Language of document : ECLI:EU:T:2003:288

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
4 novembre 2003 (1)

«Marque communautaire – Procédure d'opposition – Demande de marque communautaire verbale CASTILLO – Marque nationale figurative antérieure EL CASTILLO – Risque de confusion – Existence de marques semblables sur le marché considéré»

Dans l'affaire T-85/02,

Pedro Díaz, SA, établie à Carthagène (Espagne), représentée initialement par Me P. Koch Moreno, puis par Me M. Aznar Alonso, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. O. Montalto et J. Crespo Carrillo, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

l'autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) étant

Granjas Castelló, SA, établie à Mollerussa (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 16 janvier 2002 (affaire R 40/2000-3) concernant l'opposition introduite par le titulaire de la marque nationale EL CASTILLO,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),



composé de MM. N. J. Forwood, président, J. Pirrung et A. W. H. Meij, juges,

greffier: Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 22 mars 2002,

vu le mémoire en réponse de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) déposé au greffe du Tribunal le 16 juillet 2002,

à la suite de l'audience du 11 juin 2003,

rend le présent



Arrêt




Antécédents du litige

1
Le 1er avril 1996, la requérante a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci-après l’«Office»), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2
La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal CASTILLO.

3
Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29 et 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, après limitation, à la description suivante:

classe 29: «Poissons, fruits et légumes conservés, séchés ou cuits, gelées, confitures, compotes, œufs, lait et produits laitiers, fromages, conserves de poissons et de végétaux»;

classe 30: «Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés de café; miel, sirop de mélasse; levure, poudre pour faire lever; sel, moutarde, vinaigre, sauces (condiments); épices, glaces à rafraîchir, sauces à salade».

4
Le 5 janvier 1998, cette demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 2/98.

5
Le 12 mars 1998, Granjas Castelló, SA (ci-après l’«opposante») a formé une opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94, à l’encontre de la marque demandée, pour tous les produits visés par cette dernière, en se fondant sur deux marques nationales antérieures dont elle est titulaire, à savoir:

la marque verbale et figurative espagnole n° 104 442, reproduite ci-après, concernant le «lait condensé», relevant de la classe 29, enregistrée en 1935;

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la marque verbale et figurative espagnole n° 1 935 658, reproduite ci-après, concernant les «boissons à base de cacao, de café, aromatisants de boissons (qui ne sont pas des acides essentiels), thé, café, chocolat, préparations à base de céréales», relevant de la classe 30, enregistrée en 1995.

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6
Par décision du 18 octobre 1999, la division d’opposition de l’Office a considéré qu’il existait une similitude entre les signes en conflit mais que celle-ci n’était pas accentuée. Elle a accueilli partiellement l’opposition en ce qui concerne les produits suivants: «laits et produits laitiers», relevant de la classe 29, et «café, thé, cacao, succédanés de café et riz», relevant de la classe 30. Cette division a, par conséquent, refusé l’enregistrement de la marque demandée pour ces produits et a admis l’enregistrement pour les autres produits visés par la demande de marque, notamment pour les «fromages».

7
Le 16 décembre 1999, l’opposante a formé un recours auprès de l’Office, au titre de l’article 59 du règlement n° 40/94, contre la décision de la division d’opposition.

8
Par décision du 16 janvier 2002 (affaire R 40/2000-3, ci-après la «décision attaquée»), notifiée à la requérante le 22 janvier 2002, la troisième chambre de recours de l’Office a partiellement annulé la décision de la division d’opposition.

9
La chambre de recours a estimé, au vu de la comparaison des signes en conflit effectuée par la division d’opposition, que la demande d’opposition en ce qui concerne les «fromages» devait être accueillie et a refusé l’enregistrement de la marque demandée pour ces produits au motif qu’il existe une certaine similitude entre le «lait condensé» couvert par l’une des marques antérieures et les «fromages» visés par la demande de marque (ci-après les «produits en cause»), même si ces produits peuvent se différencier.


Conclusions des parties

10
Après avoir renoncé lors de l’audience à un de ses chefs de conclusions, la requérante conclut désormais à ce qu’il plaise au Tribunal:

annuler la décision attaquée en ce qu’elle porte rejet de la demande de marque en ce qui concerne les «fromages»;

déclarer que la marque demandée en ce qu’elle vise les «fromages» ne saurait être confondue avec la marque de l’opposante n° 104 442 en ce que cette dernière vise le «lait condensé»;

condamner l’Office aux dépens.

