alba Aguilera e.a. (C‑427/18 P, EU:C:2020:109), dès lors que ce moyen doit, en tout état de cause et pour les motifs exposés ci-après, être rejeté sur le fond.

45      Les requérants soutiennent, en substance, que le fait que, selon le SEAE, la procédure prévue par les lignes directrices et la décision du 17 décembre 2013 supprime tout risque d’arbitraire serait sans incidence dès lors que la seule disposition dont la clarté et la précision doivent être appréciées est l’article 10 de l’annexe X du statut. À cet égard, les requérants considèrent que la motivation figurant au point 35 de l’arrêt du 17 mars 2016, Vanhalewyn/SEAE (T‑792/14 P, EU:T:2016:156), et au point 39 de l’arrêt du 13 avril 2018, Alba Aguilera e.a./SEAE (T‑119/17, EU:T:2018:183), serait applicable à l’obligation d’adopter des DGE en raison du manque de clarté et de précision d’une disposition. Selon cette motivation, le fait que le SEAE ait adopté des critères aptes à guider son appréciation de l’équivalence des conditions de vie est dépourvu de pertinence dans la mesure où ces critères n’étaient pas consacrés dans des DGE.

46      En tout état de cause, les requérants estiment que les règles internes adoptées par le SEAE ne sont pas suffisamment attentives au respect des garanties du personnel affecté dans des pays tiers. Plus précisément, ils font valoir que les notions d’« autres informations » et de « conditions équivalentes à celles dans l’Union européenne » sont imprécises. En outre, la manière d’évaluer le « degré d’isolement » serait imprécise du fait que seul l’isolement international par rapport à Bruxelles (Belgique) semblerait être évalué alors que cette appréciation exclusivement liée à Bruxelles n’est pas prévue et définie par le législateur. Par ailleurs, les requérants signalent une imprécision quant à la nécessité ou non de documenter les questionnaires remplis par les délégations de l’Union et d’illustrer les données qu’ils comportent et quant au droit de l’administration de s’écarter des données communiquées par les délégations en tenant compte d’autres sources.

47      Enfin, les requérants font valoir que l’adoption des DGE permettrait un contrôle en imposant une procédure stricte de fixation des ICV par l’intervention du comité du statut. À cet égard, les requérants considèrent que la motivation figurant aux points 37 et 38 de l’arrêt du 13 avril 2018, Alba Aguilera e.a./SEAE (T‑119/17, EU:T:2018:183), selon laquelle, en substance, l’avis du comité du statut serait nécessaire, serait applicable à l’obligation d’adopter des DGE en raison du manque de clarté et de précision d’une disposition.

48      Le SEAE conteste les arguments des requérants.

49      Il ressort de la jurisprudence que, à défaut de stipulation expresse, l’obligation d’édicter des mesures d’exécution soumises aux conditions formelles de l’article 110 du statut ne saurait être admise qu’à titre exceptionnel, à savoir lorsque les dispositions du statut manquent de clarté et de précision à un point tel qu’elles ne se prêtent pas à une application dépourvue d’arbitraire (voir arrêt du 17 mars 2016, Vanhalewyn/SEAE, T‑792/14 P, EU:T:2016:156, point 29 et jurisprudence citée).

50      À cet égard, il y a lieu de relever que la jurisprudence a admis l’existence de lacunes dans le statut laissant subsister, dans les institutions, une certaine liberté, celle-ci étant limitée par l’obligation d’assurer la défense de la personne intéressée dans des conditions équitables (arrêt du 8 juillet 1965, Willame/Commission, 110/63, EU:C:1965:71, p. 815).

51      Dès lors, en l’espèce, il y a lieu d’examiner si l’article 10 de l’annexe X du statut manque de clarté et de précision à un point tel qu’il ne se prête pas à une application dépourvue d’arbitraire.

52      À cet égard, il convient de comprendre que les arguments des requérants visent cette disposition uniquement en ce qu’elle régit l’ICV et non en ce qui concerne la prime supplémentaire et l’indemnité complémentaire prévues, respectivement, à son paragraphe 1, cinquième alinéa, et à son paragraphe 2.

53      En premier lieu, il convient de relever que les paramètres énoncés à l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de l’annexe X du statut, même s’ils ne sont pas limitatifs, sont clairs et précis. En effet, l’environnement sanitaire et hospitalier, les conditions de sécurité, les conditions climatiques et le degré d’isolement constituent tous des éléments concrets et suffisamment objectifs, de sorte qu’ils ne sauraient se prêter à une application arbitraire.

54      Concernant le paramètre relatif aux « autres conditions [de vie] locales », s’il est vrai que ce paramètre n’a pas été déterminé, d’une manière précise, à l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de l’annexe X du statut, il n’en demeure pas moins que son contenu est déterminable en raison du fait qu’il doit servir à comparer les conditions de vie dans les lieux d’affectation avec celles prévalant habituellement dans l’Union.

55      Il en va de même pour le caractère exemplatif de la liste des paramètres. En effet, la finalité propre de ces paramètres, consistant à comparer des conditions de vie, implique qu’il doit s’agir de paramètres aptes à mener une telle comparaison. Cette circonstance limite les choix possibles et contribue à éviter une application arbitraire desdits paramètres.

56      En deuxième lieu, et ainsi que cela a été relevé dans les conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire SEAE/Alba Aguilera e.a. (C‑427/18 P, EU:C:2019:866, point 69), l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de l’annexe X du statut doit être lu conjointement avec l’article 10, paragraphe 3, de l’annexe X du statut, selon lequel l’AIPN « fixe les modalités d’application du[dit] article ». En effet, les modalités d’application de cet article, en particulier de son paragraphe 1, troisième et quatrième alinéas, établies par l’AIPN, peuvent être considérées comme des règles abstraites et indépendantes de la procédure ayant pour objet de déterminer, dans un cas spécifique, si les conditions de vie prévalant dans un pays présentent une équivalence avec celles qui sont habituelles dans l’Union.

57      En troisième lieu, il convient de rappeler que la fixation de l’ICV est soumise à une évaluation annuelle et, le cas échéant, fait l’objet d’une révision, après avis du comité du personnel. La périodicité régulière des évaluations et l’implication des représentants du personnel auquel l’ICV est versée et qui pourrait, de ce fait, être concerné par une révision de cette dernière constituent également des garanties tendant à éviter le risque d’arbitraire dans la mise en œuvre de l’article 10 de l’annexe X du statut.

