Language of document : ECLI:EU:T:2006:395

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

14 décembre 2006 (*)

« Accès aux documents − Règlement (CE) n° 1049/2001 – Procédure de contrôle des aides d’État − Exception relative à la protection des objectifs des activités d’enquête − Refus implicite − Obligation de procéder à un examen concret et individuel − Intervention – Conclusions, moyens et arguments de l’intervenant »

Dans l’affaire T‑237/02,

Technische Glaswerke Ilmenau GmbH, établie à Ilmenau (Allemagne), représentée initialement par Mes G. Schohe et C. Arhold, puis par Mes Arhold et N. Wimmer, avocats,

partie requérante,

soutenue par

Royaume de Suède, représenté par M. A. Kruse et Mme K. Wistrand, en qualité d’agents,

et par

République de Finlande, représentée par Mme T. Pynnä, en qualité d’agent,

parties intervenantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. V. Kreuschitz, V. Di Bucci et P. Aalto, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Schott Glas, établie à Mainz (Allemagne), représentée par MU. Soltész, avocat,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 28 mai 2002 refusant à la requérante l’accès à des documents afférents à des procédures de contrôle des aides d’État,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras, président, F. Dehousse et D. Šváby, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 juin 2006,

rend le présent

Arrêt

 Faits et procédure

1        Technische Glaswerke Ilmenau GmbH est une société allemande ayant son siège à Ilmenau dans le Freistaat Thüringen (ci-après le « Land de Thuringe »). Elle a été constituée en 1994 dans le but de reprendre quatre des douze chaînes de production (à savoir des fours) de verre que comptait l’ancienne société Ilmenauer Glaswerke GmbH, dont la mise en liquidation avait été effectuée par la Treuhandanstalt (établissement public de gestion fiduciaire, devenue ensuite la Bundesanstalt für vereinigungsbedingte Sonderaufgaben, ci-après la « BvS »).

2        Par lettre du 1er décembre 1998, la République fédérale d’Allemagne a notifié à la Commission différentes mesures ayant pour but la consolidation financière de la requérante, dont une dispense partielle de paiement, accordée par la BvS, du prix d’achat des fours et un prêt octroyé par le Land de Thuringe, par l’intermédiaire de sa propre banque, la Thüringer Aufbaubank (ci-après la « TAB »).

3        Par lettre SG (2000) D/102831, du 4 avril 2000, la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen, prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, à l’égard de la dispense de paiement et du prêt de la TAB, procédure à laquelle a été attribuée la référence C 19/2000.

4        Dans le cadre de la procédure formelle d’examen, la Commission a reçu des informations complémentaires de la part de la République fédérale d’Allemagne ainsi que des observations de la part de l’entreprise Schott Glas, concurrente de la requérante.

5        Le 12 juin 2001, la Commission a adopté la décision 2002/185/CE relative à une aide d’État accordée par l’Allemagne en faveur de Technische Glaswerke Ilmenau GmbH (JO 2002, L 62, p. 30), dans laquelle elle a limité son appréciation à la seule mesure de dispense de paiement. Elle a considéré que cette dernière n’était pas conforme au comportement d’un investisseur privé et constituait une aide d’État incompatible avec le marché commun.

6        Par lettre du 3 juillet 2001, la Commission a ouvert une seconde procédure formelle d’examen en vertu de l’article 88, paragraphe 2, CE, à laquelle elle a attribué la référence C 44/2001. Cette procédure avait pour objet l’examen du report d’échéance du paiement du solde du prix d’achat des fours, le réaménagement de la garantie bancaire affectée audit paiement et le prêt de la TAB.

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 août 2001, la requérante a formé un recours visant à obtenir l’annulation de la décision de la Commission du 12 juin 2001 (affaire T‑198/01).

8        Par courrier du 24 octobre 2001, la requérante a présenté des observations dans le cadre de la seconde procédure formelle d’examen et a demandé à la Commission de lui donner accès à une version non confidentielle du dossier et la possibilité de présenter, subséquemment, de nouvelles observations. Cette demande a été rejetée par la Commission par lettre du 23 novembre 2001.

9        Par lettre du 1er mars 2002, la requérante a demandé, sur le fondement du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), l’accès à :

–        « tous les documents dans les dossiers de la Commission dans toutes les affaires d’aide [la] concernant et en particulier dans l’affaire d’aide C 44/2001 ;

–        tous les documents dans les dossiers de la Commission concernant les aides d’état au profit de l’entreprise Schott Glas, Jena, Allemagne, propriétaire : Carl-Zeiss-Stiftung, Hessenweg 18, D‑89522 Heidenheim a.d. Brenz

à l’exception des secrets d’affaires relatifs à d’autres entreprises ».

10      Par lettre du 27 mars 2002, la Commission a rejeté la demande d’accès en indiquant, notamment, que les documents sollicités tombaient sous le coup de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, lequel prévoit, notamment, que l’accès à un document est refusé lorsque sa diffusion porterait atteinte à l’objectif des activités d’inspection, d’enquête et d’audit, à moins qu’il n’existe un intérêt général supérieur justifiant sa diffusion. La Commission a également précisé que « les documents concernant [la requérante] sont des documents qui font partie de la procédure formelle d’examen en cours C 44/2001 ».

11      Par lettre du 15 avril 2002, la requérante a adressé au secrétaire général de la Commission une demande confirmative d’accès en application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001.

12      Par lettre du 28 mai 2002, le secrétaire général de la Commission a rejeté cette demande (ci-après la « Décision ») dans les termes suivants :

« […]

Je vous remercie de votre lettre du 15 avril 2002, enregistrée le 15 avril 2002, par laquelle vous me demandez de réexaminer votre demande d’accès aux documents suivants :

–        les documents concernant l’aide d’État octroyée en faveur de Technische Glaswerke Ilmenau […] ;

–        les documents relatifs à l’aide d’État éventuellement accordée à Schott Glas.

Concernant la première partie de votre demande, elle couvre les lettres échangées entre les autorités allemandes et la [direction générale (DG)] ‘Concurrence’ de la Commission, ainsi que les commentaires émanant du bénéficiaire de l’aide, [Technische Glaswerke Ilmenau], et d’un concurrent, Schott Glas.

Quant à la seconde partie de votre demande, elle couvre une prénotification sous l’encadrement multisectoriel pour des nouveaux projets importants d’investissement de Schott Glas dans l’est de l’Allemagne.

