Language of document : ECLI:EU:T:2014:1035

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

9 décembre 2014 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché des ronds à béton en barres ou en rouleaux – Décision constatant une infraction à l’article 65 CA, après l’expiration du traité CECA, sur le fondement du règlement (CE) n° 1/2003 – Fixation des prix et des délais de paiement – Limitation ou contrôle de la production ou des ventes – Violation des formes substantielles – Compétence de la Commission – Droits de la défense – Constatation de l’infraction – Amendes – Récidive – Circonstances atténuantes – Coopération – Pleine juridiction »

Dans l’affaire T‑90/10,

Ferriere Nord SpA, établie à Osoppo (Italie), représentée par Mes W. Viscardini et G. Donà, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. R. Sauer et B. Gencarelli, puis par M. Sauer et Mme  R. Striani, en qualité d’agents, assistés de Me M. Moretto, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation de la décision C (2009) 7492 final de la Commission, du 30 septembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 65 [CA] (affaire COMP/37.956 – Ronds à béton armé, réadoption), telle que modifiée par la décision C (2009) 9912 final de la Commission, du 8 décembre 2009, et, à titre subsidiaire, une demande d’annulation partielle de ladite décision et une demande de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de Mme  M. E. Martins Ribeiro (rapporteur), faisant fonction de président, MM. A. Popescu et G. Berardis, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 juin 2013,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1.     Dispositions du traité CECA

1        L’article 36 CA prévoyait :

« La Commission, avant de prendre une des sanctions pécuniaires ou de fixer une des astreintes prévues au présent traité, doit mettre l’intéressé en mesure de présenter ses observations.

Les sanctions pécuniaires et les astreintes prononcées en vertu des dispositions du présent traité peuvent faire l’objet d’un recours de pleine juridiction.

Les requérants peuvent se prévaloir, à l’appui de ce recours, dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 33 du présent traité, de l’irrégularité des décisions et recommandations dont la méconnaissance leur est reprochée. »

2        L’article 47 CA se lisait comme suit :

« La Commission peut recueillir les informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Elle peut faire procéder aux vérifications nécessaires.

La Commission est tenue de ne pas divulguer les informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel, et notamment les renseignements relatifs aux entreprises et concernant leurs relations commerciales ou les éléments de leur prix de revient. Sous cette réserve, elle doit publier les données qui sont susceptibles d’être utiles aux gouvernements ou à tous autres intéressés.

La Commission peut prononcer, à l’encontre des entreprises qui se soustrairaient aux obligations résultant pour elles des décisions prises en application des dispositions du présent article ou qui fourniraient sciemment des informations fausses, des amendes, dont le montant maximum sera de 1 % du chiffre d’affaires annuel, et des astreintes, dont le montant maximum sera de 5 % du chiffre d’affaires journalier moyen par jour de retard.

Toute violation par la Commission du secret professionnel ayant causé un dommage à une entreprise pourra faire l’objet d’une action en indemnité devant la Cour, dans les conditions prévues à l’article 40. »

3        L’article 65 CA disposait :

« 1. Sont interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’association d’entreprises et toutes pratiques concertées qui tendraient, sur le marché commun, directement ou indirectement, à empêcher, restreindre ou fausser le jeu normal de la concurrence et en particulier :

a)      à fixer ou déterminer les prix ;

b)      à restreindre ou à contrôler la production, le développement technique ou les investissements ;

c)      à répartir les marchés, produits, clients ou sources d’approvisionnement.

[…]

4. Les accords ou décisions interdits en vertu du paragraphe 1 du présent article sont nuls de plein droit et ne peuvent être invoqués devant aucune juridiction des États membres.

La Commission a compétence exclusive, sous réserve des recours devant la Cour, pour se prononcer sur la conformité avec les dispositions du présent article desdits accords ou décisions.

5. La Commission peut prononcer contre les entreprises qui auraient conclu un accord nul de plein droit, appliqué ou tenté d’appliquer, par voie d’arbitrage, dédit, boycott ou tout autre moyen, un accord ou une décision nuls de plein droit ou un accord dont l’approbation a été refusée ou révoquée, ou qui obtiendraient le bénéfice d’une autorisation au moyen d’informations sciemment fausses ou déformées, ou qui se livreraient à des pratiques contraires aux dispositions du paragraphe 1, des amendes et astreintes au maximum égales au double du chiffre d’affaires réalisé sur les produits ayant fait l’objet de l’accord, de la décision ou de la pratique contraires aux dispositions du présent article, sans préjudice, si cet objet est de restreindre la production, le développement technique ou les investissements, d’un relèvement du maximum ainsi déterminé à concurrence de 10 % du chiffre d’affaires annuel des entreprises en cause, en ce qui concerne l’amende, et de 20 % du chiffre d’affaires journalier, en ce qui concerne les astreintes. »

4        Conformément à l’article 97 CA, le traité CECA a expiré le 23 juillet 2002.

2.     Dispositions du traité CE

5        L’article 305, paragraphe 1, CE énonçait :

« Les dispositions du présent traité ne modifient pas celles du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier, notamment en ce qui concerne les droits et obligations des États membres, les pouvoirs des institutions de cette Communauté et les règles posées par ce traité pour le fonctionnement du marché commun du charbon et de l’acier. »

3.     Règlement (CE) n° 1/2003

6        Aux termes de l’article 4 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), pour « l’application des articles 81 [CE] et 82 [CE], la Commission dispose des compétences prévues par le présent règlement ».

7        L’article 7 du règlement n° 1/2003, intitulé « Constatation et cessation d’une infraction », prévoit :

« 1. Si la Commission, agissant d’office ou saisie d’une plainte, constate l’existence d’une infraction aux dispositions de l’article 81 [CE] ou 82 [CE], elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d’entreprises intéressées à mettre fin à l’infraction constatée [...] Lorsque la Commission y a un intérêt légitime, elle peut également constater qu’une infraction a été commise dans le passé.

[...] »

8        L’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 dispose :

« La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence :

a)      elles commettent une infraction aux dispositions de l’article 81 ou [de l’article] 82 [CE …] »

4.     Communication de la Commission sur certains aspects du traitement des affaires de concurrence résultant de l’expiration du traité CECA

9        Le 18 juin 2002, la Commission des Communautés européennes a adopté la communication sur certains aspects du traitement des affaires de concurrence résultant de l’expiration du traité CECA (JO C 152, p. 5, ci-après la « communication du 18 juin 2002 »).

10      Au point 2 de la communication du 18 juin 2002, il est précisé que l’objet de celle-ci est :

« […]

–        de récapituler, à l’intention des opérateurs économiques et des États membres dans la mesure où ils sont concernés par le traité CECA et son droit dérivé, les modifications les plus importantes du droit matériel et procédural découlant de la transition vers le régime du traité CE […],

–        d’expliquer comment la Commission entend régler les problèmes spécifiques posés par la transition du régime CECA au régime CE dans le domaine des ententes et des abus de position dominante […], du contrôle des concentrations […] et du contrôle des aides d’État. »

11      Le point 31 de la communication du 18 juin 2002, qui figure dans la subdivision consacrée aux problèmes spécifiques posés par la transition du régime du traité CECA au régime du traité CE, est libellé comme suit :

« Si, dans l’application des règles communautaires de la concurrence à des accords, la Commission constate une infraction dans un domaine relevant du traité CECA, le droit matériel applicable est, quelle que soit la date d’application, celui en vigueur au moment où les faits constitutifs de l’infraction se sont produits. En tout état de cause, sur le plan procédural, le droit applicable après l’expiration du traité CECA sera le droit CE […] »

 Objet du litige

12      La présente affaire a pour objet, à titre principal, une demande d’annulation de la décision C (2009) 7492 final de la Commission, du 30 septembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 65 CA (affaire COMP/37.956 – Ronds à béton armé, réadoption) (ci-après la « première décision »), telle que modifiée par la décision C (2009) 9912 final de la Commission, du 8 décembre 2009 (ci-après la « décision modificative ») (la première décision, telle qu’elle a été modifiée par la décision modificative étant ci-après dénommée la « décision attaquée »), et, à titre subsidiaire, une demande d’annulation partielle de la décision attaquée et une demande de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante, Ferriere Nord SpA.

13      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les sociétés suivantes avaient enfreint l’article 65 CA :

–        Alfa Acciai SpA (ci-après « Alfa ») ;

–        Feralpi Holding SpA (ci-après « Feralpi ») ;

–        la requérante,;

–        IRO Industrie Riunite Odolesi SpA (ci-après « IRO ») ;

–        Leali SpA et les Acciaierie e Ferriere Leali Luigi SpA, en liquidation (ci-après « AFLL ») (ces deux sociétés étant ci-après dénommées ensemble « Leali-AFLL ») ;

–        Lucchini SpA et SP SpA, en liquidation (ces deux sociétés étant ci-après dénommées ensemble « Lucchini-SP ») ;

–        Riva Fire SpA (ci-après « Riva ») ;

–        Valsabbia Investimenti SpA et Ferriera Valsabbia SpA (ces deux sociétés étant ci-après dénommées ensemble « Valsabbia »).

 Présentation de la requérante

14      La requérante est une société ayant son siège à Osoppo (Italie), qui est active dans le secteur des ronds à béton depuis le mois d’avril 1992.

15      Le 30 mai 2002, la requérante a racheté les unités de production de ronds à béton de SP (considérants 87 et 88 de la première décision).

 Antécédents du litige

16      D’octobre à décembre 2000, la Commission a effectué, conformément à l’article 47 CA, des vérifications auprès d’entreprises italiennes productrices de ronds à béton et auprès d’une association d’entreprises sidérurgiques italiennes. Elle leur a également adressé des demandes de renseignements, en vertu de l’article 47 CA (considérant 114 de la première décision).

17      Le 26 mars 2002, la Commission a ouvert la procédure administrative et a formulé des griefs au titre de l’article 36 CA (ci-après la « communication des griefs ») (considérant 114 de la première décision). La requérante a présenté des observations écrites sur la communication des griefs le 31 mai 2002. Une audition s’est déroulée le 13 juin 2002 (considérant 118 de la première décision).

18      Le 12 août 2002, la Commission a formulé des griefs supplémentaires (ci-après la « communication des griefs supplémentaires »), adressés aux destinataires de la communication des griefs. Dans la communication des griefs supplémentaires, fondée sur l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), la Commission expliquait sa position concernant la poursuite de la procédure après l’expiration du traité CECA. La requérante a présenté des observations écrites le 20 septembre 2002 et une seconde audition en présence des représentants des États membres a eu lieu le 30 septembre 2002 (considérant 119 de la première décision).

19      À l’issue de la procédure, la Commission a adopté la décision C (2002) 5087 final, du 17 décembre 2002, relative à une procédure d’application de l’article 65 CA (COMP/37.956 – Ronds à béton) (ci-après la « décision de 2002 »), par laquelle elle a constaté que les entreprises destinataires de celle-ci avaient mis en œuvre une entente unique, complexe et continue sur le marché italien des ronds à béton en barres ou en rouleaux, qui avait pour objet ou pour effet la fixation des prix et qui avait également donné lieu à une limitation ou à un contrôle concertés de la production ou des ventes, contraire à l’article 65, paragraphe 1, CA. La Commission a, dans cette décision, infligé à la requérante une amende d’un montant de 3,57 millions d’euros (considérant 121 de la première décision).

20      Le 10 mars 2003, la requérante a formé un recours devant le Tribunal contre la décision de 2002. Par arrêt du 25 octobre 2007, Ferriere Nord/Commission (T‑94/03, non publié au Recueil), le Tribunal a annulé la décision de 2002. Le Tribunal a relevé que, eu égard notamment au fait que la décision de 2002 ne comportait aucune référence à l’article 3 et à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, cette décision était fondée uniquement sur l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA (arrêt Ferriere Nord/Commission, précité, point 79). Dès lors que ces dispositions avaient expiré le 23 juillet 2002, la Commission ne pouvait plus tirer de compétence de celles-ci, éteintes au moment de l’adoption de la décision de 2002, pour constater une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA et pour imposer des amendes aux entreprises qui auraient participé à ladite infraction (arrêt Ferriere Nord/Commission, précité, point 98).

21      Par lettre du 30 juin 2008, la Commission a informé la requérante et les autres entreprises concernées de son intention de réadopter une décision, en modifiant la base juridique par rapport à celle qui avait été choisie pour la décision de 2002. Elle a en outre précisé que, compte tenu de la portée limitée des arrêts ayant annulé la décision de 2002, la décision réadoptée serait fondée sur les preuves présentées dans la communication des griefs et dans la communication des griefs supplémentaires. Un délai a été accordé aux entreprises concernées pour présenter leurs observations et la requérante a fait part de ses commentaires par télécopie du 1er août 2008 (considérants 6 et 123 de la première décision). 

22      Par télécopies du 24 juillet et du 25 septembre 2008, du 13 mars, du 30 juin et du 27 août 2009, la Commission a demandé à la requérante des informations relatives à l’actionnariat et à la situation patrimoniale de l’entreprise. La requérante a répondu à ces demandes de renseignements respectivement par courriels des 1er août et 1er octobre 2008, du 18 mars, des 1er juillet et 8 septembre 2009.

 Première décision

23      Le 30 septembre 2009, la Commission a adopté la première décision, laquelle a été notifiée à la requérante par lettre du 1er octobre 2009, accompagnée du rapport final du conseiller-auditeur (ci-après le « rapport final »).

24      Dans la première décision, la Commission a constaté que les restrictions de la concurrence visées dans celle-ci avaient pour origine une entente entre producteurs italiens de ronds à béton et entre ces derniers et leur association, qui avait eu lieu durant la période comprise entre 1989 et 2000 et qui avait eu pour objet ou pour effet de fixer ou de déterminer les prix et de limiter ou de contrôler la production ou les ventes par le biais de l’échange d’un nombre considérable d’informations relatives au marché des ronds à béton en Italie (considérants 7 et 399 de la première décision).

25      S’agissant de l’appréciation juridique des comportements en cause en l’espèce, en premier lieu, la Commission a souligné, aux considérants 353 à 369 de la première décision, que le règlement n° 1/2003 devait être interprété comme lui permettant de constater et de sanctionner, après le 23 juillet 2002, les ententes dans les secteurs relevant du champ d’application du traité CECA ratione materiae et ratione temporis. Au considérant 370 de la première décision, elle a indiqué que celle-ci avait été adoptée conformément aux règles procédurales du traité CE et du règlement n° 1/2003. Aux considérants 371 à 376 de la première décision, la Commission a par ailleurs rappelé que les principes qui régissaient la succession des règles dans le temps pouvaient conduire à l’application de dispositions matérielles qui n’étaient ‘plus en vigueur au moment de l’adoption d’un acte par une institution de l’Union européenne, sous réserve de l’application du principe général de la lex mitior, en vertu duquel une personne ne peut être sanctionnée pour un fait qui ne constitue pas un délit au sens de la législation entrée en vigueur postérieurement. Elle a conclu que, en l’espèce, le traité CE n’était pas in concreto plus favorable que le traité CECA et que, par conséquent, le principe de la lex mitior ne pouvait de toute façon pas être valablement invoqué pour contester l’application du traité CECA aux comportements en cause en l’espèce.

26      En deuxième lieu, s’agissant de l’application de l’article 65, paragraphe 1, CA, premièrement, la Commission a relevé que l’entente avait pour objet la fixation des prix en fonction de laquelle avait également été décidée la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes. Selon la Commission, en ce qui concerne la fixation des prix, l’entente s’était essentiellement articulée autour des accords ou pratiques concertées relatifs au prix de base pendant la période allant du 15 avril 1992 au 4 juillet 2000 (et, jusqu’en 1995, autour des accords ou pratiques concertées relatifs aux délais de paiement) et autour des accords ou pratiques concertées relatifs aux « suppléments » pendant la période allant du 6 décembre 1989 au 1er juin 2000 (considérants 399 et 400 de la première décision).

27      Deuxièmement, s’agissant des effets sur le marché des pratiques restrictives en cause, la Commission a indiqué que, dès lors qu’il était question d’une entente dont l’objectif était d’empêcher, de limiter ou d’altérer le jeu normal de la concurrence, il n’était pas nécessaire de vérifier qu’elle avait produit des effets sur le marché (considérant 512de la première décision). Elle a toutefois estimé que l’entente avait eu des effets concrets sur le marché (considérants 513 à 518 de la première décision). En particulier, la Commission a conclu que l’entente avait influencé le prix de vente pratiqué par les producteurs de ronds à béton en Italie, même si les mesures prises au sein de l’entente n’avaient pas toujours immédiatement produit les résultats espérés par les entreprises qui y participaient. En outre, selon la Commission, il a pu y avoir des phénomènes aux effets différés. Par ailleurs, les entreprises en cause représentaient environ 21 % du marché italien des ronds à béton en 1989, 60 % en 1995 et environ 83 % en 2000, ce qui indiquerait un effet croissant sur le marché des augmentations de prix concertées. La Commission a enfin souligné que le fait que les initiatives prises en cette matière étaient, dès 1989, communiquées à l’ensemble des producteurs de ronds à béton avait accru l’importance de ces effets également durant les premières années de l’entente (considérant 519 de la première décision).

