Language of document : ECLI:EU:F:2008:52

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

7 mai 2008 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Évaluation – Exercice d’évaluation pour l’année 2005 – Rapport d’évolution de carrière – Représentants du personnel – Représentation syndicale et représentation statutaire – Détachement partiel à des fins de représentation syndicale – Consultation du groupe ad hoc »

Dans l’affaire F‑36/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Giorgio Lebedef, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Senningerberg (Luxembourg), représenté par Me F. Frabetti, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Berscheid et H. Kraemer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kreppel, président, H. Tagaras (rapporteur) et S. Gervasoni, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 janvier 2008,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 avril 2007, M. Lebedef a introduit le présent recours tendant à l’annulation de son rapport d’évolution de carrière (ci-après le « REC ») pour l’exercice d’évaluation allant du 1er janvier au 31 décembre 2005 et plus précisément de la partie de ce rapport établie par Eurostat pour cette période.

 Cadre juridique

2        L’article 43 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») dispose :

« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire, font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution conformément à l’article 110. Chaque institution arrête des dispositions prévoyant le droit de former, dans le cadre de la procédure de notation, un recours qui s’exerce préalablement à l’introduction d’une réclamation conformément à l’article 90, paragraphe 2.

Le rapport du fonctionnaire du groupe de fonctions AST, à partir du grade 4, peut également contenir un avis indiquant, sur la base des prestations fournies, si l’intéressé dispose du potentiel requis pour assumer des fonctions d’administrateur.

Ce rapport est communiqué au fonctionnaire. Celui-ci a la faculté d’y joindre toutes observations qu’il juge utiles. »

3        L’article 1er, sixième alinéa, de l’annexe II du statut est rédigé comme suit :

« Les fonctions assumées par les membres du comité du personnel et par les fonctionnaires siégeant par délégation du comité dans un organe statutaire ou créé par l’institution, sont considérées comme parties des services qu’ils sont tenus d’assurer dans leur institution. L’intéressé ne peut subir de préjudice du fait de l’exercice de ces fonctions. »

4        L’article 110 du statut énonce :

« 1. Les dispositions générales d’exécution du présent statut sont arrêtées par chaque institution après consultation de son comité du personnel et avis du comité du statut. Les agences arrêtent, après consultation de leur comité du personnel respectif et en accord avec la Commission [des Communautés européennes], les modalités qui conviennent pour assurer la mise en œuvre du présent statut.

[…]

3. Les dispositions générales d’exécution visées au paragraphe 1 et les réglementations arrêtées d’un commun accord des institutions sont portées à la connaissance du personnel.

4. L’application des dispositions du présent statut fait l’objet d’une consultation régulière entre les administrations des institutions. Les agences sont représentées conjointement lors de ces consultations, conformément aux règles fixées d’un commun accord entre elles. »

5        Les dispositions générales d’exécution régissant, conformément à l’article 43 du statut, l’évaluation des fonctionnaires pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2005 (ci-après les « DGE de l’article 43 du statut ») ont été adoptées par la Commission le 23 décembre 2004 ; l’article 6 de ces DGE, intitulé « Personnel détaché et représentants du personnel », énonce dans son paragraphe 3 :

« Les catégories de personnel visées ci-dessous sont définies à l’annexe I.

a)      Pour les titulaires de poste détachés à temps plein en qualité de représentants du personnel (dans les organisations syndicales et organes statutaires) d’autres dispositions d’exécution définissent, entre autres, l’évaluateur, le validateur et l’évaluateur d’appel responsables.

b)      Les rapports concernant les titulaires de poste détachés à raison de 50 % de leur temps en qualité de représentants du personnel, sont établis, pour ce qui est de la portion d’activité consacrée à la représentation du personnel, conformément aux dispositions d’exécution mentionnées [sous] a) ci-dessus.

c)      Les rapports concernant les titulaires de poste élus, désignés ou délégués sont établis par l’évaluateur et le validateur du service auquel ils sont affectés. L’évaluateur et le validateur concernés consultent, après que le titulaire de poste ait finalisé son autoévaluation en application de l’article 8, paragraphe 4, et avant que le dialogue formel prévu à l’article 8, paragraphe 5, n’ait eu lieu, le groupe ad hoc d’évaluation et de propositions de promotion des représentants du personnel [groupe institué par l’accord concernant les relations entre la Commission et les organisations syndicales et professionnelles, de 2003, voir points 8 et 9 du présent arrêt, ci-après le ‘groupe ad hoc’] et tiennent compte de l’avis de celui-ci. L’avis du groupe ad hoc est joint au rapport. Les recours formés contre le rapport sont examinés par le comité paritaire d’évaluation, mentionné à l’article 9, de la direction générale dont relève le titulaire de poste.

d)      Les titulaires de poste appartenant à une catégorie mentionnée ci-dessus font mention de cette appartenance dans leur autoévaluation. »

6        L’annexe [I] des DGE de l’article 43 du statut définit les notions de « détaché », d’« élu », de « désigné » et de « délégué », au titre de la représentation du personnel, comme suit :

« 1. ‘Détaché’ : [c]e terme s’applique aux membres du personnel que l’autorité investie du pouvoir de nomination a exemptés de l’accomplissement de leur travail dans un service de la Commission, afin qu’ils puissent se consacrer à des tâches de représentation du personnel sur la base d’une décision prise par une instance compétente (comité du personnel ou organisations syndicales et professionnelles).

Les personnes ainsi détachées ont généralement été élues en tant que président, vice-président, secrétaire, etc., d’un comité du personnel, ou membre du secrétariat politique d’une organisation syndicale ou professionnelle. À la fin de leur mandat, les intéressés sont réaffectés à leur service d’origine.

