Language of document : ECLI:EU:T:2021:365

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

16 juin 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque verbale INCOCO – Marques nationales verbales antérieures COCO – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑196/20,

Chanel, établie à Neuilly-sur-Seine (France), représentée par Me J. Passa, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme S. Pétrequin, MM. J. Crespo Carrillo et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Innovative Cosmetic Concepts LLC, établie à Clifton, New Jersey (États-Unis), représentée par Mes I. Temiño Ceniceros, J. Oria Sousa-Montes et P. Revuelta Martos, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 16 janvier 2020 (affaire R 194/2019‑1), relative à une procédure d’opposition entre Chanel et Innovative Cosmetic Concepts,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, V. Kreuschitz (rapporteur) et Mme G. Steinfatt, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 10 avril 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 7 juillet 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 8 juillet 2020,

à la suite de l’audience du 20 avril 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 23 janvier 2014, l’intervenante, Innovative Cosmetic Concepts LLC, a désigné l’Union européenne pour son enregistrement international de la marque verbale INCOCO (ci-après l’« enregistrement international en cause »).

2        Les produits et les services pour lesquels l’intervenante a cherché à désigner l’Union européenne par l’enregistrement international en cause relèvent notamment des classes 3, 35 et 44 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes,  à la description suivante :

–        classe 3 : « Vernis à ongles, à savoir bandes de vernis adhésives pour les ongles des mains et des pieds ; gels durcisseurs pour les ongles des mains et des pieds ; dissolvants pour vernis à ongles ; produits cosmétiques ; produits de beauté, à savoir produits cosmétiques pour soins corporels et soins de beauté » ;

–        classe 35 : « Services de magasins de vente en gros et au détail et services de magasins de vente en gros et au détail en ligne proposant des produits cosmétiques et produits de beauté » ;

–        classe 44 : « Services de conseil en esthétique en matière de choix et utilisation de cosmétiques, aides esthétiques, produits de soins personnels, produits pour le bain et le corps et produits de beauté ; services d’instituts de beauté et services de soins corporels et cutanés cosmétiques ».

3        La désignation de l’Union européenne par l’enregistrement international en cause a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 15/2014, du 24 janvier 2014.

4        Le 23 octobre 2014, la requérante, Chanel, a formé opposition sur le fondement du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)], et, plus précisément, au titre des articles 156 et 41 de ce règlement (devenus articles 196 et 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement international en cause pour les produits et les services visés au point 2 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur les deux marques françaises antérieures n°s 1 438 544 et 1 571 046, portant, chacune, sur le signe verbal COCO.

6        En ce qui concerne la première marque antérieure, la requérante a basé son opposition sur les produits et les services des classes 3, 35 et 42 suivants, pour lesquels cette marque était, notamment, enregistrée :

–        classe 3 : « Savons, parfumerie, huiles essentielles, lotions pour les cheveux, dentifrices » ;

–        classe 35 : « Publicité et affaires » ;

–        classe 42 : « Divers ».

7        En ce qui concerne la seconde marque antérieure, la requérante a basé son opposition sur les « savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices » relevant de la classe 3, pour lesquels cette marque était, notamment, enregistrée.

8        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

9        Le 27 novembre 2018, la division d’opposition a fait droit à l’opposition pour l’ensemble des produits visés au point 2 ci-dessus.

10      Le 25 janvier 2019, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 16 janvier 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a annulé la décision de la division d’opposition et rejeté l’opposition dans son intégralité. Concernant la seconde marque antérieure, elle a considéré, en premier lieu, que le public pertinent était celui en France (point 18 de la décision attaquée), plus particulièrement le grand public et/ou les clients professionnels ayant une expertise ou des connaissances professionnelles spécifiques dont le niveau d’attention variait de moyen à élevé en fonction de la nature spécialisée des produits, de la fréquence d’achat et du prix des produits (points 20 et 21 de la décision attaquée). En deuxième lieu, elle a considéré que les produits et les services pour lesquels l’intervenante a cherché à désigner l’Union européenne par l’enregistrement international en cause étaient identiques ou semblables aux « cosmétiques » compris dans la classe 3 pour lesquels la seconde marque antérieure était, notamment, enregistrée.

12      En troisième lieu, avant de se livrer à une analyse des divers aspects de la similitude des signes en conflit, la chambre de recours a examiné les possibles significations du terme « coco ». À cet égard, premièrement, elle a considéré que le signe antérieur pouvait être compris comme une allusion au fruit du cocotier ou comme évoquant un des composants des produits pour lesquels la noix de coco pouvait avoir un rapport, notamment les produits cosmétiques. Dans ce cas, le signe antérieur n’aurait qu’un caractère distinctif inférieur (points 31 et 32 de la décision attaquée). Deuxièmement, le terme « coco » pourrait être compris comme un surnom ou un nom, comme dans l’expression « mon petit coco » (point 33 de la décision attaquée). Troisièmement, en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle, en France, le terme « coco » serait compris comme un surnom, et plus particulièrement comme le surnom de Mme Gabrielle Chanel, dite Coco Chanel, la chambre de recours a relevé que la requérante n’avait présenté aucun élément de preuve concernant la connaissance de la marque antérieure par les consommateurs français et que, dans presque tous les documents produits par elle, le signe antérieur était présenté ensemble avec le terme « chanel ». Ainsi, ces éléments de preuve ne seraient pas aptes à démontrer un caractère distinctif accru de la seconde marque antérieure (points 34 à 39 de la décision attaquée). Quatrièmement, le signe demandé INCOCO n’aurait pas de signification et il n’aurait pas été démontré que ce terme pouvait être compris dans un sens directement descriptif ou allusif (point 40 de la décision attaquée). Cinquièmement, le signe demandé INCOCO serait un nouveau mot qui devrait être artificiellement décomposé afin d’y reconnaître le signe antérieur COCO. Le terme « in » ne pourrait pas être considéré comme un préfixe combiné avec la noix de coco ou le nom « Coco » (point 41 de la décision attaquée).