28      En troisième lieu, la Commission a identifié les destinataires de la première décision. Pour ce qui concerne la requérante, la Commission a indiqué, au considérant 533 de la première décision, que celle-ci était la même entreprise et la même personne morale, avec la même raison sociale, active également dans le secteur des ronds à béton, depuis avril 1992, que c’était elle qui avait mis en œuvre les comportements visés par la première décision et que la responsabilité pour lesdits comportements lui était de ce fait imputée.

29      En quatrième lieu, la Commission a considéré que l’article 65, paragraphe 2, CA et l’article 81, paragraphe 3, CE étaient inapplicables en l’espèce (considérants 567 à 570 de la première décision). Elle a également souligné que les règles en matière de prescription énoncées à l’article 25 du règlement n° 1/2003 ne l’empêchaient pas d’adopter la première décision (considérants 571 à 574 de la première décision).

30      En cinquième lieu, s’agissant du calcul du montant des amendes infligées en l’espèce, la Commission a indiqué que, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, elle pouvait infliger des amendes aux entreprises qui avaient violé les règles de concurrence. Le plafond des amendes prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 étant différent de celui fixé à l’article 65, paragraphe 5, CA, la Commission a indiqué qu’elle appliquerait le plafond le plus bas, conformément au principe de la lex mitior (considérant 576 de la première décision). Elle a également indiqué que, ainsi qu’elle en avait informé les entreprises concernées par lettre du 30 juin 2008, elle avait décidé d’appliquer, en l’espèce, les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 1998 »). Elle a ajouté que, en l’espèce, toutefois, elle tiendrait compte du fait qu’elle avait déjà décidé du montant des amendes qu’elle comptait infliger aux entreprises en cause lors de l’adoption de la décision de 2002 (considérants 579 et 580 de la première décision).

31      Premièrement, la Commission a considéré qu’une entente ayant pour objet la fixation des prix, mise en œuvre de différentes manières, notamment en ayant recours à la limitation ou au contrôle de la production ou des ventes, constituait une infraction très grave au droit de la concurrence de l’Union (considérant 591 de la première décision). La Commission a rejeté les arguments des entreprises en cause selon lesquels la gravité de l’infraction serait atténuée eu égard aux effets concrets limités sur le marché et au contexte économique dans lequel celles-ci auraient évolué (considérants 583 à 596 de la première décision). Selon la Commission, sans préjudice du caractère très grave de l’infraction, elle a tenu compte, lors de la détermination du montant de base de l’amende, des caractéristiques spécifiques de la présente affaire, en l’occurrence le fait qu’elle portait sur un marché national qui était soumis, à l’époque des faits, à une réglementation particulière du traité CECA et sur lequel les entreprises destinataires de la première décision détenaient, dans les premiers temps de l’infraction, des parts limitées (considérant 599 de la première décision).

32      Deuxièmement, la Commission a considéré le poids spécifique de chaque entreprise et a classé celles-ci en fonction de leur importance relative sur le marché en cause. Dès lors que les parts de marché relatives atteintes par les destinataires de la première décision au cours de la dernière année complète de l’infraction (1999) n’avaient pas été considérées par la Commission comme représentatives de la présence effective de ces dernières sur le marché en cause au cours de la période de référence, la Commission a distingué, sur la base des parts de marché moyennes au cours de la période 1990-1999, trois groupes d’entreprises, à savoir, premièrement, Feralpi et Valsabbia, à qui elle a appliqué un montant de départ de l’amende de 5 millions d’euros, deuxièmement, Lucchini-SP, Alfa, Riva et Leali-AFLL, à qui elle a appliqué un montant de départ de l’amende de 3,5 millions d’euros et, troisièmement, IRO et Ferriere Nord, à qui elle a appliqué un montant de départ de 1,75 million d’euros (considérants 599 à 602 de la première décision).

33      Afin d’assurer à l’amende un effet suffisamment dissuasif, la Commission a augmenté le montant de départ de l’amende de Lucchini-SP de 200 % et celui de Riva de 375 % (considérants 604 et 605 de la première décision).

34      Troisièmement, la Commission a estimé que l’entente avait duré du 6 décembre 1989 au 4 juillet 2000. S’agissant de la participation de la requérante à l’infraction, la Commission a relevé que celle-ci s’étendait du 1er avril 1993 au 4 juillet 2000. Elle a toutefois souligné que, du 13 juin 1995 au 27 septembre 1998, Ferriere Nord n’avait pas participé au volet de l’entente relatif à la limitation ou au contrôle de la production ou des ventes (considérant 606 de la première décision).

35      L’infraction ayant duré plus de dix ans et six mois pour l’ensemble des entreprises, à l’exception de Ferriere Nord, le montant de départ de l’amende a été augmenté de 105 % pour toutes les entreprises, à l’exception de Ferriere Nord, dont le montant de départ a été majoré de 70 %. Les montants de base des amendes ont partant été fixés comme suit :

–        Feralpi : 10,25 millions d’euros ;

–        Valsabbia : 10,25 millions d’euros ;

–        Lucchini-SP : 14,35 millions d’euros ;

–        Alfa : 7,175 millions d’euros ;

–        Riva : 26,9 millions d’euros ;

–        Leali-AFLL : 7,175 millions d’euros ;

–        IRO : 3,58 millions d’euros ;

–        Ferriere Nord : 2,97 millions d’euros (considérants 607 et 608 de la première décision).

36      Quatrièmement, pour ce qui concerne les circonstances aggravantes, la Commission a relevé que Ferriere Nord avait déjà été destinataire d’une décision de la Commission, adoptée le 2 août 1989, pour sa participation à une entente portant sur la fixation des prix et la limitation des ventes dans le secteur des treillis soudés et a augmenté de 50 % le montant de base de son amende. Aucune circonstance atténuante n’a été retenue par la Commission (considérants 609 à 623 de la première décision).

37      Cinquièmement, s’agissant de l’application de la communication concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la « communication sur la coopération de 1996 »), la Commission a indiqué que Ferriere Nord lui avait fourni des indications utiles qui lui avaient permis de mieux comprendre le fonctionnement de l’entente avant l’envoi de la communication des griefs, en sorte qu’elle lui avait octroyé une réduction de 20 % du montant de son amende. La Commission a considéré que les autres entreprises en cause n’avaient pas satisfait aux conditions de ladite communication (considérants 633 à 641 de la première décision).

38      Le dispositif de la première décision se lit comme suit :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 65, paragraphe 1, [CA] en participant, au cours des périodes indiquées, à un accord continu et/ou à des pratiques concertées concernant les ronds à béton en barres ou en rouleaux, qui avaient pour objet et/ou pour effet la fixation des prix et la limitation et/ou le contrôle de la production ou des ventes sur le marché commun :

–        [Leali-AFLL], du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 ;

–        [Alfa], du 6 décembre 1989 au 4 juillet 2000 ;

–        [Valsabbia Investimenti et Ferriera Valsabbia], du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 ;

–        [Feralpi], du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 ;

–        [IRO], du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 ;

–        [Lucchini-SP], du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 ;

–        [Riva], du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 ;

–        [Ferriere Nord], du 1er avril 1993 au 4 juillet 2000 ;

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées pour les infractions visées à l’article premier :

–        [Alfa] : 7,175 millions d’EUR ;

–        [Feralpi] : 10,25 millions d’EUR ;

–        [Ferriere Nord] : 3,57 millions d’EUR ;

–        [IRO] : 3,58 millions d’EUR ;

–        [Leali et AFLL], solidairement : 6,093 millions d’EUR ;

–        [Leali] : 1,082 million d’EUR ;

–        [Lucchini et SP], solidairement : 14,35 millions d’EUR ;

–        [Riva] : 26,9 millions d’EUR ;

–        [Valsabbia Investimenti et Ferriera Valsabbia], solidairement : 10,25 millions d’EUR

[…] »

 Développements postérieurs à la notification de la première décision

39      Par lettres envoyées entre le 20 et le 23 novembre 2009, huit des onze sociétés destinataires de la première décision, à savoir la requérante, Riva, Feralpi, Lucchini, Alfa, Ferriera Valsabbia, Valsabbia Investimenti et IRO, ont indiqué à la Commission que l’annexe de la première décision, telle que notifiée à ses destinataires, ne contenait pas les tableaux illustrant les variations de prix.

40      Le 24 novembre 2009, les services de la Commission ont informé tous les destinataires de la première décision qu’ils feraient le nécessaire pour qu’une décision contenant lesdits tableaux leur soit notifiée. Ils ont également précisé que les délais applicables au paiement de l’amende et à un éventuel recours juridictionnel commenceraient à courir à la date de notification de la « décision complète ».

 Décision modificative

41      Le 8 décembre 2009, la Commission a adopté la décision modificative, qui intégrait dans son annexe les tableaux manquants et corrigeait les renvois numérotés auxdits tableaux dans huit notes en bas de page. La décision modificative a été notifiée à la requérante le 9 décembre 2009.

42      Le dispositif de la décision modificative portait modification des notes en bas de page nos 102, 127, 198, 264, 312, 362, 405 et 448 de la première décision. Les tableaux figurant en annexe de la décision modificative ont été ajoutés comme annexes de la première décision.

 Procédure et conclusions des parties

43      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 février 2010, la requérante a introduit le présent recours.

44      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler, en vertu de l’article 263 du traité sur le fonctionnement de l’Union, la décision C (2009) 7492 final de la Commission, du 30 septembre 2009 – telle que modifiée et complétée par la décision C (2009) 9912 final, du 8 décembre 2009, notifiée le 9 décembre 2009 – par laquelle la Commission, à l’issue d’une procédure d’application de l’article 65 CA (affaire COMP/37.956 – Ronds à béton armé, réadoption), l’a condamné à payer une amende d’un montant de 3 570 000 euros ;

–        à titre subsidiaire, annuler partiellement la décision C (2009) 7492 final – telle que modifiée et complétée par la décision C (2009) 9912 (final) – et réduire en conséquence le montant de l’amende ;

–        dans tous les cas, condamner la Commission européenne aux dépens.

45      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter intégralement le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

46      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale dans la présente affaire.

47      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 12 juin 2013.

48      Lors de l’audience, le Tribunal a demandé à la Commission de produire des documents. La requérante a fait valoir ses observations sur ces documents. La Commission a également été entendue. La procédure orale a ensuite été clôturée.

 En droit

49      Il convient de relever, à titre liminaire, que le présent recours comporte deux chefs de conclusions, à savoir, à titre principal, une demande d’annulation de la décision attaquée et, à titre subsidiaire, en substance, une demande de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante.

50      Au soutien de son recours, la requérante invoque dix moyens. Les cinq premiers sont soulevés au soutien des conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée, tandis que les cinq derniers sont soulevés au soutien des conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante. Le premier moyen est tiré de l’incompétence de la Commission. Le deuxième est tiré de l’absence d’envoi préalable d’une nouvelle communication des griefs. Le troisième est tiré de l’absence d’audition par le conseiller-auditeur. Le quatrième est tiré de la postériorité du rapport final par rapport à l’adoption de la décision attaquée. Le cinquième est tiré de l’adoption d’un texte dépourvu des annexes qui y sont mentionnées. Le sixième est tiré d’erreurs de droit dans l’appréciation des faits. Le septième est tiré du caractère disproportionné du montant de l’amende par rapport à la gravité et à la durée de l’entente. Le huitième est tiré de l’illégalité de la majoration du montant de l’amende au titre de la récidive. Le neuvième est tiré de l’absence de reconnaissance de circonstances atténuantes, autres que celles prévues par la communication sur la coopération de 1996. Enfin, le dixième moyen est tiré de l’application erronée de la communication sur la coopération de 1996.

1.     Sur les conclusions tendant à obtenir l’annulation de la décision attaquée

 Sur le moyen tiré de l’incompétence de la Commission

51      La requérante soutient que, après l’expiration du traité CECA, en vertu du principe de la compétence d’attribution, la Commission n’avait plus le pouvoir de sanctionner des violations de l’article 65, paragraphe 1, CA.

52      Premièrement, selon la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969, seules des dispositions ad hoc, adoptées selon les formes traditionnelles du droit international, c’est-à-dire par les États membres, auraient pu instaurer une transition entre les traités CECA et CE. L’absence de telles dispositions transitoires en matière de règles de concurrence ne pourrait être interprétée comme un « assentiment implicite » à l’attribution à la Commission du pouvoir de sanctionner les infractions au traité CECA après l’expiration de ce dernier.

53      Deuxièmement, l’appartenance de la Communauté européenne du charbon et de l’acier et de la Communauté européenne au même ordre juridique ne suffirait pas pour attribuer aux institutions des compétences non expressément prévues en matière de sanctions, ni le traité CE ni le traité UE, tel que modifié par le traité de Lisbonne, ne contenant de disposition attribuant à la Commission le pouvoir de poursuivre et de sanctionner les infractions aux normes du traité CECA et la fusion des trois Communautés n’ayant jamais été réalisée.

54      Troisièmement, la Commission ne pourrait faire usage des pouvoirs que lui confère le règlement n° 1/2003 pour sanctionner une violation du traité CECA, puisque ce règlement ne lui attribuerait des pouvoirs que pour sanctionner des violations des articles 81 CE et 82 CE. Si le principe de la compétence d’attribution n’excluait pas les compétences implicites, cela serait impossible en matière de sanctions en vertu du principe de la légalité des délits et des peines.

55      Le règlement n° 1/2003 ne constituerait une base juridique que pour les sanctions des infractions qui présentent les caractéristiques prévues à l’article 81 CE. Ledit règlement ne permettrait donc pas à la Commission de sanctionner des ententes qui ne portent pas préjudice aux échanges entre les États membres, ce qui aurait été le cas en l’espèce, puisque l’entente aurait été limitée au seul marché italien. L’erreur de la Commission sur le fond aurait été de considérer que le pouvoir d’infliger des sanctions prévu par le règlement n° 1/2003 dérivait d’une norme de procédure, alors que la norme prévoyant la sanction aurait le même caractère substantiel que celle identifiant l’illégalité qu’il s’agit de sanctionner. À cet égard, lors de l’audience, la requérante a précisé qu’une entente relevant du traité CECA ne pourrait être sanctionnée après l’expiration de ce traité que si cette entente était susceptible d’affecter le commerce entre États membres et pourrait, partant, également être sanctionnée en vertu de l’article 101 TFUE.

56      Quatrièmement, bien que le Tribunal, dans ses arrêts du 31 mars 2009, ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission (T‑405/06, Rec. p. II‑771), et du 1er juillet 2009, ThyssenKrupp Stainless/Commission (T‑24/07, Rec. p. II‑2309), eût considéré que, même après l’expiration du traité CECA, la Commission pouvait sanctionner les conduites anticoncurrentielles mises en œuvre dans le secteur du traité CECA avant ladite expiration, le renvoi par analogie à l’arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, González y Díez/Commission (T‑25/04, Rec. p. II‑3121) dans ces arrêts ne serait pas compatible avec le principe de la non-rétroactivité des peines au désavantage du condamné. En outre, le cas d’espèce serait différent de ceux des affaires ayant donné lieu aux arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission et ThyssenKrupp Stainless/Commission, précités, qui auraient concerné des ententes entre des entreprises qui opéraient dans différents États membres. Le raisonnement ayant été tenu dans ces affaires ne serait pas valable en l’espèce en vertu du principe de la lex mitior.

57      La requérante fait également valoir, dans le cadre d’une argumentation visant à critiquer le respect, par la Commission, du principe de la lex mitior, que la Commission n’a pas démontré que l’entente à laquelle elle aurait participé avait eu une influence sur le commerce entre États membres. Les arguments soulevés par la Commission à cet égard seraient irrecevables, puisque la Commission n’aurait pas fait valoir, dans la communication des griefs, que l’entente était susceptible de porter préjudice au commerce entre États membres. En vertu du principe du contradictoire, il lui aurait donc fallu envoyer aux entreprises en cause une nouvelle communication des griefs.

 Sur le choix de la base juridique de la décision attaquée

58      Il y a lieu de rappeler que les traités communautaires ont instauré un nouvel ordre juridique au profit duquel les États ont limité, dans des domaines de plus en plus étendus, leurs droits souverains et dont les sujets sont non seulement les États membres, mais également leurs ressortissants (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 5 février 1963, van Gend & Loos, 26/62, Rec. p. 1, et du 15 juillet 1964, Costa, 6/64, Rec. p. 1141, 1159 ; avis de la Cour 1/91, du 14 décembre 1991, Rec. p. I‑6079, point 21 ; arrêts du Tribunal du 25 octobre 2007, SP e.a./Commission, T‑27/03, T‑46/03, T‑58/03, T‑79/03, T‑80/03, T‑97/03 et T‑98/03, Rec. p. II‑4331, point 70, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 56 supra, point 63).

59      Au sein de cet ordre juridique, les institutions ne disposent que de compétences d’attribution. Pour cette raison, les actes communautaires mentionnent dans leur préambule la base juridique qui habilite l’institution concernée à agir dans le domaine en cause. Le choix de la base juridique appropriée revêt en effet une importance de nature constitutionnelle (voir arrêts SP e.a./Commission, point 58 supra, point 71, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 56 supra, point 64, et la jurisprudence citée).