11
À la suite du retrait partiel des conclusions de la requérante, l’Office conclut désormais à ce qu’il plaise au Tribunal:

rejeter le recours comme non fondé;

condamner la requérante aux dépens.


En droit

Arguments des parties

12
La requérante invoque un moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

Sur la comparaison des produits en cause

13
La requérante conteste essentiellement la décision attaquée en ce que les produits en cause, à savoir le lait condensé et les fromages, ont été considérés comme similaires au vu de leur nature et de leur finalité. Elle considère que ces deux types de produits sont distincts par leur nature, leur destination et leur utilisation et qu’ils ne peuvent être considérés ni comme concurrents ni comme complémentaires. Elle en conclut que, en raison de leur différenciation commerciale, ces produits ne sont pas similaires.

14
En premier lieu, s’agissant de la nature des produits en cause, la requérante réfute l’appréciation de la chambre de recours en soulignant que, malgré leur appartenance à la catégorie des produits laitiers, leurs processus de fabrication diffèrent grandement, comme le démontre, notamment, la décision n° 872/2000 de la division d’opposition, du 27 avril 2000. La requérante a précisé, lors de l’audience, que, contrairement à l’affirmation de la chambre de recours, il n’y avait, à sa connaissance, aucune entreprise qui fabrique effectivement les deux types de produits.

15
En deuxième lieu, s’agissant de la finalité des produits en cause, la requérante s’oppose d’abord à la chambre de recours en ce que cette dernière a considéré que les produits en cause sont similaires, car ils se prêtent à un nombre infini de préparations culinaires, en particulier en pâtisserie, ou sont substituables comme succédanés du lait pour les personnes présentant une intolérance au lactose. Dégageant certains critères de la décision n° 533/2000 de la division d’opposition, du 29 mars 2000, concernant notamment la marque antérieure n° 104 442, la requérante en conclut que le lait condensé est utilisé pour accompagner le café ou comme ingrédient en matière de confiserie ou de pâtisserie, alors que le fromage est généralement consommé de manière indépendante et seulement marginalement pour la pâtisserie. Elle souligne, à cet égard, que ses fromages ne sont pas destinés à être utilisés en pâtisserie. En outre, le consommateur moyen ne saurait confondre les deux types de produits lors de l’achat. Il s’agit, en effet, de deux types de produits finals complètement différents. Elle invoque sur ce point la décision n° 533/2000, aux termes de laquelle le lait condensé «n’entre que de manière sporadique dans les achats du consommateur moyen», alors que, selon elle, le fromage fait l’objet d’achats moyennement fréquents.

16
Par ailleurs, selon la requérante, l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle le lait condensé et les fromages «sont habituellement vendus au rayon des produits laitiers» est excessivement générale, d’autant plus que ses fromages sont habituellement commercialisés dans des rayons indépendants. Lors de l’audience, la requérante a souligné le caractère non démontré de cette affirmation.

17
En troisième lieu, la requérante invoque deux décisions de la Cour suprême espagnole de 1974 et de 1976 relatives, d’une part, aux marques DULCIPAN et DULCINEA et, d’autre part, aux marques QUINTANILLA et LA QUINTANA à l’appui de sa démonstration de l’absence de confusion possible entre le lait condensé et les fromages.

18
L’Office estime que la requérante cherche à démontrer à tort que les produits en cause peuvent être différenciés, ce que personne ne conteste. La véritable question serait de savoir si ces produits sont similaires.

19
L’Office juge valable l’appréciation exposée dans la décision attaquée selon laquelle les produits en cause sont similaires au vu de leur nature et de leur finalité.

20
En ce qui concerne la perception du consommateur, l’Office précise que le risque de confusion ne se limite pas à la possibilité de confondre les produits mais comprend essentiellement le risque, dont l’existence est relevée au point 16 de la décision attaquée, que le consommateur puisse croire que des produits présentant une certaine similitude proviennent d’une même entreprise.

21
À cet égard, l’Office réfute la pertinence de la décision n° 533/2000, susvisée, car l’analyse de la similitude entre deux produits est factuelle et casuistique. Ainsi, l’un des produits en cause dans la décision n° 533/2000, à savoir le jambon, serait manifestement différent des produits en cause dans le cas présent.

22
S’agissant des décisions de la Cour suprême espagnole, l’Office fait remarquer que le droit national appliqué par cette juridiction est antérieur à la législation harmonisée sur les marques. En tout état de cause, les marques opposées dans ces décisions présentent entre elles des différences plus évidentes que celles existant entre les marques en cause dans le cas présent.

