Language of document : ECLI:EU:T:2003:153

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

4 juin 2003(1)

«Fonctionnaires - Coefficient correcteur - Pension - Notion de résidence - Charge de la preuve - Royaume-Uni»

Dans les affaires jointes T-124/01 et T-320/01,

Pietro Del Vaglio, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Londres (Royaume-Uni), représenté par Mes G. Vandersanden et L. Levi, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation des décisions de la Commission du 5 avril 2000 et du 6 septembre 2001 refusant d'appliquer le coefficient correcteur pour le Royaume-Uni sur la pension du requérant, à partir, respectivement, du 8 mai 1999 et du 24 septembre 2000, ainsi que l'octroi de dommages et intérêts et d'intérêts moratoires sur le solde de la pension,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (juge unique),

juge: Mme V. Tiili,

greffier: J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 10 décembre 2002,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    L'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») prévoit que les pensions régies par le chapitre 3 dudit statut sont affectées du coefficient correcteur fixé pour le pays, situé à l'intérieur des Communautés, où le titulaire de la pension justifie avoir sa résidence.

2.
    Le règlement (CE, CECA, Euratom) n. 2762/98 du Conseil, du 17 décembre 1998, adaptant, à compter du 1er juillet 1998, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions (JO L 346, p. 1), fixe le coefficient correcteur pour le Royaume-Uni à 157,5. Le règlement (CE, CECA, Euratom) n. 2700/1999 du Conseil, du 17 décembre 1999, adaptant, à compter du 1er juillet 1999, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions (JO L 327, p. 1), fixe le coefficient correcteur pour le Royaume-Uni à 156,5. Le règlement (CE, CECA, Euratom) n. 2804/2000 du Conseil, du 18 décembre 2000, adaptant, à compter du 1er juillet 2000, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions (JO L 326, p. 3), fixe le coefficient correcteur pour le Royaume-Uni à 160,3.

Faits à l'origine du litige

3.
    Le requérant est un ancien fonctionnaire de grade B 1 de la Commission, aujourd'hui pensionné. Il a démissionné de la Commission avec effet au 1er avril 1979. Il a obtenu une pension d'ancienneté avec effet au 1er septembre 1988.

4.
    L'avis de fixation des droits du requérant à une pension d'ancienneté, établi le 20 décembre 1988, mentionne comme lieu de résidence Bruxelles.

5.
    Un premier avis de modification de l'avis de fixation des droits du requérant, mentionnant également son adresse de Bruxelles, a été adopté le 10 mai 1989.

6.
    Entre-temps, par courrier du 15 mars 1999, le requérant avait informé la Commission qu'il avait fixé sa résidence en France, tout en mentionnant son intention de s'installer au Royaume-Uni. Un deuxième avis de modification de l'avis de fixation des droits à pension du requérant, adopté le 26 mars 1999, comporte un changement de résidence et porte l'adresse du «12, avenue Montaigne [...] Paris» avec effet rétroactif au 1er mars 1999, sous réserve que le requérant fournisse un certificat de radiation de sa résidence en Belgique. Ce certificat a été délivré par la commune d'Ixelles (Belgique) le 7 mai 1999.

7.
    Par une lettre à la Commission du 5 juillet 1999, le requérant a demandé que son courrier lui soit envoyé à Londres et que sa pension soit versée sur un compte dans une banque londonienne. Le 7 juillet 1999, le requérant a transmis à la Commission un formulaire concernant ses données personnelles et bancaires. Il y a indiqué l'adresse de sa résidence au Royaume-Uni et ses données bancaires auprès de la Barclays Bank au Royaume-Uni.

8.
    Un troisième avis de modification de l'avis de fixation des droits à pension du requérant a été adopté le 12 juillet 1999. Il prévoit l'application du coefficient correcteur pour la France avec effet au 1er mai 1999. Le 21 juillet 1999, le requérant a demandé à la Commission la rectification du troisième avis modificatif en insistant pour que soit appliqué à sa pension le coefficient correcteur pour le Royaume-Uni à partir du 1er mai 1999.

9.
    Le 30 juillet 1999, un quatrième avis de modification des droits à pension du requérant a été adopté, prévoyant l'application à sa pension du coefficient correcteur pour le Royaume-Uni, avec effet au 1er juillet 1999, sous réserve qu'il fournisse à la Commission une facture récente de gaz, d'électricité ou de téléphone au Royaume-Uni.

10.
    Le 23 septembre 1999, le requérant a transmis à la Commission une copie d'une facture de téléphone mobile anglaise Vodafone ainsi qu'une copie de son passeport mentionnant Nice et, ensuite, de façon manuscrite, Londres, comme lieu de sa résidence. De plus, le 12 octobre 1999, le requérant a fait parvenir à la Commission sa déclaration annuelle de renseignements personnels confirmant son changement de résidence pour le Royaume-Uni ainsi qu'une facture de Vodafone du 27 septembre 1999.

11.
    Le 15 octobre 1999, un cinquième avis de modification de l'avis de fixation des droits à pension du requérant a été adopté. Cet avis prévoit que c'est le coefficient correcteur pour la France qui sera appliqué, avec effet au 1er mai 1999. La lettre du chef de l'unité «Pensions et relations avec les anciens» de la direction «Droits et obligations; dialogue social et politique sociale» de la direction générale «Personnel et administration» accompagnant l'avis précise qu'une facture de téléphone mobile ainsi qu'un certificat permettant la délivrance d'un nouveau passeport ne sauraient justifier l'octroi du coefficient correcteur pour le Royaume-Uni et ajoute que le coefficient correcteur pour la France sera appliqué sur la pension, en attendant que le requérant fournisse une facture de gaz, de téléphone ou d'électricité récente et une copie du contrat de bail.

12.
    Le requérant a fourni, le 10 novembre 1999, le 23 décembre 1999 et le 6 janvier 2000, les pièces suivantes justificatives de sa résidence au Royaume-Uni:

-    un document du consulat général d'Italie à Londres, du 13 septembre 1999, visant à permettre l'établissement d'un nouveau passeport;

-    une demande de laissez-passer du 18 septembre 1999;

-    la confirmation par un courtier d'assurances de l'extension au profit du requérant de la couverture de l'assurance automobile de Mme Petschek, datée du 7 juillet 1999;

-    une demande d'obtention d'un permis de conduire britannique, datée du 29 octobre 1999;

-    un courrier de la Barclays Bank du 30 septembre 1999;

-    son permis de conduire établi par les autorités anglaises, le 11 décembre 1999;

-    sa demande d'enregistrement sur les listes électorales auprès de sa commune de résidence au Royaume-Uni, en date du 6 janvier 2000.

13.
    Constatant que la Commission n'avait pas appliqué le coefficient correcteur pour le Royaume-Uni à sa pension, le requérant a envoyé, le 11 janvier 2000, une demande à la Commission tendant à la rectification des avis de modification nos 3, 4 et 5, à raison des erreurs commises dans la détermination du coefficient correcteur applicable à sa pension ainsi que dans la date de prise d'effet de ce coefficient.

14.
    Le 28 janvier 2000, un sixième avis de modification de l'avis de fixation des droits à pension du requérant a été adopté. Il prévoit que «le coefficient correcteur ne sera plus appliqué sur [la] pension [du requérant] au motif qu'il n'existe pas suffisamment de preuves pour justifier [d']une résidence au Royaume-Uni» avec effet au 1er juillet 1999.

15.
    Cet avis est accompagné d'une lettre du chef de l'unité «Pensions et relations avec les anciens» de la direction «Droits et obligations: politique et actions sociales» de la direction générale «Personnel et administration», datée du 28 janvier 2000, expliquant pourquoi le coefficient sollicité ne pouvait pas être appliqué et précisant à nouveau les documents susceptibles de prouver l'existence d'une résidence dans un pays. La lettre énonce:

«[...] Aucun nouvel élément pertinent d'appréciation dans votre dossier n'ayant été apporté, nous aboutissons à la conclusion que nous ne sommes pas en mesure de fixer le coefficient correcteur à appliquer à votre pension à partir du 01/07/1999. De ce fait, en attendant que vous nous fournissiez d'autres pièces justificatives (celles mentionnées dans notre lettre du 15/10/1999 restant toujours valables), aucun coefficient correcteur ne sera appliqué à votre pension avec effet rétroactif au 01/07/1999, date pour laquelle un changement d'adresse de correspondance (pour le Royaume-Uni) a été accepté.»