60      En l’espèce, il doit être constaté que le préambule de la décision attaquée comporte des références à des dispositions du traité CECA, à savoir les articles 36 CA, 47 CA et 65 CA, mais également la mention du traité CE, du règlement n° 17, en particulier de son article 11, du règlement n° 1/2003, à savoir de son article 7, paragraphe 1, de son article 18 et de son article 23, paragraphe 2, et celle du règlement (CE) n° 2842/98 de la Commission, du 22 décembre 1998, relatif à l’audition dans certaines procédures fondées sur les articles [81 CE] et [82 CE] (JO L 354, p. 18).

61      Il importe de relever en outre que, dans les motifs de la décision attaquée, la Commission a indiqué, au considérant 1, que « [l]a présente décision constat[ait] une infraction à l’article 65, paragraphe 1, [CA] et [qu’elle étai]t adoptée sur la base de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 ». Au considérant 3 de la décision attaquée, la Commission a ajouté que, « [p]ar la présente décision, [… elle] inflige[ait] des amendes aux entreprises destinataires au titre de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 ».

62      Au considérant 350 de la décision attaquée, la Commission a ainsi indiqué qu’elle estimait que « l’article 7, paragraphe 1, et l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 constitu[aient] les bases juridiques appropriées qui l’autoris[aient] à adopter la présente décision » et que, « [s]ur la base de l’article 7, paragraphe 1, [… elle] constat[ait] une infraction à l’article 65, paragraphe 1, [CA] et oblige[ait] les destinataires de la présente décision à y mettre fin, tandis qu’en vertu de l’article 23, paragraphe 2, elle leur inflige[ait] des amendes » (voir également considérant 361 de la décision attaquée).

63      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la décision attaquée, par laquelle la Commission a constaté une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA et a infligé une amende à la requérante, trouve sa base juridique dans l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 pour la constatation de l’infraction et dans l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 pour l’imposition de l’amende.

 Sur la compétence de la Commission pour constater et sanctionner une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA, après l’expiration du traité CECA, sur la base du règlement n° 1/2003

64      En premier lieu, il convient de rappeler que la disposition constituant la base juridique d’un acte et habilitant l’institution de l’Union à adopter l’acte en cause doit être en vigueur au moment de l’adoption de celui-ci (arrêts de la Cour du 4 avril 2000, Commission/Conseil, C‑269/97, Rec. p. I‑2257, point 45 ; du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C‑201/09 P et C‑216/09 P, Rec. p. I‑2239, point 75, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C‑352/09 P, Rec. p. I‑2359, point 88 ; arrêts SP e.a./Commission, point 58 supra, point 118, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 56 supra, point 74), ce qui est incontestablement le cas de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, qui constituent la base juridique de la décision attaquée.

65      En second lieu, il importe de souligner que les traités communautaires ont institué un ordre juridique unique, dans le cadre duquel, ainsi que cela est reflété à l’article 305, paragraphe 1, CE, le traité CECA constituait un régime spécifique dérogeant aux règles à vocation générale établies par le traité CE (voir arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 56 supra, point 57, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 56 supra, point 75, et la jurisprudence citée).

66      Le traité CECA constituait ainsi, en vertu de l’article 305, paragraphe 1, CE, une lex specialis dérogeant à la lex generalis qu’était le traité CE (arrêt de la Cour du 24 octobre 1985, Gerlach, 239/84, Rec. p. 3507, points 9 à 11 ; avis de la Cour 1/94, du 15 novembre 1994, Rec. p. I‑5267, points 25 à 27 ; arrêts SP e.a./Commission, point 58 supra, point 111, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 56 supra, point 76, confirmé sur pourvoi par l’arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 64 supra, points 70 et 73).

67      Il en résulte que, en ce qui concerne le fonctionnement du marché commun, les règles du traité CECA et l’ensemble des dispositions prises pour son application sont demeurées en vigueur, nonobstant l’intervention du traité CE (arrêts de la Cour Gerlach, point 66 supra, point 9, et du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, Rec. p. I‑7869, point 100 ; arrêt ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 56 supra, point 77, confirmé sur pourvoi par l’arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 64 supra, points 70 et 73).

68      Toutefois, dans la mesure où des questions ne faisaient pas l’objet de dispositions du traité CECA ou de réglementations adoptées sur la base de ce dernier, le traité CE et les dispositions prises pour son application pouvaient, même avant l’expiration du traité CECA, s’appliquer à des produits relevant du traité CECA (arrêts de la Cour du 15 décembre 1987, Deutsche Babcock, 328/85, Rec. p. 5119, point 10, et Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, point 67 supra, point 100 ; arrêts Ferriere Nord/Commission, point 20 supra, point 83, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 56 supra, point 78, confirmé sur pourvoi par l’arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 64 supra, points 70 et 73).

69      En vertu de son article 97, le traité CECA est venu à expiration le 23 juillet 2002. En conséquence, le 24 juillet 2002, le champ d’application du régime général issu du traité CE s’est étendu aux secteurs qui étaient régis initialement par le traité CECA (arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 56 supra, point 58, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 56 supra, point 79, confirmés sur pourvoi par les arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 64 supra, points 59 et 63, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 64 supra, points 70 et 73).

70      Si le passage du cadre juridique du traité CECA à celui du traité CE a entraîné, à compter du 24 juillet 2002, une modification des bases juridiques, des procédures et des règles de fond applicables, celle-ci s’inscrit dans le contexte de l’unité et de la continuité de l’ordre juridique communautaire et de ses objectifs (arrêts González y Díez/Commission, point 56 supra, point 55 ; ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 56 supra, point 59, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 56 supra, point 80, confirmés sur pourvoi par les arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 64 supra, points 60 et 63, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 64 supra, points 71 et 73).

71      À cet égard, il y a lieu de relever que l’instauration et le maintien d’un régime de libre concurrence, au sein duquel les conditions normales de concurrence sont assurées et qui est notamment à l’origine des règles en matière d’aides d’État et d’ententes entre entreprises, constituent l’un des objectifs essentiels tant du traité CE que du traité CECA (voir arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 56 supra, point 60, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 56 supra, point 81, et la jurisprudence citée, confirmés sur pourvoi par les arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 64 supra, points 60 et 63, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 64 supra, points 71 et 73).

72      Dans ce contexte, quoique les règles des traités CECA et CE régissant le domaine des ententes divergent dans une certaine mesure, il convient de souligner que les notions d’accord et de pratiques concertées sous l’empire de l’article 65, paragraphe 1, CA répondent à celles d’accord et de pratiques concertées au sens de l’article 81 CE et que ces deux dispositions sont interprétées de la même manière par le juge de l’Union. Ainsi, la poursuite de l’objectif d’une concurrence non faussée dans les secteurs relevant initialement du marché commun du charbon et de l’acier n’est pas interrompue du fait de l’expiration du traité CECA, cet objectif étant également poursuivi dans le cadre du traité CE et par la même institution, la Commission, autorité administrative chargée de la mise en œuvre et du développement de la politique de la concurrence dans l’intérêt général de la Communauté européenne (voir arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 56 supra, point 61, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 56 supra, point 82, et la jurisprudence citée, confirmés sur pourvoi par les arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 64 supra, points 60 et 63, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 64 supra, points 71 et 73).

73      La continuité de l’ordre juridique communautaire et des objectifs qui président à son fonctionnement exige ainsi que, en tant qu’elle succède à la Communauté européenne du charbon et de l’acier, et dans le cadre procédural qui est le sien, la Communauté européenne assure, à l’égard des situations nées sous l’empire du traité CECA, le respect des droits et des obligations qui s’imposaient eo tempore tant aux États membres qu’aux particuliers en vertu du traité CECA et des règles prises pour son application. Cette exigence s’impose d’autant plus dans la mesure où la distorsion de la concurrence résultant du non-respect des règles en matière d’ententes est susceptible d’étendre ses effets dans le temps après l’expiration du traité CECA, sous l’empire du traité CE (voir arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 56 supra, point 63, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 56 supra, point 83, et la jurisprudence citée, confirmés sur pourvoi par les arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 64 supra, points 62 et 63, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 64 supra, points 72 et 73).

74      La Cour a ainsi également rappelé que la succession des traités CECA, CE et TFUE assurait, en vue de garantir une libre concurrence, que tout comportement correspondant à l’état de fait prévu à l’article 65, paragraphe 1, CA, qu’il ait eu lieu avant ou après le 23 juillet 2002, ait pu être sanctionné par la Commission et puisse continuer de l’être (arrêts ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 64 supra, points 65 à 67 et 77, et ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 64 supra, points 55 à 57 et 65).

75      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence, d’une part, que, conformément à un principe commun aux systèmes juridiques des États membres, dont les origines peuvent être retracées jusqu’au droit romain, il y a lieu, en cas de changement de législation, d’assurer, sauf expression d’une volonté contraire par le législateur, la continuité des structures juridiques et, d’autre part, que ce principe s’applique aux modifications du droit primaire de l’Union (arrêts de la Cour du 25 février 1969, Klomp, 23/68, Rec. p. 43, point 13, et ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 64 supra, point 63).

76      Or, il n’existe aucun indice de ce que le législateur de l’Union aurait souhaité que les comportements collusoires interdits sous l’empire du traité CECA puissent échapper à l’application de toute sanction après l’expiration de ce dernier (arrêt ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 64 supra, point 64).

77      En effet, la Cour a relevé, d’une part, que le Conseil et les représentants des gouvernements des États membres avaient indiqué être prêts à adopter toutes les mesures nécessaires pour faire face aux conséquences de l’expiration dudit traité. Elle a souligné, d’autre part, que la Commission a précisé qu’elle ne devait soumettre des propositions de dispositions transitoires que si une telle démarche était jugée nécessaire et que, au regard des principes généraux de droit applicables, elle considérait qu’une telle nécessité faisait défaut dans le domaine du droit des ententes (arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 64 supra, point 75).

78      Par conséquent, la requérante ne saurait tirer aucun argument valable de l’absence de dispositions transitoires en la matière (voir, en ce sens, arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 64 supra, point 76).

79      Dans ces circonstances, il serait contraire à la finalité ainsi qu’à la cohérence des traités et inconciliable avec la continuité de l’ordre juridique de l’Union que la Commission soit sans qualité pour assurer l’application uniforme des normes se rattachant au traité CECA qui continuent de produire des effets même après l’expiration de ce dernier (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 18 juillet 2007, Lucchini, C‑119/05, Rec. p. I‑6199, point 41).

80      Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la requérante, le règlement n° 1/2003 et, plus particulièrement, son article 7, paragraphe 1, et son article 23, paragraphe 2, doivent être interprétés en ce sens qu’ils permettent à la Commission de constater et de sanctionner, après le 23 juillet 2002, les ententes réalisées dans les secteurs relevant du champ d’application du traité CECA ratione materiae et ratione temporis, et ce quand bien même les dispositions précitées dudit règlement ne mentionnent pas expressément l’article 65 CA (voir arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 56 supra, point 64, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 56 supra, point 84, et la jurisprudence citée, confirmés sur pourvoi par les arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission, point 64 supra, point 74, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 64 supra, points 72, 73 et 87). Les arguments formulés à cet égard par la requérante et visant à établir que l’application combinée du règlement n° 1/2003 et de l’article 65CA, alors que ce dernier n’était plus en vigueur, ne constitue pas un fondement valide pour l’imposition de sanctions et viole le principe des compétences d’attribution, doivent partant être rejetés, de même que l’argument, formulé lors de l’audience, selon lequel une entente relevant du traité CECA ne pourrait être sanctionnée après l’expiration de ce traité que si cette entente est susceptible d’affecter le commerce entre États membres.

81      En outre, il convient de relever que l’application, au sein de l’ordre juridique de l’Union, des règles du traité CE dans un domaine initialement régi par le traité CECA doit intervenir dans le respect des principes gouvernant l’application de la loi dans le temps. À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que, si les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur, il n’en est pas de même des règles de fond. En effet, ces dernières doivent être interprétées, en vue de garantir le respect des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, finalités ou économie qu’un tel effet doit leur être attribué (arrêts de la Cour du 12 novembre 1981, Meridionale Industria Salumi e.a., 212/80 à 217/80, Rec. p. 2735, point 9, et du 10 février 1982, Bout, 21/81, Rec. p. 381, point 13 ; arrêts du Tribunal du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission, T‑42/96, Rec. p. II‑401, point 55 ; ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 56 supra, point 65, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 56 supra, point 85, confirmé sur pourvoi par l’arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 64 supra, point 79).

82      Dans cette perspective, s’agissant de la question des dispositions matérielles applicables à une situation juridique définitivement acquise antérieurement à l’expiration du traité CECA, la continuité de l’ordre juridique de l’Union et les exigences relatives aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime imposent la mise en vigueur des dispositions matérielles prises en application du traité CECA aux faits relevant de leur champ d’application ratione materiae et ratione temporis. La circonstance selon laquelle, en raison du fait que le traité CECA a expiré, le cadre réglementaire en question n’est plus en vigueur au moment où l’appréciation de la situation factuelle est opérée ne modifie pas cette considération, dès lors que cette appréciation porte sur une situation juridique définitivement acquise à une époque où étaient applicables les dispositions matérielles prises en application du traité CECA (arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 56 supra, point 66, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 56 supra, point 86, confirmé sur pourvoi par l’arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 64 supra, point 79 ; voir également, en ce sens, arrêt Ferriere Nord/Commission, point 20 supra, point 96).

83      En l’espèce, la décision attaquée a été adoptée sur la base de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, à la suite d’une procédure conduite conformément aux règlements n°s 17 et 1/2003. Les dispositions relatives à la base juridique et à la procédure suivie jusqu’à l’adoption de la décision attaquée relèvent des règles de procédure au sens de la jurisprudence visée au point 81 (voir arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 56 supra, point 67, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 56 supra, point 87, et la jurisprudence citée, confirmés sur pourvoi par les arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 64 supra, point 74, et ThyssenKrupp Nirosta /Commission, point 64 supra, point 90 ; voir également, en ce sens, arrêt Ferriere Nord/Commission, point 20 supra, point 96).

84      S’agissant des règles de fond, il convient d’observer que la décision attaquée concerne une situation juridique définitivement acquise antérieurement à l’expiration du traité CECA le 23 juillet 2002, la période infractionnelle allant du 6 décembre 1989 au 4 juillet 2000 (voir point 34 ci-dessus). En l’absence de tout effet rétroactif du droit matériel de la concurrence applicable depuis le 24 juillet 2002, il y a lieu de constater que l’article 65, paragraphe 1, CA constitue la règle de fond applicable et effectivement appliquée par la Commission dans la décision attaquée, étant rappelé qu’il résulte précisément de la nature de lex generalis du traité CE par rapport au traité CECA, consacrée à l’article 305 CE, que le régime spécifique issu du traité CECA et des règles prises pour son application est, en vertu du principe lex specialis derogat legi generali, seul applicable aux situations acquises avant le 24 juillet 2002 (voir, en ce sens, arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 56 supra, point 68, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 56 supra, point 89, confirmés sur pourvoi par les arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission, point 64 supra, point 77, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 64 supra, point 79).

85      Par ailleurs, la Cour a rappelé que le principe de légalité des délits et des peines, tel que consacré notamment à l’article 49, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, exige qu’une réglementation de l’Union définisse clairement les infractions et les sanctions (voir arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 64 supra, point 80, et la jurisprudence citée).

86      En outre, le principe de sécurité juridique exige qu’une telle réglementation permette aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose et que ces derniers puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 64 supra, point 81, et la jurisprudence citée).

87      Dans la mesure où les traités définissaient clairement, dès avant la date des faits, les infractions ainsi que la nature et l’importance des sanctions qui pouvaient être infligées à leur titre, lesdits principes ne visent pas à garantir aux entreprises que des modifications ultérieures des bases juridiques et des dispositions procédurales leur permettent d’échapper à toute sanction relative à leurs comportements infractionnels passés (arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission, point 64 supra, point 70, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 64 supra, point 83).

88      Il s’ensuit qu’une entreprise diligente se trouvant dans la situation de la requérante ne pouvait à aucun moment ignorer les conséquences de son comportement ni compter sur le fait que la succession du cadre juridique du traité CE à celui du traité CECA aurait pour conséquence de la faire échapper à toute sanction pour les infractions à l’article 65 CA commises dans le passé (arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission, point 64 supra, point 73, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 64 supra, point 86).

89      Il résulte de tout ce qui précède que, dès lors que la décision attaquée a été adoptée après l’expiration du traité CECA, c’est à bon droit que la Commission a fait application des règles contenues dans le règlement n° 1/2003 (arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, point 56 supra, point 67, et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 56 supra, point 87, et la jurisprudence citée, confirmés sur pourvoi par les arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission, point 64 supra, points 74 et 77, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 64 supra, point 90).