58      Au vu de ce qui précède, le Tribunal estime que, en raison de son libellé, de ses finalités et des garanties de procédure qu’il prévoit pour la révision de l’ICV, dans un cadre annuel et après avis du comité du personnel, l’article 10 de l’annexe X du statut, en ce qu’il régit l’ICV, n’exige pas l’adoption, à titre exceptionnel, de DGE au sens de la jurisprudence citée au point 49 ci-dessus.

59      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments des requérants.

60      Tout d’abord, comme le souligne à juste titre le SEAE, les requérants n’identifient pas les alinéas ou passages de l’article 10 de l’annexe X du statut qui manqueraient de clarté et de précision ou se prêteraient à une application arbitraire ni n’expliquent les raisons qui permettraient de soutenir une telle position.

61      Ensuite, comme le soulignent pourtant les requérants, l’examen de la clarté et de la précision de la règle en cause ainsi que de la marge qu’elle laisserait pour une application arbitraire doit porter uniquement sur l’article 10 de l’annexe X du statut, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner les arguments des requérants relatifs au fait que les règles internes adoptées par le SEAE contiendraient certaines imprécisions.

62      Enfin, concernant l’argument des requérants selon lequel l’adoption des DGE permettrait un contrôle en imposant une procédure stricte de fixation des ICV par l’intervention du comité du statut, force est de constater que le fait qu’une intervention du comité du statut soit, selon les requérants, souhaitable ou nécessaire n’est pas de nature à démontrer que l’article 10 de l’annexe X du statut manquerait de clarté et de précision ou qu’il se prêterait à une application arbitraire.

63      En tout état de cause, les requérants n’expliquent pas les raisons pour lesquelles l’intervention du comité du statut serait, selon eux, souhaitable ou nécessaire. Ils se bornent, à cet égard, à citer les points 37 et 38 de l’arrêt du 13 avril 2018, Alba Aguilera e.a./SEAE (T‑119/17, EU:T:2018:183), dont la motivation serait, selon eux, applicable à l’obligation d’adopter des DGE en raison du manque de clarté et de précision d’une disposition sans préciser les raisons qui les ont conduits à formuler une telle conclusion.

64      Par ailleurs, ainsi qu’il a été signalé au point 56 ci-dessus, les modalités d’application de l’article 10 de l’annexe X du statut, en particulier des troisième et quatrième alinéas du paragraphe 1, établies par l’AIPN, peuvent être considérées comme des règles abstraites et indépendantes de la procédure ayant pour objet de déterminer, dans un cas spécifique, si les conditions de vie prévalant dans un pays présentent une équivalence avec celles qui sont habituelles dans l’Union. Dès lors, l’adoption de ces règles abstraites et indépendantes n’exige pas la consultation du comité du statut.

65      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le premier moyen.

B.      Sur le second moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation

66      Dans le cadre de leur second moyen, les requérants invoquent plusieurs erreurs manifestes d’appréciation commises par le SEAE qui entacheraient la décision attaquée.

67      À l’appui de leurs arguments soulevés dans le cadre du second moyen, les requérants renvoient au contenu de leur réclamation.

68      Il convient d’examiner, en premier lieu, la recevabilité du renvoi à la réclamation des requérants puis, en second lieu, le bien-fondé du second moyen.

1.      Sur la recevabilité du renvoi à la réclamation des requérants

69      Il est de jurisprudence constante que, si le texte de la requête peut être étayé par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (voir arrêt du 10 juin 2020, Sammut/Parlement, T‑608/18, EU:T:2020:249, point 25 et jurisprudence citée). Ainsi, un renvoi global à tous les points de la réclamation, sans davantage de précisions, doit être écarté comme irrecevable (arrêt du 10 juin 2020, Sammut/Parlement, T‑608/18, EU:T:2020:249, point 26).

70      Interrogés par le Tribunal à cet égard lors de l’audience, les requérants ont considéré que le renvoi à la réclamation devrait être déclaré comme recevable en raison de la nature technique du texte de la réclamation et du caractère très factuel des appréciations qui y sont contenues. En outre, ils ont signalé que la requête ne se limitait pas à renvoyer au texte de la réclamation. À cet égard, selon les requérants, elle contiendrait deux pages d’explications sur le caractère manifestement erroné de l’appréciation faite par le SEAE des paramètres visés à l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de l’annexe X du statut.

71      Tout d’abord, il convient de relever que, dans la requête, les requérants « se réfèrent intégralement au contenu de leur réclamation ». Plus précisément, ils renvoient d’une manière générale au contenu de leur réclamation à l’appui de leurs arguments concernant les paramètres « environnement sanitaire et hospitalier » et « degré d’isolement ».

72      Ensuite, la nature technique ou le caractère factuel d’un texte ne s’oppose pas à ce qu’une partie requérante puisse indiquer, de manière précise, dans ses écritures les passages de ce texte concernés par le renvoi. Par ailleurs, le Tribunal considère, en tout état de cause, que, si le texte de la réclamation est certes factuel, il ne saurait être qualifié de technique.

73      Cela étant, s’il n’est pas acceptable, en règle générale, de remplacer l’exposé des faits, des moyens et des arguments dans la requête par un simple renvoi à la réclamation, il n’y a pas lieu, dans des circonstances particulières, de déclarer les arguments renvoyant à ladite réclamation comme étant irrecevables. En particulier, le Tribunal a eu l’occasion de considérer que de tels arguments étaient recevables à condition, d’une part, que la requête indique brièvement le moyen en cause et, d’autre part, que ni la partie défenderesse ni lui-même n’aient été mis dans l’impossibilité de comprendre les arguments invoqués à cet égard (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 22 juin 1994, Rijnoudt et Hocken/Commission, T‑97/92 et T‑111/92, EU:T:1994:69, point 71).

74      En l’espèce, dans la requête, les requérants se prévalent, de manière circonstanciée, d’une attribution erronée des scores en ce qui concerne les paramètres « autres conditions de vie locales » et « degré d’isolement », font grief au SEAE de ne pas avoir tenu compte de certains facteurs pour l’analyse du paramètre « environnement sanitaire et hospitalier » et mentionnent que le SEAE n’a procédé à une comparaison, au regard des pays voisins, que du paramètre « conditions climatiques ».