13      En quatrième lieu, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit étaient similaires à un degré inférieur à la moyenne et qu’ils différaient considérablement sur le plan visuel (point 42 de la décision attaquée), qu’ils revêtaient un degré moyen de similitude phonétique (point 43 de la décision attaquée) et qu’il n’était, en principe, pas possible de les comparer sur le plan conceptuel, sauf si les deux signes en conflit devaient être considérés comme faisant allusion à la noix de coco, les rendant similaires sur ledit plan (point 44 de la décision attaquée).

14      En cinquième lieu, la chambre de recours a considéré qu’il n’était pas probable que le public pertinent puisse percevoir l’enregistrement international en cause comme une marque liée à la seconde marque antérieure. Même si cette marque jouissait d’un caractère distinctif, l’absence de risque de confusion subsisterait (point 46 de la décision attaquée). Les similitudes entre les marques en conflit ne seraient pas suffisantes pour que la seconde marque antérieure puisse être reconnue dans l’enregistrement international en cause (points 48 et 49 de la décision attaquée). Dans la mesure où les signes en conflit débutaient différemment, avaient une structure, un nombre de syllabes et un rythme différents, la chambre de recours a considéré qu’il n’était pas probable que le public pertinent possédant un niveau d’attention moyen à élevé, les associe comme provenant de la même entreprise ou d’entreprises économiquement liées (point 51 de la décision attaquée).

15      En sixième lieu, s’agissant de la première marque antérieure, le résultat serait le même, en considérant que les produits ne sont pas identiques, mais tout au plus similaires (point 52 de la décision attaquée).

16      En septième lieu, la chambre de recours en a conclu qu’il n’existait pas de risque de confusion dans l’esprit du public pertinent entre les marques en conflit (point 53 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

17      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

18      Lors de l’audience, la requérante a précisé qu’elle concluait également à la condamnation de l’intervenante aux dépens, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

19      L’EUIPO et l’intervenante concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

20      Au soutien de son recours, la requérante soulève, en substance, un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et avance que la chambre de recours aurait dû reconnaître l’existence d’un risque de confusion entre l’enregistrement international en cause et les marques antérieures.

21      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante et considèrent que la chambre de recours a conclu à juste titre qu’un risque de confusion faisait défaut en l’espèce.

22      Aux termes de l’article 156 et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la protection d’un enregistrement international désignant l’Union européenne est refusée lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 151, paragraphe 1 et de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 207/2009 [devenus articles 189, paragraphe 1, et 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement 2017/1001], il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de l’enregistrement international.

23      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

24      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

25      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

26      Étant donné que les marques antérieures sont des marques françaises, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, au point 18 de la décision attaquée, en substance, que le public pertinent était celui en France.

27      S’agissant du niveau d’attention du public, la chambre de recours a considéré, aux points 20 et 21 de la décision attaquée, que les produits et les services en cause s’adressaient au grand public et/ou à des clients professionnels ayant une expertise ou des connaissances professionnelles spécifiques. Le niveau d’attention de ce public variait de moyen à élevé en fonction de la nature spécialisée des produits, de la fréquence d’achat et du prix des produits.

28      Ces appréciations de la chambre de recours ne sont pas contestées par les parties.

 Sur la comparaison des produits et des services

29      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

30      En premier lieu, concernant les produits compris dans la classe 3, la chambre de recours a considéré, au point 24 de la décision attaquée, que les « produits cosmétiques » pour lesquels l’intervenante a cherché à désigner l’Union européenne par l’enregistrement international en cause étaient identiques aux « cosmétiques » pour lesquels la seconde marque antérieure était, notamment, enregistrée.

31      En deuxième lieu, s’agissant des autres produits compris dans la classe 3, pour lesquels l’intervenante a cherché à désigner l’Union européenne par l’enregistrement international en cause, à savoir les « vernis à ongles, à savoir bandes de vernis adhésives pour les ongles des mains et des pieds ; gels durcisseurs pour les ongles des mains et des pieds ; dissolvants pour vernis à ongles ; produits de beauté, à savoir produits cosmétiques pour soins corporels et soins de beauté », la chambre de recours a considéré, au point 25 de la décision attaquée, qu’ils étaient inclus dans la catégorie plus générale des « cosmétiques » pour lesquels la seconde marque antérieure était, notamment, enregistrée.

32      En troisième lieu, pour ce qui est des « services de magasins de vente en gros et au détail et services de magasins de vente en gros et au détail en ligne proposant des produits cosmétiques et produits de beauté » compris dans la classe 35, pour lesquels l’intervenante a cherché à désigner l’Union européenne par l’enregistrement international en cause, la chambre de recours a considéré, aux points 26 et 27 de la décision attaquée, qu’ils pouvaient être considérés comme étant faiblement ou, tout au plus, moyennement semblables aux « cosmétiques » pour lesquels la seconde marque antérieure était, notamment, enregistrée, dès lors que ces services et ces produits étaient proposés dans les mêmes endroits.

33      En quatrième lieu, s’agissant des services compris dans la classe 44 pour lesquels l’intervenante a cherché à désigner l’Union européenne par l’enregistrement international en cause, à savoir les « services de conseil en esthétique en matière de choix et utilisation de cosmétiques, aides esthétiques, produits de soins personnels, produits pour le bain et le corps et produits de beauté ; services d’instituts de beauté et services de soins corporels et cutanés cosmétiques », la chambre de recours a considéré, au point 28 de la décision attaquée, qu’ils étaient complémentaires aux « cosmétiques » pour lesquels la seconde marque antérieure était, notamment, enregistrée, qu’ils avaient le même but que ces derniers, qu’ils pouvaient être vendus par les mêmes canaux de distribution et qu’ils se destinaient au même public. La chambre de recours en a conclu qu’ils étaient donc similaires à ces derniers.

