Language of document : ECLI:EU:T:2019:865

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

17 décembre 2019 (*)

« FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Secteurs des fruits et légumes – Aides aux groupements de producteurs – Dépenses effectuées par la Pologne – Lacunes dans les contrôles clés et secondaires – Vérification des plans de reconnaissance et des critères de reconnaissance – Contrôles relatifs aux demandes d’aide – Admissibilité des groupements de producteurs – Cohérence économique – Nécessité et admissibilité des investissements – Caractère raisonnable des dépenses – Défaillances systémiques – Risque pour le FEAGA – Mesures correctives – Corrections forfaitaires de 25 % »

Dans l’affaire T‑21/18,

République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna, Mme M. Pawlicka et M. D. Krawczyk, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. A. Lewis et Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision d’exécution (UE) 2017/2014 de la Commission, du 8 novembre 2017, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2017, L 292, p. 61),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, faisant fonction de président, Z. Csehi et Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteure), juges,

greffier : Mme R. Ukelyte, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 26 juin 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Audit de la Cour des comptes

1        Dans le cadre des travaux sous-jacents à la déclaration d’assurance sur l’exercice 2013, requise au titre de l’article 287, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, la Cour des comptes européenne a réalisé un audit des systèmes de surveillance et de contrôle mis en œuvre par la République de Pologne dans le contexte des aides octroyées aux groupements de producteurs dans le secteur des fruits et légumes (ci-après les « GP »).

2        Ainsi, lors de deux visites effectuées respectivement du 16 au 27 septembre et les 28 et 29 novembre 2013, la Cour des comptes a procédé à des contrôles auprès de l’Agencja Restrukturyzacji i Modernizacji Rolnictwa (Agence pour la restructuration et la modernisation de l’agriculture, Pologne, ci-après l’« ARMA ») ainsi qu’auprès de 40 GP établis en Pologne tirés au sort, avec la participation des représentants de trois urzędy marszałka województwa (bureaux des maréchaux de voïvodie, Pologne, ci-après les « bureaux des maréchaux »). Elle a notamment vérifié la manière dont l’ARMA avait contrôlé les demandes d’aides présentées par les 40 GP au titre de l’exercice 2013 et leur statut de reconnaissance.

3        Le 13 mai 2014, la Cour des comptes a rendu ses constatations préliminaires, lesquelles ont été confirmées dans sa position finale du 22 octobre 2014. Le résultat de cet audit est mentionné dans le rapport annuel de la Cour des comptes, du 4 septembre 2014, sur l’exécution du budget relatif à l’exercice 2013 (JO 2014, C 398, p. 1).

4        Dans sa position finale, la Cour de comptes a révélé l’existence de déficiences généralisées dans le système de contrôle polonais en ce qui concerne l’aide aux GP. Plus précisément, elle a constaté des irrégularités dans les contrôles de l’éligibilité des bénéficiaires, de la nécessité des investissements et de la rationalité des coûts.

 Procédure d’apurement et décision attaquée

5        Le système de contrôle des aides octroyées par l’Union européenne aux GP en Pologne a également fait l’objet, à partir de 2010, de plusieurs procédures d’apurement de conformité engagées par la Commission européenne.

6        En l’espèce, est concernée la troisième des procédures d’apurement de conformité engagées par la Commission, qui vise les exercices financiers 2014 et 2015. Elle fait suite à l’audit de la Cour des comptes et exploite les constatations de celle-ci contenues dans ses constatations préliminaires et dans sa position finale.

7        Ainsi, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’apurement de conformité prévu à l’article 31 du règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO 2005, L 209, p. 1), alors en vigueur, la Commission a ouvert, sur la base des constatations de la Cour des comptes, une enquête concernant les exercices financiers 2014 et 2015 et, en particulier, les dépenses effectuées par la République de Pologne dans le domaine de la politique agricole commune au titre de la mesure « Fruits et légumes – Groupements de producteurs préreconnus ».

8        Le 19 décembre 2014, la Commission a, conformément à l’article 11, paragraphe 1, de son règlement (CE) no 885/2006, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement no 1290/2005 en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO 2006, L 171, p. 90), alors en vigueur, informé la République de Pologne que, à la suite de son enquête, elle considérait que certaines dépenses imputées au Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) n’avaient pas été effectuées conformément à la réglementation de l’Union. Par conséquent, elle a demandé à la République de Pologne de l’informer des mesures correctives qui allaient être prises afin d’assurer, à l’avenir, le respect de ladite réglementation. La République de Pologne a répondu par lettre du 13 février 2015.

9        Par lettre du 24 avril 2015, la Commission a transmis à la République de Pologne des observations complémentaires et l’a invitée à une réunion bilatérale, conformément à l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 885/2006. La République de Pologne a fourni des informations supplémentaires par lettre du 13 mai 2015.

10      Le 28 mai 2015 s’est tenue la réunion bilatérale entre la Commission et la République de Pologne, dont le procès-verbal a été communiqué à cette dernière le 22 septembre 2015. À la suite de cette réunion, la Commission a maintenu sa position relative à certains aspects litigieux exposés dans la lettre du 19 décembre 2014. Le 28 octobre 2015, la République de Pologne a envoyé à la Commission des informations complémentaires sur lesdits aspects.

11      Le 2 décembre 2016, la Commission a, conformément à l’article 11, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement no 885/2006 et conformément à l’article 34, paragraphe 3, troisième alinéa, de son règlement d’exécution (UE) no 908/2014, du 6 août 2014, portant modalités d’application du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les règles relatives aux contrôles, les garanties et la transparence (JO 2014, L 255, p. 59), communiqué officiellement à la République de Pologne les conclusions auxquelles elle était parvenue sur la base des informations reçues dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité en cause, selon lesquelles, d’une part, la mise en œuvre du système de contrôle du régime d’aide aux GP en Pologne n’était pas conforme aux règles de droit de l’Union et, d’autre part, les défaillances constatées étaient systémiques, ce qui entraînait un risque très élevé de pertes pour le FEAGA et justifiait ainsi une correction financière forfaitaire de 25 %. Elle lui a également indiqué que, par conséquent, elle envisageait d’écarter du financement de l’Union certaines dépenses effectuées au titre du FEAGA pour la période allant du 16 octobre 2013 au 15 octobre 2015, pour un montant total de 74 957 799,36 euros (montant net de 74 956 008,01 euros) (ci-après la « communication officielle »).

12      Le 12 janvier 2017, la République de Pologne a, en application de l’article 40 du règlement d’exécution no 908/2014, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation et, le 30 mars 2017, l’organe de conciliation a, conformément à l’article 40, paragraphe 4, dudit règlement, envoyé à la République de Pologne son rapport du 29 mars 2017, tel que visé à l’article 36, sous c), de ce règlement.

13      Le 29 juin 2017, la République de Pologne a reçu la position finale de la Commission, par laquelle celle-ci maintenait sa position exprimée dans la communication officielle et proposait d’écarter du financement de l’Union le montant net de 74 956 008,01 euros.

14      Par sa décision d’exécution (UE) 2017/2014, du 8 novembre 2017, écartant du financement de l’Union certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEAGA et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2017, L 292, p. 61, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a notamment appliqué à la République de Pologne, d’une part, une correction forfaitaire de 25 % au titre de l’exercice financier 2014, soit un montant de 48 317 806,79 euros, et, d’autre part, une correction forfaitaire de 25 % au titre de l’exercice financier 2015, soit un montant de 26 638 201,22 euros, à la suite de l’exclusion de certaines dépenses effectuées par cette dernière dans le secteur des fruits et légumes au titre de la mesure « Fruits et légumes – Groupements de producteurs préreconnus », pendant la période comprise entre le 16 octobre 2013 et le 15 octobre 2015, et imputées au FEAGA.

15      La décision attaquée a été adoptée conformément à l’article 52, paragraphes 1 à 3, du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1290/2005 et (CE) no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549, rectificatif JO 2016, L 130, p. 13), qui a abrogé le règlement no 1290/2005 à partir du 1er janvier 2014.

16      La Commission a fondé la décision attaquée, en ce qu’elle visait la République de Pologne, sur les lacunes constatées dans le système national de contrôle, plus précisément en ce qui concerne les contrôles clés et secondaires relatifs à la mesure « Fruits et légumes – Groupements de producteurs préreconnus ».

17      La Commission a justifié l’imposition des corrections forfaitaires par les motifs ci-après, exposés dans le rapport de synthèse du 24 octobre 2017 joint à la décision attaquée (ci-après le « rapport de synthèse »).

18      En premier lieu, en matière de reconnaissance, la Commission a reproché à la République de Pologne l’insuffisance des contrôles de l’admissibilité des GP effectués par ses autorités, lesquels ne permettaient pas d’assurer une reconnaissance appropriée de ces derniers. Selon elle, des plans de reconnaissance avaient été approuvés pour certains GP qui ne remplissaient pas totalement les critères d’admissibilité définis par la réglementation de l’Union ou par les règles nationales, en ce qui concerne notamment le statut de producteur de certains membres des GP, l’exigence de prise de décision démocratique et de contrôle exercé par les membres des GP ainsi que l’exigence de concentration de l’offre et de mise sur le marché des produits des membres des GP. Elle a considéré que les irrégularités constatées témoignaient de graves défaillances dans la mise en œuvre par les autorités polonaises des contrôles clés relatifs à la reconnaissance des GP, a conclu que lesdites défaillances étaient systémiques et estimé que, dès lors, il existait un risque de perte très élevé pour le FEAGA qui justifiait une correction forfaitaire de 25 %.

19      En second lieu, la Commission a reproché à la République de Pologne des irrégularités dans la mise en œuvre par ses autorités des contrôles des investissements et des dépenses des GP prévus dans leurs plans de reconnaissance. Selon elle, premièrement, les contrôles relatifs à la nécessité des investissements et à leur caractère raisonnable au regard des plans de reconnaissance initiaux avaient été insuffisants et les acquisitions de placement auprès de membres de GP n’avaient pas fait l’objet des contrôles appropriés. Deuxièmement, elle a considéré que les contrôles des plans de reconnaissance par les autorités polonaises ne remplissaient pas les exigences fixées par la règlementation de l’Union, en particulier en ce qui concerne les contrôles des périodes de remboursement escomptées en cas de cofinancement des investissements. Troisièmement, elle a estimé que les contrôles en Pologne n’incluaient pas de vérification appropriée de la cohérence entre le niveau des investissements et celui de la production commercialisable attendue. Quatrièmement, elle a indiqué que le système de contrôle polonais avait été inopérant en matière de contrôles postérieurs à l’exécution des plans de reconnaissance. Cinquièmement, elle a relevé que les contrôles du caractère raisonnable des investissements cofinancés et de la viabilité économique des dépenses des GP étaient insuffisants. Sixièmement, elle a souligné que la déduction des coûts de transport de la valeur de la production commercialisée (ci-après la « VPC ») avait été systématiquement ignorée par l’organisme payeur dans ses contrôles. Elle a dès lors considéré que la mise en œuvre par la République de Pologne de son système de contrôle des plans de reconnaissance des GP, des investissements et des coûts prévus par ces plans souffrait de graves défaillances qui avaient affecté la légalité et la régularité des paiements versés dans le cadre de la mesure d’aide. En outre, elle a conclu au caractère systémique desdites défaillances et à l’existence de preuves d’irrégularités graves et de négligence, d’une part dans l’identification des pratiques irrégulières affectant le système de contrôle polonais et, d’autre part, dans la lutte contre ces pratiques, ce qui justifiait une correction forfaitaire de 25 %.

 Plan d’action et audit de l’organisme polonais de certification

20      Les audits effectués par la Commission et par la Cour des comptes ayant révélé l’existence de déficiences généralisées dans le système de contrôle polonais en ce qui concerne l’aide aux GP et la Commission ayant imposé en conséquence des corrections financières à la République de Pologne, les autorités polonaises se sont engagées à mettre en œuvre des mesures correctives concernant le système de soutien aux GP.

21      Ainsi, le 14 novembre 2014, la République de Pologne a présenté un plan d’action contenant des mesures correctives (ci-après le « plan d’action »). Le plan d’action devait être mis en œuvre au plus tard à la fin de l’année 2015. Il a été complété le 5 janvier 2015 avec des indicateurs de progrès pour chaque action, conformément à la demande de la Commission. Il a ensuite fait l’objet de modifications et sa dernière version a été transmise à la Commission par lettre du 23 décembre 2015, dans laquelle la République de Pologne a indiqué la mise en œuvre de différentes actions supplémentaires confiées, depuis le 3 octobre 2015, au second organisme payeur, l’Agencja Rynku Rolnego (Agence du marché agricole, Pologne, ci-après l’« AMA »), en lieu et place des bureaux des maréchaux.

22      Le plan d’action a été mis en œuvre pour 204 GP et comportait, notamment, des actions relatives au suivi des déficiences relevées lors des audits de la Commission et de la Cour des comptes et à l’examen ex post de la régularité de l’octroi du statut de préreconnaissance et des paiements auxdits GP depuis 2009, donc notamment pendant la période concernée en l’espèce.

23      Dans le cadre des vérifications ex post effectuées par l’ARMA, conformément au plan d’action, au cours des périodes allant respectivement de décembre 2014 à juin 2015 et d’octobre 2015 à mars 2018, celle-ci a rendu un avis négatif sur la régularité de l’octroi du statut de préreconnaissance pour 51 GP, soit 25 % des 204 GP relevant dudit plan, et ultérieurement pour encore treize des 182 GP revérifiés. Par conséquent, à la fin de septembre 2015, huit des 51 GP ont perdu le statut de préreconnaissance (pour six GP la préreconnaissance a été retirée et deux autres GP ont été déclarés en faillite) et, dans le cas de trois autres GP, l’ARMA leur a adressé des demandes de recouvrement de l’aide versée pour un montant total de 26 544 835,93 zlotys polonais (PLN) (environ 6 580 000 euros). De même, pour 43 des 51 entités ayant fait l’objet d’une appréciation négative de la part de l’ARMA jusqu’au 30 juin 2015, le président de l’AMA a annulé les décisions relatives à leur préreconnaissance et à l’approbation de leurs plans de reconnaissance en considérant qu’elles avaient été adoptées en violation manifeste du droit. Enfin, lors d’un nouveau contrôle élargi effectué au cours de la période allant d’octobre 2015 à mars 2018 pour 182 GP, l’AMA a constaté des irrégularités dans l’octroi du statut de préreconnaissance pour treize autres GP (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2019, Pologne/Commission, T‑51/17, non publié, EU:T:2019:233, points 18 et 115).

24      La République de Pologne a transmis à la Commission des rapports mensuels relatifs à la mise en œuvre du plan d’action.

25      La Commission a effectué plusieurs visites de suivi en Pologne afin de contrôler la mise en œuvre du plan d’action par les autorités polonaises. Une première visite de suivi, dont les résultats ont été communiqués à la République de Pologne par lettre du 15 avril 2015, a été effectuée en mars 2015. Une deuxième visite de la Commission, dont les résultats ont été communiqués à la République de Pologne par lettre du 4 novembre 2015, a été effectuée en septembre 2015.

26      Les visites de suivi ayant révélé que, malgré la persistance de déficiences dans le système de contrôle en cause, les paiements aux GP, y compris à ceux faisant l’objet d’un examen dans le cadre du plan d’action, se poursuivaient et que les recouvrements à partir de l’examen ex post restaient cependant très limités, la Commission est parvenue à la conclusion que cette situation créait un risque élevé pour le FEAGA et a décidé, le 7 avril 2016, par une mesure d’exécution adoptée conformément à l’article 41, paragraphe 2, sous b), du règlement n1306/2013, de suspendre les paiements mensuels perçus par la République de Pologne en vertu de l’article 18, paragraphe 2, du même règlement, pour les dépenses effectuées par l’ARMA pendant la période allant du 1er mars 2016 au 28 février 2017. La République de Pologne n’a pas contesté cette décision.

27      Le 8 janvier 2016, la Pologne a néanmoins demandé à la Commission que la mise en œuvre du plan d’action et, partant, les contrôles portant sur les GP, en tant que mesure prévue par ledit plan, soient prolongés jusqu’à la fin de 2016.

28      Par décision d’exécution C(2017) 2104 final, du 4 avril 2017, prolongeant la suspension des paiements mensuels à la [République de Pologne] au titre de l’aide à la préreconnaissance des GP dans le cadre du FEAGA, la Commission a, par conséquent, prolongé la première décision de suspension « pour une période de douze mois […] entre le 1er mars 2017 et le 28 février 2018, conformément à l’article 18, paragraphe 2, du règlement (UE) no 1306/2013 ».

29      La gestion des fonds alloués sur le budget de l’Union dans le cadre du FEAGA au titre de l’exercice clos le 15 octobre 2015 a également fait l’objet d’un audit de certification de la part du Generalny Inspektor Kontroli Skarbowej (l’inspecteur général du contrôle du Trésor public, Pologne, ci-après l’« organisme de certification »).

30      Ainsi, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de contrôle prévu à l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013, l’organisme de certification a vérifié si les rapports annuels de l’ARMA relatifs notamment au FEAGA constituaient une reproduction fidèle, complète et exacte des opérations grevées par ce fonds, si les dépenses déclarées étaient légales et régulières et si les procédures de contrôle internes fonctionnaient de manière satisfaisante. Il a détecté, dans le système de gestion et de contrôle mis en place par la République de Pologne en ce qui concerne l’aide aux GP, des déficiences similaires à celles constatées par la Cour des comptes ainsi que par la Commission.

 Procédure et conclusions des parties

31      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 janvier 2018, la République de Pologne a introduit le présent recours.

32      Le 14 mai 2019, sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre), au titre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, a posé aux parties des questions écrites, en les invitant à y répondre avant l’audience. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

33      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 26 juin 2019. Le Tribunal a invité les parties à communiquer par écrit certaines données, en leurs offrant la possibilité de déposer des observations écrites sur les renseignements produits après l’audience. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

34      La République de Pologne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où elle écarte du financement de l’Union les sommes de 48 317 806,79 euros et de 26 638 201,22 euros dépensées par l’organisme payeur qu’elle avait agréé ;

–        condamner la Commission aux dépens.