75      Il convient de relever que les requérants soulèvent également, dans la requête, des arguments visant à remettre en cause l’évaluation faite par le SEAE du paramètre « sécurité » laissant ainsi entendre que, selon eux, le score attribué audit paramètre aurait dû être supérieur. Certes, ces arguments sont plus brièvement exposés que dans la réclamation. Toutefois, le SEAE a, dans le mémoire en défense, pris position sur ces arguments, tels qu’ils étaient développés dans la réclamation, ce qui indique que le SEAE a compris la portée de cet aspect de la requête et a été en mesure d’y répondre utilement.

76      Au vu de ce qui précède, il convient d’examiner les arguments exposés dans la requête relatifs aux paramètres « environnement sanitaire et hospitalier », « conditions climatiques », « autres conditions de vie locale » et « degré d’isolement » ainsi que l’argument des requérants, brièvement énoncé dans la requête, mais précisé dans la réclamation, selon lequel le score attribué au paramètre « sécurité » est manifestement erroné.

2.      Sur le bien-fondé du second moyen

77      À titre liminaire, il convient de rappeler, tout d’abord, que, selon une jurisprudence constante, dans les domaines où le législateur de l’Union dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle de légalité exercé par le juge de l’Union est limité au contrôle de la régularité procédurale et de l’erreur de droit, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts du 15 mai 1997, N/Commission, T‑273/94, EU:T:1997:71, point 125, et du 14 mai 2002, Antas de Campos/Parlement, T‑194/00, EU:T:2002:119, point 37).

78      À cet égard, une erreur peut être qualifiée de manifeste uniquement lorsqu’elle peut être aisément détectée à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner l’exercice d’un pouvoir décisionnel (voir arrêt du 18 mars 2015, Rajala/OHMI, F‑24/14, EU:F:2015:10, point 42 et jurisprudence citée).

79      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que, afin d’établir qu’une institution a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de faits complexes de nature à justifier l’annulation d’un acte, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans cet acte. Sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle de l’auteur de cet acte (voir, en ce sens, arrêt du 11 février 2015, Espagne/Commission, T‑204/11, EU:T:2015:91, point 32 et jurisprudence citée).

80      Enfin, la jurisprudence est fixée en ce sens que, d’une part, un acte administratif jouit d’une présomption de légalité (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2000, Griesel/Conseil, T‑157/99, EU:T:2000:192, point 25 et jurisprudence citée) et que, d’autre part, la charge de la preuve pèse, en principe, sur celui qui allègue, de sorte qu’il incombe à la partie requérante de fournir à tout le moins des indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir la véracité ou la vraisemblance des faits à l’appui de ses prétentions (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, EU:C:2001:127, point 113).

81      C’est à l’aune de ces principes jurisprudentiels qu’il convient d’examiner les arguments soulevés par les requérants à l’appui du second moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation.

82      En l’espèce, en premier lieu, concernant les règles d’administration de la preuve applicables au cas d’espèce, les requérants soutiennent, en substance, que, dès lors que leurs arguments figurant dans la réclamation soulèvent, à tout le moins, un doute sur l’appréciation faite par le SEAE des conditions de vie prévalant au Ghana, la charge de la preuve implique que le SEAE doit motiver l’absence d’erreur manifeste d’appréciation. À cet égard, les requérants font valoir que le SEAE ne peut se contenter d’alléguer une présomption de légalité des actes administratifs.

83      En deuxième lieu, les requérants font valoir que, dès la moitié de l’année 2014, les conditions de vie au Ghana se sont détériorées, notamment au niveau macro-économique, impliquant une augmentation du taux d’inflation, une aggravation de la crise énergétique et des préoccupations importantes quant au niveau de sécurité. Les requérants ajoutent que le Fonds monétaire international (FMI) a adopté un programme de soutien qui a été mis en place dès 2015 pour trois années.

84      Selon les requérants, d’autres facteurs, notamment concernant les circonstances signalées au point 83 ci-dessus, devraient avoir été pris en considération au titre « d’autres informations » signalées dans les lignes directrices. À cet égard, selon les requérants, l’envoi de questionnaires au sein de la délégation de l’Union auprès du Ghana et l’évaluation des « critères individuels » pour le Ghana ne reflètent en rien la réalité du terrain.

85      En troisième lieu, les requérants, en substance, remettent en cause l’évaluation, menée par le SEAE, des paramètres prévus à l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de l’annexe X du statut, concernant les conditions de vie au Ghana.

86      En quatrième lieu, les requérants estiment que le SEAE a violé l’obligation de motivation. En effet, d’une part, les requérants font valoir, en substance, que la motivation des scores et des pondérations attribués aux paramètres prévus à l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de l’annexe X du statut est lacunaire et non pertinente, en particulier en ce qui concerne les paramètres relatifs au « degré d’isolement » et aux « autres conditions de vie locales ». D’autre part, concernant le paramètre relatif à la « sécurité », les requérants font valoir que le SEAE n’a pas justifié les raisons l’ayant conduit à ne pas prendre en considération d’autres sources d’information que la base de données Country Threat Assessment (CTA).

87      Le SEAE conteste les arguments des requérants.

88      En premier lieu, concernant les règles d’administration de la preuve applicables au cas d’espèce, le SEAE soutient, en substance, qu’il appartient aux requérants de renverser la présomption de légalité dont bénéficie la décision attaquée. Selon le SEAE, les requérants n’ont apporté aucune preuve ou début de preuve en ce sens.

89      En deuxième lieu, le SEAE fait valoir que ni le groupe technique ni le comité EUDEL n’ont rendu d’avis négatif ou émis de remarques sur le maintien du taux de l’ICV à 20 % du montant de référence versé au personnel affecté au Ghana.

90      En troisième lieu, s’agissant des paramètres prévus à l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de l’annexe X du statut, le SEAE estime, tout d’abord, que les requérants se concentrent singulièrement sur trois de ces paramètres. Il fait valoir, en particulier, que les requérants, dans leur réclamation, ont considéré que les scores concernant uniquement les paramètres « sécurité », « autres conditions de vie locales » et « degré d’isolement » devraient être supérieurs.