Sur la comparaison des signes en conflit et sur le risque de confusion entre les marques en cause

23
La requérante souligne que la chambre de recours n’a pas révoqué l’analyse de la division d’opposition selon laquelle la similitude entre les signes en conflit n’est pas nettement accentuée. Cette question devrait être considérée comme définitivement tranchée dans le cadre du présent recours pour autant que la chambre de recours ne met pas en cause la «compatibilité entre les signes».

24
Toutefois, la requérante estime que la chambre de recours a commis une erreur en affirmant que, dans la mesure où le terme «castillo» est commun aux deux marques, il existe un risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure n° 104 442. Lors de l’audience, la requérante a précisé que ce risque de confusion devait être apprécié en fonction de la situation existant sur le marché considéré (arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507). Or, de nombreux enregistrements espagnols ou communautaires, portant notamment sur la classe 29, comportent ce terme ou sont constitués par celui-ci. Dès lors, la coexistence sur le marché espagnol de marques comportant le terme «castillo» démontrerait l’absence de risque de confusion entre les marques en conflit en l’espèce. En cas de doute en ce qui concerne ces enregistrements, la requérante demande au Tribunal de se tourner vers les organismes qui les ont accordés.

25
L’Office fait observer que ni les parties devant la chambre de recours ni la requérante devant le Tribunal n’ont mis en cause la comparaison des signes en conflit effectuée par la division d’opposition.

26
En tout état de cause, l’Office considère que l’existence sur le marché de plusieurs marques susceptibles de prêter à confusion ne saurait être pertinente en général, car elle peut résulter soit d’une absence de risque réel de confusion, soit d’une absence d’opposition de la part du titulaire d’une marque antérieure. En outre, les enregistrements espagnols ou communautaires comportant le terme «castillo» ou étant constitués de ce terme invoqués par la requérante doivent, pour être pertinents, faire l’objet d’un examen approfondi cas par cas. À l’audience, l’Office a précisé que les éléments de preuves non soumis à l’Office devaient être déclarés irrecevables.

Appréciation du Tribunal

27
Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, une marque est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 40/94, il convient d’entendre par marques antérieures les marques, enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

28
Concernant le risque de confusion, il ressort de la jurisprudence que celui-ci est constitué par le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement [voir, par analogie, arrêt Canon, cité au point 24 ci-dessus, point 29, et arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I-3819, point 17; arrêt du Tribunal du 15 janvier 2003, Mystery Drinks/OHMI – Karlsberg Brauerei (MYSTERY), T‑99/01, non encore publié au Recueil, point 29].

29
Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion dans l’esprit du public doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêts Canon, cité au point 24 ci-dessus, point 16; Lloyd Schuhfabrik Meyer, cité au point 28 ci-dessus, point 18, et MYSTERY, cité au point 28 ci‑dessus, point 30). Cette appréciation implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment, entre la similitude des marques et celle des produits ou services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts Canon, précité, point 17; Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 19, et MYSTERY, précité, point 31). L’interdépendance entre ces facteurs trouve son expression au septième considérant du règlement n° 40/94, selon lequel il y a lieu d’interpréter la notion de similitude en relation avec le risque de confusion dont l’appréciation, quant à elle, dépend notamment de la connaissance de la marque sur le marché et du degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services désignés.

30
En outre, la perception qu’a le consommateur moyen des produits ou services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale du risque de confusion. Or, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (arrêts Lloyd Schuhfabrik Meyer, cité au point 28 ci-dessus, point 25, et MYSTERY, cité au point 28 ci‑dessus, point 32). Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Par ailleurs, il convient de tenir compte de la circonstance que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il garde en mémoire (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 26).

31
En l’espèce, les deux marques antérieures sont enregistrées en Espagne. Par ailleurs, les produits en cause sont des produits de consommation courante. Partant, il convient de tenir compte, aux fins de l’appréciation du risque de confusion en l’espèce, du point de vue du public pertinent constitué par les consommateurs finaux en Espagne.

Sur la comparaison des produits en cause

32
Pour apprécier la similitude des produits en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits, ces facteurs incluant, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt Canon, cité au point 24 ci‑dessus, point 23).