34      Les parties ne remettent pas en cause ces appréciations de la chambre de recours s’agissant de la similitude des produits et des services.

 Sur la comparaison des signes

35      La requérante fait valoir que la chambre de recours a apprécié le caractère distinctif, intrinsèque ou par la renommée, des marques antérieures dans la partie de la décision attaquée qui est consacrée à la comparaison des signes (points 29 et suivants de la décision attaquée), alors que cette question relève de l’appréciation globale du risque de confusion. Selon la requérante, cette comparaison des signes sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, aux points 42 à 44 de la décision attaquée, est extrêmement succincte, peu motivée et contestable.

36      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante et avance que les points 42 à 44 de la décision attaquée spécifiquement consacrés à l’analyse des trois aspects de similitude des signes doivent être lus avec les points précédents.

37      L’intervenante conteste également les arguments de la requérante et considère que rien n’empêche d’analyser, tout d’abord, le caractère distinctif des marques antérieures qui serait, selon elle, faible.

38      Il ressort de la jurisprudence que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

39      Il a également été rappelé par la jurisprudence que, si l’examen de la similitude des signes en conflit consiste, ainsi, en une comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle fondée sur l’impression d’ensemble que ces signes laissent, eu égard à leurs qualités intrinsèques, dans la mémoire du public pertinent, en revanche, le caractère distinctif de la marque antérieure concerne l’aptitude de cette marque à identifier les produits ou les services pour lesquels elle a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou services de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 11 juin 2020, China Construction Bank/EUIPO, C‑115/19 P, EU:C:2020:469, point 56 et jurisprudence citée).

40      Pour ce qui concerne, plus particulièrement, la renommée, il a été rappelé qu’une marque jouit de celle-ci lorsqu’elle est connue, dans une partie substantielle du territoire pertinent, d’une partie significative du public qui est concerné par les produits ou les services désignés. À cet égard, il y a lieu de prendre en compte, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir (voir arrêt du 11 juin 2020, China Construction Bank/EUIPO, C‑115/19 P, EU:C:2020:469, point 57 et jurisprudence citée).

41      Dès lors, contrairement au facteur de la similitude des signes en conflit, celui de la renommée et du caractère distinctif de la marque antérieure n’implique pas une comparaison entre plusieurs signes, mais ne concerne qu’un seul signe, à savoir, celui que l’opposant a fait enregistrer en tant que marque. Ces deux facteurs ayant ainsi une portée fondamentalement différente, l’examen de l’un d’entre eux ne permet pas de tirer des conclusions au sujet de l’autre. Même dans l’hypothèse où la marque antérieure a un caractère distinctif élevé en raison de sa renommée, cette circonstance ne permet pas de déterminer si et, dans l’affirmative, à quel degré cette marque est visuellement, phonétiquement et conceptuellement similaire à la marque demandée (arrêt du 11 juin 2020, China Construction Bank/EUIPO, C‑115/19 P, EU:C:2020:469, point 58).

42      Il est, par conséquent, erroné en droit d’évaluer la similitude des signes en conflit en fonction de la renommée ou du caractère distinctif de la marque antérieure (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2020, China Construction Bank/EUIPO, C‑115/19 P, EU:C:2020:469, point 59).

43      À cet égard, il y a lieu de relever que, si l’identification de l’élément dominant d’un signe peut s’avérer pertinente en vue de procéder à la comparaison de signes en conflit (voir point 38 ci-dessus), il ne s’ensuit pas pour autant que la renommée et le degré du caractère distinctif de ce signe, qui concernent celui-ci dans son ensemble, permettent de déterminer quel composant dudit signe est dominant dans la perception du public pertinent (arrêt du 11 juin 2020, China Construction Bank/EUIPO, C‑115/19 P, EU:C:2020:469, point 61).

44      En l’espèce, au regard de la jurisprudence citée aux points 41 à 43 ci-dessus, c’est à juste titre que la requérante reproche à la chambre de recours, en substance, d’avoir, aux points 31 à 41 de la décision attaquée, d’abord analysé le caractère distinctif, intrinsèque ou par la renommée des marques antérieures, avant de se livrer, aux points 42 à 44 de la décision attaquée, à une analyse des trois aspects de similitude des signes à examiner. Ce faisant, d’une part, la chambre de recours a commis une erreur de droit, dès lors que le caractère distinctif de la marque antérieure n’est pas pertinent aux fins d’apprécier leur similitude (voir point 42 ci-dessus). D’autre part, elle a nécessairement entaché d’erreurs l’appréciation de la similitude visuelle des signes en conflit, dans la mesure où celle-ci ne présuppose pas, en principe, un effort intellectuel préalable visant à comprendre la signification des signes en conflit (voir point 56 ci-après).

45      Par suite, des considérations concernant le caractère distinctif du signe antérieur, qu’il découle ou non d’une renommée particulière de celui-ci, ne sauraient, au regard de la jurisprudence citée aux points 42 et 43 ci-dessus, en tant que telles, avoir une incidence sur l’appréciation de la similitude des signes en conflit. Les considérations de la chambre de recours à cet égard ne sauraient donc être prises en compte que dans la mesure où elles concernent précisément l’un des trois aspects de la similitude à examiner.

 Sur la comparaison des signes sur le plan visuel

46      S’agissant de la comparaison des signes en conflit sur le plan visuel, la chambre de recours a relevé, au point 42 de la décision attaquée, que la longueur de ces signes était similaire, l’un comportant quatre, l’autre six lettres. Selon elle, même si le signe antérieur est incorporé dans l’enregistrement international en cause, ce dernier comporte toutefois une syllabe de plus qui représenterait la moitié du signe antérieur. D’après la chambre de recours, les signes en conflit sont donc semblables à un degré inférieur à la moyenne, à tel point qu’ils diffèrent considérablement.

47      La requérante considère que les signes en conflit ne sauraient à la fois être semblables l’un à l’autre à un degré inférieur à la moyenne et différer considérablement. Selon elle, ces signes sont visuellement similaires à un degré élevé ou, à tout le moins, moyen à élevé. Ils seraient des signes verbaux de longueur moyenne, constitués chacun d’un seul et unique élément verbal. Le signe antérieur porterait sur l’élément verbal « coco », correspondant au redoublement, frappant visuellement, des deux lettres « c » et « o ». Cet élément verbal figurerait à l’identique aux quatre dernières lettres de l’enregistrement international en cause. La différence du nombre de lettres serait peu significative et la présence des lettres additionnelles « i » et « n » au début de l’enregistrement international en cause n’aurait pas pour effet que l’élément verbal « coco » n’y serait plus identifiable. Ce dernier retiendrait immédiatement l’attention du consommateur. En outre, la décision de la chambre de recours serait contraire tant à sa décision du 18 juillet 2016 dans l’affaire R 2648/2014‑4 (ci-après la « décision MYDOMO »), dans laquelle elle aurait reconnu que les signes DOMO et MYDOMO étaient visuellement similaires à un degré supérieur à la moyenne, qu’à sa décision du 7 décembre 2018 dans l’affaire R 2453/2017‑1 (ci-après la « décision NANACOCO »), dans laquelle elle aurait reconnu que les signes NANACOCO et COCO étaient similaires à un degré moyen sur le plan visuel. Cela serait incohérent et contraire au droit à une bonne administration.

48      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante et fait valoir que, si toutes les lettres du signe antérieur sont reproduites dans l’enregistrement international en cause, elles ne sont toutefois pas dotées d’une position distinctive autonome. L’enregistrement international en cause serait compris comme un tout indivisible par le public pertinent, de sorte que celui-ci ne pourrait pas y percevoir de manière isolée l’élément verbal « coco ». La requérante ne comparerait pas les signes pris dans leur ensemble, mais les dissèquerait pour finalement ne retenir que l’élément verbal « coco », alors que celui-ci ne domine pas l’enregistrement international en cause. En l’espèce, la présence, dans l’enregistrement international en cause, de l’élément verbal d’attaque « in » contrebalancerait dans une large mesure le fait que les signes en conflit ont quatre lettres en commun. Le public pertinent percevra immédiatement la différence entre les deux signes commençant, respectivement, par « in » et « co ». En outre, l’enregistrement international en cause serait bien plus long que le signe antérieur. Selon l’EUIPO, la requérante ne saurait utilement invoquer les décisions MYDOMO et NANACOCO, dès lors que les éléments verbaux « my » et « nana », en cause dans ces décisions, auraient une signification précise, ce qui conduirait le public pertinent à les détacher des lettres suivantes et leur conférerait un caractère distinctif plus faible que l’élément suivant.

49      L’intervenante conteste également les arguments de la requérante et fait valoir que les signes en conflit ne sont pas similaires sur le plan visuel, dès lors que l’élément verbal « in » est uniquement présent dans l’enregistrement international en cause, ce qui entraînerait des différences considérables sur le plan visuel.

50      En l’espèce, il est constant que les quatre dernières lettres des six composant l’enregistrement international en cause correspondent parfaitement aux quatre lettres dont est composé le signe antérieur. Deux tiers de l’enregistrement international en cause correspondent donc à l’identique à l’intégralité du signe antérieur. Force est de constater que les signes en conflit revêtent donc des aspects qui sont partiellement identiques.

51      À cette identité partielle des signes en conflit s’ajoute le fait, souligné à juste titre par la chambre de recours, qu’ils ont une longueur qui est, en définitive, comparable. S’agissant de signes verbaux relativement courts, il n’est pas décisif que l’enregistrement international en cause comporte la moitié des lettres en plus que celles dont est composé le signe antérieur. C’est donc à tort que l’EUIPO allègue que l’enregistrement international en cause serait bien plus long que le signe antérieur.

52      Il ressort, certes, de la jurisprudence que, s’agissant d’un signe contenant des éléments verbaux, le public pertinent prête généralement une plus grande attention au début d’un signe qu’à sa fin [voir arrêt du 6 octobre 2015, Monster Energy/OHMI – Balaguer (icexpresso + energy coffee), T‑61/14, non publié, EU:T:2015:750, point 45 et jurisprudence citée]. Toutefois, il ressort également de la jurisprudence que cette considération ne saurait valoir dans tous les cas [arrêt du 9 avril 2014, Farmaceutisk Laboratorium Ferring/OHMI – Tillotts Pharma (OCTASA), T‑501/12, non publié, EU:T:2014:194, point 58].

53      Par suite, c’est à juste titre que l’EUIPO souligne le fait que l’élément verbal « in » figure au début de l’enregistrement international en cause et qu’il n’a pas de contrepartie dans le signe antérieur. Cependant, c’est à tort que l’EUIPO avance que cet élément verbal additionnel contrebalance l’élément verbal commun, « coco », à tel point que les signes en conflit ne revêtent qu’une similitude visuelle inférieure à la moyenne. En effet, la requérante insiste à bon droit sur le fait que ce dernier élément verbal correspond au redoublement des deux lettres « c » et « o », ce qui est effectivement frappant sur le plan visuel et attire une attention certaine sur cet élément verbal dans les deux signes en conflit.

54      Dans ces circonstances, les arguments de l’EUIPO, tirés de ce que l’élément verbal « coco » ne serait pas doté d’une position distinctive autonome dans l’enregistrement international en cause et de ce que celui-ci serait compris comme un tout indivisible par le public pertinent, de sorte que ce dernier ne pourrait pas y percevoir de manière isolée l’élément verbal « coco », ne sont pas convaincants.