91      En quatrième lieu, s’agissant des circonstances invoquées par les requérants, le SEAE fait valoir, tout d’abord, qu’elles ne sont que des affirmations générales qui, pour la plupart, ne s’appuient pas sur des sources publiques ou privées fiables. En outre, le SEAE soutient que les requérants n’ont pas démontré que ces circonstances avaient une incidence sur les conditions de vie prévalant au Ghana. Enfin, selon le SEAE, ces arguments sont soit non pertinents ou obsolètes soit contradictoires. Plus précisément, le SEAE remarque que l’exercice concerné par la décision attaquée est l’exercice 2018 alors que la prétendue détérioration des conditions de vie au Ghana évoquée par les requérants remonterait à l’année 2014. Il en irait de même pour le programme adopté par le FMI qui aurait pris fin au terme de l’année 2017.

92      Il convient de rappeler, comme le souligne à juste titre le SEAE, que la décision attaquée concerne la détermination du taux de l’ICV au titre de l’exercice 2018. Dès lors, est examinée ici la question de savoir si le SEAE a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation des conditions de vie prévalant au Ghana ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée.

93      En l’espèce, il ressort du dossier que le score total résultant de l’évaluation du Ghana au titre de l’année 2018 était de onze points, autrement dit d’un point inférieur au seuil de douze points exigé par l’article 1er, paragraphe 3, des lignes directrices pour la fixation du taux de l’ICV à 25 % du montant de référence.

94      En particulier, le SEAE a attribué aux paramètres visés à l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de l’annexe X du statut les scores suivants : paramètre « environnement sanitaire et hospitalier », quatre points ; paramètre « sécurité », deux points ; paramètre « conditions climatiques », trois points ; paramètre « degré d’isolement », un point ; et paramètre « autres conditions de vie locales », un point.

95      Dès lors, il convient d’examiner s’il ressort de l’évaluation des paramètres, telle qu’elle est précisée à l’article 3 des lignes directrices et ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, que le SEAE a commis une erreur manifeste d’appréciation.

a)      Sur le paramètre « environnement sanitaire et hospitalier »

96      Concernant le paramètre « environnement sanitaire et hospitalier », les requérants font valoir que le SEAE aurait dû prendre en considération l’absence d’infrastructures relatives aux soins dentaires notamment des enfants en bas âge et l’augmentation du nombre de personnes atteintes de malaria au cours des années 2016 et 2017, du virus Ébola depuis 2015, de la grippe influenza type A en 2017 et de la fièvre de lassa en mars 2018. Les requérants affirment avoir fait valoir dans la réclamation un ensemble d’éléments de fait justifiant un niveau élevé permanent de menace pour la santé et l’inadéquation des installations médicales.

97      Le SEAE conteste les arguments des requérants.

98      Il convient de rappeler, tout d’abord, que, selon l’article 1er, paragraphe 2, des lignes directrices, le score de quatre points attribué à ce paramètre implique que l’« environnement sanitaire et hospitalier » au Ghana est très difficile comparé à celui de l’Union.

99      Ensuite, conformément à l’article 2, paragraphe 1, des lignes directrices, le score pour ce paramètre est déterminé sur la base de la « carte sanitaire » comparative établie par « International SOS » et, le cas échéant, sur la base d’autres informations fournies par des sources fiables à caractère international publiques ou privées.

100    Compte tenu du libellé de l’article 2, paragraphe 1, des lignes directrices, il convient de considérer que, pour attribuer un score au paramètre « environnement sanitaire et hospitalier », le SEAE n’est pas obligé de prendre en considération d’autres informations que celles provenant de la « carte sanitaire » comparative établie par « International SOS », à moins que ces dernières informations soient insuffisantes ou non fiables.

101    Il ressort de la décision de rejet que le Ghana a été classé comme un pays « à haut risque médical », classement auquel correspond un score de quatre points sur cinq.

102    À cet égard, il convient de constater que les requérants n’ont pas soulevé d’arguments visant à remettre en cause le caractère suffisant et fiable de la « carte sanitaire » comparative établie par « International SOS ». En outre, force est de constater que, au demeurant, ainsi qu’il ressort du point 74 ci-dessus, les requérants n’ont pas explicitement fait valoir que le score attribué au paramètre « environnement sanitaire et hospitalier » devrait être supérieur.

103    Il convient, dès lors, de rejeter les arguments des requérants visant à remettre en cause l’appréciation faite par le SEAE du paramètre « environnement sanitaire et hospitalier ».

b)      Sur le paramètre « conditions climatiques »

104    Les requérants font grief au SEAE de n’avoir comparé, au regard des pays voisins, que le paramètre « conditions climatiques ».

105    À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de relever que cet argument ne vise pas à remettre en cause l’appréciation du paramètre « conditions climatiques », mais plutôt la manière dont la deuxième des trois étapes du système d’évaluation défini à l’article 3 des lignes directrices, et plus précisément l’application du principe de la cohérence régionale, a été réalisée. Or, les requérants ne développent ni n’étayent cette affirmation. Ils ne précisent pas non plus quelle devrait être, selon eux, l’incidence, sur le score attribué au Ghana, de l’application du principe de cohérence régionale. Enfin, en tout état de cause, il y a lieu de relever qu’il est indiqué dans la décision de rejet que, lors de la deuxième étape du système d’évaluation, une vérification de la cohérence régionale a été menée par plusieurs services. Ainsi, d’une part, les rapports établis à l’issue de la première étape ont été envoyés au service dénommé « GEO AFRICA 3 ». D’autre part, la direction générale de la coopération internationale et du développement de la Commission a envoyé lesdits rapports à l’unité dénommée « GEO » et aux services de recrutement de la Commission. À la suite de la deuxième étape, le score attribué au Ghana lors de la première étape a été maintenu. Il en résulte donc qu’une vérification tendant à assurer la cohérence du score attribué au Ghana avec ceux attribués aux pays situés dans la même région a été faite.

106    Partant, il convient de rejeter l’argument des requérants relatif au paramètre « conditions climatiques ».

c)      Sur le paramètre « sécurité »

107    S’agissant du paramètre « sécurité », les requérants font valoir, tout d’abord, en substance, que l’appréciation des conditions rattachées à ce paramètre n’aurait pas dû tenir compte uniquement de la base de données CTA. Selon les requérants, le SEAE n’a pas pris en considération, au titre « d’autres informations », la mise en place d’un couvre-feu par les Nations unies limitant les déplacements en journée seulement au sein d’Accra (Ghana) et l’augmentation depuis 2015 de la criminalité de rue. Par ailleurs, les requérants soutiennent que le fait de se fonder uniquement sur la base de données CTA serait encore moins justifié au vu du fait que l’« évaluation de la menace par pays [CTA] » faite par le SEAE diffère de celle faite par la Commission.

