Language of document : ECLI:EU:T:1998:179

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

16 juillet 1998 (1)

«Fonds social européen — Décision de réduction de deux concours financiers — Recours en annulation — Recevabilité — Certification factuelle et comptable — Incompétence de l'organisme national — Motivation — Droits de la défense»

Dans l'affaire T-72/97,

Proderec — Formação e Desinvolvimento de Recursos Humanos, ACE, société de droit portugais, établie à Almada (Portugal), représentée par Me Manuel Rodrigues, avocat au barreau de Lisbonne, Rua Torcato José Clavine, 17 D, 1° Esq., Pragal, Almada,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme Maria Teresa Figueira et M. Knut Simonsson, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation des décisions C (96) 2554 et C (96) 2555 de la Commission, du 9 décembre 1996, portant réduction de deux concours communautaires octroyés par le Fonds social européen,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de Mme P. Lindh, président, MM. K. Lenaerts et J. D. Cooke, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 2 avril 1998,

rend le présent

Arrêt

Cadre réglementaire

1.
    Selon l'article 1er, paragraphe 2, sous a), de la décision 83/516/CEE du Conseil, du 17 octobre 1983, concernant les missions du Fonds social européen (JO L 289, p. 38, ci-après «décision 83/516»), celui-ci participe au financement d'actions de formation et d'orientation professionnelle.

2.
    L'article 1er du règlement (CEE) n° 2950/83 du Conseil, du 17 octobre 1983, portant application de la décision 83/516 (JO L 289, p. 1, ci-après «règlement n° 2950/83») énumère les dépenses qui peuvent faire l'objet d'un concours du Fonds social européen (ci-après «FSE»).

3.
    L'agrément donné par le FSE à une demande de financement entraîne, selon l'article 5, paragraphe 1, du règlement n° 2950/83, le versement, à la date prévue pour le début de l'action de formation, d'une avance égale à 50 % du concours. En vertu du paragraphe 4 de la même disposition, les demandes de paiement du solde contiennent un rapport détaillé sur le contenu, les résultats et les aspects financiers de l'action en cause, l'État membre concerné certifiant l'exactitude factuelle et comptable des indications figurant dans ces demandes.

4.
    Selon les dispositions de l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 2950/83, lorsque le concours du FSE n'est pas utilisé dans les conditions fixées par la décision d'agrément, la Commission peut suspendre, réduire ou supprimer ce concours, après avoir donné à l'État membre concerné l'occasion de présenter ses observations. Le paragraphe 2 de cet article dispose que les sommes versées qui n'ont pas été utilisées dans les conditions fixées par la décision d'agrément donnent lieu à répétition.

5.
    L'article 7 du règlement n° 2950/83 régit quant à lui les modalités des vérifications sur place auxquelles la Commission est en droit de procéder.

6.
    L'article 6, paragraphe 1, de la décision 83/673/CEE de la Commission, du 22 décembre 1983, concernant la gestion du FSE (JO L 377, p. 1, ci-après «décision 83/673»), précise que les demandes de paiement des États membres doivent parvenir à la Commission dans un délai de dix mois après la date de fin des actions. L'article 6, paragraphe 2, prévoit que les avances doivent être restituées lorsque les coûts de l'action visée ne peuvent pas être justifiés dans les trois mois suivant la fin du délai de dix mois visé au paragraphe 1. Enfin, l'article 7 indique que, lorsque la gestion d'une action pour laquelle un concours a été accordé fait l'objet d'une enquête en raison d'une présomption d'irrégularité, l'État membre en avertit la Commission sans délai.

Faits et procédure

7.
    En 1988, le département des affaires du Fonds social européen portugais (dépendant du ministère du Travail et de la Sécurité sociale portugais, ci-après «DAFSE») a introduit auprès des services du FSE, au nom de la République portugaise et en faveur de la requérante, deux demandes de concours financiers pour l'exercice 1988 concernant, d'une part, un projet d'action de formation ayant pour objet la préparation de jeunes Portugais à un premier emploi (dossier n° 881311 P1) et, d'autre part, un projet d'action de formation ayant pour objet une plus grande spécialisation et un recyclage eu égard à la crise économique (dossier n° 880249 P3).

8.
    Les deux projets ont été approuvés par deux décisions de la Commission notifiées à la requérante par lettres du DAFSE du 25 mai 1988. Pour le projet 881311 P1, la décision fixait le montant du concours du FSE à 104 623 102 ESC, la République portugaise s'engageant à financer ce projet à concurrence de 85 600 720 ESC, par l'intermédiaire de l'Orçamento da Segurança Social/Instituto de Gestão Financeira da Segurança Social (budget de la sécurité sociale/Institut de gestion financière de la sécurité sociale, ci-après «OSS/IGFSS»). Pour le projet 880249 P3, la décision fixait le montant du concours du FSE à 60 851 922 ESC, la République portugaise s'engageant à financer ce projet à concurrence de 49 787 936 ESC, également par l'intermédiaire de l'OSS/IGFSS.

9.
    Le 14 juillet 1988, la requérante a, en application de l'article 5, paragraphe 1, du règlement n° 2950/83, perçu une avance égale à 50 % du montant des concours octroyés par le FSE, ainsi que de ceux octroyés par l'OSS/IGFSS, soit respectivement, pour le dossier n° 881311 P1, les sommes de 52 311 551 ESC et de 42 800 360 ESC et, pour le dossier n° 880249 P3, les sommes de 30 425 961 ESC et de 24 893 968 ESC.

10.
    Après avoir réalisé les deux actions concernées, elle a demandé au DAFSE que lui soit versé le solde des concours octroyés.

11.
    Le 2 février 1990, le DAFSE a fait savoir à la requérante que sa demande de paiement du solde dans le dossier n° 881311 P1 avait été transmise à la Commission, après certification de l'exactitude factuelle et comptable des dépenses opérée le 30 octobre 1989, mais qu'un montant de 6 491 845 ESC avait été considéré comme inéligible.

12.
    Le 16 octobre 1991, la requérante a demandé au DAFSE de lui préciser la date de paiement du solde des concours obtenus pour les deux projets réalisés. Le DAFSE lui a répondu le 24 octobre 1991 qu'il attendait le dépôt d'un rapport et le résultat d'un audit.

13.
    En l'absence de communication, par le DAFSE, de ces deux documents, la requérante a introduit une action contre l'État portugais le 17 septembre 1993, en vertu de l'article 69 de la lei do Processo dos Tribunais Administrativos n° 262/85, du 16 juillet 1985 (décret-loi sur la procédure devant les tribunaux administratifs, ci-après «LPTA»), afin d'obtenir la reconnaissance de son droit au paiement du solde des concours. Cette action a été rejetée, au motif que le défendeur n'était pas l'État portugais, mais l'organe dont l'acte émanait, en l'occurrence le directeur général du DAFSE. La requérante a alors introduit une action de même nature à l'encontre du directeur général du DAFSE. Cette seconde action n'a pas non plus abouti, au motif qu'il fallait introduire une action en responsabilité civile contre l'État portugais, en vertu de l'article 73 de la LPTA et de l'article 51, paragraphe 1, sous h), du Estatuto do Tribunal Administrativo (statut du tribunal administratif).

14.
    Le 26 janvier 1994, le DAFSE a notifié à la requérante les résultats d'un contrôle effectué à sa demande par l'Inspecçáo Geral de Finanças (ci-après «IGF»). La requérante a présenté ses observations le 24 février 1994, au sujet desquelles le DAFSE a demandé certains éclaircissements le 16 mai 1994, qui lui ont été apportés par la requérante le 26 mai 1994.