16.
    Le 3 mars 2000, le requérant a répondu en fournissant une attestation de résidence notariée, datée du 25 février 2000, signée par Mme Petschek et reconnaissant que le requérant a fixé sa résidence au Royaume-Uni depuis mai 1999, ainsi que des copies de factures récentes de gaz, d'électricité et de téléphone au nom de Mme Petschek et relatives à sa maison. Le requérant a réitéré sa demande d'application du coefficient correcteur pour le Royaume-Uni à partir du 8 mai 1999.

17.
    Par lettre datée du 5 avril 2000, envoyée le 26 avril (ci-après la «première décision attaquée»), le chef de l'unité «Pensions et relations avec les anciens» a fait suite au courrier du requérant du 3 mars 2000 dans les termes suivants:

«Après un examen attentif des nombreuses annexes que vous avez jointes, je regrette toutefois de vous indiquer qu'elles ne m'apportent pas les éléments permettant de fixer un coefficient correcteur sur la base de l'article 82 du statut. Il est, en effet, nécessaire que vous puissiez justifier de votre résidence, et donc qu'elle présente le caractère d'une habitation stable, et que je puisse constater votre intention qu'elle le demeure.

Le fait que vous soyez actuellement ‘hébergé' ou ‘invité' n'est donc pas un élément suffisant [ni] un fait constitutif d'une résidence habituelle, même si la personne qui invite l'atteste devant un huissier de justice. Je vous renvoie donc à ma lettre du 15 octobre 1999 et aux documents demandés, en vous priant d'éviter à l'avenir de submerger mon unité de documents non pertinents et donc inutiles.»

18.
    À la suite de ce courrier, le requérant a transmis, les 18 et 27 avril, 12 mai et 9 juin 2000, une série de documents justificatifs supplémentaires à la Commission afin de prouver la nature stable de sa résidence au Royaume-Uni. Il a ainsi transmis une copie de sa carte d'électeur pour les élections du 4 mai 2000, une copie du courrier de la Barclays Bank du 25 avril 2000 attestant que son compte est régi selon les modalités applicables aux résidents du Royaume-Uni, un extrait d'ouverture de crédit hypothécaire par les AGF Belgium, un certificat d'un médecin anglais du 15 mai 2000 attestant que le requérant l'a consulté, une attestation de Mme Petschek, une copie d'ordre permanent afin de s'acquitter mensuellement de la part d'imposition supplémentaire de la council tax de Mme Petschek et un extrait de la déclaration de revenus du requérant au Royaume-Uni pour l'année 1999.

19.
    Dans sa lettre du 3 juillet 2000, le chef de l'unité «Pensions et relations avec les anciens» a maintenu sa position selon laquelle il n'était pas en mesure de fixer le coefficient correcteur à appliquer à la pension du requérant.

20.
    Le même jour, le requérant a transmis à la Commission une copie d'un courrier de la Health Authority du 29 juin 2000, qui mentionne que le requérant est arrivé au Royaume-Uni en mai 1999 et qu'il est enregistré chez les médecins Cavanagh et Cavanagh depuis juin 2000. Il y est également mentionné que le Central Register Office connaît un retard dans les enregistrements et que la carte médicale du requérant ne sera donc émise qu'en septembre.

21.
    Le 18 juillet 2000, le requérant a introduit une réclamation, enregistrée le 24 juillet 2000 au secrétariat général (ci-après la «première réclamation»), contre les avis de modification nos 3, 4, 5 et 6 fixant le coefficient correcteur de sa pension de façon erronée, notamment quant à sa date d'effet, ainsi que contre la décision attaquée refusant de fixer le coefficient correcteur pour le Royaume-Uni. À l'appui de sa réclamation, le requérant a fourni à la Commission trois séries de pièces: le dossier A (pièces justificatives de sa résidence invoquées directement dans sa réclamation), le dossier B (pièces justificatives afférentes au caractère stable de sa résidence à Londres depuis le 8 mai 1999) et le dossier C (pièces justificatives afférentes à ses séjours au Royaume-Uni antérieurs au 8 mai 1999). Outre les documents déjà fournis antérieurement, il a annexé à sa réclamation un courrier de la ville de Kensington and Chelsea du 11 avril 2000 confirmant son inscription sur les listes électorales pour la période allant du 1er mars 2000 au 15 février 2001.

22.
    Le 2 août 2000, le requérant a présenté un addendum à sa première réclamation et y a joint de nouvelles pièces justificatives de sa résidence, notamment, un document de la ville de Kensington and Chelsea, daté du 25 juillet 2000, indiquant que le requérant figure dans les rôles de la council tax dès lors que la propriété en cause est sa seule ou principale résidence depuis le 8 mai 1999, ainsi qu'une facture de mise en service de British Telecom du 17 juillet 2000, Mme Petschek ayant cédé une des lignes téléphoniques de sa maison au requérant.

23.
    Le 24 septembre 2000, le requérant a transmis à la Commission sa déclaration annuelle de renseignements personnels pour l'année 2000, comportant l'indication de sa résidence au Royaume-Uni, ainsi que des factures de téléphone de British Telecom et de son téléphone mobile, dont les montants ont été effacés. Le 11 octobre 2000, le requérant a encore transmis à la Commission un courrier de l'Inland Revenue East, daté du 27 septembre 2000, confirmant que le requérant est considéré comme résident du Royaume-Uni pour la période fiscale allant du 6 avril 1999 au 5 avril 2000, ainsi qu'un certificat délivré par la commune de Naples, daté du 11 octobre 2000, attestant que le requérant réside à Londres et qu'il est inscrit auprès de l'association des Italiens résidant à l'étranger (AIRE).

24.
    Le 18 novembre 2000, le requérant a introduit une nouvelle demande afin d'obtenir l'application à sa pension du coefficient correcteur pour le Royaume-Uni. Il y a joint, outre sa déclaration annuelle, avec ses annexes, mentionnées au point précédent, une lettre de la Commission du 12 juillet 2000, qui explique que la résidence fiscale du retraité est fixée au même endroit que sa résidence principale. Le 28 décembre 2000, le requérant a fait parvenir à la Commission des précisions complémentaires.

25.
    N'ayant pas reçu de réponse à sa demande du 18 novembre 2000 dans le délai de quatre mois prévu par le statut, le requérant a introduit, le 24 avril 2001, une seconde réclamation à l'encontre de la décision implicite de rejet de la Commission, dans la mesure où sa demande d'appliquer le coefficient correcteur pour le Royaume-Uni à partir du 24 septembre 2000 n'a pas été acceptée (ci-après la «seconde réclamation»). Le requérant y a joint, notamment, un contrat de bail signé le 5 avril 2001 avec Mme Petschek, portant sur une partie de son immeuble.

26.
    Dans le cadre de sa première réclamation du 18 juillet 2000, le requérant a transmis à la Commission, par un courrier du 23 janvier 2001, des attestations de commerçants anglais affirmant que le requérant fait partie de leur clientèle. Il a également transmis une copie de sa carte médicale (National Health Service medical card) du 5 janvier 2001.

27.
    Par décision du 23 février 2001, l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») a rejeté la première réclamation. C'est contre cette décision que le recours T-124/01 a été introduit.

28.
    La seconde réclamation a été partiellement accueillie par une décision de la Commission du 23 août 2001 appliquant le coefficient correcteur pour le Royaume-Uni avec effet au 1er avril 2001. La réclamation a été rejetée pour le surplus par la décision du 6 septembre 2001 (ci-après la «seconde décision attaquée»). C'est contre cette décision que le recours T-320/01 a été introduit.