Après examen de votre demande, je suis au regret de devoir confirmer le refus qui vous a été communiqué par la DG [‘Concurrence’], pour le motif que la divulgation de ces différents documents risque de porter atteinte à la protection des objectifs des activités d’inspection et [d’]enquête. Cette exception au droit d’accès est prévue de façon expresse par l’article 4 [, paragraphe 2, troisième] tiret, du règlement [n°] 1049/2001.

En effet, dans le cadre des enquêtes en cours concernant la compatibilité entre une aide d’État et le marché unique, une coopération loyale et une confiance mutuelle entre la Commission, l’État membre et les entreprises concernées sont indispensables afin de permettre aux différentes parties de s’exprimer librement. C’est pourquoi la divulgation de ce document pourrait porter préjudice au traitement de l’examen de cette plainte en compromettant ce dialogue.

En outre, étant donné que la prénotification couvrant le projet de Schott Glas contient une description détaillée du projet, donner accès à ce document risquerait de porter gravement atteinte aux intérêts commerciaux de cette société. Cet intérêt est expressément protégé par une exception au droit d’accès, prévue à l’article 4 [, paragraphe 2,] du règlement précité.

Par ailleurs, nous avons examiné la possibilité de rendre accessibles les parties des documents sollicités non couvertes par les exceptions. Il s’est cependant avéré que ces documents ne [pouvaient] être scindés en parties confidentielles et parties non confidentielles.

Par ailleurs, il n’y a pas d’intérêt public supérieur qui, en l’espèce, justifierait la divulgation des documents en question […] »

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 août 2002, la requérante a introduit le présent recours. Par acte séparé daté du même jour, la requérante a, sur le fondement de l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal, formé une demande de procédure accélérée, laquelle a été rejetée par décision du 12 septembre 2002.

14      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 octobre 2002, la société Schott Glas a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la défenderesse. Par ordonnance du 16 janvier 2003, le président de la quatrième chambre du Tribunal a admis cette intervention. Schott Glas a déposé son mémoire en intervention le 19 février 2003.

15      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 8 et le 15 novembre 2002, le Royaume de Suède et la République de Finlande ont demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la requérante. Par ordonnances du 16 janvier 2003, le président de la quatrième chambre du Tribunal a admis ces interventions. Le Royaume de Suède a déposé son mémoire en intervention le 3 mars 2003. La République de Finlande a renoncé à déposer un mémoire en intervention.

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 décembre 2002, la requérante a formé un recours visant à obtenir l’annulation de la décision C (2002) 2147 final de la Commission, adoptée le 2 octobre 2002 à l’issue de la procédure formelle d’examen C 44/2001, relative à l’aide d’État accordée par la République fédérale d’Allemagne en faveur de la requérante (affaire T‑378/02). Dans cette décision, la Commission a considéré que le prêt de la TAB et la mesure de réaménagement de la garantie bancaire constituaient des aides d’État incompatibles avec le marché commun (voir point 2 ci-dessus).

17      Par arrêt du 8 juillet 2004, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission (T‑198/01, Rec. p. II‑2717), le Tribunal (cinquième chambre élargie) a rejeté le recours de la requérante dans l’affaire T‑198/01.

18      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée à compter du 13 septembre 2004, le juge rapporteur a été affecté, en qualité de président, à la cinquième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

19      Le 14 décembre 2004, le Tribunal a invité la requérante à formuler des observations quant à l’objet du litige dans la présente procédure eu égard, notamment, à l’obtention par celle-ci, dans le cadre des instances concernant les affaires T‑198/01 et T‑378/02, de différents documents afférents aux procédures d’examen des aides C 19/2000 et C 44/2001.

20      Dans sa réponse reçue au greffe du Tribunal le 20 janvier 2005, la requérante a confirmé avoir eu accès, dans le cadre des instances T‑198/01 et T‑378/02, à certains documents afférents aux procédures d’aides susmentionnées et provenant de la République fédérale d’Allemagne et de Schott Glas, dont les observations de cette dernière, datées du 23 janvier 2001 et afférentes à la procédure formelle d’examen C 19/2000. La requérante a précisé, toutefois, être convaincue de ne pas avoir connaissance de l’ensemble des documents en possession de la défenderesse et relatifs à ces procédures. Son intérêt à obtenir l’accès auxdits documents serait inchangé.

21      Par lettre reçue au greffe du Tribunal le 13 avril 2005 et sur invitation du Tribunal, la Commission a précisé qu’il existait encore des documents, en sa possession, dont l’accès avait été refusé à la requérante et qui ne lui avaient pas été communiqués dans le cadre des affaires T‑198/01 et T‑378/02.

22      Dans l’intervalle et par ordonnance du 3 mars 2005, le président de la quatrième chambre élargie a suspendu la procédure dans l’affaire T‑378/02 jusqu’au prononcé de l’arrêt de la Cour dans l’affaire C‑404/04 P ayant pour objet le pourvoi introduit par la requérante contre l’arrêt Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, point 17 supra.

23      Par lettre reçue au greffe du Tribunal le 31 mai 2006 et sur invitation du Tribunal, la Commission a produit aux débats la liste complète des documents composant le dossier administratif relatif aux procédures d’examen des aides octroyées à la requérante.

24      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 15 juin 2006. La Commission a, ainsi, été invitée à présenter ses observations sur les conséquences, dans le cadre de la présente affaire, de l’arrêt du Tribunal du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission (T‑2/03, Rec. p. II‑1121, ci-après l’« arrêt VKI »).

 Conclusions des parties

25      La requérante, soutenue par le Royaume de Suède et par la République de Finlande, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la Décision, sauf en ce qu’elle porte refus d’accès aux documents directement liés à la procédure en cours d’examen des aides concernant Schott Glas ;

–        condamner la Commission aux dépens.

26      La Commission, soutenue par Schott Glas, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant dénué de fondement ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’application du règlement n° 1049/2001

 Arguments des parties

27      La requérante fait valoir que le droit d’accès aux documents en possession de la Commission, défini par l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, n’est pas un droit dérivé ordinaire mais a, au contraire, au vu du « principe démocratique », un caractère de droit fondamental dont les dérogations doivent être interprétées de manière restrictive.

