Language of document : ECLI:EU:T:2003:169

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

17 juin 2003(1)

«Banque européenne d'investissement - Personnel - Recevabilité - Clarté de la requête - Acte confirmatif - Tardiveté du recours - Procédure de conciliation préalable - Droits à pension - Droit luxembourgeois - Transaction - Dol - Prescription»

Dans l'affaire T-385/00,

Jean-Paul Seiller, demeurant à Luxembourg, représenté par Mes D. Chouamier et L. Thielen, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Banque européenne d'investissement, représentée par MM. E. Uhlmann et C. Gómez de la Cruz, en qualité d'agents, assistés de Me P. Mousel, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande en paiement de la somme de 4 779 652 francs luxembourgeois, assortie d'intérêts, qui lui serait due au titre de ses droits à pension,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de M. R. García-Valdecasas, président, Mme P. Lindh et M. J. D. Cooke, juges,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 11 février 2003,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    La Banque européenne d'investissement (ci-après la «BEI» ou la «Banque») bénéficie d'une autonomie fonctionnelle pour la détermination du régime applicable aux membres de son personnel. Cette autonomie lui est conférée par ses statuts qui, en application des articles 4 B et 198 D du traité CE (devenus, respectivement, articles 9 CE et 266 CE), font l'objet d'un protocole annexé au traité CE, dont il fait partie intégrante.

2.
    L'article 9, paragraphe 3, sous h), des statuts de la BEI prévoit l'approbation du règlement intérieur de la BEI par le conseil des gouverneurs. Ce règlement a été approuvé le 4 décembre 1958 et a subi plusieurs modifications. Son article 29 dispose que les règlements relatifs au personnel de la BEI sont arrêtés par le conseil d'administration.

Règlement du personnel de la BEI

3.
    En application de l'article 29 du règlement intérieur, le conseil d'administration de la BEI a approuvé, le 20 avril 1960, le règlement du personnel de la BEI, modifié en dernier lieu à l'époque des faits le 25 juillet 1989 (ci-après le «règlement du personnel»).

4.
    L'article 38 du règlement du personnel définit certaines sanctions susceptibles d'être prononcées à l'encontre des membres du personnel de la BEI:

«Les membres du personnel qui manquent à leurs obligations sont passibles, selon les cas, des mesures suivantes:

l/     blâme par écrit;

2/     retard d'avancement d'un an au plus;

3/     licenciement pour motif grave, sans préavis avec ou sans allocation de départ;

4/     licenciement pour motif grave, sans préavis ni allocation de départ, et avec réduction des droits à pension à la fraction correspondant aux contributions versées par les intéressés.

Les mesures prévues sous 3) et 4) sont prises après avis d'une commission paritaire, dans les conditions indiquées à l'article 40.

[.]»

5.
    L'article 41 de ce règlement, relatif aux voies de recours, instaure une procédure de conciliation et précise que la Cour - ou, par conséquent, le Tribunal - a compétence pour connaître des différends de toute nature d'ordre individuel entre la BEI et les membres de son personnel:

«Les différends de toute nature d'ordre individuel entre la Banque et les membres de son personnel sont portés devant la Cour de justice des Communautés européennes.

Les différends, autres que ceux découlant de la mise en jeu de mesures prévues à l'article 38, font l'objet d'une procédure amiable devant la commission de conciliation de la Banque, et ce indépendamment de l'action introduite devant la Cour de justice.

La commission de conciliation se compose de trois membres. Lorsque la commission doit se réunir, l'un des membres est désigné par le président de la Banque, le deuxième par l'intéressé - ces deux désignations ayant lieu dans le délai d'une semaine à partir de la demande d'une des parties à l'autre; le troisième membre, qui préside la commission, est désigné par les deux premiers dans un délai d'une semaine après la désignation des deux premiers membres; il peut être choisi en dehors de la Banque. Si les deux premiers membres ne peuvent, dans la semaine suivant leur désignation, se mettre d'accord sur la désignation du président, il y est procédé par le président de la Cour de justice des Communautés européennes.

La procédure de conciliation est considérée, selon le cas, comme ayant échoué:

-    si dans un délai de quatre semaines, à dater de la requête qui lui est adressée par le président de la Banque, le président de la Cour de justice n'a pas procédé à la désignation du président visé à l'alinéa précédent;

-    si dans les deux semaines de sa constitution, la commission de conciliation n'aboutit pas à un règlement accepté par les deux parties.»

6.
    Les articles 13 et 44 du règlement du personnel précisent quelles sont les règles applicables aux contrats individuels conclus dans le cadre de ce règlement.

7.
    L'article 13 dispose que «[l]es relations entre la Banque et les membres de son personnel sont réglées en principe par des contrats individuels dans le cadre du présent règlement [et que le] règlement fait partie intégrante de ces contrats».

8.
    Aux termes de l'article 44:

«Sont applicables aux contrats individuels conclus dans le cadre du présent règlement conformément à l'article 13 les principes généraux communs aux droits des États membres de la Banque.»

Règlement du régime de pension de la BEI

9.
    En application de l'article 36 du règlement du personnel, le conseil d'administration de la BEI a approuvé, le 28 mai 1964, le règlement du régime de pension du personnel, modifié en dernier lieu à l'époque des faits le 26 janvier 1993 (ci-après le «règlement du régime de pension»).

10.
    S'agissant des droits à pension, l'article 70-1 du règlement du régime de pension dispose:

«Perd la qualité d'assuré celui qui quitte le service de la Banque avant dix années d'affiliation, sauf s'il a atteint la date normale du départ en retraite ou a été déclaré invalide. La perte de la qualité d'assuré entraîne le versement du capital prévu à l'article 71-1.»

11.
    L'article 71-1 de ce règlement précise:

«Celui qui perd la qualité d'assuré a droit au versement d'un capital dont le montant est déterminé sur la base des données établies par les actuaires-conseils de la Banque. Il correspond à la contre-valeur actuarielle des droits à pension accumulés année après année dans la limite des trente dernières années de son affiliation.

[.]

En tout état de cause, sont acquises à l'intéressé les cotisations qu'il a versées personnellement ainsi que le montant versé à l'occasion d'un éventuel achat d'années d'assurance complémentaires.

[.]»

Faits à l'origine du litige

A) Sur les circonstances ayant amené le requérant à mettre fin à son contrat de travail

12.
    Par lettre de la BEI, en date du 29 juillet 1983, signée par le requérant le 9 août 1983, ce dernier a été engagé par la Banque. Cette lettre précisait que le règlement du personnel de la BEI, qui était communiqué en annexe, faisait partie intégrante du contrat de travail.

13.
    Au début du mois de février 1993, à la suite de ce que la BEI affirme être la découverte d'agissements fautifs constitutifs de fautes personnelles graves et d'actes intentionnels commis par le requérant dans le cadre de ses fonctions, le président de la BEI a décidé de suspendre celui-ci de ses fonctions en application de l'article 39 du règlement du personnel, de maintenir son bureau fermé à clé et de faire un relevé de ses éventuelles visites à la Banque.

14.
    Après avoir mené une enquête interne sur les agissements reprochés au requérant, la BEI a demandé au cabinet Price Waterhouse (ci-après le «cabinet d'audit») de mener des investigations supplémentaires sur son implication et sur la nature et l'ampleur des manquements à ses obligations professionnelles qui lui étaient reprochés. Deux rapports ont été établis par le cabinet d'audit: le premier est daté du 15 mars 1993 et le second, rédigé à la suite d'un entretien qui s'est tenu le 29 mars 1993 avec le requérant, est daté du 31 mars 1993. Le second rapport décrit un certain nombre d'agissements qui ont été qualifiés à l'époque de «faute grave» par le conseil de la BEI, Me P. Mousel.

15.
    Le requérant reconnaît, quant à lui, qu'il lui a été reproché de ne pas avoir respecté les procédures de paiement concernant une étude financière confiée à un expert extérieur, ce qui l'a amené à négocier son départ de la BEI.

16.
    Les parties ont donc décidé de se séparer à l'amiable et plusieurs réunions ont été organisées au cours du mois d'avril 1993 entre les représentants de la BEI et le requérant afin de déterminer les conditions et modalités de cette séparation.

B) Sur la Convention signée par les parties le 23 avril 1993

17.
    Lors du mois d'avril 1993, le requérant a présenté sa démission en sollicitant de ne pas effectuer le préavis prévu par le règlement du personnel.