Procédure et conclusions des parties

29.
    C'est dans ces circonstances que le requérant a, par requêtes déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 1er juin 2001 et le 17 décembre 2001, introduit les présents recours.

30.
    Par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 26 septembre 2002, les affaires T-124/01 et T-320/01 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l'arrêt, conformément à l'article 50 du règlement de procédure du Tribunal.

31.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

32.
    Conformément aux dispositions des articles 14, paragraphe 2, et 51, paragraphe 2, du règlement de procédure, la quatrième chambre a attribué l'affaire à Mme Tiili, siégeant en qualité de juge unique.

33.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience du 10 décembre 2002.

34.
    Dans le cadre du recours T-124/01, le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la première décision attaquée;

-    annuler, en tant que de besoin, la décision du 23 février 2001 rejetant la réclamation du 18 juillet 2000;

-    condamner la Commission à appliquer le coefficient correcteur pour le Royaume-Uni à sa pension avec effet rétroactif au 8 mai 1999;

-    condamner la Commission au paiement de dommages et intérêts évalués, ex æquo et bono, à titre provisionnel, à 10 000 euros et au paiement d'un taux d'intérêt annuel de 7 % sur le solde de pension dû à compter du 8 mai 1999;

-    condamner la Commission aux dépens.

35.
    Dans le cadre du recours T-320/01, le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la seconde décision attaquée;

-    condamner la Commission à appliquer le coefficient correcteur pour le Royaume-Uni à sa pension avec effet rétroactif au 24 septembre 2000;

-    condamner la Commission au paiement de dommages et intérêts évalués, ex æquo et bono, à titre provisionnel, à 10 000 euros et au paiement d'un taux d'intérêt annuel de 7 % sur le solde de pension dû à compter du 24 septembre 2000 jusqu'au 1er avril 2001;

-    condamner la Commission aux dépens.

36.
    Dans sa réplique T-320/01, le requérant a modifié ses conclusions, évaluant désormais son préjudice à 15 000 euros et demandant l'application d'un taux d'intérêt de 5,75 %.

37.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours T-124/01 comme irrecevable ou non fondé;

-    rejeter le recours T-320/01 comme irrecevable, notamment en ce que les documents produits et les faits relatés concernent la période postérieure au 18 novembre 2000, ou comme non fondé;

-    statuer comme de droit sur les dépens.

38.
    Lors de l'audience, la Commission a renoncé à ses conclusions sur l'irrecevabilité. Toutefois, elle a maintenu qu'une décision ne saurait être erronée que par rapport aux éléments effectivement présentés à l'AIPN. En conséquence, elle a considéré que seules les pièces antérieures aux actes faisant grief devaient être prises en compte pour l'appréciation du bien-fondé des recours.

En droit

39.
    Le requérant invoque à l'appui de ses recours en annulation deux moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l'article 82 du statut, de l'erreur manifeste d'appréciation et de la violation du principe patere legem quam ipse fecisti. Le second moyen est tiré d'une violation du principe de bonne administration et de saine gestion et de la violation du devoir de sollicitude.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l'article 82 du statut, de l'erreur manifeste d'appréciation et de la violation du principe patere legem quam ipse fecisti

Arguments des parties

40.
    Le requérant estime que la Commission a violé l'article 82 du statut en refusant d'appliquer le coefficient correcteur pour le Royaume-Uni à sa pension, alors qu'il a fourni toutes les pièces nécessaires en vue de justifier sa résidence à Londres. Il précise que la notion de résidence doit s'entendre comme le lieu où l'ancien fonctionnaire a effectivement établi le centre de ses intérêts et que, aux fins de justification de cette résidence, il peut se référer à tous les éléments de fait constitutifs de celle-ci et apporter tous les moyens de preuve qu'il juge utiles. Il rappelle que l'effectivité de sa résidence à Londres depuis mai 1999 a été attestée, à de nombreuses reprises, par différentes administrations belge, italienne et anglaise.

41.
    Il fait observer que la Commission a limité les preuves admissibles et de nature, selon elle, à démontrer l'effectivité de la résidence du requérant et que, même s'il a essayé de produire les pièces justificatives désignées, aucun des éléments communiqués n'a justifié, aux yeux de la Commission, l'effectivité de sa résidence au Royaume-Uni. Le requérant considère que la Commission méconnaît l'arrêt de la Cour du 14 juillet 1988, Schäflein/Commission (284/87, Rec. p. 4475), en estimant que, «sauf circonstances exceptionnelles, l'intéressé ne saurait démontrer une résidence effective qu'en satisfaisant à une condition de base, à savoir le fait d'être propriétaire ou locataire d'une habitation».

42.
    Le requérant souligne que sa situation est, en tout état de cause, exceptionnelle, puisqu'il réside chez quelqu'un au Royaume-Uni, ce qui lui permet difficilement d'établir un contrat de bail. Il ajoute qu'il a, à de nombreuses reprises, fait part à la Commission de l'impossibilité dans laquelle il se trouvait d'apporter les pièces justificatives réclamées dès lors qu'il réside dans la maison dont sa compagne, Mme Petschek, est propriétaire et que, en conséquence, toutes les factures de gaz, d'électricité ou de téléphone sont établies au nom de cette dernière et que, par ailleurs, il n'était pas dans leurs intentions d'établir un bail. Il relève cependant que Mme Petschek a finalement décidé de lui céder une de ses lignes téléphoniques. Il ajoute qu'il a également contribué aux charges de Mme Petschek relatives à l'immeuble. En outre, à l'appui de sa seconde réclamation, il indique avoir produit un contrat de bail conclu avec Mme Petschek sur une partie de son immeuble à Londres.

43.
    Le requérant ajoute que la décision de vivre avec Mme Petschek dans la maison de cette dernière a mûri progressivement. Le projet aurait commencé par des travaux de rénovation de cette maison dès 1997 et aurait abouti à la décision du requérant de fixer sa résidence à Londres en mai 1999.

44.
    Il admet qu'il a utilisé dans la requête T-124/01, pour la première fois, des termes comme «compagne». Il explique que le fait qu'il reste toujours marié à sa femme a restreint le choix des termes. Il estime que sa correspondance avec la Commission était en toute hypothèse suffisamment claire et évocatrice de sa situation personnelle. À cet égard, il fait valoir que, notamment dans la lettre du 9 février 2001, ses conseils ont indiqué «sa volonté de vivre en commun avec la propriétaire de la maison située 24a Elm Park Road». Il ajoute qu'il n'avait pas jugé utile de dévoiler sa relation avec Mme Petschek pour des raisons tenant à la confidentialité de sa vie privée.

45.
    Il fait également valoir que la séparation de fait entre son épouse et lui est établie et justifie sa résidence dans un autre pays que celui de résidence de son épouse. Rien ne permettrait de postuler une présomption de résidence commune du requérant et de son épouse, dont il est séparé, même s'il n'en est pas divorcé. Le requérant insiste sur le fait qu'il est séparé de son épouse depuis 1979 et que la Commission en a été informée par la lettre de son conseil du 28 juin 1999.

46.
    Le requérant fait observer que la Commission a déjà reconnu l'effectivité de sa résidence et de sa présence physique à Londres puisqu'elle lui a adressé directement des courriers à son adresse à Londres.

47.
    Le requérant estime que la notion de «centre permanent des intérêts» doit être examinée sous l'angle de ses attaches personnelles et professionnelles. Il rappelle à cet effet qu'il continue à exercer une activité dans le secteur de la joaillerie à Londres, activité qu'il a choisie après avoir quitté la Commission. Il rappelle également que sa fille, son gendre et leurs enfants ont une propriété à Londres.

48.
    Il soutient que les pièces officielles et administratives qu'il a fournies font apparaître, d'une part, qu'il a pris toutes les mesures auprès des autorités administratives et fiscales belges pour que soit enregistrée sa résidence au Royaume-Uni et, d'autre part, que tous les éléments constitutifs de son installation au Royaume-Uni sont satisfaits.