2. ‘Élu’ : [c]e terme s’applique aux membres du personnel élus pour représenter le personnel dans des instances officielles. Ils sont affectés à une unité administrative et ils continuent d’y travailler.

3. ‘Désigné’ : [c]e terme s’applique aux membres du personnel – qu’ils aient ou non été élus pour siéger au titre de la représentation statutaire du personnel – qui ont été spécialement désignés par le comité du personnel ou par une organisation syndicale et professionnelle.

4. ‘Délégué’ : [c]e terme s’applique aux membres du personnel délégués par les organisations syndicales et professionnelles pour siéger dans une de leurs instances ou dans une instance mise en place à des fins de consultation, de négociations ou de représentation. »

7        Les modalités spécifiques relatives à l’évaluation des fonctionnaires et agents temporaires détachés en tant que représentants du personnel (ci-après les « modalités d’évaluation des représentants du personnel »), ont été adoptées par décision de la Commission du 6 décembre 2002 et s’appliquent à l’évaluation des fonctionnaires pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2005 (ci-après la « décision du 6 décembre 2002 »). Ces modalités d’évaluation des représentants du personnel, lesquelles sont visées à l’article 6, paragraphe 3, sous a) et b), des DGE de l’article 43 du statut (voir point 5 du présent arrêt), identifient comme suit, dans leurs articles 2 et 3, l’évaluateur et le validateur des REC :

« Article 2 : Identification de l’évaluateur

1. L’évaluateur d’un fonctionnaire ou agent temporaire qui est détaché auprès du bureau du comité central du personnel (dénommé ci-après le ‘CCP’) ou en qualité de président d’un comité local du personnel est le président du CCP. Afin d’établir le [REC], l’évaluateur tient compte de l’avis de l’instance dirigeante de l’organisation syndicale d’appartenance de l’évalué.

2. L’évaluateur d’un fonctionnaire ou agent temporaire détaché auprès d’une organisation syndicale est l’instance dirigeante de cette dernière, quel que soit le rôle exercé par l’évalué au sein de l’organisation.

3. L’évaluateur d’un fonctionnaire ou agent temporaire détaché auprès du bureau d’un comité local du personnel est le président dudit comité. Afin d’établir le [REC], l’évaluateur tient compte de l’avis de l’instance dirigeante de l’organisation syndicale d’appartenance de l’évalué.

L’évaluateur du président du CCP, lorsque celui-ci est lui-même détaché, est un fonctionnaire ou agent temporaire désigné par le CCP en réunion plénière par vote secret. Afin d’établir le [REC], l’évaluateur tient compte de l’avis de l’instance dirigeante de l’organisation syndicale d’appartenance de l’évalué.

Article 3 : Identification du validateur

1. Dans tous les cas visés à l’article 2, le validateur est le président du groupe ad hoc […], qui agit sur mandat de celui-ci.

2. Dans le cas où le président du groupe ad hoc est lui-même détaché, son validateur est un fonctionnaire ou un agent temporaire désigné par le groupe ad hoc en réunion plénière par vote secret. »

8        Les accords entre la Commission et les organisations syndicales et professionnelles (ci-après les « OSP »), applicables en 2005, et touchant également le comité du personnel (ci-après le « CP »), sont les suivants :

–        l’accord entre le vice-président de la Commission et les OSP de la Commission, du 4 avril 2001, portant sur les ressources à disposition de la représentation du personnel (ci-après l’« accord ressources de 2001 »),

–        l’accord concernant les relations entre la Commission et les OSP, de 2003 (ci-après l’« accord‑cadre de 2003 »),

–        le protocole d’accord entre les OSP en matière de ressources, pour l’année 2005, à la représentation du personnel, cosigné par la direction générale (DG) « Personnel et administration », conclu en conformité avec l’accord ressources de 2001.

9        Il ressort de ces textes que, conformément à l’accord ressources de 2001, la Commission met à la disposition des OSP douze détachements qui sont distribués entre les OSP et dix neuf détachements et demi pour le CP, distribués sur la base de la représentativité des OSP.

10      Afin de préciser les ressources humaines et budgétaires accordées à l’ensemble de la représentation du personnel (OSP et CP), la Commission conclut, chaque année, un protocole ressources avec les OSP représentatives réglant la distribution entre les OSP représentatives et le CP, d’une part, et entre les OSP représentatives, d’autre part.

11      En pratique, il peut exister plusieurs modalités de détachement, auprès d’une OSP, à titre syndical, et/ou auprès du CP, à titre statutaire, pour un même fonctionnaire ou agent détaché, comme suit :

–        100 % à titre statutaire, soit pour le comité local du personnel (ci-après le « CLP »), soit pour le CCP, ou 100 % à titre syndical ;

–        50 % à titre statutaire et 50 % à titre syndical ;

–        50 % à titre statutaire ou à titre syndical, avec affectation de l’agent concerné pour les 50 % du temps de travail restant dans un service de la Commission.

12      Enfin, il convient de relever que l’article 11 de l’accord‑cadre de 2003 stipule :

« 1. Un [g]roupe ad hoc […] est établi pour la notation et la promotion des élus, mandatés, détachés. Le [g]roupe ad hoc se compose de 16 membres désignés, d’une part, par le [CP] (représentation statutaire) et, d’autre part, par les ‘organisations’ représentatives (représentation syndicale). Cette désignation, basée sur le principe de la représentativité et la représentation locale, interviendra dans les conditions décrites ci-après.

[…] »

13      Le guide pratique à l’usage des évaluateurs, conçu par la DG « Personnel et administration » pour être un instrument d’information et de référence non contraignant, tel qu’il a été mis à jour en février 2006, apporte des éléments supplémentaires :

–        Le point 6.1.3, concernant la consultation du groupe ad hoc dans la procédure d’élaboration du REC, mentionne que le fonctionnaire doit indiquer dans son autoévaluation s’il a été élu à la représentation du personnel ou bien désigné ou délégué par celle-ci. Il doit dans ce cas diviser son autoévaluation en deux sections distinctes, pour que l’évaluateur – lors de la demande de consultation du groupe ad hoc – puisse envoyer à ce dernier uniquement la partie traitant des activités effectuées dans le cadre des fonctions de représentation du personnel.

–        Le point 10.9, relatif à une situation de détachement à 50 % comme représentant du personnel (50 % pour l’institution – 50 % pour la représentation du personnel), dispose que :

« [L’évaluateur] du service d’affectation lance le REC dans [le système] Sysper 2.

[L’évalué] fait son autoévaluation, en mentionnant sa qualité de détaché comme représentant du personnel.

Parallèlement à cela, [l’évaluateur] identifié à la représentation du personnel lance un REC, via la procédure papier.

[L’évalué] rédige une seconde autoévaluation se rapportant à ses activités de représentant du personnel.

Les deux procédures suivent leurs cours habituel […], l’une dans [le système] Sysper 2, l’autre sur papier.

Les [trois] acteurs concernés par le rapport papier (groupe ad hoc) en parapheront chaque page, le signeront et le dateront.

Ce rapport papier sera ensuite envoyé à l’[unité A.6 de la DG ‘Personnel et administration’] qui le scannera et l’annexera au rapport déjà introduit dans [le système] Sysper 2.

Chaque note comptant à raison de 50 % dans la note totale pour la période de référence, le prorata des [deux] notes sera intégré manuellement dans [le système] Sysper 2 par l’[unité A.6 de la DG ‘Personnel et administration’]. »

–        Le point 10.10, relatif à une situation de détachement comme représentant du personnel (50 % à titre statutaire – 50 % pour les OSP) énonce :

« Concernant l’identification des acteurs, […]

[L’évaluateur] du groupe ad hoc lance le REC dans [le système] Sysper 2 et envoie une demande de consultation à l’instance dirigeante de l’OSP d’appartenance.

[L’évalué] rédige son autoévaluation en mentionnant sa double activité au sein de la représentation du personnel et au sein de l’OSP.

Suite à cela, la procédure […] suit son cours habituel. »

–        Enfin, le point 10.11, concernant l’évalué élu, désigné ou délégué est rédigé comme suit :

« [L’évaluateur] du service d’affectation lance le REC.

[L’évalué] rédige son autoévaluation, en mentionnant sa qualité d’élu, de désigné ou de délégué par la représentation du personnel.

[L’évaluateur] – dès réception de l’autoévaluation – consulte le groupe ad hoc […] À défaut d’avis du groupe ad hoc dans le délai stipulé, l’absence d’avis sera notée dans le rapport et la consultation sera réputée effectuée. La procédure pourra se poursuivre.

Lorsque [l’évalué] ne signale pas son appartenance à une catégorie mentionnée ci-dessus, la consultation ne doit pas avoir lieu et le titulaire de poste ne peut pas s’en prévaloir pour arguer une erreur de procédure.

[L’évaluateur] tient le dialogue avec [l’évalué] [,] après réception de l’avis du groupe ad hoc, puis rédige son projet de rapport en tenant compte de cet avis, qui sera annexé au rapport.

L’exercice d’évaluation suit son cours normal.

[…] »

 Faits à l’origine du litige

14      Fonctionnaire de la Commission à Eurostat, le requérant a, par décision du 12 mars 2004 de M. H. Reichenbach, alors directeur général de la DG « Personnel et administration », bénéficié à hauteur de 100 % d’un détachement à titre syndical, en tant que secrétaire politique de l’Alliance confédérale des Syndicats libres, à partir du 1er avril 2004 et jusqu’au 31 décembre 2004, date à laquelle il devait être réaffecté à sa direction générale d’origine, Eurostat. Ainsi que cela ressort de la décision du 12 mars 2004, ce détachement a été considéré comme une « surcharge temporaire sur la dotation » de l’OSP en question.

15      Par décision du 23 décembre 2004 de M. C. Chêne, successeur de M. H. Reichenbach à la DG « Personnel et administration », décision remplacée par une nouvelle décision du même M. Chêne en date du 10 février 2005, le requérant a été réaffecté, à partir du 1er janvier 2005, à hauteur de 50 % à Eurostat. Il a donc continué à bénéficier pour les 50 % du temps restants du détachement en tant que représentant syndical.

16      Cependant, tout au long de l’année 2005, le requérant a continué à exercer des fonctions de membre élu du CLP, exerçant même les fonctions de vice-président, poste auquel il aurait été élu en octobre 2004 (ci-après les « activités de représentation statutaire »).

17      Concernant les activités exercées par le requérant en 2005, un premier REC portant sur l’activité exercée dans le cadre de son détachement (ci-après le « premier REC »), et non contesté par lui, a été établi par les personnes désignées en application de la décision de la Commission du 6 décembre 2002. Dans ce premier REC, finalisé le 7 juillet 2006, la rubrique relative à la description du poste du fonctionnaire noté fait uniquement état de sa qualité de représentant syndical, alors que les appréciations portées sur le requérant visent tant ses activités syndicales que ses activités statutaires.

18      Un second REC a été établi au sein d’Eurostat, concernant l’autre moitié de son temps de travail accompli au titre de l’année 2005 (ci-après le « second REC »). Dans le cadre de l’établissement de ce second REC, le requérant a eu, le 6 février 2006, avec son évaluateur l’entretien prévu par l’article 8, paragraphe 5, des DGE de l’article 43 du statut. Ce second REC, établi sans consultation du groupe ad hoc, n’attribue aucun point de mérite au requérant, au motif qu’il n’a consacré aucune partie de son temps de travail à Eurostat. Après signature de ce second REC par l’évaluateur et le validateur, le requérant a introduit une demande de révision, qui a abouti à un nouvel entretien avec le validateur, puis à la signature par ce dernier du second REC, révisé, le 7 juin 2006. Le requérant, considérant que la consultation du groupe ad hoc était nécessaire pour l’établissement de ce second REC, a contesté ce dernier, le 9 juin 2006, ce qui a provoqué la saisine du comité paritaire d’évaluation (ci-après le « CPE »). Le CPE a émis son avis le 22 juin 2006, suivant lequel il ne lui appartenait pas de se prononcer sur la question de savoir si, dans le cas d’une personne détachée à 50 % pour les OSP et affectée à 50 % à une direction générale, le groupe ad hoc doit être consulté pour les 50 % de temps de travail pendant lesquels la personne est affectée à la direction générale. Le 26 juin 2006, le second REC, lequel n’attribue aucun point de mérite au requérant au motif que celui-ci n’a consacré aucun temps de travail, durant l’année 2005, au service d’Eurostat, est devenu définitif par la signature de l’évaluateur d’appel. Le 28 juin 2006, le requérant en a pris connaissance.

19      Le 26 septembre 2006, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, visant à l’annulation du second REC. Dans cette réclamation, le requérant invoquait la violation de l’article 6, paragraphe 3, sous c), des DGE de l’article 43 du statut, en raison de l’absence de consultation du groupe ad hoc par les notateurs sur ses activités de représentation statutaire. Il alléguait également une violation du principe de protection de la confiance légitime et de la règle « patere legem quam ipse fecisti ».

20      Par décision du 8 janvier 2007, parvenue par courriel au requérant le 10 janvier 2007, l’autorité investie de pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a explicitement rejeté sa réclamation en se fondant sur la considération selon laquelle il ressortait des DGE de l’article 43 du statut que, dans le cadre de la procédure d’évaluation des fonctionnaires représentants du personnel, le législateur avait visé deux groupes distincts, à savoir d’un côté les fonctionnaires détachés en qualité de représentants du personnel (à temps plein ou à raison de 50 % de leur temps de travail) et de l’autre côté les fonctionnaires élus, désignés ou délégués. Or, en l’espèce, le requérant appartiendrait au premier groupe et le premier REC aurait donc été établi pour l’ensemble de ses activités de représentant du personnel et couvrirait par conséquent tant ses fonctions de représentation syndicale que de représentation statutaire. Ainsi, l’avis du groupe ad hoc concernant toutes les activités du requérant en tant que représentant du personnel aurait été incorporé dans le premier REC, validé, conformément aux modalités d’évaluation des représentants du personnel, par le président du groupe ad hoc, lequel n’aurait pas eu à se prononcer sur les tâches éventuelles que le requérant aurait accomplies au sein d’Eurostat. Par conséquent, le second REC aurait été établi en conformité avec les DGE de l’article 43 du statut et le requérant ne saurait prétendre à une violation du principe de confiance légitime et de la règle « patere legem quam ipse fecisti ».

 Conclusions des parties et procédure

21      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler son REC établi pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2005 ; plus précisément la partie du REC établie par Eurostat pour cette période ;

–        statuer sur les frais, dépens et honoraires et condamner la Commission à leur paiement.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

23      En vue d’assurer, dans les meilleures conditions, la mise en état de l’affaire, le déroulement de la procédure et le règlement du litige, le Tribunal a adopté des mesures d’organisation de la procédure, par lettres du 17 octobre 2007 adressées aux parties. À cet effet, il n’a pas été procédé en application de son propre règlement de procédure, entré en vigueur le 1er novembre 2007 (JO L 225, p. 1), c’est-à-dire après les dates auxquelles le Tribunal a décidé les mesures d’organisation de la procédure, mais sur le fondement de l’article 64, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier.

24      Les parties ont déféré à ces mesures d’organisation de la procédure dans le délai qui leur avait été imparti.

25      Considérant, à la lumière notamment des réponses des parties aux mesures susmentionnées, que la mise en état de l’affaire nécessitait un complément d’information de la part des parties, y compris la production de documents, le Tribunal a décidé, conformément à l’article 55 de son règlement de procédure, de nouvelles mesures d’organisation de la procédure, portées à la connaissance des parties par lettres du 13 décembre 2007.

26      Les parties ont également déféré à ces mesures dans le délai qui leur avait été imparti.

 En droit

 Sur l’objet du litige

27      Le requérant demande en l’espèce l’annulation de son REC pour l’exercice d’évaluation allant du 1er janvier au 31 décembre 2005 et plus précisément de la partie de ce REC établie par Eurostat, à savoir le second REC.

28      Conformément à la jurisprudence communautaire, lorsque l’annulation partielle d’un acte est demandée, alors que le moyen dirigé contre la décision attaquée ne concerne pas l’ordre public, la Cour statuerait ultra petita en annulant en son entier ledit acte (arrêt de la Cour du 28 juin 1972, Jamet/Commission, 37/71, Rec. p. 483).

29      Cependant, la notation du requérant résultant en l’espèce de deux REC, il importe d’examiner au préalable si le second REC, dont, de fait, l’annulation est demandée, est dissociable de l’ensemble de la notation.

30      Si l’article 43 du statut organise la procédure de notation en ne visant qu’un seul rapport de notation, il ne saurait être interprété en ce sens qu’il s’opposerait à ce que les institutions, notamment pour prendre en considération le cas des représentants du personnel, prévoient une notation séparée pour chaque domaine d’activité exercée. En effet, une telle notation séparée est de nature à prendre en compte de manière adéquate l’indépendance du rôle du représentant du personnel, surtout lorsque la représentation s’effectue, comme en l’espèce, dans le cadre d’un détachement.

31      Dans une telle situation, chacun des deux REC forme un élément dissociable de l’autre REC et constitue de ce fait un acte attaquable. Le Tribunal ne risque donc pas de statuer ultra petita en examinant seulement la légalité du second REC.

 Sur les conclusions en annulation

 Arguments des parties

32      À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant invoque un moyen unique tiré, premièrement, de la violation des DGE de l’article 43 du statut et, plus spécifiquement, des dispositions concernant les représentants syndicaux et statutaires du personnel, deuxièmement, de la violation du principe de protection de la confiance légitime et de la règle « patere legem quam ipse fecisti ».

33      Le requérant expose que si, pendant la période du 1er janvier au 31 décembre 2005 (ci-après la « période de référence »), il était détaché pour 50 % de son temps en tant que représentant syndical, il a aussi exercé, dans la partie du temps de travail due au service d’affectation, des activités de représentation statutaire. Interrogé sur l’estimation approximative, en pourcentage de son temps de travail pendant la période de référence, de ses activités de représentation du personnel, le requérant, qui a reconnu n’avoir effectué aucun travail pour Eurostat, a considéré, sans être contredit par la Commission, avoir consacré en réalité 60 % de son temps de travail pour ses activités de détaché à titre syndical et 40 % de son temps de travail pour ses activités de représentation statutaire.

34      De plus, le requérant ajoute que son premier REC reflète la seule activité syndicale et que, par conséquent, ses activités de représentation statutaire auraient dû être prises en compte dans le second REC, établi par Eurostat ; une solution inverse conduirait à le pénaliser dans ses fonctions de représentant statutaire, en violation des dispositions de l’article 1er, sixième alinéa, de l’annexe II du statut. Pour soutenir cette argumentation, le requérant fait observer que ses activités de représentant du personnel l’occupaient déjà en 2004 pendant la journée entière et qu’à ces activités sont venues s’ajouter celles résultant de son mandat de vice-président du CLP, obtenu suite aux élections de 2004, avec comme conséquence que les activités de représentant du personnel continuaient à l’occuper encore toute la journée au cours de la période de référence.

35      En invoquant l’article 6, paragraphe 3, sous b) et c), des DGE de l’article 43 du statut et l’arrêt du Tribunal de première instance du 5 novembre 2003 (Lebedef/Commission, T‑326/01, RecFP p. I‑A‑273 et II‑1317, point 53), ainsi que le guide pratique sur le système d’évaluation du personnel centré sur l’évolution de carrière, publié par la direction générale « Personnel et Administration » et annexé à sa requête, le requérant argue que l’évaluateur d’Eurostat, qui ne lui a attribué aucun point de mérite, aurait dû, avant d’établir le second REC, procéder à la consultation du groupe ad hoc.

36      Par ailleurs, le requérant relève que le CPE, en refusant de se prononcer sur l’obligation de consultation du groupe ad hoc pour la partie d’activité exercée par un fonctionnaire dans son service d’affectation, dans une situation comme celle de l’espèce, n’a manifestement pas exercé ses fonctions, telles que prévues par son règlement interne. Il reproche de plus aux notateurs, qui se sont limités à constater qu’il n’avait consacré aucun temps de travail à Eurostat durant la période de référence, de ne pas avoir respecté les standards d’évaluation applicables pour la première fois aux REC couvrant la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2005, soit la période de référence, et qui ont pour finalité d’harmoniser l’évaluation au sein d’une direction générale, de faciliter le dialogue entre évaluateur et évalué et d’assurer une meilleure comparabilité des appréciations données.

37      Enfin, le requérant considère que, en ne respectant pas le principe « pacta sunt servanda », de par la mauvaise application des DGE de l’article 43 du statut, la Commission n’a pas respecté le principe de protection de la confiance légitime et la règle « patere legem quam ipse fecisti ».

38      Pour la Commission, le premier REC a été établi pour évaluer les activités du requérant détaché à la fois en tant que représentant syndical et en tant que représentant statutaire, ce conformément à l’article 6, paragraphe 3, sous b), des DGE de l’article 43 du statut ; au contraire, pour l’établissement du second REC, qui ne concernait que les activités exercées pour Eurostat, la Commission allègue que la consultation du groupe ad hoc n’était pas nécessaire, le requérant ne pouvant être considéré comme un fonctionnaire élu, désigné ou délégué au sens de l’article 6, paragraphe 3, sous c), des DGE de l’article 43 du statut. La Commission souligne également que le requérant ne saurait se prévaloir de l’arrêt Lebedef/Commission, précité ; en effet, les DGE de l’article 43 du statut diffèreraient considérablement de l’état du droit alors existant, à savoir l’article 3, sixième alinéa, deuxième tiret, des DGE de l’article 43 du statut dans leur version antérieurement applicable, en ce que cette dernière disposition ne faisait pas de distinction, pour la procédure d’établissement des REC, entre les fonctionnaires détachés à temps partiel, élus, mandatés ou délégués, ceux‑ci étant alors tous notés par le notateur du service d’affectation, après consultation du groupe ad hoc.

39      La Commission souligne en outre que l’OSP du requérant avait la possibilité de lui accorder, pour l’année 2005, et en sus de son détachement à hauteur de 50 % en tant que représentant syndical, un détachement en tant que représentant statutaire pour les 50 % restants de son temps de travail, mais qu’elle a simplement décidé de ne pas en faire usage. Elle rappelle également que même s’il ne bénéficie pas d’un détachement à titre statutaire, un élu du CLP peut assumer, de manière ponctuelle, des fonctions de représentant statutaire qui seront considérées, en vertu de l’article 1er, sixième alinéa, de l’annexe II du statut, comme « parties du service » qu’il est tenu d’assurer. En revanche, la possibilité d’un « autodétachement » n’existerait pas et le comportement du requérant aurait, en ce sens, constitué un abus de droit ; en effet, la Commission estime qu’il revenait au requérant de présenter au préalable à l’administration toutes preuves, telles que convocations aux séances du CLP, permettant de justifier ces activités de représentation statutaire. En tout état de cause, la Commission considère que le statut de représentant statutaire du requérant ne le dispense pas de ses obligations prévues à l’article 11 du statut.

40      La Commission rappelle au surplus qu’il ne peut être question de la violation du principe « pacta sunt servanda », le lien entre le fonctionnaire et l’institution n’étant pas de nature contractuelle mais statutaire.

 Appréciation du Tribunal

41      À titre liminaire, le Tribunal observe que le requérant, sans être contredit par la Commission, a déclaré avoir consacré pendant la période de référence 60 % de son temps de travail à ses activités de représentation syndicale et 40 % de son temps de travail à ses activités de représentation statutaire, à savoir qu’une partie de ses activités de représentation syndicale (10 % de l’ensemble de son temps de travail) aurait été exercée dans le cadre de son travail dû au service d’affectation. Il n’en demeure pas moins que le moyen unique soulevé par le requérant repose notamment sur la violation des DGE de l’article 43 du statut en raison de l’absence de consultation du groupe ad hoc concernant ses activités de représentation statutaire, exercées dans le cadre des 50 % de son temps de travail pour lesquels il était affecté à Eurostat.

42      En conséquence, il appartient au Tribunal d’apprécier le bien-fondé de ce moyen unique à l’égard des seules activités de représentation statutaires du requérant, exercées dans le cadre de son temps de travail dû à Eurostat.

43      Il est constant que, conformément à l’article 6, paragraphe 3, sous c), des DGE de l’article 43 du statut, le groupe ad hoc doit être obligatoirement consulté avant l’établissement des REC des fonctionnaires « élus », « désignés » ou « délégués », au sens de l’annexe [I] desdites DGE.

44      L’avis que le groupe ad hoc donne dans le cadre de cette consultation remplit une double fonction. Il apporte aux notateurs du service d’affectation des éléments relatifs, d’une part, au temps consacré par le fonctionnaire aux activités de représentation statutaire et donc aux contraintes temporelles liées à ces activités (voir arrêt Lebedef/Commission, précité, point 49), d’autre part, à la qualité du travail fourni par le fonctionnaire dans le cadre de ses activités de représentation statutaire, ces activités étant en toute hypothèse à considérer, selon les termes mêmes de l’article 1er, sixième alinéa, de l’annexe II du statut, « parties des services [que les fonctionnaires] sont tenus d’assurer dans leur institution ».

45      La position de la Commission, suivant laquelle l’exigence de consultation du groupe ad hoc pour les fonctionnaires élus, désignés ou délégués ne vaut que pour les fonctionnaires qui ne bénéficient pas d’un détachement, ne saurait être accueillie.

46      En effet, dans la mesure où la Commission elle-même accepte que les fonctionnaires détachés à 50 % puissent aussi exercer des activités de représentation statutaire dans le cadre des 50 % restants du temps de travail pendant lesquels ils sont censés travailler pour leur service d’affectation, ne serait-ce qu’en effectuant des activités « ponctuelles » et limitées dans le temps, la consultation du groupe ad hoc est le seul moyen d’assurer que les représentants du personnel ne seront pas lésés, dans leur évaluation, du fait de leurs activités de représentation. À défaut, l’évaluation de ces derniers, aux fins d’établissement de leurs REC, présenterait des lacunes et risquerait de leur porter préjudice, en méconnaissant la règle de l’article 1er, sixième alinéa, de l’annexe II du statut, règle qui vise précisément à la sauvegarde des droits statutaires des membres du comité du personnel, ainsi que des fonctionnaires siégeant par délégation de celui-ci dans un organe statutaire ou créé par l’institution. En outre, s’il est vrai que l’obligation de consultation du groupe ad hoc, introduite par l’article 6, paragraphe 3, des DGE de l’article 43 du statut, n’y est mentionnée que sous c), à savoir dans la disposition qui vise les fonctionnaires élus, désignés ou délégués, et non dans la disposition sous b), portant sur les détachés à 50 %, force est d’admettre que ces derniers ne perdent pas leur qualité d’« élus », de « désignés » ou de « délégués », au sens de l’annexe [I] des DGE de l’article 43 du statut.

47      En outre, il ne peut être remédié à l’absence de consultation ni par la circonstance que le président du groupe ad hoc ait agi comme validateur du premier REC, établi pour la période de détachement du requérant en tant que représentant syndical, ni par les contacts directs des notateurs du service d’affectation avec le noté, ni, enfin, par la prise en compte, par les rédacteurs du second REC, dudit premier REC. Ces éléments, dont la Commission a fait état lors de l’audience et qui, en tout état de cause, comportent moins de garanties pour le noté que la consultation du groupe ad hoc, ne sauraient justifier une dérogation à la lettre claire de l’article 6, paragraphe 3, sous c), des DGE de l’article 43 du statut, qui pose expressément la condition de consultation dudit groupe ; d’ailleurs, le requérant a relevé, lors de l’audience, sans être contredit à ce sujet par la Commission, que le second REC a été, en l’espèce, finalisé avant le premier REC.

48      Il en résulte que, s’agissant d’un fonctionnaire qui, comme le requérant, bénéficie d’un détachement à hauteur de 50 % de son temps de travail à titre de représentant syndical, mais qui, dans le cadre des 50 % restants, exerce également des activités de représentation statutaire, la consultation du groupe ad hoc est obligatoire pour l’évaluation de cette deuxième moitié de son temps du travail, à savoir des 50 % pour lesquels il est affecté à un service déterminé, en l’espèce, Eurostat.

49      Cette conclusion doit valoir, quelle que soit la partie du temps de travail due au service d’affectation, que le fonctionnaire partiellement détaché à titre syndical consacre à ses activités de représentation statutaire, et ce, même si ces activités, prises ensemble avec les activités exercées à titre syndical, occupent, comme en l’espèce, tout le temps de travail dû au service d’affectation.

50      Certes, la Commission considère que, dans le cas d’un fonctionnaire détaché à 50 % à titre syndical, les activités de représentation statutaire exercées dans le cadre des 50 % du temps prévu pour le service d’affectation doivent être ponctuelles et limitées d’un point de vue temporel. En revanche, toujours selon la Commission, un cas comme celui du requérant constitue un abus de droit, en ce sens que, en dépit de la réduction de son détachement de 100 % en 2004 à 50 % en 2005, celui-ci a continué à consacrer 100 % de son temps de travail à ses activités de représentation, tant syndicale que statutaire, en rendant de fait caduque la décision de réduction de son détachement et en s’accordant ce que la Commission appelle un « autodétachement ».

51      Le Tribunal doit admettre que les critiques formulées par la Commission au regard du comportement du requérant ne sont pas dénuées de fondement. Il observe même que, lors de l’audience, le requérant a lui-même admis que la décision de réduire son détachement, de 100 % à 50 % de son temps de travail, n’a nullement modifié son emploi du temps quotidien et qu’elle est ainsi restée sans effet concret ; le requérant a même précisé qu’il n’a, à aucun moment, sollicité l’autorisation des responsables d’Eurostat pour participer à ses activités de représentation statutaire. Qui plus est, lors de l’audience, le requérant a ouvertement admis que, vu le nombre restreint des détachements, et à plus forte raison des détachements à 100 %, il était préférable de faire bénéficier de ces détachements les collègues les plus jeunes, qui, à défaut, auraient des difficultés avec leurs services d’affectation au cas où ils voudraient s’absenter pour effectuer, au-delà des 50 % du détachement, des activités de représentation du personnel ; en revanche, les représentants plus expérimentés et plus confirmés auraient moins de difficultés de cet ordre et il leur aurait été relativement facile de se dispenser, dans les faits, de l’ensemble de leurs obligations envers leurs services d’affectation respectifs et de consacrer, ainsi, la totalité de leur temps de travail à la représentation du personnel, en dépit de la décision de l’AIPN de réduire le détachement les concernant de 100 % à 50 % du temps de travail et de les affecter pour les 50 % restants à un service déterminé.

52      Cependant, le caractère éventuellement abusif du comportement du requérant, dans le sens décrit aux deux points précédents, ne rend pas pour autant abusive sa demande de bénéficier, dans l’établissement du second REC, du respect des dispositions des DGE de l’article 43 du statut tenant à la consultation du groupe ad hoc. D’ailleurs, la Commission elle-même, tout en faisant état d’un abus de droit que le requérant aurait commis par son comportement consistant en ce que l’institution appelle un « autodétachement », ne soulève pas, dans sa défense, un quelconque moyen tiré de l’abus de droit que le requérant aurait commis en demandant l’annulation de son second REC pour défaut de consultation du groupe ad hoc.

53      En outre, à supposer même, au prix d’un effort d’interprétation, que les allégations d’abus de droit proférées par la Commission doivent être comprises en ce sens que les activités de représentation statutaire exercées par le requérant dans le temps de travail dû à son service d’affectation et au-delà d’un certain seuil d’absence de l’intéressé seraient illégales et, de ce fait, que la procédure d’évaluation serait exempte de toute obligation de consultation du groupe ad hoc pour l’établissement du second REC, portant sur le travail de l’intéressé dans son service d’affectation, force est de constater que le groupe ad hoc n’a aucunement été consulté pour les activités de représentation statutaire exercées par le requérant dans le cadre de son service d’affectation, à savoir même pas pour celles qui, se situant en deçà du seuil susmentionné, ne pourraient nullement être tenues pour irrégulières ou abusives. Ainsi, ne fût-ce que pour ces seules activités, l’omission d’Eurostat de consulter le groupe ad hoc pour l’établissement du second REC emporte méconnaissance de l’article 6, paragraphe 3, sous c), des DGE de l’article 43 du statut.

54      Dans ce même contexte, le Tribunal constate que la Commission a aussi eu un comportement susceptible de critiques, certains de ses actes ou omissions pouvant être interprétés comme une acceptation implicite du comportement du requérant que, dans le cadre de la présente procédure, elle qualifie pourtant d’abusif. D’une part, le Tribunal tient à souligner que, pendant la période de référence, le requérant n’a été affecté, au sein d’Eurostat, à un poste défini qu’à partir du 16 avril 2005, son affectation à partir du 1er janvier 2005 au sein de cette direction générale n’ayant entraîné aucune attribution d’un poste défini, de telle sorte que les tâches qu’il aurait dû accomplir pour son service d’affectation ne lui étaient pas connues avant le 16 avril 2005. D’autre part, il ressort des déclarations de la Commission à l’audience que cette dernière ne conteste pas le fait de ne pas avoir réagi, au cours de la période de référence, à l’absence permanente du requérant au sein d’Eurostat ; en effet, Eurostat n’a, à aucun moment de cette période, reproché au requérant de s’absenter sans autorisation et sans présenter les pièces justificatives de ses obligations de représentant statutaire, de ne consacrer aucun temps de travail à son service, celui-ci ne s’y rendant que pour des questions tenant à ses congés et à son assurance maladie.

55      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal conclut que la Commission, en établissant le second REC sans avoir recueilli au préalable l’avis du groupe ad hoc, a violé la règle de procédure posée par l’article 6, paragraphe 3, sous c), des DGE de l’article 43 du statut et qu’il y a, dès lors, lieu d’accueillir le premier moyen du requérant, tiré de la violation de la disposition en question.

56      Dans ce contexte, et en raison du contenu et de l’objet de la règle violée, il y a lieu de faire application de la jurisprudence communautaire suivant laquelle la violation, comme en l’espèce, d’une forme substantielle entraîne l’annulation de l’acte vicié, sans qu’il soit nécessaire d’établir l’existence d’un préjudice (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 13 décembre 2007, Angelidis/Parlement, T‑113/05, non encore publié au Recueil, points 62 et 76). Cependant, le Tribunal relève que le requérant, n’ayant reçu aucun point de mérite dans le second REC, ce qui constitue une notation exceptionnellement stricte, doit incontestablement être considéré comme ayant subi un préjudice, consistant en une sanction le pénalisant, en méconnaissance de l’article 1er, sixième alinéa, de l’annexe II du statut ; or, ainsi qu’il vient d’être indiqué au point 54 du présent arrêt, si la Commission considérait le comportement du requérant comme illégal, elle devait mettre en œuvre les procédures appropriées, comme par exemple celle relative aux absences irrégulières, au lieu de le pénaliser, d’une part, en le privant d’une garantie dont chaque représentant du personnel doit normalement bénéficier dans l’établissement de ses REC, à savoir la consultation du groupe ad hoc, d’autre part, en ne lui attribuant aucun point de mérite.

57      Au surplus, considérant la jurisprudence suivant laquelle les violations des règles de procédure, notamment celles concernant l’établissement des REC, constituent des irrégularités substantielles de nature à entacher la validité du REC, à condition que le requérant démontre que le REC aurait pu avoir un contenu différent en l’absence de ces violations (voir arrêt du Tribunal de première instance du 9 mars 1999, Hubert/Commission, T‑212/97, RecFP p. I‑A‑41 et II‑185, point 53), force est de constater qu’il est satisfait à cette condition en l’espèce. En effet, le second REC ne tient nullement compte du travail que le requérant a effectué, dans le cadre de son affectation à ce service, en tant que représentant statutaire, ni même du travail qui, au regard du volume de temps requis, se situerait en deçà du seuil au-delà duquel la Commission considère que l’exercice des activités de représentation statutaire du requérant constituerait un abus de droit. S’il est vrai que les rédacteurs du REC, après avoir étudié l’avis du groupe ad hoc, sont en droit de ne pas le suivre et de maintenir la même notation (voir arrêt du Tribunal du 13 décembre 2007, Diomede Basili/Commission, F‑108/06, non encore publié au Recueil, points 47 et 48), il n’est nullement exclu, dans un cas comme celui de l’espèce, que les rédacteurs du second REC, après avis du groupe ad hoc, modifient leur notation, ne fût-ce que pour suivre partiellement cet avis, à savoir pour les seules activités du requérant qui seraient, ainsi que la Commission l’exige (voir points 39, 46 et 50 du présent arrêt), ponctuelles et limitées dans le temps.

58      Au vu des éléments du dossier, le Tribunal considère que, en l’absence de consultation du groupe ad hoc dans le cadre de l’élaboration du second REC, il y a lieu de conclure, au regard de l’article 6, paragraphe 3, des DGE de l’article 43 du statut et des articles 2 et 3 des modalités d’évaluation des représentants du personnel, au bien-fondé du recours du requérant.

59      Dès lors, il y a lieu d’annuler le REC du requérant couvrant l’exercice d’évaluation allant du 1er janvier au 31 décembre 2005, et plus précisément de la partie de ce REC établie par Eurostat, sans qu’il soit besoin de statuer sur la seconde branche de l’unique moyen invoqué par le requérant, tenant à la violation du principe de protection de la confiance légitime et de la règle « patere legem quam ipse fecisti », d’autant que cette seconde branche, à l’appui de laquelle le requérant ne développe d’ailleurs aucune argumentation particulière et distincte de celle sur laquelle repose la première branche de son unique moyen, se confond en substance avec celle-ci.

 Sur les dépens

60      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement relatives aux dépens et frais de justice ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

61      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

62      La Commission ayant succombé en ses moyens dans la présente instance, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La partie du rapport d’évolution de carrière de M. Lebedef, établie par Eurostat pour l’exercice d’évaluation allant du 1er janvier au 31 décembre 2005, est annulée.

2)      La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.

Kreppel

Tagaras

Gervasoni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 mai 2008.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kreppel

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : le français.