18.
    Le 23 avril 1993, les parties ont signé un document rédigé sous la forme d'une lettre adressée par la BEI au requérant (ci-après la «Convention»), dans lequel la BEI accepte la demande du requérant tendant à ce qu'il soit mis fin à son contrat de travail sans que soit observé le préavis prévu par le règlement du personnel.

19.
    Le texte de cette Convention est le suivant:

«Nous avons l'honneur de revenir sur la demande présentée par vous-même sur base de l'article 18 du règlement du personnel afin qu'il puisse être mis fin à votre contrat de travail sans que soient observées les dispositions des articles 16 et 17 dudit règlement.

Nous avons le plaisir de vous informer que le président a accepté votre demande et marque son accord à ce que votre contrat prenne fin dans les termes et conditions suivantes:

1. Le contrat de travail conclu suivant [la] lettre d'engagement n° 3508 des 29 juillet/9 août 1983 prendra fin avec effet au 30 avril 1993. À partir de cette date, la Banque n'a plus aucune obligation vis-à-vis de vous.

2. La Banque vous paiera, au moment de l'expiration du contrat de travail, la somme de 1 800 000 LUF, pour solde de tout compte et à titre forfaitaire et transactionnel pour tous droits et prétentions, contractuels ou extracontractuels, que vous avez ou pourriez avoir à l'encontre de la BEI ou de tous autres organismes communautaires en date de ce jour.

3. La Banque vous permettra de continuer à bénéficier pendant 6 mois, à partir du 01.05.1993, des avantages de la Caisse de maladie à condition que vous n'exerciez pas d'activité professionnelle créant des droits de remboursement des frais par un autre régime d'assurance maladie obligatoire et que vous continuiez à verser une cotisation s'élevant à 4 484 Flux par mois [.]

La présente disposition ne pourra être interprétée en aucune façon comme créant une nouvelle relation contractuelle avec la Banque de quelque nature que ce soit.

4. Vous renoncez, avec l'acceptation de la présente, à tous droits, dus, moyens et actions généralement quelconques vis-à-vis de la Banque et tous autres organismes communautaires.

5. Nous vous libérons définitivement de toutes obligations à notre égard relatives au prêt personnel qui vous avait été consenti pour l'acquisition de votre maison.

6. Vous vous abstiendrez, lors de vos activités futures, de faire état de quelque manière que ce soit de vos activités antérieures en faveur de la Banque. Dans ce contexte, il est rappelé que vous restez soumis aux articles 8 et 9 du règlement du personnel.

Veuillez marquer votre accord en nous retournant, après y avoir apposé la mention ‘Lu et approuvé' et l'avoir daté et signé, le double de la présente lettre.»

C) Sur les événements intervenus à la suite de la Convention

20.
    Le 14 juin 1999, le conseil du requérant a adressé une lettre à la BEI afin de lui demander le «règlement amiable» de la somme de 4 779 652 francs luxembourgeois (LUF) assortie d'intérêts, correspondant à la part patronale des droits à pension qui n'aurait pas été prise en compte pour le calcul de la somme de 1 800 000 LUF remise au requérant pour solde de tout compte lors de son départ de l'institution.

21.
    Par lettre du 12 juillet 1999, la BEI a rejeté cette demande de règlement amiable au motif que les conditions et modalités de départ du requérant avaient été réglées dans le cadre de la Convention, laquelle devait s'analyser comme une transaction.

22.
    Le 1er septembre 1999, le conseil du requérant a adressé une nouvelle lettre à la BEI, en réponse à la lettre du 12 juillet 1999, soulignant que la transaction qui y est évoquée est viciée et erronée au regard des dispositions pertinentes du code civil, dans la mesure où la somme de 1 800 000 LUF offerte en 1993 à titre transactionnel, selon la BEI, était inférieure à la somme à laquelle il avait droit conformément aux articles 70-1 et 71-1 du règlement du régime de pension et à l'article 38 du règlement du personnel, s'agissant du remboursement des droits à pension.

23.
    Par lettre du 7 octobre 1999, la BEI, par l'intermédiaire de son conseil, a confirmé sa position selon laquelle la Convention s'analysait comme une transaction qui avait mis fin aux relations contractuelles entre les parties et avait emporté renonciation à tous droits et prétentions contractuels et extracontractuels conformément aux dispositions applicables du code civil luxembourgeois.

24.
    Le 21 août 2000, le conseil du requérant a adressé une lettre au président de la BEI afin de le «saisir d'un différend». Cette lettre reprenait les arguments présentés précédemment pour demander le remboursement de la somme de 4 779 652 LUF assortie des intérêts capitalisés au taux annuellement fixé par le président de la BEI à compter du 1er mai 1993.

25.
    Par lettre du 25 septembre 2000, la BEI, par l'intermédiaire de son conseil, a confirmé la position exprimée dans la lettre du 7 octobre 1999 pour rejeter la demande de remboursement.

Procédure et conclusions des parties

26.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 décembre 2000, le requérant a introduit le présent recours.

27.
    Par mémoire déposé le 16 février 2001, la BEI a soulevé une exception d'irrecevabilité conformément à l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

28.
    Le 30 mars 2001, le requérant a présenté ses observations sur l'exception d'irrecevabilité.

29.
    Par ordonnance du 17 mai 2001, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé de joindre l'exception d'irrecevabilité au fond.

30.
    Par lettre du 18 septembre 2001, le requérant a demandé à pouvoir obtenir accès à son dossier personnel. À la suite de cette demande, le Tribunal a demandé à la BEI de déposer au greffe ce dossier, ce qui a été fait le 30 octobre 2001, afin que le requérant puisse le consulter.

31.
    Par lettre du 7 février 2002, le requérant a demandé à ce que les trois annexes produites par la BEI dans sa duplique soient retirées du débat en raison de leur communication tardive et du fait que deux d'entre elles, à savoir le premier et le second rapport du cabinet d'audit, n'étaient pas dans la langue de procédure.

32.
    À la suite de cette demande, le Tribunal a demandé à la BEI de produire une traduction en français du premier et du second rapport du cabinet d'audit, laquelle a été déposée le 2 avril 2002. Le requérant a également été informé qu'il pourrait, en réponse à sa lettre du 7 février 2002, se prononcer lors de l'audience sur le contenu des trois annexes produites par la BEI dans la duplique.

33.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

34.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience publique du 11 février 2003. À cette occasion, la BEI a renoncé à faire valoir, à titre subsidiaire, la prescription de l'action en paiement du requérant en application de l'article 34-1 du règlement du régime de pension.

35.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours recevable;

-    ordonner le remboursement de la somme de 4 779 652 LUF au titre des droits à pension, assortie des intérêts capitalisés au taux annuellement fixé par le président de la BEI jusqu'au 1er mai 1993 (soit jusqu'à sa date d'exigibilité) et des intérêts au taux légal à compter de cette date;

-    condamner la BEI aux entiers dépens de l'instance.

36.
    La BEI conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme irrecevable ou, à défaut, comme non fondé;

-    condamner le requérant à l'entièreté des dépens de l'instance, en raison du caractère vexatoire du recours et conformément à l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure.

Sur la recevabilité

37.
    La BEI avance quatre moyens à l'appui de son exception d'irrecevabilité. Le premier moyen est tiré du fait que la requête ne mentionne aucune base légale et ne précise pas s'il s'agit d'un recours en annulation ou en indemnité. Le deuxième moyen est pris du fait que le requérant demande l'annulation d'un acte purement confirmatif d'une décision déjà intervenue et désormais définitive. Le troisième moyen est tiré, à titre subsidiaire, du caractère tardif du recours, qui ne respecte pas le délai de trois mois résultant de l'article 236 CE et de l'article 91 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»). Le quatrième moyen est pris, à titre plus subsidiaire, du fait qu'il n'y a pas eu de procédure préalable de conciliation, telle que prévue à l'article 41 du règlement du personnel.

Sur le premier moyen tiré de l'absence de base juridique et de précision quant à l'objet du recours

38.
    La BEI souligne que la requête ne précise pas s'il s'agit d'un recours en annulation ou d'un recours en indemnité, ce qui contredirait les principes de sécurité juridique et de respect des droits de la défense, ainsi que celui de l'autonomie des voies de recours en annulation et en indemnité, lequel obligerait le requérant à définir clairement l'objet de sa requête.