49.
    En ce qui concerne son permis de conduire britannique, il fait valoir que, ayant perdu son ancien permis belge, il devait s'adresser aux autorités du pays de sa nouvelle résidence. Quant au courrier de la Barclays Bank du 30 septembre 1999, il se référerait à une «déclaration de non-résidence» se rapportant à l'ouverture dudit compte par le requérant plusieurs années avant son établissement définitif à Londres. Or, le requérant aurait été, à l'inverse, soumis à un impôt sur les intérêts impliquant nécessairement sa qualité de résident au Royaume-Uni depuis le 20 septembre 1999. En outre, l'interprétation par la Commission du terme «occupant» figurant sur le formulaire d'inscription sur les listes électorales serait erronée. Il ajoute que l'expression «à ce sujet» dans sa lettre du 5 juillet 1999 se réfère seulement à son indécision quant à l'endroit où il voulait que la pension lui fût versée.

50.
    Le requérant souligne que si certaines pièces produites semblent être des autocertifications, elles ne sont pas pour autant dénuées non seulement de l'expression de l'intention réelle du requérant, mais également de caractère probant quant à leur contenu. Il fait valoir qu'il est loisible à quelqu'un de témoigner pour lui-même. En outre, toutes les pièces iraient dans le même sens, à savoir la reconnaissance de sa résidence effective à Londres à partir du 8 mai 1999.

51.
    En ce qui concerne l'indication d'une résidence à Nice (France) dans son passeport, il explique qu'il s'agit d'une erreur du consulat d'Italie à Nice, autorisé par le consulat d'Italie à Londres à lui délivrer un nouveau passeport à la suite de la perte du sien, alors qu'il se trouvait à Nice.

52.
    Le requérant souligne que le fait qu'il a dernièrement fourni les éléments de preuve demandés par la Commission ne prouve pas que sa situation fût différente pour la période allant du 8 mai 1999 au 1er avril 2001. Il observe que la Commission manque d'ailleurs de cohérence dans son approche, puisque, même si elle sous-entend dans sa décision du 23 août 2001 que le contrat de bail conclu par le requérant et Mme Petschek en date du 5 avril 2000 est douteux, dans la mesure où le montant du loyer paraît plutôt modeste par rapport à ce à quoi on peut s'attendre dans un quartier assez luxueux, elle se fonde cependant principalement sur cette pièce pour reconnaître au requérant une résidence stable au Royaume-Uni à partir du 1er avril 2001.

53.
    Enfin, le requérant souligne que, depuis l'avis modificatif n° 6 de ses droits à pension, en date du 28 janvier 2000 et prenant effet le 1er juillet 1999, il ne voit plus appliquer à sa pension aucun coefficient correcteur. Il constate qu'une telle situation a pour conséquence qu'il devrait être considéré comme ayant sa résidence à Bruxelles. Or, le requérant n'aurait aucune résidence à Bruxelles et n'aurait jamais revendiqué le bénéfice d'une telle situation. Le requérant fait valoir que, en appliquant le coefficient correcteur 100 à sa pension, la Commission se montre incohérente. En effet, selon lui, soit la Commission considère que le requérant n'a pas transféré sa résidence de Paris à Londres et elle doit en ce cas continuer à appliquer le coefficient correcteur pour la France, soit elle admet que le requérant a bien transféré sa résidence de France et, dès lors, il n'a pu la transférer qu'au Royaume-Uni.

54.
    La Commission estime que le litige porte sur la démonstration par le requérant, pour les périodes en cause, de son intention de fixer le centre de ses intérêts à Londres de manière stable. Elle rappelle que c'est au requérant qu'il incombe de justifier de cette résidence. À cet égard, elle considère qu'aucune pièce fournie ne démontre l'effectivité de la résidence du requérant au Royaume-Uni avant la production du contrat de bail.

55.
    La Commission fait valoir que ce n'est que dans la requête T-124/01, déposée le 1er juin 2001, que le requérant a indiqué pour la première fois que Mme Petschek est sa compagne. Selon la Commission, cette information était cependant manifestement importante pour apprécier l'existence chez le requérant d'une intention de conférer à sa présence à Londres le caractère stable requis pour que ce lieu puisse être considéré comme celui de sa résidence. La Commission estime que le requérant ne saurait critiquer une situation qui résulte exclusivement de sa propre abstention de fournir toutes les informations utiles. À l'époque, le requérant aurait seulement déclaré avoir été «invité» chez Mme Petschek, qui avait fourni une «attestation d'hébergement», dont l'intitulé même faisait penser à une présence purement précaire du requérant à Londres, d'autant plus que celui-ci n'avait fourni aucun des éléments habituellement demandés par l'administration auprès des pensionnés, tendant à démontrer une présence stable (factures indiquant des consommations téléphoniques, électriques ou de gaz établies à leur nom et pour l'adresse en question, etc.).

56.
    La Commission remarque que les factures et autres pièces provenant de l'intéressé ne pouvaient témoigner que d'une présence fréquente à Londres, mais non pas d'une volonté du requérant de lui conférer un caractère stable. Quant aux documents issus d'une autocertification, elle rappelle que les procédures nationales les autorisant ne sont pas applicables en l'espèce.

57.
    En ce qui concerne le certificat de radiation de la résidence du requérant en Belgique, émanant de la commune d'Ixelles, la Commission estime que cette pièce résulte d'une déclaration unilatérale du requérant et que, même si ce certificat démontre que le requérant n'habitait plus en Belgique, il ne précise pas pour autant où l'intéressé résidait.

58.
    Concernant le document du consulat italien à Londres du 13 septembre 1999, la Commission rappelle que des pièces officielles résultant d'une procédure d'autocertification ne sauraient être considérées comme concluantes. La Commission observe également, en ce qui concerne le passeport renouvelé le 14 septembre 1999, que ce document mentionne une résidence à Nice, alors que le requérant soutient avoir résidé à Londres depuis mai 1999. Or, pour que cette mention de Nice figurât sur le passeport, il fallait que le requérant ait rempli un formulaire indiquant l'existence d'une telle résidence.

59.
    Elle fait ensuite valoir que la demande de laissez-passer n'indique pas la résidence, mais seulement l'adresse du requérant, sur simple affirmation unilatérale. À propos de la confirmation par un courtier d'assurances de l'extension au profit du requérant de la couverture de l'assurance automobile de Mme Petschek, datée du 7 juillet 1999, la Commission souligne que le requérant était déjà couvert par l'assurance automobile de Mme Petschek en 1997 et en 1998. Elle fait remarquer que le requérant ne peut prétendre que des pièces identiques puissent à un moment démontrer l'existence d'une résidence à Londres et, à un autre, exactement le contraire.

60.
    En ce qui concerne la demande d'obtention d'un permis de conduire britannique, la Commission fait observer qu'il s'agit d'un cas manifeste d'autocertification, dans la mesure où les autorités britanniques ne procèdent à aucune enquête pour vérifier la réalité de la résidence au Royaume-Uni déclarée par le demandeur de permis.

61.
    La Commission considère que le courrier de la Barclays Bank du 30 septembre 1999 démontre le contraire de ce que prétend le requérant. Elle observe, en outre, que, si le requérant est, depuis avril 2000, titulaire d'un compte bancaire anglais dans les mêmes conditions que celles appliquées aux personnes résidant effectivement au Royaume-Uni, cela ne prouve rien, car le fait d'avoir ce type de compte ne démontre nullement l'existence d'une telle résidence.

62.
    Quant à l'inscription sur les listes électorales, la Commission souligne que même les personnes séjournant à long terme à l'adresse mentionnée sur les listes sont à considérer comme des électeurs potentiels et que, par conséquent, cette inscription ne constitue pas une preuve de résidence au Royaume-Uni.

63.
    La Commission estime que l'administration ne pouvait faire abstraction des importantes incohérences de l'exposé du requérant. En effet, alors que celui-ci soutient qu'il a résidé à Paris jusqu'en mai 1999 et que ce n'est que depuis le 8 mai 1999 qu'il a commencé à résider à Londres, un certain nombre de pièces postérieures, et sur lesquelles il se fonde pour démontrer l'existence d'une résidence à Londres, seraient de nature identique à celle d'autres pièces se rapportant à la période antérieure au mois de mai 1999.