 Sur le respect du principe de la lex mitior

90      Selon la jurisprudence de la Cour, le principe de l’application rétroactive de la peine plus légère est un principe général du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 3 mai 2005, Berlusconi e.a., C‑387/02, C‑391/02 et C‑403/02, Rec. p. I‑3565, points 67 à 69, et arrêt de la Cour du 11 mars 2008, Jager, C‑420/06, Rec. p. I‑1315, point 59), qui est désormais inscrit à l’article 49, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

91      À cet égard, la requérante conteste l’appréciation de la Commission selon laquelle l’infraction que cette dernière lui impute aurait en tout état de cause été à même d’affecter le commerce entre États membres.

92      En premier lieu, il convient de rappeler, d’une part, que la Cour a jugé que, pour être susceptibles d’affecter le commerce entre États membres, une décision, un accord ou une pratique doivent, sur la base d’un ensemble d’éléments objectifs de droit ou de fait, permettre d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’ils exercent une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres, et cela de manière à faire craindre qu’ils puissent entraver la réalisation d’un marché unique entre États membres. Il faut, en outre, que cette influence ne soit pas insignifiante (voir arrêts de la Cour du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 36, et du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax et Administración del Estado, C‑238/05, Rec. p. I‑11125, point 34, et la jurisprudence citée).

93      Ainsi, une incidence sur les échanges intracommunautaires résulte en général de la réunion de plusieurs facteurs qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants. Pour vérifier si une entente affecte sensiblement le commerce entre États membres, il faut l’examiner dans son contexte économique et juridique (voir arrêts Erste Group Bank e.a./Commission, point 92 supra, point 37, et Asnef-Equifax et Administración del Estado, point 92 supra, point 35, et la jurisprudence citée).

94      D’autre part, la Cour a déjà jugé que le fait qu’une entente n’ait pour objet que la commercialisation des produits dans un seul État membre ne suffisait pas pour exclure que le commerce entre États membres puisse être affecté. En effet, une entente s’étendant à l’ensemble du territoire d’un État membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l’interpénétration économique voulue par le traité CE (voir arrêts Erste Group Bank e.a./Commission, point 92 supra, point 38, et arrêt Asnef-Equifax et Administración del Estado, point 92 supra, point 37, et la jurisprudence citée).

95      En second lieu, il ressort des considérants 373 à 375 et 385 à 387 de la décision attaquée que a) l’entente en cause a concerné l’ensemble du territoire de la République italienne sur lequel, pendant la période qu’a duré l’entente, ont été produits entre 29 et 43 % des ronds à béton produits dans la Communauté ; b) l’incidence des exportations (à partir de l’Italie) par rapport aux livraisons totales (livraisons Italie + exportations) a toujours été importante (entre 6 et 34 % pendant la période infractionnelle) ; c) du fait de la participation, de décembre 1989 à juillet 1998, de l’association d’entreprises Federacciai, les effets de l’entente se sont étendus à tous les producteurs italiens de ronds à béton, et lorsque Federacciai n’y a plus participé, l’entente a concerné les principales entreprises italiennes possédant une part de marché totale de 80 % ; d) au moins deux entreprises importantes parties à l’entente ont été également actives comme producteurs sur au moins un autre marché géographique des ronds à béton ; e) l’entente a également été caractérisée par le fait qu’elle avait pour objet, comme mesure équivalente à la réduction temporaire et concertée de la production, l’exportation concertée en dehors du territoire italien, et f) la part de l’Italie dans les échanges intracommunautaires oscillait entre 32,5 % en 1989 et 18,1 % en 2000, avec un minimum de 13,4 % en 1998.

96      Selon la requérante, ces éléments ne permettent pas de constater que l’entente en cause était susceptible d’affecter le commerce entre États membres.

97      Premièrement, elle soutient que, pour considérer qu’une entente limitée au territoire d’un seul État membre porte atteinte au commerce intracommunautaire, il ne suffit pas que ladite entente soit potentiellement susceptible de causer un tel préjudice, mais l’influence sur le commerce entre États membres doit être prouvée. À cet égard, la requérante rappelle que la charge de la preuve de l’existence de l’infraction incombe à la Commission en vertu de l’article 2 du règlement n° 1/2003. En outre, elle invoque la communication de la Commission relative à la coopération entre la Commission et les autorités de concurrence des États membres pour le traitement d’affaires relevant des articles 85 et 86 du traité (JO 1997, C 313, p. 3), qui demeurerait pertinente en l’espèce malgré son remplacement par la communication de la Commission relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence (JO 2004, C 101, p. 43).

98      Cet argument ne saurait prospérer. D’une part, force est de constater que la communication de la Commission relative à la coopération entre la Commission et les autorités de concurrence des États membres de 1997 est dépourvue de pertinence en l’espèce, l’objectif de cette communication n’étant pas de définir la notion d’affectation du commerce intracommunautaire, mais de décrire les modalités pratiques de coopération qui sont souhaitables entre les autorités des États membres et la Commission.

99      D’autre part, il y a lieu de relever que, contrairement aux affirmations de la requérante, la Commission n’avait pas l’obligation de démontrer que les accords litigieux avaient, en pratique, eu un effet sensible sur les échanges entre États membres ou encore que les échanges interétatiques auraient augmenté après la fin des infractions. En effet, l’article 81, paragraphe 1, CE requiert seulement que les accords et les pratiques concertées restrictifs de la concurrence soient susceptibles d’affecter le commerce entre États membres (arrêt Asnef-Equifax et Administración del Estado, point 92 supra, point 43, et arrêt du Tribunal du 13 décembre 2006, FNCBV e.a./Commission, T‑217/03 et T‑245/03, Rec. p. II‑4987, point 68).

100    Deuxièmement, contrairement à ce que soutient la requérante, il doit être constaté que le fait que seules des entreprises italiennes ont participé à l’entente est en soi dépourvu de pertinence pour la question de savoir si ladite entente était susceptible d’affecter le commerce entre États membres.

101    Troisièmement, les arguments de la requérante selon lesquels l’entente ne concernait pas les importations provenant d’autres États membres et selon lesquels les prix italiens étaient trop bas pour attirer les entreprises desdits États membres, en sorte que l’entente visant à augmenter les prix des ronds à béton armé n’aurait pas été susceptible de faire obstacle aux importations en provenance d’autres États membres, mais qu’elle aurait pu, au contraire, les favoriser sont également dépourvus de pertinence aux fins d’infirmer la conclusion, fondée sur les éléments rappelés au point 95 ci-dessus, selon laquelle l’entente était susceptible d’affecter le commerce entre États membres.

102    Quatrièmement, selon la requérante, la Commission confond toutes les exportations, tant celles destinées aux autres États membres que celles destinées aux pays tiers, alors que les entreprises concernées par la prétendue entente n’auraient jamais mis aucun obstacle aux exportations vers les autres États membres. Ce grief doit également être écarté, dans la mesure où, ainsi que le relève à juste titre la Commission, elle ne s’est pas limitée à examiner l’incidence des exportations totales à partir de l’Italie, mais a également constaté que la part de l’Italie dans les échanges intracommunautaires, à l’exception des importations qui ont été négligeables, a oscillé entre 32,5 % en 1989 et 18,1 % en 2000 (considérants 385 à 387 de la décision attaquée).

103    Cinquièmement, les arguments de la requérante selon lesquels il conviendrait d’examiner sa position particulière, et notamment le fait qu’elle n’aurait participé à aucun accord sur les prix ou sur le contrôle de la production, mais seulement à un accord portant sur la répartition des parts de vente à partir de la fin de l’année 1998, ne sauraient davantage être retenus. S’il conviendra d’examiner les arguments de la requérante, avancés notamment dans le cadre de son moyen tendant à contester sa participation à l’entente telle qu’établie par la Commission (points 193 à 283 ci-après), il doit être noté qu’en tout état de cause la position individuelle de la requérante est sans pertinence pour la question de savoir si l’entente était susceptible d’affecter le commerce intracommunautaire. En effet, si l’infraction à laquelle a participé la requérante est susceptible d’affecter le commerce entre États membres, la Commission n’est pas tenue de démontrer que la participation individuelle de la requérante a affecté les échanges intracommunautaires (voir arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, Montedipe/Commission, T‑14/89, Rec. p. II‑1155, point 254, confirmé par l’arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Montecatini/Commission, C‑235/92 P, Rec. p. I‑4539, points 170 et 171, et FNCBV e.a./Commission, point 99 supra, point 66, confirmé par l’arrêt de la Cour du 18 décembre 2008, Coop de France bétail et viande e.a./Commission, C‑101/07 P et C‑110/07 P, Rec. p. I‑10193).

104    Enfin, sixièmement, l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’a pas fait valoir que l’entente en question était susceptible de porter préjudice au commerce intracommunautaire dans la communication des griefs et qu’il aurait donc fallu, en vertu du principe du contradictoire, envoyer une nouvelle communication des griefs, se confond avec l’argumentation de la requérante développée dans son moyen tiré de l’absence d’envoi préalable d’une nouvelle communication des griefs, et sera par conséquent traité dans le cadre de l’examen de celui-ci.

105    Il résulte des considérations qui précèdent que les arguments de la requérante tendant à démontrer que les effets réels et potentiels de l’entente en cause en l’espèce auraient été limités au marché italien doivent être rejetés.

106    Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter ce grief ainsi que le présent moyen dans son ensemble.

 Sur le moyen tiré de l’absence d’envoi préalable d’une nouvelle communication des griefs

107    La requérante soutient que, en vertu du principe du respect des droits de la défense, la Commission aurait dû lui envoyer, après avoir décidé de réadopter une décision à la suite de l’annulation par le Tribunal de la décision de 2002, une nouvelle communication des griefs.

108    Premièrement, la lettre de la Commission du 30 juin 2008 n’aurait pas constitué une communication des griefs au sens des dispositions combinées de l’article 27, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 et de l’article 10, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81[ CE] et 82 [CE] (JO L 123, p. 18). Convaincue qu’elle allait recevoir une nouvelle communication des griefs, la requérante n’aurait, lors de sa réponse à cette lettre, pas estimé devoir développer sur le fond la question du « pouvoir supposé de la Commission de prononcer des sanctions ». Cette conviction aurait reposé sur le fait que, dans ladite lettre, la Commission avait indiqué qu’une décision serait réadoptée à la suite de l’annulation par le Tribunal de la décision de 2002, « conformément aux règles de procédure prévues [par le règlement n° 1/2003] » ainsi que sur le fait que la Commission lui aurait adressé cinq demandes de renseignements, qui mentionnaient que leur but était de « permettre à la Commission d’apprécier la compatibilité de la conduite présumée avec les règles communautaires de la concurrence » et que la requérante pourrait, « lors d’une phase ultérieure, recevoir une demande de renseignements complémentaires ». À cet égard, l’affirmation de la Commission selon laquelle lesdites demandes de renseignements avaient exclusivement pour objet de connaître les modifications intervenues au sein de la société et le chiffre d’affaires de la requérante serait erronée. En outre, la lettre du 30 juin 2008 ne ferait aucune mention de l’article 27 du règlement n° 1/2003, ni de l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004.

109    Deuxièmement, la requérante fait valoir que le fait d’avoir repris la procédure au moment où l’annulation était intervenue est contraire aux arrêts du Tribunal ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 56 supra, qui auraient précisé que les décisions en cause dans lesdites affaires étaient légales, parce qu’elles avaient été adoptées à la suite d’une procédure conduite conformément au règlement n° 1/2003. Cela signifierait que pour qu’une décision sanctionnant des infractions au traité CECA après l’expiration de ce dernier soit légale, il faut respecter l’article 27, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 et l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004, qui prévoient l’envoi d’une communication des griefs aux parties concernées. À cet égard, en vertu du principe selon lequel il y a lieu d’appliquer les règles de procédure en vigueur au moment où un acte est accompli, il ne serait pas possible de se fonder sur une communication des griefs adoptée sur la base d’une règle de procédure qui n’est plus en vigueur. En outre, la jurisprudence selon laquelle l’annulation d’un acte n’affecte pas les actes préparatoires n’exclurait pas que, en raison du caractère particulier d’une affaire, la procédure puisse être reprise à un stade antérieur au point où est intervenue l’illégalité. Un tel procédé serait justifié en l’espèce en raison de la « situation unique » créée par l’expiration du traité CECA.

110    Troisièmement, l’obligation de respecter les dispositions du règlement n° 1/2003, et donc d’adopter une nouvelle communication des griefs, s’appliquerait indépendamment de la question de savoir si une nouvelle communication des griefs aurait été formellement ou substantiellement différente de la précédente.

111    En tout état de cause, en l’espèce, une nouvelle communication des griefs n’aurait pas été identique à la précédente, puisqu’elle aurait dû prendre position, tout d’abord, sur les conséquences à tirer de l’annulation de la décision de 2002. Ensuite, il aurait fallu mentionner expressément l’intention de la Commission d’appliquer à la requérante la circonstance aggravante de la récidive. Enfin, il aurait été obligatoire de rappeler explicitement que la requérante avait la possibilité de demander à être entendue par le conseiller-auditeur, ce qui n’aurait pas été indiqué dans la lettre du 30 juin 2008.

112    La requérante fait finalement observer que, même si, lors de l’adoption de la décision attaquée, les faits matériels n’avaient pas changé par rapport à la communication des griefs, il fallait désormais apprécier si l’entente en cause était susceptible de porter atteinte au commerce entre États membres.

113    À titre liminaire, il doit être rappelé que l’article 27, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 énonce ce qui suit :

« Avant de prendre les décisions prévues aux articles 7, 8 et 23 et à l’article 24, paragraphe 2, la Commission donne aux entreprises et associations d’entreprises visées par la procédure menée par la Commission l’occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission. La Commission ne fonde ses décisions que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations. Les plaignants sont étroitement associés à la procédure. »

114    Il ressort par ailleurs d’une jurisprudence constante que le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, constitue un principe fondamental du droit de l’Union, qui doit être observé, même s’il s’agit d’une procédure ayant un caractère administratif. À cet égard, la communication des griefs constitue la garantie procédurale appliquant le principe fondamental du droit de l’Union qui exige le respect des droits de la défense dans toute procédure. Ce principe exige, notamment, que la communication des griefs adressée par la Commission à une entreprise à l’encontre de laquelle elle envisage d’infliger une sanction pour violation des règles de concurrence contienne les éléments essentiels retenus à l’encontre de cette entreprise, tels que les faits reprochés, la qualification qui leur est donnée et les éléments de preuve sur lesquels la Commission se fonde, afin que cette entreprise soit en mesure de faire valoir utilement ses arguments dans le cadre de la procédure administrative engagée à son égard (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, Rec. p. I‑7191, points 34 et 36, et la jurisprudence citée, et Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec. p. I‑7415, points 26 à 28).

115    Le respect des droits de la défense exige en effet que l’entreprise intéressée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction à son égard (voir arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 66, et la jurisprudence citée).

116    Il doit également être rappelé que la communication des griefs est un document de caractère procédural et préparatoire qui, en vue d’assurer l’exercice efficace des droits de la défense, circonscrit l’objet de la procédure administrative engagée par la Commission, empêchant ainsi cette dernière de retenir d’autres griefs dans sa décision mettant fin à la procédure concernée (ordonnance de la Cour du 18 juin 1986, British American Tobacco et Reynolds Industries/Commission, 142/84 et 156/84, Rec. p. 1899, points 13 et 14, et arrêt de la Cour du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, Rec. p. I‑4951, point 63).

117    Si la communication des griefs doit permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission, cette exigence est respectée lorsque la décision finale ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que les faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer. Aucune disposition n’interdit à la Commission de communiquer aux parties à une procédure en matière de concurrence, après l’envoi de la communication des griefs, d’autres éléments pertinents pour compléter celle-ci, à partir du moment où ces éléments ne modifient pas les infractions reprochées aux entreprises et où ces dernières ont eu la possibilité de s’exprimer sur tous les éléments qui sont retenus à leur charge (arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, 107/82, Rec. p. 3151, point 29 ; arrêts du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, point 497 ; du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, Rec. p. II‑1705, point 190 ; du 12 juillet 2011, Fuji Electric/Commission, T‑132/07, Rec. p. II‑4091, point 238, et du 27 juin 2012, Microsoft/Commission, T‑167/08, non encore publié au Recueil, points 182 à 186).

118    Enfin, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’annulation d’un acte de l’Union n’affecte pas nécessairement les actes préparatoires, la procédure visant à remplacer l’acte annulé pouvant en principe être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue (arrêts de la Cour du 12 novembre 1998, Espagne/Commission, C‑415/96, Rec. p. I‑6993, points 31 et 32, et du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 73 ; voir arrêts du Tribunal du 15 octobre 1998, Industrie des poudres sphériques/Conseil, T‑2/95, Rec. p. II‑3939, point 91, et du 25 juin 2010, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑66/01, Rec. p. II‑2631, point 125, et la jurisprudence citée).

119    En premier lieu, la requérante ne saurait soutenir que, en raison de la particularité de la situation engendrée par l’expiration du traité CECA, la Commission aurait dû reprendre la procédure à un stade antérieur à celui au cours duquel l’illégalité avait été constatée. Ainsi qu’il a été indiqué au point 20 ci-dessus, la décision de 2002 a été annulée en raison du fait que l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA avait expiré le 23 juillet 2002 et que la Commission ne pouvait par conséquent plus tirer de compétence desdites dispositions éteintes au moment de l’adoption de ladite décision pour constater une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA et pour imposer des amendes aux entreprises qui auraient participé à ladite infraction. Eu égard à la jurisprudence mentionnée au point précédent, l’exécution de l’arrêt Ferriere Nord/Commission, point 20 supra, imposait à la Commission de reprendre la procédure au point précis où l’illégalité était intervenue, à savoir au moment de l’adoption de la décision de 2002.