55      En effet, le constat d’une similitude visuelle ne présuppose pas que l’élément d’un signe duquel elle découle soit doté d’une position distinctive « autonome » dans ce signe. Ce qui importe est qu’il soit perceptible visuellement par le public pertinent.

56      En effectuant une comparaison de signes en conflit sur le plan visuel, il y a lieu de simplement comparer les impressions visuelles qu’ils laissent dans l’esprit du public pertinent. En revanche, il n’est, en principe, pas approprié de n’effectuer cette comparaison des impressions visuelles qu’à l’issue d’un effort intellectuel préalable, notamment une analyse de possibles significations d’éléments verbaux.

57      En l’espèce, même s’il ne constitue qu’une partie de l’enregistrement international en cause, l’élément verbal « coco » y demeure clairement identifiable et donc perceptible, même de manière isolée, par le public pertinent.

58      En outre, l’EUIPO se méprend en reprochant à la requérante de finalement ne retenir que l’élément verbal « coco », alors que celui-ci ne domine pas l’enregistrement international en cause. Il suffit, en effet, de constater que la requérante n’a nullement avancé que l’élément verbal « coco » dominait l’enregistrement international en cause. Si tel était le cas, force serait de constater que les signes en conflit seraient identiques sur le plan visuel, ce que la requérante ne prétend pas.

59      Enfin, l’EUIPO n’est pas non plus fondé en ce qu’il avance que les éléments verbaux « my » et « nana », en cause dans les décisions MYDOMO et NANACOCO, auraient une signification précise, ce qui conduirait le public pertinent à les détacher des lettres suivantes et leur conférerait un caractère distinctif plus faible que l’élément suivant. Ce faisant, l’EUIPO présuppose qu’un effort intellectuel de compréhension, qui relève normalement de la comparaison conceptuelle, soit fait préalablement à la perception visuelle des signes en conflit. Or, une telle approche n’est, en principe, pas appropriée (voir point 56 ci-dessus).

60      Il y a donc lieu de conclure que, dans l’ensemble, eu égard à l’élément verbal commun « coco » sur lequel le doublement des deux lettres « c » et « o » attire une attention certaine ainsi qu’à leur longueur comparable et nonobstant l’élément verbal « in » additionnel au début de l’enregistrement international en cause, les signes en conflit sont similaires sur le plan visuel à un degré moyen, tout comme l’avait déjà constaté la division d’opposition.

 Sur la comparaison des signes sur le plan phonétique

61      Au point 43 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré qu’il existait un degré moyen de similitude phonétique entre les signes en conflit, dès lors que le signe antérieur était totalement incorporé dans l’enregistrement international en cause, mais que ce dernier commençait avec un autre son qui changeait le rythme du terme.

62      Selon la requérante, les signes en conflit sont, sur le plan phonétique, similaires à un degré élevé ou, à tout le moins, moyen à élevé. Les deux syllabes du signe antérieur constitueraient à l’identique les deuxième et troisième syllabes de l’enregistrement international en cause. La similitude phonétique serait encore renforcée par l’effet de répétition, dans les deux signes, de la syllabe correspondant à la suite de lettres « co ». La présence de la syllabe « in » au début de l’enregistrement international en cause n’aurait pour effet ni de changer le rythme du terme ni de fondre le son des deux syllabes suivantes dans un ensemble dans lequel il perdrait son caractère identifiable. Dans la langue française, le son « in » serait un son doux alors que le son correspondant à la suite de lettres « co », a fortiori répété, serait prononcé de manière plus marquée et cassante. Par suite, le son produit par la répétition de la suite de lettres « co » serait beaucoup plus identifiable que le son « in ». Si, dans la décision NANACOCO, la chambre de recours a reconnu que les signes verbaux COCO et NANACOCO étaient similaires à un niveau moyen, il y aurait lieu de considérer les signes COCO et INCOCO comme étant similaires à un degré encore plus élevé.

63      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

64      En l’espèce, il est constant que l’enregistrement international en cause consiste en trois syllabes dont les deuxième et troisième correspondent aux deux syllabes du signe antérieur. Ces syllabes communes sont identiques et ont, eu égard à la répétition de la suite de lettres « co », un rôle important dans la prononciation des deux signes en conflit. Cela est d’autant plus vrai qu’elles se réfèrent à un mot précis de la langue française, « coco », ou, à tout le moins, à une partie importante d’une expression courante de cette langue, « noix de coco », de sorte que le public pertinent français les prononcera de manière identique et ce nonobstant la syllabe additionnelle « in » de l’enregistrement international en cause.

65      S’il est vrai que cette syllabe additionnelle n’a pas de contrepartie dans le signe antérieur et entraîne donc un élément de distinction sur le plan phonétique, dès lors qu’il reste bien identifiable, il n’en demeure pas moins que, pris dans leur ensemble, la structure, le nombre de syllabes et le rythme des signes en conflit ne sont pas fondamentalement différents, mais plutôt comparables. C’est donc à tort que l’intervenante avance que les signes en conflit ne revêtent pas de similitude phonétique, tout comme la requérante n’est pas non plus fondée à considérer que les signes en conflit présentent un degré plus élevé de similitude sur ce plan.

66      En particulier, comme l’avance à juste titre l’EUIPO, l’argument de la requérante tiré de la décision NANACOCO ne saurait convaincre, dès lors que dans le signe NANACOCO, les deux premières syllabes sont répétées. En effet, la double répétition de syllabes entraine une similitude phonétique plus importante que celle que la requérante semble reconnaître.

67      Dans l’ensemble, la chambre de recours ne saurait donc être critiquée pour avoir constaté qu’il existait un degré moyen de similitude phonétique entre les signes en conflit.

 Sur la comparaison des signes sur le plan conceptuel

68      S’agissant de la comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel, la chambre de recours a considéré, au point 44 de la décision attaquée, ainsi qu’aux points 40 et 41 de celle-ci, qu’elle n’était pas possible, dès lors que l’enregistrement international en cause n’avait pas de signification. Selon la chambre de recours, les signes en conflit ne pourraient être considérés comme similaires que dans l’hypothèse « moins probable » où le terme « incoco » serait perçu comme faisant allusion à la noix de coco, tout comme le signe antérieur.

69      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir adopté une approche incohérente. Alors que, au point 44 de la décision attaquée, la chambre de recours aurait considéré, d’une part, qu’une comparaison conceptuelle n’était pas possible, considérant que l’enregistrement international en cause n’avait pas de signification et, d’autre part, que seulement dans le cas « moins probable » où le terme « incoco » serait perçu comme faisant allusion à la noix de coco, tout comme le signe antérieur, les signes en conflit pouvaient être considérés comme conceptuellement similaires, elle aurait relevé, lors de l’appréciation globale du risque de confusion, au point 46 de la décision attaquée, que les signes en conflit soit étaient conceptuellement différent, soit ne pouvaient être comparés. La requérante fait valoir qu’une comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel n’est possible que dans le cas où le public pertinent attache une signification concrète à l’élément verbal « coco ». Dans ce cas, les signes en conflit seraient similaires sur le plan conceptuel.

70      L’EUIPO reconnaît que le point 46 de la décision attaquée est erroné en ce qu’il ne retient pas le même résultat de la comparaison conceptuelle des signes en conflit que celui auquel la chambre de recours est arrivé au point 44 de la décision attaquée. Il fait valoir qu’il n’a pas été démontré que le public pertinent percevrait le signe antérieur comme faisant allusion à Mme Chanel. Même si l’on admettait que le signe antérieur était associé à Mme Chanel, une telle association ne serait pas faite par le public pertinent concernant l’enregistrement international en cause, dès lors que l’élément verbal « in » précédant l’élément verbal « coco » dans ce signe n’y est pas utilisé en tant que préposition, ni en tant que préfixe. En outre, la combinaison du préfixe « in » avec un surnom connu serait improbable.

71      L’intervenante considère que c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté que la comparaison conceptuelle n’était pas possible, dès lors que l’enregistrement international en cause est un mot nouveau dépourvu de signification.

72      À l’instar de la requérante et de l’EUIPO, il y a lieu d’observer d’emblée que le point 46 de la décision attaquée, qui figure dans la section de la décision attaquée consacrée à l’appréciation globale de l’existence d’un risque de confusion, ne reprend pas correctement le résultat de l’appréciation de la comparaison conceptuelle des signes en conflit auquel la chambre de recours est arrivé au point 44 de la décision attaquée.

73      Il résulte de la jurisprudence que, nonobstant le fait qu’il convient normalement d’apprécier la similitude des signes en conflit sur la base de l’impression d’ensemble produite par ceux-ci sans se livrer à un examen de leurs différents détails, le public pertinent décomposera un signe verbal en des éléments verbaux qui, pour lui, suggèrent une signification concrète ou qui ressemblent à des mots qu’il connaît [voir arrêt du 3 octobre 2019, Vafo Praha/EUIPO – Rutzinger-Kurpas (Meatlove), T‑491/18, non publié, EU:T:2019:726, point 57 et jurisprudence citée].

74      Dans ce contexte, il a également été jugé qu’une telle décomposition en différents éléments verbaux ne sera pas seulement faite par le public pertinent dans l’hypothèse où chacun des éléments verbaux du signe en cause ainsi décomposé suggère lui-même une signification concrète ou ressemble à des mots que le public pertinent connaît. Au contraire, en présence d’un élément verbal aisément compris par le public pertinent, celui-ci décomposera bien le signe verbal en cause en deux parties, l’une correspondant à ce qu’il comprend en tant que partie de la langue courante et l’autre constituée par le reste du signe en cause (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, Meatlove, T‑491/18, non publié, EU:T:2019:726, point 59).

75      En l’espèce, s’il est vrai que l’enregistrement international en cause pris dans son ensemble ne sera pas compris par le public pertinent, tout comme l’a constaté, en substance, la chambre de recours aux points 40 et 41 de la décision attaquée, celui-ci y reconnaîtra toutefois aisément l’élément verbal « coco » comme faisant allusion à un concept lié à la noix de coco. Au regard de la jurisprudence citée aux points 72 et 74 ci-dessus, il y a donc lieu de constater que le public pertinent décomposera bien l’enregistrement international en cause en deux éléments verbaux, à savoir, l’élément verbal « coco », dans lequel il reconnaîtra le mot courant de la langue française « noix de coco », et le reste de ce signe, à savoir, l’élément verbal « in ». L’enregistrement international en cause pris dans son ensemble constitue donc, certes, un mot nouveau, mais cela n’empêchera pas le public pertinent d’y identifier une composante ayant une connotation claire. Au regard de cette connotation claire de l’élément verbal « coco », il ne s’agit pas là d’une décomposition artificielle de l’enregistrement international en cause, comme l’a constaté à tort la chambre de recours au point 41 de la décision attaquée.

76      Toutefois, c’est à bon droit que celle-ci a constaté, au même point 41 de la décision attaquée, que l’utilisation du préfixe « in » pour l’élément verbal « coco », faisant allusion à un concept lié à la noix de coco, est plutôt inhabituelle et ne confère pas à l’enregistrement international en cause, pris dans son ensemble, une signification claire. Dans cette mesure, force est de constater qu’elle réduit la similitude conceptuelle des signes en conflit, de sorte que, dans l’ensemble, celle-ci ne saurait être qualifiée que de faible, tout comme l’a également avancé, en substance, l’EUIPO.

77      Dans ces circonstances, il y a donc lieu de conclure que les signes revêtent une faible similitude conceptuelle, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur une éventuelle similitude conceptuelle des signes en conflit qui serait liée à la prétendue reconnaissance, par le public pertinent, du surnom « Coco » de Mme Chanel, celle-ci n’étant en tout état de cause pas plus importante que celle déjà constatée.

 Sur le risque de confusion

78      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

79      Ainsi qu’il découle du considérant 8 du règlement no 207/2009 (devenu considérant 11 du règlement 2017/1001), l’appréciation du risque de confusion dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance qu’a le public de la marque sur le marché en cause. Comme le risque de confusion est d’autant plus étendu que le caractère distinctif de la marque s’avère important, les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance qu’en a le public, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (voir, par analogie, arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 24 ; du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 18, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 20).

80      L’existence d’un caractère distinctif supérieur à la normale, en raison de la connaissance qu’a le public d’une marque sur le marché, suppose nécessairement que cette marque soit connue d’au moins une partie significative du public concerné, sans qu’elle doive nécessairement posséder une renommée au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001). Il ne saurait être indiqué d’une façon générale, par exemple en recourant à des pourcentages déterminés relatifs au degré de connaissance qu’a le public de la marque dans les milieux concernés, qu’une marque a un caractère distinctif élevé. Néanmoins, il y a lieu de reconnaître une certaine interdépendance de la connaissance qu’a le public d’une marque et du caractère distinctif de celle-ci en ce sens que, plus la marque est connue du public ciblé, plus le caractère distinctif de cette marque est renforcé. Pour examiner si une marque jouit d’un caractère distinctif élevé en raison de la connaissance qu’en a le public, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie les produits ou les services comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations des chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles [voir arrêt du 12 juillet 2006, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Johnson’s Veterinary Products (VITACOAT), T‑277/04, EU:T:2006:202, points 34 et 35 et jurisprudence citée].

81      La reconnaissance d’un caractère faiblement distinctif de la marque antérieure n’empêche pas de constater l’existence d’un risque de confusion en l’espèce. En effet, si le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion, il n’est qu’un élément parmi d’autres intervenant lors de cette appréciation. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment en raison d’une similitude des signes et des produits ou des services visés [voir arrêt du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, EU:T:2007:387, point 70 et jurisprudence citée].

82      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, aux points 46 à 53 de la décision attaquée, que les signes en conflit étaient visuellement similaires à un faible degré et que, conceptuellement, soit ils étaient différents, soit ils ne pouvaient pas être comparés, de sorte qu’il était peu probable que le public pertinent puisse percevoir l’enregistrement international en cause comme une marque liée à la marque antérieure. Selon la chambre de recours, l’absence de risque de confusion subsisterait, même si la marque antérieure jouissait d’un caractère distinctif. Les similitudes entre les signes en conflit ne seraient pas suffisantes pour que la marque antérieure puisse être reconnue dans l’enregistrement international en cause. L’élément verbal « coco » dans l’enregistrement international en cause ne serait pas détachable de son ensemble. En particulier, l’élément verbal « in » ne serait pas compris comme un préfixe. Sa combinaison avec l’élément verbal « coco » serait inhabituelle sur le plan grammatical, tout comme le serait la combinaison à un surnom connu par le public pertinent. Les signes en conflit débutant tous les deux différemment, ayant une structure, un nombre de syllabes et un rythme différents, il serait peu probable que le public pertinent, possédant un niveau d’attention moyen à élevé, les associe comme provenant de la même entreprise ou d’entreprises économiquement liées. Selon la chambre de recours, il n’existe donc pas de risque de confusion entre les marques en conflit.

83      S’agissant du caractère distinctif, la chambre de recours a considéré, dans la section de la décision attaquée consacrée à la comparaison des signes, sans pour autant reprendre ces éléments dans la partie de la décision attaquée concernant l’appréciation globale du risque de confusion, premièrement, que le signe antérieur pouvait être compris comme une allusion au fruit du cocotier ou comme évoquant un des composants des produits pour lesquels la noix de coco pouvait avoir un rapport, notamment pour les produits cosmétiques. Dans ce cas, le signe antérieur n’aurait qu’un caractère distinctif inférieur (points 31 et 32 de la décision attaquée). Deuxièmement, elle a considéré que le terme « coco » pourrait être compris comme un surnom ou un nom, comme dans l’expression « mon petit coco » (point 33 de la décision attaquée). Troisièmement, en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle, en France, le terme « coco » serait compris comme un surnom, et plus particulièrement comme le surnom de Mme Chanel, la chambre de recours a observé qu’elle n’avait présenté aucun élément de preuve concernant la connaissance de la marque antérieure par les consommateurs français et que, dans presque tous les documents produits par elle, le signe antérieur était présenté ensemble avec le terme « chanel ». Ainsi, ces éléments de preuve ne seraient pas aptes à démontrer un caractère distinctif accru des marques antérieures (points 34 à 39 de la décision attaquée). Enfin, quatrièmement, la chambre de recours a observé que le signe demandé INCOCO n’aurait pas de signification et qu’il n’aurait pas été démontré que ce terme pouvait être compris dans un sens directement descriptif ou allusif (point 40 de la décision attaquée).

84      La requérante considère que la chambre de recours a omis d’effectuer une appréciation globale du risque de confusion qui tienne compte de l’ensemble des facteurs pertinents et de l’interdépendance entre eux. Selon la requérante, les produits et services visés par l’enregistrement international en cause sont pour partie identiques et pour partie semblables aux produits pour lesquels la seconde marque antérieure est enregistrée. Les signes en conflit étant semblables à un degré élevé ou, à tout le moins, à un degré moyen à élevé, tant sur le plan visuel que sur le plan phonétique et, eu égard au fait que, si la comparaison conceptuelle est possible, les signes en conflit sont semblables sur ce plan, il existait, dans l’esprit du public, un risque de confusion entre les marques en conflit. En outre, la requérante considère que la chambre de recours aurait dû reconnaître un caractère distinctif élevé aux marques antérieures, celles-ci correspondant au surnom de Mme Chanel.

85      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante et considère que, en l’espèce, la chambre de recours a correctement analysé le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure. Les signes en conflit seraient visuellement similaires à un faible degré, phonétiquement similaires à un degré moyen et leur degré de similitude conceptuelle serait tout au plus faible. L’aspect visuel revêtirait une importance particulière pour les produits en cause compris dans la classe 3 et les services compris dans la classe 35 y afférent, ainsi que pour les services compris dans la classe 44 liés à l’esthétique. Eu égard également au caractère distinctif faible ou tout au plus normal des marques antérieures, la chambre de recours aurait été fondée à conclure qu’un risque de confusion n’existait pas en l’espèce.

86      L’intervenante conteste les arguments de la requérante et défend l’appréciation de la chambre de recours, selon laquelle les signes en conflit différaient substantiellement. Selon l’intervenante, les marques antérieures ne jouissent que d’un caractère distinctif faible. Quand bien même les marques antérieures possédaient un caractère distinctif accru, cette circonstance ne saurait contrebalancer les différences entre les signes en cause sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, de sorte que, en tout état de cause, un risque de confusion n’existerait pas.

87      Contrairement à l’affirmation faite par la chambre de recours au point 46 de la décision attaquée, selon laquelle les signes en conflit ne présentaient qu’un faible degré de similitude sur le plan visuel, il a été constaté, au point 60 ci-dessus, que les signes en conflit étaient visuellement similaires à un degré moyen.

88      Il a également été constaté, au point 77 ci-dessus, que les signes en conflit présentaient un faible degré de similitude sur le plan conceptuel. Par suite, l’affirmation faite par la chambre de recours au point 46 de la décision attaquée, selon laquelle les signes en conflit soit sont conceptuellement différents, soit ne peuvent pas être comparés, n’est pas correcte. Elle ne correspond pas non plus au résultat de la comparaison conceptuelle effectuée par la chambre de recours elle-même au point 44 de la décision attaquée (voir point 68 ci-dessus), de sorte que la décision attaquée n’est effectivement pas cohérente à cet égard, tout comme le font valoir la requérante et l’EUIPO (voir point 72 ci-dessus).

89      S’agissant de la similitude phonétique des signes en conflit, il a été constaté, au point 67 ci-dessus, qu’elle était moyenne, tout comme l’avait fait la chambre de recours, au point 43 de la décision attaquée, lors de l’appréciation de cette similitude proprement dite. Or, dans la section de la décision attaquée qu’elle consacre à l’appréciation globale de l’existence d’un risque de confusion (points 45 à 52), notamment au point 46 dans lequel elle a récapitulé ses constats s’agissant de la similitude des signes en conflit sur les plans visuel et conceptuel (voir point 87 ci-dessus), la chambre de recours ne mentionne plus cette similitude phonétique des signes en conflit. Elle se limite, en effet, à affirmer, au point 51 de la décision attaquée, que les signes en conflit « [avaient] une structure, un nombre des syllabes et un rythme différents », ce qui pourrait indiquer que, à ce stade et à la différence de ce qu’elle avait constaté au point 43 de la décision attaquée, elle niait l’existence d’une quelconque similitude phonétique.

90      Dans cette section, la chambre de recours omet également de mentionner qu’elle a constaté, à juste titre (voir points 30 à 34 ci-dessus), que les produits et services pour lesquels l’intervenante a cherché à désigner l’Union européenne par l’enregistrement international sont en partie identiques et en partie semblables aux « cosmétiques » pour lesquels la seconde marque antérieure est, notamment, enregistrée.

91      Ainsi, il s’avère que, lors de l’appréciation globale de l’existence d’un risque de confusion, la chambre de recours n’a pas seulement sous-estimé le degré de similitude visuelle des signes en conflit. De toute évidence, elle a également oublié de tenir compte de la similitude phonétique des signes en conflit ainsi que de l’identité ou de la similitude des produits et services en conflit qu’elle a pourtant constatées dans la décision attaquée.

92      Dans ces circonstances, l’appréciation globale de l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit effectuée par la chambre de recours est nécessairement entachée d’erreurs, de sorte qu’il y a lieu de faire droit au moyen unique et d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit besoin d’examiner plus en détail les questions liées à l’importance du caractère distinctif des marques en conflit.

93      En effet, comme le souligne à juste titre l’intervenante, il ressort de la jurisprudence qu’il doit être reconnu au moins un certain degré de caractère distinctif d’une marque nationale invoquée à l’appui d’une opposition à la désignation de l’Union européenne par un enregistrement international (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2012, Formula One Licensing/OHMI, C‑196/11 P, EU:C:2012:314, point 47).

94      Par suite, compte tenu de l’identité ou de la similitude des produits et services couverts par les marques en conflit et tenant compte de la similitude des signes en conflit qui doit être qualifiée de moyenne s’agissant des plans visuel et phonétique ainsi que de faible s’agissant du plan conceptuel, il y a lieu de conclure que, dans l’ensemble, un risque de confusion entre l’enregistrement international en cause et la seconde marque antérieure existe dans l’esprit du public pertinent faisant preuve d’un niveau d’attention variant de moyen à élevé si l’on reconnait au moins un certain degré de caractère distinctif à la seconde marque antérieure.

 Sur les dépens

95      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

96      En l’espèce, l’EUIPO et l’intervenante ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante, telles que précisées lors de l’audience.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office européen pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 16 janvier 2020 (affaire R 194/20191) est annulée.

2)      L’EUIPO et Innovative Cosmetic Concepts LLC sont condamnés aux dépens.

Collins

Kreuschitz

Steinfatt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 juin 2021.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

      S. Papasavvas


*      Langue de procédure : le français.