28      Elle indique que la question de la détermination de ses droits au titre du règlement n° 1049/2001 doit être distinguée de celle relative aux droits des « parties » dans le cadre d’une procédure d’aides d’État. Selon la requérante, le fait que la jurisprudence ne lui reconnaît pas, en tant que partie concernée par la procédure d’examen des aides, un droit de consultation originaire du dossier ne saurait affecter ses droits en tant que citoyen de l’Union.

29      Le Royaume de Suède soutient que le règlement n° 1049/2001 constitue l’instrument d’application générale destiné à sauvegarder le droit du public à s’informer des activités de l’Union. Il résulterait de la définition claire et précise des bénéficiaires du droit d’accès, mentionnée à l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, que la requérante en ferait incontestablement partie et qu’elle pourrait légitimement prétendre à ce que sa demande soit examinée conformément aux dispositions dudit règlement.

30      La Commission affirme que l’accès au dossier administratif par le bénéficiaire de l’aide, d’une part, et l’accès aux documents en vertu du règlement n° 1049/2001, d’autre part, sont deux choses totalement distinctes. Il résulterait des écrits de la requérante que cette dernière n’a eu recours audit règlement que pour contourner les règles de procédure en matière d’aides d’État et compenser une absence de droits procéduraux. En effet, le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1), ne prévoirait aucun droit d’accès aux documents et aux dossiers et la jurisprudence considérerait que les droits procéduraux des bénéficiaires des aides seraient respectés lorsque ceux-ci ont été invités à déposer des observations dans le cadre de la procédure administrative (arrêt de la Cour du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, Rec. p. I‑7869, et arrêt du Tribunal du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑127/99, T‑129/99 et T‑148/99, Rec. p. II‑1275), ce qui aurait été le cas de la requérante en l’espèce.

31      Schott Glas fait valoir que la requérante veut utiliser le règlement n° 1049/2001 comme un instrument de prise de connaissance de données internes à son entreprise et contourner la jurisprudence constante des juridictions communautaires sur les droits des parties à obtenir un accès au dossier dans les procédures administratives de la Commission. Il s’agirait d’une démarche clairement contraire à l’objectif politique du règlement n° 1049/2001, à savoir de donner au citoyen de la Communauté un regard aussi complet que possible sur les processus décisionnels des organes communautaires. Schott Glas ajoute que le règlement n° 1049/2001 n’existait pas au moment de la procédure formelle d’examen C 58/91 (NN 144/91) relative à la privatisation de l’entreprise Jenaer Glaswerk et qu’elle ne pouvait pas, par conséquent, s’attendre à ce qu’un concurrent puisse, plus tard, vouloir l’accès aux documents afférents à cette procédure.

32      Elle indique que les dispositions du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1), concernant l’accès au dossier montrent que ce règlement est la lex specialis par rapport au règlement n° 1049/2001. S’il en était autrement, les parties à la procédure et les autres tiers pourraient contourner les limites du droit d’accès au dossier fixées par l’article 27 du règlement n° 1/2003 en invoquant simplement le règlement n° 1049/2001. Il en irait de même pour la procédure d’aide d’État, dans laquelle les limites à la participation des tiers découlent, d’une part, du règlement n° 659/1999 et, d’autre part, de la jurisprudence.

33      Il ressortirait, par ailleurs, du règlement n° 1049/2001 que l’« accès au dossier » et l’« accès à un document » ne sont pas des concepts équivalents et que le droit d’accès au document supposerait une demande décrivant le document souhaité de telle sorte qu’il puisse être identifié. Ce règlement ne créerait pas de droit au profit des citoyens leur permettant de consulter les dossiers de l’organe concerné pour y trouver des documents éventuellement intéressants pour eux, conclusion qui s’imposerait d’autant plus que les demandes d’accès aux documents n’ont pas à être motivées. Or, en l’espèce, la requérante se serait contentée de réclamer de manière lapidaire l’accès à « tous les documents » concernant la prétendue procédure d’aide d’État citée, ce qui ne serait pas étonnant, car la requérante admettrait elle-même qu’elle recherche des documents inconnus jusqu’à présent.

34      Schott Glas conclut que la requérante invoque à tort le règlement n° 1049/2001 et que sa demande d’accès, quel que soit l’objet de celle-ci, doit être appréciée en vertu non des dispositions dudit règlement mais des règles sur l’octroi de l’accès au dossier dans les procédures d’aides.

 Appréciation du Tribunal

35      Il est constant que la requérante a présenté une demande d’accès à des documents fondée sur le règlement n° 1049/2001 et que la Commission a, dans la Décision, refusé l’accès aux documents sollicités en se référant expressément à l’article 4, paragraphe 2, dudit règlement qui prévoit les exceptions au droit d’accès, tirées de la protection des objectifs des activités d’inspection et d’enquête, d’une part, et des intérêts commerciaux d’une personne morale, d’autre part.

36      Interrogée lors de l’audience sur le sens de son argumentation selon laquelle « la demande de la requérante ne semble […] pas relever du champ de protection du règlement n° 1049/2001 », auquel l’intéressée n’aurait eu recours que pour contourner les règles de procédure en matière d’aides d’État, la Commission a clairement indiqué que cet acte était pleinement applicable en l’espèce, mais que l’exception mentionnée à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 lui permettait de refuser l’accès à des documents afférents à des procédures d’aides en cours, à l’instar de ceux sollicités par la requérante.

37      La question soulevée par le présent litige est donc de savoir si la Commission a correctement appliqué l’exception au droit d’accès prévue à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001.

38      Or, dans son mémoire en intervention, Schott Glas fait valoir, en substance, que le règlement nº 1049/2001 s’applique uniquement aux documents produits lors du processus législatif communautaire, que la demande d’accès aurait dû être appréciée en vertu non des dispositions dudit règlement mais des règles sur l’octroi de l’accès au dossier dans les procédures d’aides et, enfin, que ledit règlement ne saurait s’appliquer aux documents qui sont entrés en possession des institutions avant son entrée en application, soit le 3 décembre 2001. Cette argumentation vise ainsi à démontrer soit que le règlement n° 1049/2001 n’était pas applicable en l’espèce, soit qu’il constitue, pour la Décision, une base juridique illégale.

39      En conséquence, à supposer que cette argumentation puisse être accueillie par le Tribunal, elle permettrait de constater que la Décision est illégale. Or, il convient de rappeler que Schott Glas a été admise à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission, laquelle conclut au rejet du recours en annulation.