64.
    En outre, dans sa lettre du 5 juillet 1999, adressée à la Commission, le requérant aurait écrit: «[J]e me suis transféré à Londres et je ne suis pas encore fixé sur un choix définitif à ce sujet.» Par ailleurs, le requérant aurait déclaré en octobre 1999 que la personne à contacter en cas d'accident était sa femme, qui disposait d'une adresse en Belgique.

65.
    La Commission estime que le requérant doit démontrer sa réelle intention de conférer à sa présence au Royaume-Uni un caractère stable. L'exigence de la stabilité, fait-elle valoir, signifie notamment que, sauf circonstances exceptionnelles, l'intéressé ne saurait démontrer l'existence d'une résidence effective qu'en satisfaisant à une condition de base, à savoir être propriétaire ou locataire d'une habitation, ou encore vivre maritalement avec une personne remplissant ces conditions. Elle considère que le requérant n'a nullement satisfait à cette condition puisqu'il se fondait alors exclusivement sur le fait qu'il était «hébergé» ou «invité» par une amie vivant à Londres.

66.
    Elle remarque qu'il appartenait au requérant de démontrer la réalité de la situation puisqu'il était le seul à posséder les éléments permettant d'apprécier son cas.

67.
    La Commission considère que le requérant a seulement démontré la précarité de sa présence au Royaume-Uni et n'a pas fait état de son intention de vivre avec une autre personne que sa femme. La Commission reconnaît qu'il est possible que deux conjoints aient des résidences différentes, sans pour autant être divorcés ou séparés légalement. Elle estime cependant que, lorsqu'un couple demeure marié, comme c'est le cas ici, cela crée nécessairement une forte présomption de résidence commune, le mariage comportant la notion de vie commune. Elle relève, en outre, que le lieu de résidence de la fille du requérant est sans pertinence, du moment que le requérant ne prétend pas résider avec elle.

68.
    La Commission estime que le requérant ne peut, sans se contredire, contester le bien-fondé de l'exigence posée systématiquement par elle depuis des années à tout pensionné, à savoir produire un titre de propriété ou un contrat de bail ainsi que des factures de gaz, d'électricité ou de téléphone fixe, établies à son nom et à son adresse de consommation. La Commission précise que le premier type de document est de nature à démontrer l'intention requise, car acquérir ou même louer une propriété signifie, en principe, l'intention d'y demeurer pour un temps non négligeable, alors que le second type de document témoigne d'une présence réelle dans les lieux, à travers les consommations enregistrées.

69.
    Enfin, elle fait valoir que sa décision d'octroyer au requérant le bénéfice du coefficient correcteur pour le Royaume-Uni n'a été prise qu'après réception du contrat du bail que le requérant a conclu à partir du 1er avril 2001. En conséquence, ladite décision ne pouvait pas être rétroactive.

Appréciation du Tribunal

70.
    Il y a lieu de rappeler, à titre préliminaire, qu'il découle du libellé même de larticle 82 du statut que les retraités ont droit à lapplication, à leur pension, du coefficient correcteur prévu pour le pays où ils justifient avoir leur résidence (arrêt du Tribunal du 14 décembre 1995, Pfloeschner/Commission, T-285/94, RecFP p. I-A-291 et II-889, point 46). Les coefficients correcteurs applicables visent à assurer à tous les anciens fonctionnaires des prestations comportant le même pouvoir d'achat, quel que soit le lieu de leur résidence, nonobstant le fait que le montant de la pension versée est susceptible d'être dépensé dans un pays autre que celui de résidence. En effet, le choix du pays de résidence comme critère de référence aux fins de l'évaluation des conditions de vie et du pouvoir d'achat des titulaires de pension est justifié par le fait que la notion de résidence, au sens de l'article 82 du statut, doit être comprise comme le lieu où l'ancien fonctionnaire a effectivement établi le centre de ses intérêts et, donc, comme le lieu où il est censé exposer ses dépenses (arrêt Schäflein/Commission, précité, point 9; arrêt du Tribunal du 7 juillet 1998, Mongelli e.a./Commission, T-238/95 à T-242/95, RecFP p. I-A-319 et II-925, points 41 à 43).

71.
    La notion de résidence vise, selon une jurisprudence constante, le lieu où lintéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts. En outre, la notion de résidence implique, indépendamment de la donnée purement quantitative du temps passé par la personne sur le territoire de l'un ou de l'autre pays, outre le fait physique de demeurer en un certain lieu, l'intention de conférer à ce fait la continuité résultant d'une habitude de vie et de déroulement de rapports sociaux normaux (voir, en dernier lieu, arrêt du Tribunal du 18 septembre 2002, Puente Martín/Commission, T-29/01, non encore publié au Recueil, point 60, et la jurisprudence citée).

72.
    Il sagit donc dune question de fait exigeant la prise en considération de la résidence effective du fonctionnaire (arrêt du Tribunal du 3 mai 2001, Liaskou/Conseil, T-60/00, RecFP p. I-A-107 et II-489, point 53, et la jurisprudence citée). En outre, cette notion de résidence est propre à la fonction publique communautaire et ne coïncide pas nécessairement avec les acceptions nationales de ce terme.

73.
    En l'espèce, il convient de constater, en premier lieu, qu'il ressort des écritures des parties, ainsi que de leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience, que la Commission et le requérant sont d'accord sur la définition de la notion de résidence et sur la délimitation de ses éléments constitutifs. Il est donc constant que le débat mené entre les parties se limite au seul point de savoir si la Commission a considéré à tort que le requérant n'est pas parvenu à apporter la preuve de la stabilité et de leffectivité de sa résidence au Royaume-Uni avant le 1er avril 2001.

74.
    En deuxième lieu, il ressort des réponses des parties aux questions du Tribunal posées lors de l'audience qu'elles sont d'accord sur le fait que, pour justifier de sa résidence, l'intéressé peut se référer à tous les éléments de fait constitutifs de celle-ci et apporter tous les moyens de preuve qu'il juge utiles (arrêt Schäflein/Commission, précité, point 10). En conséquence, le litige ne porte pas sur l'admissibilité de certains types de preuves, mais sur leur valeur probante, en l'espèce, quant à la démonstration de la stabilité et de l'effectivité de la résidence.

75.
    En troisième lieu, il découle directement du libellé de l'article 82, paragraphe 1, du statut que la charge de la preuve, quant à la résidence, incombe au fonctionnaire. En outre, l'institution compétente, en appréciant les preuves apportées à cet égard et en procédant, le cas échéant, à des contrôles, doit éviter les abus de ladite disposition.

76.
    En quatrième lieu, il convient d'examiner quels sont les justificatifs à prendre en considération. En effet, même si la Commission a renoncé lors de l'audience à ses arguments quant à l'irrecevabilité de certaines pièces, produites par le requérant après l'adoption des décisions attaquées, elle a maintenu que le fond de l'affaire ne peut être examiné qu'à la lumière des seules pièces produites avant les décisions sur les deux réclamations. Or, le requérant considère que même les pièces justificatives produites au cours de la présente instance doivent être prises en compte.

77.
    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la légalité de l'acte individuel attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l'acte a été pris (voir, notamment, arrêts de la Cour du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, Rec. p. 321, point 7, et du 17 mai 2001, IECC/Commission, C-449/98 P, Rec. p. I-3875, point 87; arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, Altmann e.a./Commission, T-177/94 et T-377/94, RecFP p. I-A-553 et II-1471, point 119). En effet, si le Tribunal devait examiner les actes attaqués à la lumière d'éléments de fait qui nexistaient pas à la date où lacte a été pris, il se substituerait à linstitution dont émane lacte en cause. Or, il nappartient pas au Tribunal de se substituer aux institutions (arrêt du Tribunal du 11 juillet 1991, Von Hoessle/Cour des comptes, T-19/90, Rec. p. II-615, point 30). En conséquence, seuls les éléments dont la Commission pouvait avoir connaissance dans le cadre de la procédure administrative sont à prendre en considération. En ce qui concerne les pièces établies postérieurement à l'adoption des actes attaqués, elles ne sauraient être prises en considération que dans la mesure où elles tendent à prouver la réalité et la portée des informations dont disposait l'auteur des actes contestés.