108    Le SEAE conteste les arguments des requérants.

109    Il convient de rappeler, tout d’abord, que, selon l’article 1er, paragraphe 2, des lignes directrices, le score de deux points attribué à ce paramètre implique que la « sécurité » au Ghana est « plutôt difficile » telle que comparée à celle de l’Union.

110    Ensuite, conformément à l’article 2, paragraphe 2, des lignes directrices, le score pour ce paramètre est déterminé à partir de la base de données CTA gérée par les services de sécurité au sein des institutions et, le cas échéant, sur la base d’autres informations fournies par des sources fiables à caractère international publiques ou privées.

111    Compte tenu du libellé de l’article 2, paragraphe 2, des lignes directrices, il convient de considérer que, pour attribuer un score au paramètre « sécurité », le SEAE n’est pas obligé de prendre en considération d’autres informations que celles résultant de la base de données CTA, à moins que ces dernières informations soient insuffisantes ou non fiables.

112    Selon le SEAE, qui n’a pas été contredit sur ce point par les requérants, la base de données CTA classifie le Ghana comme un pays « à faible risque », classement auquel correspond un score de deux sur cinq points. Au vu de ce classement, il ne saurait être affirmé que le SEAE a commis une erreur manifeste d’appréciation en attribuant un score de deux points sur cinq.

113    Concernant l’argument des requérants selon lequel, en substance, le recours à d’autres informations serait nécessaire dans la mesure où la base de données CTA gérée par le SEAE diffère de celle gérée par la Commission, il convient de relever que, interrogés à cet égard lors de l’audience, les requérants n’ont pas été en mesure de préciser en quoi consisterait cette différence ni de déterminer l’incidence de cette circonstance sur le score attribué au paramètre « sécurité » dans le cas d’espèce.

114    Par ailleurs, le SEAE a précisé, lors de l’audience, qu’il n’existait, en substance, qu’une base de données CTA, gérée par les services de sécurité au sein des institutions et concernant tout le personnel de l’Union affecté dans un pays tiers, qu’il s’agisse de fonctionnaires ou d’agents du SEAE ou de la Commission. Le SEAE a ajouté que, sur le fondement de cette base de données, la Commission développait des conseils de sécurité pour des missions particulières composées par des membres de son personnel se déplaçant temporairement dans un pays tiers.

115    Dans ces circonstances, il convient de considérer que l’argument des requérants n’est pas de nature à démontrer que les informations résultant de la base de données CTA ne seraient pas suffisantes ou fiables, de sorte que le fait pour le SEAE de ne pas avoir eu recours à d’autres informations ne saurait constituer une erreur manifeste d’appréciation.

d)      Sur les paramètres « degré d’isolement » et « autres conditions de vie locales »

116    Concernant le paramètre « degré d’isolement », les requérants soutiennent que les conditions évaluées sous ce paramètre ne peuvent en aucun cas être considérées comme équivalentes à celles prévalant habituellement dans l’Union. Par ailleurs, concernant le fait que, pour évaluer ce paramètre ainsi que celui concernant les « autres conditions de vie locales », le SEAE s’est fondé sur les réponses données par la délégation du Ghana à un questionnaire, les requérants font valoir que ce questionnaire a été « largement débattu ».

117    S’agissant du paramètre « autres conditions de vie locales », les requérants allèguent, tout d’abord, que le SEAE aurait dû prendre en considération l’augmentation du coût de la vie en raison du déficit de biens de première nécessité importés ainsi que d’un taux d’inflation de 15 % entre 2012 et 2016 et de 10,7 % en janvier 2018. Ensuite, les requérants font valoir que le score d’un point attribué à ce paramètre implique que, selon le SEAE, les conditions de vie au Ghana évaluées sous ce paramètre sont équivalentes à celles prévalant habituellement dans l’Union, alors qu’il est évident que les conditions de vie au Ghana sont bien différentes de celles de l’Union. Les requérants estiment que, au moins, un total de deux points aurait dû être attribué à ce paramètre, ce qui aurait impliqué un score total de douze points, permettant de porter le taux de l’ICV à 25 % du montant de référence.

118    Concernant les paramètres « degré d’isolement » et « autres conditions de vie locales », le SEAE soutient, en substance, qu’il a pris en considération les réponses données au questionnaire par la délégation de l’Union auprès du Ghana, conformément à l’article 2, paragraphes 4 et 5, des lignes directrices. Par ailleurs, concernant le paramètre « degré d’isolement », le SEAE fait valoir qu’il ressort de ces réponses qu’il y a des vols directs vers Bruxelles tous les jours. En outre, s’agissant du paramètre « autres conditions de vie locales », le SEAE fait valoir que les corrections pouvant être apportées au traitement du personnel en délégation à la suite d’une augmentation du coût de la vie ont lieu, en substance, par le biais des coefficients correcteurs. Enfin, et en tout état de cause, le SEAE soutient qu’il ressort des informations fournies par les requérants que la situation au Ghana tend à s’améliorer, car le taux d’inflation serait passé de 15 % entre 2012 et 2016 à 10,7 % en janvier 2018.

119    Il convient de rappeler, tout d’abord, que, selon l’article 1er, paragraphe 2, des lignes directrices, le score d’un point attribué à ces paramètres implique que les « autres conditions de vie locales » et le « degré d’isolement » au Ghana sont équivalents à ceux de l’Union.

120    Ensuite, conformément à l’article 2, paragraphes 4 et 5, des lignes directrices, les scores pour ces paramètres sont déterminés sur la base des données communiquées par les délégations en réponse à un questionnaire et, le cas échéant, sur la base d’autres informations fournies par des sources fiables à caractère international publiques ou privées.

121    La décision de rejet indique que, concernant notamment les paramètres « degré d’isolement » et « autres conditions de vie locales », les réponses au « questionnaire de 2017 » ne permettent pas à l’AIPN de relever une erreur manifeste d’appréciation. La décision de rejet ajoute que le « rapport de poste concerné » de la délégation de l’Union au Ghana (« relevant post report ») reflète une situation considérablement plus attrayante des conditions de vie générales dans ce pays que celle décrite dans la réclamation des requérants.