15.
    Le 9 septembre 1994, le DAFSE a communiqué à la requérante les décisions qu'il avait prises à la suite des demandes de paiement du solde et a demandé à la requérante de lui rembourser, dans un délai de 30 jours, une somme totale de 62 856 998 ESC, à raison de 29 052 034 ESC dans le cadre du dossier n° 881311 P1 et de 33 804 964 ESC dans le cadre du dossier n° 880249 P3. Le 10 octobre 1994, la requérante a formé un recours devant le Tribunal Administrativo de Círculo de Lisboa à l'encontre de cet ordre de remboursement, en invoquant notamment la prescription de l'éventuelle créance du DAFSE à son égard.

16.
    Le 11 mai 1995, le DAFSE a informé la requérante que la Commission avait approuvé la demande de paiement du solde dans le dossier n° 880249 P3, tout en se référant à la certification effectuée par le DAFSE le 9 septembre 1994, laquelle portait également sur le dossier n° 881311 P1 (voir point précédent).

17.
    Le 25 mai 1995, la requérante a demandé au DAFSE de lui communiquer une attestation ou une copie certifiée conforme de la décision d'approbation de la demande de paiement du solde dans le dossier n° 880249 P3. La requérante n'a toutefois reçu aucune réponse à ce courrier.

18.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 juillet 1995, la requérante a introduit un recours en annulation à l'encontre de la décision de la Commission de réduire les deux concours financiers du FSE qui lui avait été communiquée dans la lettre du DAFSE du 11 mai 1995 (affaire T-145/95).

19.
    Le 9 décembre 1996, la Commission a adopté les décisions C (96) 2554 et C (96) 2555 (ci-après «décisions litigieuses»), afin de réduire, dans les dossiers n° 881311 P1 et n° 880249 P3, le montant de la subvention accordée par la décision C (88) 831/29,04,88.

20.
    Dans son mémoire en défense dans l'affaire T-145/95, déposé le 16 décembre 1996, la Commission a précisé que les décisions litigieuses, jointes en annexes audit mémoire, remplaçaient l'acte d'approbation par la Commission de la demande de paiement du solde des concours financiers accordés dans les dossiers nos 881311 P1 et 880249 P3, qui aurait pris la forme des notes de débit nos 95001035 U et 95001037 W de la Commission établissant respectivement le montant du remboursement à 15 978 619 ESC et à 18 592 730 ESC.

21.
    Elle en a déduit qu'il n'y avait plus lieu à statuer sur le recours.

22.
    Par courrier du greffe du Tribunal du 10 janvier 1997, la requérante a été invitée à se prononcer sur cette dernière affirmation. Elle a fait parvenir ses observations le 4 février 1997.

23.
    Par ordonnance du 28 mai 1997, Proderec/Commission (T-145/95, Rec. p. II-823), le Tribunal a estimé (point 23) que, par l'adoption des décisions litigieuses, la Commission avait implicitement retiré l'acte attaqué, au motif qu'il ne répondait pas aux exigences de motivation d'une décision portant réduction du montant d'un concours communautaire initialement octroyé. Il a également considéré (point 26) que le retrait de l'acte attaqué avait produit des effets équivalents à ceux d'un arrêtd'annulation, sans préjudice du droit de la requérante de contester la légalité des décisions litigieuses dans le cadre d'un recours distinct. Il en a déduit (points 27 à 29) que la requérante ne conservait aucun intérêt à obtenir l'annulation de l'acte attaqué, de sorte que son recours était devenu sans objet et qu'il n'y avait plus lieu à statuer.

24.
    Le 28 janvier 1997, le DAFSE a communiqué à la requérante les décisions litigieuses, au moyen de deux lettres rédigées en termes identiques de la manière suivante:

«A la suite de notre note n°[respectivement 5394 pour le dossier n° 881311 P1 et 5445 pour le dossier n° 880249 P3], du 95.05.11, vous trouverez ci-joint une copie de la décision formelle de la Commission européenne relative au dossier [respectivement n° 881311 P1 et n° 880249 P3].»

25.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 mars 1997, la requérante a introduit le présent recours en annulation des décisions litigieuses.

26.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalable. Toutefois, à titre de mesure d'organisation de la procédure, le Tribunal a invité la requérante à répondre par écrit à une question avant l'audience, ce qui a été fait dans le délai imparti.

27.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 2 avril 1998.

Conclusions des parties

28.
    Dans sa requête, la requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler les décisions litigieuses;

—    condamner la Commission aux dépens.

29.
    Dans sa réplique, elle ajoute qu'il convient de rejeter la «question de l'irrecevabilité».

30.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    déclarer le recours irrecevable;

—    à défaut, le rejeter comme non fondé;

—    condamner la requérante aux dépens.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

31.
    Sans soulever formellement une exception d'irrecevabilité au sens de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission relève dans son mémoire en défense que le présent recours a été introduit en dehors du délai fixé par l'article 173, cinquième alinéa, du traité CE. Elle indique que la requérante a pris

connaissance des décisions litigieuses au moment où le mémoire en défense dans l'affaire T-145/95 lui a été communiqué, à savoir au plus tard le 7 janvier 1997, puisqu'une copie desdites décisions y était annexée. Constatant que le greffe du Tribunal a demandé le 10 janvier 1997 à la requérante de se prononcer sur le non-lieu à statuer, elle en déduit qu'il s'agit en tout état de cause de la date la plus récente pouvant être retenue comme point de départ du délai de recours. Elle ajoute que, s'agissant de décisions dont la requérante n'est pas le destinataire, le point de départ à prendre en considération n'est pas la date de la notification de ces décisions à la requérante par le DAFSE, mais la date à laquelle la requérante a pris connaissance des décisions, à savoir en l'espèce au plus tard le 10 janvier 1997. Le présent recours ayant été introduit le 27 mars 1997, il serait manifestement tardif et dès lors irrecevable.

32.
    La requérante souligne que les décisions litigieuses lui ont été notifiées le 28 janvier 1997 par le DAFSE, de sorte que, conformément à l'article 173, cinquième alinéa, du traité, le délai pour l'introduction d'un recours en annulation n'a commencé à courir qu'à cette date-là. Dans de telles circonstances, un recours introduit le 27 mars 1997 répondrait manifestement aux exigences de délai posées par l'article 173, cinquième alinéa, du traité.

Appréciation du Tribunal

33.
    L'article 173, cinquième alinéa, du traité fixe le délai pour l'introduction d'un recours en annulation à deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l'acte, de sa notification à la partie requérante, ou, à défaut, du jour où celle-ci en a eu connaissance. Ce délai doit en outre être augmenté, conformément à l'article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, d'un délai de distance de dix jours, lorsque la partie requérante est, comme en l'espèce, établie au Portugal.

34.
    La requérante n'est pas le destinataire des décisions litigieuses. Celles-ci ont été adressées aux autorités de la République portugaise (article 4 de chacune des décisions), en l'occurrence le DAFSE. Néanmoins, la requérante est directement et individuellement concernée, au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité, par lesdites décisions, en ce qu'elles la privent d'une partie des concours financiers du FSE qui lui avaient été initialement accordés, sans que les autorités portugaises disposent à cet égard d'un pouvoir d'appréciation propre (voir, notamment, arrêts de la Cour du 7 mai 1991, Interhotel/Commission, C-291/89, Rec. p. I-2257, point 13, et du 4 juin 1992, Infortec/Commission, C-157/90, Rec. p. I-3525, point 17).

35.
    En l'occurrence, il s'agit d'examiner si, comme le prétend la Commission, la requérante a introduit le présent recours plus de deux mois et dix jours après avoir pris connaissance des décisions litigieuses, celles-ci ayant été notifiées à leur

destinataire, le DAFSE, et n'ayant pas fait l'objet d'une publication au Journal officiel des Communautés européennes.