120    À cet égard, il y a lieu de constater que la Commission avait déjà informé la requérante des conséquences qu’elle tirait de l’expiration dudit traité dans la communication des griefs supplémentaires et que la requérante a eu la possibilité de faire valoir ses observations à ce sujet, ce qu’elle a d’ailleurs fait le 20 septembre 2002.

121    La requérante ne saurait davantage arguer que, pour qu’une décision, adoptée sur la base du règlement n° 1/2003, sanctionnant une infraction au traité CECA après l’expiration de ce dernier soit légale, il faudrait que les actes préparatoires de ladite décision, et notamment la communication des griefs, aient aussi été adoptés sur la base dudit règlement. Un tel argument repose en effet sur une compréhension erronée des principes qui régissent l’application de la loi dans le temps (voir point 81 ci-dessus), exposés notamment dans les arrêts ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission et ThyssenKrupp Stainless/Commission, point 56 supra, en vertu desquels les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à toutes les situations pendantes au moment de leur entrée en vigueur. Eu égard à ces principes, c’est à bon droit que la Commission a adopté les actes préparatoires de la décision attaquée sur la base des règles de procédure en vigueur au moment de leur adoption, à savoir l’article 36, paragraphe 1, CA pour ce qui est de la communication des griefs et l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 pour ce qui est de la communication des griefs supplémentaires. La requérante ne saurait donc soutenir que l’article 27, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 et l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004, qui prévoient l’envoi d’une communication des griefs aux parties concernées, exigeaient per se l’envoi d’une nouvelle communication des griefs après l’annulation de la décision de 2002, même dans l’hypothèse où une telle communication des griefs aurait seulement consisté en une copie à l’identique de la communication des griefs initiale.

122    Le vice entachant la légalité de la décision de 2002 étant intervenu au moment de l’adoption de cette décision (arrêt Ferriere Nord/Commission, point 20 supra, point 98), l’annulation de ladite décision n’a pas affecté la validité des mesures préparatoires de celle-ci, antérieurs au stade où ce vice est intervenu (voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 118 supra, point 75, et Imperial Chemical Industries/Commission, point 118 supra, point 126). La Commission n’avait dès lors pas l’obligation d’adresser à la requérante une nouvelle communication des griefs (voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 118 supra, points 80 et 81, et Imperial Chemical Industries/Commission, point 118 supra, points 150 et 151).

123    En deuxième lieu, la Cour a déjà jugé que la Commission avait le droit et éventuellement le devoir de procéder, au cours de la procédure administrative, à de nouvelles enquêtes si le déroulement de cette procédure faisait apparaître la nécessité de vérifications complémentaires, mais que la communication aux intéressées d’un complément de griefs n’était nécessaire que dans le cas où le résultat des vérifications amenait la Commission à mettre à la charge des entreprises des actes nouveaux ou à modifier sensiblement les éléments de preuve des infractions contestées (arrêts de la Cour du 14 juillet 1972, Farbenfabriken Bayer/Commission, 51/69, Rec. p. 745, point 11, et Aalborg Portland e.a./Commission, point 115 supra, point 192).

124    Or, force est de constater que tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, par sa lettre du 30 juin 2008, la Commission a informé les entreprises en cause, à la suite de l’annulation de la décision de 2002 par le Tribunal, de son intention de réadopter une décision à l’égard de toutes les parties à l’entente pour lesquelles le Tribunal l’avait annulée. Elle a également précisé aux entreprises la base juridique l’autorisant à réadopter une décision ainsi que les dispositions matérielles et procédurales applicables. Elle a finalement explicitement indiqué que, « [é]tant donné la portée limitée de l’arrêt [d’annulation de la décision de 2002] (qui n’aborde pas de questions de fait), la décision réadoptée se basera[it] à nouveau sur les preuves présentées dans la communication des griefs […] et dans la communication des griefs supplémentaire[s], tout en tenant compte de l’arrêt du Tribunal pour ce qui concerne la base juridique de la compétence de la Commission ».

125    Dès lors que la Commission n’était pas obligée d’envoyer à la requérante une nouvelle communication des griefs après l’annulation de la décision de 2002, l’affirmation de la requérante selon laquelle la lettre du 30 juin 2008 ne pouvait en elle-même constituer une communication des griefs est dépourvue de pertinence.

126    En troisième lieu, la requérante ne saurait pas non plus se prévaloir d’une confiance légitime dans le fait que la Commission lui aurait notifié la communication des griefs supplémentaires, après la réception de la lettre du 30 juin 2008, avec pour conséquence qu’elle aurait omis de faire valoir pleinement sa défense dans sa réponse à cette lettre.

127    D’une part, il ressort tant de la communication des griefs supplémentaires que de la lettre du 30 juin 2008, qui fait référence spécifiquement à la communication du 18 juin 2002 (voir points 9 à 11 ci-dessus), que la Commission considérait que les actes de procédure valablement pris en vertu des règles du traité CECA avant l’expiration de ce traité seraient réputés, après son expiration, avoir rempli les critères des actes procéduraux équivalents au regard des règles du traité CE et que, partant, la communication des griefs et la communication des griefs supplémentaires avaient été valablement adoptées.

128    D’autre part, s’agissant des demandes de renseignements envoyées à la requérante par la Commission, il suffit de constater que ces demandes avaient effectivement pour objet de demander à la requérante des informations sur les modifications intervenues au sein de la société et sur son chiffre d’affaires depuis l’adoption de la décision de 2002.

129    En quatrième lieu, premièrement, la requérante fait valoir que la Commission aurait dû adopter une nouvelle communication des griefs afin qu’elle puisse prendre position sur les conséquences à tirer de l’annulation de la décision de 2002, en ce qui concerne la base procédurale susceptible d’être utilisée pour la réadoption de cette décision.

130    Il a toutefois été rappelé au point 117 ci-dessus que la communication des griefs devait, selon une jurisprudence constante, contenir un exposé des griefs pour permettre aux intéressés de prendre connaissance des comportements qui leur étaient reprochés par la Commission et que cette exigence était respectée dès lors que la décision ne mettait pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans l’exposé des griefs et ne retenait que des faits sur lesquels les intéressés avaient eu l’occasion de s’expliquer. Or, les conséquences à tirer de l’arrêt Ferriere Nord/Commission, point 20 supra, qui n’a pas abordé le fond du litige, n’affectent en rien les faits et comportements que la Commission reproche à la requérante.

131    En tout état de cause, il doit être relevé que la requérante a pu faire valoir ses observations concernant les conséquences que la Commission entendait tirer de l’arrêt Ferriere Nord/Commission, point 20 supra, dans sa réponse du 1er août 2008 à la lettre du 30 juin 2008.

132    Deuxièmement, la requérante soutient que la Commission aurait dû mentionner expressément son intention de lui appliquer la circonstance aggravante de la récidive.

133    Il ressort de la jurisprudence que, dès lors que la Commission indique expressément, dans sa communication des griefs, qu’elle va examiner s’il convient d’infliger des amendes aux entreprises concernées et qu’elle indique également les principaux éléments de fait et de droit susceptibles d’entraîner l’imposition d’une amende, tels que la gravité et la durée de l’infraction supposée et le fait d’avoir commis celle-ci de propos délibéré ou par négligence, elle remplit son obligation de respecter le droit des entreprises d’être entendues. Ce faisant, elle leur donne les éléments nécessaires pour se défendre non seulement contre une constatation de l’infraction, mais également contre le fait de se voir infliger une amende (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 21 ; arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, ABB Asea Brown Boveri/Commission, T‑31/99, Rec. p. II‑1881, point 78 ; du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 50, et du 17 mai 2011, Arkema France/Commission, T‑343/08, Rec. p. II‑2287, point 54).

134    En outre, en ce qui concerne la détermination du montant des amendes, les droits de la défense des entreprises concernées sont garantis devant la Commission à travers la possibilité de présenter des observations sur la durée, la gravité et la prévisibilité du caractère anticoncurrentiel de l’infraction. Par ailleurs, les entreprises bénéficient d’une garantie supplémentaire, en ce qui concerne la détermination du montant de l’amende, dans la mesure où le Tribunal statue avec compétence de pleine juridiction et peut notamment supprimer ou réduire l’amende, en vertu de l’article 31 du règlement n° 1/2003 (arrêts du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission, T‑83/91, Rec. p. II‑755, point 235 ; ABB Asea Brown Boveri/Commission, point 135 supra, point 79 ; Groupe Danone/Commission, point 133 supra, point 51, et Arkema France/Commission, point 133 supra, point 55).

135    En l’espèce, il y a lieu de constater que la Commission a indiqué son intention d’infliger des amendes aux entreprises destinataires de la communication des griefs au point 314 de cette communication. Elle y a également annoncé que, pour déterminer le montant des amendes, elle tiendrait compte de toute circonstance aggravante et atténuante et évaluerait individuellement le comportement de chaque entreprise. Or, les lignes directrices de 1998 mentionnent explicitement comme exemple de circonstance aggravante la récidive d’une même entreprise pour une infraction du même type. La requérante ne pouvait donc ignorer que la Commission retiendrait cette circonstance aggravante si elle aboutissait à la conclusion que ses conditions d’application se trouvaient réunies (voir, en ce sens, arrêts Groupe Danone/Commission, point 133 supra, point 57, et Arkema France/Commission, point 133 supra, point 61).

136    Les autres arguments de la requérante visant à démontrer que la communication des griefs aurait dû spécifiquement établir un lien entre sa précédente condamnation et la possibilité de retenir ladite condamnation au titre des circonstances aggravantes lors du calcul du montant de l’amende ne sauraient dès lors pas non plus être retenus. En tout état de cause, d’une part, s’agissant du fait que l’actuelle direction de la requérante ait eu connaissance de la précédente condamnation de l’entreprise pourrait être mis en doute, il suffit de constater que la requérante ne conteste pas que c’est la même entreprise qui a commis l’infraction constatée dans la décision de la Commission du 2 août 1989, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CEE (IV/31.553 – Treillis soudés) (JO L 260, p. 1, ci-après la « décision Treillis soudés »), et qui a commis l’infraction constatée dans la décision attaquée.

137    D’autre part, la requérante ne saurait prétendre qu’elle ne pouvait imaginer que la Commission avait l’intention de tenir compte, au titre de la récidive, d’un précédent manquement aux règles de concurrence datant de plus de treize ans. Si, certes, le principe de proportionnalité exige que le temps écoulé entre l’infraction en cause et un précédent manquement aux règles de concurrence soit pris en compte pour apprécier la propension de l’entreprise à s’affranchir de ces règles, la Cour a déjà souligné que la Commission ne saurait être liée par un éventuel délai de prescription pour un constat de récidive (arrêt de la Cour du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C‑3/06 P, Rec. p. I‑1331, point 38 ; arrêts du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, point 133 supra, point 353, et du 30 septembre 2009, Hoechst/Commission, T‑161/05, Rec. p. II‑3555, point 462) et qu’un tel constat pouvait, partant, être effectué de nombreuses années après la constatation d’une infraction (arrêt du Tribunal du 13 juillet 2011, ThyssenKrupp Liften Ascenseurs/Commission, T‑144/07, T‑147/07 à T‑150/07 et T‑154/07, Rec. p. II‑5129, point 320).

138    Troisièmement, la requérante fait valoir que la Commission aurait dû lui envoyer une nouvelle communication des griefs, puisqu’il aurait été obligatoire de rappeler explicitement qu’elle avait la possibilité de demander à être entendue par le conseiller-auditeur, ce qui n’aurait pas été indiqué dans la lettre du 30 juin 2008.

139    Il y a lieu de relever que le droit des entreprises et associations d’entreprises intéressées de faire connaître leur point de vue, lors de la phase écrite et de la phase orale de la procédure administrative, au sujet des griefs retenus par la Commission constitue un élément essentiel des droits de la défense (arrêt de la Cour du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission, 46/87 et 227/88, Rec. p. 2859, point 52, et arrêt du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 117 supra, point 248).

140    L’article 12, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004 précise à cet égard que « [l]a Commission donne aux parties auxquelles elle adresse une communication des griefs la possibilité de développer leurs arguments lors d’une audition, si elles en font la demande dans leurs observations écrites », et l’article 7 de la décision 2001/462/CE, CECA de la Commission, du 23 mai 2001, relative au mandat des conseillers-auditeurs dans certaines procédures de concurrence (JO L 162, p. 21), indiquait, en son paragraphe 1, que « [l]a demande d’audition orale [étai]t faite dans les observations écrites du demandeur sur les lettres que la Commission lui a[vait] adressées » et, en son paragraphe 2, que « [l]es lettres visées au paragraphe 1 [étaie]nt celles : a) accompagnant une communication des griefs ; b) invitant un tiers ayant justifié d’un intérêt suffisant à être entendu à présenter des observations écrites ; c) informant un plaignant que, de l’avis de la Commission, les éléments recueillis ne permettent pas la constatation d’une infraction, et l’invitant à présenter par écrit ses observations éventuelles ».

141    Toutefois, dès lors que la Commission n’avait pas l’obligation d’adopter une nouvelle communication des griefs et que les entreprises en cause avaient déjà eu la possibilité d’être entendues oralement lors de l’audition du 13 juin 2002, consécutive à la communication des griefs, et lors de l’audition du 30 septembre 2002, qui a fait suite à la communication des griefs supplémentaires, il n’y avait pas lieu pour la Commission d’envoyer à la requérante une nouvelle communication des griefs afin de lui notifier son droit d’être entendue.

142    Quatrièmement, dans sa réplique, la requérante soutient que, même si, lors de l’adoption de la décision attaquée, les faits matériels n’avaient pas changé par rapport à la communication des griefs, il fallait désormais apprécier si l’entente en cause était susceptible de porter atteinte au commerce entre États membres.

143    Cet argument manque en fait et doit être écarté, puisqu’il doit être constaté que la Commission a traité de la question de l’affection du commerce intracommunautaire aux points 12 et 13 de la communication des griefs supplémentaires et que la requérante a par conséquent pu faire valoir ses observations sur cet aspect dans sa réponse à ladite communication, ce qu’elle a au demeurant fait aux points 35 à 40 de ladite réponse.

144    Il résulte des observations qui précèdent que la requérante ne saurait faire valoir que la Commission aurait dû lui adresser une nouvelle communication des griefs pour satisfaire à son obligation de ne fonder sa décision que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations.

145    Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré de l’absence d’audition par le conseiller-auditeur

146    La requérante invoque une violation de ses droits de la défense du fait de l’absence d’une nouvelle audition par le conseiller-auditeur à la suite de l’annulation de la décision de 2002.

147    La requérante fait valoir qu’elle n’a pas demandé de nouvelle audition, parce qu’elle n’aurait été informée de cette possibilité ni par la lettre du 30 juin 2008 ni par les demandes de renseignements ultérieures et parce qu’elle aurait envisagé de formuler une telle demande en réponse à une nouvelle communication des griefs qu’elle escomptait. À cet égard, la requérante estime qu’elle aurait dû avoir la possibilité de s’exprimer oralement sur la base juridique procédurale de la décision attaquée, tout comme elle aurait déjà pu le faire lors de la seconde audition avant l’adoption de la décision de 2002.

148    Force est toutefois de constater que les entreprises concernées ont été invitées à exposer oralement leurs observations lors des auditions des 13 juin et 30 septembre 2002, à la suite de la communication des griefs et de la communication des griefs supplémentaires (voir les considérants 118 et 119 de la décision attaquée). Dès lors que la Commission n’avait pas l’obligation d’adresser aux entreprises en cause une nouvelle communication des griefs à la suite de l’annulation de la décision de 2002 et en l’absence de nouveaux griefs, la Commission n’avait pas, eu égard aux considérations rappelées aux points 139 et 140 ci-dessus, l’obligation d’organiser une nouvelle audition par le conseiller-auditeur.

149    Le présent moyen doit donc être rejeté.

 Sur le moyen tiré de la postériorité du rapport final par rapport à l’adoption de la décision attaquée

150    La requérante soutient que, alors que la décision attaquée a été adoptée le 30 septembre 2009, la copie certifiée conforme, en italien, du rapport final est datée du 1er octobre 2009, ce qui mettrait en doute le fait que le rapport final ait été annexé au projet de décision.

151    Il doit être relevé que la Commission a joint, en annexe de son mémoire en défense, une copie du rapport final en français. Elle a expliqué, dans ses écritures, que celui-ci avait été rédigé dans les trois langues de travail de la Commission, à savoir le français, l’anglais et l’allemand, et qu’il avait ensuite été traduit en italien, langue faisant foi, afin d’être envoyé aux entreprises concernées.