40      Selon l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53 dudit statut, les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties. En outre, selon l’article 116, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, l’intervenant accepte le litige dans l’état où il se trouve lors de son intervention. Or, si ces dispositions ne s’opposent pas à ce que l’intervenant fasse état d’arguments différents de ceux de la partie qu’il soutient, c’est néanmoins à la condition qu’ils ne modifient pas le cadre du litige et que l’intervention vise toujours au soutien des conclusions présentées par cette dernière (voir arrêt VKI, point 24 supra, point 52, et la jurisprudence citée).

41      En l’espèce, dès lors que, d’une part, à la supposer fondée, l’argumentation de Schott Glass permettrait de constater l’illégalité de la Décision et que, d’autre part, les conclusions de la Commission visent au rejet du recours en annulation et ne sont pas soutenues par des moyens visant à faire constater l’illégalité de la Décision, il apparaît que l’examen de ladite argumentation aurait pour effet de modifier le cadre du litige tel qu’il a été défini dans la requête et le mémoire en défense. Cette argumentation doit donc être rejetée comme irrecevable (voir, en ce sens, arrêt VKI, point 24 supra, points 53 et 54).

 Sur l’objet du litige

 Arguments des parties

42      La requérante souligne qu’elle a réclamé l’accès aux documents afférents à « toutes » les procédures d’aides la concernant, à savoir les procédures C 19/2000 et C 44/2001, et à celles concernant Schott Glas, y compris la procédure relative à la privatisation de celle-ci.

43      La Décision comporterait, ainsi, un refus d’accès à quatre groupes de documents distincts, relatifs à :

–        la procédure d’aide close C 19/2000 ;

–        la procédure d’aide en cours C 44/2001 ;

–        la ou les procédures d’aide closes dans le cadre de la privatisation de Jenaer Schott Glas ;

–        la procédure d’aide en cours relative au nouvel investissement de Schott Glas dans le Land de Thuringe.

44      La requérante indique que, si la Décision devait être interprétée en ce sens qu’elle ne concerne que les documents relatifs à la procédure en cours C 44/2001 et ceux afférents à la procédure d’examen des aides en cours visant Schott Glas, l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 doit trouver à s’appliquer. Ainsi, l’absence de réponse de la Commission à l’égard de la demande d’accès aux autres documents sollicités équivaudrait à une décision de rejet attaquable. La requérante précise également que le présent recours vise à l’annulation des refus d’accès concernant uniquement les trois premiers groupes de documents mentionnés au point précédent.

45      Elle conteste l’argumentation de la Commission selon laquelle la demande d’accès aux documents relatifs aux aides d’État octroyées à l’entreprise « Schott Glas Jena » était formulée de manière trop imprécise et qu’elle ne pouvait donc pas couvrir les documents concernant l’octroi des aides d’État dans le cadre de la privatisation de Jenaer Glaswerke en 1992. Selon la requérante, il devait être évident pour la Commission que la demande d’accès s’étendait aussi auxdits documents, et ce même si la procédure d’aides en cause n’avait pas été conduite sous le titre « Schott Glas Jena ». En attesterait le fait que la Commission n’a, du moins dans son mémoire en défense, pas eu de difficulté à identifier la procédure en cause.

46      La Commission affirme qu’elle n’a en sa possession aucun document relatif aux aides d’État accordées à la société « Schott Glas, Jena », dénomination expressément utilisée dans les demandes d’accès, mais qu’elle dispose d’un dossier relatif à la procédure d’examen des aides octroyées à Schott Lithotec AG. Elle indique avoir supposé que la requérante avait donné à cette dernière entreprise le nom de « Schott Glas » et qu’elle a donc rejeté la demande d’accès compte tenu de la procédure d’aide en cours concernant Schott Lithotec AG. Ces considérations seraient, au demeurant, dénuées de pertinence au regard de la définition de l’objet du litige donnée dans la requête.

47      La défenderesse prétend également qu’elle n’a pas de dossier concernant une procédure d’aide close « dans le cadre de la privatisation de la Jenaer Schott Glas », selon la formulation utilisée dans la requête, étant précisé que l’entreprise Schott Glas appartient au secteur privé depuis 50 ans et qu’elle n’a donc pas été privatisée. Elle fait observer que Schott Glas a participé à la privatisation de l’entreprise Jenaer Glaswerk en acquérant une partie du capital de celle-ci pour 1 mark allemand, opération qui n’a pas été considérée comme comportant un élément d’aide à l’issue de la procédure formelle d’examen C 58/91 (NN 144/91) engagée en janvier 1992.

48      Le fait que la requérante entendait également demander l’accès au dossier de la procédure susvisée n’aurait même pas été évoqué dans la demande d’accès et apparaîtrait pour la première fois dans la requête. Dans ces conditions, ce serait à bon droit que la Commission aurait considéré que la demande de la requérante avait seulement pour objet l’accès au dossier de la procédure d’examen relative aux aides accordées à Schott Lithotec AG.

 Appréciation du Tribunal

49      Il résulte de la lecture combinée de la Décision et des écrits de la défenderesse que cette dernière a, en premier lieu, refusé l’accès aux documents concernant les aides d’État octroyées à la requérante, lesdits documents étant ceux relatifs aux procédures référencées C 19/2000 et C 44/2001. La Commission indique, en effet, qu’il lui était impossible de traiter séparément les documents des deux procédures, ces dernières concernant les mêmes mesures de restructuration et reposant sur les mêmes documents.

50      La Commission a, en second lieu, considéré que la demande d’accès à « tous les documents dans les dossiers de la Commission concernant les aides d’état au profit de l’entreprise Schott Glas, Jena » couvrait une « prénotification sous l’encadrement multisectoriel pour des nouveaux projets importants d’investissement de Schott Glas dans l’est de l’Allemagne ». Elle a rejeté cette demande en se fondant sur les exceptions au droit d’accès prévues à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, relatives, l’une, à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquêtes et d’audit, l’autre, à la protection des intérêts commerciaux d’une personne morale.

51      Dans sa requête, la requérante a indiqué que sa demande d’accès concernant Schott Glas avait une double signification, dans la mesure où elle visait les documents relatifs à :

a)      la ou les procédures d’aide closes dans le cadre de la privatisation de Jenaer Schott Glas ;

b)      la procédure d’aide en cours relative au nouvel investissement de Schott Glas dans le Land de Thuringe.