35      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la République de Pologne aux dépens.

 En droit

36      À l’appui du recours, la République de Pologne invoque trois moyens.

37      Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013, au motif que la correction financière a été appliquée sur la base de constatations factuelles inexactes et d’une interprétation erronée du droit de l’Union applicable.

38      Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, au motif que la décision attaquée est insuffisamment motivée.

39      Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013, au motif que le montant de la correction forfaitaire appliquée a été manifestement excessif au regard du risque de pertes financières pour le budget de l’Union occasionné par les déficiences identifiées.

40      Dans le contexte du présent litige, il est opportun d’examiner tout d’abord le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation.

 Cadre juridique

41      Il convient de noter, tout d’abord, que la possibilité de constituer des GP était prévue, durant la période pertinente en l’espèce, par les dispositions de droit dérivé relatives à l’organisation commune de marché dans le secteur des fruits et légumes contenues dans le règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement OCM unique) (JO 2007, L 299, p 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 361/2008 du Conseil, du 14 avril 2008 (JO 2008, L 121, p 1). Si le règlement no 1234/2007 a été remplacé, à compter du 1er janvier 2014, par le règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 671), ce dernier règlement ne prévoit plus la possibilité de constituer de nouveaux GP après la date de son entrée en vigueur.

42      Ainsi, conformément à l’article 125 sexies du règlement no 1234/2007, les GP dans les États membres qui avaient adhéré à l’Union le 1er mai 2004 ou après cette date pouvaient être constitués, en tant qu’entité juridique ou en tant que partie clairement définie d’une entité juridique, à l’initiative d’agriculteurs qui cultivaient un ou plusieurs produits du secteur des fruits et légumes, en vue d’être reconnus comme « organisation de producteurs » (ci-après l’« OP »). À cette fin, ces GP présentaient aux autorités nationales un plan de reconnaissance échelonné afin d’être préreconnus et de bénéficier ainsi d’une période transitoire maximale de cinq ans pour répondre aux conditions nécessaires à la reconnaissance en tant qu’OP, conformément à l’article 122 du même règlement (ci-après la « période transitoire »). Avant d’accepter ce plan, l’État membre informait la Commission de ses intentions et des conséquences financières probables de celles-ci. L’acceptation dudit plan de reconnaissance équivalait à une préreconnaissance et faisait courir la période transitoire.

43      Les modalités d’application du règlement no 1234/2007 couvrant les secteurs des fruits et légumes et des fruits et légumes transformés dans la période pertinente en l’espèce étaient définies dans le règlement (CE) no 1580/2007 de la Commission, du 21 décembre 2007, portant modalités d’application des règlements (CE) no 2200/96, (CE) no 2201/96 et (CE) no 1182/2007 du Conseil dans le secteur des fruits et légumes (JO 2007, L 350, p. 1), et, à partir du 22 juin 2011, dans le règlement d’exécution (UE) no 543/2011, du 7 juin 2011, de la Commission, portant modalités d’application du règlement no 1234/2007 en ce qui concerne les secteurs des fruits et légumes et des fruits et légumes transformés (JO 2011, L 157, p. 1), lequel a abrogé et remplacé le précédent. Les dispositions relatives aux GP du règlement d’exécution no 543/2011 ont repris, en substance, celles du règlement no 1580/2007.

44      Ainsi, les articles 38 à 44 du règlement no 1580/2007, dont le contenu a été repris dans les articles 36 à 42 du règlement d’exécution no 543/2011, fixent des règles détaillées en ce qui concerne notamment la présentation, le contenu, l’approbation et la mise en œuvre du plan de reconnaissance des GP, les activités principales de ceux-ci, la VPC et l’admissibilité au bénéfice de l’aide.

45      Conformément à l’article 38, paragraphe 2, du règlement no 1580/2007 et à l’article 36, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 543/2011, les États membres arrêtent notamment les critères minimaux auxquels doit répondre l’entité juridique ou la partie clairement définie de l’entité juridique pour pouvoir présenter un plan de reconnaissance, les règles pour l’élaboration, le contenu et la mise en œuvre des plans de reconnaissance ainsi que les procédures administratives pour l’approbation, le contrôle et la réalisation desdits plans.

46      Conformément à l’article 39 du règlement no 1580/2007 et à l’article 37 du règlement d’exécution no 543/2011, le projet de plan de reconnaissance doit comporter notamment une description de la situation de départ, en particulier en ce qui concerne le nombre de producteurs membres, et doit donner toutes les précisions voulues sur les adhérents, la production, y compris la VPC, la commercialisation et les infrastructures, y compris celles détenues par les membres individuels du GP si elles sont destinées à être utilisées par le GP lui-même.

47      Le règlement no 1234/2007 prévoyait que, pendant la période transitoire, les GP pouvaient déjà se voir accorder des aides et posait les principes généraux gouvernant l’aide financière nationale, en tant que mesure d’intervention sur le marché agricole, tant à propos de son octroi que de son remboursement par la Commission.

48      Ainsi, en vertu de l’article 103 bis, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 1234/2007, au cours de la période transitoire, les États membres pouvaient accorder aux GP qui avaient été constitués en vue d’être reconnus comme OP deux types d’aides, à savoir, d’une part, des aides destinées à encourager leur constitution et à faciliter leur fonctionnement administratif et, d’autre part, des aides destinées à couvrir une partie des investissements nécessaires à la reconnaissance et figurant à ce titre dans le plan de reconnaissance.

49      Conformément à l’article 103 bis, paragraphe 2, du règlement no 1234/2007, les aides accordées aux GP au titre du paragraphe 1 du même article devaient être remboursées par l’Union conformément aux règles adoptées par la Commission pour le financement de ces mesures, et notamment aux seuils et aux plafonds applicables à chaque type d’aide et au degré de financement de l’Union.

50      S’agissant des aides destinées à encourager la constitution des GP et à faciliter leur fonctionnement administratif, l’article 103 bis, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007 prévoyait notamment qu’elles soient définies, pour chaque GP, sur la base de leur production commercialisée et s’élèvent pour la première, la deuxième, la troisième, la quatrième et la cinquième année, respectivement, à 10 %, à 10 %, à 8 %, à 6 % et à 4 % de la VPC.

51      En ce qui concerne les modalités d’application du règlement no 1234/2007, les articles 45 à 51 du règlement no 1580/2007, dont le contenu a été repris dans les articles 43 à 49 du règlement d’exécution no 543/2011, fixaient des règles détaillées concernant notamment le financement des plans de reconnaissance et les aides aux investissements requises pour la reconnaissance des GP ainsi que les conséquences de la reconnaissance.

52      Avant le 5 avril 2012, date d’entrée en vigueur du règlement d’exécution (UE) no 302/2012 de la Commission, du 4 avril 2012, modifiant le règlement d’exécution no 543/2011 (JO 2012, L 99, p. 21), il n’existait pas de plafond annuel pour la participation financière de l’Union à l’aide accordée aux GP ni de limite pour la participation de l’Union à l’aide à l’investissement visée à l’article 103 bis, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1234/2007.

53      Le règlement d’exécution no 302/2012 a ainsi introduit, à l’article 47, paragraphe 4, du règlement d’exécution no 543/2011, un plafond de 10 000 000 euros par année civile pour la participation financière de l’Union à l’aide accordée aux GP et, au paragraphe 3 du même article, une limite pour la participation de l’Union à l’aide à l’investissement, déterminée pour chaque GP sur la base de sa VPC.

54      Bien qu’aucun plafond ne fût appliqué à l’aide à l’investissement avant le 5 avril 2012, conformément à la note interprétative 2008-33 de la Commission, « les autorités nationales compétentes ne d[evai]ent accepter que les investissements nécessaires dans un plan de reconnaissance pour remplir les critères de reconnaissance, compte tenu de la situation initiale du [GP] ».

55      Dans le cadre de la gestion financière partagée du FEAGA, les États membres étaient censés instituer un système de contrôle des GP, dans la période pertinente en l’espèce, en particulier au titre du règlement no 1580/2007 et, à partir du 22 juin 2011, au titre du règlement d’exécution no 543/2011.

56      Le système de contrôle des GP comportait, d’une part, des contrôles préalables à l’approbation des plans de reconnaissance présentés par les GP et, d’autre part, des contrôles relatifs aux demandes d’aide présentées par ceux-ci (ci-après les « contrôles à la demande »).

57      Ainsi, dans le cadre des contrôles préalables à l’approbation des plans de reconnaissance, conformément à l’article 113, paragraphe 2, du règlement no 1580/2007, dont le contenu a été repris à l’identique dans l’article 111, paragraphes 1 et 2, du règlement d’exécution no 543/2011, avant d’approuver le plan de reconnaissance d’un GP en vertu de l’article 125 sexies, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007, les États membres devaient notamment vérifier, par tous les moyens utiles, l’exactitude des informations contenues dans les plans de reconnaissance.

58      Dans le cadre des contrôles à la demande, conformément à l’article 114, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 1580/2007, dont le contenu a été repris dans l’article 112, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement d’exécution no 543/2011, à la suite de la présentation d’une demande d’aide par un GP, les États membres devaient effectuer des contrôles administratifs et des contrôles sur place afin de s’assurer du respect des conditions d’octroi de l’aide pour l’année considérée. Ces contrôles portaient en particulier sur le respect des critères de reconnaissance pour l’année considérée, sur la VPC, sur la mise en œuvre des mesures figurant dans le plan de reconnaissance ainsi que sur les dépenses réalisées.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE

59      La République de Pologne soutient que la Commission a violé l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, en raison d’une motivation insuffisante. Elle reproche à la Commission de n’avoir, à aucun moment, exposé les raisons pour lesquelles elle n’a pas retenu les arguments et les preuves qui lui ont été présentés par les autorités polonaises en ce qui concerne les modifications des procédures de contrôle internes instaurées dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’action. À cet égard, elle fait valoir qu’elle avait mis en œuvre les mesures correctives appropriées visant à remédier aux carences relevées par la Cour des comptes et par la Commission respectivement jusqu’aux 13 mai et 4 septembre 2014 concernant les procédures de contrôle de l’ARMA et jusqu’au 31 mars 2015 concernant les procédures de contrôle des bureaux des maréchaux. Selon elle, la Commission n’aurait pas exposé les raisons pour lesquelles celle-ci a décidé de lui imposer une correction financière à hauteur de 25 % pour l’ensemble des exercices financiers 2014 et 2015, alors que lesdites modifications avaient certainement amélioré le système de contrôle polonais. La Commission n’aurait pas davantage motivé l’application d’une correction financière pour la période postérieure au 31 mars 2015.

60      La Commission réfute l’argumentation de la République de Pologne.

61      Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteure de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction de l’Union d’exercer son contrôle. Néanmoins, la mesure de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (voir arrêt du 12 juillet 2017, Estonie/Commission, T‑157/15, non publié, EU:T:2017:483, point 106 et jurisprudence citée).

62      S’agissant plus précisément des décisions de la Commission en matière d’apurement des comptes des fonds agricoles, la jurisprudence rappelle que ces décisions sont prises sur le fondement d’un rapport de synthèse ainsi que d’une correspondance entre la Commission et l’État membre concerné. Dans ces conditions, la motivation de telles décisions doit être considérée comme suffisante dès lors que l’État destinataire a été étroitement associé au processus d’élaboration desdites décisions et qu’il connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre la somme litigieuse à la charge des fonds européens (voir arrêt du 12 juillet 2017, Estonie/Commission, T‑157/15, non publié, EU:T:2017:483, point 107 et jurisprudence citée).

63      À la lumière de ces principes, il convient d’apprécier les arguments de la République de Pologne mentionnés au point 59 ci-dessus dénonçant une insuffisance de motivation en ce qui concerne, d’une part, le refus par la Commission de prendre en compte les mesures correctives visant à remédier aux déficiences du système de contrôle polonais et appliquées par les autorités nationales pour la plupart desdites déficiences, et, d’autre part, son choix d’appliquer un taux de correction forfaitaire de 25 % pour l’ensemble des exercices financiers 2014 et 2015, y compris après la mise en œuvre desdites mesures correctives et plus particulièrement après le 31 mars 2015.

64      En l’espèce, force est de constater que, contrairement à ce qu’avance la République de Pologne, la Commission a consacré des développements aux mesures correctives adoptées par les autorités polonaises dans le cadre du plan d’action aux constats qu’elle a effectués lors des visites de suivi relatives à la mise en œuvre desdites mesures (voir points 23 et 26 ci-dessus) et aux conséquences qu’elle a tirées desdits constats notamment dans le cadre des sections relatives au contexte et à la position finale de la direction générale « Agriculture » de la Commission dans le rapport de synthèse.

65      En ce qui concerne plus particulièrement la question des conséquences à tirer des mesures correctives en cause sur la période et le taux de correction proposé, la Commission a constaté, au point 4.2.5 du rapport de synthèse, que, « pour ce qui [était] de la majorité des constatations, les autorités polonaises [avaient] mis en œuvre des procédures révisées afin d’éliminer les défaillances susmentionnées dans le cadre du plan d’action », mais que « les visites de suivi de la [Commission] de mars et septembre 2015 [avaient] confirmé que la mise en œuvre des actions prévues dans le plan d’action avait été retardée ou que ces actions n’étaient pas suffisamment efficaces pour détecter, éliminer et atténuer les principales défaillances identifiées dans la présente enquête », et que, « [a]u vu des conclusions de l’organe de conciliation, la [Commission avait] maint[enu] sa position ».

66      Ces éléments font apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de la Commission en ce qui concerne les conséquences à tirer des mesures correctives adoptées par les autorités polonaises dans le cadre du plan d’action. Dans la mesure où, conformément à la jurisprudence citée au point 62 ci-dessus, le rapport de synthèse constitue un document essentiel à la compréhension de la motivation de la décision attaquée, celle-ci ayant été adoptée sur cette base, il y a lieu de considérer que la Commission a suffisamment motivé sa position à cet égard, indépendamment de la question de savoir si les motifs exposés sont fondés, laquelle sera examinée dans le cadre des premier et troisième moyens.

67      Par ailleurs, la République de Pologne ne peut valablement alléguer qu’elle n’a pas pu connaître la position de la Commission à l’égard des mesures correctives adoptées par ses autorités dans le cadre du plan d’action, dès lors que, d’une part, elle a été étroitement associée à la procédure d’apurement décrite aux points 7 à 14 ci-dessus, dans le cadre de laquelle ces mesures ont été abordées, et que, d’autre part, elle a été en dialogue constant avec les services de la Commission au sujet de la mise en œuvre dudit plan en lui présentant des rapports mensuels de progrès (voir points 20 à 28 ci-dessus).

68      Tout d’abord, ainsi que la République de Pologne l’a elle-même soutenu dans la requête, elle a présenté à la Commission les mesures correctives adoptées par ses autorités dans le cadre du plan d’action par lettre du 13 mai 2015, en préparation de la réunion bilatérale à laquelle elle avait été conviée par cette dernière. Au cours de cette réunion bilatérale, qui s’est tenue le 28 mai 2015, la question des effets desdites mesures a été abordée. À cet égard, il ressort des conclusions adoptées à l’issue de cette réunion, datées du 22 septembre 2015, que la Commission a rappelé à cette occasion les résultats de sa première visite de suivi de mars 2015, qui avaient été communiqués à la République de Pologne par lettre du 15 avril 2015 (voir point 25 ci-dessus), selon lesquels la mise en œuvre dudit plan présentait de graves déficiences, dues principalement à l’absence de supervision et de contrôle de la qualité du travail réalisé et au manque de suivi immédiat des GP. Il ne ressort cependant pas desdites conclusions que la République de Pologne aurait exigé à cette occasion une motivation plus détaillée de la part de la Commission concernant son opinion relative à l’absence d’efficacité des mesures correctives.

69      Ensuite, ainsi que la République de Pologne l’a elle-même reconnu dans la requête, dans sa communication officielle, la Commission a exposé sa position relative à l’effet des mesures prises par les autorités polonaises dans le cadre du plan d’action pour chacune des irrégularités retenues. Ainsi, premièrement, en ce qui concerne l’irrégularité relative au contrôle du statut des membres des GP, elle a indiqué que « les autorités polonaises [avaient] mis en œuvre depuis mars 2015 des procédures actualisées visant à éliminer l[adite] irrégularité dans le cadre [dudit plan] qui prévoit une sous-action distincte relative au contrôle du statut des membres des [GP] », mais que « [ses visites de contrôle] en mars et en septembre 2015 [avaient] confirmé que la réalisation de ce plan [avait] été différée du fait de certaines irrégularités notamment relatives au contrôle de la reconnaissance des [GP], et que les [GP] qui, selon [elle], [avaie]nt été indûment reconnus continuaient de toucher des aides ». Deuxièmement, en ce qui concerne l’irrégularité relative au contrôle de l’indépendance dans la prise de décisions au sein des GP, elle a indiqué que « [l]es autorités polonaises [avaient] effectivement mis en œuvre certaines mesures correctives dans le plan [en question], pour améliorer les contrôles relatifs au respect du critère règlementaire relatif à la présence de cinq membres indépendants au sein du [GP] », mais que, « pendant ses visites de contrôle, [elle avait] constaté que ces mesures correctives nécessitaient encore une amélioration et que la réalisation du plan [concerné] avait été différée, tandis que les [GP] qui, selon [elle, avaient] été indûment reconnus continuaient de toucher des aides ». Troisièmement, elle a indiqué que les procédures actualisées mises en œuvre par les autorités polonaises dans le cadre du même plan afin de remédier à chacune des cinq irrégularités relatives au contrôle des investissements et des coûts qu’elle avait identifiées avaient elles aussi été différées, tandis que les GP qui, selon elle, « avaient été indûment reconnus ou dont les plans de reconnaissance n’[avaie]nt pas été dûment contrôlés continuaient de toucher des aides ».

70      En outre, par lettre du 4 novembre 2015 (voir point 25 ci-dessus), la Commission a informé la République de Pologne des résultats de sa deuxième visite de suivi, effectuée en septembre 2015, laquelle avait révélé la persistance de déficiences majeures, à savoir l’absence de supervision et de contrôle approprié de la qualité des contrôles et le manque de suivi adéquat en ce qui concerne les GP. S’agissant de la reconnaissance des GP, de la qualité des plans de reconnaissance et de leur mise en œuvre, la Commission a considéré que les contrôles étaient restés insuffisants.

71      Enfin, il est important de relever que, tant la première (voir point 26 ci-dessus) que la seconde (voir point 28 ci-dessus) décision de suspension des paiements, toutes deux adoptées dans le cadre de la procédure de suivi de la mise en œuvre du plan d’action et avant la décision attaquée, contiennent la position claire et univoque de la Commission selon laquelle la République de Pologne « n’a pas pris les mesures correctives nécessaires conformément [audit plan], pour résoudre les graves déficiences constatées dans son système de gestion et de contrôle pour le régime d’aide [aux GP] ».

72      Il résulte de l’ensemble des considérations énoncées aux points 68 à 71 ci-dessus que, d’une part, la République de Pologne a été étroitement associée au processus d’élaboration de la décision attaquée et qu’elle connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir donner d’effets aux mesures correctives mises en place par les autorités polonaises dans le cadre du plan d’action. D’autre part, force est de constater que la position de la Commission a été exprimée, tout au long de cette procédure, de manière suffisamment claire et précise au regard des exigences de la jurisprudence citée au point 62 ci-dessus, de sorte que ladite position a été comprise par la République de Pologne, ce qui, d’ailleurs, ressort des pièces du dossier.

73      Dans ces conditions, il convient de constater que la Commission a rempli son obligation de motivation.

74      Il y a lieu, dès lors, de rejeter le deuxième moyen, tiré d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013

75      Le premier moyen, qui s’articule en trois branches, est tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013, au motif que la correction financière a été appliquée sur la base de constatations factuelles inexactes et d’une interprétation erronée du droit de l’Union applicable. La République de Pologne fait valoir, en substance, que, contrairement à l’appréciation de la Commission, le système de contrôle mis en place et appliqué par les autorités polonaises lors de la mise en œuvre de la mesure « Fruits et légumes – Groupements de producteurs préreconnus » a été à la fois fiable et efficace, tout en fonctionnant de manière régulière.

76      La République de Pologne conteste, par la première branche, la conclusion de la Commission relative à l’insuffisance des contrôles de l’admissibilité des GP, par la deuxième branche, la conclusion de la Commission relative à l’insuffisance des contrôles relatifs à la nécessité et à l’admissibilité des investissements pour obtenir la reconnaissance, et, par la troisième branche, la conclusion de la Commission relative à l’existence de faiblesses dans les contrôles des coûts annoncés dans les plans de reconnaissance.

77      La Commission conteste l’argumentation de la République de Pologne.

78      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 317 TFUE, la Commission est chargée de l’exécution du budget de l’Union en coopération avec les États membres.

79      Dans le contexte particulier de la gestion financière partagée de la politique agricole commune, conformément aux considérants des règlements no 1290/2005 et no 1306/2013, la Commission est responsable de la gestion globale du FEAGA. À cette fin, elle est habilitée à décider, au moyen d’actes d’exécution, si les dépenses effectuées par les États membres sont conformes au droit de l’Union.

80      Ainsi, conformément à l’article 52 du règlement no 1306/2013, la Commission, en tant que responsable de la gestion globale du FEAGA, écarte du financement de l’Union les dépenses qui n’ont pas été effectuées conformément au droit de l’Union. Il en résulte que la Commission est tenue de poursuivre l’objectif du législateur dans les limites fixées par les règlements concernés et que le soutien aux marchés agricoles n’est pas accordé de manière discrétionnaire, mais uniquement lorsqu’il est conforme aux conditions énoncées dans les textes applicables.

81      En effet, selon une jurisprudence constante, les fonds agricoles européens ne financent que les interventions effectuées conformément aux dispositions du droit de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (voir arrêt du 27 février 2013, Pologne/Commission, T‑241/10, non publié, EU:T:2013:96, point 20 et jurisprudence citée).

82      À cet égard, il convient de souligner que, dans le cadre des règlements relatifs au financement de la politique agricole commune, en raison de la finalité desdits règlements, une interprétation stricte des conditions de prise en charge des dépenses s’impose. En effet, la gestion de la politique agricole commune dans des conditions d’égalité entre les opérateurs économiques des États membres s’oppose à ce que les autorités nationales d’un État membre, par le biais d’une interprétation large d’une disposition déterminée, favorisent les opérateurs de cet État, au détriment de ceux des autres États membres où une interprétation plus stricte est maintenue. Une pareille distorsion de la concurrence entre les États membres, si elle se produisait malgré les moyens disponibles pour assurer l’application uniforme du droit de l’Union dans l’ensemble de l’Union, ne pourrait être financée par le FEAGA, mais devrait, en tout état de cause, rester à la charge de l’État membre concerné (voir arrêt du 16 septembre 2013, Pays-Bas/Commission, T‑343/11, non publié, EU:T:2013:468, points 82 à 84 et jurisprudence citée).

83      Selon une jurisprudence constante, à la lumière du principe de coopération loyale consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE, les États membres sont tenus, en ce qui concerne les dépenses à la charge du budget de l’Union, d’organiser un système efficace de contrôles administratifs et de contrôles sur place permettant d’assurer que toutes les conditions matérielles et formelles imposées sont correctement observées. En outre, les États membres ont l’obligation générale de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer de la régularité des opérations financées par le FEAGA, de prévenir et de poursuivre les irrégularités et de récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences, même si l’acte du droit de l’Union ne prévoit pas expressément l’adoption de telle ou telle mesure de contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 11 janvier 2001, Grèce/Commission, C‑247/98, EU:C:2001:4, point 81 et jurisprudence citée).

84      À cet égard, selon l’article 9, paragraphe 1, sous a), i), du règlement no 1290/2005, dont le contenu a été repris à l’identique dans l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1306/2013, en vigueur pendant la période pertinente en l’espèce, les États membres devaient prendre, dans le cadre de la politique agricole commune, toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives ainsi que toutes autres mesures nécessaires pour assurer une protection efficace des intérêts financiers de l’Union et, en particulier, pour s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par les fonds de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2017, Estonie/Commission, T‑157/15, non publié, EU:T:2017:483, point 40).

85      De même, selon l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1290/2005, dont le contenu a été repris en substance dans l’article 58, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013, les États membres devaient mettre en place des systèmes de gestion et de contrôle efficaces afin de garantir le respect de la législation régissant les régimes d’aide de l’Union destinés à réduire à son minimum le risque de préjudice financier pour l’Union.

86      Il y a lieu de souligner en outre que, lorsque la Commission refuse de mettre à la charge du fonds certaines dépenses imputables à un État membre pour cause de violation des dispositions du droit de l’Union, il lui appartient, aux fins de prouver l’existence d’une violation des règles de la politique agricole commune, non de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par elles, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres. Cet allègement de la charge de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que l’État membre est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEAGA (voir arrêt du 12 mai 2016, Italie/Commission, T‑384/14, EU:T:2016:298, point 31 et jurisprudence citée).

87      En effet, la gestion des deniers du FEAGA repose principalement sur les administrations nationales chargées de veiller à la stricte observation des règles de l’Union. Ce régime, fondé sur la confiance entre les autorités nationales et l’Union, ne comporte aucun contrôle systématique de la part de la Commission, que celle-ci serait d’ailleurs matériellement dans l’impossibilité d’assurer. Seul l’État membre est en mesure de connaître et de déterminer avec précision les données nécessaires à l’élaboration des comptes du FEAGA, la Commission ne jouissant pas de la proximité nécessaire pour obtenir les renseignements dont elle a besoin auprès des agents économiques (voir arrêt du 12 mai 2016, Italie/Commission, T‑384/14, EU:T:2016:298, point 32 et jurisprudence citée).

88      C’est en conséquence à l’État membre qu’il incombe de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir arrêt du 12 mai 2016, Italie/Commission, T‑384/14, EU:T:2016:298, point 33 et jurisprudence citée).

89      L’État membre concerné, pour sa part, ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système de contrôle fiable et opérationnel. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (voir arrêt du 12 mai 2016, Italie/Commission, T‑384/14, EU:T:2016:298, point 34 et jurisprudence citée).

90      Ainsi, il y a lieu de vérifier si l’État membre concerné a démontré l’inexactitude des appréciations de la Commission ou l’absence de risque de perte ou d’irrégularités pour le fonds en raison de la mise en œuvre d’un système de contrôle fiable et efficace (voir arrêt du 17 mai 2013, Grèce/Commission, T‑294/11, non publié, EU:T:2013:261, point 22 et jurisprudence citée).

91      Par ailleurs, selon la jurisprudence, lorsqu’un règlement institue des mesures spécifiques de contrôle, les États membres sont tenus de les appliquer, sans qu’il soit nécessaire d’apprécier le bien-fondé de leur thèse selon laquelle un système de contrôle différent éventuellement appliqué serait plus efficace (arrêt du 10 novembre 2005, Italie/Commission, C‑307/03, non publié, EU:C:2005:667, point 40).

92      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les griefs avancés par la République de Pologne au soutien du premier moyen.

 Sur la première branche, relative à l’insuffisance des contrôles de l’admissibilité des GP

93      La première branche du premier moyen comporte, en substance, deux sous-branches, relatives, la première, aux contrôles de la condition liée à la possession du statut de producteur par les membres des GP et, la seconde, aux contrôles de la condition liée à l’indépendance dans la prise de décision et à l’existence du contrôle au sein des GP.

–       Sur les contrôles de la condition liée à la possession du statut de producteur

94      La République de Pologne conteste la conclusion de la Commission relative à l’insuffisance des contrôles concernant la condition liée à la possession du statut de producteur pour l’ensemble des membres des GP, ce qui aurait eu comme résultat l’octroi du statut de reconnaissance à des GP qui ne satisfaisaient pas pleinement aux critères d’éligibilité visés dans les dispositions du droit de l’Union et nationales applicables.

95      À cet égard, tout d’abord, la République de Pologne conteste l’interprétation de la Commission selon laquelle les contrôles relatifs à l’existence du statut de producteur devaient, d’une part, viser l’ensemble des membres fondateurs d’un GP et, d’autre part, reposer sur des critères tels que le volume de la production ou des ventes durant la période précédant la reconnaissance. En particulier, elle reproche à la Commission l’application de critères d’appréciation de l’admissibilité des GP dépourvus de base légale.

96      Ensuite, la République de Pologne soutient que les dispositions nationales adoptées pour la mise en œuvre du droit de l’Union applicable garantissaient pleinement la vérification de la condition liée à la possession du statut de producteur durant l’année précédant la constitution du GP et que, dans l’exercice de leurs compétences, ses autorités avaient vérifié les déclarations effectuées par les membres des GP à cet égard.

97      Enfin, la République de Pologne fait valoir que, bien que le système de contrôle existant remplît toutes les exigences imposées par le droit de l’Union applicable, les autorités polonaises ont, conformément au principe de coopération loyale, d’une part, pris des mesures visant à tenir compte des observations formulées par la Cour des comptes et, d’autre part, dûment modifié les procédures relatives à la surveillance des GP dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’action.

98      La Commission conteste les arguments de la République de Pologne.

99      Ainsi qu’il a été précisé au point 42 ci-dessus, conformément à l’article 125 sexies, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007, les GP pouvaient être constitués « à l’initiative d’agriculteurs qui cultivaient un ou plusieurs produits du secteur des fruits et légumes ».

100    L’article 38, paragraphe 2, du règlement no 1580/2007 imposait aux États membres d’arrêter « les critères minimaux auxquels d[eva]it répondre l’entité juridique ou la partie clairement définie de l’entité juridique pour pouvoir présenter un plan de reconnaissance » (voir point 67 ci-dessus).

101    En Pologne, l’article 1er, point 2, sous a), du rozporządzenie Ministra Rolnictwa i Rozwoju Wsi z dnia 16 grudnia 2008 r. w sprawie warunków wstępnego uznawania grup producentów owoców i warzyw, uznawania organizacji producentów owoców i warzyw oraz warunków i wymagań, jakie powinny spełniać plany dochodzenia do uznania (règlement du ministre de l’Agriculture et du Développement rural polonais relatif aux conditions de préreconnaissance des GP, de reconnaissance des OP ainsi qu’aux conditions et aux exigences auxquelles doivent répondre les plans de reconnaissance), du 16 décembre 2008, et puis l’article 1er, point 2, sous a), du rozporządzenie Ministra Rolnictwa i Rozwoju Wsi z dnia 19 września 2013 r. w sprawie warunków wstępnego uznawania grup producentów owoców i warzyw, uznawania organizacji producentów owoców i warzyw oraz warunków i wymagań, jakie powinny spełniać plany dochodzenia do uznania (règlement du ministre de l’Agriculture et du Développement rural polonais relatif aux conditions de préreconnaissance des GP, de reconnaissance des OP ainsi qu’aux conditions et aux exigences auxquelles doivent répondre les plans de reconnaissance), du 19 septembre 2013 (ci-après, pris ensemble, les « règlements nationaux »), pris respectivement dans l’application de l’article 38, paragraphe 2, du règlement no 1580/2007 et de l’article 36, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 543/2011, prévoyaient, pendant la période pertinente en l’espèce, qu’une entité regroupant des producteurs de fruits et légumes pouvait être préreconnue en tant que GP si elle était constituée d’au moins cinq producteurs dont chacun produisait au moins un des produits cités dans les catégories de produits en raison desquelles elle demandait la préreconnaissance et qui étaient définies dans les annexes de ces règlements. En outre, l’article 2, point 2, du règlement de 2008 et l’article 2, paragraphe 1, point 2, du règlement de 2013 disposait que le plan de reconnaissance devait contenir en particulier des informations concernant la superficie des cultures des différentes variétés de fruits et légumes, le volume des récoltes, la quantité et la valeur des fruits et des légumes commercialisés ainsi que leurs canaux de distribution, relatives à l’année précédant l’année de dépôt de la demande de préreconnaissance, sur la base des déclarations faites par chacun des producteurs de fruits et légumes.

102    En l’espèce, il ressort des éléments du dossier, et en particulier du rapport de synthèse, dont les conclusions ont été exposées aux points 18 et 19 ci-dessus, que la mission d’audit avait révélé que « les autorités polonaises n’[avaient] pas analysé suffisamment en profondeur les informations figurant dans les plans de reconnaissance pour déterminer si tous les membres des GP pouv[ai]ent prétendre au statut de producteur » et elles « [avaient] limité leur contrôle à des vérifications formelles fondées sur les déclarations des GP concernant le nombre de leurs membres et la valeur de la production de leurs membres commercialisée au cours de la période de référence ». Il est également précisé dans ledit rapport que l’absence de contrôles appropriés de l’admissibilité des GP avait eu pour résultat que des plans de reconnaissance avaient été approuvés pour certains GP qui ne remplissaient pas totalement les critères d’admissibilité définis par la réglementation de l’Union ou nationale et, plus précisément, la participation suffisante des membres du GP à l’activité agricole en ce qui concerne la production de fruits et légumes au cours de l’année d’obtention de la reconnaissance et leur statut de producteur d’un ou plusieurs des fruits et légumes inscrits sur la liste. Pour étayer ses affirmations, la Commission s’est notamment référée aux constatations de la Cour des comptes selon lesquelles, dans huit des dix‑sept GP qu’elle avait contrôlés, certains membres ne pouvaient pas prétendre au statut de producteur et, sans leur participation, les GP en question ne pouvaient pas atteindre le nombre minimal de cinq membres exigé par l’article 38, paragraphe 2, du règlement no 1580/2007 et précisé dans les règlements nationaux. En outre, pour au moins trois GP, certains membres n’avaient même rien cultivé au cours de l’année où la demande de reconnaissance avait été déposée. Sur la base notamment de ces constatations qui ont été par la suite corroborées par les résultats des visites de suivi, les auditeurs de la Commission ont considéré que l’application du système de contrôle relatif notamment aux vérifications de l’éligibilité des GP témoignait d’une grave défaillance dans un contrôle clé et exposait le budget de l’Union à un risque très élevé.

103    En premier lieu, il convient de constater que l’argument de la République de Pologne selon lequel il découlait de l’article 125 sexies, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007 que le statut d’« agriculteur qui cultive » était requis seulement pour l’initiateur d’un GP et non pour les autres membres fondateurs dudit GP repose sur une interprétation erronée de ladite disposition.

104    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’un texte de droit dérivé de l’Union exige une interprétation, il doit être interprété, dans la mesure du possible, dans le sens de sa conformité avec les dispositions du traité (voir arrêt du 25 février 2015, Pologne/Commission, T‑257/13, non publié, EU:T:2015:111, point 37 et jurisprudence citée).

105    Selon une jurisprudence également constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêt du 29 juin 2017, Royaume-Uni/Commission, T‑27/16, non publié, EU:T:2017:457, point 38 et jurisprudence citée).

106    Enfin, ainsi qu’il a été rappelé au point 82 ci-dessus, dans le cadre des règlements relatifs au financement de la politique agricole commune, en raison de la finalité desdits règlements, une interprétation stricte des conditions de prise en charge des dépenses s’impose (voir arrêt du 16 septembre 2013, Pays-Bas/Commission, T‑343/11, non publié, EU:T:2013:468, point 82 et jurisprudence citée).

107    Premièrement, il ressort de l’interprétation littérale de l’expression « groupement des producteurs » utilisée dans les dispositions applicables en l’espèce qu’elle désigne une entité juridique regroupant plusieurs producteurs.

108    Deuxièmement, il résulte de l’économie des dispositions du droit de l’Union applicables dans le secteur des fruits et légumes que les GP ont été conçus comme un outil approprié pour parvenir à un regroupement de l’offre des producteurs existants de fruits et légumes afin de renforcer leur position sur le marché. En effet, il ressort notamment du considérant 10 du règlement (CE) no 1182/2007 du Conseil, du 26 septembre 2007, établissant des règles spécifiques pour le secteur des fruits et légumes, modifiant les directives 2001/112/CE et 2001/113/CE ainsi que les règlements (CEE) no 827/68, (CE) no 2200/96, (CE) no 2201/96, (CE) no 2826/2000, (CE) no 1782/2003 et (CE) no 318/2006, et abrogeant le règlement (CE) no 2202/96 (JO 2007, L 273, p. 1), qui a précédé le règlement no 1234/2007, que le regroupement de l’offre desdits producteurs était apparu comme une nécessité économique afin de faire face à une demande sans cesse plus concentrée.

109    À cet égard, il est important de préciser que, conformément à l’article 43 du règlement no 1580/2007 avec référence à l’article 28 du même règlement, dont le contenu a été repris dans l’article 41 du règlement d’exécution no 543/2011, l’activité principale d’un GP devait concerner la concentration de l’offre et la mise sur le marché des produits de ses membres.

110    Il s’ensuit que l’objectif même de la réglementation applicable était que les GP réunissent des producteurs existants du secteur des fruits et légumes et que, contrairement à ce que soutient la République de Pologne, la qualité de producteur était un élément essentiel pour pouvoir prendre part à la constitution d’un GP et pour être pris en compte par les critères de préreconnaissance de ce dernier.

111    D’ailleurs, si les dispositions de l’article 38, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1580/2007, dont le contenu a été repris dans l’article 36, paragraphe 2, sous a), du règlement d’exécution no 543/2011, ne s’opposaient pas à ce que d’autres personnes physiques ou morales n’étant pas des producteurs soient acceptées en tant que membres d’un GP, à l’instar de ce que l’article 32 du règlement no 1580/2007, dont le contenu a été repris dans l’article 30 du règlement d’exécution no 543/2011, permettait pour les OP, force est de constater que les GP devaient toutefois répondre à l’exigence relative au nombre minimal de producteurs composant un GP.

112    Or, comme la République de Pologne le reconnaît elle-même, les règlements nationaux adoptés en vertu de l’article 38, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1580/2007 prévoyaient, durant la période visée en l’espèce, qu’une entité regroupant des producteurs de fruits et légumes pouvait être préreconnue en tant que GP si elle était constituée d’au moins cinq producteurs produisant au moins un des produits cités dans les catégories de produits en raison desquelles elle demandait la préreconnaissance. En outre, ils imposaient que le plan de reconnaissance présenté par les GP contienne en particulier les informations concernant la superficie des cultures des différentes variétés de fruits et légumes, le volume des récoltes, la quantité et la valeur des fruits et des légumes commercialisés, relatives à l’année précédant l’année de dépôt de la demande de préreconnaissance pour chaque membre déclarant.

113    Il résulte de ce qui précède que l’argument de la République de Pologne selon lequel le statut d’« agriculteur qui cultive » a été requis seulement pour l’agriculteur à l’initiative duquel le GP avait été constitué ne saurait prospérer.

114    En deuxième lieu, la République de Pologne soutient que les critères d’appréciation du statut de producteur appliqués par la Commission étaient dépourvus de base légale.

115    À cet égard, il convient de constater que la Commission a reproché aux autorités polonaises, dans la communication officielle tout comme dans le rapport de synthèse, une grave défaillance dans les contrôles clés en ce qu’elles n’avaient pas analysé suffisamment en profondeur les informations figurant dans les plans de reconnaissance pour déterminer si tous les membres des GP remplissaient le critère lié à la production. Il ne ressort cependant aucunement des écritures de la Commission émises lors de la procédure administrative que cette dernière a imposé, comme le prétend la République de Pologne, certains critères d’appréciation du statut de producteur.

116    Il s’ensuit que le présent grief est inopérant et ne peut être que rejeté.

117    En troisième lieu, s’agissant de l’argument de la République de Pologne selon lequel ses autorités avaient pleinement vérifié les déclarations des membres des GP relatives à leur statut de producteur durant l’année précédant la constitution du GP, il doit être examiné à la lumière des considérations de principe relatives aux conditions strictes du financement des mesures d’aide dans le cadre de la politique agricole commune, aux obligations des États membres d’organiser un système efficace de contrôle à cet égard et à la charge de la preuve de l’existence et de l’efficacité dudit système, telles qu’exposées aux points 83 à 91 ci-dessus.

118    À cet égard, premièrement, la République de Pologne reconnaît elle-même que ses autorités ne contrôlaient pas systématiquement la réalité du statut de producteur des membres adhérents des GP. En effet, elle fait valoir que les bureaux des maréchaux, en tant qu’autorités chargées de la vérification des demandes de préreconnaissance, demandaient des preuves supplémentaires confirmant les informations fournies par les membres des GP uniquement en cas de doute sur l’exactitude de la déclaration relative notamment à la valeur de la production.

119    Or, ainsi qu’il a été exposé au point 57 ci-dessus, conformément à l’article 113, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1580/2007 et à l’article 111, paragraphe 2, sous a), du règlement d’exécution no 543/2011, les autorités nationales étaient obligées de procéder à des contrôles préalablement à l’approbation des plans de reconnaissance des GP, tendant à vérifier l’exactitude des informations données dans les plans de reconnaissance, en particulier en ce qui concerne le nombre de membres producteurs et leur production, qui devaient figurer, conformément à l’article 39 du règlement no 1580/2007 et à l’article 37 du règlement d’exécution no 543/2011, dans lesdits plans. Les États membres étaient tenus d’effectuer ladite vérification par tous les moyens utiles, y compris par des contrôles sur place. En outre, un élément essentiel de cette vérification concernait la VPC, calculée, conformément à l’article 44 du règlement no 1580/2007 et à l’article 42 du règlement d’exécution no 543/2011, sur la base de la production des membres des GP pour laquelle ceux-ci allaient être reconnus et sur la base de laquelle allait ensuite être calculé le montant des aides auxquelles lesdits GP pouvaient bénéficier, conformément à l’article 103 bis, paragraphe 3, sous a), du règlement no 1234/2007, pour la première année de la période transitoire (voir point 50 ci-dessus).

120    Une obligation de contrôle similaire à celle exposée au point 119 ci-dessus était prévue à l’article 114 du règlement no 1580/2007 et à l’article 112 du règlement d’exécution no 543/2011 (voir point 58 ci-dessus) pour chaque demande d’aide présentée par les GP, s’agissant notamment du respect des critères de reconnaissance pour l’année considérée et de la VPC. Les contrôles à la demande impliquaient des contrôles administratifs pour toutes les demandes d’aide effectuées par les GP ainsi que des contrôles sur place par sondage.

121    En outre, s’agissant de la portée des vérifications nécessaires, il convient de souligner que, d’une part, conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1234/2007, aux fins de l’application de ce règlement, le terme d’« agriculteur » désignait « une personne physique ou morale ou un groupement de personnes physiques ou morales, quel que [fût] le statut juridique conféré selon le droit national au groupement ainsi qu’à ses membres, dont l’exploitation se trouve sur le territoire de l’[Union] et qui exerc[ait] une activité agricole ».

122    D’autre part, conformément à l’article 21, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1580/2007, le terme de « producteur » aux fins de ce règlement comprenait les agriculteurs qui cultivaient un ou plusieurs des produits énumérés à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement (CE) no 2200/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes (JO 1996, L 297, p. 1), ou de ces produits lorsqu’ils étaient destinés uniquement à la transformation.

123    Il s’ensuit que le sens de l’expression « agriculteur qui cultive » utilisée à l’article 125 sexies, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007 est identique à celui du terme « producteur » utilisé aux fins du règlement no 1580/2007 et concerne une personne physique ou morale ou un groupement de personnes physiques ou morales, quel que soit le statut juridique conféré selon le droit national audit groupement ainsi qu’à ses membres, dont l’exploitation se trouve sur le territoire de l’Union et qui exerce une activité agricole pour un ou plusieurs produits du secteur des fruits et légumes.

124    En conséquence, la République de Pologne ne saurait valablement se prévaloir de la seule absence de critères permettant la vérification du statut de producteur dans le droit de l’Union pour ne pas procéder à la vérification systématique et par tous les moyens utiles de cet élément essentiel pour l’octroi aux GP, d’une part, de la préreconnaissance et, d’autre part, des aides destinées à encourager leur constitution et à faciliter leur fonctionnement administratif. Elle ne saurait non plus valablement justifier l’accomplissement de ses obligations de contrôle, telles que décrites aux points 119 et 120 ci-dessus, en invoquant une vérification formelle de la part de ses autorités des déclarations soumises par les membres des GP à cet égard.

125    Deuxièmement, force est de constater, à l’instar de la Commission, que les prétendus éléments de preuve invoqués dans la requête pour établir le respect de toutes les exigences en matière de contrôles sont principalement fondés sur un renvoi général aux dispositions du droit polonais ou à des formulaires et des instructions généraux destinés aux autorités responsables des contrôles et ne sont pas conformes aux exigences requises par la jurisprudence constante rappelée aux points 85 à 91 ci-dessus.

126    À cet égard, il y a lieu de souligner, ainsi qu’il a été relevé au point 6 ci-dessus, que la Commission a utilisé, dans le cadre de la présente procédure d’apurement de conformité, les conclusions tirées par la Cour des comptes de son audit (voir point 1 ci-dessus) et les preuves recueillies par cette dernière à cette fin.

127    Or, il ressort de la position finale de la Cour des comptes (voir point 3 ci-dessus) que l’audit qu’elle avait effectué, relatif aux systèmes de surveillance et de contrôle mis en œuvre par la République de Pologne dans le contexte des aides octroyées aux GP en Pologne en 2013, a mis en lumière d’importantes insuffisances concernant les procédures de contrôle appliquées aux fins de la reconnaissance des GP. Ainsi, sur les 17 cas pour lesquels elle avait examiné la régularité des contrôles de l’éligibilité, la Cour des comptes en a relevé sept (soit 41 %) dans lesquels les GP ne remplissaient pas le critère d’éligibilité relatif au nombre minimal de cinq membres détenant le statut de producteur pour l’année précédant celle du dépôt de la demande de préconnaissance et trois parmi les sept dans lesquels certains des cinq membres desdits GP n’avaient rien cultivé ni l’année précédente, ni même au cours de l’année du dépôt de ladite demande.

128    Par ailleurs, il convient de relever que, ainsi qu’il a été exposé au point 23 ci-dessus, lors des contrôles ex post effectués au cours des périodes allant respectivement de décembre 2014 à juin 2015 et d’octobre 2015 à mars 2018, les autorités polonaises ont constaté elles-mêmes des irrégularités relatives à l’octroi du statut de préreconnaissance pour 51 GP, soit 25 % des 204 GP vérifiés dans le cadre du plan d’action, et ultérieurement pour encore treize des 182 GP revérifiés. En outre, ainsi qu’il a été indiqué par la République de Pologne lors de l’audience et comme cela a ensuite été attesté par les informations qu’elle a communiquées à la demande du Tribunal dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, parmi tous les GP ayant obtenu une préreconnaissance et les OP ayant été reconnues, qui opéraient en Pologne depuis l’année 2004, selon la situation prévalant au 15 octobre 2015, 14 entités ayant bénéficié de 120 349 407,42 PLN (environ 28 millions d’euros) provenant du budget de l’Union étaient soit en faillite soit en liquidation. Enfin, il ressort de l’arrêt du 10 avril 2019, Pologne/Commission (T‑51/17, non publié, EU:T:2019:233, point 115), que, selon la situation prévalant au 15 septembre 2018, 25 entités ayant bénéficié de 280 466 329,74 PLN (environ 66 millions d’euros) provenant du budget de l’Union étaient soit en faillite soit en liquidation.

129    Or, les irrégularités constatées par les autorités polonaises lors des contrôles ex post ainsi que la perte de viabilité économique justifiant l’ouverture de procédures de faillite ou de liquidation ne font que confirmer les doutes soulevés par la Commission quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de contrôle portant sur l’éligibilité des GP.

130    Enfin, il convient de souligner qu’il résulte également du procès-verbal de la réunion bilatérale (voir point 10 ci-dessus) que la République de Pologne a admis, lors de ladite réunion, que son système de contrôle avait été déficient en ce qu’il n’avait pas permis de vérifier si les membres des GP remplissaient la condition liée au statut de producteur.

131    Il s’ensuit que c’est à juste titre que la Commission a considéré que les contrôles relatifs à la vérification du statut de producteur pour les membres des GP auxquels les autorités polonaises étaient tenues, conformément à l’article 113, paragraphe 2, sous a), et à l’article 114, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 1580/2007 et à l’article 111, paragraphe 2, sous a), et à l’article 112, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement d’exécution no 543/2011, étaient insuffisants, ce qui constituait une grave défaillance dans les contrôles clés.

132    En quatrième lieu, s’agissant des mesures correctives adoptées dans le cadre du plan d’action, il y a lieu de rappeler qu’il ressort des dispositions de l’article 11 du règlement no 885/2006 que, dans le cadre d’une procédure d’apurement de conformité, après l’envoi de la communication officielle présentant l’évaluation des dépenses que la Commission envisage d’exclure du financement de l’Union, l’État membre doit informer celle-ci des mesures correctives qu’il a prises en vue d’assurer le respect de la réglementation applicable, en précisant la date de leur mise en œuvre effective. Lors de l’évaluation des dépenses à exclure du financement du FEAGA, la Commission peut prendre en compte toute information transmise par l’État membre après un délai de deux mois suivant la réception du procès-verbal de la réunion bilatérale, conformément au paragraphe 2 dudit article, si cela est nécessaire pour mieux estimer le préjudice financier causé au budget de l’Union, dès lors que le retard dans la transmission desdites informations est justifié par des circonstances exceptionnelles. En l’absence de mise en œuvre par l’État membre concerné de mesures correctives en réponse aux irrégularités constatées par la Commission, cette dernière peut, jusqu’à la date effective de mise en œuvre des mesures correctives qu’elle impose, exclure les dépenses affectées par le non-respect des règles du droit de l’Union (voir arrêt du 25 septembre 2018, Suède/Commission, T‑260/16, EU:T:2018:597, point 54 et jurisprudence citée).

133    En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que ne peuvent être imputables au FEOGA les dépenses effectuées par un GP si celui-ci ne remplit pas les conditions prévues par la réglementation de l’Union (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 septembre 2013, Pays-Bas/Commission, T‑343/11, non publié, EU:T:2013:468, point 159 et jurisprudence citée).

134    À cet égard, il est vrai que, ainsi qu’il a été relevé au point 68 ci-dessus, la République de Pologne a présenté à la Commission les mesures correctives adoptées par ses autorités dans le cadre du plan d’action par lettre du 13 mai 2015, en préparation de la réunion bilatérale qui a eu lieu le 28 mai suivant. En outre, ainsi qu’il a été relevé au point 24 ci-dessus, elle a transmis à la Commission des rapports mensuels relatifs à la mise en œuvre dudit plan.

135    Bien que parmi les mesures correctives intermédiaires prévues dans le plan d’action figuraient l’adoption de décisions de retrait de la préreconnaissance pour les GP pour lesquels celle-ci avait été octroyée en violation du droit, le remboursement des paiements irréguliers précédemment effectués et la suspension des paiements en faveur des GP qui ne remplissaient pas les critères de reconnaissance, la République de Pologne n’a cependant pas démontré l’inexactitude des constatations effectuées par la Commission lors de ses visites de suivi (voir points 25 et 26 ci-dessus), selon lesquelles les mesures correctives envisagées dans le cadre dudit plan concernant l’irrégularité relative au contrôle du statut des membres des GP étaient restées inefficaces, car les GP qui avaient été indûment reconnus continuaient de toucher des aides (voir points 68 à 70 ci-dessus).

136    À cet égard, premièrement, il convient de relever que le plan d’action, qui devait permettre à la Pologne d’éliminer les déficiences systémiques, repérées dans la gestion et le contrôle du programme d’aide aux GP par les audits de la Commission et de la Cour des comptes, et qui devait être mis en œuvre au plus tard à la fin de l’année 2015, a fait l’objet de plusieurs modifications, sa dernière version ayant été envoyée à la Commission le 23 décembre 2015 (voir point 21 ci-dessus). En outre, ainsi qu’il a été exposé au point 27 ci-dessus, le 8 décembre 2016, la République de Pologne a elle-même demandé à la Commission que la mise en œuvre dudit plan et, partant, les contrôles portant sur les GP, en tant que mesure prévue par ce plan, soient prolongés jusqu’à la fin de 2016. Enfin, ainsi que le souligne la Commission et la République de Pologne le confirme, c’est seulement le 11 avril 2018 que cette dernière a informé officiellement la Commission qu’elle considérait que la mise en œuvre du plan en question était achevée.

137    Deuxièmement, il est vrai que, ainsi qu’il ressort des informations que la République de Pologne a communiquées à la demande du Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure (voir points 32 et 33 ci-dessus), les autorités polonaises ont effectué, dans le cadre du plan d’action, des contrôles ex post lors desquels elles ont constaté des irrégularités relatives à l’octroi du statut de préreconnaissance pour 51 GP, soit 25 % des 204 GP vérifiés. À la fin du mois de septembre 2015, huit des 51 GP vérifiés avaient perdu le statut de préreconnaissance (pour six GP la préreconnaissance avait été retirée et deux autres GP avaient été déclarés en faillite) et, dans le cas de trois autres GP, l’ARMA a adressé des demandes de recouvrement de l’aide versée pour un montant total de 26 544 835,93 zlotys polonais (PLN) (environ 6 580 000 euros). De même, pour 43 des 51 entités ayant fait l’objet d’une appréciation négative de la part de l’ARMA jusqu’au 30 juin 2015, le président de l’AMA a annulé les décisions relatives à leur préreconnaissance et à l’approbation de leurs plans de reconnaissance en considérant qu’elles avaient été adoptées en violation manifeste du droit.

138    Cependant, ainsi qu’il a été exposé au point 23 ci-dessus, lors des nouveaux contrôles ex post effectués au cours de la période allant d’octobre 2015 à mars 2018, les autorités polonaises ont constaté des irrégularités relatives à l’octroi du statut de préreconnaissance pour encore treize des 182 GP revérifiés. En outre, ainsi qu’il a été exposé au point 128 ci-dessus, parmi tous les GP ayant obtenu une préreconnaissance et les OP ayant été reconnues qui opéraient en Pologne depuis l’année 2004, selon la situation prévalant au 15 octobre 2015, 14 entités ayant bénéficié de 120 349 407,42 PLN (environ 28 millions d’euros) provenant du budget de l’Union étaient soit en faillite soit en liquidation et, selon la situation prévalant au 15 septembre 2018, 25 entités ayant bénéficié de 280 466 329,74 PLN (environ 66 millions d’euros) provenant du budget de l’Union étaient soit en faillite soit en liquidation.

139    Par ailleurs, le Tribunal ayant constaté, dans le cadre de l’examen des autres arguments de la République de Pologne relevant du présent moyen, que la Commission était fondée à conclure que certains GP ne remplissaient pas les conditions d’éligibilité caractérisant un GP au sens des règlements nos 1234/2007, 1580/2007 et 543/2011, leurs dépenses ne pouvaient donc être prises en charge par le FEAGA et le refus de financement des dépenses effectuées en méconnaissance de la réglementation de l’Union ne saurait dépendre d’un retrait de reconnaissance par les autorités nationales, faute de quoi le refus de financement dépendrait d’une décision desdites autorités (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 septembre 2013, Pays-Bas/Commission, T‑343/11, non publié, EU:T:2013:468, point 162).

140    Troisièmement, il convient de relever que, dans son rapport final du 30 mars 2017, l’organe de conciliation, après avoir résumé les positions des parties, a indiqué, au point 6, qu’il « ne dispos[ait] d’aucun élément montrant que les mesures correctives adoptées […] par les autorités dans le cadre du plan d’action [avaient] atténué le risque financier pour [l]es exercices budgétaires [en cause] ».

141    Quatrièmement, force est de constater que, au soutien de son argument tiré de l’effet des mesures correctives prises dans le cadre du plan d’action sur l’irrégularité relative au contrôle du statut des membres des GP, la République de Pologne fait, en substance, uniquement référence aux modifications apportées aux procédures de contrôle appliquées par l’ARMA et par les bureaux des maréchaux afin que le statut de producteur des membres des GP fasse l’objet d’un contrôle systématique et approfondi.

142    Or, ainsi que le souligne à bon droit la Commission, les modifications apportées, en mai 2014, aux procédures de contrôle et aux cartes de vérification de l’ARMA et, en mars 2015, aux procédures de contrôle des bureaux des maréchaux n’ont pas été suivies de contrôles des mesures de mise en œuvre des plans de reconnaissance datant de 2013 et de 2014, visées par la présente procédure, dont les résultats auraient pu être pris en compte dans les demandes de remboursements au titre des exercices financiers 2014 et 2015. Partant, il doit être considéré, à l’instar de la Commission, que ces modifications n’étaient aptes à garantir ni une interprétation correcte de la règlementation applicable ni l’efficacité des contrôles de son application pour lesdits exercices financiers.

143    Partant, ce grief doit être écarté.

–       Sur les contrôles de la condition liée à l’indépendance dans la prise de décision au sein des GP

144    La République de Pologne conteste la conclusion de la Commission relative à l’insuffisance des contrôles concernant la condition liée à l’indépendance dans la prise de décision au sein des GP, ce qui aurait eu comme résultat l’octroi du statut de reconnaissance à des GP qui ne satisfaisaient pas pleinement aux critères d’éligibilité visés dans les dispositions applicables du droit de l’Union et nationales. Elle estime qu’il n’existe pas, à cet égard, de dispositions explicites au niveau de l’Union.

145    La Commission conteste la position de la République de Pologne.

146    Ainsi qu’il a été précisé au point 45 ci-dessus, l’article 38, paragraphe 2, du règlement no 1580/2007 et l’article 36, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 543/2011 imposaient aux États membres d’arrêter notamment les critères minimaux auxquels devait répondre l’entité juridique ou la partie clairement définie de l’entité juridique pour pouvoir présenter un plan de reconnaissance afin d’être préreconnue en tant que GP et les règles pour l’élaboration, le contenu et la mise en œuvre dudit plan.

147    En Pologne, l’article 1er, point 5, sous g), du règlement du ministre de l’Agriculture et du Développement rural polonais du 16 décembre 2008 et l’article 1er, point 4, sous g), du règlement du ministre de l’Agriculture et du Développement rural polonais du 19 septembre 2013, pris respectivement en application de l’article 38, paragraphe 2, du règlement no 1580/2007 et de l’article 36, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 543/2011, exigeaient, pendant la période pertinente en l’espèce, que le statut ou le contrat de l’entité rassemblant les producteurs de fruits et légumes visant une préreconnaissance en tant que GP contienne notamment les règles permettant aux producteurs de fruits et légumes rassemblés au sein de cette entité de participer à une prise de décision démocratique par cette entité et au contrôle de l’exécution des décisions, en partant du principe qu’aucun membre ne dispose de plus de 20 % des voix.

148    En l’espèce, il ressort des éléments du dossier, et en particulier du rapport de synthèse, dont les conclusions ont été exposées aux points 18 et 19 ci-dessus, que la mission d’audit avait révélé que « les autorités polonaises n’[avaie]nt pas systématiquement vérifié que les GP répondaient à la condition d’être composés de cinq membres indépendants et que chacun des membres exerçait un contrôle au sein du GP ». Il est également précisé dans ledit rapport que l’absence de contrôles appropriés de l’admissibilité des GP avait eu pour résultat que des plans de reconnaissance avaient été approuvés pour certains GP constitués de moins de cinq membres indépendants, ce qui était contraire à l’exigence de prise de décision démocratique et de contrôle exercé par les membres du GP, telle que définie par l’article 1er, point 5, sous g), du règlement du ministre de l’Agriculture et du Développement rural polonais du 16 décembre 2008. Pour étayer ses affirmations, la Commission s’est notamment référée aux constatations de la Cour des comptes selon lesquelles dans quatre des dix‑sept (soit 25 %) GP qu’elle avait contrôlés, certains membres, à cause de la combinaison de leur participation directe dans le GP et de leur participation de contrôle dans d’autres entités membres du groupement (principalement des sociétés à responsabilité limitée), détenaient en réalité plus de 20 % des droits de vote du GP. En outre, la mission d’audit avait révélé que les autorités polonaises n’avaient pas davantage contrôlé de manière systématique la réalité de l’activité agricole des membres des GP. À cet égard, souvent, moins de cinq membres du GP disposaient des ressources réelles pour exercer une activité agricole. Certains semblaient avoir formellement débuté une activité agricole marginale peu de temps seulement avant la création du GP, ce qui semblait indiquer que le GP avait créé artificiellement les conditions requises pour obtenir une aide dans l’objectif de contourner les dispositions nationales exigeant que le GP soit constitué d’au moins cinq membres ne détenant chacun pas plus de 20 % des droits de vote. De surcroît, certains groupements semblaient revendre leur production à leurs membres et ne pas se servir du GP comme d’un canal de distribution d’une partie importante de leurs ventes, ce qui soulevait des interrogations quant à la nécessité pour le GP d’exister. Ainsi, dans le même GP, deux des cinq membres fondateurs (époux) avaient fait établir une séparation de biens deux jours avant la constitution du GP. D’autres GP avaient commercialisé une part importante des produits qui leur étaient confiés par l’intermédiaire de sociétés appartenant à un membre du GP (habituellement le membre ayant initialement produit puis vendu à ces GP un lot de fruits) ou étroitement lié à celui-ci, plutôt que de vendre ces produits à des acheteurs externes.

149    Premièrement, il convient de remarquer que la République de Pologne se méprend sur le fondement juridique du reproche de la Commission relatif aux faiblesses dans les contrôles de l’admissibilité des GP au regard de la condition liée à l’indépendance dans la prise de décision au sein de ceux-ci.

150    Ainsi, la République de Pologne fait valoir que, avec l’entrée en vigueur du règlement délégué (UE) no 499/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant les règlements no 1308/2013 et no 1306/2013 en modifiant le règlement d’exécution no 543/2011 en ce qui concerne les secteurs des fruits et légumes et des fruits et légumes transformés (JO 2014, L 145, p. 1), le droit de l’Union n’impose une condition liée à l’indépendance dans la prise de décision qu’aux OP uniquement et à partir du 17 mai 2014 seulement.

151    Toutefois, il ressort des pièces du dossier (voir point 148 ci-dessus) que le grief de la Commission n’est pas fondé sur le non-respect d’une disposition du droit de l’Union régissant la condition liée à l’indépendance dans la prise de décision au sein des GP, mais sur le non-respect des dispositions nationales pertinentes applicables prises en application du droit de l’Union, telles qu’exposées au point 147 ci-dessus.

152    Or, la République de Pologne ne conteste pas que les contrôles auxquels ses autorités étaient tenues devaient comporter également des vérifications systématiques de la condition liée à l’indépendance dans la prise de décision au sein des GP pour au moins cinq de leurs membres et à l’existence d’un pouvoir de contrôle au sein des GP, conformément aux dispositions contenues dans ses règlements nationaux.

153    Dans ces circonstances, l’argument de la République de Pologne est inopérant et ne peut être que rejeté.

154    Deuxièmement, la République de Pologne soutient que ses autorités avaient pleinement vérifié le respect par les GP des règles concernant l’exercice d’un contrôle démocratique par chaque membre au sein du GP.

155    À cet égard, il ressort de la position finale de la Cour des comptes (voir point 3 ci-dessus), sur laquelle la Commission a fondé ses conclusions, que, sur les 17 cas dont la Cour des comptes avait examiné la régularité des contrôles de l’éligibilité, quatre ne remplissaient pas le critère d’éligibilité relatif à l’indépendance dans la prise de décision et à l’existence du contrôle au sein des GP, car chaque membre du GP détenait plus de 20 % des droits de vote, ce qui contrevenait aux dispositions de l’article 1er, point 5, sous g), du règlement du ministre de l’Agriculture et du Développement rural polonais du 16 décembre 2008. En outre, dans deux autres cas, soit certains membres personnes physiques contrôlaient d’autres membres personnes morales du même GP, soit un seul membre du GP détenait le contrôle absolu de la mise sur le marché de la production dudit GP, ce qui constituait une forte indication en faveur de laquelle lesdits GP avaient créé artificiellement les conditions requises pour obtenir des aides. Enfin, dans ces deux derniers cas, les produits avaient été revendus dans une large mesure au membre qui les avait initialement produits et vendus, ce qui contrevenait à l’un des principaux objectifs des GP, à savoir la mise sur le marché des produits des membres, qui justifiait l’octroi de la préreconnaissance au GP.

156    Or, la République de Pologne se borne à faire référence à l’existence de contrôles des plans de reconnaissance avant l’octroi de la préreconnaissance, aux questions auxquelles les organes de contrôle de l’ARMA devaient répondre dans le cadre des contrôles à la demande concernant la condition de l’indépendance dans la prise de décision au sein des GP et aux contrôles effectués, avant la reconnaissance des GP en tant qu’OP, visant l’existence d’un contrôle démocratique au sein de celles-ci, sans toutefois répondre aux critiques de la Cour des comptes et de la Commission relatives aux cas concrets d’irrégularités identifiés lors de leurs audits, tels qu’exposés aux points 148 et 155 ci-dessus.

157    Dès lors, il y a lieu de considérer, contrairement à ce que soutient la République de Pologne, que la Commission a, conformément à la jurisprudence rappelée au point 86 ci-dessus, présenté des éléments de preuve du doute sérieux et raisonnable de l’existence et de l’étendue des contrôles relatifs à la vérification de l’admissibilité des GP. Par suite, il incombait ensuite aux autorités polonaises de présenter la preuve la plus détaillée et complète possible de la réalité de leurs contrôles et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 88 et 89 ci-dessus.

158    Or, aucun des arguments que la République de Pologne a invoqués ne démontre l’inexactitude des appréciations de la Commission, telles que confirmées par le rapport de l’organisme de certification concernant la gestion des fonds alloués, sur le budget de l’Union, dans le cadre du FEAGA et du FEDER, par l’ARMA pour l’exercice budgétaire se terminant le 15 octobre 2015, et ne permet donc de remettre en cause la décision de lui imposer une correction forfaitaire pour de graves défaillances dans la mise en œuvre des contrôles clés relatifs à la reconnaissance des GP.

159    Il s’ensuit que, faute pour la République de Pologne de produire des éléments de preuve documentés, les doutes exprimés par la Commission dans les conclusions du rapport de synthèse accompagnant la décision attaquée ne peuvent manifestement pas être levés.

160    Partant, la première branche du premier moyen ne peut qu’être écartée.

  Sur la deuxième branche, prise de l’insuffisance des contrôles relatifs à la nécessité et à l’admissibilité des investissements pour obtenir la reconnaissance

161    La République de Pologne conteste la conclusion de la Commission relative à l’insuffisance des contrôles relatifs à la nécessité et à l’admissibilité des investissements proposés dans les plans de reconnaissance pour obtenir la reconnaissance.

162    À cet égard, d’une part, s’agissant des contrôles relatifs à la nécessité des investissements, la République de Pologne soutient, en substance, que, dans la mesure où le droit de l’Union n’interdisait pas l’achat d’investissements auprès des membres des GP, le système de contrôle mis en place et appliqué par ses autorités lors de la mise en œuvre des mesures des aides aux GP aurait été à la fois fiable et efficace.

163    D’autre part, la République de Pologne conteste l’interprétation de la Commission selon laquelle ses autorités auraient dû vérifier la cohérence économique et la qualité technique des plans de reconnaissance afin de conclure à l’admissibilité des investissements proposés dans lesdits plans. En particulier, elle reproche à la Commission l’application d’une définition de la cohérence économique dépourvue de base légale.

164    Enfin, la République de Pologne fait valoir que, bien que le système de contrôle existant remplît toutes les exigences imposées par le droit de l’Union applicable, les autorités polonaises ont, conformément au principe de coopération loyale, d’une part, pris des mesures visant à tenir compte des observations formulées par la Cour des comptes et, d’autre part, dûment modifié les procédures relatives à la surveillance des GP dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’action.

165    La Commission conteste les arguments de la République de Pologne.

166    Il convient de rappeler que, conformément à l’article 103 bis, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1234/2007, au cours de la période transitoire autorisée par l’article 125 sexies du même règlement, les États membres pouvaient accorder aux GP des aides destinées à couvrir une partie des investissements nécessaires à la reconnaissance et figurant à ce titre dans le plan de reconnaissance, qui étaient octroyées directement ou par l’intermédiaire d’établissements de crédit.

167    Conformément à l’article 113, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement no 1580/2007 et à l’article 111, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement d’exécution no 543/2011, les autorités nationales étaient obligées de procéder à des contrôles préalables à l’approbation des plans de reconnaissance des GP, relatifs notamment à la vérification de la cohérence économique et de la qualité technique des plans de reconnaissance, du sérieux des estimations ainsi que de la programmation de leur exécution, de l’admissibilité et du caractère raisonnable des dépenses proposées dans lesdits plans. Un élément essentiel de ces contrôles concernait les dépenses liées aux investissements considérés comme étant nécessaires à la reconnaissance et pour lesquels les GP pouvaient bénéficier d’une aide conformément à l’article 103 bis, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1234/2007, ainsi qu’il a été exposé au point 48 ci-dessus.

168    Une obligation de contrôle similaire à celle exposée au point 167 ci-dessus était prévue à l’article 112 du règlement d’exécution no 543/2011 pour chaque demande d’aide présentée par les GP, s’agissant notamment de la mise en œuvre des mesures figurant dans les plans de reconnaissance et des dépenses réalisées sur la base desdits plans.

169    En outre, conformément à l’article 102 du règlement d’exécution no 543/2011, des contrôles administratifs devaient être effectués pour toutes les demandes d’aide ou de paiement et devaient porter sur tous les éléments qu’il était possible et opportun de vérifier. Les procédures prévoyaient l’enregistrement des opérations effectuées, des résultats des vérifications et des mesures prises en ce qui concerne les anomalies constatées.

170    En l’espèce, il ressort de la communication officielle et du rapport de synthèse que la Commission reproche à la République de Pologne le fait que ses autorités n’ont pas effectué de contrôles appropriés de l’éligibilité des dépenses liées aux investissements des GP, conformément à la réglementation de l’Union en la matière. À cet égard, la Commission fait grief aux autorités polonaises, en substance, d’avoir utilisé une définition des conditions relatives à la cohérence économique et au caractère raisonnable des dépenses ayant une portée beaucoup plus étroite que celle ressortant du règlement d’exécution no 543/2011 et, partant, que les contrôles effectués conformément à ces définitions ne couvraient pas les aspects obligatoires prévus à l’article 111, paragraphe 2, et à l’article 102 du même règlement d’exécution, lus en combinaison avec les articles 37 et 39 dudit règlement d’exécution.

171    Ainsi, il ressort des éléments du dossier, et en particulier du rapport de synthèse, en premier lieu, que les auditeurs de la Commission avaient constaté, d’une part, que les contrôles relatifs à la nécessité des investissements et à leur caractère raisonnable au regard des plans de reconnaissance initiaux avaient été insuffisants, et, d’autre part, que les acquisitions de placement auprès de membres du GP n’avaient pas fait l’objet de contrôles appropriés. La défaillance des contrôles relatifs à la nécessité des investissements consistait, notamment, en une absence de contrôle des plans de reconnaissance en ce qui concerne les infrastructures, les machines et les équipements déjà en possession du GP ainsi qu’en une absence de vérification de la nécessité des investissements réalisés au regard de l’obtention de la reconnaissance et de l’adaptation de ces investissements aux besoins réels des GP, en violation de l’article 111, paragraphe 2, et l’article 102 du règlement d’exécution no 543/2011, lus en combinaison avec les articles 37 et 39 du même règlement d’exécution, tel que mis en œuvre par le paragraphe 2, point 3, du règlement du ministre de l’Agriculture et du Développement rural polonais du 16 décembre 2008.

172    Pour étayer ses affirmations, la Commission s’est notamment référée à l’audit de la Cour des comptes, qui avait constaté, premièrement, que, dans six des dix (soit 60 %) cas examinés, il n’avait été présenté aucun document de contrôle des investissements proposés ou des volumes de ventes prévus, ni aucune preuve de l’existence de contrôles approfondis de la cohérence commerciale et de la qualité technique des plans de reconnaissance, du sérieux des estimations, du calendrier de leur mise en œuvre et de l’admissibilité des investissements proposés. De même, il n’y avait pas eu non plus de contrôles de la nécessité des investissements pour répondre aux critères de pleine reconnaissance ni d’inventaire des infrastructures, des machines et des équipements disponibles avant la reconnaissance. En outre, aucune preuve de contrôles indépendants des achats d’infrastructures et d’équipements au sein du GP n’avait été fournie. En l’absence d’informations sur les infrastructures et les équipements dont disposaient les membres des GP, l’organisme payeur n’avait pas été en mesure de procéder à un contrôle suffisant de la réalité de l’activité agricole de ses membres. Cette insuffisance de contrôle ayant exposé le budget de l’Union à un risque financier, la Commission a alors conclu que ces constats constituaient une preuve de l’existence de graves défaillances dans le système de contrôle polonais en ce qui concerne les investissements prévus dans les plans de reconnaissance des GP.

173    Deuxièmement, dans sept des dix‑sept cas examinés par la Cour des comptes, les GP avaient acheté des éléments d’infrastructure et d’équipement auprès de leurs membres et, dans la majorité des cas, l’utilisation qui a été faite de ces infrastructures et de ces équipements avant et après leur acquisition par les GP était sensiblement identique. La Commission a alors conclu que ces acquisitions auprès des membres des GP n’étaient pas justifiées ou raisonnables, aucun contrôle supplémentaire de la nécessité des investissements ne semblant avoir été mené par les autorités polonaises, comme l’exigeaient l’article 111, paragraphe 2, et l’article 102 du règlement d’exécution no 543/2011, lus en combinaison avec les articles 37 et 39 du même règlement d’exécution.

174    En deuxième lieu, la mission d’audit de la Commission avait établi que les contrôles des plans de reconnaissance par les autorités polonaises ne remplissaient pas les exigences fixées par la règlementation de l’Union, en particulier en ce qui concerne le contrôle des périodes de remboursement escomptées en cas de cofinancement des investissements. Plus spécifiquement, les auditeurs de la Commission avaient constaté que les autorités polonaises n’avaient pas pris de mesures pour garantir la cohérence commerciale et la qualité technique des plans de reconnaissance, en violation de l’article 111, paragraphe 2, et de l’article 102 du règlement d’exécution no 543/2011, lus en combinaison avec les articles 37 et 39 du même règlement d’exécution.

175    Pour étayer ses affirmations, la Commission s’est référée à l’audit de la Cour des comptes, qui avait constaté, pour six des quatorze (soit 43 %) GP contrôlés sur ce point, que la période de remboursement des investissements prévue dans le plan de reconnaissance était supérieure à 40 ans, sans tenir compte des coûts directs et indirects liés au transport, au stockage, à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation, ni des frais généraux, ce qui constituait un indice sérieux de l’absence de cohérence commerciale des investissements proposés dans ledit plan. Elle a alors conclu que ces périodes de remboursement déraisonnablement longues constituaient des preuves d’irrégularités graves dans les contrôles, effectués par les autorités polonaises, des investissements prévus dans les plans de reconnaissance.

176    En troisième lieu, la mission d’audit de la Commission avait constaté une insuffisance de contrôle de l’augmentation des investissements proposée par les modifications apportées aux plans de reconnaissance, ce qui révélait l’absence de vérification appropriée de la cohérence entre le niveau des investissements et celui de la production commercialisable attendue et était contraire à l’exigence de contrôle de la cohérence commerciale et de la qualité technique des plans de reconnaissance et, partant, à l’article 111, paragraphe 2, et à l’article 102 du règlement d’exécution no 543/2011, lus en combinaison avec les articles 37 et 39 du même règlement d’exécution.

177    Pour étayer ses affirmations, la Commission s’est référée notamment à l’audit de la Cour des comptes, qui avait révélé l’existence de 98 modifications apportées aux plans de reconnaissance par les quatorze GP contrôlés et d’augmentations significatives des coûts d’investissement nettement supérieures aux augmentations prévues, sans que des documents attestant de contrôles réguliers effectués par l’organisme payeur en ce qui concerne le volume de production et sa cohérence avec le niveau des investissements existent. Ensuite, les visites de suivi ont confirmé cette insuffisance des contrôles des investissements proposés dans le cadre de modifications des plans de reconnaissance. La Commission a alors conclu que, compte tenu du nombre substantiel de modifications qui avaient été introduites dans les plans de reconnaissance présentés par les GP, ce constat constituait un indice sérieux d’irrégularités graves affectant le système national de contrôle des plans de reconnaissance des GP et de négligence de la part des autorités polonaises dans la lutte contre d’éventuelles pratiques irrégulières.

178    En quatrième lieu, la mission d’audit de la Commission a conclu que le système de contrôle polonais avait été inopérant en matière de contrôles postérieurs à l’exécution des plans de reconnaissance. Elle a également relevé l’absence de contrôles de ce type à l’occasion de l’approbation annuelle des versions suivantes des plans de reconnaissance, cette déficience incluant l’absence de contrôles des estimations des experts dans le cas, par exemple, de réductions des volumes de ventes après l’approbation des investissements. Pour étayer ses affirmations, elle a fait référence aux six des neuf cas examinés par la Cour des comptes dans lesquels l’absence de ces contrôles avait été constatée. Elle a alors conclu que ce constat témoignait de graves irrégularités affectant le système polonais de contrôle des plans de reconnaissance des GP, contraires à l’article 111, paragraphe 2, et à l’article 102 du règlement d’exécution no 543/2011, lus en combinaison avec les articles 37 et 39 du même règlement d’exécution.

179    C’est par rapport à ces constatations de la Commission et aux éléments de preuve sur lesquels elle s’est appuyée, présentés aux points 170 à 178 ci-dessus, qu’il convient d’examiner les arguments de la République de Pologne invoqués au soutien de la présente branche.

180    À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que, afin d’établir le respect de toutes les exigences découlant du droit de l’Union concernant les contrôles relatifs à la nécessité et à l’admissibilité des investissements pour obtenir la reconnaissance des GP, la République de Pologne ne fait qu’un renvoi général aux dispositions du droit polonais et à des formulaires et instructions générales destinés aux autorités responsables des contrôles, sans contester toutefois tous les griefs soulevés par la Commission à cet égard.

181    En deuxième lieu, s’agissant des critiques de la République de Pologne relatives aux critères d’appréciation des investissements, par lesquelles celle-ci reproche à la Commission d’avoir, d’une manière générale, mal identifié l’objectif de l’aide destinée aux GP et, partant, du plan de reconnaissance et des investissements qui y sont inclus, ce qui aurait eu comme conséquence, d’une part, une interprétation non justifiée des conditions de « cohérence économique » et de « nécessité des investissements » relatives aux plans de reconnaissance et, d’autre part, l’application de critères d’appréciation de l’éligibilité des dépenses liées aux investissements arbitraires et dépourvus de base légale, il convient de constater qu’elles reposent sur une interprétation erronée des dispositions du droit de l’Union applicables.

182    À cet égard, il y a lieu de souligner, tout d’abord, qu’il ressort d’une lecture combinée des dispositions du règlement no 1580/2007 et du règlement d’exécution no 543/2011 relatives aux contrôles incombant aux autorités nationales s’agissant des GP ainsi que de la lecture de la note interprétative 2008-33 de la Commission d’octobre 2008 que la « cohérence économique », la « nécessité des investissements » et le « caractère raisonnable des dépenses » représentent en effet des conditions pour que, d’une part, les plans de reconnaissance présentés par les GP soient acceptés et que lesdits GP obtiennent ainsi la préreconnaissance et que, d’autre part, les demandes d’aide présentées par les GP soient approuvées et que les aides leur soient octroyées.

183    Ensuite, il convient de remarquer que les divergences d’interprétation des parties relatives aux conditions de « cohérence économique » des plans de reconnaissance, de « nécessité des investissements » prévus dans lesdits plans et de « caractère raisonnable des dépenses » proposées dans ceux-ci trouvent leur origine, en grande partie, dans l’acception différente qu’elles ont du rôle des GP dans le cadre de l’organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes et, partant, de l’objectif de l’aide octroyée par l’Union à ceux-ci.

184    Pour sa part, la Commission soutient que le rôle des GP ne peut pas être séparé de celui des OP, qui sont des instruments d’équilibre des marchés dans le secteur des fruits et légumes. Comme la politique de marché est axée sur la nécessité, pour les producteurs, de s’organiser afin d’améliorer leur position de négociation en vue de satisfaire la demande et de stabiliser les prix aux conditions du marché, cet objectif devrait être poursuivi tant par les OP que par les GP. Partant, afin d’accorder la préreconnaissance aux GP ou d’octroyer le versement d’une aide à ceux-ci, les autorités polonaises devaient vérifier que les conditions de « cohérence économique » des plans de reconnaissance, de « nécessité des investissements » prévues dans lesdits plans et de « caractère raisonnable des dépenses » proposées dans ceux-ci étaient remplies par rapport, respectivement, aux conditions du marché et aux objectifs de la politique agricole commune dans le secteur des fruits et légumes.

185    La République de Pologne est d’avis que ses autorités devaient se limiter à vérifier lesdites conditions par rapport à l’unique objectif des GP ressortant de la réglementation pertinente, à savoir celui de remplir, à l’issue de la période transitoire, les critères leur permettant d’être reconnus en tant qu’OP, sans qu’il soit besoin de se reporter aux conditions du marché et aux objectifs de la politique agricole commune dans le secteur des fruits et légumes.

186    S’agissant du contexte et de l’objectif de la réglementation, d’une part, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que le règlement no 1234/2007 et le règlement d’exécution no 543/2011 établissent une organisation commune des marchés, notamment dans le secteur agricole des fruits et légumes. Or, conformément à l’article 40, paragraphe 1, TFUE, le rôle de l’organisation commune des marchés agricoles est d’atteindre les objectifs prévus à l’article 39 TFUE, notamment d’assurer le développement rationnel de la production agricole ainsi qu’un emploi optimal des facteurs de production, de stabiliser les marchés, de garantir la sécurité des approvisionnements et d’assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs. Par conséquent, dans la mesure où les GP sont des acteurs importants du secteur des fruits et légumes qui agissent dans le cadre de l’organisation commune des marchés, ce que la République de Pologne ne conteste pas, leurs activités trouvent leur cadre juridique et les limites à leur champ d’application dans les objectifs énoncés à l’article 39 TFUE. Il convient dès lors de considérer, ainsi que la République de Pologne l’a elle-même reconnu lors de l’audience, que les GP sont soumis aux exigences de la politique agricole commune.

187    D’autre part, pour acquérir le statut d’OP, une entité donnée doit remplir, conformément à l’article 125 ter, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007, certains critères parmi lesquels figure précisément l’obligation d’offrir la garantie suffisante de pouvoir réaliser ses activités convenablement tant dans la durée qu’en termes d’efficacité et de concentration de l’offre, d’assurer une gestion commerciale et comptable appropriée de ses activités et de couvrir un volume ou une VPC minimaux, déterminés par les États membres et calculés sur la même base que cette dernière. Ainsi, les GP qui ont, conformément à l’article 125 sexies, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 1234/2007, un caractère transitoire s’insèrent dans le contexte des actions des OP et doivent à long terme, ainsi que le souligne à bon droit la Commission, réaliser les mêmes objectifs que les OP. D’ailleurs, cette conclusion correspond au considérant 29 du règlement d’exécution no 543/2011, selon lequel, pour favoriser la création d’OP stables et en mesure de contribuer d’une façon durable à la réalisation des objectifs du secteur des fruits et légumes, il convient d’accorder une préreconnaissance uniquement aux GP qui peuvent démontrer leur capacité à se conformer à toutes les exigences relatives à la reconnaissance dans un laps de temps déterminé. Par ailleurs, conformément au considérant 33 du même règlement d’exécution, par souci de cohérence et en vue de faciliter le passage au statut de GP reconnu, il convient d’appliquer aux GP des règles identiques à celles applicables aux OP en ce qui concerne leurs activités principales et la VPC.

188    Il résulte de ce qui précède que, à part leur caractère temporaire et transitoire, les GP ont, contrairement à ce que soutient la République de Pologne, le même rôle dans le secteur des fruits et légumes que les OP et doivent contribuer à la réalisation des objectifs dudit secteur et, par conséquent, s’organiser afin d’améliorer leur position de négociation en vue de satisfaire la demande et de stabiliser les prix aux conditions du marché.

189    Cette conclusion est d’ailleurs confortée par le considérant 1 du règlement no 1290/2005, selon lequel le financement des mesures d’intervention, telles que les aides accordées aux GP, doit être assuré afin de contribuer à la réalisation des objectifs de la politique agricole commune.

190    Or, parmi les objectifs de la politique agricole commune tels qu’exposés au point 186 ci-dessus figure notamment celui d’assurer le développement rationnel de la production agricole ainsi qu’un emploi optimal des facteurs de production. Dès lors, il convient de considérer que la production et la commercialisation des fruits et légumes par les GP sans finalité commerciale est, comme l’affirme la Commission, contraire à l’un des objectifs de l’organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes.

191    À cet égard, il convient de remarquer que l’interprétation retenue par la République de Pologne aurait pour conséquence que des plans de reconnaissance déconnectés du marché seraient acceptés et que la préreconnaissance serait accordée à des GP dont l’objectif ne serait pas d’améliorer ou ne pourrait pas être d’améliorer la position de négociation de leurs membres en vue de satisfaire la demande et de stabiliser les prix aux conditions du marché, mais uniquement d’obtenir la reconnaissance en tant qu’OP. Par conséquent, des dépenses liées à la constitution et au fonctionnement administratif de ces GP ainsi qu’à des investissements énormes seraient éligibles, dès lors qu’elles répondraient à la condition que les GP mettent effectivement à la disposition de leurs membres, le cas échéant, les moyens techniques nécessaires pour la collecte, le stockage, le conditionnement et la commercialisation des produits par rapport au seul volume de production, même si l’augmentation du volume de la production de certains produits déterminée par lesdits moyens techniques pourrait déstabiliser les marchés correspondants.

192    Or, d’une part, il est important de souligner, à l’instar de la Commission, qu’une telle interprétation contreviendrait aux objectifs de la politique agricole commune en matière de soutien aux GP, dès lors que, dans le cadre de l’organisation commune des marchés, l’article 40, paragraphe 2, TFUE limite les mesures qui peuvent être prises aux seules mesures nécessaires pour atteindre les objectifs définis à l’article 39 TFUE, notamment ceux consistant à stabiliser les marchés et à assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs.

193    D’autre part, une interprétation stricte des dispositions contenues à l’article 103 bis du règlement no 1234/2007 ouvrant droit à des remboursements de la part des fonds de l’Union, lues à la lumière des objectifs de la politique agricole commune dans le secteur des fruits et légumes, exige que des aides accordées par les États membres aux GP sans vérifier qu’ils puissent s’organiser afin d’améliorer leur position de négociation en vue de satisfaire la demande et de stabiliser les prix aux conditions du marché soient exclues d’un financement de l’Union.

194    Partant, l’interprétation formelle proposée par la République de Pologne concernant le rôle différent des GP par rapport à celui des OP dans le secteur des fruits et légumes, qui aboutirait à financer des mesures pouvant déstabiliser les marchés en cause, ne peut pas être retenue.

195    À cet égard, il convient de relever que la Commission n’est pas tenue de prendre en charge, pour le fonds, les dépenses effectuées par un État membre qui sont fondées sur une application objectivement erronée, même si elles résultent d’une interprétation adoptée de bonne foi du droit de l’Union, sauf si l’interprétation erronée du droit de l’Union peut être imputée à une institution de l’Union (arrêt du 19 juin 2009, Espagne/Commission, T‑369/05, non publié, EU:T:2009:213, point 67). Or, force est de constater que la République de Pologne n’apporte aucun élément permettant de conclure que l’interprétation qu’elle retient des notions de cohérence économique, de nécessité des investissements et de caractère raisonnable des dépenses était imputable à un comportement de la Commission. Bien au contraire, il ressort des constatations effectuées par la Commission lors de son enquête que l’interprétation en cause n’est pas le fait d’un comportement de cette institution.

196    C’est donc par rapport à ce rôle qu’il convient de considérer l’objectif des aides destinées aux GP, telles qu’elles sont prévues à l’article 103 bis du règlement no 1234/2007.

197    À cet égard, bien que, conformément à l’article 103 bis du règlement no 1234/2007, lu en combinaison avec l’article 125 sexies du même règlement, les aides que l’Union peut accorder aux GP soient destinées à encourager leur constitution, à faciliter leur fonctionnement administratif ainsi qu’à couvrir une partie des investissements nécessaires à la reconnaissance et à permettre à ces derniers de répondre aux critères de reconnaissance fixés pour les OP, la prise en charge des dépenses effectuées à ces fins au titre des fonds de l’Union est, contrairement à ce que soutient la République de Pologne, strictement circonscrite au respect des objectifs du secteur financé, conformément à la jurisprudence citée aux points 81 et 82 ci-dessus.

198    S’agissant des conditions de cohérence économique, de nécessité des investissements et de caractère raisonnable des dépenses, en vertu desquelles les plans de reconnaissance et les demandes d’aide des GP doivent être évalués, il convient de remarquer, à l’instar de la Commission, que, bien qu’elles ne soient ni définies par la réglementation applicable ni expliquées, ainsi que le soutient à bon droit la République de Pologne, par le biais de lignes directrices ou de recommandations émises par la Commission, elles doivent répondre aux exigences de rationalité et d’efficacité, conformément aux objectifs de la politique agricole commune exposés au point 186 ci-dessus.

199    Dès lors, l’argument de la République de Pologne selon lequel l’aide à l’investissement visé par l’article 103 bis, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1234/2007 ne dépendrait pas des résultats des actions du GP, notamment de la rentabilité des investissements effectués sur la base des plans de reconnaissance, ne saurait prospérer. En effet, les contrôles réguliers de la cohérence économique des plans de reconnaissance et du caractère raisonnable des estimations par rapport aux conditions du marché, notamment sur les prix des produits commercialisés sur le marché par le GP, sur le retour et la rentabilité des investissements, sont nécessaires pour apprécier si le plan de reconnaissance est efficace et si les actions et les investissements sont raisonnables. En l’absence d’une référence quelconque à la VPC réalisée par le GP et aux résultats financiers obtenus par celui-ci, il serait impossible d’apprécier si les investissements effectués par le GP méritaient de continuer à être financés et si la situation commerciale du GP s’améliorait. Il convient de relever, à l’instar de la Commission, que le GP, dont les recettes sont nulles ou très faibles en dépit des investissements réalisés, n’améliore certainement pas sa position commerciale en vue de mieux concentrer l’offre et de commercialiser la production de ses membres, conformément aux activités que les GP sont censés réaliser en vertu de l’article 41, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 543/2011.

200    Dans ces circonstances, c’est à bon droit que la Commission a considéré que les autorités polonaises devaient, tout d’abord, vérifier la cohérence économique des plans de reconnaissance par rapport aux conditions du marché en prenant en compte l’augmentation de la VPC et non celle de la quantité de produits commercialisés et en tenant compte des incidences des opérations des GP sur le marché et, ensuite, vérifier les investissements et apprécier le caractère raisonnable des dépenses d’investissement approuvées dans le plan de reconnaissance, d’une part, par rapport aux conditions du marché définies par l’offre et la demande et, d’autre part, dans leur contexte, en les rapportant au potentiel de production du GP et au caractère raisonnable du coût de l’investissement.

201    En troisième lieu, s’agissant des arguments avancés par la République de Pologne pour contester le grief de la Commission lui reprochant l’absence des contrôles concernant les infrastructures, les machines et les équipements déjà détenus par les membres des GP avant l’obtention de la reconnaissance, force est de constater qu’ils reposent sur une interprétation erronée des dispositions applicables de nature à encourager la création artificielle des conditions en vue de l’obtention des aides aux investissements par les GP, en méconnaissance des dispositions de l’article 193 du règlement no 1234/2007 et de l’article 145 du règlement d’exécution no 543/2011.

202    À titre liminaire, il convient de constater que, contrairement à ce que soutient la République de Pologne, la Commission n’établit, dans la décision attaquée, ni que les plans de reconnaissance devaient contenir une description des infrastructures détenues par les membres des GP qui n’étaient pas mises à la disposition desdits GP ni que le droit de l’Union aurait interdit l’achat d’infrastructures auprès des membres des GP. Ce que reproche la Commission aux autorités polonaises est en fait une insuffisance dans les contrôles, d’une part, des plans de reconnaissance s’agissant des infrastructures déjà détenues et utilisées par les membres individuels du GP, conformément à l’article 111, paragraphes 1 et 2, sous a), du règlement d’exécution no 543/2011 et à l’article 37, sous a), du même règlement d’exécution, et, d’autre part, des conditions dans lesquelles l’acquisition des infrastructures auprès des membres des GP dans les cas identifiés par la Cour des comptes était intervenue, afin d’exclure l’acceptation des investissements non-nécessaires pour l’obtention de la reconnaissance, eu égard à l’article 103 bis, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007.

203    En effet, la Commission considère que, étant donné que, dans la majorité des cas, identifiés par la Cour des comptes et confirmés ensuite dans le cadre de ses visites de suivi, dans lesquels les GP avaient acheté des éléments d’infrastructures ou d’équipement auprès de leurs membres, l’utilisation desdites infrastructures ou desdits équipements était essentiellement la même avant et après leur acquisition par les GP, les autorités polonaises auraient dû vérifier la nécessité desdits investissements afin d’exclure tout doute quant à la création de conditions artificielles par les GP pour obtenir le financement de ces acquisitions. Or, selon elle, les autorités polonaises, d’une part, avaient accepté les investissements proposés dans les plans de reconnaissance sans aucune vérification de leur nécessité et, d’autre part, se seraient limitées à accepter les explications desdits GP relatives à l’acquisition de l’infrastructure, ce qui constituerait une faiblesse dans la réalisation d’un contrôle clé.

204    Partant, les critiques que la République de Pologne soulève à l’égard de la Commission qui aurait imposé des interdictions dépourvues de base légale pour l’achat d’investissements auprès des membres des GP sont dénuées de pertinence.

205    S’agissant de l’étendue du contrôle auquel les autorités polonaises devaient soumettre les GP, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 193 du règlement no 1234/2007, aucun des avantages prévus dans le règlement ne pouvait être accordé en faveur de personnes physiques ou morales dont il était établi qu’elles avaient créé artificiellement les conditions requises en vue de l’obtention de ces avantages, en contradiction avec les objectifs visés par ledit règlement. Une interdiction similaire était prévue à l’article 145 du règlement d’exécution no 543/2011, s’agissant des paiements en faveur des bénéficiaires dont il était établi qu’ils avaient créé artificiellement les conditions requises pour bénéficier de tels paiements et obtenir ainsi un avantage contraire aux objectifs du régime de soutien concerné.

206    Selon une jurisprudence constante, l’application des règlements de l’Union ne saurait être étendue jusqu’à couvrir des pratiques abusives d’opérateurs économiques (voir arrêt du 12 septembre 2013, Slancheva sila, C‑434/12, EU:C:2013:546, point 27 et jurisprudence citée).

207    En l’espèce, il résulte des éléments du dossier, et notamment de la position finale de la Cour des comptes, que, dans six des quatorze cas examinés sous cet angle, les autorités polonaises n’ont pas pu présenter de preuves que les contrôles des plans de reconnaissance du point de vue des infrastructures, y compris des infrastructures détenues par les membres individuels du GP, conformément à l’article 37 du règlement d’exécution no 543/2011, avaient été effectués. Partant, en l’absence d’informations sur les infrastructures ou les équipements mis à la disposition des GP, la Commission a pu à bon droit conclure que l’organisme payeur n’avait été en mesure de vérifier ni si lesdits membres exerçaient effectivement une activité agricole, ni si les investissements proposés dans les plans de reconnaissance étaient réellement nécessaires.

208    D’ailleurs, lors de la procédure administrative, les autorités polonaises ont confirmé que, avant septembre 2014, il n’y avait pas de documents analytiques et de pistes d’audit qui auraient pu certifier l’étendue et la rigueur des contrôles portant sur la nécessité des investissements effectués par l’organisme payeur, aspect d’ailleurs à nouveau confirmé par la République de Pologne dans la requête. Dans ces conditions, l’allégation de cette dernière selon laquelle l’achat d’investissements auprès des membres des GP n’était pas interdit par les dispositions du droit de l’Union applicables n’est pas de nature à infirmer les doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de contrôle, exprimés par la Commission conformément à la jurisprudence citée au point 86 ci-dessus.

209    Il convient de constater que les irrégularités exposées par la Commission dans le rapport de synthèse (voir points 171 à 178 ci-dessus), basées sur les constatations et les preuves recueillies par la Cour des comptes et les constatations réalisées lors des visites de suivi, démontrent la thèse de la Commission selon laquelle il n’y avait pas d’assurances suffisantes quant aux contrôles effectués par les autorités polonaises concernant, d’une part, la nécessité des investissements réalisés par lesdits GP pour devenir des OP et, d’autre part, le caractère raisonnable des dépenses proposées dans les plans de reconnaissance à cette fin et effectuées sur leur base, en violation de l’article 111, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement d’exécution no 543/2011 et de l’article 102 du même règlement d’exécution.

210    En effet, en ce qui concerne la nature même de la défaillance identifiée lors de la procédure administrative, relative notamment aux vérifications de la nécessité des investissements proposés dans les plans de reconnaissance par les GP et du caractère raisonnable des dépenses liées à ces investissements, qui ne prenaient pas en compte les objectifs de la politique agricole commune et ceux des mesures d’aide dans le secteur des fruits et légumes, ce que la République de Pologne ne conteste d’ailleurs pas, il y a lieu de considérer, contrairement à ce que soutient cette dernière, que la Commission a, conformément à la jurisprudence rappelée au point 86 ci-dessus, présenté des éléments de preuve du doute sérieux et raisonnable à l’égard des contrôles effectués par les autorités polonaises et relatifs aux dépenses des GP, de sorte qu’il incombait ensuite à ces dernières de présenter la preuve détaillée et complète de la réalité de leurs contrôles et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 88 et 89 ci-dessus.

211    Or, aucun des arguments que la République de Pologne a invoqués ne démontre l’inexactitude des appréciations de la Commission et ne permet donc de remettre en cause la décision de lui imposer une correction forfaitaire pour les faiblesses généralisées dans le système de contrôle relatif aux dépenses d’investissement effectuées par les GP en Pologne.

212    Il s’ensuit que, à défaut d’éléments de preuve établissant l’existence d’un système de contrôle fiable et efficace des investissements des GP, la République de Pologne n’a pas démontré l’inexactitude des appréciations de la Commission relatives aux faiblesses dudit système, telles que relevées dans le rapport de synthèse accompagnant la décision attaquée.

213    D’ailleurs, les constatations de la Commission ont été confirmées ultérieurement par l’organisme de certification lors de son audit opéré en 2015.

214    Il y a dès lors lieu d’écarter la deuxième branche du premier moyen.

 Sur la troisième branche, relative à l’existence de faiblesses dans les contrôles des coûts annoncés dans les plans de reconnaissance

215    La République de Pologne conteste la conclusion de la Commission relative aux faiblesses concernant les contrôles relatifs au caractère raisonnable des coûts effectués sur la base des plans de reconnaissance.

216    À cet égard, d’une part, s’agissant des contrôles de la rationalité des coûts, la République de Pologne soutient, en substance, que, dans la mesure où le droit de l’Union n’interdisait pas l’achat d’investissements auprès des membres des GP et ne prévoyait pas des critères personnels applicables aux vendeurs des investissements, le système de contrôle mis en place et appliqué par ses autorités lors de la mise en œuvre des mesures des aides aux GP aurait été à la fois fiable et efficace.

217    D’autre part, la République de Pologne conteste la conclusion de la Commission selon laquelle ses autorités n’avaient pas systématiquement vérifié que les coûts de transport vers les clients externes n’étaient pas pris en compte pour le calcul de la VPC des GP.

218    La Commission réfute les arguments de la République de Pologne.

219    En premier lieu, il ressort du rapport de synthèse que la Commission reproche à la République de Pologne une insuffisance des contrôles du caractère raisonnable des investissements cofinancés et de la viabilité économique des dépenses des GP, en violation de l’article 111, paragraphe 2, et de l’article 102 du règlement d’exécution no 543/2011 ainsi que de l’article 103 bis, sous b), du règlement no 1234/2007. À cet égard, elle fait valoir que, lors de l’analyse de l’estimation des coûts totaux d’investissements par rapport à certaines prévisions de ventes des GP, il était apparu que les investissements proposés dans les plans de reconnaissance n’étaient pas justifiés sur le plan économique. Ainsi, certains contrôles réalisés par l’organisme payeur ne comportaient pas de piste d’audit et d’autres ne prenaient pas du tout en considération les transactions conclues à des conditions différentes de celles du marché au sein des GP financés conformément aux plans de reconnaissance. La Commission a souligné que, selon les explications fournies par les autorités polonaises, les transactions conclues à des conditions différentes de celles du marché ne faisaient pas l’objet, de la part de l’organisme payeur, d’un contrôle différent de celui qu’il appliquait à toute autre transaction, ce qui confirmait davantage encore l’existence d’un risque pour les intérêts financiers de l’Union et constituait un indice que les autorités polonaises avaient fait preuve de négligence dans la lutte contre les pratiques irrégulières.

220    Pour étayer ses conclusions, la Commission s’est notamment référée à l’audit de la Cour des comptes, qui avait révélé que, pour douze des 17 GP ayant fait l’objet d’un contrôle sur ce point, des investissements avaient été vendus entre le GP en cause et ses membres. Pour onze de ces GP, 48 des 49 transactions analysées n’avaient pas fait l’objet d’un contrôle approprié de la part de l’organisme payeur, ce qui démontrait une absence quasi totale de contrôles suffisants des achats d’investissements pour une part très importante des GP ayant fait l’objet du contrôle.

221    Sur la base notamment de ces constatations, les auditeurs de la Commission ont considéré que l’application du système de contrôle relatif notamment aux vérifications des transactions conclues à des conditions différentes de celles du marché présentait un risque élevé qui devait être atténué par l’instauration de mesures de contrôle spécifiques par les autorités nationales.

222    En second lieu, la mission d’audit de la Commission avait établi que les contrôles des coûts des GP par les autorités polonaises ne remplissaient pas les exigences fixées par la règlementation de l’Union, en particulier en ce qui concerne la déduction des coûts de transport au-delà des sites de production des GP de la VPC, en violation de l’article 42 et de l’article 50, paragraphe 7, du règlement d’exécution no 543/2011. Ainsi, la Commission a souligné que les coûts de transport avaient été systématiquement ignorés par l’organisme payeur dans ses contrôles, ce qui témoignait clairement d’une défaillance ayant exposé le FEAGA à un risque financier. Des preuves de la prise en compte des coûts de transport de la production aux clients dans la VPC avaient été trouvées dans quatorze des 17 (soit 82 %) cas examinés par la Cour des comptes, ce qui représentait une part très importante des GP contrôlés et constituait la preuve de l’existence de graves irrégularités affectant le système de contrôle polonais.

223    La Commission a ajouté que, ses missions de suivi menées en 2015 sur l’exécution du plan d’action polonais ayant toutefois montré que les autorités polonaises avaient remédié à cette absence de contrôle à partir de septembre 2014, la correction financière fondée sur ce motif allait être donc être appliquée jusqu’au 31 août 2014.

224    Il convient de constater que les irrégularités exposées par la Commission dans le rapport de synthèse (voir points 219 à 223 ci-dessus), étayées par les constatations et les preuves recueillies par la Cour des comptes et les constatations réalisées lors des visites de suivi, démontrent la thèse de la Commission selon laquelle il n’y avait pas d’assurances suffisantes quant aux contrôles effectués par les autorités polonaises concernant le caractère raisonnable des coûts, ce qui constitue une violation de l’article 111, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement d’exécution no 543/2011 et de l’article 102 du même règlement d’exécution ainsi que de l’article 103 bis, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1234/2007.

225    Ces éléments, qui sont de nature à caractériser l’existence d’un doute sérieux et raisonnable, ne peuvent être écartés au motif, invoqué par la République de Pologne, que, en l’absence de critères quelconques dans le droit de l’Union applicables aux vendeurs des investissements ou interdisant l’achat d’investissements auprès des membres des GP, le système de contrôle mis en place et appliqué par ses autorités lors de la mise en œuvre des mesures des aides aux GP devait être considéré comme fiable et efficace.

226    À cet égard, il convient de constater que les prétendus éléments de preuve invoqués dans la requête pour établir la réalité et le caractère adéquat des contrôles effectués par les autorités polonaises concernant le caractère raisonnable des coûts sont constitués par des formulaires contenant des instructions générales destinés aux autorités responsables des contrôles. Or, l’existence de telles informations générales et abstraites ne permet pas à la République de Pologne de démontrer que les contrôles considérés par la Commission comme insuffisants quant aux vérifications, d’une part, de la cohérence économique et du caractère raisonnable des dépenses et, d’autre part, de l’exclusion des coûts de transport du calcul de la VPC étaient, en définitive, réguliers. En particulier, la constatation de l’existence d’instructions à suivre pour la réalisation des contrôles ne démontre en rien que ces instructions précisaient les méthodes d’évaluation de la cohérence économique et du caractère raisonnable des dépenses, ni que ces méthodes ont été suivies.

227    En outre, aucun des arguments que la République de Pologne a invoqués ne démontre l’inexactitude des appréciations de la Commission et ne permet donc de remettre en cause la décision de lui imposer une correction forfaitaire pour les faiblesses généralisées dans le système de contrôle relatif au caractère raisonnable des coûts effectués par les GP en Pologne.

228    Il y a dès lors lieu d’écarter la troisième branche du premier moyen.

229    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter le premier moyen dans son ensemble comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013

230    La République de Pologne soutient que, en violation de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013, le montant de la correction forfaitaire appliquée a été manifestement excessif au regard du risque de pertes financières pour le budget de l’Union occasionné par les déficiences identifiées.

231    La République de Pologne fait valoir, en substance, en se référant à nouveau aux arguments de fond exposés dans le cadre du premier moyen, que, étant donné que les autorités polonaises avaient effectué tous les contrôles requis par les dispositions applicables, le FEAGA n’a pas été exposé à un risque de pertes. Elle ajoute que, à supposer que le système de contrôle des GP et des OP instauré par les autorités polonaises ait présenté certaines insuffisances, les modifications apportées à la règlementation polonaise et aux procédures de l’ARMA, visant à remédier aux carences relevées par la Cour des comptes et la Commission dans le cadre du plan d’action, ont considérablement réduit le risque de pertes pour le budget de l’Union. Selon elle, en adoptant la décision attaquée, la Commission a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences financières, en ne tenant pas compte des modifications des procédures de l’ARMA grâce auxquelles le risque de pertes financières pour le budget de l’Union avait été réduit au minimum.

232    La Commission réfute l’argumentation de la République de Pologne.

233    À titre liminaire, il convient de constater que, par le présent moyen, la République de Pologne conteste, en substance, d’une part, la réalité des manquements reprochés et, partant, l’absence d’effets desdits prétendus manquements sur le budget de l’Union et, d’autre part, l’appréciation de la Commission relative aux effets desdits manquements, en les supposant établis, ainsi qu’aux effets des mesures correctives adoptées dans le cadre du plan d’action.

234    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été exposé au point 78 ci-dessus, selon l’article 317 TFUE, la Commission est chargée de l’exécution du budget de l’Union en coopération avec les États membres. À cette fin, elle est habilitée à décider, au moyen d’actes d’exécution, si les dépenses effectuées par les États membres sont conformes au droit de l’Union.

235    Ainsi, il découle de l’article 52 du règlement no 1306/2013, qui a remplacé, à partir du 1er janvier 2015, l’article 31 du règlement no 1290/2005 en matière d’apurement de conformité, que, lorsque la Commission considère que des dépenses, relevant du champ d’application notamment de mesures soutenant les marchés agricoles, n’ont pas été effectuées conformément au droit de l’Union, elle adopte une décision excluant ces dépenses du financement de l’Union.

236    Lors de l’évaluation des montants à exclure, conformément à l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013, la Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction ainsi que du préjudice financier causé à l’Union. Elle fonde l’exclusion sur la mise en évidence de montants indûment dépensés et, lorsque ceux-ci ne peuvent être mis en évidence au moyen d’efforts proportionnés, elle peut appliquer des corrections extrapolées ou forfaitaires. Des corrections forfaitaires ne sont appliquées que lorsque, en raison notamment de la nature du cas, il n’est pas possible, en déployant des efforts proportionnés, de déterminer plus précisément le préjudice financier causé à l’Union.

237    Conformément aux orientations contenues dans le document VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie » (ci-après les « orientations de la Commission »), lorsque les informations fournies par l’enquête ne permettent pas d’évaluer le niveau réel des dépenses irrégulières, et donc le montant des pertes financières subies par le budget de l’Union, la Commission applique des corrections forfaitaires s’élevant à 2, à 5, à 10 ou à 25 % des dépenses déclarées, en fonction de l’ampleur du risque de perte. Des taux de correction supérieurs, jusqu’à 100 %, peuvent être décidés dans des cas exceptionnels.

238    Aux fins du calcul des dépenses inéligibles, les orientations de la Commission prévoient des corrections forfaitaires à hauteur notamment de 25 % des dépenses lorsque la mise en œuvre du système de contrôle est complètement absente ou gravement déficiente et qu’il existe des indices d’irrégularités très fréquentes et de négligence dans la lutte contre les pratiques irrégulières ou frauduleuses et que, par conséquent, il existe un risque de pertes particulièrement élevé pour le FEAGA.

239    Selon l’annexe 2 des orientations de la Commission, l’État membre a toujours la possibilité de démontrer, au moyen de vérifications supplémentaires ou de suppléments d’informations, que la carence n’était pas aussi sérieuse qu’elle le paraissait ou que le risque de pertes réel était moins important que le montant de la correction proposée. Ces arguments doivent être soigneusement étudiés et commentés avant de prendre les décisions finales concernant le taux de correction à appliquer. Si des éléments objectifs présentés par l’État membre montrent que la perte maximale probable est limitée à un montant inférieur à celui de la correction proposée, la perte maximale doit être prise en compte.

240    Il y a lieu de constater que, à l’instar des dispositions du règlement no 1290/2005, les dispositions du règlement no 1306/2013 ne permettent à la Commission de mettre à la charge du FEAGA que les montants versés en conformité avec les règles établies dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles et laissent à la charge des États membres tout autre montant versé, notamment les montants que les autorités nationales se sont à tort estimées autorisées à payer dans le cadre de cette organisation commune. La Commission ne dispose à cet égard d’aucune marge d’appréciation. En effet, la finalité de la procédure d’apurement des comptes du FEAGA, qui est de vérifier si les restitutions et les interventions ont été effectuées selon les règles de l’Union et de garantir de ce fait les mêmes conditions concurrentielles aux opérateurs économiques, serait mise en péril si la Commission pouvait, après avoir constaté l’irrégularité d’une pratique nationale, se prévaloir d’une marge d’appréciation pour l’accepter ou la rejeter du financement du budget de l’Union, en fonction de ses effets financiers plus ou moins graves pour le FEAGA (voir arrêt du 10 avril 2019, Pologne/Commission, T‑51/17, non publié, EU:T:2019:233, point 229 et jurisprudence citée).

241    En outre, même des irrégularités qui, par hypothèse, n’auraient pas d’effet financier précis peuvent sérieusement affecter les intérêts financiers de l’Union ainsi que le respect du droit de l’Union et justifier l’application de corrections financières par la Commission (voir arrêt du 10 avril 2019, Pologne/Commission, T‑51/17, non publié, EU:T:2019:233, point 230 et jurisprudence citée).

242    Par ailleurs, en ce qui concerne le montant de la correction financière, la Commission peut aller jusqu’à refuser la prise en charge par le FEAGA de l’intégralité des dépenses exposées si elle constate qu’il n’existe pas de mécanismes de contrôle suffisants. Cependant, la Commission doit respecter le principe de proportionnalité, qui exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. En effet, selon la jurisprudence, le principe de proportionnalité, en tant que principe général du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par la réglementation en cause. Ainsi, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 10 avril 2019, Pologne/Commission, T‑51/17, non publié, EU:T:2019:233, point 231 et jurisprudence citée).

243    Enfin, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une correction arrêtée par la Commission, conformément aux orientations qu’elle a adoptées en la matière, tend à éviter la mise à la charge des fonds de montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par la réglementation de l’Union en cause et ne constitue pas une sanction. La jurisprudence a ainsi reconnu que les taux forfaitaires retenus dans les orientations de la Commission permettaient à la fois le respect du droit de l’Union et la bonne gestion des ressources de l’Union ainsi que d’éviter que la Commission n’exerce de pouvoir discrétionnaire en imposant aux États membres des corrections démesurées et disproportionnées (voir arrêt du 10 avril 2019, Pologne/Commission, T‑51/17, non publié, EU:T:2019:233, point 232 et jurisprudence citée).

244    En l’espèce, la Commission a imposé à la République de Pologne une correction financière forfaitaire de 25 % à la suite de l’exclusion de certaines dépenses, exposées pendant la période comprise entre le 16 octobre 2013 et le 15 octobre 2015 et imputées au FEAGA, en raison de lacunes constatées dans le système national de contrôle en ce qui concerne les contrôles clés et secondaires relatifs à la mesure d’aide « Fruits et légumes – Groupements de producteurs préreconnus ». Elle a considéré que tant les défaillances constatées en matière de contrôles de reconnaissance que celles constatées en matière de contrôles d’investissements et de dépenses étaient systémiques et qu’il existait un risque de perte très élevé pour le FEAGA dans chacun des deux cas, ce qui justifiait une correction forfaitaire de 25 % pour chaque catégorie, conformément à ses observations. Toutefois, compte tenu de la règle imposant d’appliquer le taux le plus élevé pour l’un des manquements reprochés, une seule correction forfaitaire d’un taux de 25 % a été appliquée.

245    Premièrement, s’agissant du grief tiré de la prétendue absence de défaillances justifiant une correction financière, il convient de rappeler que, dans le cadre du premier moyen, l’existence de ces défaillances a été confirmée.

246    Par conséquent, dans la mesure où il a été constaté, dans le cadre de l’examen du premier moyen, que la Commission était fondée à conclure que le système de contrôle polonais, relatif aux aides aux GP dans le secteur des fruits et légumes, présentait des faiblesses généralisées et que, de ce fait, la République de Pologne ne s’était pas conformée à ses obligations d’organiser un système efficace de contrôles administratifs et de contrôles sur place permettant d’assurer que toutes les conditions matérielles et formelles requises dans le cadre de la mesure « Fruits et légumes – Groupements de producteurs préreconnus » étaient correctement observées, de prévenir et de poursuivre les irrégularités et de récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences, eu égard à la jurisprudence citée au point 240 ci-dessus, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a considéré que certaines dépenses effectuées au titre de ladite mesure ne sauraient être prises en charge par le FEAGA et devraient rester à la charge de la République de Pologne.

247    Deuxièmement, s’agissant des griefs tirés, d’une part, de la prétendue absence de risque pour le budget de l’Union et, d’autre part, de la prétendue erreur manifeste d’appréciation dans l’établissement du taux de la correction appliquée, il y a lieu de relever que, si l’argumentation développée et l’ensemble des documents cités à son appui visent principalement à démontrer que les autorités polonaises se sont conformées aux obligations découlant de la réglementation applicable en l’espèce, la République de Pologne n’avance en revanche aucun argument pertinent permettant de justifier la prétendue absence de risque de perte ou l’application d’un taux réduit pour la correction forfaitaire appliquée.

248    Or, s’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles de droit de l’Union, une fois cette violation établie, il revient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (arrêts du 14 février 2008, Espagne/Commission, T‑266/04, non publié, EU:T:2008:37, point 105, et du 5 juillet 2012, Grèce/Commission, T‑86/08, EU:T:2012:345, point 196). Ce principe est valable tant en ce qui concerne les allégations relatives aux prétendues erreurs d’appréciation desdites conséquences financières qu’en ce qui concerne d’éventuelles prétendues violations du principe de proportionnalité.

249    À cet égard, dans la mesure où la qualité des contrôles clés constitue un élément déterminant du système de contrôle devant être mis en place pour assurer la régularité des dépenses du FEAGA, la Commission a raisonnablement pu conclure que le risque de pertes pour celui-ci était significatif et a donc pu imposer la correction forfaitaire litigieuse.

250    En effet, il y a lieu de considérer que la République de Pologne n’apporte pas d’éléments de nature à renverser le doute sérieux et raisonnable que la Commission a éprouvé à l’égard du système de contrôle polonais relatif aux aides accordées aux GP. Il s’ensuit que, en imposant, en l’espèce, une correction financière s’élevant à 25 % des dépenses déclarées par la République de Pologne, au titre du financement des aides aux GP pour la période allant du 16 octobre 2013 au 15 octobre 2015, alors que les faiblesses dans les contrôles clés effectués par les autorités polonaises témoignaient d’un système de contrôle gravement défaillant qui ne répondait pas aux exigences de la réglementation de l’Union, la Commission n’a pas violé l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013.

251    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la République de Pologne relatif à une prétendue violation des orientations de la Commission au motif que cette dernière ne l’aurait pas informée de la possibilité de lui appliquer le facteur de pondération relatif à l’existence des difficultés d’interprétation de la notion d’« agriculteur cultivant » ou des conditions de « cohérence économique » ou de « qualité technique » du plan de reconnaissance.

252    À cet égard, d’une part, il est constant entre les parties que la République de Pologne n’a fait part à la Commission ni avant son audit ni lors de celui-ci de difficultés d’interprétation des dispositions du droit de l’Union applicables aux GP qui auraient pu altérer la qualité des contrôles auxquels elle était tenue. En revanche, elle a maintenu une interprétation différente et contraire à celle de la Commission des dispositions du droit de l’Union relatives à la notion d’« agriculteur cultivant » et aux conditions de « cohérence économique » des plans de reconnaissance, de « nécessité des investissements » et de « caractère raisonnable des dépenses » tout au long de la procédure administrative.

253    Or, selon une jurisprudence constante, même à supposer que le règlement no 1234/2007, le règlement no 1580/2007 et le règlement d’exécution no 543/2011 aient pu être perçus comme étant équivoques à l’égard de la notion d’« agriculteur cultivant » ou à l’égard de la condition de la cohérence économique des plans de reconnaissance, ainsi que le soutient la République de Pologne, celle-ci ne saurait invoquer des difficultés liées à l’interprétation d’un texte de droit de l’Union pour en différer unilatéralement la mise en œuvre. Il incombe au contraire à l’État concerné de soumettre ces difficultés à l’appréciation de la Commission en vertu de la règle imposant aux États membres et aux institutions des devoirs réciproques de coopération loyale, qui inspire, notamment, l’article 4, paragraphe 3, TUE (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2017, Estonie/Commission, T‑157/15, non publié, EU:T:2017:483, point 33 et jurisprudence citée).

254    D’autre part, ainsi que la République de Pologne le relève, l’application du facteur de pondération relatif à l’existence des difficultés d’interprétation est une faculté prévue dans les observations de la Commission à son égard. Dans l’exercice de cette faculté, la Commission est libre d’apprécier souverainement la valeur qu’il convient d’attribuer aux différents éléments de fait et de preuve qui lui ont été soumis ou qu’elle a pu elle‑même rassembler. Toutefois, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir utilisé cette faculté en l’absence de tout indice concernant l’existence d’une telle difficulté en l’espèce.

255    Troisièmement, s’agissant des effets des mesures correctives adoptées dans le cadre du plan d’action, il convient de relever que, ainsi qu’il a été constaté aux points 136 à 138 ci-dessus, dans le cadre de l’analyse du premier moyen, la plupart de ces mesures sont restées inefficaces pour les exercices financiers 2014 et 2015, ce qui a été d’ailleurs confirmé par l’organe de conciliation dans son rapport final du 30 mars 2017 (voir point 140 ci-dessus).

256    En outre, ainsi que le souligne la Commission sans être contredite par la République de Pologne, ses missions de suivi effectuées en 2015 et les contrôles qu’elle a réalisés dans le cadre de la procédure d’apurement des comptes relative aux exercices financiers 2016 et 2017, en janvier 2017 et janvier 2018, ont montré que les déficiences et les irrégularités largement répandues avaient persisté dans le système de contrôles des aides en faveur des GP en Pologne jusqu’à ce que les tâches de reconnaissance soient transférées des bureaux des maréchaux à l’AMA en octobre 2015.

257    À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort de l’économie des règlements no 1290/2005 et no 1306/2013 que les mesures d’intervention publique ne peuvent être financées que si les dépenses ont été effectuées par les organismes payeurs agréés, chargés par les États membres de certaines obligations relatives à l’intervention publique. L’exécution des tâches relatives, notamment, à la gestion ou au contrôle des mesures d’intervention, à l’exception du paiement des aides, peut toutefois être déléguée, conformément à l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, du règlement no 1290/2005 et à l’article 7, paragraphe 1, second alinéa, du règlement no 1306/2013. L’organisme payeur doit néanmoins assurer une supervision adéquate des tâches ainsi déléguées et reste pleinement responsable du contrôle de la reconnaissance des GP.

258    Il est constant que, dans le cadre du système mis en place par la République de Pologne pendant la période pertinente en l’espèce, les compétences de contrôle des GP étaient partagées entre, d’une part, l’organisme payeur et, d’autre part, les bureaux des maréchaux.

259    Ainsi, il appartenait au bureau du maréchal, compétent en raison du siège social du GP, de procéder au contrôle sur place visé à l’article 113, paragraphe 1, du règlement no 1580/2007 et à l’article 111, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 543/2011. En revanche, le contrôle visé à l’article 113, paragraphe 2, du règlement no 1580/2007 et à l’article 111, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 543/2011 relevait tant de la compétence du bureau du maréchal que de celle du directeur du département régional de l’ARMA. En effet, ce dernier évaluait, en vertu de l’article 9, paragraphe 2, de la ustawa z dnia 19 grudnia 2003 r. o organizacji rynków owoców i warzyw, rynku chmielu, rynku suszu paszowego oraz rynków lnu i konopi uprawianych na włókno (loi polonaise sur l’organisation des marchés de fruits et de légumes, du marché du houblon, du marché du fourrage séché et des marchés du lin et du chanvre cultivés pour leurs fibres), du 19 décembre 2003, le plan de reconnaissance des GP ayant fait une demande de préreconnaissance ainsi que les modifications du plan concernant l’exactitude des informations qui y étaient indiquées, sa cohérence économique, sa qualité technique, le sérieux de ses estimations, la programmation de son exécution, la justification de sa durée, l’éligibilité des investissements proposés, le caractère raisonnable des dépenses liées à ces investissements et la durée d’adhésion au GP.

260    Bien que les plans de reconnaissance fussent en définitive approuvés par les bureaux des maréchaux, les fiches de contrôle de ces derniers ne mentionnaient pas explicitement la cohérence économique ni le caractère raisonnable des dépenses. Sur ces deux points, lesdits bureaux s’appuyaient exclusivement sur les résultats des contrôles effectués par l’organisme payeur, sauf si l’avis était négatif.

261    À cet égard, la République de Pologne reconnaît qu’il revenait aux bureaux des maréchaux d’approuver les plans de reconnaissance des GP, sans qu’ils aient toutefois la compétence de vérifier la cohérence économique desdits plans et le caractère raisonnable des dépenses proposées dans ceux-ci. Dans le même temps, l’ARMA, en qualité d’organisme payeur chargé d’assurer la bonne gestion financière des crédits budgétaires et l’exécution des paiements en faveur des GP, après avoir vérifié que ceux-ci remplissaient les critères d’admissibilité et que les paiements au titre de l’aide étaient nécessaires et dus, n’avait pas de compétence de contrôle à l’égard des décisions des bureaux des maréchaux relatives à l’approbation des plans de reconnaissance.

262    Par ailleurs, les constatations de la Commission ont été similaires à celles effectuées par la Cour des comptes lors de son audit opéré en 2013. En effet, dans ses conclusions préliminaires du 13 mai 2014 (voir point 3 ci-dessus), celle-ci a notamment relevé que, d’une manière générale, les dossiers des bureaux des maréchaux ne contenaient pas d’éléments de preuve établissant qu’avaient été réalisés des contrôles exhaustifs concernant la cohérence économique et la qualité technique des plans de reconnaissance, le sérieux des estimations, la programmation de leur exécution et l’admissibilité des investissements proposés, notamment la question de savoir s’ils étaient nécessaires pour satisfaire aux critères de reconnaissance complète en tant qu’OP.

263    Il s’ensuit que, dans la mesure où, pendant la période de référence en l’espèce, les bureaux des maréchaux étaient responsables en ultime ressort de l’approbation des plans de reconnaissance des GP et où les fiches des contrôles utilisées par ceux-ci ne mentionnaient pas explicitement la cohérence économique ni le caractère raisonnable des dépenses, ce que la République de Pologne ne conteste d’ailleurs pas, il ne saurait être valablement soutenu, ainsi que le fait cette dernière, qu’un système de contrôle avec un partage des compétences comme celui mis en place par la République de Pologne était efficace.

264    Compte tenu de ces éléments, le troisième moyen ne saurait être accueilli.

265    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

266    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

267    En l’espèce, la République de Pologne ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République de Pologne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la Commission européenne.

Papasavvas

Csehi

Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 décembre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.