122    Dans le mémoire en défense, le SEAE affirme avoir envoyé, le 16 mai 2017, un questionnaire aux délégations afin d’évaluer la situation au Ghana concernant ces deux paramètres (ci-après le « questionnaire de 2017 »). Il soutient avoir pris en considération « les réponses aux questionnaires » et renvoie aux précisions contenues dans la décision de rejet signalées au point 121 ci-dessus.

123    Dans ce contexte, le Tribunal a demandé au SEAE, par le biais d’une mesure d’organisation de la procédure, de lui fournir une copie du questionnaire de 2017.

124    Dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure, le SEAE a précisé, en substance, que la délégation de l’Union au Ghana n’avait pas rempli le questionnaire de 2017. À cet égard, la délégation de l’Union au Ghana aurait transmis le questionnaire relatif à ces deux paramètres en 2015 (ci-après le « questionnaire de 2015 »), au titre de l’exercice 2016. En revanche, elle n’aurait pas transmis ce questionnaire « pendant les exercices 2017 à 2019 ». Enfin, elle aurait transmis un questionnaire concernant ces deux paramètres en 2019, au titre de l’exercice 2020.

125    En outre, le SEAE a fait valoir, dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure, que, dans le cas où une délégation de l’Union ne transmet pas ces informations à l’AIPN, les dernières valeurs communiquées par cette délégation pour les paramètres « degré d’isolement » et « autres conditions de vie locales » sont reprises au titre de l’année suivante. Le SEAE estime que, dans un tel cas, il est raisonnable pour l’AIPN de considérer que les dernières valeurs communiquées sont demeurées similaires ou identiques et « qu’il n’est pas nécessaire de consulter d’autres sources publiques ou privées ».

126    En ce qui concerne l’absence de questionnaire de 2017, lors de l’audience, les requérants ont fait valoir, en substance, que l’absence de questionnaire rempli en 2017, d’une part, constituait un manquement administratif dont ils n’étaient pas responsables et, d’autre part, mettait en évidence les erreurs manifestes d’appréciation commises par le SEAE, puisque ce dernier s’était contenté de maintenir l’ICV de l’année 2015, établi sur la base d’un ancien questionnaire.

127    À cet égard, il convient de relever que les conséquences de l’absence de questionnaire rempli en 2017 sont susceptibles d’être examinées, d’une part, sur le plan formel, afin de déterminer si elle constitue un vice de procédure de nature à entacher la décision attaquée et, d’autre part, sur le fond, afin d’établir si elle révèle l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation commises par le SEAE de nature à entacher la décision attaquée.

128    En premier lieu, s’agissant de l’analyse sur le plan formel, force est de constater, tout d’abord, que la décision de rejet contient la mention « questionnaire de 2017 ». De plus, dans le mémoire en défense, le SEAE, renvoyant à la décision de rejet, soutient avoir pris en considération « les réponses aux questionnaires » sans laisser entendre qu’il ne s’agissait pas du questionnaire de 2017.

129    En outre, il convient de relever que, dans la réplique, les requérants ont demandé à ce que le SEAE produise les « tableaux et conclusions » prévus par la procédure établie par les lignes directrices. Ils ont, de surcroît, fait grief au SEAE de ne pas avoir fourni une copie du questionnaire de 2017.

130    À cet égard, dans la duplique, le SEAE s’est limité à demander au Tribunal de déclarer irrecevable la demande de mesures d’organisation de la procédure formulée par les requérants sans répondre à leur grief tiré de ce qu’une copie du questionnaire de 2017 n’aurait pas été fournie. Le SEAE n’a pas non plus laissé entendre dans la duplique qu’il ne s’agissait pas du questionnaire de 2017.

131    Or, force est de constater que le SEAE ne dispose pas d’un questionnaire rempli en 2017. Ce n’est qu’en réponse à la mesure d’organisation de la procédure puis lors de l’audience que le SEAE a révélé qu’aucun questionnaire n’avait été rempli par la délégation de l’Union au Ghana afin d’évaluer les paramètres « degré d’isolement » et « autres conditions de vie locales » dans ce pays pour fixer le taux de l’ICV versée au personnel de l’Union qui y est affecté au titre de l’exercice 2018.

132    Pourtant, tant dans la décision de rejet qu’en cours de procédure, dans ses écritures jusqu’à la révélation dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure, le SEAE a laissé entendre aux requérants et au Tribunal qu’il s’était fondé sur les réponses fournies à un questionnaire rempli en 2017 afin d’évaluer les paramètres « degré d’isolement » et « autres conditions de vie locales » au Ghana pour fixer le taux de l’ICV versée au personnel de l’Union affecté dans ce pays au titre de l’exercice 2018.

133    Le Tribunal considère que l’absence de questionnaire rempli en 2017 indique que la procédure pour la fixation du taux de l’ICV versée au personnel de l’Union affecté au Ghana n’a pas été correctement suivie en l’espèce.

134    Concernant l’argument du SEAE, soulevé lors de l’audience, selon lequel il s’est fondé, afin d’évaluer les paramètres « degré d’isolement » et « autres conditions de vie locales » au Ghana intervenant dans la fixation du taux de l’ICV versée au personnel de l’Union affecté dans ce pays au titre de l’exercice 2018, sur les réponses fournies par cette délégation de l’Union au questionnaire de 2015, il y a lieu de constater qu’il s’agit d’une affirmation non étayée. En effet, à l’appui de cet argument, le SEAE n’a fourni aucun élément de nature à démontrer qu’une décision en ce sens aurait été prise. En tout état de cause, il n’a pas précisé les sources qu’il avait consultées, en dehors d’un rapport de poste concernant la délégation de l’Union au Ghana, afin de vérifier que l’évaluation desdits paramètres résultant des réponses au questionnaire de 2015 de la délégation de l’Union au Ghana était toujours d’actualité en 2017.

135    Au demeurant, il y a lieu de relever que ni les lignes directrices ni aucun autre texte ne prévoient les conséquences de l’absence de réponse, par les délégations de l’Union dans des pays tiers, au questionnaire prévu à l’article 2 des lignes directrices. En particulier, les lignes directrices ne prévoient pas la faculté pour le SEAE de se fonder, afin d’évaluer les paramètres « degré d’isolement » et « autres conditions de vie locales », sur les réponses fournies au questionnaire de la dernière année disponible.

136    Par ailleurs, ainsi que le SEAE l’a indiqué lors de l’audience en réponse à une question du Tribunal, le questionnaire transmis à la délégation de l’Union au Ghana ne précisait pas que l’absence de réponse au questionnaire transmis entraînerait la prise en considération, par le SEAE, des réponses données au dernier questionnaire disponible pour l’évaluation des paramètres « degré d’isolement » et « autres conditions de vie locales ».