52      Elle a également affirmé que le présent recours ne visait pas à l’annulation du refus d’accès aux documents visés au point précédent, sous b), et que si la Décision devait être interprétée en ce sens qu’elle concernait seulement ces derniers documents et non ceux mentionnés sous a), l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 devrait trouver à s’appliquer. Ainsi, l’absence de réponse de la Commission à l’égard de la demande d’accès aux documents mentionnés au point précédent, sous a), équivaudrait à un refus implicite d’accès, susceptible de recours devant le Tribunal.

53      Il est constant que la Commission a adopté une décision explicite de rejet de la demande confirmative d’accès aux documents concernant Schott Glas, à tout le moins, telle qu’elle l’a comprise au regard de son libellé, c’est-à-dire comme une demande d’accès aux documents visés ci-dessus, au point 51, sous b).

54      S’agissant de l’existence d’un refus implicite d’accès aux documents mentionnés ci-dessus, au point 51, sous a), il convient de déterminer si la Commission pouvait raisonnablement comprendre la double signification de la demande confirmative d’accès aux documents concernant Schott Glas, telle que rappelée au point 51 ci-dessus. Il ne saurait, en effet, être considéré que le silence de l’administration constitue une décision de rejet que si ladite administration était bien en mesure de se prononcer utilement et, donc, de comprendre ce qui lui était demandé.

55      Force est de constater, en l’espèce, que tant la demande initiale que la demande confirmative d’accès sont rédigées en des termes généraux et qu’il n’y est aucunement fait référence à l’entreprise Jenaer Glaswerke, à la privatisation de celle-ci ou à une période donnée.

56      Ce n’est que dans la requête que la requérante a, pour la première fois, évoqué une demande d’accès à des documents afférents à une procédure d’aides concernant la « privatisation de Schott Glas » ou de « la Jenaer Schott Glas ». Tout en affirmant qu’il devait être « évident » pour la Commission que la demande d’accès portait aussi sur les documents concernant l’octroi des aides d’État dans le cadre de la privatisation de Jenaer Glaswerke en 1992, la requérante a, dans sa réponse à une interrogation du Tribunal sur l’objet du présent litige, admis l’insuffisance de précision de sa demande en reprenant à son compte l’argumentation du Royaume de Suède sur la violation par la Commission de son devoir d’assistance, au titre de l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001.

57      Il ressort, en outre, du mémoire en défense que la Commission a dû se livrer à une interprétation de la demande afin de lui donner le sens correspondant effectivement mais partiellement seulement aux attentes de la requérante. La défenderesse indique ainsi que la requérante « n’a pas précisé ce qu’elle entend[ait] par ‘tous les documents dans les dossiers de la Commission concernant les aides d’état au profit de l’entreprise Schott Glas, Jena’ » et avoir « supposé » que la requérante avait employé par erreur le nom de « Schott Glas » alors que la dénomination de l’entreprise ayant bénéficié des aides, objet de la procédure formelle d’examen en cours au moment de l’adoption de la Décision, était « Schott Lithotec AG ».

58      Il y a lieu de conclure que la formulation de la demande d’accès de la requérante n’était pas de nature à permettre à la Commission d’en comprendre la double signification et qu’il ne saurait, par conséquent, être considéré que la Commission a implicitement refusé l’accès aux documents visés ci-dessus, au point 51, sous a).

59      Il résulte des considérations qui précèdent que la Commission a, dans la Décision, refusé l’accès aux documents afférents, d’une part, aux procédures d’examen des aides octroyées à la requérante et, d’autre part, à la procédure en cours d’examen d’aides concernant « le nouvel investissement de Schott Glas dans le Land de Thuringe », étant rappelé que cette seconde partie de la Décision ne fait pas l’objet du recours en annulation introduit par la requérante.

60      Dans ces circonstances, le recours, pour autant qu’il vise à l’annulation d’un prétendu refus implicite d’accès aux documents concernant « la procédure d’aide close dans le cadre de la privatisation de la Jenaer Schott Glas », est irrecevable.

 Sur la violation de l’article 4 du règlement n° 1049/2001 concernant l’exception au droit d’accès tirée de la protection des objectifs d’inspection, d’enquête et d’audit

61      À l’appui du moyen d’annulation susvisé, la requérante, soutenue par le Royaume de Suède, soulève plusieurs griefs. Premièrement, la Commission aurait refusé l’accès aux documents sollicités sans procéder à un examen concret de chacun de ceux-ci. Deuxièmement, la défenderesse se serait fondée, à tort, sur les solutions jurisprudentielles relatives au refus d’accès aux documents concernant les procédures en manquement contre un État membre, lesquelles ne sont pas comparables aux procédures d’examen des aides. Troisièmement, la Commission aurait méconnu le droit à un accès partiel. Quatrièmement, la mise en balance des intérêts prévue à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 aurait dû conduire à la divulgation des documents requis.

62      Le Tribunal estime qu’il convient d’analyser, tout d’abord, le grief tiré de l’absence d’examen concret et individuel des documents visés dans la demande d’accès.

 Arguments des parties

63      La requérante fait valoir que la motivation de la Décision montre que, selon la Commission, on ne peut jamais accorder, en raison de leur nature, l’accès aux documents qui concernent des procédures d’aide en cours. La requérante affirme que la défenderesse a donc refusé l’accès aux documents sollicités indépendamment de la procédure d’aide en cause et des documents concernés.

64      Or, il résulterait tant du libellé de l’article 4 du règlement n° 1049/2001 que de la jurisprudence que la Commission doit, au contraire, examiner concrètement dans chaque cas individuel si l’accès au document en question serait effectivement de nature à porter atteinte à la procédure d’enquête. La requérante rappelle que « la circonstance que le document en cause concerne une activité d’inspection ne saurait, à elle seule, suffire à justifier l’application de l’exception invoquée » (arrêt du Tribunal du 13 septembre 2000, Denkavit Nederland/Commission, T‑20/99, Rec. p. II‑3011, point 45).