39.
    Le requérant soutient que la requête répond aux conditions énumérées par l'article 44 du règlement de procédure. En particulier, la requête identifie clairement l'objet du litige. De même, s'agissant de l'indication sommaire des moyens invoqués, le requérant fait valoir que, selon la jurisprudence, le fait que la requête permette d'identifier ses prétentions suffit et qu'il importe peu dès lors que celle-ci n'indique pas l'article du traité en vertu duquel il est introduit, pas plus que le fait qu'il s'agit d'un recours en annulation ou d'un recours en indemnité (arrêts de la Cour du 12 juillet 1957, Algera e.a./Assemblée commune de la CECA, 7/56 et 3/57 à 7/57, Rec. p. 81; du 16 décembre 1963, San Michele e.a./Haute Autorité, 2/63 à 10/63, Rec. p. 661, et du 7 mai 1969, X/Commission de contrôle, 12/68, Rec. p. 109).

40.
    Le Tribunal relève que, en vertu de l'article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l'article 53, premier alinéa, de ce statut, et de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l'objet du litige et l'exposé sommaire des moyens invoqués. Indépendamment de toute question de terminologie, cette présentation doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d'exercer son contrôle juridictionnel. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu'un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent, à tout le moins sommairement, mais d'une façon cohérente et compréhensible, de la requête elle-même (ordonnance du Tribunal du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T-85/92, Rec. p. II-523, point 20; arrêts du Tribunal du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, T-277/97, Rec. p. II-1825, point 29, et du 26 février 2003, Lucaccioni/Commission, T-164/01, non encore publié au Recueil, point 63).

41.
    À cet égard, le règlement de procédure n'exige pas que le requérant indique expressément les dispositions du traité aux termes desquelles il est habilité à intenter son action en justice (voir arrêt San Michele e. a./Haute Autorité, précité, p. 691 et 692).

42.
    En l'espèce, il convient de constater que, selon la requête, le recours a pour objet «le rejet de la réclamation préalable présentée par M. Seiller, daté du 25 septembre 2000, refusant au requérant le remboursement de la somme de 4 779 652 LUF au titre de ses droits à pension».

43.
    De plus, il ressort clairement de la requête que le requérant entend demander au Tribunal d'ordonner le remboursement de la somme de 4 779 652 LUF qui aurait été indûment retenue par la BEI, ce qui doit être interprété comme une demande en indemnité.

44.
    Par ailleurs, le requérant expose dans sa requête les principaux éléments de fait et de droit sur lesquels il entend baser sa demande. Il rappelle ainsi qu'une convention a été signée à la suite de sa démission, lui attribuant la somme de 1 800 000 LUF pour «solde de tout compte et à titre forfaitaire et transactionnel» (voir requête, p. 1 et 2, «Exposé des faits»). Il invoque aussi les articles 70-1 et 71-1 du régime de pension et l'article 38 du règlement du personnel, lesquels lui garantiraient le droit de percevoir les contributions versées par la BEI au titre de ses droits à pension, qui n'auraient pas été prises en compte pour le calcul de la somme de 1 800 000 LUF (voir requête, p. 2 et 3, «Exposé des moyens»). En particulier, la requête précise que la Convention s'analyse comme un simple reçu pour solde de tout compte, dans la mesure où elle ne satisfait pas aux conditions posées pour caractériser une transaction, et que ce solde de tout compte est dépourvu en l'espèce d'effet libératoire quant aux contributions versées par la BEI pour son compte (voir requête, p. 4 et 5, «Sur la qualification de la convention», point 1). À titre subsidiaire, la requête expose que, quand bien même la Convention serait qualifiée de transaction, elle pourrait être rescindée pour dol ou rectifiée pour erreur en application des articles 2053 et 2058 du code civil luxembourgeois (voir requête, p. 5, «Sur la qualification de la convention», point 2).

45.
    L'argumentation développée dans la requête est suffisamment claire pour permettre à la BEI de présenter utilement sa défense et au Tribunal de statuer sur le présent recours.

46.
    Dès lors, le premier moyen d'irrecevabilité doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen tiré de la nature purement confirmative de l'acte attaqué

47.
    La BEI soutient que l'acte attaqué est de nature purement confirmative et rappelle, à cet égard, qu'en application de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, un acte purement confirmatif ne peut faire grief et ne peut donc être attaqué si l'acte antérieur, alors devenu définitif, n'a pas été l'objet d'un recours dans les délais prévus (ordonnance du Tribunal du 1er octobre 1991, Coussios/Commission, T-38/91, Rec. p. II-763, et arrêt du Tribunal du 27 octobre 1994, Chavane de Dalmassy e.a./Commission, T-64/92, RecFP p. I-A-227 et II-723).

48.
    Or, en l'espèce, la BEI relève que le recours est dirigé contre un acte purement confirmatif (la lettre de la BEI du 25 septembre 2000 rejetant la troisième demande de règlement amiable formée par le requérant) d'une décision déjà intervenue et désormais définitive (la lettre de la BEI du 12 juillet 1999, sinon celle du 7 octobre 1999, qui ont rejeté, respectivement, la première et la deuxième demande de règlement amiable formées par le requérant). Selon la BEI, la lettre du 25 septembre 2000 n'ajoute strictement rien par rapport aux lettres adressées en 1999, qui établissent les décisions de la BEI et auraient permis au requérant d'agir.

49.
    Le requérant expose que son recours est un recours en indemnité et non un recours en annulation, dès lors qu'il vise à obtenir le versement des sommes lui revenant, qui auraient été indûment conservées par la BEI au terme de son contrat. En conséquence, il estime que la lettre de la BEI du 25 septembre 2000 ne constitue pas une décision produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter ses intérêts en modifiant sa situation juridique, mais s'analyse comme une fin de non-recevoir opposée à la tentative de règlement amiable du différend qu'il avait engagée. Il importerait peu, dès lors, que cette lettre soit purement confirmative.

50.
    Le Tribunal relève que la BEI ne peut se prévaloir de la jurisprudence qu'elle invoque (ordonnance Coussios/Commission, précitée, et arrêt Chavane de Dalmassy e.a./Commission, précité). En effet, cette jurisprudence concerne des recours introduits par des fonctionnaires contre l'institution à laquelle ils appartiennent et juge que les articles 90 et 91 du statut subordonnent la recevabilité de tels recours à la condition du déroulement régulier et complet de la procédure administrative préalable prévue par ces articles (ordonnance de la Cour, GP/CES, 16/86, Rec. p. 2409, point 6; ordonnance Coussios/Commission, précitée, point 23). Or, à la différence de ce qui est prévu dans le statut, le règlement du personnel ne contient aucune disposition imposant une procédure de conciliation (également appelée procédure de règlement amiable ou procédure amiable) en préalable à un recours contentieux. En effet, si l'article 41 du règlement du personnel se réfère à une procédure de règlement amiable en énonçant que «[l]es différends, autres que ceux découlant de la mise en jeu de mesures prévues à l'article 38, font l'objet d'une procédure amiable devant la commission de conciliation de la Banque», c'est en précisant immédiatement qu'une telle procédure se déroule «indépendamment de l'action introduite» devant la juridiction communautaire.

51.
    Dans l'arrêt du Tribunal du 23 février 2001, De Nicola/BEI (T-7/98, T-208/98 et T-109/99, RecFP p. I-A-49 et II-185, point 96), le Tribunal a précisé le rôle respectif de la procédure de règlement amiable et de la procédure contentieuse prévues par l'article 41 du règlement du personnel, en jugeant que la recevabilité du recours contentieux n'est pas subordonnée à l'épuisement d'une phase préalable de conciliation.

52.
    Dans cet arrêt, le Tribunal a également déterminé, en l'absence de toute indication à cet égard dans le règlement du personnel, quel était le délai à prendre en considération dans l'hypothèse où la procédure de règlement amiable a été engagée avant la procédure contentieuse, en jugeant qu'un délai de trois mois, à compter du moment où la procédure de règlement amiable a pris fin conformément à ce qui est prévu par l'article 41 du règlement du personnel, devait en principe être considéré comme raisonnable pour l'introduction d'un recours devant le Tribunal (point 107).