137    Il s’ensuit que, même dans l’hypothèse où le SEAE se serait fondé sur le questionnaire de 2015 afin d’évaluer les paramètres « degré d’isolement » et « autres conditions de vie locales » au Ghana pour fixer le taux de l’ICV versée au personnel de l’Union affecté dans ce pays au titre de l’année 2018, cette circonstance ne saurait pallier l’absence de questionnaire rempli en 2017.

138    Toutefois, pour qu’un vice de procédure puisse entraîner, en l’espèce, l’annulation de la décision attaquée, il faut encore qu’il soit établi que, en l’absence de cette irrégularité, ladite décision aurait pu avoir un contenu différent (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2017, Martinez De Prins e.a./SEAE, T‑575/16, EU:T:2017:911, point 56 et jurisprudence citée).

139    Une telle irrégularité procédurale ne saurait donc être sanctionnée par l’annulation de la décision attaquée que s’il était établi que cette irrégularité avait pu influer sur le contenu de la décision (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2017, Martinez De Prins e.a./SEAE, T‑575/16, EU:T:2017:911, point 57 et jurisprudence citée).

140    À cet égard, il convient de rappeler que l’article 2, paragraphes 4 et 5, des lignes directrices prévoit notamment que les scores pour les paramètres « degré d’isolement » et « autres conditions de vie locales » seront déterminés « le cas échéant » sur la base d’autres informations fournies par des sources fiables à caractère international publiques ou privées. À cet égard, en l’espèce, le SEAE a, lors de l’audience, affirmé que, en l’absence de questionnaire rempli en 2017, il a eu recours à d’autres sources sur les conditions de vie au Ghana concernant les paramètres « degré d’isolement » et « autres conditions de vie locales » au sens de cette disposition.

141    Dans la mesure où les lignes directrices prévoient que les paramètres « degré d’isolement » et « autres conditions de vie locales » peuvent être évalués non seulement sur la base des réponses fournies par les délégations de l’Union à un questionnaire, mais aussi, le cas échéant, sur la base d’autres informations fournies par des sources fiables à caractère international publiques ou privées, il ne saurait être d’emblée affirmé que cette seule irrégularité a été susceptible d’influencer le contenu de la décision attaquée.

142    À cet égard, le Tribunal estime que, contrairement à ce qui a été soutenu par les requérants lors de l’audience, les circonstances de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 14 décembre 2017, Martinez De Prins e.a./SEAE, (T‑575/16, EU:T:2017:911), présentent des différences par rapport aux circonstances de la présente affaire, de sorte que la solution adoptée dans ledit arrêt n’est pas transposable au cas d’espèce. En effet, concernant les irrégularités constatées dans le cadre de ladite affaire, portant, en substance, sur l’évaluation régionale réalisée lors de la deuxième étape de la procédure pour la fixation de l’ICV et l’absence de rapports devant être établis lors des deuxième et troisième étapes de ladite procédure, force est de constater que les lignes directrices ne prévoient pas d’autres mécanismes permettant, le cas échéant, de mener à bien les deuxième et troisième étapes de la procédure susvisée.

143    Au vu de ce qui précède, le Tribunal considère que, pour autant que les sources à caractère international, publiques ou privées, consultées par le SEAE soient fiables et permettent de justifier les scores attribués aux paramètres « degré d’isolement » et « autres conditions de vie locales », le vice de procédure constaté en l’espèce ne serait pas susceptible, à lui seul, d’entraîner l’annulation de la décision attaquée.

144    Concernant l’argument du SEAE selon lequel il aurait consulté d’autres sources sur les conditions de vie au Ghana, il convient, tout d’abord, de relever une certaine contradiction entre cette affirmation, faite lors de l’audience, et celle contenue dans la réponse du SEAE à la mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal. Dans cette dernière, le SEAE a en effet soutenu que, en l’absence de communication des questionnaires de la part des délégations de l’Union dans des pays tiers, il était raisonnable pour l’AIPN de considérer que les dernières valeurs communiquées concernant ces deux paramètres étaient demeurées similaires ou identiques sans qu’il fût besoin de consulter d’autres sources publiques ou privées.

145    En outre, il convient de relever que le SEAE n’a pas précisé les sources consultées, exception faite de la mention, dans la décision de rejet, d’un « rapport de poste concerné » et, lors de l’audience, du rapport de poste établi par la délégation de l’Union au Ghana en 2016 qui aurait été, à la date d’adoption de la décision attaquée, le rapport de poste le plus récent. À cet égard, le SEAE a précisé que les rapports de poste étaient des documents établis par les délégations de l’Union dans des pays tiers qui décrivaient notamment les conditions de vie dans ces pays et qu’ils étaient disponibles sur son site intranet.

146    Il y a lieu de souligner que si, certes, la décision de rejet mentionne le « rapport de poste concerné », l’imprécision de cette mention ne permet toutefois pas de déterminer au titre de quelle année a été établi le rapport de poste contenant les éléments pris en considération par le SEAE pour évaluer les paramètres « degré d’isolement » et « autres conditions de vie locales » en 2017. À cet égard, contrairement à ce qui a été, dans un premier temps, affirmé par le SEAE durant l’audience, le « rapport de poste concerné » ne figure pas en annexe de la décision de rejet. À cet égard, le fait que les rapports de poste sont disponibles sur le site intranet du SEAE ne saurait pallier l’imprécision de la décision de rejet à cet égard. Par ailleurs, pour autant que le SEAE se serait fondé sur les réponses du questionnaire de 2015, il convient de relever qu’il n’a pas précisé quels éléments concrets du « rapport de poste concerné » avaient été pris en considération pour conclure que l’évaluation faite en 2015 était toujours d’actualité en 2017.

147    En second lieu, sur le fond, il convient d’examiner l’influence que l’absence de questionnaire rempli en 2017 et l’imprécision des sources que le SEAE aurait consultées ont eue sur l’appréciation faite par ce dernier des paramètres « degré d’isolement » et « autres conditions de vie locales » afin de fixer le taux d’ICV versée au personnel de l’Union affecté au Ghana au titre de l’année 2018.

148    Il convient, à cet égard, de rappeler que, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, des lignes directrices, le score d’un point attribué à chacun des paramètres « degré d’isolement » et « autres conditions de vie locales » dans le cadre de l’évaluation menée afin de fixer le taux d’ICV versée au personnel de l’Union affecté au Ghana au titre de l’année 2018 implique que, concernant ces deux paramètres, les conditions de vie dans ce pays ont été considérées comme équivalentes à celles prévalant dans l’Union.

149    Dans ce contexte, ainsi qu’il a été relevé aux points 83, 116 et 117 ci-dessus, les requérants ont soutenu que, dès la moitié de l’année 2014, les conditions de vie au Ghana s’étaient détériorées, notamment au niveau macro-économique, impliquant une augmentation du taux d’inflation, taux qui aurait été de 15 % entre 2012 et 2016 et de 10,7 % en janvier 2018, ainsi qu’une aggravation de la crise énergétique. Les requérants ajoutent, à cet égard, que le FMI a adopté un programme de soutien qui a été mis en place dès 2015 pour trois années. En outre, concernant le paramètre « degré d’isolement », les requérants ont fait valoir, lors de l’audience, que, dans son évaluation de ce paramètre, le SEAE s’était limité à analyser le niveau de communication internationale du Ghana et, plus précisément, les connexions aériennes avec l’Union, alors que ce paramètre aurait également porté, en substance, sur le niveau de communication interne et dans la région ainsi que sur les langues parlées, les moyens de communication et l’ensemble des moyens d’interaction sociale au Ghana, circonstances qui n’auraient pas été prises en considération par le SEAE. Les requérants ont confirmé, lors de l’audience, que ces arguments étaient toujours d’actualité à la date d’adoption de la décision attaquée. Plus généralement, selon les requérants, il serait évident, concernant ces deux paramètres, que les conditions au Ghana seraient inférieures à celles prévalant dans l’Union et que, au moins, un point de plus aurait dû être attribué.

150    En ce qui concerne l’argument des requérants selon lequel le taux d’inflation aurait augmenté au Ghana, il convient de relever, à l’instar du SEAE, que les corrections nécessaires aux traitements du personnel affecté dans des pays tiers ont lieu par le biais de coefficients correcteurs, notamment ceux prévus aux articles 11 et suivants de l’annexe X du statut.

151    Toutefois, en l’absence de questionnaire de 2017 et dans l’impossibilité de déterminer les sources et éléments concrets sur la base desquels le SEAE se serait fondé afin de considérer que les conditions au Ghana concernant les paramètres « degré d’isolement » et « autres conditions de vie locales » étaient équivalentes à celles prévalant dans l’Union, les éléments et indices apportés par les requérants sont de nature à priver de plausibilité l’appréciation faite par le SEAE. Dès lors, il y a lieu de retenir que le SEAE a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des paramètres « degré d’isolement » et « autres conditions de vie locales » en estimant que, concernant ces deux paramètres, les conditions au Ghana et dans l’Union étaient équivalentes.

152    S’agissant des conséquences d’une telle erreur manifeste d’appréciation sur la légalité de la décision attaquée, il convient de rappeler que la fixation du taux de l’ICV à 20 % opérée par cette décision résulte de l’attribution au Ghana d’un score total de onze points au titre de l’année 2018. Ainsi, le score total attribué au Ghana n’est que d’un point inférieur au seuil de douze points exigé par l’article 1er, paragraphe 3, des lignes directrices pour la fixation du taux de l’ICV à 25 % du montant de référence. L’erreur manifeste commise dans l’évaluation des paramètres « degré d’isolement » et « autres conditions de vie locales » implique que le score d’un point attribué à ces paramètres est également erroné, de sorte que, dans ces circonstances, cette erreur manifeste d’appréciation est de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée.

153    Il s’ensuit que la décision attaquée doit être annulée sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments soulevés par les requérants.

C.      Sur les bulletins de rémunération du mois de janvier 2018 des requérants

154    Concernant les bulletins de rémunération du mois de janvier 2018 des requérants, il convient de relever que la mise en œuvre de la décision attaquée requiert l’adoption de mesures administratives de portée individuelle (voir, en ce sens, arrêt du 25 septembre 2014, Julien-Malvy e.a./SEAE, F‑100/13, EU:F:2014:224, point 16).

155    Compte tenu de l’annulation de la décision attaquée, il convient d’annuler les bulletins de rémunération du mois de janvier 2018 en ce qu’ils font application du taux d’ICV pour les fonctionnaires et les agents affectés à la délégation au Ghana, tel qu’arrêté dans la décision attaquée.

 Sur les dépens

156    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. Le SEAE ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions des requérants.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du directeur général pour le budget et l’administration du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) du 19 décembre 2017 relative à la fixation de l’indemnité de conditions de vie visée à l’article 10 de l’annexe X du statut des fonctionnaires de l’Union européenne au titre de l’exercice 2018 est annulée en tant qu’elle fixe, à compter du 1er janvier 2018, le taux de l’indemnité de conditions de vie versée au personnel de l’Union européenne affecté au Ghana à 20 % du montant de référence.

2)      Les bulletins de rémunération de Mme Delphine Aupicon et des autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe, établis par le SEAE pour le mois de janvier 2018, sont annulés dans la mesure où ils font application de la décision du SEAE du 19 décembre 2017 fixant, à compter du 1er janvier 2018, le taux de l’indemnité de conditions de vie versée au personnel de l’Union affecté au Ghana à 20 % du montant de référence.

3)      Le SEAE est condamné aux dépens.

Gervasoni

Nihoul

Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 octobre 2021.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. van der Woude


Table des matières


I. Cadre juridique

A. Statut des fonctionnaires de l’Union européenne

B. Régime applicable aux autres agents de l’Union européenne

C. Décisions du SEAE

II. Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

III. Procédure et conclusions des parties

IV. En droit

A. Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation prévue à l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut d’adopter des DGE concernant l’article 10 de l’annexe X du statut

B. Sur le second moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation

1. Sur la recevabilité du renvoi à la réclamation des requérants

2. Sur le bien-fondé du second moyen

a) Sur le paramètre « environnement sanitaire et hospitalier »

b) Sur le paramètre « conditions climatiques »

c) Sur le paramètre « sécurité »

d) Sur les paramètres « degré d’isolement » et « autres conditions de vie locales »

C. Sur les bulletins de rémunération du mois de janvier 2018 des requérants

Sur les dépens


*      Langue de procédure : le français.


1      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.