65      La Commission n’aurait pas davantage démontré que l’accès aux documents aurait pu entraver la procédure d’aide concernant la requérante, déjà close au moment de la demande d’accès. Cette preuve serait, au demeurant, impossible à rapporter selon la requérante. Cette dernière rappelle que l’article 4, paragraphe 7, du règlement n° 1049/2001 dispose expressément que les exceptions du paragraphe 2 ne s’appliquent que pour la période durant laquelle l’objectif de protection est justifié. S’agissant des activités d’inspection et d’enquête, il découlerait de leur nature même qu’aucune justification d’un refus d’accès ne pourrait plus entrer en ligne de compte une fois l’enquête en cause achevée.

66      La requérante fait observer que la Commission a rejeté un accès partiel en fondant ce rejet sur une motivation générale selon laquelle « l’on ne peut pas séparer les documents entre parties confidentielles et parties non confidentielles », partant du principe que tous les documents relatifs à la procédure d’aide sont uniquement échangés entre la Commission et l’État membre et que personne d’autre ne devrait y avoir accès, même après la fin de la procédure.

67      Le Royaume de Suède soutient qu’il résulte de la Décision et de la position adoptée par la défenderesse dans le cadre de la présente instance que la Commission ne s’est pas livrée à une appréciation concrète des informations contenues dans les documents auxquels l’accès était demandé. Or, la Cour et le Tribunal auraient précisé à plusieurs reprises, sous l’empire de la précédente réglementation, que tout examen d’une demande de divulgation devrait porter sur l’information que contient le document demandé, principe encore applicable dans le cadre du règlement n° 1049/2001. À défaut d’un tel examen, il serait impossible de déterminer s’il existe des intérêts à protéger justifiant que le document soit maintenu secret ou d’effectuer la balance des intérêts mentionnée à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001. L’appréciation in concreto serait également indispensable pour déterminer la possibilité d’un accès partiel. Cette conclusion s’imposerait quelle que soit l’exception applicable.

68      La Commission soutient que la thèse exprimée dans l’arrêt du Tribunal du 11 décembre 2001, Petrie e.a./Commission (T‑191/99, Rec. p. II‑3677), sur laquelle est fondée la Décision, est applicable sans restrictions aux procédures d’examen des aides, lesquelles sont, sans aucun doute, des activités « d’enquête » au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001.

69      Elle indique que, comme dans les procédures en manquement, il faut qu’il y ait, dans les procédures d’examen des aides, une coopération sincère et loyale entre la Commission et l’État membre, ce qui exclurait que des tiers aient accès aux documents afférents à ces procédures avant que celles-ci n’aient été conclues. Tant que la procédure d’examen des aides n’est pas close, on ne saurait, selon elle, accorder au public un droit d’accès aux documents, alors que les parties intéressées dans le cadre de cette procédure, qui ne sauraient se prévaloir de droits de la défense, ne bénéficient pas d’un tel droit.

70      Elle affirme que la demande d’accès de la requérante porte sur des documents afférents à une procédure d’examen d’aides en cours. La Commission aurait adopté deux décisions concernant les deux parties d’un projet de restructuration global, présenté comme tel par la requérante elle-même dans ses écritures. La défenderesse indique que la procédure d’aide en cours C 44/2001 concerne les mêmes mesures de restructuration et se fonde sur les mêmes documents que la procédure d’aide C 19/2000 et conclut qu’il y avait lieu, dès lors, de traiter ensemble les demandes d’accès au dossier concernant les deux procédures en cause.

71      La Commission fait valoir que le présent litige est différent de celui ayant donné lieu à l’arrêt VKI, point 24 supra, lequel concernait un refus d’accès à des documents afférents à une procédure déjà close en matière d’entente. En l’espèce, s’agissant d’une demande d’accès à des documents relatifs à une procédure en cours d’examen d’aides d’État, les principes dégagés par l’arrêt Petrie e.a./Commission, point 68 supra, permettaient, selon elle, une réponse globale et il n’était donc pas nécessaire d’analyser concrètement et individuellement les documents visés dans ladite demande.

72      Schott Glas fait observer que, au moment de la présentation par la requérante de la demande d’accès aux documents afférents aux deux affaires d’aides la concernant, la procédure C 44/2001 était encore en cours. Or, le lien matériel étroit entre les deux procédures d’aides C 19/2000 et C 44/2001 aurait été souligné de manière répétée par la requérante elle-même. Schott Glas en conclut que la requérante a demandé l’accès à des documents alors qu’il y avait des activités d’enquête en cours dans une procédure dans laquelle la Commission n’avait pas encore pris de décision.

73      Elle estime que la Commission devait interpréter, en l’espèce, les exceptions du règlement n° 1049/2001 conformément aux principes constants sur les droits de participation des tiers dans les procédures d’aide et qu’elle a donc considéré, à bon droit, que la diffusion des documents souhaités par la requérante aurait sérieusement porté atteinte au but des activités d’enquête (article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001) et au processus décisionnel de la Commission dans l’affaire C 44/2001 (article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001).

 Appréciation du Tribunal

74      Il résulte des articles 2, 4 et 6 à 8 du règlement n° 1049/2001 que l’institution saisie d’une demande d’accès à des documents fondée sur ce règlement a l’obligation d’examiner et de répondre à cette demande et, en particulier, de déterminer si l’une des exceptions visées à l’article 4 dudit règlement est applicable aux documents en cause (arrêt VKI, point 24 supra, points 67 et 68).

75      En l’espèce, la Commission a refusé de communiquer des documents afférents à des procédures d’examen d’aides d’État octroyées à la requérante, et ce en invoquant l’exception au droit d’accès prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, tirée de la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit.

76      Il convient de relever que, comme l’indique la Commission sans être contredite par la requérante et le Royaume de Suède, les documents visés dans la demande d’accès ont effectivement trait à une activité « d’enquête », au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001.

77      Toutefois, la seule circonstance qu’un document concerne un intérêt protégé par une exception ne saurait suffire à justifier l’application de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt Denkavit Nederland/Commission, point 64 supra, point 45). Une telle application ne saurait, en principe, être justifiée que dans l’hypothèse où l’institution a préalablement apprécié, premièrement, si l’accès au document porterait concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé et, deuxièmement, dans les hypothèses visées à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001, s’il n’existait pas un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document visé. De plus, le risque d’atteinte à un intérêt protégé doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 février 2002, Kuijer/Conseil, T‑211/00, Rec. p. II‑485, point 56). Par conséquent, l’examen auquel doit, en principe, procéder l’institution afin d’appliquer une exception doit être effectué de façon concrète et doit ressortir des motifs de la décision (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 19 juillet 1999, Hautala/Conseil, T‑14/98, Rec. p. II‑2489, point 67 ; du 6 avril 2000, Kuijer/Conseil, T‑188/98, Rec. p. II‑1959, point 38, et VKI, point 24 supra, points 69 et 74).