53.
    Or, dans la présente affaire, la procédure de règlement amiable n'a jamais été engagée par la BEI, à la différence de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt De Nicola/BEI, précité (points 53, 59 et 60), dans laquelle la BEI avait désigné un membre de la commission de conciliation conformément aux prescriptions de l'article 41 du règlement du personnel, aux termes duquel, lorsque la commission de conciliation doit se réunir, «l'un des membres est désigné par le président de la Banque, le deuxième par l'intéressé - ces deux désignations ayant lieu dans le délai d'une semaine à partir de la demande d'une des parties à l'autre [.]».

54.
    Ainsi, en l'espèce, la BEI n'a jamais donné suite aux trois demandes de règlement amiable du requérant, la troisième en date du 21 août 2000 ayant d'ailleurs été directement adressée au président de la BEI pour le saisir du différend.

55.
    En refusant d'ouvrir la procédure de règlement amiable prévue par l'article 41 du règlement du personnel par la désignation du premier membre de la commission de conciliation, la BEI ne peut aujourd'hui faire valoir que le recours est irrecevable en ce qu'il est dirigé contre un acte purement confirmatif.

56.
    En l'absence de cette procédure de conciliation, imputable à la Banque, le fait que la deuxième et la troisième lettre de la BEI ne fassent que confirmer le rejet de la demande de règlement amiable du requérant ne peut pas constituer un élément de nature à rendre applicables en l'espèce les conséquences que la jurisprudence attache à de tels actes confirmatifs dans le cadre des articles 90 et 91 du statut.

57.
    En conséquence, le deuxième moyen d'irrecevabilité doit être rejeté.

Sur le troisième moyen tiré du caractère tardif du recours

58.
    À titre subsidiaire, la BEI soutient que l'action introduite par le requérant, tendant à l'annulation de la décision de rejet de la réclamation préalable du 25 septembre 2000, est irrecevable pour être tardive au regard du délai de trois mois à compter de la décision de rejet de la réclamation préalable qui résulte de l'article 236 CE et de l'article 91 du statut.

59.
    La BEI part ici de l'hypothèse que le recours est intenté sur la base de l'article 236 CE, dès lors que la Cour et, par voie de conséquence, le Tribunal se sont reconnus compétents pour connaître des litiges relatifs au personnel de la BEI sur ce fondement (arrêt de la Cour du 15 juin 1976, Mills/BEI, 110/75, Rec. p. 955). Dans ces conditions, et en l'absence de dispositions relatives au délai de recours dans le règlement du personnel ou dans les règlements de procédure de la Cour et du Tribunal, la BEI est d'avis que les règles qui définissent ces délais se trouvent dans la seule disposition d'application de l'article 236 CE en matière de délais, à savoir l'article 91 du statut, qui constituerait une règle d'application générale régissant le déroulement de la procédure devant les institutions judiciaires communautaires.

60.
    En particulier, la BEI fait observer que le Tribunal a déjà appliqué par analogie le délai prévu à l'article 91 du statut à des situations semblables au cas d'espèce (ordonnance du Tribunal du 25 février 1992, Herrmann/Cedefop, T-39/91, Rec. p. II-233, et ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal du 14 juillet 1993, Knijff/Cour des comptes, T-55/92, Rec. p. II-823).

61.
    De même, la BEI relève que ne pas appliquer par analogie les règles du statut relatives au délai de recours aboutirait à considérer que tout recours introduit par une personne non soumise à celui-ci ne serait soumis à aucun délai de recours, ce qui serait contraire aux principes de sécurité juridique, d'organisation de la justice, de respect des droits de la défense et de protection des intérêts publics.

62.
    Le requérant conteste cette argumentation en soutenant, tout d'abord, que le statut ne s'applique pas au personnel de la BEI, lequel relève d'un régime contractuel de droit privé et non du régime statutaire du droit communautaire. Le requérant rappelle sur ce point que la qualification juridique des rapports unissant la BEI à ses agents résulte de la volonté même de la BEI, qui ne serait pas fondée à invoquer aujourd'hui les dispositions de l'article 91 du statut pour voir déclarer irrecevable le présent recours motif pris de son caractère tardif.

63.
    Enfin, le requérant fait valoir que le délai pour former un recours en indemnité qui lui est opposable est le délai prévu par l'article 46 du statut de la Cour selon lequel «[l]es actions contre la Communauté en matière de responsabilité non contractuelle se prescrivent par cinq ans à compter de la survenance du fait qui y donne lieu» et que, dans la mesure où il n'a eu connaissance de la somme dont il a été spolié qu'au mois de juin 1999, il est dans les délais impartis pour introduire le présent recours.

64.
    Le Tribunal relève, à titre liminaire, que l'argumentation de la BEI, selon laquelle le recours n'aurait pas été introduit dans le délai de trois mois à compter du «rejet de la réclamation préalable» en date, selon ses dires, du 25 septembre 2000, manque en fait. En effet, la lettre de la BEI du 25 septembre 2000 a été reçue par le conseil du requérant le 27 septembre 2000, comme l'atteste le tampon de la poste figurant sur l'avis de réception de cette lettre, et la requête a été déposée trois mois plus tard, le 27 décembre 2000.

65.
    Par ailleurs, les références faites par la BEI aux ordonnances Herrmann/Cedefop et Knijff/Cour des comptes, précitées, ne sont pas pertinentes. En effet, dans l'affaire ayant donné lieu à l'ordonnance Herrmann/Cedefop (points 10, 15 et 18), le Tribunal a rejeté le recours comme irrecevable au motif que la requérante n'avait pas respecté la procédure de réclamation préalable expressément prévue par le règlement (CECA, CEE, Euratom) n° 1859/76 du Conseil, du 29 juin 1976, portant fixation du régime applicable au personnel du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (JO L 214, p. 1). De même, dans l'affaire ayant donné lieu à l'ordonnance Knijff/Cour des comptes (points 26 à 39), le Tribunal a rejeté le recours comme irrecevable aux motifs qu'aucune réclamation n'avait été introduite dans le délai de trois mois prévu par l'article 90 du statut et que, même dans l'hypothèse où la demande du requérant était requalifiée en réclamation, le recours devait être considéré comme tardif, car il n'avait pas été déposé dans le délai de trois mois à compter du rejet d'une telle réclamation prévu par l'article 91 du statut. Or, à la différence du règlement n° 1859/76 et des articles 90 et 91 du statut, auxquels renvoient les articles 46 et 73 du régime applicable aux autres agents des Communautés pour ce qui est des agents temporaires et auxiliaires, le règlement du personnel de la BEI ne subordonne pas la recevabilité du recours contentieux à l'épuisement d'une phase préalable de conciliation.

66.
    En conséquence, le troisième moyen d'irrecevabilité doit être rejeté.

Sur le quatrième moyen tiré de l'absence de procédure de conciliation préalable

67.
    À titre plus subsidiaire, la BEI fait valoir que, dans l'hypothèse où la lettre de la BEI du 25 septembre 2000 constituerait un acte attaquable, l'irrecevabilité du présent recours résulte également du fait qu'il est dirigé contre un acte qui n'a pas fait l'objet de la procédure préalable de conciliation prévue à l'article 41, deuxième alinéa, du règlement du personnel. Selon la BEI, cette procédure correspond à la procédure de réclamation prévue par l'article 90 du statut, dont elle recouvre la même finalité, et doit être observée de façon identique.

68.
    Dès lors, selon la BEI, la jurisprudence de la Cour et du Tribunal selon laquelle l'épuisement préalable de la procédure de conciliation constitue une condition de recevabilité du recours, dans la mesure où elle a pour objet de permettre de délimiter l'objet de la contestation et de permettre un règlement amiable du différend (arrêt de la Cour du 14 mars 1989, Del Amo Martinez/Parlement, 133/88, Rec. p. 689; arrêts du Tribunal du 17 octobre 1990, Hettrich e.a./Commission, T-134/89, Rec. p. II-565; du 16 juillet 1992, Della Pietra/Commission, T-1/91, Rec. p. II-2145, et du 16 décembre 1993, Moat/Commission, T-58/92, Rec. p. II-1443), devrait être appliquée au cas d'espèce.

69.
    À cet égard, la BEI considère que la précision figurant à l'article 41, deuxième alinéa, du règlement du personnel selon laquelle la procédure amiable est entamée «indépendamment de l'action introduite devant la Cour de justice» signifie qu'aucune exception ne saurait justifier une dispense de recours à la procédure de conciliation, avant l'introduction d'un recours judiciaire. Selon la BEI, ces termes ne préjugent également pas le droit pour l'agent d'introduire un recours devant le Tribunal pour attaquer l'acte litigieux et demander réparation.

70.
    Le requérant soutient que l'article 41 du règlement du personnel est inapplicable au cas d'espèce, dans la mesure où il ne concerne que le personnel en poste et non les anciens membres du personnel de la BEI.

71.
    En outre, le requérant fait valoir qu'à supposer qu'il ait été tenu de respecter une procédure précontentieuse, force est d'admettre que cette dernière a été mise en oeuvre. En effet, il aurait tenté d'obtenir de manière amiable de la BEI qu'elle lui restitue les sommes qu'elle aurait indûment conservées.

72.
    Le Tribunal relève, tout d'abord, qu'il convient de rejeter l'argument du requérant selon lequel l'article 41 du règlement du personnel n'est pas applicable au cas d'espèce, parce qu'il ne concerne que le personnel en poste et non les anciens membres de la BEI. Sa demande de conciliation repose en effet sur l'acte qui met fin à son contrat de travail avec la BEI et s'inscrit donc dans le cadre des différends susceptibles de relever de la procédure de conciliation prévue par l'article 41, deuxième alinéa, du règlement du personnel.

73.
    Il y a également lieu de relever, ensuite, que la BEI ne peut valablement soutenir que l'épuisement de la procédure de conciliation est une condition préalable à l'introduction d'un recours. En effet, il ressort clairement de l'article 41 du règlement du personnel que la procédure de conciliation se déroule indépendamment du recours formé devant la Cour, et l'arrêt De Nicola/BEI, précité, a énoncé que la recevabilité d'un tel recours n'était nullement subordonnée à l'épuisement de cette procédure administrative, comme l'avait d'ailleurs admis la BEI en réponse à une question du Tribunal lors de l'audience (point 96).

74.
    En l'espèce, de plus, le requérant a demandé à plusieurs reprises la mise en .uvre de la procédure de conciliation, et si celle-ci n'a pas eu lieu, c'est parce que la BEI a refusé d'accéder à cette demande. Dès lors, la BEI ne peut pas se prévaloir d'une circonstance dont elle est la seule responsable.

75.
    En conséquence, le quatrième moyen d'irrecevabilité doit être rejeté.

76.
    Il ressort de tout ce qui précède que les quatre moyens d'irrecevabilité avancés par la BEI doivent être rejetés.

Sur le fond

77.
    En substance, le requérant demande au Tribunal d'ordonner à la BEI de lui rembourser le montant des contributions au régime de pension qui ont été versées par la Banque pour son compte pendant la période où il y a travaillé, soit la somme de 4 779 652 LUF assortie d'intérêts, au motif que cette somme n'a pas été prise en compte dans le calcul de la somme de 1 800 000 LUF qui lui a été versée en application de la Convention, laquelle s'analyse comme un solde de tout compte erroné et non comme une transaction susceptible de faire obstacle à sa demande. À titre subsidiaire, le requérant fait valoir que, quand bien même la Convention serait qualifiée de transaction, celle-ci devrait être rescindée pour dol ou réparée pour erreur de calcul.

78.
    La BEI ne conteste pas que le requérant avait droit à ladite somme de 4 779 652 LUF du fait de la cessation de ses fonctions avant dix années d'affiliation, conformément aux articles 70-1 et 71-1 du règlement du régime de pension, et parce qu'il a démissionné et n'a donc pas été licencié «pour motif grave, sans préavis ni allocation de départ, et avec réduction des droits à pension à la fraction correspondant aux contributions versées», comme cela est prévu par l'article 38 du règlement du personnel. En l'espèce, la BEI fait toutefois valoir que, dans un souci de mettre fin de manière amiable au différend qu'elle avait avec le requérant, elle a accepté sa démission à condition que celui-ci renonce en signant la Convention à réclamer le paiement de cette somme. Elle pourrait donc se prévaloir de l'exception de transaction. À titre subsidiaire, la BEI soutient que la demande de remboursement est prescrite en application de certaines dispositions du droit luxembourgeois.

A) Sur la question de savoir si la Convention s'analyse comme un reçu pour solde de tout compte ou comme une transaction

79.
    Le requérant fait valoir que la Convention ne s'analyse pas comme une transaction, laquelle supposerait la réunion de trois éléments, à savoir: une contestation née ou à naître, une intention de transiger et des concessions réciproques. Or, en l'espèce, aucun de ces éléments ne serait présent. Ainsi, les termes de la Convention ne laisseraient apparaître ni une contestation née ou à naître entre les parties ni une quelconque intention de transiger, la BEI ne justifiant d'aucune discussion antérieure à la signature de ladite convention sur l'un ou l'autre des différents points y figurant. En outre, la Convention ne comporterait pas de concessions réciproques; aucune indemnité transactionnelle n'aurait été versée au requérant et, bien au contraire, la BEI aurait indûment conservé la somme qu'elle lui devait au titre de ses droits à pension. La Convention ne constituerait donc pas une transaction au sens des articles 2044 et suivants du code civil français ou du code civil luxembourgeois, ces dispositions étant identiques.

80.
    À défaut d'être une transaction, selon le requérant, la Convention s'analyse comme un reçu pour solde de tout compte, lequel correspond à l'attestation que le salarié délivre à l'employeur lors de la résiliation ou de l'expiration du contrat de travail et par laquelle il reconnaît avoir perçu l'intégralité des sommes qui lui restaient dues. Or, un reçu pour solde de tout compte ne pourrait avoir d'effet libératoire s'il ne comporte aucune précision sur les sommes concernées. De plus, son effet libératoire serait limité aux rémunérations et indemnités qui ont pu être envisagées par l'employeur et le salarié lors de la délivrance du reçu. En l'espèce, le requérant indique qu'il ne pouvait aucunement envisager la part contributive de la BEI au titre des droits à pension, puisque son montant ne lui a jamais été révélé et qu'il n'a même jamais été débattu de son existence et de son quantum lors de la signature du reçu pour solde de tout compte.

81.
    La BEI conteste la thèse du requérant et fait valoir que la Convention s'analyse bien comme une transaction mettant définitivement fin au différend opposant les parties et non comme un reçu pour solde de tout compte dépourvu d'effet libératoire, puisqu'elle satisfait aux trois conditions posées à cet effet.

82.
    À titre liminaire, le Tribunal relève qu'il ressort du dossier que les parties s'accordent à reconnaître que les principes applicables à la présente affaire sont ceux du droit luxembourgeois, droit du lieu où s'exécutait le contrat de travail.

83.
    Il convient également de préciser que les parties n'ont invoqué dans la présente affaire aucun principe général commun aux droits des États membres, alors qu'un tel principe aurait eu vocation à s'appliquer conformément à l'article 44 du règlement du personnel, aux termes duquel «[s]ont applicables aux contrats individuels conclus dans le cadre du présent règlement conformément à l'article 13 les principes généraux communs aux droits des États membres de la Banque».

84.
    Dans ces circonstances, l'appréciation du Tribunal se limitera à confronter l'argumentation des parties aux principes du droit luxembourgeois qu'ils ont invoqués pour définir les droits et obligations issus de la Convention.

85.
    À cet égard, le Tribunal observe que les parties s'accordent sur la définition et les éléments de la transaction. Selon l'article 2044 du code civil luxembourgeois, la transaction est «un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître». La transaction nécessite ainsi trois éléments: une contestation née ou à naître, une intention de transiger et des concessions réciproques.

86.
    Il convient d'examiner chacun de ces trois éléments.

87.
    S'agissant de l'existence d'une contestation née ou à naître, il y a lieu de relever que les termes de la Convention ne sont pas explicites sur ce point. La Convention n'expose pas pour quelles raisons le requérant a présenté sa démission, mais précise seulement que cette démission a été acceptée en considération des conditions définies dans ce document.

88.
    Pour autant, il ne saurait être contesté que la démission du requérant est intervenue dans le cadre du différend qui l'opposait à la BEI, lequel a donné lieu à la recherche d'une solution amiable entre les parties afin précisément d'éviter toute forme de contestation.

89.
    Ainsi, il y a lieu de rappeler que, au début du mois de février 1993, le président de la BEI a décidé de suspendre le requérant de ses fonctions en application de l'article 39 du règlement du personnel, de maintenir son bureau fermé à clé et de faire un relevé de ses éventuelles visites à la Banque. Les données du différend entre la BEI et le requérant sont exposées dans le second rapport du cabinet d'audit, qui décrit un certain nombre d'agissements constitutifs d'une faute grave selon le conseil de la BEI. Cette dernière reprochait essentiellement au requérant de ne pas avoir respecté les procédures internes dans le cadre de la passation d'un contrat.

90.
    Le requérant reconnaît, quant à lui, dans son mémoire en réplique, qu'il lui a été reproché de ne pas avoir respecté les procédures de paiement concernant une étude financière confiée à un expert extérieur, ce qui l'a amené à négocier son départ de la BEI. Il souligne que son départ, «loin de constituer un licenciement, constitue en réalité une démission négociée, [.] ayant mis à profit l'incident créé par le service juridique de la banque pour quitter une structure qui ne reconnaissait plus ses mérites», et relève que la BEI a «mis en .uvre des mesures vexatoires, totalement injustifiées, sachant que les faits qui [lui] étaient prétendument reprochés ne justifiaient pas de telles mesures, et que, qui plus est, la BEI, aidée du cabinet Price Waterhouse, n'a jamais pu établir ce qu'elle alléguait à son encontre».

91.
    À la suite de la suspension dont il a fait l'objet et des enquêtes menées par la BEI, le requérant a eu une entrevue avec les représentants de la Banque, le 29 mars 1993, afin de pouvoir s'expliquer sur ce qui lui était reproché.

92.
    Par la suite, lors de réunions organisées les 8, 13 et 19 avril 1993, le requérant a rencontré les représentants de la BEI afin de discuter des modalités de rupture du contrat de travail. La télécopie adressée le 8 avril 1999 par Me Mousel à la BEI, à titre de compte rendu de la réunion qui s'était tenue ce jour-là entre les représentants de la BEI (Me Mousel et M. Billon du cabinet d'audit) et le requérant (qui avait initialement envisagé d'assister à cette réunion accompagné d'un conseil juridique), précise que l'alternative suivante avait été proposée au requérant: ou bien celui-ci acceptait un accord amiable, lequel allait être négocié par le requérant, ou bien la BEI entamait la procédure de licenciement pour faute grave. De même, le mémorandum du 13 avril 1993 préparé par M. Billon du cabinet d'audit à l'intention de la BEI, contenant le compte rendu de la réunion qui s'était tenue ce jour-là entre les représentants de la BEI et le requérant, s'inscrit dans le cadre de cette négociation.

93.
    Dès lors, la Convention s'inscrit dans le cadre d'un différend et était bien destinée à prévenir toute forme de contestation née ou à naître entre les parties.

94.
    S'agissant de l'intention de transiger, celle-ci se déduit du contexte dans lequel s'inscrit la Convention, lequel a été examiné ci-dessus, comme du texte même de ce document. Le requérant, en présentant sa démission, et la BEI, en acceptant cette proposition, ont souhaité transiger à l'amiable et éviter le recours à la procédure de licenciement prévue par l'article 38 du règlement du personnel. De plus, la Convention précise que la somme de 1 800 000 LUF est notamment versée au requérant «à titre transactionnel» pour tous droits ou prétentions, contractuels ou extracontractuels, qu'il pourrait avoir à l'encontre de la BEI.

95.
    S'agissant de l'existence de concessions réciproques, il ressort du dossier que la Convention trouve sa justification dans la volonté des parties de trouver une solution amiable au différend qui les opposait. Ainsi, en contrepartie de la démission du requérant, la BEI n'a pas eu à utiliser la procédure de licenciement pour motif grave, laquelle risquait de porter atteinte à son image du fait de la plus grande visibilité qu'elle aurait donnée à l'affaire, et le requérant n'a pas été licencié, ce qui aurait pu se produire si la BEI avait intenté une telle procédure compte tenu de la gravité des agissements qui lui étaient reprochés. En négociant et en signant la Convention, chacune des parties a estimé que son intérêt était de faire en sorte que le requérant puisse quitter la BEI dans le cadre d'un départ négocié qui lui permettrait de ne pas faire état de cette situation dans son curriculum vitae.

96.
    Par ailleurs, la Convention énonce un certain nombre d'engagements pris par chacune des parties. Le requérant s'est engagé à renoncer «à tous droits, dus, moyens et actions généralement quelconques vis-à-vis de la Banque et tous autres organismes communautaires» et à s'abstenir, lors de ses futures activités, de faire état de ses activités antérieures en faveur de la BEI. En contrepartie, la BEI s'est engagée à payer la somme de 1 800 000 LUF «pour solde de tout compte et à titre forfaitaire et transactionnel», à permettre au requérant de bénéficier pendant six mois des avantages de la caisse de maladie et à le libérer des obligations relatives au prêt personnel consenti par elle pour l'acquisition de sa maison.

97.
    Il ressort de ce qui précède que la Convention satisfait les trois critères retenus par les parties pour définir une transaction.

98.
    En conséquence, il convient d'examiner si ladite transaction peut être rescindée pour dol ou réparée pour erreur de calcul.

B) Sur la prescription de l'action en nullité ou en rescision des conventions

99.
    À titre liminaire, la BEI relève que, en application de l'article 1304, premier alinéa, du code civil luxembourgeois, l'action tendant à l'annulation d'une convention pour dol, mais également pour erreur, est soumise à une prescription de cinq années. Or, la transaction ayant été signée en 1993, à une époque où le requérant ne pouvait méconnaître l'étendue de ses droits à pension, l'action tendant à son annulation devrait être considérée comme prescrite.

100.
    Par ailleurs, à supposer que le requérant invoque le deuxième alinéa de cet article, selon lequel ce «temps ne court [.] dans le cas d'erreur ou de dol [que] du jour où ils ont été découverts», la BEI souligne que c'est à celui qui invoque la nullité qu'incombe la charge de prouver qu'il n'a découvert la tromperie ou l'erreur qu'à une date postérieure au contrat.

101.
    Le requérant soutient que, contrairement à ce qu'avance la BEI, il ignorait totalement en avril 1993 que la part contributive de la Banque s'élevait à 4 779 652 LUF et qu'elle n'avait pas été prise en compte dans le décompte de la somme de 1 800 000 LUF versée dans le cadre de la Convention. Il n'aurait eu connaissance de ces éléments qu'en 1999, à la suite de l'indiscrétion de l'un de ses anciens collègues de travail. La présente action trouverait ainsi son origine dans la découverte en 1999 du décompte litigieux communiqué à l'annexe 6 de la requête et ne saurait donc être prescrite.

102.
    Le Tribunal considère que, pour déterminer si le présent recours est prescrit en application de l'article 1304 du code civil luxembourgeois, il y a lieu de rechercher si l'allégation du requérant - selon laquelle il n'a eu connaissance de la somme litigieuse et du fait qu'elle n'était pas prise en compte dans la somme versée en application de la Convention qu'au début de l'année 1999 - est fondée, ce qui revient en fait à examiner le fond du litige.

C) Sur la prétendue existence d'un dol commis par la BEI

103.
    Le requérant relève que, selon l'article 2053 du code civil luxembourgeois, une transaction peut être rescindée en cas de dol. À cet égard, le requérant allègue sans plus de détails que la «jurisprudence» relative à cette disposition assimile au dol la réticence dolosive, c'est-à-dire le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter. Il souligne que, en l'espèce, la BEI lui a dissimulé le fait que la somme proposée dans le cadre de la Convention (soit 1 800 000 LUF) ne prenait pas en compte le montant des sommes versées au régime de pension par la Banque pour son compte (soit 4 779 652 LUF). Ce défaut délibéré d'information de la BEI aurait eu un caractère déterminant sur son consentement et serait donc constitutif d'un dol de nature à remettre en cause la Convention. De même, la BEI se serait également gardée de lui communiquer, lors de la signature de la Convention, le moindre décompte de la somme de 1 800 000 LUF, qui ferait apparaître les différentes indemnités auxquelles il avait droit.

104.
    La BEI conteste formellement avoir dissimulé au requérant la nature ou le montant réel de ses droits à pension. Elle souligne que, dans un souci de mettre fin de manière amiable au différend qu'elle avait avec le requérant, elle a accepté sa démission à la condition qu'il renonce à réclamer le paiement des contributions de la Banque au régime de pension, étant précisé qu'il savait y avoir droit et qu'il en connaissait le montant exact, pour avoir justement réclamé le paiement du montant de 4 779 652 LUF lors des négociations ayant eu lieu en présence des représentants du cabinet d'audit. En outre, le requérant n'aurait pu méconnaître le règlement du personnel et le règlement du régime de pension, puisqu'il en avait reçu copie lors de la signature de son contrat d'embauche. De plus, compte tenu de sa position de chef de division au sein de la BEI, il ne pourrait être assimilé à une personne peu à même de connaître l'intégralité de ses droits. Par ailleurs, la BEI se demande comment le requérant peut connaître à l'heure actuelle le montant exact des contributions de la BEI, tout en prétendant ne pas en avoir eu connaissance lors de la signature de la transaction.

105.
    La BEI propose au Tribunal d'entendre comme témoin M. Christian Billon, du cabinet d'audit, afin notamment de recueillir son témoignage sur les allégations précitées.

106.
    À titre liminaire, le Tribunal relève que l'article 2052 du code civil luxembourgeois définit ce qu'il est coutume d'appeler l'«exception de transaction» en précisant:

«Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort.

Elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion.»

107.
    L'article 2053 du code civil luxembourgeois dispose toutefois:

«Néanmoins une transaction peut être rescindée, lorsqu'il y a erreur dans la personne ou sur l'objet de la contestation.

Elle peut l'être également dans tous les cas où il y a dol ou violence.»

108.
    L'article 1116 du code civil luxembourgeois définit le dol comme une man.uvre destinée à tromper le cocontractant pour lui faire prendre un engagement qu'il n'aurait pas pris autrement:

«Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man.uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man.uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas, et doit être prouvé.»

109.
    En l'espèce, il y a lieu de noter que la Convention se contente de préciser que «[l]a Banque [.] paiera [à M. Seiller], au moment de l'expiration du contrat de travail, la somme de 1 800 000 LUF, pour solde de tout compte et à titre forfaitaire et transactionnel», sans détailler les éléments pris en considération pour parvenir à cette somme, et que la BEI reconnaît que ladite somme n'incluait pas les contributions au régime de pension versées par la BEI pour le compte du requérant.

110.
    Pour démontrer le dol, le requérant doit donc prouver qu'il y a eu de la part de la BEI des man.uvres tendant à le tromper en lui faisant signer la Convention et qu'il est évident que sans ces man.uvres il n'aurait jamais signé la Convention.

111.
    Dans la présente affaire, le requérant est en défaut de démontrer l'existence de telles man.uvres de la part de la BEI. En effet, les affirmations du requérant, selon lesquelles la BEI lui aurait dissimulé le fait que la somme de 1 800 000 LUF proposée dans le cadre de la Convention ne prenait pas en compte le montant des sommes versées au régime de pension par la Banque pour son compte, ne sont pas accompagnées du moindre élément de preuve. Au contraire, tous les éléments du dossier permettent de considérer non seulement qu'il n'y a pas eu dissimulation de la part de la Banque, mais aussi que le requérant avait connaissance de tous les éléments pertinents lorsqu'il a signé la Convention.

112.
    En premier lieu, il convient de souligner que le requérant était un membre du personnel de la BEI de haut niveau, puisqu'il était chef de division du département «Méditerranée» responsable à ce titre de financements de Plusieurs milliards d'euros. De part ses attributions, il était censé connaître ses droits au titre du règlement du personnel et du règlement du régime de pension, dont il avait d'ailleurs reçu une copie lors de la signature de son contrat d'embauche. Partant, il est permis de considérer que le requérant devait connaître ou être à même d'évaluer le montant des contributions que la BEI avait versé au régime de pension pour son compte.

113.
    En deuxième lieu, il ressort du dossier que le requérant avait expressément demandé, à deux reprises, que le montant en question soit pris en considération dans le cadre de la Convention.

114.
    Ainsi, la télécopie adressée le 8 avril 1999 par Me Mousel à la BEI, contenant le compte rendu de la réunion qui s'était tenue ce jour-là entre les représentants de la BEI et le requérant, indique notamment:

«L'accord amiable, tel que discuté avec la BEI, a été proposé à [M. Seiller]. Je lui ai indiqué que la seule autre solution était le licenciement pour ‘faute grave'.

Après quelques hésitations et discussion, [M. Seiller] a admis qu'il n'y avait pas de raison pour lui de rester à la BEI. Il a consenti à démissionner et à accepter nos conditions, sous réserve de trois points additionnels:

-    il veut un préavis de 6 mois

-    il veut le paiement d'environ 80 jours de congés prétendument non pris et dus par la BEI

-    il veut le paiement de la contribution de la banque au fonds de pension.»

115.
    De même, le mémorandum du 13 avril 1993 préparé par M. Billon du cabinet d'audit à l'intention de la BEI, contenant le compte rendu de la réunion qui s'était tenue ce jour-là entre les représentants de la BEI et le requérant, précise:

«M. Seiller a confirmé qu'il est prêt à donner sa démission à condition que:

-    la contribution au fonds de pension de la BEI lui soit remboursée

-    le solde du prêt est de 4.374.815. - selon son tableau d'amortissement au 15.4.93

-    qu'en est-il de l'augmentation de salaire avec effet rétroactif au 1.7.92 (flexible à négocier)

-    flexible sur le préavis (matière à négocier)

-    les congés qui lui sont dus selon son calcul: [.] 68 [jours].»

116.
    Il y a lieu de noter que le contenu de ces documents n'est pas contesté par le requérant, qui a reconnu lors de l'audience avoir bien évoqué la question des contributions au régime de pension à l'occasion des différentes réunions qu'il a pu avoir avec les représentants de la BEI avant la signature de la Convention.

117.
    Dès lors, si le requérant a demandé que les contributions de la BEI au régime de pension soient prises en considération dans le cadre de la Convention, il est permis de déduire qu'il en connaissait le montant ou que, à défaut, il aurait demandé à la BEI de lui communiquer cette information.

118.
    En troisième lieu, il ressort également de deux documents communiqués en annexe de la réplique que, si le montant des contributions de la Banque au régime de pension était initialement intégré dans le décompte des sommes dues par la BEI, ce montant en a été retiré par la suite.

119.
    Ainsi, un premier document provenant de la division de l'administration du personnel de la BEI et intitulé «décompte provisoire des sommes dues par la BEI à M. Seiller lors de son départ le 30 avril 1993», qui a été établi et vérifié le 1er avril 1993, indique que le total net à payer au requérant était alors de 6 242 100 LUF. Ce total prenait en compte la somme de 6 942 026 LUF au crédit des sommes dues à M. Seiller au titre du régime de pension comprenant la part contributive de la BEI (4 779 652 LUF) et les contributions personnelles du requérant (2 162 374 LUF).

120.
    Or, un second document provenant également de la division de l'administration du personnel de la BEI intitulé «décompte définitif des sommes dues par la BEI à M. Seiller lors de son départ le 30 avril 1993», établi le 28 avril 1993 et vérifié le 3 juin 1993, indique que le total net à payer au requérant n'était plus que de 1 736 769 LUF. Ce total ne prenait plus en compte que la somme de 2 162 374 LUF - correspondant aux contributions personnelles du requérant - au crédit des sommes qui lui étaient dues au titre du régime de pension.

121.
    Ces deux documents confirment l'existence d'un décompte et montrent également que, à la suite des négociations relatives à la Convention qui sont intervenues dans le cadre des différentes réunions entre les représentants de la BEI et le requérant, ce décompte a été modifié afin d'en déduire le montant des contributions au régime de pension versées par la Banque pour le compte du requérant (soit 4 779 652 LUF).

122.
    Le «décompte définitif des sommes dues par la BEI à M. Seiller lors de son départ le 30 avril 1993» précité peut d'ailleurs être rapproché du décompte non daté communiqué en annexe de la requête et de la défense, qui arrive à un total net à payer de 1 767 774 LUF en ne prenant pas en compte au crédit des sommes dues au requérant la part contributive de la BEI (4 779 652 LUF) mais seulement les contributions personnelles du requérant (2 162 374 LUF).

123.
    En quatrième lieu, il convient de relever que les principaux éléments pris en considération dans le calcul des sommes dues au requérant étaient connus de lui lors de la signature de la Convention.

124.
    Ainsi, trois rubriques figuraient au crédit des sommes dues au requérant. La première de ces rubriques visait l'allocation de départ, dont le mode de calcul est précisé par l'article 34, deuxième alinéa, du règlement du personnel («un demi-mois de la dernière rémunération par année ou fraction d'année de service»). La deuxième rubrique était composée des contributions personnelles au fonds de pension, lesquelles pouvaient être aisément évaluées par le requérant à partir de l'addition des différents prélèvements effectués chaque mois sur son salaire. La troisième rubrique comprenait les sommes octroyées au fonds de pension complémentaire, lesquelles pouvaient également être évaluées par le requérant, puisqu'il s'agit de contributions volontaires.

125.
    Par ailleurs, trois rubriques figuraient au débit des sommes dues au requérant. La première de ces rubriques était celle de l'impôt. Comme celui-ci était calculé à partir des sommes dues au titre des trois rubriques précitées, le requérant ne devait pas avoir de difficultés à en apprécier le montant. La deuxième rubrique concernait le solde du prêt immobilier octroyé par la BEI au requérant. Or, ce solde représente pour la quasi-totalité le montant indiqué par lui à la BEI lors de la réunion du 13 avril 1993 (4 374 814 LUF); outre une faible somme en compensation des intérêts et des frais d'assurance dus entre le 16 et le 30 avril 1993 (7 062 LUF). La troisième rubrique concernait le remboursement des frais d'inscription hypothécaire relatifs au prêt immobilier (44 143 LUF), lesquels étaient liés au remboursement du solde du prêt immobilier et ne pouvaient être ignorés du requérant.

126.
    Enfin, il convient de relever que le montant total des sommes dues au requérant (soit 1 736 769 LUF ou 1 767 774 LUF pour les décomptes ne prenant pas en considération le montant des cotisations de la BEI au régime de pension) a été arrondi à 1 800 000 LUF, ce qui lui était favorable.

127.
    Dès lors, le requérant ne peut alléguer qu'il n'était pas à même de se rendre compte de ce que la somme de 1 800 000 LUF versée en application de la Convention ne prenait pas en considération la somme de 4 779 652 LUF au titre des contributions de la BEI au régime de pension, alors même qu'il était en mesure d'évaluer les différents éléments pris en compte pour le calcul de cette somme de 1 800 000 LUF, dont il savait - comme il l'a reconnu lors de l'audience - qu'il s'agissait du résultat de l'addition et de la soustraction de sommes dues à l'occasion de son départ, et alors que la somme litigieuse était d'un montant tel qu'elle ne pouvait passer inaperçue dans le cadre de ce calcul.

128.
    En outre, le requérant ne démontre pas que, en s'adressant à la BEI pour lui demander de préciser le montant des contributions au régime de pension versées par la Banque pour son compte, la BEI l'aurait trompé en lui communiquant une somme inexacte.

129.
    Au vu de ce qui précède et de tous les éléments du dossier invoqués par le requérant, force est de constater qu'il n'est pas rapporté le moindre élément de preuve d'un comportement de la BEI qui serait constitutif d'un dol. Au contraire, les éléments du dossier amènent à la conclusion que le requérant savait qu'il avait droit au paiement des contributions au régime de pension versées par la BEI pour son compte, qu'il en avait expressément demandé le paiement dans le cadre des discussions ayant précédé la signature de la transaction et qu'il savait que la BEI refusait d'accéder à sa demande.

130.
    En tout état de cause, même dans l'hypothèse où le requérant n'aurait pas connu le montant exact de la somme litigieuse, cela n'aurait aucune conséquence sur la solution du présent litige, dès lors que le requérant a signé la Convention en sachant que la BEI n'acceptait pas de lui verser ladite somme et que, ayant ainsi consenti à la Convention, il est lié par celle-ci.

131.
    Par ailleurs, il convient de relever que la somme de 1 800 000 LUF proposée par la BEI et acceptée par le requérant l'a également été «à titre forfaitaire». L'acceptation de ce forfait par le requérant marque ainsi son engagement à ne pas contester le détail de cette somme par la suite.

132.
    S'agissant de la demande de la BEI relative à l'audition comme témoin de M. Billon, du cabinet d'audit, il y a lieu de rappeler qu'il appartient au Tribunal d'apprécier l'utilité d'une telle mesure (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 6 juillet 1999, Séché/Commission, T-112/96 et T-115/96, RecFP p. I-A-115 et II-623, point 284). Or, à la lumière de ce qui précède, le Tribunal est arrivé à la conclusion que l'audition de M. Billon n'est pas nécessaire pour statuer sur le présent litige et, partant, qu'il n'y a pas lieu de donner une suite favorable à cette demande.

133.
    En conséquence, le grief du requérant relatif au dol doit être rejeté, et l'exception de transaction de l'article 2052 du code civil luxembourgeois lui est opposable.

D) Sur la prétendue existence d'une erreur de calcul commise par la BEI

134.
    Le requérant fait valoir que, même si la BEI n'avait eu aucune intention frauduleuse et avait bien malgré elle trompé son ancien employé, la somme litigieuse devrait être réintégrée dans les comptes entre les parties et lui être versée en application de l'article 2058 du code civil luxembourgeois qui prévoit la réparation de l'erreur de calcul commise dans le cadre d'une transaction.

135.
    Le Tribunal relève que l'article 2058 du code civil luxembourgeois précise que «[l]'erreur de calcul dans une transaction doit être réparée». Cette notion d'erreur de calcul s'interprète dans le sens d'une erreur arithmétique et ne permet pas de demander la rectification de l'erreur commise par une partie sur l'existence de certains éléments de la créance objet de la transaction. Ainsi, les seules erreurs de calcul qui peuvent donner lieu à rectification sont celles commises dans les opérations arithmétiques proprement dites.

136.
    Or, il ressort du décompte des différentes sommes retenues pour arriver au montant de 1 800 000 LUF versé en application de la Convention, lequel n'est pas contesté par le requérant, que la somme litigieuse de 4 779 652 LUF n'a pas été prise en compte au crédit ou au débit de ce décompte. Il n'a donc été commis aucune erreur arithmétique dans le calcul de ce montant.

137.
    En conséquence, le grief relatif à l'erreur de calcul doit être rejeté.

E) Sur la prescription prévue par certaines dispositions du droit luxembourgeois

138.
    S'agissant de sommes résultant de contributions qui doivent être assimilées à des salaires, la BEI fait valoir qu'il convient d'appliquer l'article 44 de la loi luxembourgeoise, du 24 mai 1989, sur le contrat de travail et l'article 2277 du code civil luxembourgeois, lesquels prévoient que l'action en paiement des rémunérations de toute nature dues au salarié se prescrit par trois ans.

139.
    Le requérant fait valoir que son départ est intervenu avant l'ouverture de son droit à pension et que les contributions versées par la BEI, assimilées à des salaires, se sont converties en capital payable en une seule fois et non en versements périodiques. Dès lors, ces contributions ne seraient pas concernées par la prescription triennale édictée par l'article 2277 des codes civils luxembourgeois et français. En conséquence, son action ne saurait être prescrite.

140.
    Le Tribunal relève qu'il n'y pas lieu de se prononcer sur la prescription triennale prévue par l'article 44 de la loi luxembourgeoise, du 24 mai 1989, sur le contrat de travail et l'article 2277 du code civil luxembourgeois, qui est invoquée à titre subsidiaire par la BEI, dès lors que cette prescription n'a pas d'incidence sur la solution du présent litige.

141.
    En effet, il ressort de ce qui précède que les parties ont entendu régler leurs droits et obligations par le biais de la Convention et qu'il a été jugé que celle-ci ne peut pas être rescindée pour dol ou réparée pour erreur de calcul.

142.
    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté.

Sur les dépens

143.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. En vertu de l'article 88 de ce règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs employés, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Toutefois, aux termes de cet article et de l'article 87, paragraphe 3, deuxième alinéa, de ce règlement, le Tribunal peut condamner une partie à rembourser à l'autre partie les frais qu'elle lui a fait exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.

144.
    Le Tribunal considère que, eu égard aux circonstances de l'espèce, et notamment aux faits à l'origine de la Convention, à la volonté de transiger manifestée par la BEI et à l'absence de tout élément de preuve fourni par le requérant à l'appui de son allégation selon laquelle la BEI aurait commis un dol, il y a lieu de faire application de l'article 87, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement de procédure. En conséquence, le Tribunal estime qu'il est fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que le requérant supportera, outre ses propres dépens, les dépens de la BEI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    Le requérant supportera ses propres dépens et les dépens exposés par la BEI.

García-Valdecasas
Lindh

Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 juin 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. García-Valdecasas


1: Langue de procédure: le français.