152    À la suite d’une demande en ce sens du Tribunal lors de l’audience, la Commission a produit une copie du procès-verbal de la réunion de la Commission du 30 septembre 2009. Elle a également produit une copie des versions française, anglaise et allemande du rapport final, jointes au projet de décision, datées du 22 septembre 2009 et signées par le conseiller-auditeur, ainsi qu’une copie du règlement intérieur de la Commission et des modalités d’application de celui-ci (ci-après les « modalités d’application »).

153    Il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 15 et à l’article 16, paragraphe 1, de la décision n° 2001/462, le conseiller-auditeur élabore un rapport final sur le respect du droit d’être entendu, dans lequel il est vérifié que le projet de décision ne retient que les griefs au sujet desquels les entreprises concernées ont eu l’occasion de faire connaître leur point de vue. Ce rapport est joint au projet de décision soumis à la Commission, de manière que celle-ci, lorsqu’elle prend une décision, soit pleinement informée de « tous les éléments pertinents » en ce qui concerne le déroulement de la procédure administrative et le respect du droit d’être entendu.

154    Par ailleurs, l’article 6, quatrième alinéa, du règlement intérieur de la Commission, tel qu’il était en vigueur à la date d’adoption de la décision attaquée, dispose que « [l]’ordre du jour et les documents nécessaires sont communiqués aux membres de la Commission dans les conditions fixées conformément aux modalités d’application ».

155    Le point 6.4 des modalités d’application est intitulé « Diffusion des documents et régime linguistique ». Selon le point 6.4.3 des modalités d’application, « [l]es documents à examiner en réunion de la Commission sont communiqués aux [m]embres de la Commission : – dans les langues fixées par le [p]résident, compte tenu des besoins minimaux des [m]embres de la Commission – ainsi que dans la ou les langue(s) nécessaire(s) en particulier aux fins de l’entrée en vigueur de l’acte et de sa notification à ses destinataires ». Selon le point 6.4.6 des modalités d’application, « [l]e [p]résident juge de toute situation où les conditions fixées aux [point]s 6.4.2 et 6.4.3, [premier] tiret, précédents ne sont pas remplies ». En vertu de cette même disposition, « [s]elon les circonstances, il peut décider de reporter la question prévue à l’ordre du jour d’une réunion suivante » et « [l]e report est de rigueur si la ou les langue(s) nécessaire(s) en particulier aux fins de l’entrée en vigueur de l’acte et de sa notification à ses destinataires n’est/ne sont pas disponible(s) ».

156    Dans les observations qu’elle a formulées à la suite de la production des documents visés au point 153 ci-dessus, la requérante a fait valoir qu’il ressortait du procès-verbal de la réunion de la Commission du 30 septembre 2009 que le rapport final n’avait pas été joint valablement au projet de décision, puisqu’il n’avait pas été communiqué au collège des membres de la Commission dans la langue faisant foi, mais uniquement dans les langues de travail de la Commission, en violation des modalités d’application. Une telle violation constituerait un vice de forme substantiel, qui ne pourrait pas être régularisé.

157    Il ressort du procès-verbal de la réunion de la Commission du 30 septembre 2009 que, lors de cette réunion, la Commission a pris « note du rapport final […], tel que repris dans le document C (2009) 7492/4 ». Il ressort également de ce dernier document que celui-ci comporte les versions anglaise, française et allemande du rapport final. Il est dès lors établi que le rapport final a été joint au projet de décision, avant son adoption par le collège des membres de la Commission et que ledit collège en a pris connaissance avant d’adopter la décision attaquée.

158    Il y a lieu de souligner que les modalités d’application constituent des règles de procédure purement internes, qui ne sont pas publiées. Certes, il ne saurait être exclu que, dans certaines situations particulières, une méconnaissance du régime linguistique fixé dans les modalités d’application puisse avoir des répercussions sur certains éléments de la décision finale de la Commission à l’égard de l’entreprise concernée, notamment si le collège des membres de la Commission n’a pas été en mesure de prendre connaissance du contenu du rapport final et d’adopter la décision attaquée en pleine connaissance de cause. En revanche, une telle méconnaissance n’est pas susceptible d’entacher la décision finale de la Commission lorsque le rapport final a été adressé au collège dans des conditions ayant permis à celui-ci d’adopter sa décision en pleine connaissance de cause. En effet, dans cette hypothèse, la Commission a pu prendre connaissance du contenu du rapport final et la seule absence de celui-ci dans la langue faisant foi n’est pas de nature à entraîner des conséquences préjudiciables pour l’entreprise. Or, selon une jurisprudence constante, la méconnaissance de règles de procédure interne telles que, en l’espèce, les modalités d’application n’est susceptible d’entacher d’illégalité la décision finale que si elle présente un caractère suffisamment substantiel et si elle a affecté, de façon préjudiciable, les situations juridique et matérielle de la partie qui invoque un vice de procédure (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 juillet 1991, RTE/Commission, T‑69/89, Rec. p. II‑485, point 27, et la jurisprudence citée).

159    Tel n’est manifestement pas le cas en l’espèce. D’une part, il est notoire que les documents de travail de la Commission sont, en règle générale, présentés en allemand, en anglais et en français (arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, point 87). Or, il est constant que tel a été le cas en l’espèce.

160    D’autre part, la requérante ne prétend pas que l’absence de jonction du rapport final dans la langue faisant foi au projet de décision a affecté, de façon préjudiciable, ses situations juridique et matérielle. À cet égard, le juge de l’Union a rappelé que le rapport du conseiller-auditeur constituait un document purement interne à la Commission, qui n’avait pas pour objet de compléter ou de corriger l’argumentation des entreprises et qui ne présentait donc aucun aspect décisif dont le juge de l’Union ait à tenir compte pour exercer son contrôle (voir arrêts du Tribunal du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié au Recueil, point 201, et du 16 juin 2011, FMC Foret/Commission, T‑191/06, Rec. p. II‑2959, point 143, et la jurisprudence citée).

161    Eu égard à ce qui précède, et sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la question de savoir si les modalités d’application imposaient à la Commission de joindre le rapport final en italien au projet de décision avant son adoption par le collège des membres de la Commission, force est de constater qu’une telle méconnaissance ne saurait affecter la légalité de la décision attaquée.

162    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’écarter le présent moyen.

 Sur le moyen tiré de l’adoption d’un texte dépourvu des annexes qui y sont mentionnées

163    Dans le cadre du présent moyen, la requérante soutient que la première décision lui a été notifiée sans ses annexes et que la lecture de la décision modificative a fait naître des doutes légitimes sur la question de savoir si non seulement un vice entachant la notification de la première décision, mais également un vice entachant son adoption étaient survenus. Dans sa réplique, elle a pris acte du fait que, selon la Commission, la première décision avait été adoptée en l’absence desdites annexes et, lors de l’audience, elle s’était désistée de sa demande de mesure d’organisation de la procédure visant à déterminer avec certitude le contenu de la décision sur laquelle le collège des membres de la Commission s’était prononcé. Elle affirme toutefois que la Commission a violé le principe de collégialité, ce qui affecterait la légalité de la décision attaquée, voire son existence. Les tableaux omis n’auraient pas un rôle purement explicatif, mais revêtiraient une importance substantielle concernant l’entente en cause. À cet égard, la requérante mentionne expressément les notes en bas de page n°s 198 et 405 et les affirmations auxquelles celles-ci se réfèrent, dont le fondement probatoire serait constitué par les tableaux figurant en annexe.

164    Le fait que les tableaux qui auraient dû figurer en annexe de la première décision aient déjà été transmis avec la communication des griefs serait à cet égard dépourvu de pertinence pour la question de savoir si le collège des membres de la Commission en avait eu connaissance. Sur ce point, la requérante a précisé, lors de l’audience, que son moyen n’était pas tiré d’une violation de l’obligation de motivation.

165    Par ailleurs, l’importance desdits tableaux serait confirmée par le fait même que la Commission a adopté la décision modificative. Celle-ci serait par ailleurs également incomplète, puisque dépourvue de motivation et de dispositif concernant l’entente reprochée. Il aurait donc été nécessaire d’adopter et de notifier une décision unique, opérant la fusion de la première décision et de la décision modificative.

166    À titre liminaire, il y a lieu de constater que la première décision ne comportait pas ses annexes, parmi lesquelles figuraient plusieurs tableaux auxquels il était fait référence aux considérants 451 (tableau 13), 513 (tableaux 1 et 3), 515 (tableaux 1 à 3), 516 (tableaux 9, 11à 14 et 16) et 518 (tableaux 11, 12 et 14) ainsi qu’aux notes en bas de page n°s 102 (tableaux 15 à 17), 127 (tableaux 18 à 21), 198 (tableaux 22 et 23), 264 (tableaux 24 et 25), 312 (tableau 26), 362 (tableau 27), 405 (tableau 28), 448 (tableaux 29 et 30) et 563 (ensemble des tableaux annexés à la décision) de la première décision. La Commission affirme à cet égard qu’il s’agissait de « tableaux établis afin de simplifier et de faciliter la lecture de l’évolution des prix rappelés dans la décision », qui ne feraient que reproduire « de manière schématique les informations et les données contenues dans le dossier ».

167    En premier lieu, il doit être rappelé que le principe de collégialité repose sur l’égalité des membres de la Commission dans la participation à la prise de décision et implique notamment, d’une part, que les décisions soient délibérées en commun et, d’autre part, que tous les membres du collège soient collectivement responsables, sur le plan politique, de l’ensemble des décisions arrêtées (arrêts de la Cour du 23 septembre 1986, AKZO Chemie et AKZO Chemie UK/Commission, 5/85, Rec. p. 2585, point 30, et du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, Rec. p. I‑2555, point 63). Par ailleurs, le dispositif et les motifs d’une décision, qui doit être obligatoirement motivée en vertu de l’article 15 CA, constituent un tout indivisible, de sorte qu’il appartient uniquement au collège des membres de la Commission, en vertu du principe de collégialité, d’adopter à la fois l’un et les autres, toute modification des motifs dépassant une adaptation purement orthographique et grammaticale étant du ressort exclusif du collège (arrêt du Tribunal du 18 janvier 2005, Confédération nationale du Crédit mutuel/Commission, T‑93/02, Rec. p. II‑143, point 124).

168    En l’espèce, il y a lieu de considérer, d’une part, que la requérante n’allègue pas l’absence de délibération en commun de la décision attaquée, ni la responsabilité collective du collège, sur le plan politique, de cette décision et, d’autre part, que l’absence, en annexe de la première décision, des tableaux mentionnés au point 166 ci-dessus ne saurait entraîner l’illégalité de la décision attaquée que si une telle absence n’avait pas permis au collège de sanctionner la conduite visée à l’article 1er de la décision attaquée en pleine connaissance de cause, c’est-à-dire sans avoir été induit en erreur sur un point essentiel par des inexactitudes ou des omissions (voir, par analogie, arrêts du Tribunal RTE/Commission, point 158 supra, points 23 à 25 ; du 27 novembre 1997, Kaysersberg/Commission, T‑290/94, Rec. p. II‑2137, point 88 ; du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, point 742, et du 17 février 2011, Zhejiang Xinshiji Foods et Hubei Xinshiji Foods/Conseil, T‑122/09, non publié au Recueil, points 104 et 105).

169    Premièrement, s’agissant des tableaux 15, 16 et 17 (mentionnés dans la note en bas de page n° 102 de la première décision), il y a lieu de constater qu’ils comportent, selon cette note en bas de page, la reproduction des « données concernant les modifications des prix des ‘suppléments de dimension’ qui ont caractérisé l’industrie des ronds à béton en Italie entre décembre 1989 et juin 2000 ». Ces tableaux sont mentionnés par la Commission au soutien de la première phrase du considérant 126 de la première décision, qui est libellée comme suit :

« Au cours de la première réunion dont la Commission a eu connaissance (celle du 6 décembre 1989, à l’[Association des industriels de Brescia]), les participants ont décidé à l’unanimité d’augmenter, à partir du lundi 11 décembre 1989, les suppléments liés au diamètre pour les ronds à béton, en barres et en rouleaux, destinés au marché italien (+ 10 ITL/kg pour les ‘suppléments’ de 14 à 30 mm, + 15 ITL/kg pour ceux de 8 à 12 mm, + 20 ITL/kg pour ceux de 6 mm ; augmentation générale de 5 ITL/kg pour le matériel en rouleaux). »

170    Il y a lieu de constater que la Commission a expressément indiqué, audit considérant, les augmentations des suppléments liés au diamètre pour les ronds à béton qui avaient été décidées par les participants à la réunion du 6 décembre 1989 ainsi que leur date d’entrée en vigueur. Par ailleurs, s’agissant des augmentations ultérieures qui, selon la note en bas de page n° 102 de la première décision, sont également reprises dans ces tableaux (dès lors qu’ils couvrent la période comprise entre 1989 et 2000), il doit être relevé qu’elles ne font pas l’objet du point 4.1 de la première décision, auquel se rapporte le considérant 126, relatif au comportement des entreprises entre 1989 et 1992. En tout état de cause, ces augmentations sont également mentionnées notamment aux considérants 126 à 128 et 133 (pour les années 1989-1992), 93 et 94 (pour les années 1993-1994), 149 à 151, 162 et 163 (pour 1995), 184 et 185 (pour 1996), 199, 200 et 213 (pour 1997), 269 (pour 1999), et 296 à 304 (pour 2000) ainsi qu’aux considérants 439 et 515 de la première décision.

171    Deuxièmement, en ce qui concerne les tableaux 18 à 21, mentionnés dans la note en bas de page n° 127 de la première décision, il y a lieu de constater qu’ils comportent, selon cette note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents concernant la période fin 1989/fin 1992, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ces tableaux sont mentionnés par la Commission au soutien du considérant 131 de la première décision, qui énonce ce qui suit :

« En ce qui concerne les prix de base des ronds à béton pratiqués durant la période d’application de l’accord susmentionné, notons que IRO et (l’ancienne) Ferriera Valsabbia SpA ont appliqué, à partir du 16 avril 1992, le prix de 210 ITL/kg et, à partir du 1er/6 mai 1992, celui de 225 ITL/kg. À partir du 1er/8 juin 1992, IRO, (l’ancienne) Ferriera Valsabbia SpA, Acciaieria di Darfo SpA et Acciaierie e Ferriere Leali Luigi SpA ont appliqué le prix de 235 ITL/kg. »

172    Il doit dès lors être constaté que, tout en s’appuyant sur cinq pages du dossier administratif, mentionnées dans la note en bas de page n° 126 de la première décision, la Commission a expressément indiqué, audit considérant, les prix de base qui avaient été fixés par les entreprises qui y étaient mentionnées, ainsi que leur date d’entrée en vigueur. En outre, il doit être relevé que la Commission, au considérant 419 de la première décision, a considéré que le premier comportement relatif à la fixation du prix de base avait eu lieu au plus tard le 16 avril 1992. Les éventuelles données figurant dans les tableaux 18 à 21 de la première décision, relatives aux prix de base pour la période comprise, selon la note en bas de page n° 127 de la première décision, entre « fin 1989 » et le 16 avril 1992, sont partant sans pertinence pour la compréhension des griefs de la Commission figurant au considérant 131 de la première décision.

173    Troisièmement, s’agissant des tableaux 22 et 23, mentionnés dans la note en bas de page n° 198 de la première décision, il y a lieu de constater qu’ils comportent, selon ladite note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents concernant les années 1993 et 1994, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ces tableaux sont mentionnés par la Commission au soutien du considérant 145 de la première décision, qui est rédigé comme suit :

« Comme prévu dans la télécopie de la Federacciai du 25 novembre 1994, une nouvelle réunion s’est tenue le 1er décembre 1994 à Brescia, au cours de laquelle ont été prises les décisions précisées dans une autre télécopie de la Federacciai reçue par les entreprises le 5 décembre 1994. Ces décisions avaient pour objet :

–        les prix des ronds à béton (320 ITL/kg, base au départ de Brescia, avec effet immédiat) ;

–        les paiements (à partir du 1er janvier 1995, le délai maximum sera de 60/90 jours fin de mois ; à partir du 1er mars 1995, le délai sera limité à 60 jours) et les rabais ;

–        la production (obligation, pour chacune des entreprises, de communiquer à la Federacciai, avant le 7 décembre 1994, les poids en tonnes de ronds à béton produits en septembre, octobre et novembre 1994).

Alfa Acciai Srl a adopté le nouveau prix de base le 7 décembre 1994. Le 21 décembre 1994, Acciaieria di Darfo SpA l’a également adopté, et Alfa Acciai Srl a confirmé à nouveau le même prix. Le prix de base de [Lucchini-SP] relatif à janvier 1995 était aussi de 320 ITL/kg. »

174    À cet égard, il doit être souligné que les tableaux visés dans la note en bas de page n° 198 de la première décision ont été mentionnés par la Commission au soutien de son affirmation selon laquelle « Alfa Acciai Srl a[vait] adopté le nouveau prix de base le 7 décembre 1994 », « [l]e 21 décembre 1994, Acciaieria di Darfo SpA l’a[vait] également adopté, et Alfa Acciai Srl a[vait] confirmé à nouveau le même prix ». Or, le « nouveau prix de base » et le « même prix » auxquels il était fait référence étaient le prix de 320 lires italiennes par kilo (ITL/kg), mentionné au premier tiret dudit considérant. Les éventuelles données figurant dans les tableaux 22 et 23 de la première décision, relatives aux prix de base pour la période comprise entre 1993 et le 7 décembre 1994, sont dès lors sans pertinence pour la compréhension des griefs de la Commission figurant au considérant 145 de la première décision.