78      En outre, il résulte du règlement n° 1049/2001 que toutes les exceptions mentionnées aux paragraphes 1 à 3 de son article 4 sont énoncées comme devant s’appliquer « à un document ». Cet examen concret doit donc être réalisé pour chaque document visé dans la demande (arrêt VKI, point 24 supra, point 70).

79      Il importe encore de souligner que seul un examen concret et individuel, par opposition à un examen abstrait et global, peut permettre à l’institution d’apprécier la possibilité d’accorder un accès partiel au demandeur, conformément à l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001 (arrêt VKI, point 24 supra, points 73 et 75), et que, s’agissant de l’application ratione temporis des exceptions au droit d’accès, l’article 4, paragraphe 7, du règlement n° 1049/2001 prévoit que les exceptions visées aux paragraphes 1 à 3 dudit règlement s’appliquent uniquement au cours de la période durant laquelle la protection se justifie eu égard « au contenu du document ».

80      En l’espèce, il ne ressort pas des motifs de la Décision que la Commission a procédé à une appréciation concrète et individuelle du contenu des documents visés dans la demande d’accès. La Commission n’a, d’ailleurs, pas prétendu, ni dans son mémoire en défense, ni dans ses observations du 13 avril 2005, ni lors de l’audience, avoir effectué un tel examen. Le libellé de la Décision révèle que la défenderesse a fondé celle-ci non par rapport aux éléments d’information que comportent les documents en cause, mais sur une analyse générale par catégorie de documents, en distinguant, d’une part, la correspondance échangée avec l’État membre concerné et, d’autre part, les observations déposées par les parties intéressées dans le cadre de la procédure formelle d’examen.

81      Il ne ressort pas davantage de la Décision que la Commission a vérifié concrètement que chaque document visé dans la demande était bien compris dans l’une des deux catégories identifiées.

82      C’est même une conclusion inverse qui peut être tirée de la mesure d’organisation de la procédure ayant eu pour objet d’inviter la Commission à communiquer au Tribunal la liste complète des documents composant le dossier administratif relatif aux procédures d’examen des aides octroyées à la requérante.

83      L’examen de cette liste montre, en effet, que plusieurs documents détenus par la Commission lors de l’adoption de la Décision ne relèvent ni de la correspondance échangée avec l’État membre concerné ni des observations des parties intéressées, à savoir :

–        la lettre de la Commission du 28 décembre 2000 par laquelle elle a invité Schott Glas à répondre à une série de questions dans le cadre de la procédure formelle d’examen C 19/2000 (document 39) ;

–        les mémorandums de la DG « Concurrence » sollicitant des différents services de la Commission des informations ou des avis sur les projets de décision établis par elle (documents 3, 18, 45 et 54) et les réponses de ces services (documents 4, 19, 20, 46 à 49) ;

–        les mémorandums de la DG « Concurrence » destinés au membre de la Commission responsable (documents 12, 17, 44 et 79) ;

–        les notes internes de la DG « Concurrence » sur l’état du dossier (documents 8, 13, 33 et 36).

84      Interrogée lors de l’audience sur le non-respect de l’obligation de procéder à un examen concret et individuel des documents visés dans la demande d’accès de la requérante, la Commission a souligné, dans sa réponse, la différence de situation factuelle entre le présent litige et l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt VKI, point 24 supra. Selon la défenderesse, dans les hypothèses où, comme en l’espèce, la demande d’accès concerne des documents afférents à une procédure de contrôle des aides en cours, l’examen concret et individuel n’est pas nécessaire et une réponse générale de confidentialité desdits documents doit être fournie dans le cadre de l’application de l’exception au droit d’accès tirée de la protection des activités d’enquête.

85      Il convient de relever que l’obligation pour une institution de procéder à une appréciation concrète et individuelle du contenu des documents visés dans la demande d’accès constitue une solution de principe (arrêt VKI, point 24 supra, point 75), qui s’applique à toutes les exceptions mentionnées aux paragraphes 1 à 3 de l’article 4 du règlement n° 1049/2001, quel que soit le domaine auquel se rattache les documents sollicités, qu’il s’agisse, notamment, de celui des ententes comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt VKI, point 24 supra, ou de celui du contrôle des aides publiques.

86      Reste que ledit examen peut ne pas être nécessaire lorsque, en raison des circonstances particulières de l’espèce, il est manifeste que l’accès doit être refusé ou bien au contraire accordé. Tel pourrait être le cas, notamment, si certains documents soit, tout d’abord, étaient manifestement couverts dans leur intégralité par une exception au droit d’accès, soit, à l’inverse, étaient manifestement accessibles dans leur intégralité, soit, enfin, avaient déjà fait l’objet d’une appréciation concrète et individuelle par la Commission dans des circonstances similaires (arrêt VKI, point 24 supra, point 75).

87      Il convient donc d’examiner si la demande de la requérante portait sur des documents pour lesquels, en raison des circonstances de l’espèce, il n’était pas nécessaire de procéder à un tel examen concret et individuel.

88      Dans la Décision, la Commission a justifié l’application de l’exception tirée de la protection des objectifs des activités d’inspection et d’enquête en faisant valoir que, dans le cadre d’enquêtes en cours concernant la compatibilité entre une aide d’État et le marché unique, une coopération loyale et une confiance mutuelle entre la Commission, l’État membre et les entreprises concernées sont indispensables afin de permettre aux différentes « parties » de s’exprimer librement et que la divulgation de documents afférents à ces enquêtes « pourrait porter préjudice au traitement de l’examen de [la] plainte en compromettant ce dialogue ».

89      Le Tribunal considère qu’une appréciation aussi générale, s’appliquant à l’ensemble du dossier administratif relatif aux procédures d’examen des aides octroyées à la requérante, ne démontre pas l’existence de circonstances particulières de l’espèce permettant de considérer qu’il n’était pas nécessaire de procéder à un examen concret et individuel des documents qui le composaient. En particulier, elle n’établit pas que ces documents étaient manifestement couverts dans leur intégralité par une exception au droit d’accès.

90      Ainsi qu’il a été indiqué au point 81 ci-dessus, il ne ressort pas de la Décision que la Commission a vérifié concrètement que chaque document visé dans la demande était bien compris dans l’une des deux catégories identifiées. Il résulte, au contraire, de la mesure d’organisation de la procédure visée au point 82 ci-dessus que plusieurs documents détenus par la Commission n’entrent pas dans l’une de ces catégories et, par conséquent, que la division de ces documents en deux catégories n’est pas exacte. Or, ce constat d’une catégorisation inexacte empêche, en tout état de cause, de considérer que la totalité des documents visés dans la demande est clairement couverte par l’exception invoquée dans la Décision (voir, en ce sens, arrêt VKI, point 24 supra, point 83).

91      Il convient également de relever, à titre surabondant, que les considérations exposées par la Commission dans la Décision, comme d’ailleurs dans son mémoire en défense, restent vagues et générales. En l’absence d’examen individuel, c’est-à-dire document par document, elles ne permettent pas de considérer avec suffisamment de certitude et de façon circonstanciée que l’argumentation de la Commission, à la supposer fondée dans son principe, est applicable à l’ensemble des documents du dossier administratif relatif aux procédures d’examen des aides octroyées à la requérante. Les craintes exprimées par la Commission restent à l’état de simples affirmations et sont, par conséquent, exagérément hypothétiques (arrêt VKI, point 24 supra, point 84).

92      Il peut, à cet égard, paraître pour le moins paradoxal d’évoquer la nécessité d’un dialogue franc et direct entre la Commission, l’État membre et les « entreprises concernées », dans le cadre d’un climat de coopération loyale et de confiance mutuelle, pour refuser précisément à l’une des « parties » concernées la prise de connaissance de tout élément d’information touchant directement à l’objet même des discussions.

93      En outre, s’agissant de l’application ratione temporis de l’exception invoquée, la Commission fait référence à des documents concernant des « enquêtes en cours », formulation à caractère général qui ne permet pas de conclure avec suffisamment de certitude que tous les documents visés dans la demande d’accès étaient encore, le jour de l’adoption de la Décision, susceptibles d’être couverts par ladite exception, étant rappelé que, à la date du 28 mai 2002, la procédure d’aide C 19/2000 était close.

94      Il convient encore de relever que, à titre exceptionnel et uniquement lorsque la charge administrative provoquée par l’examen concret et individuel des documents se révélerait particulièrement lourde, dépassant ainsi les limites de ce qui peut être raisonnablement exigé, une dérogation à l’obligation d’examen peut être admise (arrêt VKI, point 24 supra, point 112).

95      En l’espèce, il est constant que la Commission n’a pas invoqué, ni dans la Décision, ni dans ses écritures, ni lors de l’audience, une surcharge de travail liée à l’examen de la demande d’accès de la requérante.

96      Dans ces circonstances, l’argumentation de Schott Glas, selon laquelle on ne pouvait pas sérieusement attendre de la Commission qu’elle fournisse l’« effort administratif très élevé » qu’impliquerait l’examen de tout un dossier de procédure d’aide d’État afin d’opérer une distinction entre les informations confidentielles et les informations non confidentielles, dans la mesure où la requérante n’aurait pas de droit digne de protection à pouvoir consulter les documents en cause, doit être déclarée irrecevable.

97      Il y a lieu de rappeler, en effet, que l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour et l’article 116, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal confèrent à l’intervenant le droit d’exposer de manière autonome non seulement des arguments, mais aussi des moyens, pour autant que ceux-ci viennent au soutien des conclusions d’une des parties principales et ne soient pas d’une nature totalement étrangère aux considérations qui fondent le litige tel qu’il a été constitué entre la partie requérante et la partie défenderesse, ce qui aboutirait à en altérer l’objet (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, Rec. p. II‑2123, point 152).

98      Dans le cas présent, ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, la teneur de la requête et du mémoire en défense, ainsi que des observations formulées par la requérante et la Commission en réponse à la question du Tribunal sur l’objet du litige, ne révèle aucune problématique quant à la charge de travail requise par le traitement de la demande d’accès. Dans ces conditions, l’argumentation de Schott Glas quant à l’« effort administratif très élevé » requis par le traitement de la demande d’accès ne peut être considérée comme se rattachant à l’objet du présent litige.

99      Il y a lieu, enfin, de relever que, dans son mémoire en intervention, Schott Glas invoque l’exception de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001. Schott Glas soutient que la Commission est parvenue à juste titre à la conclusion que la diffusion des documents sollicités par la requérante aurait sérieusement porté atteinte au processus décisionnel de l’institution dans la procédure C 44/2001. Cependant, cette exception n’ayant pas été invoquée par la Commission dans la Décision, il n’appartient pas au Tribunal de se substituer à cette institution pour déterminer si elle est effectivement applicable aux documents visés par la demande (voir, en ce sens, arrêt VKI, point 24 supra, point 91).

100    Il résulte des considérations qui précédent que le grief tiré de l’absence d’examen concret et individuel des documents visés dans la demande d’accès doit être accueilli et que le refus pur et simple d’accès opposé par la Commission à la requérante est, par conséquent, entaché d’une erreur de droit. Dès lors, il y a lieu de considérer que la Commission a violé l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 et la Décision doit, dès lors, être annulée, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens d’annulation soulevés par la requérante et le Royaume de Suède.

 Sur les dépens

101    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de décider que la Commission supportera ses propres dépens ainsi que les trois quarts de ceux exposés par la requérante. Cette dernière supportera un quart de ses dépens.

102    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante supportera ses propres dépens. En l’espèce, Schott Glas, partie intervenante au soutien de la Commission, supportera ses propres dépens.

103    Le Royaume de Suède et la République de Finlande supporteront leurs propres dépens conformément à l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission du 28 mai 2002 est annulée en ce qu’elle porte refus d’accès à des documents afférents aux procédures d’examen des aides octroyées à Technische Glaswerke Ilmenau GmbH.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission supportera ses propres dépens ainsi que les trois quarts de ceux exposés par Technische Glaswerke Ilmenau. Cette dernière supportera un quart de ses dépens.

4)      Schott Glas, le Royaume de Suède et la République de Finlande supporteront leurs propres dépens.

Vilaras

Dehousse

Šváby

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Vilaras


* Langue de procédure : l’allemand.