36.
    Or, s'il est constant que la Commission a joint copies des deux décisions litigieuses en annexe au mémoire en défense qu'elle a déposé le 18 décembre 1996 dans l'affaire T-145/95 (voir ci-dessus point 20), elle n'a pas établi que la requérante a effectivement eu connaissance de l'existence et du contenu des décisions litigieuses le 7 janvier 1997, voire le 10 janvier 1997 (voir ci-dessus point 31). A cet égard, elle ne saurait se contenter d'invoquer la date à laquelle le greffe du Tribunal a transmis le mémoire en défense et ses annexes à la personne autorisée, dans le cadre de la seule procédure T-145/95, à recevoir toutes significations adressées à la requérante, conformément à l'article 44, paragraphe 2, du règlement de procédure. En effet, il ne saurait être déduit de cette seule circonstance que la requérante a eu une connaissance effective de l'existence et du contenu des décisions litigieuses, au sens de l'article 173, cinquième alinéa, du traité, faisant courir le délai prévu par cette disposition pour entamer une nouvelle procédure autre que l'affaire T-145/95, et cela même si cette nouvelle procédure devait mettre en présence les mêmes parties.

37.
    Dès lors, il y a lieu de considérer que les dates auxquelles la requérante a pris connaissance de façon précise de l'auteur, du contenu et des motifs des décisions litigieuses de manière à pouvoir faire fruit de son droit de recours (voir arrêts de la Cour du 5 mars 1980, Könecke/Commission, 76/79, Rec. p. 665, point 7, et du 6 décembre 1990, Wirtschaftsvereinigung Eisen- und Stahlindustrie/Commission, C-180/88, Rec. p. I-4413, point 22) sont les 28 janvier et 4 février 1997 (voir ci-dessus points 22 et 24). La première date est celle à laquelle la requérante reconnaît avoir reçu copie des décisions litigieuses de la part du DAFSE. La seconde est celle à laquelle elle a déposé ses observations sur la demande de non-lieu à statuer formulée dans le mémoire en défense de la Commission dans l'affaire T-145/95, auquel était annexées des copies des décisions litigieuses.

38.
    Il s'ensuit que le présent recours a été introduit dans le délai de deux mois prévu à l'article 173, cinquième alinéa, du traité, augmenté de dix jours en raison de la distance, à partir de la prise de connaissance des décisions litigieuses par la requérante.

39.
    Ledit recours est donc recevable.

Sur le fond

40.
    La requérante invoque en substance quatre moyens tirés, premièrement, d'une violation de la réglementation applicable, résultant de la seconde certification réalisée par le DAFSE, deuxièmement, d'une violation de l'article 190 du traité, troisièmement, d'un détournement de pouvoir et, quatrièmement, d'une violation des droits de la défense de la requérante.

Sur le premier moyen, tiré d'une violation de la réglementation applicable, résultant de la seconde certification réalisée par le DAFSE

Arguments des parties

41.
    La requérante se prévaut de vices affectant la seconde certification par le DAFSE, le 9 septembre 1994, de l'exactitude factuelle et comptable des dépenses présentées à l'appui de la demande de paiement du solde des deux concours financiers du FSE, pour contester la légalité des décisions litigieuses adoptées sur la base de ladite certification.

42.
    Son moyen comporte trois branches.

— Première branche du moyen

43.
    La requérante excipe de l'incompétence ratione temporis du DAFSE. Celui-ci n'aurait pu revenir, au moyen d'une seconde certification factuelle et comptable, sur celle opérée le 30 octobre 1989, conformément à l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83. Selon les termes de l'article 1er, paragraphe 2, de l'article 4 et de l'article 6, paragraphes 1 et 2, de la décision 83/673, la certification factuelle et comptable des dépenses soumises dans la demande de paiement d'un concours financier du FSE par le bénéficiaire devrait avoir lieu dans un délai de treize mois après la fin des actions ainsi financées. Or, en l'espèce, la requérante aurait terminé à la fin de l'année 1989 les actions financées par les deux concours financiers du FSE. La seconde certification factuelle et comptable opérée par le DAFSE en 1994 aurait donc manifestement été effectuée en dehors du délai imparti par ces dispositions.

44.
    Dans sa réplique, la requérante ajoute que la Commission ne saurait à présent tenter de justifier la seconde certification en alléguant que le DAFSE nourrissait dès le 25 janvier 1990 certains doutes quant à la réalité factuelle et comptable des dépenses présentées en annexe à sa demande de paiement. Elle relève que, si le DAFSE avait eu de tels doutes en octobre 1989 au moment où il a procédé à la première certification, il aurait pu lui en faire part le 2 février 1990, ce qu'il n'a pas fait. Elle relève d'ailleurs que la lettre du DAFSE du 2 février 1990, qui lui faisait part de la première certification, ne précisait pas que celle-ci était effectuée sous une réserve quelconque.

45.
    De même, dans sa réplique, la requérante observe que les dépenses dont l'éligibilité est discutée par la Commission dans son mémoire en défense portent sur des prestations établies sur la base de documents provenant de deux autres entreprises. Les prestations ayant été fournies par ces deux entreprises et leurs factures ayant été réglées par la requérante, elle considère que les éventuelles irrégularités décelées dans ces documents ne sauraient lui être reprochées.

46.
    La Commission rejette l'interprétation des dispositions réglementaires applicables défendue par la requérante.

47.
    Elle fait valoir tout d'abord que l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 2950/83 ne prévoit aucun délai pour procéder à la réduction d'un concours financier du FSE et que l'article 7 du même règlement n'impose pas davantage un délai poureffectuer les vérifications qu'il prévoit. Cette situation refléterait en réalité la volonté du législateur communautaire de ne pas subordonner la réduction d'un concours ou la vérification d'un soupçon d'irrégularité au respect de délais.

48.
    La Commission relève ensuite que, si, le 30 octobre 1989, l'État portugais a certifié l'exactitude factuelle et comptable de la demande de paiement du solde des concours financiers du FSE présentée par la requérante, le technicien du DAFSE en charge du dossier a toutefois d'ores et déjà proposé, dans sa fiche d'information du 27 octobre 1989, de réaliser un audit financier des projets en cause en raison des lacunes constatées. Elle en déduit que les données factuelles et comptables figurant dans la demande de paiement du solde des concours ont été certifiées par le DAFSE à titre conditionnel, pour préserver les intérêts de la requérante, laquelle, à défaut, aurait perdu le droit au paiement des concours par la Commission, même si les soupçons d'irrégularités n'avaient pas été confirmés ultérieurement. Elle ajoute que, le 25 janvier 1990, le DAFSE a demandé à l'IGF de procéder à une vérification des dossiers en cause.

49.
    La Commission souligne enfin que la requérante connaissait parfaitement les raisons qui avaient amené le DAFSE à douter de l'éligibilité de certaines dépenses, puisque, le 26 janvier 1994, elle avait eu connaissance des résultats du contrôle réalisé à l'initiative du DAFSE et avait pu les commenter. A cette occasion, la requérante aurait cependant été incapable de contester le bien-fondé de l'analyse reprise dans les résultats de cet audit et elle n'aurait pu fournir aucune preuve susceptible d'affecter ses conclusions. La Commission cite précisément certains passages de l'audit relatifs aux prestations et documents de deux entreprises auxquelles la requérante a fait appel pour réaliser les actions financées dans le cadre de ses deux projets. Elle constate que, dans le cadre du présent recours, la requérante ne conteste pas l'exactitude factuelle et comptable des reproches qui sont formulés dans les résultats de cet audit.

— Deuxième branche du moyen

50.
    La requérante prétend que le DAFSE est sorti des attributions qui lui sont reconnues en la matière par l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83 et par l'article 2, paragraphe 1, sous d), du décret-loi portugais n° 37/91. Ces dispositions limiteraient la compétence du DAFSE à la seule certification factuelle et comptable des indications jointes à la demande de paiement du solde des concours financiers du FSE. Le DAFSE pourrait seulement exercer son pouvoir de certification factuelle et comptable au moment de la transmission de la demande

de paiement du solde. Or, en l'espèce, la seconde certification factuelle et comptable opérée par le DAFSE, portée à la connaissance de la requérante par la lettre du 9 septembre 1994, aurait concerné d'autres éléments que ceux transmis lors de la première certification du 30 octobre 1989. L'effet de révocation de la première certification provoqué par la seconde certification serait donc illégal pour cette raison. La requérante souligne aussi les effets de la certification factuelle et comptable du DAFSE sur le concours financier national, en vertu des dispositions pertinentes de la réglementation portugaise, en insistant sur le fait que cette certification confère un droit au paiement du concours national.

51.
    La Commission répond que la certification par le DAFSE de l'exactitude factuelle et comptable, conformément aux dispositions de l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83, ne signifie pas que cet organisme ne peut plus examiner a posteriori la demande de paiement du solde et, en cas de nécessité, présenter une demande de paiement corrigée à la Commission. L'obligation de certification de l'État membre devrait s'analyser à la lumière, d'une part, du souci d'éviter les irrégularités dans l'utilisation du concours du FSE et, d'autre part, de la responsabilité subsidiaire de l'État membre pour le paiement d'un concours utilisé de façon irrégulière, prévue par l'article 6, paragraphe 2, du règlement n° 2950/83. En procédant en 1994 à la certification définitive de la demande de paiement des soldes après correction des irrégularités détectées dans la réalisation des actions, le DAFSE n'aurait donc pas pris un nouvel acte annulant la première certification intervenue le 30 octobre 1989.

52.
    De même, les dépenses non certifiées par l'État membre ne seraient pas exclues de l'appréciation de la Commission, l'article 7, paragraphe 3, du règlement n° 2950/83 prévoyant que «les États membres tiennent à la diposition de la Commission les éléments justificatifs de la certification prévue à l'article 5, paragraphes 2 et 4». En outre, dans son arrêt du 13 décembre 1995, Commission/Branco [T-85/94 (122), Rec. p. II-2993, points 23 et 24], le Tribunal aurait rappelé que c'est la Commission qui statue sur les demandes de paiement du solde et c'est à elle — et à elle seule — qu'incombe le pouvoir de réduire un concours financier du FSE, conformément à l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 2950/83, et que c'est la Commission qui assume, à l'égard du bénéficiaire d'un concours du FSE, la responsabilité juridique de la décision par laquelle son concours est réduit, indépendamment du point de savoir si cette réduction a été proposée ou non par l'autorité nationale concernée.

53.
    Quant à l'effet de la certification sur le concours national, la Commission fait remarquer que ce dernier n'a pas été versé en l'espèce, l'organisme national compétent nourrissant déjà à l'époque des soupçons quant à la régularité de certaines dépenses. En outre, elle considère que, même si le paiement du concours national avait été effectué, cela n'aurait conféré aucun droit à la requérante en vertu du droit national portugais.

— Troisième branche du moyen

54.
    La requérante relève que le DAFSE a utilisé un critère tiré d'un «caractère raisonnable» et d'une «bonne gestion financière» pour procéder à la seconde certification factuelle et comptable portée à sa connaissance le 9 septembre 1994. Or, d'une part, le DAFSE n'aurait pas été compétent pour appliquer un tel critère lors de la certification factuelle et comptable à laquelle il devait procéder et, d'autre part, ce critère n'aurait pas été utilisé lors de la première certification du 30 octobre 1989.

55.
    Soulignant que le DAFSE ne lui a jamais reproché l'absence de réalisation effective ou de comptabilisation des dépenses figurant sur ses demandes de paiement de 1989, la requérante se prévaut d'une répartition des attributions entre la Commission et le DAFSE pour déclarer que ce dernier est seulement chargé de vérifier si les indications figurant sur la demande de paiement et leur expression comptable correspondent à la réalité. Elle en déduit que le DAFSE n'a pas le pouvoir de procéder à un contrôle a posteriori du respect de la décision d'approbation d'un concours financier du FSE, a fortiori au regard d'un critère tiré d'un «caractère raisonnable» et d'une «bonne gestion financière». En effet, compte tenu de l'autonomie de gestion du FSE en tant qu'instrument d'une politique communautaire de l'emploi et de la formation professionnelle et de la nécessité d'opérer une application uniforme du droit communautaire et plus particulièrement des conditions fixées dans la décision d'approbation d'une demande de concours financier communautaire, l'appréciation du respect de ces dernières conditions relèverait exclusivement de la Commission.

56.
    Lorsqu'il procède à une certification factuelle et comptable, le DAFSE devrait soit conclure à l'exactitude factuelle et comptable des éléments qui lui sont présentés par le bénéficiaire, et dès lors les certifier, soit conclure à leur inexactitude factuelle et comptable et dès lors refuser de les certifier. Le DAFSE ne pourrait en tout état de cause porter un jugement de valeur sur les faits qu'il est tenu de certifier. En réalité, les différences constatées entre la certification opérée le 2 février 1990 et celle opérée le 9 septembre 1994 s'expliqueraient par l'application du critère tiré d'un «caractère raisonnable» et d'une «bonne gestion financière».

57.
    La requérante fait remarquer par ailleurs que le DAFSE n'avait pas défini le critère précité préalablement à son application lors de la seconde certification et qu'il n'en avait pas fait état lors de la première certification.

58.
    La Commission rétorque que la réduction des concours financiers du FSE est fondée non seulement sur l'application d'un critère tiré d'un «caractère raisonnable» et d'une «bonne gestion financière», mais également sur le non-respect de certaines autres conditions posées par les décisions d'approbation des demandes de concours. Le critère en question figurerait d'ailleurs parmi les conditions fixées dans ces dernières décisions. En souscrivant à l'acte d'acceptation de la décision d'approbation, la requérante se serait ainsi engagée à utiliser les

aides accordées conformément aux règles nationales et communautaires en vigueur. Or, tant les règles nationales que les règles communautaires en cause prévoiraient précisément l'application de critères de bonne gestion financière.

59.
    L'article 7 du règlement n° 2950/83 prévoirait que des vérifications du contenu d'une demande de paiement du solde peuvent être effectuées et que l'État membre appuie la Commission dans ses vérifications, sans préjudice de contrôles effectués par l'État membre lui-même.

Appréciation du Tribunal

60.
    Avant de procéder à l'examen des trois branches du premier moyen, et afin de permettre cet examen, il est nécessaire de déterminer la nature et la portée de la certification factuelle et comptable au sens de la réglementation communautaire en cause.

— Sur la nature et la portée de la certification factuelle et comptable

61.
    L'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83, seule disposition traitant de la certification de l'exactitude factuelle et comptable des demandes de paiement du solde, dispose:

«Les demandes de paiement du solde contiennent un rapport détaillé sur le contenu, les résultats et les aspects financiers de l'action concernée. L'État membre certifie l'exactitude factuelle et comptable des indications contenues dans les demandes de paiement.»

62.
    La certification dont il est question à l'article 5, paragraphe 2, du même règlement concerne exclusivement l'éventuelle deuxième avance qui peut être versée à concurrence de 30 % au maximum et elle porte sur la réalisation de la moitié de l'action aux conditions prévues dans la décision d'agrément.

63.
    L'article 7, paragraphe 3, du règlement n° 2950/83 prescrit en outre aux États membres de tenir «à la disposition de la Commission les éléments justificatifs de la certification prévue à l'article 5, paragraphes 2 et 4».

64.
    En revanche, ni la décision 83/516 ni la décision 83/673 ne mentionnent cette certification dans leurs dispositions, même s'il y est fait référence dans l'annexe 2 à cette dernière décision, qui contient un exemplaire du formulaire que le bénéficiaire doit remplir pour obtenir le paiement du solde.

65.
    L'article 6, paragraphes 1 et 2, de la décision 83/673 précise cependant:

«Les demandes de paiement des États membres doivent parvenir à la Commission dans un délai de dix mois après la date de fin des actions. Le paiement du concours pour lequel la demande est présentée après l'expiration de ce délai est exclu.

Les avances doivent être restituées lorsque les coûts de l'action visée ne peuvent être justifiés au moyen du formulaire de l'annexe 2 dans les trois mois suivant la fin du délai de dix mois visé au paragraphe 1.»

66.
    Le formulaire de l'annexe 2 est celui que le bénéficiaire du concours remet à l'État membre pour lui permettre de procéder à la certification prévue à l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83 (voir ci-dessus point 64).

67.
    La certification dont il est question à l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83 consiste donc à vérifier l'exactitude factuelle et comptable des données transmises à l'appui de la demande de paiement du solde d'un concours par le bénéficiaire de ce dernier. Une case du formulaire figurant à l'annexe 2 à la décision 83/673 est spécialement réservée à cet effet.

68.
    Lorsqu'un bénéficiaire transmet une demande de paiement du solde d'un concours financier du FSE aux autorités compétentes d'un État membre, ces dernières peuvent adopter trois attitudes. Elles peuvent transmettre la demande telle quelle, en certifiant l'exactitude factuelle et comptable de l'ensemble des dépenses présentées. Elles peuvent aussi transmettre cette demande à la Commission en précisant qu'elles certifient l'exactitude factuelle et comptable d'une partie seulement des données présentées, comme le fit en l'occurrence le DAFSE le 30 octobre 1989. Elles peuvent enfin ne rien faire, au risque d'entraîner la déchéance du droit du bénéficiaire de percevoir le montant non encore versé du concours communautaire qui lui a été accordé si l'inaction des autorités nationales de l'État membre se prolonge au-delà du délai fixé à cet effet par l'article 6, paragraphe 1, de la décision 83/673. Comme l'affirme la requérante, l'absence de certification factuelle et comptable d'une dépense constitue donc une décision finale en matière de financement, le pouvoir de certification prévu à l'article 5, paragraphe 4, devant être exercé dans un certain délai.

69.
    S'agissant de la portée de cette certification factuelle et comptable, force est de constater, d'une part, que l'acte de certification pris par l'État membre ne le libère pas des autres obligations qui lui incombent en vertu de la réglementation communautaire applicable.

70.
    Ainsi, même s'il a d'ores et déjà effectué la certification visée à l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83, il reste tenu par les termes de l'article 2, paragraphe 2, de la décision 83/516, aux termes duquel:

«Les États membres intéressés garantissent la bonne fin des actions [...]»

71.
    Il reste également tenu par les termes de l'article 7 de la décision 83/673, lequel dispose:

«Lorsque la gestion d'une action pour laquelle un concours a été accordé fait l'objet d'une enquête en raison d'une présomption d'irrégularité, l'État membre en avertit la Commission sans délai.»

72.
    Les obligations qui découlent de ces dispositions ne sont frappées d'aucune restriction dans le temps et doivent être interprétées comme s'imposant tout au long de la gestion d'une action financée par le FSE. Or, la période qui s'écoule entre l'introduction par l'État membre de la demande de paiement du solde du concours financier présentée par le bénéficiaire dudit concours et le moment où la Commission adopte une décision ne saurait être considérée comme n'entrant pas dans le cadre de la gestion d'une telle action, dont l'article 7 de la décision 83/673 fait état. Il s'avère d'ailleurs que l'État membre est considéré comme l'interlocuteur privilégié de la Commission tant dans l'article 5, paragraphe 5, in fine, du règlement n° 2950/83, selon lequel «la Commission informe toutes les parties intéressées au moment du versement du paiement», que dans les articles 6 et 7 du même règlement, qui organisent la procédure à suivre lorsque la Commission constate que les conditions d'octroi n'ont pas été respectées ou qu'elle souhaite entreprendre certaines vérifications consécutives à une demande de paiement. Ces éléments confirment donc que l'État membre reste tenu de certaines obligations après avoir procédé à la certification factuelle et comptable prévue à l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83. Enfin, il convient de souligner que, l'article 7 de la décision 83/673 ne faisant nullement mention d'un caractère nécessairement frauduleux des irrégularités que les États membres sont tenus de dénoncer à la Commission dès qu'ils en soupçonnent l'existence, la requérante ne saurait prétendre, comme semblait le suggérer sa réponse à une question du Tribunal lors de l'audience, que l'éventuelle absence de caractère frauduleux des irrégularités vide de son contenu l'obligation ainsi imposée aux États membres.

73.
    Il y a lieu de rappeler par ailleurs que, selon la jurisprudence, la Commission est seule compétente pour réduire un concours communautaire dans le cadre du FSE (voir arrêt de la Cour du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a., C-32/95 P, Rec. p. I-5373, point 29, et arrêt Commission/Branco, précité, point 23). L'exercice de cette compétence exclusive de la Commission ne saurait être conditionnée par la certification visée à l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83. La Commission reste en effet libre de réduire un concours communautaire même si l'État membre a certifié l'exactitude factuelle et comptable de l'ensemble des données fournies à l'appui de la demande de paiement du solde. La réglementation ne fixe aucun délai particulier pour l'exercice de cette compétence.

74.
    Par conséquent, compte tenu de la garantie de bonne fin des actions financées qu'assume l'État membre sur la base de l'article 2, paragraphe 2, de la décision 83/516, et de l'obligation de l'État membre de dénoncer à la Commission tout

soupçon d'irrégularité, inscrite à l'article 7 de la décision 83/673, toute certification visée à l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83 doit être considérée comme étant par nature une opération effectuée sous toute réserve par l'État membre. Une interprétation différente porterait atteinte à l'effet utile de l'article 7 de la décision 83/673, qui enjoint à l'État membre de dénoncer les irrégularités constatées dans la gestion des actions à financer par le biais du FSE.

— Sur la première branche du moyen

75.
    Il résulte des considérations qui précèdent que la requérante ne saurait se prévaloir d'une incompétence ratione temporis du DAFSE pour opérer les actes de vérification dont il est fait état dans sa lettre du 9 septembre 1994. Tout d'abord, ces actes ne sauraient être considérés comme la manifestation d'une seconde certification factuelle et comptable au sens de l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83. Il s'agit en réalité de l'exécution des tâches qui incombent aux autorités compétentes de la République portugaise dans le cadre de la mise en oeuvre des concours financiers du FSE, au titre de l'article 2, paragraphe 2, de la décision 83/516 et de l'article 7 de la décision 83/673. Comme l'a signalé la Commission sans être contredite par la requérante, les fiches techniques établies le 25 janvier 1990 par le membre du personnel du DAFSE chargé d'examiner la demande de paiement du solde des concours indiquent que des irrégularités étaient d'ores et déjà soupçonnées à cette date. La seule certification factuelle et comptable réalisée dans le cadre de cette affaire et répondant à l'exigence de l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83 est l'acte auquel le DAFSE se réfère dans sa lettre du 2 février 1990. Cette certification répond d'ailleurs aux exigences de délai fixées par l'article 6, paragraphe 1, de la décision 83/673, comme le reconnaît la requérante.

76.
    Le fait que le DAFSE n'ait pas averti la requérante des soupçons qu'il nourrissait à l'égard de sa demande de paiement du solde des concours lorsqu'il l'a informée le 2 février 1990 de la réalisation de la certification factuelle et comptable n'est pas de nature à affecter la légalité des décisions litigieuses, l'article 7 de la décision 83/673 n'imposant nullement à l'État membre ou à la Commission de tenir le bénéficiaire immédiatement informé de l'existence de soupçons concernant la régularité des données soumises à l'appui d'une demande de paiement d'un solde. De même, il importe peu que la lettre du DAFSE du 2 février 1990 ne mentionne pas formellement que la certification factuelle et comptable a été opérée le 30 octobre 1989 sous toute réserve. En effet, il ressort des dispositions réglementaires applicables qu'une certification conforme à l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83 ne libère pas l'État membre concerné des autres obligations que lui imposent ces dispositions réglementaires.

77.
    Il convient de relever ensuite que les décisions litigieuses ne font nullement état de l'existence de deux certifications au sens de l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83. La seule certification de cette nature à laquelle elles renvoient

(troisième considérant) est celle effectuée le 30 octobre 1989. En outre, même si dans sa lettre du 9 septembre 1994, le DAFSE se réfère à plusieurs reprises à une certification (certificação), il ne mentionne pas l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83.

78.
    Enfin, tant en ce qui concerne l'obligation de l'État membre d'avertir la Commission lorsqu'il soupçonne l'existence de certaines irrégularités qu'en ce qui concerne la compétence de la Commission pour réduire un concours du FSE, aucun délai particulier n'a été fixé dans la réglementation communautaire (voir ci-dessus points 71 et 72). Par conséquent, même s'il fallait considérer qu'il y a lieu d'exercer cette obligation et cette compétence dans un délai raisonnable, il suffirait de relever que, en l'espèce, la requérante n'a pas prétendu que la longueur des délais écoulés entre les différents actes pris par le DAFSE et la Commission était déraisonnable et affectait dès lors, en tant que telle, la légalité des décisions litigieuses, alors même que la requérante mentionne ces différents délais.

79.
    Il s'ensuit que la première branche du moyen n'est pas fondée.

— Sur la deuxième branche du moyen

80.
    Il résulte également des considérations relatives à la nature et à la portée de la certification factuelle et comptable que, en procédant à certaines enquêtes complémentaires et à certaines vérifications, le DAFSE n'est pas sorti des compétences que la réglementation communautaire attribue aux États membres dans la gestion du processus d'examen d'une demande de paiement du solde d'un concours financier du FSE. Au contraire, son attitude montre qu'il a exécuté les obligations que cette réglementation lui impose, notamment à l'article 7 de la décision 83/673 (voir ci-dessus point 71).

81.
    En outre, dès lors que les actes pris par le DAFSE après la certification factuelle et comptable du 30 octobre 1989 ne sont pas assimilables à une certification au sens de l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83, il ne saurait être soutenu qu'il a à cette occasion excédé ses compétences en matière de certification.

82.
    Enfin, il n'y a pas lieu de répondre à l'argument de la requérante tiré d'une violation de la réglementation portugaise, dans la mesure où il n'appartient pas au Tribunal d'examiner les conséquences d'une certification sur le paiement d'un concours national au regard des dispositions du droit national.

83.
    Il s'ensuit que la deuxième branche du moyen n'est pas fondée.

— Sur la troisième branche du moyen

84.
    Il y a lieu de vérifier si, comme le prétend la requérante, un critère supplémentaire tiré d'un «caractère raisonnable» et d'une «bonne gestion financière» lui a été imposé lors de l'examen de ses demandes de paiement du solde, condition qui n'aurait pas figuré parmi celles posées dans les décisions d'octroi des concours en cause.

85.
    Compte tenu de la nature et de la portée de la certification factuelle et comptable visée à l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83, il n'importe pas de savoir, pour apprécier la légalité de l'application de ce critère en l'espèce, si celui-ci a fait l'objet d'un contrôle particulier lors de la certification factuelle et comptable par le DAFSE le 30 octobre 1989. En effet, eu égard aux compétences qui leur sont reconnues en termes de vérification et de contrôle, tant l'État membre que la Commission doivent être autorisés à dénoncer toute méconnaissance par le bénéficiaire des conditions posées lors de l'octroi du concours financier communautaire, que cette méconnaissance soit frauduleuse ou non.

86.
    Il ressort des déclarations d'acceptation des décisions d'octroi du concours signées par la requérante que cette dernière s'est engagée dans les termes suivants à respecter les dispositions nationales et communautaires applicables:

«1. A toutes fins utiles il est déclaré: le(s) soutien(s) octroyé(s) sera(ont) utilisé(s) en conformité avec les dispositions nationales et communautaires applicables, ainsi qu'en conformité avec la décision d'approbation, dans le cadre de l'exécution de l'action (des actions) prévue(s) par le dossier susvisé, en ce qui concerne, notamment, le type de formation, les professions, le nombre d'heures de cours et les réelles perspectives d'emploi; [...]»

87.
    Or, il est constant que tant le droit portugais que le droit communautaire subordonnent l'utilisation des fonds publics à une exigence de bonne gestion financière. Sur ce point, sans être contredite par la requérante, malgré les questions posées par le Tribunal lors de l'audience, la Commission a fait état des dispositions du droit portugais tirées de la décision 6/88 du secrétariat d'État à l'Emploi et à la Formation professionnelle et de l'article 2, premier alinéa, du règlement (Euratom, CECA, CEE) n° 610/90 du Conseil, du 13 mars 1990, modifiant le règlement financier du 21 décembre 1977 applicable au budget général des CE (JO L 70, p. 1).

88.
    Contrairement donc à ce que prétend la requérante, les irrégularités dénoncées dans les décisions litigieuses n'ont donc pas été établies sur la base d'un critère qui n'aurait pas figuré parmi les conditions d'octroi auxquelles était soumis le paiement desdits concours. En revanche, l'application du critère tiré d'un «caractère raisonnable» et d'une «bonne gestion financière», qui consiste simplement à vérifier si les dépenses alléguées par un bénéficiaire et réglées par celui-ci rendent adéquatement compte des prestations pour lesquelles elles ont été exposées, entre

parfaitement dans le cadre du contrôle que l'État membre est tenu d'effectuer au-delà de la simple certification factuelle et comptable, conformément à l'article 7 de la décision 83/673, lorsqu'il soupçonne l'existence d'irrégularités, frauduleuses ou non (voir ci-dessus point 71).

89.
    S'agissant de la réalité des irrégularités reprochées à la requérante, les décisions litigieuses se réfèrent à la notification à la requérante, le 26 janvier 1994, des résultats du contrôle effectué par l'IGF et aux observations présentées par la requérante le 24 février 1994.

90.
    Comme la Commission le souligne dans son mémoire en défense, le troisième alinéa du point 3.3 de ces résultats de contrôle indique:

«Les examens des registres de RSP et de DEPROM, effectués par l'IGF, ont conduit à émettre de sérieuses réserves tant sur la fiabilité de DEPROM que sur la solidité des documents établis, dans la mesure où les faits suivants ont été constatés:

a)    absence de concordance entre les services facturés et les services prestés en amont;

b)    différence importante entre les montants facturés et les coûts correspondant à l'origine de cette facturation;

c)    omission des noms des prestataires de service et absence d'éléments objectifs permettant de porter un jugement sur la prestation effective des services ou sur l'adéquation des montants en cause.»

91.
    Le point 4 du même document se réfère ensuite au contrôle par l'IGF des registres de DEPROM à la suite de la demande du DAFSE du 5 septembre 1991, contrôle au terme duquel l'éligibilité des dépenses attestées par les factures et les reçus de DEPROM a été dénoncée, ainsi que la Commission le souligne également dans son mémoire en défense.

92.
    Or, tant dans ses observations du 24 février 1994 que dans le cadre de la procédure écrite, la requérante n'a nullement contesté la réalité des constatations et l'exactitude des conclusions contenues dans les résultats du contrôle de l'IGF, se contentant, d'une part, d'expliquer l'historique de ses relations avec RSP et l'absence de tout lien juridique avec DEPROM en dehors des relations commerciales qu'elle avait été amenée à entretenir avec cette entreprise et, d'autre part, de souligner qu'elle avait honoré les factures transmises par celle-ci.

93.
    A cet égard, elle ne saurait se prévaloir ni de l'identification d'irrégularités dans les prestations d'une entreprise dont elle a par ailleurs réglé les factures, ni du respect des plafonds de dépenses autorisés dans la décision d'octroi des concours, pour

s'exonérer de toute responsabilité à l'égard de telles irrégularités. Dès lors que des factures ont été présentées par la requérante au titre des dépenses effectuées pour la réalisation des projets en cause, les éventuelles irrégularités dont elles seraient affectées rejaillissent nécessairement sur la régularité desdites dépenses, la requérante étant tenue de garantir la régularité de toutes celles dont elle demande la prise en charge pour le calcul du montant des concours à percevoir. De telles irrégularités sont par conséquent imputables à la requérante.

94.
    En tout état de cause, même si, lors de l'audience, la requérante a allégué qu'elle avait contesté la réalité des irrégularités dénoncées sur la base des résultats du contrôle notifiés le 26 janvier 1994, en citant pêle-mêle les points 13, 14, 16, 19, 22, 24, 29, 32 et 36 de sa requête, force est de constater que cette allégation n'est étayée par aucun élément. Les quelques points de la requête cités ne permettent nullement de déterminer la nature et la portée des critiques prétendument formulées quant à la réalité des irrégularités imputées. A cet égard, l'affirmation de la requérante selon laquelle les contrats à l'origine des factures litigieuses ont été soumis au DAFSE et à la Commission pour approbation lors de l'introduction de la demande initiale d'octroi des concours ne repose sur aucun élément de preuve. Elle est en outre contredite par les propres écrits de la requérante. En effet, il ressort de deux contrats annexés à ses observations du 24 février 1994 sur les résultats du contrôle de l'IGF (annexe 3 auxdites observations) que lesdits contrats ont été conclus le 19 juillet 1988, soit postérieurement à l'adoption des décisions d'octroi des concours par la Commission, lesquelles lui ont été notifiées par le DAFSE le 25 mai 1988 (voir ci-desssus point 8).

95.
    Enfin, la Commission fait remarquer à juste titre, sans être contredite par la requérante (voir ci-dessus points 90 à 92), que les irrégularités qui ont été relevées lors des contrôles de l'IGF et du DAFSE et ont conduit à la réduction des concours en cause, n'ont pas été décelées uniquement par application du critère tiré d'un «caractère raisonnable» et d'une «bonne gestion financière».

96.
    Il s'ensuit que la troisième branche du premier moyen n'est pas fondée.

97.
    Il y a dès lors lieu de rejeter ce moyen dans son intégralité.

Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation de l'article 190 du traité

Arguments des parties

98.
    La requérante prétend que l'application par le DAFSE du critère tiré d'un «caractère raisonnable» et d'une «bonne gestion financière» viole l'obligation de motivation définie à l'article 190 du traité, dès lors que ce critère n'a pas été préalablement défini et n'a pas été utilisé lors de la première certification. Le DAFSE aurait modifié les règles qui gouvernent l'opération de certification et

aurait affecté la compréhension des décisions litigieuses, empêchant la requérante de connaître la portée réelle de ce critère.

99.
    La requérante constate l'existence d'une confusion, voire d'une contradiction, entre les décisions adoptées successivement par le DAFSE et la Commission dans la présente affaire. Le montant des réductions varierait de l'une à l'autre, sans qu'aucune explication soit fournie. Ainsi, alors que la requérante aurait été en droit de recevoir un paiement de 128 896 811 ESC à la suite de la première certification, le DAFSE lui aurait réclamé, le 9 septembre 1994, le remboursement de 62 856 998 ESC, tandis que la Commission lui enjoindrait à présent, dans les décisions litigieuses, de rembourser 34 571 349 ESC.

100.
    La Commission souligne que la requérante n'a pas exposé les raisons qui l'amènent à dénoncer un défaut de motivation des décisions litigieuses. Elle précise néanmoins à toutes fins utiles que les considérants de celles-ci indiquent qu'elles se fondent sur les résultats du contrôle demandé par le DAFSE, que la requérante a été informée de ces résultats et de ses motifs, et qu'elle a eu l'occasion de présenter ses observations à cet égard.

101.
    Elle conteste l'existence d'une quelconque confusion, voire contradiction, entre les décisions communiquées par le DAFSE et les décisions litigieuses quant aux montants à rembourser par la requérante. La différence constatée proviendrait de ce que les premières, contrairement aux secondes, auraient pris en compte les montants du concours national à rembourser. Le détail de cette différence ressortirait des notes d'information fournies par le DAFSE le 9 septembre 1994. Par suite, la requérante n'aurait pas établi l'existence d'un quelconque défaut de motivation.

Appréciation du Tribunal

102.
    Conformément à une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 190 du traité doit faire apparaître d'une façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge communautaire d'exercer son contrôle (arrêts de la Cour du 15 avril 1997, Irish Farmers Association e.a., C-22/94, Rec. p. I-1809, point 39, et du Tribunal du 14 juillet 1997, Interhotel/Commission, T-81/95, Rec. p. II-1265, point 72, ainsi que la jurisprudence citée). La portée de cette obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté.

103.
    En l'espèce, il y a d'abord lieu de rappeler que, dans la mesure où les actes pris par le DAFSE en 1994 ne relèvent pas d'une certification factuelle et comptable au sens de l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83 (voir ci-dessus point 75), l'application par le DAFSE d'un critère tiré d'un «caractère raisonnable»

et d'une «bonne gestion financière» ne peut pas avoir modifié les règles relatives à la certification. Au demeurant, les irrégularités décelées dans l'exécution des projets financés par le FSE ne résultent pas toutes de l'application de ce critère (voir ci-dessus point 95).

104.
    Pour le surplus, les décisions litigieuses renvoient expressément aux différentes étapes de la procédure qui a amené la Commission à réduire les concoursinitialement octroyés et à exiger le remboursement d'une partie des avances consenties. Elles mentionnent notamment les actes pris par les autorités portugaises compétentes.

105.
    Dès lors qu'elles ne précisent pas qu'elles s'écartent sur un point ou un autre de ces actes, il est permis de considérer que le contenu de ceux-ci s'intègre dans la motivation des décisions litigieuses, à tout le moins dans la mesure où la requérante a pu en prendre connaissance.

106.
    Or, les décisions litigieuses mentionnent en particulier les résultats du contrôle réalisé par l'IGF (quatrième considérant), la transmission de ces résultats à la requérante le 26 janvier 1994 et les observations formulées par cette dernière le 24 février 1994 (cinquième considérant). A cet égard, il y a lieu de relever que la requérante a effectivement indiqué sans ambiguïté dans l'introduction de ces dernières observations qu'elles avaient précisément pour objet de réagir au contenu des résultats du contrôle de l'IGF transmis le 26 janvier 1994.

107.
    En outre, les décisions litigieuses précisent que les vérifications faites ont permis de constater que les conditions d'octroi des concours communautaires n'avaient pas été respectées.

108.
    Enfin, la Commission a souligné, sans être contredite sur ce point, que, le 16 mai 1994, le DAFSE avait demandé certains éclaircissements complémentaires à la requérante, laquelle avait répondu le 26 mai 1994 (voir ci-dessus point 14).

109.
    Il s'ensuit que l'application du critère dénoncé par la requérante n'a pas entraîné une violation de l'article 190 du traité.

110.
    En ce qui concerne la différence alléguée entre les montants des concours financiers du FSE à percevoir ou à rembourser qui ont pu être communiqués à la requérante au cours de la procédure ayant conduit à l'adoption des décisions litigieuses, elle s'explique soit par la date à laquelle ces montants ont été arrêtés, soit par la prise en compte ou non des montants des concours nationaux à rembourser.

111.
    En outre, la justification de cette différence figure dans des documents qui ont été fournis en temps utile à la requérante.

112.
    Ainsi, la lettre du DAFSE du 2 février 1990 fait état du résultat de la certification factuelle et comptable du 30 octobre 1989 qui a amené le DAFSE à admettre l'éligibilité de l'ensemble des dépenses présentées, à l'exception d'un montant de 6 491 845 ESC, concours nationaux et communautaires confondus.

113.
    Par ailleurs, la lettre du DAFSE du 9 septembre 1994 fait part à la requérante des conséquences découlant des vérifications complémentaires accomplies dans l'intervalle et lui signale qu'elle est tenue de restituer 29 052 034 ESC dans le dossier n° 881311 P1 et 33 804 964 ESC dans le dossier n° 880249 P3. Les documents annexés à cette lettre, intitulés «Informação n° 1165/DSJ/DSAFEP/94» et «Informação n° 1166/DSJ/DSAFEP/94», précisent que ces montants concernent à la fois le remboursement des avances consenties dans le cadre des concours communautaires (15 978 619 ESC pour le dossier n° 881311 P1, selon le point 18 de l'annexe 7 au mémoire en défense, et 18 592 730 ESC pour le dossier n° 880249 P3, selon le point 19 de l'annexe 8 au mémoire en défense) et des concours nationaux (13 073 415 ESC pour le dossier n° 881311 P1, selon le point 18 de l'annexe 7 au mémoire en défense, et 15 212 234 ESC pour le dossier n° 880249 P3, selon le point 19 de l'annexe 8 au mémoire en défense). Or, les montants des concours communautaires à rembourser, visés par ces documents, sont ceux dont la Commission ordonne le remboursement dans les décisions litigeuses (article 2 de chacune d'elles). En effet, aux termes de celles-ci, qui ne concernent que les concours communautaires, la requérante est tenue de rembourser 15 978 619 ESC dans le dossier n° 881311 P1 et 18 592 730 ESC dans le dossier n° 880249 P3.

114.
    La Commission étant seule compétente pour réduire un concours financier du FSE (voir ci-dessus point 73), il ne saurait y avoir aucune contradiction entre les termes de la lettre du DAFSE du 2 février 1990 certifiant l'exactitude factuelle et comptable des demandes de paiement et les décisions litigieuses enjoignant le remboursement d'une partie des avances à la suite de la réduction des concours. En tout état de cause, il y a lieu de relever que, avant que les décisions litigieuses ne soient adoptées, la requérante a eu l'occasion de prendre connaissance des motifs justifiant les changements intervenus depuis la certification factuelle et comptable réalisée par le DAFSE le 30 octobre 1989, et que ces motifs ont à nouveau été reproduits dans les décisions litigieuses.

115.
    Compte tenu de ce qui précède, le deuxième moyen doit être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré de l'existence d'un détournement de pouvoir

Arguments des parties

116.
    La requérante considère que, compte tenu des circonstances dans lesquelles elles ont été prises, les deux décisions litigieuses révèlent l'existence d'un détournement de pouvoir.

117.
    La Commission rejette l'existence d'un détournement de pouvoir qui résulterait de l'utilisation d'un critère tiré d'un «caractère raisonnable» et d'une «bonne gestion financière». Elle renvoie à cet égard aux observations qu'elle a formulées dans le cadre de la troisième branche du premier moyen.

Appréciation du Tribunal

118.
    Selon une jurisprudence constante, un acte n'est entaché de détournement de pouvoir que s'il apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif ou, à tout le moins, déterminant d'atteindre des fins autres que celles excipées ou d'éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l'espèce (voir arrêts de la Cour du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C-331/88, Rec. p. I-4023, point 24, et du Tribunal du 6 avril 1995, Ferriere Nord/Commission, T-143/89, Rec. p. II-917, point 68).

119.
    En l'espèce, la requérante se contente de faire référence aux circonstances dans lesquelles les décisions litigieuses ont été adoptées, sans préciser les éléments particuliers qui seraient de nature à établir l'existence d'un détournement de pouvoir.

120.
    En l'état de ses allégations, il y a lieu de rejeter le troisième moyen.

Sur le quatrième moyen, tiré d'une violation des droits de la défense de la requérante

Arguments des parties

121.
    La requérante se plaint d'une violation de ses droits de la défense provoquée, d'une part, par l'application sans communication préalable du critère tiré d'un «caractère raisonnable» et d'une «bonne gestion financière» et, d'autre part, par le fait qu'elle n'a pas été entendue par la Commission avant que celle-ci n'adopte les décisions litigieuses.

122.
    La Commission rappelle que les deux décisions litigieuses, comme l'indiquent leurs considérants, se fondent sur la certification effectuée par le DAFSE. Elle ajoute que la requérante a été informée de cette certification et de ses motifs, et qu'elle a eu l'occasion de présenter ses observations à cet égard. Elle en déduit que les

droits de la défense ont été parfaitement respectés. Elle insiste particulièrement sur le fait que la requérante a été informée de l'existence d'un audit en octobre 1991, qu'elle a reçu une copie des résultats de cet audit en janvier 1994, qu'elle a pu consulter les pièces du dossier auprès du DAFSE et présenter ses observations, à deux reprises, en février et en mai 1994.

Appréciation du Tribunal

123.
    Selon la jurisprudence, les droits de la défense du bénéficiaire d'un concours financier du FSE doivent être respectés lorsque la Commission réduit ledit concours (voir arrêt Commission/Lisrestal e.a., précité, points 21 à 38).

124.
    A cet égard, force est de constater, en premier lieu, que le critère contesté par la requérante, tiré d'un «caractère raisonnable» et d'une «bonne gestion financière», relève du respect des conditions posées par le droit national et par le droit communautaire, auxquelles la requérante a souscrit en acceptant formellement les conditions d'octroi des deux concours financiers du FSE en cause, avant l'adoption des décisions litigieuses (voir ci-dessus points 86 à 88).

125.
    De surcroît, il a été appliqué par le DAFSE et la Commission au terme des vérifications entreprises dans le cadre d'un contrôle dont les résultats ont été portés à la connaissance de la requérante et à l'égard desquels elle a pu formuler ses observations.

126.
    Dès lors, son application n'a pas été de nature à causer une violation des droits de la défense de la requérante.

127.
    En ce qui concerne, en second lieu, le droit de la requérante d'être entendue par la Commission avant qu'une décision de réduction des concours financiers du FSE ne soit adoptée, il doit être souligné que, dans son arrêt du 6 décembre 1994, Lisrestal e.a./Commission (T-450/93, Rec. p. II-1177, point 49), le Tribunal, sans être censuré sur ce point par la Cour dans son arrêt Commission/Lisrestal e.a., précité, rendu sur pourvoi, a indiqué que la Commission ne pouvait adopter une décision de réduction d'un concours financier du FSE avant d'avoir préalablement mis le bénéficiaire en mesure, ou de s'être assurée qu'il avait été mis en mesure, de faire connaître utilement son point de vue sur la réduction envisagée.

128.
    Or, en l'espèce, il ressort des éléments du dossier que le DAFSE a tenu la requérante au courant des différentes mesures de vérification entreprises et de leurs résultats, tout en lui donnant l'occasion de présenter ses observations. La requérante a ainsi été informée du résultat final des opérations de vérification menées par le DAFSE, par la lettre du 9 septembre 1994 et ses annexes que ce dernier lui a fait parvenir. En outre, comme l'indiquent les décisions litigieuses (cinquième considérant de chacune d'elles), la requérante a présenté ses

observations sur les résultats du contrôle effectué par l'IGF à la demande du DAFSE (voir ci-dessus point 14).

129.
    Dans de telles circonstances, la Commission s'est valablement acquittée de son obligation de s'assurer que la requérante avait été mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue, respectant ainsi son droit d'être entendue avant qu'une décision de réduction des concours financiers du FSE ne soit prise en l'espèce.

130.
    Il résulte de tout ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté.

131.
    Le recours doit en conséquence être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

132.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La requérante est condamnée aux dépens.

Lindh                        Lenaerts                        Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 juillet 1998.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Lindh


1: Langue de procédure: le portugais.