33
En ce qui concerne la nature des produits en cause, il convient de constater, comme l’a fait la chambre de recours, que ceux-ci ont le lait comme matière première et relèvent, de ce fait, de la catégorie des produits laitiers. Cette considération n’est pas affaiblie par le fait que, comme l’avance la requérante et comme l’expose la chambre de recours, le lait concentré constitue une forme de conditionnement du lait, alors que le fromage en constitue un dérivé. Le public pertinent est conscient de la caractéristique essentielle de ces produits quant à leur nature et considère avant tout que ceux-ci appartiennent à une même famille de produits. À cet égard, à supposer que le public pertinent soit conscient des différences entre les modes de fabrication de ces produits, il n’en tire pas la conséquence, à tort ou à raison, que ces différences empêchent une même entreprise de fabriquer ou de commercialiser les deux types de produits à la fois. Dès lors, le public pertinent a naturellement l’impression que les produits en cause peuvent avoir la même origine commerciale.

34
Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que la similitude entre ces produits en ce qui concerne leur destination et/ou leur utilisation est particulièrement faible. La requérante critique à juste titre la motivation de la décision selon laquelle les produits en cause entrent dans un grand nombre de préparations culinaires, en particulier les pâtisseries, voire qu’ils seraient substituables, en particulier pour les personnes présentant une intolérance au lactose. En effet, leur destination commune en tant qu’ingrédient culinaire est propre à presque tous les produits alimentaires. Par ailleurs, le caractère substituable des produits en cause apparaît extrêmement faible. D’une part, l’Office est resté en défaut de citer un nombre même faiblement significatif de préparations culinaires dans lesquelles ils peuvent être utilisés en Espagne alternativement ou cumulativement. D’autre part, à supposer que ces deux types de produits puissent réellement constituer un succédané du lait pour les personnes présentant une intolérance au lactose, l’Office n’a fourni aucun élément qui laisserait penser que la part du public pertinent concernée par une telle intolérance soit suffisamment significative pour être sérieusement prise en compte lors de l’analyse du risque de confusion. Enfin, l’affirmation de la chambre de recours, selon laquelle les deux types de produits en cause sont vendus dans le même rayon d’un magasin de détail, n’est étayée par aucune donnée objective.

35
Toutefois, ni les considérations faites au point 34 ci-dessus ni les arguments de la requérante, selon lesquels le lait et le fromage sont consommés de façon différente, n’excluent que ces produits puissent être similaires. De telles différences de consommation entre les produits en cause confirment simplement qu’il s’agit de produits distincts dont la substituabilité est particulièrement faible d’un point de vue alimentaire et d’un point de vue gustatif. En conséquence, les produits en cause ne sont pas concurrents.

36
En revanche, ces produits sont complémentaires dans la mesure où, aux yeux du public pertinent, ils appartiennent à une même famille de produits et peuvent facilement être considérés comme des éléments d’une gamme générale de produits laitiers susceptibles d’avoir une origine commerciale commune.

37
S’agissant des décisions juridictionnelles espagnoles et des décisions de l’Office invoquées par la requérante pour établir que les produits en cause sont distincts, il convient de constater que leur pertinence en l’espèce peut être mise en doute dans la mesure où elles concernent soit des signes différents, soit des produits différents. De plus, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, la légalité des décisions des chambres de recours s’apprécie uniquement sur la base du règlement n° 40/94. Dès lors, l’Office n’est lié ni par les enregistrements nationaux ni par ses décisions antérieures [voir arrêt du Tribunal du 5 décembre 2002, Sykes Enterprises/OHMI (REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS), T‑130/01, Rec. p. II‑5179, point 31, et la jurisprudence citée].

38
En conclusion, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que, dans l’esprit du public pertinent, les produits en cause peuvent avoir une origine commerciale commune. Ces produits doivent donc être considérés comme similaires au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

Sur la comparaison des signes en conflit

39
Il ressort de la jurisprudence que l’appréciation globale du risque de confusion, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants (arrêts Lloyd Schuhfabrik Meyer, cité au point 28 ci-dessus, point 25, et MYSTERY, cité au point 28 ci-dessus, point 42). En outre, la Cour a considéré qu’il ne saurait être exclu que la seule similitude auditive des marques puisse créer un risque de confusion (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 28).

40
En l’espèce, il ressort de la décision attaquée et de la décision de la division d’opposition à laquelle elle se réfère que les signes en conflit ont été considérés par l’Office, au terme d’une analyse visuelle, auditive et conceptuelle, comme étant similaires, sans que cette similitude soit accentuée. Cette appréciation doit être approuvée. En effet, d’une part, dans les marques antérieures, et principalement dans la marque n° 104 442, l’élément «El Castillo» doit être considéré comme dominant d’un point de vue auditif et d’un point de vue conceptuel [voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties), T‑104/01, Rec. p. II‑4359, points 40 et 45]. D’autre part, le terme «castillo» constitue la marque demandée. Il apparaît donc que l’élément dominant de la marque antérieure n° 104 442 et le signe verbal de la marque demandée sont quasiment identiques, tant d’un point de vue conceptuel que d’un point de vue auditif. Dès lors, les signes en conflit sont, à tout le moins, similaires au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

Sur le risque de confusion entre les marques en cause

41
Il convient de rappeler, au préalable, que tant les produits en cause que les signes en conflit sont similaires au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Dès lors, il y a normalement lieu de conclure que le public pertinent est susceptible de penser que les fromages recouverts de la marque verbale CASTILLO peuvent provenir de l’entreprise titulaire de la marque figurative antérieure EL CASTILLO. En conséquence, il existe, a priori, un risque de confusion entre ces deux marques.

42
Toutefois, s’appuyant sur l’arrêt Canon (cité au point 24 ci-dessus), la requérante prétend que la coexistence sur le marché de nombreux enregistrements espagnols et communautaires comportant le terme «castillo» ou étant constitués de ce terme démontrerait l’absence de risque de confusion en l’espèce.

43
Selon cet arrêt, le caractère distinctif de la marque antérieure, que celui-ci dérive des qualités intrinsèques de cette marque ou de sa renommée, doit être pris en compte pour apprécier si la similitude entre les produits ou les services désignés par les deux marques est suffisante pour donner lieu à un risque de confusion (arrêt Canon, cité au point 24 ci-dessus, points 18 et 24). Cette interprétation est confirmée, dans le cadre du règlement n° 40/94, par le septième considérant de ce règlement selon lequel il y a lieu d’apprécier le risque de confusion au regard, notamment, de la connaissance de la marque sur le marché.

44
Il ressort uniquement de ces considérations que la renommée positive d’une marque antérieure peut, au moins dans certains cas, contribuer au caractère distinctif élevé d’une marque et, dès lors, peut augmenter le risque de confusion entre cette marque et une marque demandée.

45
En l’espèce, la requérante n’a apporté aucun autre élément qu’une liste d’enregistrements espagnols ou communautaires étant constitués du terme «castillo» ou comportant ce terme afin de démontrer l’absence de risque de confusion entre les marques en conflit dans le cas présent du fait de la coexistence sur le marché de ces enregistrements.

46
Or, d’une part, il convient de constater que la quasi-totalité des enregistrements figurant sur cette liste ont été invoqués pour la première fois devant le Tribunal. Ainsi que le souligne à juste titre l’Office, la prise en compte de ces marques suppose un examen complet de chacune de celles-ci, notamment en ce qui concerne leur similitude avec la marque antérieure et leur renommée. Dès lors, ces enregistrements, invoqués pour la première fois devant le Tribunal, doivent être écartés, et la demande d’instruction à leur égard doit être rejetée [arrêt du Tribunal du 5 mars 2003, Alcon/OHMI – Dr. Robert Winzer Pharma (BSS), T‑237/01, non encore publié au Recueil, point 62].

47
D’autre part, s’agissant des marques invoquées devant l’Office, à savoir les marques CASTILLO DE HOLANDA, CASTILLO DEL PUENTE, EL CASTILLO et BLUE CASTELLO désignant des produits relevant de la classe 29, il convient de constater d’abord que la chambre de recours a considéré à juste titre que les informations fournies par la requérante ne prouvaient pas l’absence de confusion en l’espèce. En effet, à la différence de la marque n° 104 442 de l’opposante, la seule réellement significative à cet égard, l’élément le plus distinctif de trois de ces marques ne se trouve pas dans le terme «castillo» mais dans les autres termes de ces marques. Il convient, également, de relever que la requérante n’a fourni aucune indication quant aux produits réellement visés par ces marques, hormis pour sa propre marque CASTILLO DE HOLANDA, ou quant à la représentation de la marque figurative EL CASTILLO. De plus, la requérante n’a pas démontré ni même allégué que l’une de ces marques avait acquis une renommée pouvant générer un risque de confusion préexistant entre ces marques et la marque de l’opposante qui pourrait éventuellement amoindrir le risque de confusion provenant, en l’espèce, de la marque demandée.

48
C’est donc à juste titre que la chambre de recours a, d’une part, constaté l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit en l’espèce et, d’autre part, maintenu cette conclusion au vu des autres marques présentées devant elle. Partant, il y a lieu de rejeter le moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94.


Sur les dépens

49
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’Office.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête:

1)
Le recours est rejeté.

2)
La requérante est condamnée aux dépens.

Forwood

Pirrung

Meij

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 novembre 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

N. J. Forwood


1
Langue de procédure: l'espagnol.