78.
    C'est à la lumière de ces considérations qu'il faut procéder à l'examen des différentes pièces justificatives que le requérant a fournies à la Commission afin de justifier sa résidence au Royaume-Uni.

79.
    En ce qui concerne l'intention du requérant de fixer, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts à Londres, il convient, tout d'abord, de souligner qu'il est constant que le requérant n'a fourni à la Commission un contrat de bail que le 24 avril 2001, avec la seconde réclamation. Par ailleurs, le requérant admet lui-même quil a utilisé pour la première fois dans la requête T-124/01 le terme «compagne», expliquant ainsi qu'il vivait maritalement avec Mme Petschek. Or, cette information était, comme l'affirme la Commission, manifestement importante pour apprécier l'existence chez le requérant d'une intention de conférer à sa présence à Londres le caractère stable requis pour que ce lieu puisse être considéré comme celui de sa résidence. En effet, à l'époque, la Commission savait seulement que le requérant avait déclaré avoir été «invité» chez Mme Petschek, qui avait fourni une «attestation de résidence», datée du 25 février 2000. De même, le requérant n'avait fourni aucun des éléments habituellement demandés par l'administration auprès des pensionnés, tendant à démontrer une présence stable à un endroit donné.

80.
    Cette constatation n'est pas infirmée par l'assertion du requérant selon laquelle le fait que Mme Petschek est sa compagne aurait dû être clairement perçu par la Commission avant l'introduction de la requête T-124/01, étant donné qu'il avait employé dans ses différentes correspondances avec la Commission les termes suivants: «déborder de ma vie privée», les «raisons privées évoquées lors de notre entretien», «vos indiscrétions au sujet de ma vie privée», «pour la moitié d'un lit», les «raisons strictement personnelles». Or, cette affirmation ne saurait être accueillie. Il n'appartient pas, en effet, à l'institution concernée d'émettre des hypothèses sur la vie privée d'un fonctionnaire. Au contraire, comme il ressort de plusieurs dispositions du statut, le fonctionnaire doit souvent divulguer des informations sur sa vie privée afin d'obtenir le bénéfice d'un droit déterminé.

81.
    Toutefois, il n'y a pas non plus lieu d'accepter l'affirmation de la Commission selon laquelle elle pouvait considérer que, puisque le requérant était marié, sa résidence normale était le lieu du domicile conjugal à Bruxelles. En effet, il ressort de la lettre du 28 juin 1999, envoyée à la Commission par l'avocat du requérant, que l'adresse à Bruxelles est, «en fait, [.] l'adresse de son épouse dont il [vit] séparé depuis de nombreuses années».

82.
    Dans ces conditions, il faut procéder à l'examen des autres pièces produites par le requérant afin de déterminer si son intention de fixer le centre de ses intérêts à Londres de manière stable était établie avant le 1er avril 2001.

83.
    Dans un premier temps, le requérant a annoncé son intention de fixer à brève échéance sa résidence à Londres, par lettre du 15 mars 1999, dans laquelle il informait la Commission quil demeurait en France. Par cette lettre, il demandait également que son coefficient correcteur fût fixé en France.

84.
    Après modification de l'avis de fixation de ses droits à pension par l'avis du 26 mars 1999, fixant sa résidence à Paris, le requérant a transmis à la Commission une copie du certificat de radiation délivré par la commune dIxelles le 7 mai 1999. Le certificat mentionne comme nouvelle adresse du requérant 24a Elm Park Road à Londres. Or, comme la Commission la fait valoir à juste titre, le certificat de radiation de résidence permet de démontrer que lintéressé nhabite plus en Belgique, mais n'indique pas où lintéressé réside en dehors de la Belgique. En effet, les autorités belges attestent seulement que le réclamant a fait une déclaration de résidence à l'étranger et ne peuvent certifier que des situations existant en Belgique. En outre, comme il ressort de la lettre de l'avocat du requérant du 28 juin 1999, «[i]l s'agit d'un élément purement formel dans la mesure où [le requérant] ne résidait plus à cette adresse depuis plus de vingt ans». Il s'ensuit qu'il ne peut en aucun cas s'agir là d'une attestation de résidence prouvant que le requérant résidait à Londres.

85.
    Il y a lieu, ensuite, de noter que les courriers et pièces mentionnés au point 7 ci-dessus résultent des seules déclarations du requérant. De plus, il ressort du dossier qu'une personne ne résidant pas au Royaume-Uni est à même de disposer du même type de compte en banque que celui détenu par le requérant. Il y a donc lieu de constater que, en eux-mêmes, ces documents ne prouvent aucunement un changement de résidence.

86.
    En ce qui concerne les factures de téléphone mobile émanant de la société anglaise Vodafone, transmises par le requérant à la Commission à plusieurs reprises, notamment les 23 septembre 1999 et 24 septembre 2000, il suffit de constater que ces factures ne démontrent pas, à elles seules, que le requérant avait fixé sa résidence stable et effective, au sens que revêt ce terme en matière de fonction publique, au Royaume-Uni. En effet, même en acceptant l'argument du requérant selon lequel Vodafone exige une adresse de facturation au Royaume-Uni, il est évident que cette entreprise n'effectue pas de vérifications quant à la réalité de cette résidence. En outre, en ce qui concerne l'effectivité du séjour du requérant à Londres, il doit être observé que, normalement, les appels à partir d'un téléphone mobile peuvent être émis et reçus en dehors du pays de facturation, sauf si le contraire est démontré.

87.
    Quant aux documents fournis par les autorités italiennes, notamment le passeport renouvelé le 14 septembre 1999, le document du consulat général d'Italie à Londres du 13 septembre 1999 et le certificat de résidence de la commune de Naples daté du 19 octobre 2000 attestant que le requérant réside à Londres, il y a lieu de remarquer qu'ils ne prouvent pas non plus la résidence effective du requérant à Londres, puisque ces documents sont basés sur les propres déclarations du requérant. Le requérant n'a pas pu établir, ayant été interrogé sur ce point par le Tribunal lors de l'audience, que les autorités italiennes auraient vérifié sa résidence avant d'émettre ces documents. Cette circonstance est corroborée par le fait que le passeport du 14 septembre 1999 indiquait dans sa version originale que la résidence du requérant était à Nice, tandis qu'il était censé résider à Londres. Ce nest que dans le cadre du recours T-320/01 que le requérant a fourni un document expliquant cette incohérence.

88.
    En ce qui concerne les différentes pièces provenant de lintéressé lui-même ou de Mme Petschek, il y a lieu de constater qu'elles n'ont pas de valeur probante. Ainsi, la demande de laissez-passer du 18 septembre 1999 n'indique pas la résidence, mais seulement l'adresse du requérant, sur simple affirmation de ce dernier. La même remarque s'applique aux extraits de publicité sur Internet, car ils ont apparemment été rédigés par Mme Petschek.

89.
    À propos de la confirmation par un courtier d'assurances de l'extension au profit du requérant de la couverture de l'assurance automobile de Mme Petschek, datée du 7 juillet 1999, la Commission souligne, à juste titre, que le requérant avait déjà été couvert par l'assurance automobile de Mme Petschek en 1997 et en 1998. Ainsi, si le requérant pouvait déjà être assuré quand il habitait, selon ses propres dires, à Paris, il est clair que cette inscription ne démontre pas qu'il a fixé sa résidence à Londres de manière stable.

90.
    Le courrier de la Barclays Bank du 30 septembre 1999 a pour seul objet la demande faite au requérant de clarifier sa résidence, car, jusquà cette date, le requérant était inscrit comme «non-résident» au Royaume-Uni. Le courrier de cette même banque du 25 avril 2000 attestant que le compte du requérant était désormais régi selon les modalités applicables à celui d'un résident n'infirme pas cette constatation, car il ressort de cette lettre que le changement de statut du requérant résulte de sa propre déclaration.

91.
    En ce qui concerne la demande d'obtention d'un permis de conduire britannique, datée du 29 octobre 1999, et la demande denregistrement sur les listes électorales de sa commune de résidence au Royaume-Uni du 6 janvier 2000, il suffit de noter qu'il sagit galement d'affirmations unilatérales du requérant. En effet, comme il ressort du point 6, qui est intitulé «déclaration», du formulaire de demande de permis de conduire, aucune preuve de la résidence nest exigée.

92.
    Par ailleurs, en ce qui concerne l'enregistrement sur les listes électorales, il y a lieu de noter que le requérant n'a pas pu répondre à une question du Tribunal posée lors de l'audience, visant à savoir si les autorités compétentes vérifient la résidence des personnes inscrites sur les listes électorales au Royaume-Uni. Or, le courrier de la ville de Kensington and Chelsea du 11 avril 2000 confirmant linscription du requérant pour la période allant du 1er mars 2000 au 15 février 2001 semble montrer que tel n'est pas le cas. Selon cette lettre, l'enregistrement a été fait à la demande du requérant. En conséquence, cet enregistrement ne suffit pas en lui-même à justifier, au regard des exigences de l'article 82 du statut, la résidence stable et effective du requérant au Royaume-Uni.

93.
    Par lettres du 12 mai 2000 et du 9 juin 2000, le requérant a encore transmis à la Commission, notamment, un extrait d'ouverture de crédit hypothécaire par les AGF Belgium, une attestation denregistrement chez un médecin anglais, une copie d'ordre permanent afin de s'acquitter mensuellement de la part d'imposition supplémentaire de la council tax et une copie de la déclaration de revenus du requérant au Royaume-Uni pour l'année 1999.

94.
    En ce qui concerne l'ouverture d'un crédit hypothécaire belge pour lacquisition dun bien sis à Menton, en France, il suffit de constater que les documents en question ne font qu'établir que le requérant a donné son adresse à Londres comme lieu de résidence.

95.
    Dans sa première réclamation du 18 juillet 2000, le requérant a annexé plusieurs factures relatives à des matériaux de construction, remontant à la fin de lannée 1997 et au début de lannée 1998. Selon le requérant, ces factures sont censées démontrer son intention de déménager chez Mme Petschek, étant donné quil est supposé avoir participé aux frais de rénovation de la cuisine de cette dernière. La force probante de ces documents est annihilée par le fait que ces documents concernent une période où le requérant ne résidait pas, selon ses propres dires, à Londres. En outre, il est évident que le nom et ladresse mentionnés par une entreprise donnée sur une facture le sont sans aucune vérification de sa part.

96.
    À ce stade, il y a lieu de conclure que les pièces susmentionnées n'ont pas démontré à suffisance de droit que le lieu où le requérant avait effectivement établi le centre de ses intérêts et, donc, le lieu où il était censé exposer ses dépenses aurait été Londres. Cette insuffisance est d'autant plus évidente que le requérant n'avait pas, à l'époque, informé la Commission du fait qu'il vivait de façon maritale avec Mme Petschek.

97.
    Or, par lettre du 2 août 2000, le requérant a transmis à la Commission une attestation de Mme Petschek selon laquelle cette dernière avait cédé une de ses lignes téléphoniques au requérant ainsi qu'une facture de mise en service de cette ligne téléphonique, datée du 17 juillet 2000.

98.
    Par la même lettre, le requérant a fourni à la Commission une lettre de la ville de Kensington and Chelsea, datée du 25 juillet 2000, attestant que le requérant figurait dans les rôles de la council tax à raison de l'occupation de la propriété en question comme seule ou principale résidence depuis le 8 mai 1999. En effet, il y a lieu de remarquer que, pour la période allant du 1er avril 1999 au 7 mai 1999, Mme Petschek a profité dune réduction en tant que «personne seule» dun montant de 17,69 livres sterling. À partir du 1er avril 2000, le requérant a été inscrit comme habitant la propriété, ce qui a conduit à la suppression de cette réduction.

99.
    Par ailleurs, le requérant a transmis à la Commission, par lettre du 11 octobre 2000, l'attestation de l'Inland Revenue East, datée du 27 septembre 2000, qui prouve que la résidence fiscale du requérant était au Royaume-Uni pendant l'exercice fiscal allant du 6 avril 1999 au 5 avril 2000.

100.
    En outre, en ce qui concerne lenregistrement au régime dassurance maladie au Royaume-Uni, il y a lieu de noter que, le 3 juillet 2000, le requérant a transmis à la Commission une lettre des services de lassurance maladie du Royaume-Uni, datée du 20 juin 2000, et indiquant que l'enregistrement du requérant était en cours. Cependant, la carte du National Health Service n'a été octroyée au requérant que le 5 janvier 2001 et transmise à la Commission le 23 janvier 2001.

101.
    À cet égard, il y a lieu de considérer que, notamment, la facture du 17 juillet 2000 de mise en service d'une ligne de téléphone fixe, l'attestation du 25 juillet 2000 d'assujettissement à la council tax, l'attestation du 27 septembre 2000 de résidence fiscale ainsi que l'enregistrement à la sécurité sociale anglaise, datée du 5 janvier 2001, constituent ensemble une preuve suffisante du fait que le requérant avait fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts à Londres.

102.
    Or, il convient de rappeler que, avant leur transmission à la Commission, ces pièces ne pouvaient pas constituer une justification de la résidence du requérant. Ainsi, étant donné que la dernière de ces pièces n'a été transmise à la Commission que le 23 janvier 2001, la première décision attaquée, adoptée le 5 avril 2000, ne peut pas être mise en cause, l'auteur de cette décision n'ayant pas disposé desdites informations. En tout état de cause, le raccordement de ligne téléphonique et l'enregistrement à la sécurité sociale anglaise sont postérieurs à l'adoption de la décision attaquée. En conséquence, le premier moyen du recours T-124/01 doit être rejeté.

103.
    Quant au recours T-320/01, il y a lieu de rappeler que le rejet implicite de la demande du 18 novembre 2000 est intervenu à l'issue du délai de quatre mois prévu par le statut, soit après que le requérant eut transmis, le 23 janvier 2001, à la Commission la dernière des pièces mentionnées au point 101 ci-dessus. En outre, la décision explicite de rejet de la seconde réclamation du 24 avril 2001, du 6 septembre 2001, est également intervenue après la transmission desdites preuves.

104.
    Il s'ensuit que le premier moyen doit être accueilli, en ce qui concerne le recours T-320/01, dans la mesure où la Commission a refusé de fixer le coefficient correcteur pour le Royaume-Uni à la pension du requérant, à partir du 1er janvier 2001, date correspondant au début du mois pendant lequel le requérant a justifié de sa résidence au Royaume-Uni par la transmission de la dernière des pièces mentionnées au point 101 ci-dessus, le 23 janvier 2001.

Sur le second moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration et de saine gestion et de la violation du devoir de sollicitude

Arguments des parties

105.
    Le requérant estime avoir communiqué à la Commission les pièces demandées pour justifier de l'effectivité de sa résidence au Royaume-Uni. Il ajoute avoir poursuivi ce travail de preuve en produisant d'autres pièces.

106.
    Il souligne également le manque de diligence dont a fait preuve la Commission et qui s'est trouvé renforcé par son refus de suivre la procédure habituelle, consistant en une comparution du requérant lors d'une réunion interservices.

107.
    Il affirme que la Commission a effectué une mauvaise gestion de son dossier en refusant systématiquement les pièces présentées sans leur reconnaître valeur de substitution ou de complémentarité. Il ajoute que la Commission l'a traité comme s'il était systématiquement de mauvaise foi.

108.
    La Commission considère que le requérant ne saurait taxer la Commission d'avoir commis une telle violation alors qu'elle s'est bornée à lui demander des pièces qu'elle demande systématiquement aux autres pensionnés et qui sont de nature à démontrer la réalité de leur résidence dans un lieu déterminé.

109.
    La Commission fait valoir que le requérant n'avait pas communiqué des informations importantes pour prouver sa résidence à Londres et que ce qu'il avait fourni au soutien de sa thèse était largement insuffisant. Elle considère donc qu'il était de bonne administration de ne pas se contenter de preuves insuffisantes ou hors sujet.

Appréciation du Tribunal

110.
    Il ressort du dossier que la Commission n'a nullement violé ni le devoir de sollicitude, ni le principe de bonne administration. En effet, comme l'affirme la Commission, à juste titre, le devoir de sollicitude ne saurait être interprété de manière à ne pas exiger du requérant qu'il justifie sa résidence, au sens de l'article 82 du statut. Au contraire, la Commission doit, conformément au principe de bonne gestion financière, vérifier que les pièces justificatives démontrent une résidence stable et effective, comme exigé par la jurisprudence, avant d'octroyer un coefficient correcteur.

111.
    De même, le fait que la Commission n'a pas organisé une réunion interservices en l'espèce ne saurait en soi être interprété comme une violation desdits principes. En effet, comme il ressort du dossier, le requérant a été, à plusieurs reprises, en contact avec les services compétents de la Commission, et comme il ressort des décisions attaquées et des rejets des réclamations, toutes les pièces produites par le requérant ont été examinées par la Commission.

112.
    Il s'ensuit qu'il y a lieu de rejeter le second moyen.

Sur les conclusions en dommages et intérêts

Arguments des parties

113.
    Le requérant invoque un préjudice matériel résultant du temps consacré au règlement de l'affaire ainsi qu'un préjudice moral découlant de l'attitude systématique de rejet de la Commission et de l'aggravation de son état de santé lié au stress généré par les démarches entreprises aux fins de prouver sa résidence effective. Il dénonce le comportement fautif de la Commission car, d'une part, le requérant pouvait légitimement penser que le coefficient pour le Royaume-Uni serait appliqué à sa pension à partir de mai 1999 et, d'autre part, il estime que la Commission s'est obstinée et a mis en cause son honnêteté. Le requérant estime que les circonstances particulières de l'espèce conduisent à considérer que l'annulation de la décision attaquée ne saurait réparer de façon adéquate le préjudice moral qu'il a subi. Le requérant demande donc la condamnation de la défenderesse au paiement de dommages et intérêts, fixés ex æquo et bono, dans la réplique T-320/01, à 15 000 euros au lieu de 10 000 euros.

114.
    Le requérant sollicite également l'octroi d'intérêts de retard sur le solde de sa pension correspondant au bénéfice de l'application du coefficient du Royaume-Uni à compter du 8 mai 1999. Il demande la fixation d'un taux de 7 % pour ces intérêts, dans le cadre du recours T-124/01, et d'un taux de 5,75 %, dans le cadre du recours T-320/01.

115.
    La Commission estime que le préjudice du requérant résulte non pas d'une quelconque illégalité commise par l'administration, mais de sa seule obstination à ne pas produire les pièces demandées.

116.
    La Commission considère que le taux des intérêts de retard demandé par le requérant, qui est de 7 %, est excessif et ne correspond pas à la jurisprudence communautaire, à savoir un taux de 5,5 %.

Appréciation du Tribunal

117.
    Dans le cadre du recours T-124/01, la demande tendant à la réparation d'un préjudice moral doit être rejetée, dans la mesure où elle présente un lien étroit avec la demande en annulation, qui a, elle-même, été rejetée (arrêt du Tribunal du 2 juillet 1997, Chew/Commission, T-28/96, RecFP p. I-A-165 et II-497, point 33).

118.
    Dans le cadre du recours T-320/01, la demande en réparation, dans la mesure où elle se réfère à la décision du 6 septembre 2001 en ce que ladite décision a été annulée, doit être examinée. À cet égard, il convient de rappeler que l'engagement de la responsabilité de la Communauté suppose la réunion d'un ensemble de conditions concernant l'illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage allégué et l'existence d'un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 16 décembre 1987, Delauche/Commission, 111/86, Rec. p. 5345, point 30; arrêt du Tribunal du 28 septembre 1999, Hautem/BEI, T-140/97, RecFP p. I-A-171 et II-897, point 83).

119.
    En l'espèce, l'examen de la demande d'annulation a conduit à la constatation de l'illégalité du comportement de la Commission lié à sa décision du 6 septembre 2001, en ce que ladite décision a refusé de fixer le coefficient correcteur pour le Royaume-Uni à la pension du requérant à partir du 1er janvier 2001. À cet égard, il convient cependant de rappeler que, en vertu de la jurisprudence, l'annulation de l'acte de l'administration attaqué par un fonctionnaire constitue, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout le préjudice moral que celui-ci peut avoir subi en raison de l'acte annulé (arrêt de la Cour du 7 février 1990, Culin/Commission, C-343/87, Rec. p. I-225, points 25 à 29, et, dernièrement, arrêt du Tribunal du 11 septembre 2002, Willeme/Commission, T-89/01, non encore publié au Recueil, point 97).

120.
    En l'espèce, comme il ressort de l'examen du second moyen, à défaut d'éléments démontrant que la décision de refus de fixer le coefficient correcteur pour le Royaume-Uni contenait des appréciations négatives à l'égard du requérant, l'annulation partielle de la décision attaquée doit être considérée comme étant constitutive d'une réparation adéquate et suffisante du préjudice moral allégué.

121.
    En ce qui concerne l'octroi d'intérêts de retard sur le solde de la pension du requérant correspondant au bénéfice de l'application du coefficient correcteur pour le Royaume-Uni du 1er janvier 2001 au 31 mars 2001, il y a lieu de donner suite à la demande du requérant et de condamner la Commission au paiement des intérêts moratoires sur les arriérés dus à partir des différentes échéances auxquelles chaque paiement, au titre du régime de pension, aurait dû être effectué et jusqu'au jour du paiement effectif.

122.
     Enfin, en ce qui concerne le taux annuel des intérêts moratoires à appliquer, le Tribunal considère que ce taux doit être calculé sur la base du taux fixé par la Banque centrale européenne pour les opérations principales de refinancement, applicable pendant la période concernée, majoré de deux points (arrêt du Tribunal du 12 novembre 2002, López Cejudo/Commission, T-271/01, non encore publié au Recueil, point 59).

Sur les dépens

123.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. En ce qui concerne le recours T-124/01, le requérant ayant succombé, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

124.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de décider que, en ce qui concerne le recours T-320/01, la défenderesse ayant succombé partiellement, elle supportera ses propres dépens ainsi que la moitié des dépens du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête:

1)    Le recours T-124/01 est rejeté.

2)    La décision de la Commission du 6 septembre 2001 est annulée dans la mesure où la Commission a refusé de fixer le coefficient correcteur pour le Royaume-Uni à la pension du requérant à partir du 1 er janvier 2001.

3)    Le recours T-320/01 est rejeté pour le surplus.

4)    La Commission est condamnée à verser au requérant des intérêts moratoires au taux fixé par la Banque centrale européenne pour les opérations principales de refinancement, applicable pendant les différentes phases de la période concernée, majoré de deux points, par an sur les arriérés de pension du 1 er janvier 2001 au 31 mars 2001; ces intérêts doivent être calculés à partir des différentes échéances auxquelles chaque paiement, au titre du régime de pension, aurait dû être effectué et jusqu'au jour du paiement effectif.

5)    Dans le recours T-124/01, chacune des parties supportera ses propres dépens.

6)    Dans le recours T-320/01, la Commission supportera ses propres dépens ainsi que la moitié des dépens du requérant.

7)    Dans le recours T-320/01, le requérant supportera la moitié de ses propres dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 juin 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

V. Tiili


1: Langue de procédure: le français.