175    Quatrièmement, pour ce qui concerne les tableaux 24 et 25, mentionnés dans la note en bas de page n° 264 de la première décision, il y a lieu de constater qu’ils comportent, selon ladite note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents (et, pour Lucchini Siderurgica, également les données relatives à la situation mensuelle) concernant 1995, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ces tableaux sont mentionnés par la Commission au soutien du considérant 174 de la première décision, qui est rédigé comme suit :

« Par la suite, dans un document remontant aux premiers jours d’octobre 1995, en possession de la Federacciai (manuscrit de la secrétaire du directeur général faisant fonction), il est affirmé que :

–        la clientèle remettait en discussion les paiements (d’où la nécessité d’une communication qui réaffirme la fermeté sur les paiements) ;

–        depuis la semaine précédente, le prix des ronds à béton avait encore diminué de 5/10 ITL/kg, se situant ainsi autour de 260/270 ITL/kg dans la zone de Brescia, avec des cotations inférieures à 250 ITL/kg en dehors de cette zone ;

–        la situation du marché plutôt confuse rendait difficile la tâche de donner des chiffres précis pour le prix ; et

–        il fallait demander aux entreprises les données relatives aux commandes des semaines 39 (du 25 au 29 septembre 1995) et 40 (du 2 au 6 octobre 1995). »

176    Il doit ainsi être relevé que, au considérant 174 de la première décision, la Commission s’est limitée à rendre compte du contenu d’un document manuscrit de la secrétaire du directeur général faisant fonction, établi en octobre 1995. À cet égard, la Commission ne s’est référée aux tableaux 24 et 25 qu’au soutien de l’affirmation figurant dans ce document, selon laquelle « la situation du marché plutôt confuse rendait difficile la tâche de donner des chiffres précis pour le prix ». Les tableaux 24 et 25 apparaissent dès lors sans pertinence pour la compréhension des griefs de la Commission figurant au considérant 174 de la première décision.

177    Cinquièmement, s’agissant du tableau 26, mentionné dans la note en bas de page n° 312 de la première décision, il y a lieu de constater qu’il comporte, selon ladite note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents (et, pour Lucchini Siderurgica, également les données relatives à la situation mensuelle) concernant 1996, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ce tableau est mentionné par la Commission à l’appui de l’affirmation figurant au considérant 200 de la première décision, selon laquelle, « [d]urant la période qui va du 22 octobre 1996 au 17 juillet 1997, il y a[vait] eu au moins douze réunions des responsables commerciaux des entreprises, qui [s’étaient] déroulées [… en particulier le] mardi 22 octobre 1996, où a[vait] été confirmé pour le mois de novembre 1996 le prix de 230 ITL/kg base départ Brescia et le maintien de la cotation de 210 ITL/kg exclusivement pour les livraisons d’octobre ».

178    Force est partant de constater que, nonobstant l’absence du tableau 26 de la première décision, la Commission a expressément mentionné, au considérant 200 de celle-ci, les prix de base de la période en cause ainsi que le moment de leur entrée en vigueur.

179    Sixièmement, pour ce qui concerne le tableau 27, mentionné dans la note en bas de page n° 362 de la première décision, il comporte, selon ladite note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents (et, pour Lucchini Siderurgica, également les données relatives à la situation mensuelle) concernant 1997, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ce tableau est mentionné par la Commission au soutien de l’affirmation figurant au considérant 216 de la première décision, lequel est libellé comme suit :

« Quoi qu’il en soit, [Lucchini-SP …], Acciaieria di Darfo SpA, Alfa Acciai Srl, Feralpi Siderurgica Srl, IRO, Riva Prodotti Siderurgici SpA et (l’ancienne) Ferriera Valsabbia SpA sont les sept entreprises auxquelles est destinée une communication (datée du 24 novembre 1997) de M. Pierluigi Leali, ayant pour objet l’‘accord prix-livraisons’ […]‘Le prix de 270 ITL/kg n’a été demandé que par peu d’entreprises, en vain – continuait la communication –, alors qu’en réalité la cotation s’est stabilisée à 260 ITL/kg, avec quelques pics inférieurs, comme beaucoup l’ont confirmé lors de la dernière réunion des responsables commerciaux. Nous notons toutefois avec une satisfaction partielle que la chute s’est arrêtée grâce au contingentement des livraisons que nous respectons tous et qui, conformément aux accords, sera vérifié par des inspecteurs externes nommés à cet effet.’ ‘En cette fin de mois – poursuivait encore la communication –, qui se traîne désormais par inertie, il est indispensable d’intervenir par un durcissement immédiat sur la cotation minimum de 260 ITL/kg (qui n’aura certainement pas d’influence sur les acquisitions peu nombreuses de cette période). Avec la planification des livraisons de décembre convenues (- 20 % par rapport à novembre), nous sommes certainement en mesure de maintenir le niveau de prix convenu; il est toutefois indispensable – concluait M. Pierluigi Leali – que personne n’accepte de dérogations sur le prix minimum établi (260 ITL/kg)’. »

180    Il résulte ainsi du libellé dudit considérant que la Commission s’est limitée à reproduire les termes de la communication du 24 novembre 1997 qui y est mentionnée. Le tableau 27 apparaît dès lors sans pertinence pour la compréhension du grief de la Commission figurant au considérant 216 de la première décision.

181    Septièmement, s’agissant du tableau 28, mentionné dans la note en bas de page n° 405 de la première décision, il y a lieu de constater qu’il comporte, selon ladite note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents (et, pour Lucchini/Siderpotenza, également les données relatives à la situation mensuelle) concernant 1998, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ce tableau est mentionné par la Commission au soutien de l’affirmation figurant au considérant 241 de la première décision, lequel est libellé comme suit :

« Le 11 septembre 1998, M. Pierluigi Leali a envoyé une communication […] dans laquelle, en référence à l’intention exprimée (au cours d’une rencontre le 9 septembre 1998) de maintenir la cotation minimum à ‘170 ITL base départ’ ???, on notait ‘des comportements anormaux, à savoir de cotations inférieures en moyenne de 5 ITL/kg au niveau établi, et qui étaient encore plus importantes dans certaines zones du Sud’. ‘Pour notre part – écrivait M. Pierluigi Leali – le niveau minimum convenu est maintenu grâce à une réduction en conséquence du flux de commandes’. ‘Nous espérons – concluait la communication – que, lors de la réunion des responsables commerciaux de ce mardi 15, l’on pourra observer une bonne tenue des prix, en mesure de faire remonter éventuellement la cotation’. »

182    Il ressort donc des termes mêmes dudit considérant que la Commission s’est limitée à reproduire le contenu de la communication du 11 septembre 1998 qui y est mentionnée. Le tableau 28 apparaît dès lors sans pertinence pour la compréhension du grief de la Commission figurant au considérant 241 de la première décision.

183    Huitièmement, s’agissant des tableaux 29 et 30, mentionnés dans la note en bas de page n° 448 de la première décision, il y a lieu de constater qu’ils comportent, selon ladite note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents (et, pour Lucchini/Siderpotenza, également les données relatives à la situation mensuelle) concernant 1999, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ces tableaux sont mentionnés par la Commission au soutien de l’affirmation figurant au considérant 276 de la première décision, lequel se lit comme suit :

« Des informations supplémentaires sur la situation du marché des ronds à béton en Italie durant cette période sont contenues dans un document rédigé par Leali le 10 novembre 1999, et en particulier dans la section intitulée ‘bénéfices et limites de l’accord commercial DE 1999  où l’on peut lire : ‘L’accord de base conclu entre les producteurs nationaux a permis, durant l’année 1999, d’inverser la situation de faiblesse des prix qui avait caractérisé les deux exercices précédents (1997 et 1998) et de récupérer plus de 50 ITL/kg brut de marge. Durant l’année 1998, la marge brute moyenne (prix de vente – coût des matières premières) était de 70 ITL/kg, et pendant 5 mois, elle était descendue sous ce seuil’. ‘L’accord obtenu a permis de stabiliser les prix de vente en cours d’année, et les producteurs ont pu bénéficier de la situation des coûts de la matière première, en accroissant la marge brute de plus de 50 ITL/kg, pour la porter à 122 ITL/kg net.’ »

184    Il ressort donc du libellé du considérant 276 de la première décision que la Commission s’est limitée à reproduire le contenu de la communication du 10 novembre 1999 qui y est mentionnée. L’absence des tableaux 29 et 30 est dès lors sans incidence sur la compréhension du grief de la Commission figurant au considérant 276 de la première décision.

185    Neuvièmement, le tableau 13, mentionné au considérant 451 de la première décision, est cité au soutien de l’affirmation selon laquelle, « [e]n ce qui concerne l’année 1997, il convient de constater qu’elle a[vait] été caractérisée, au cours de son premier semestre, par une augmentation constante du prix de base fixé par l’entente anticoncurrentielle : 190 ITL/kg, fixé lors de la réunion du 30 janvier ; 210 ITL/kg, fixé lors de la réunion du 14 février ; 250 ITL/kg, fixé lors de la réunion du 10 juillet (considérant 200) » et selon laquelle, « [a]u cours de la même période, le prix de base moyen de marché a[vait], lui aussi, augmenté constamment, passant des 170 ITL/kg de janvier aux 240 ITL/kg de juillet (tableau 13 en annexe) ; en septembre de la même année, le prix de base moyen de marché a encore augmenté, pour atteindre les 290 ITL/kg (tableau 13 en annexe) ». Il y a dès lors lieu de constater que la Commission a expressément indiqué, audit considérant, les augmentations du prix de base relatives à l’année 1997, en sorte que ledit tableau n’apparaît pas indispensable à la compréhension du raisonnement de la Commission.

186    Dixièmement, il doit être relevé que, au considérant 496 de la première décision (note en bas de page n° 563 de la première décision), la Commission s’est référée, de manière globale, aux « tableaux annexés à la présente décision », aux fins de soutenir l’affirmation selon laquelle « [s]es informations […] montr[ai]ent que toutes les entreprises impliquées dans la présente procédure [avaie]nt publié des barèmes durant la période en cause ». Il y a toutefois lieu de souligner que le considérant 496 de la première décision fait également référence aux considérants 419 à 433 de celle-ci, qui « dressent la liste de toutes les occasions avérées où le prix de base a fait l’objet de discussions entre les entreprises (y compris l’association) ». À cet égard, la Commission a précisé que, « [p]armi ces occasions, certaines [avaie]nt déjà été mentionnées lorsque le concours de volontés a[vait] été évoqué (considérants 473à 475) », que, « [p]our les autres occasions, entre 1993 et 2000, il [fallait] recourir à la notion de concertation » et que « [l]’objet de cette concertation était d’influer sur le comportement des producteurs sur le marché et de rendre public le comportement que chacun d’entre eux se proposait d’adopter concrètement en matière de détermination du prix de base ». L’ensemble des tableaux annexés à la première décision n’apparaissent donc pas indispensables à la compréhension du grief de la Commission.

187    Onzièmement, pour ce qui concerne les références aux tableaux 1, 2, 3, 9, 11 à 14 et 16 aux considérants 513, 515, 516 et 518 de la première décision, il doit être souligné que lesdits considérants s’insèrent dans la subdivision de la première décision relative aux effets sur le marché des pratiques restrictives et qu’il résulte de l’analyse de leur contenu que les tableaux qui y sont mentionnés soit ne font que reprendre les données chiffrées qui y sont mentionnées, soit ne sont pas indispensables à la compréhension du raisonnement de la Commission s’agissant des effets de l’entente.

188    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il ne saurait être affirmé que le collège des membres de la Commission ne disposait pas, lors de l’adoption de la décision attaquée, d’une connaissance pleine et entière des éléments sur la base desquels la mesure reposait. Il s’ensuit que le collège des membres de la Commission a sanctionné la conduite visée à l’article 1er de la décision attaquée en pleine connaissance de cause.

189    En second lieu, concernant le grief de la requérante tiré du caractère prétendument incomplet de la décision modificative du fait de l’absence de motivation et de dispositif concernant l’entente en cause, premièrement, il doit être relevé que le pouvoir de la Commission d’adopter un acte déterminé doit nécessairement comporter le pouvoir de modifier cet acte, dans le respect des dispositions relatives à sa compétence ainsi que dans le respect des formes et procédures prévues à cet égard par le traité (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Tizzano sous l’arrêt de la Cour du 13 juillet 2004, Commission/Conseil, C‑27/04, Rec. p. I‑6649, I‑6653, points 134 et 143). Partant, c’est à bon droit que la Commission a pu ajouter les tableaux à la première décision en adoptant la décision modificative.

190    Deuxièmement, il y a lieu de constater que le titre, le préambule, les motifs et l’article 1er de la décision modificative mentionnent explicitement la première décision et précisent que le texte de cette dernière fait référence à une annexe contenant des tableaux illustrant les mouvements des prix des ronds à béton armé pendant le déroulement de l’entente, qui n’y était pas jointe, laquelle devait donc être modifiée de façon à y joindre ladite annexe. En outre, la décision modificative précise que certaines références erronées auxdits tableaux dans la première décision doivent être corrigées. Dès lors que la décision modificative énonce donc clairement son objet – joindre les tableaux et corriger les références – et qu’elle contient, conformément à cet objet, les tableaux et les corrections des références en question, elle n’est nullement incomplète. Le grief tiré du caractère prétendument incomplet de la décision modificative ne saurait donc prospérer.

191    Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté.

192    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter les conclusions visant à obtenir l’annulation de la décision attaquée.

2.     Sur les conclusions tendant à obtenir l’annulation partielle de la décision attaquée et la réduction en conséquence du montant de l’amende

 Sur le moyen tiré d’erreurs de droit dans l’appréciation des faits

193    La requérante conteste avoir participé à des accords ou à des pratiques concertées au sens de l’article 65 CA avant le mois de décembre 1998, date à laquelle elle aurait seulement commencé à participer au volet de l’entente relatif au contrôle des ventes. En effet, il ressortirait de la décision attaquée que la requérante n’a jamais participé aux réunions au cours desquelles les prix étaient fixés et que la Commission a déduit sa participation à l’entente, du moins jusqu’à la fin de l’année 1998, du seul fait a) qu’elle aurait été destinataire des communications de la Federacciai, alors qu’il ne serait même pas prouvé qu’elle ait reçu lesdites communications ; b) qu’elle aurait fourni des informations à ladite association, ce qui correspondrait pourtant au but de celle-ci, et c) qu’elle aurait adapté les prix de ses suppléments de dimension à ceux d’autres entreprises, alors que ladite adaptation serait intervenue après la publication desdits prix.

194    Dans sa requête, la requérante articule son moyen en quatre branches. La première est relative à la durée de la participation de la requérante à l’entente dans sa globalité. La deuxième concerne sa prétendue participation au volet de l’entente relatif à la fixation du prix de base. La troisième concerne sa prétendue participation à la fixation des prix des suppléments de dimension. Enfin, la quatrième est relative à la participation alléguée de la requérante au contrôle de la production et des ventes.

 Décision attaquée

195    Dans la décision attaquée, la Commission a constaté que l’entente pratiquée entre les entreprises destinataires de celle-ci avait eu lieu durant la période comprise entre 1989 et 2000 et qu’elle avait pour objet la fixation des prix, en fonction de laquelle avait été également décidée la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes (considérant 399 de la décision attaquée). En ce qui concerne la fixation des prix, la Commission a relevé que l’entente s’était essentiellement articulée autour des accords ou pratiques concertées relatifs au prix de base pendant la période allant du 15 avril 1992 au 4 juillet 2000 (et, jusqu’en 1995, autour des accords et pratiques concertées relatifs aux délais de paiement) et autour des accords ou pratiques concertées relatifs aux « suppléments » pendant la période allant du 6 décembre 1989 au 1er juin 2000 (considérant 400 de la décision attaquée). Quant aux comportements concernant la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes, la Commission a indiqué qu’ils avaient été pratiqués pendant la période allant du 13 juin 1995 au 23 mai 2000 (considérants 457 et 458 de la décision attaquée) et que ce volet de l’entente était indissolublement lié à celui concernant la fixation du prix minimal, puisque son objectif était également l’augmentation du prix (considérants 449, 451, 452, 453, 454, 455, 456, 458, 462 et 507 de la décision attaquée).

196    La Commission a donc conclu que les agissements constatés constituaient une infraction unique, complexe et continue qui pouvait être qualifiée d’infraction unique s’étant concrétisée à travers un comportement continu constitué tant par des accords que par des pratiques concertées, qui poursuivaient tous le même objectif, à savoir l’augmentation des prix des ronds à béton (considérants 436, 437, 442, 444, 458, 462, 507, 508 et 510 de la décision attaquée).

197    Pour ce qui est de la requérante, la Commission a affirmé qu’il était certain que la participation de celle-ci à l’entente avait duré au moins pendant la période allant du 1er avril 1993 au 4 juillet 2000. La Commission a ainsi noté que la requérante avait adhéré au volet de l’entente relatif à la fixation du prix de base et des prix des « suppléments de dimension » à partir du 1er avril 1993 et qu’elle avait continué à participer à l’entente en matière de prix de base, de prix des suppléments de dimension et, pendant la période allant du 1er décembre 1994 au 30 septembre 1995, en matière de délais de paiement. Toutefois, la Commission a relevé que, lorsque l’objet de l’entente s’était également étendu à la limitation ou au contrôle de la production ou des ventes (13 juin 1995), Ferriere Nord n’y avait pas immédiatement adhéré, n’ayant commencé à participer à ce volet de l’entente qu’à partir du 28 septembre 1998 (considérants 566 et 606 de la décision attaquée).

 Sur la durée de la participation de la requérante à l’entente dans sa globalité

198    La requérante affirme qu’elle n’a pas participé à des accords ou à des pratiques concertées, au sens de l’article 65 CA, avant le mois de décembre 1998. Ainsi, l’examen des documents cités aux considérants 182, 202 et 219 de la décision attaquée révélerait qu’elle n’était pas toujours invitée aux réunions au cours desquelles les prix étaient fixés et que, même lorsqu’elle y était invitée, elle n’y avait pas participé (considérants 178, 180, 181, 183 et 186 de la décision attaquée). Les lettres du premier semestre de 1998 seraient particulièrement significatives, puisqu’elles n’auraient pas été adressées à la requérante et qu’elle ne pouvait donc avoir pris part aux accords auxquels ces lettres faisaient référence.

199    Selon la requérante, rien ne prouverait qu’elle a participé aux réunions et il existerait même une preuve contraire, à savoir le fait qu’elle n’est jamais citée en tant que participante à des réunions jusqu’au considérant 241, et surtout pas aux considérants 200 à 236 de la décision attaquée. Bien que la Commission ait affirmé, aux considérants 137, 139, 141 et 184, que la requérante avait adapté ses prix à des prix concertés lors de réunions, il n’y aurait aucune preuve de sa participation auxdites réunions.

200    À titre liminaire, il doit être rappelé que l’article 65 CA interdit notamment tous accords entre entreprises et toutes pratiques concertées qui tendraient, sur le marché commun, directement ou indirectement, à empêcher, à restreindre ou à fausser le jeu normal de la concurrence et, en particulier, à fixer ou à déterminer les prix, à restreindre ou à contrôler la production, le développement technique ou les investissements ou à répartir les marchés, les produits, les clients ou les sources d’approvisionnement (voir point 3 ci-dessus).

201    La notion d’accord au sens de l’article 65, paragraphe 1, CA résulte de l’expression, par les entreprises participantes, de la volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée (voir, s’agissant de l’article 81, paragraphe 1, CE, arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 130 ; voir, s’agissant de l’article 65, paragraphe 1, CA, arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, Rec. p. II‑347, et la jurisprudence citée) (voir également considérant 403 de la décision attaquée).

202    Par ailleurs, ainsi que la Commission l’a relevé aux considérants 491 et 492 de la décision attaquée, la notion de pratique concertée au sens de cette même disposition vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (arrêts de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, point 26 ; du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, Rec. p. I‑1307, point 63 ; Commission/Anic Partecipazioni, point 201 supra, point 115, et du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, point 158 ; arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 201 supra, point 266).

203    La Cour a ajouté que les critères de coordination et de coopération devaient être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché commun (arrêts de la Cour Suiker Unie e.a./Commission, point 202 supra, point 173 ; Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, point 202 supra, point 63 ; Commission/Anic Partecipazioni, point 201 supra, point 116, et du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission, C‑199/99 P, Rec. p. I‑11177, point 106).

204    Selon cette jurisprudence, si cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s’oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement qu’il est décidé, ou qu’il est envisagé, d’adopter pour soi-même sur le marché, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l’importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché (arrêts Suiker Unie e.a./Commission, point 202 supra, point 174 ; Commission/Anic Partecipazioni, point 201 supra, point 117 ; Hüls/Commission, point 202 supra, point 160, et Corus UK/Commission, point 203 supra, point 107).

205    Il y a en outre lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. Il en sera d’autant plus ainsi lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d’une longue période (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 201 supra, point 121 ; voir également, en ce sens, arrêt Hüls/Commission, point 202 supra, point 162).

206    Par ailleurs, il convient de rappeler que la comparaison entre la notion d’accord et celle de pratique concertée fait apparaître que, du point de vue subjectif, elles appréhendent des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 201 supra, point 131).

207    Eu égard à la jurisprudence citée aux points 200 à 206 ci-dessus, il y a lieu de constater d’emblée que le simple fait que la requérante n’ait pas toujours été invitée aux réunions au cours desquelles les prix étaient fixés ou l’absence de participation de celle-ci à certaines réunions ne saurait suffire à démontrer l’absence de participation de la requérante à l’entente jusqu’au mois de décembre 1998.

208    Il y a lieu de rappeler que, pour établir l’existence d’une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves sérieuses, précises et concordantes. Toutefois, chacune des preuves apportées par cette dernière ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqués par ladite institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, Rec. p. I‑6375, point 47, et la jurisprudence citée).

209    Dès lors, à supposer même qu’aucun des différents éléments de l’infraction en cause ne constitue, considéré séparément, un accord ou une pratique concertée interdits par l’article 65, paragraphe 1, CA, une telle conclusion n’empêche pas que lesdits éléments, considérés dans leur ensemble, constituent un tel accord ou une telle pratique (voir, en ce sens, arrêt Knauf Gips/Commission, point 208 supra, point 48).

210    En effet, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, étant donné que l’interdiction de participer à des pratiques et à des accords anticoncurrentiels ainsi que les sanctions que les contrevenants peuvent encourir sont notoires, il est usuel que les activités que ces pratiques et ces accords comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement, le plus souvent dans un État tiers, et que la documentation qui y est afférente soit réduite au minimum. Même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, telles que les comptes rendus d’une réunion, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêt Knauf Gips/Commission, point 208 supra, point 49 ; voir également, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 115 supra, points 55 à 57).

211    En l’espèce, s’agissant des éléments qui ont été retenus par la Commission pour considérer que la requérante avait effectivement participé à l’entente à compter du 1er avril 1993 (considérant 566 de la décision attaquée), il convient, en premier lieu, de relever ce qui suit.

212    Pour ce qui concerne l’année 1993, il ressort du dossier que la requérante a été l’une des destinataires de la communication de Federacciai du 1er avril 1993 où il est fait référence à une réunion, ayant eu lieu ce même jour, concernant la fixation du prix de base et des suppléments de dimension. Ainsi que la Commission l’a indiqué au considérant 137 de la décision attaquée, il ressort également du dossier que la requérante fait partie des entreprises qui ont adopté les prix des suppléments de dimension à compter du 5 avril 1993. Il doit dès lors être considéré que, quand bien même la requérante n’aurait pas participé à ladite réunion, elle a adhéré aux résultats de celle-ci et doit être considérée comme ayant commencé à participer à l’entente relative à la fixation du prix de base et des suppléments de dimension à partir de cette date.

213    S’agissant de la période 1993-1994, la requérante a continué à recevoir les communications de Federacciai relatives au prix de base et aux prix des suppléments de dimension les 7 février (considérant 138 de la décision attaquée), 30 août (considérant 140 de la décision attaquée), 13 septembre (considérant 142 de la décision attaquée) et 5 décembre 1994 (considérant 145 de la décision attaquée). Elle a également à tout le moins adopté les prix des suppléments de dimension fixés lors des réunions et communiqués les 7 février et 30 août 1994 et a donné suite, le 30 novembre et 12 décembre 1994, à la télécopie de Federacciai du 25 novembre 1994 demandant à chacune des entreprises de lui envoyer pour le 28 novembre 1994 les données relatives aux livraisons sur le marché italien et le marché à l’exportation au cours des mois de septembre, d’octobre et de novembre 1994 (considérants 143 à 145 de la décision attaquée).

214    Pour ce qui concerne l’année 1995, il ressort du dossier que la requérante a reçu le 22 février 1995 la communication de Federacciai du 21 février 1995 relative à la fixation du prix de base et des prix des suppléments de dimension et a appliqué les prix des suppléments de dimension ainsi fixés le 11 mars 1995 (considérants 149 et 151 de la décision attaquée). Elle a également continué à recevoir les communications de Federacciai des 4 (considérant 160 de la décision attaquée) et 5 juillet 1995, comportant la mention « À détruire après en avoir eu connaissance » (considérant 161 de la décision attaquée). Il ressort en outre de la télécopie de Federacciai à Leali du 19 juillet 1995 (considérant 163 de la décision attaquée) et de la télécopie de Federacciai aux entreprises du 21 juillet 1995, comportant la mention « À détruire après en avoir pris connaissance » (considérant 164 de la décision attaquée), que la requérante était disposée à respecter les délais de paiement qui seraient décidés. Enfin, il ressort de la communication de Federacciai du 29 août 1995, comportant la mention « À détruire après en avoir pris connaissance », et de la communication de Federacciai du 5 septembre 1995 que chaque entreprise s’est engagée à communiquer les données confidentielles, précisées dans un formulaire annexé (productions mensuelles prévues pour le dernier trimestre de 1995, quantités mensuelles exportées pendant les deux derniers trimestres de 1995, niveau des stocks à la fin du mois d’août 1995 et livraisons sur le marché national et le marché à l’exportation aux mois de juillet et d’août 1995) (considérant 168 de la décision attaquée), lesquelles ont ensuite été communiquées par Federacciai à Leali par télécopie du 1er septembre 1995 (considérant 169 de la décision attaquée). Il ressort également du considérant 162 de la décision attaquée que la requérante s’est conformée à la pratique concertée de juillet 1995 relative aux prix des suppléments de dimension.

215    S’agissant de l’année 1996, il ressort du dossier que la requérante a continué à participer au volet de l’entente relatif à la fixation du prix de base et à celui relatif à la fixation des prix des suppléments de dimension. Ainsi, le 28 décembre 1995, elle a reçu, de Leali, une invitation à participer à une réunion le 4 janvier 1996, confirmée le 3 janvier 1996 avec les représentants des autres principales entreprises productrices de ronds à béton (considérants 178 et 180 de la décision attaquée). Il ressort à cet égard de la communication du 3 janvier 1996 que la requérante avait déjà exprimé son adhésion préalable aux initiatives qui seraient décidées de manière unanime. Le 17 janvier 1996, la requérante a été invitée à une réunion le 18 janvier 1996. Cette communication indiquait qu’il était recommandé d’apporter les données d’acquisition hebdomadaire des commandes au 17 janvier 1996 afin de pouvoir faire certaines considérations concrètes sur l’évolution du marché (considérant 181 de la décision attaquée). Le 12 février 1996, Federacciai a envoyé à tous les producteurs de ronds à béton une communication les informant de ce qu’un producteur avait décidé de pratiquer certaines augmentations des suppléments de dimension, augmentations qui ont été effectuées par la requérante et par les autres entreprises (considérant 184 de la décision attaquée). Le 12 février 1996, la requérante a également reçu, de Leali, une invitation à une réunion du 13 février 1996, qui faisait état d’un recul du prix de base des ronds à béton à 210 ITL/kg et à la nécessité d’une rencontre entre les « titulaires » pour évaluer l’opportunité de prendre des mesures extraordinaires, telles que des exportations en lieu et place d’arrêts de production supplémentaires (considérant 183 de la décision attaquée). Cette communication mentionnait in fine que toutes les entreprises destinataires avaient confirmé par téléphone la présence d’un de leurs représentants. À cet égard, si, certes, la note concernant la réunion du 13 février 1996, relative au programme d’arrêt des laminoirs, mentionne que l’adhésion de la requérante devait encore être confirmée, cette note indiquait également que celle-ci avait déjà annoncé son adhésion formelle si tous manifestaient leur accord (considérant 183 de la décision attaquée). Par ailleurs, dans une note du 23 février 1996, Leali a confirmé, en se référant aux communications et aux contacts téléphoniques précédents, l’adhésion des entreprises en cause aux programmes de limitation de la production, la décision d’appliquer immédiatement le niveau minimal du prix de base ainsi que les nouveaux prix des suppléments de dimension (considérant 186 de la décision attaquée). Il ressort également de la note du 28 février 1996 de Leali qu’il convenait que les entreprises respectassent un prix de base « acceptable pour tous » de 210 ITL/kg (considérant 187 de la décision attaquée). La requérante a également été conviée à une réunion le 5 mars 1996 (considérant 188 de la décision attaquée) ainsi qu’à une réunion le 2 avril 1996 (considérant 190 de la décision attaquée) afin de discuter de la situation très grave du marché. La note relative à cette réunion fixait le prix de base à 190 ITL/kg, avec un minimum impératif de 180 ITL/kg (considérant 191 de la décision attaquée). Le 25 juillet 1996, une communication de Federacciai à tous les producteurs de ronds à béton confirmait le prix de base de 240 ITL/kg et fixait une nouvelle réunion des responsables commerciaux des entreprises en cause pour le 27 août 2006. La requérante a, par ailleurs, été invitée à une réunion le 24 septembre 1996 aux fins d’analyser la situation du marché (considérant 194 de la décision attaquée). Enfin, une communication du 23 octobre 1996, faisant suite à une réunion de la veille et adressée à tous les producteurs de ronds à béton, a confirmé le prix de base de 230 ITL/kg ainsi que la fixation d’une réunion pour le 29 octobre 1996 (considérant 200 de la décision attaquée).

216    Pour ce qui concerne l’année 1997, il ressort du dossier que la requérante a continué à recevoir les communications de Federacciai relatives au prix de base et aux prix des suppléments de dimension.

217    Ainsi, le 17 octobre 1997, Federacciai a communiqué aux responsables commerciaux de toutes les entreprises productrices de ronds à béton que, à la suite d’une réunion entre les « titulaires », un prix minimal de 300 ITL/kg, prix de base au départ de Brescia, avait été établi à l’unanimité (considérant 210 de la décision attaquée). Le 24 octobre 1997, Federacciai a informé les responsables commerciaux de toutes les entreprises productrices de ronds à béton que, au cours de la réunion de la veille entre ces responsables, qui aurait fait suite à une certaine confusion dans l’application du prix de base qui avait été précédemment défini, le prix minimal de 300 ITL/kg, prix de base au départ de Brescia, avait été confirmé à l’unanimité.

218    S’agissant du prix des suppléments de dimension, il ressort également du dossier que Federacciai, le 10 juillet 1997, a adressé aux responsables commerciaux de toutes les entreprises productrices de ronds à béton les modifications des prix des suppléments de dimension qui avaient été convenues lors de la réunion du 7 juillet 1997, ces modifications ayant été mises en œuvre par la requérante le 11 juillet 1997 et par d’autres entreprises, notamment Darfo le 7 juillet 1997, Riva le 14 juillet 1997 et Alfa le 15 juillet 1997. À l’instar d’autres entreprises (notamment Darfo, Riva et IRO), la requérante a également mis en œuvre le 3 novembre 1997 les modifications des prix des suppléments de dimension décidées lors de la réunion du 10 octobre 1997 (considérant 213 de la décision attaquée). Il ressort à cet égard du dossier que la requérante a communiqué à sa division commerciale et à ses agents une copie des décisions relatives au prix de base et aux prix des suppléments de dimension figurant dans la télécopie de Federacciai du 10 octobre 1997 (voir également considérant 213 de la décision attaquée).

219    S’agissant de l’année 1998, il ressort des considérants 232 et 233 de la décision attaquée que Leali a communiqué notamment à Ferriere Nord la convocation à une rencontre des « titulaires » le 8 juin 1998 pour discuter d’une action forte destinée à alléger la situation dramatique du marché et pour évaluer la possibilité d’un arrêt de quatre semaines durant la période des congés. Le 10 juin 1998, après avoir pris contact avec notamment Ferriere Nord, Leali a communiqué à d’autres entreprises que tous les producteurs appliqueraient avec effet immédiat le prix de 190 ITL/kg « base départ », sans exception (considérant 233 de la décision attaquée). Le 11 septembre 1998, Leali a envoyé une communication notamment à Ferriere Nord, dans laquelle elle indiquait notamment qu’elle espérait que, « lors de la réunion des responsables commerciaux d[u] mardi 15 [suivant], [il …] pourra[it être] observ[é] une bonne tenue des prix, en mesure de faire remonter éventuellement la cotation » (considérant 241 de la décision attaquée). Il ressort par ailleurs du dossier que, le 28 septembre 1998, le président de Ferriere Nord a adressé à son directeur général et à son directeur des ventes un document interne manuscrit dans lequel il faisait état de communications que lui avait faites le membre délégué du conseil d’administration d’Alfa selon lesquelles « tous » avaient « volontairement réduit en pourcentage leur production pour octobre ». Il indiquait à cet égard que Ferriere Nord aurait « droit à 18 000 tonnes » et que, « pour des raisons évidentes », il aurait donné son « accord ».

220    Ainsi que la Commission le souligne à juste titre, la requérante a donc adhéré à l’accord sur les quotas de vente de septembre à novembre 1998. Elle a également accepté de tenir compte de l’accord sur le quota de Darfo. