Language of document : ECLI:EU:T:2013:609

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

14 novembre 2013 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Rejet du recours en première instance comme manifestement irrecevable – Absence d’identité entre la requête introduite par télécopie et l’original déposé ultérieurement – Dépôt hors délai de l’original – Tardiveté du recours – Pourvoi manifestement non fondé »

Dans l’affaire T‑283/13 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 11 mars 2013, Marcuccio/Commission (F­‑131/12, non encore publiée au Recueil), et tendant à l’annulation de cette ordonnance,

Luigi Marcuccio, demeurant à Tricase (Italie), représenté par Me G. Cipressa, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Commission européenne, représentée par Mme C. Berardis-Kayser et M. G. Gattinara, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger (rapporteur), président, O. Czúcz et S. Papasavvas, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le requérant, M. Luigi Marcuccio, demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 11 mars 2013, Marcuccio/Commission (F‑131/12, non encore publiée au Recueil, ci-après l’« ordonnance attaquée »), par laquelle celui-ci a rejeté comme irrecevable pour tardiveté son recours tendant, notamment, à l’annulation de la décision implicite de la Commission rejetant sa demande du 1er août 2011 ayant pour objet la réparation du préjudice qu’il estimait avoir subi du fait de plusieurs illégalités qui auraient été commises au cours de la procédure ayant abouti à la décision du 30 mai 2005, qui l’a mis à la retraite.

 Faits à l’origine du litige, procédure en première instance et ordonnance attaquée

2        Il résulte du point 24 de l’ordonnance attaquée qu’un document présenté comme étant la copie de l’original d’une requête, adressé par courrier, a été transmis au greffe du Tribunal de la fonction publique par télécopie le 5 novembre 2012. Le 12 novembre 2012, le greffe du Tribunal de la fonction publique a reçu par courrier l’original de la requête.

3        Le 11 mars 2013, le Tribunal de la fonction publique a rejeté comme irrecevable le recours pour les motifs suivants :

« 21      […] aux fins du dépôt de l’original de tout acte de procédure dans les délais qui s’imposent, l’article 34 du règlement de procédure ne permet pas au représentant de la partie concernée d’apposer deux signatures manuscrites distinctes, même authentiques, l’une sur le document transmis par télécopie au greffe du Tribunal et l’autre sur l’original qui sera adressé par courrier ou remis en main propre au greffe du Tribunal. En effet, lorsque le représentant d’une partie se prévaut de la facilité, qui lui est reconnue par l’article 34, paragraphe 6, du règlement de procédure, d’envoyer dans les délais applicables ʻune copie de l’original signé d’un acte de procédure […] par tout moyen technique de communication dont dispose le Tribunalʼ, cette possibilité est soumise à la condition, sine qua non, que ce même ʻoriginal signé de l’acte […] soit déposé au greffe au plus tard dix jours après la réception de la copie de l’originalʼ, l’adjectif ʻsignéʼ ne pouvant se référer qu’à l’original de la requête et non à la copie de l’original de la requête.

22      Dans ces conditions, s’il apparaît que l’original de l’acte qui est matériellement déposé au greffe dans les dix jours suivant sa transmission en copie par le moyen d’un télécopieur auprès du Tribunal ne porte pas la même signature que celle figurant sur ledit document télécopié, il y a lieu de constater qu’au greffe du Tribunal sont parvenus deux actes de procédure distincts, revêtus chacun d’une signature propre même si chacune a été apposée par la même personne. Dès lors que la transmission du texte envoyé par télécopie ne satisfait pas aux conditions de sécurité juridique imposées par l’article 34 du règlement de procédure, la date de transmission du document envoyé par télécopie ne saurait pas être prise en compte aux fins du respect du délai de recours (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 septembre 2011, Bell & Ross/OHMI, C‑426/10 P, points 37 à 43).

23      Il convient aussi d’ajouter que le délai de recours est fixé par l’article 91, paragraphe 3, du statut, auquel le règlement de procédure du Tribunal ne saurait déroger. Par conséquent, il importe que l’original du recours soit établi au plus tard au terme de ce délai. De ce point de vue, l’envoi par télécopie est non seulement un mode de transmission, mais permet aussi de prouver que l’original du recours parvenu au greffe du Tribunal hors délai avait déjà été établi dans le délai de recours.

24      En l’espèce, il y a lieu d’observer que le document présenté comme étant la copie de l’original de la requête adressée par courrier a été transmis au greffe du Tribunal par télécopie le 5 novembre 2012. Le 12 novembre 2012, le greffe du Tribunal a reçu par courrier l’original de la requête, dont, cependant, le texte se différencie du document reçu par télécopie le 5 novembre 2012, tout au moins en ce qui concerne la signature de l’avocat. Il ressort, en effet, de l’examen du document transmis par télécopie le 5 novembre 2012, que la signature de l’avocat du requérant, à supposer qu’elle soit manuscrite, n’est manifestement pas celle figurant sur l’original de la requête parvenu par courrier au greffe du Tribunal le 12 novembre 2012. Dans ces conditions, il y a lieu de constater que le document parvenu au greffe du Tribunal par télécopie le 5 novembre 2012 et présenté par le requérant comme étant la copie de l’original de la requête adressé par courrier le 12 novembre suivant n’est pas une reproduction de l’original de la requête. Il s’ensuit que la date de réception par le greffe du Tribunal du document transmis par télécopie ne peut pas être retenue afin d’apprécier si le délai de recours, prévu à l’article 91, paragraphe 3, du statut, a été respecté.

25      Il convient enfin de noter que les conditions indiquées aux points 21 et 22 de la présente ordonnance sont également reprises dans les instructions pratiques aux parties sur la procédure juridictionnelle devant le Tribunal [de la fonction publique de l’Union européenne] du 11 juillet 2012, publiées au Journal officiel de l’Union européenne (JO L 260, p. 6), applicables au moment de l’introduction du recours. En particulier, le point 39 de ces instructions précise :

‘L’original signé de tout acte de procédure est expédié sans retard, immédiatement après l’envoi par télécopieur, sans y apporter de corrections ou modifications. En cas de divergence entre l’original signé et la copie précédemment déposée, seule la date du dépôt de l’original signé est prise en considération aux fins du respect des délais de procédure.’

26      Par conséquent, aux fins de décider de la recevabilité du présent recours, il y a lieu de vérifier si l’original signé de la requête a été déposé au greffe du Tribunal dans le délai de recours, qui, conformément à l’article 91 du statut, doit être calculé, dans le cas d’espèce, à partir du jour de la notification de la décision de rejet de la réclamation.

27      La décision de rejet de la réclamation est parvenue au requérant le 24 juillet 2012. Le délai pour introduire un recours, qui est de trois mois, augmenté du délai de distance de dix jours, à compter du 24 juillet 2012, a donc expiré le lundi 5 novembre 2012.

28      L’original de la requête ayant été déposé au greffe du Tribunal le 12 novembre 2012, soit après l’expiration du délai de recours, il s’ensuit que le présent recours doit être considéré comme tardif.

29      Par conséquent, il y a lieu de déclarer le recours manifestement irrecevable. »

 Sur le pourvoi

 Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties

4        Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 22 mai 2013, le requérant a introduit le présent pourvoi.

5        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’ordonnance attaquée ;

–        renvoyer l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique.

6        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi comme irrecevable et/ou non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

7        En vertu de l’article 145 de son règlement de procédure, le Tribunal peut, lorsque le pourvoi est manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, le rejeter à tout moment par voie d’ordonnance motivée, et ce même si une partie a demandé au Tribunal la tenue d’une audience (ordonnances du Tribunal du 24 septembre 2008, Van Neyghem/Commission, T‑105/08 P, RecFP p. I-B-1-49 et II‑B-1-355, point 21, et du 26 juin 2009, Marcuccio/Commission, T‑114/08 P, RecFP p. I-B-1-53 et II-B-1-313, point 10). En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

8        À l’appui de son pourvoi le requérant soulève deux moyens, tirés, premièrement, d’une constatation matérielle inexacte du Tribunal de la fonction publique et, deuxièmement, d’une interprétation erronée de l’article 34, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique.

9        La Commission soutient que le pourvoi est irrecevable, dans la mesure où le requérant se borne à demander une nouvelle appréciation des faits pour laquelle le juge de première instance est seul compétent. En tout état de cause, la Commission fait valoir que le pourvoi est dénué de fondement.

10      En ce qui concerne la question de la recevabilité du pourvoi soulevée par la Commission, il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que le juge de première instance est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. L’appréciation des faits par le juge de première instance ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant ce juge, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle du Tribunal. Une telle dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir arrêt du Tribunal du 8 septembre 2008, Kerstens/Commission, T‑222/07 P, RecFP p. I-B-1-37 et II-B-1-267, points 60 à 62, et la jurisprudence citée).

11      En l’espèce, il y a lieu de constater que le pourvoi vise de prétendues constatations matérielles inexactes du Tribunal de la fonction publique qui auraient entrainé l’irrecevabilité de la requête en première instance et une application erronée de l’article 34, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique. Dès lors, le pourvoi doit être déclaré recevable.

 Sur le premier moyen, tiré d’une constatation matérielle inexacte du Tribunal de la fonction publique

12      Par son premier moyen, le requérant se borne à reprocher au Tribunal de la fonction publique d’avoir, à tort, conclu que les signatures apposées sur le document du 5 novembre 2012 envoyé par télécopie et sur l’original de la requête du 12 novembre 2012 n’étaient pas identiques.

13      La Commission soutient que le moyen est dénué de fondement.

14      S’agissant de la relation entre la signature de l’avocat représentant un requérant figurant sur une requête envoyée par télécopie et celle apposée sur l’original déposé au plus tard dix jours après, il convient de constater que, selon une jurisprudence constante, lorsque la signature figurant au bas de la requête déposée par télécopie n’est pas identique à celle figurant sur l’original de la requête transmis par la suite, la requête introduite par télécopie ne peut pas être prise en compte aux fins du respect du délai de recours [voir ordonnances du Tribunal du 29 novembre 2011, ENISA/CEPD, T‑345/11, non publiée au Recueil, points 15 à 17, et du 3 octobre 2012, Tecnimed/OHMI – Ecobrands (ZAPPER-CLICK), T‑360/10, non publiée au Recueil, points 15 à 17, et la jurisprudence citée].

15      Or, il suffit de constater que, en l’espèce, ainsi qu’il ressort clairement du dossier en première instance, la signature apposée sur le document du 5 novembre 2012 envoyé par télécopie est différente de celle apposée sur la requête déposée le 12 novembre 2012. Il s’ensuit que c’est à bon droit et sans commettre aucune constatation matérielle inexacte que le Tribunal de la fonction publique, après avoir considéré que, à supposer même que la signature du représentant du requérant ait été manuscrite, elle n’était, en tout état de cause, manifestement pas identique à celle figurant sur l’original de la requête, n’a pas tenu compte du document du 5 novembre 2012 afin d’apprécier si le délai de recours, prévu à l’article 91, paragraphe 3, du statut, avait été respecté et, dès lors, a considéré comme tardive la requête déposée le 12 novembre 2012, puisque introduite après que ledit délai avait expiré le 5 novembre 2012. En effet, selon la jurisprudence constante précitée, lorsque la signature d’un document envoyé par télécopie ne correspond pas à la signature de l’original de la requête déposé par la suite, cette différence entraîne que le document reçu par télécopie ne peut pas être pris en considération pour apprécier le respect du délai de recours.

16      Partant, le premier moyen doit être rejeté comme manifestement non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’application erronée de l’article 34, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique

17      Par son deuxième moyen, le requérant fait valoir que, en substance, même en admettant que les deux signatures ne soient pas identiques, le Tribunal de la fonction publique aurait appliqué de manière erronée l’article 34, paragraphe 6, de son règlement de procédure. En effet, le requérant soutient que le libellé dudit article concerne le contenu de la requête et non la signature de l’avocat, ce qui permet au représentant d’une partie d’apposer deux signatures manuscrites distinctes, l’une sur le document transmis par télécopie au greffe du Tribunal de la fonction publique et l’autre sur la requête adressée par courrier ou remise en mains propres audit greffe, à condition qu’elles soient vraies et authentiques.

18      La Commission conteste les arguments du requérant.

19      Force est de constater que l’argument du requérant ne peut pas prospérer. En effet, l’article 34, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique prévoit que « la date à laquelle une copie de l’original signé d’un acte de procédure […] parvient au greffe par tout moyen technique de communication dont dispose le Tribunal, est prise en considération aux fins du respect des délais de procédure, à condition que l’original signé de l’acte […] soit déposé au greffe au plus tard dix jours après la réception de la copie de l’original ». C’est donc à bon droit que, aux points 21 et 22 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique, après avoir jugé que l’adjectif « signé », figurant à l’article 34, paragraphe 6, de son règlement de procédure, ne pouvait se référer qu’à l’original de la requête et non à la copie de l’original de la requête, a conclu que, « s’il apparaît que l’original de l’acte qui est matériellement déposé au greffe dans les dix jours suivant sa transmission en copie par le moyen d’un télécopieur auprès du Tribunal ne porte pas la même signature que celle figurant sur le document télécopié, il y a lieu de constater qu’au greffe du Tribunal sont parvenus deux actes de procédure distincts, revêtus chacun d’une signature propre même si chacune a été apposée par la même personne ». L’application stricte par le Tribunal de la fonction publique de l’article 34, paragraphe 6, de son règlement de procédure répondant à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 septembre 2011, Bell & Ross/OHMI, C‑426/10 P, Rec. p. I-8849, point 43 et la jurisprudence citée), le deuxième moyen doit être rejeté comme manifestement non fondé.

20      À la lumière de ce qui précède, le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble comme manifestement non fondé.

 Sur les dépens

21      Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens.

22      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

23      Le requérant ayant succombé en ses conclusions dans le cadre du pourvoi et la Commission ayant conclu à ce qu’il soit condamné aux dépens, ce dernier supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission dans le cadre de la présente instance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      M. Luigi Marcuccio supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne dans le cadre de la présente instance.

Fait à Luxembourg, le 14 novembre 2013.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’italien.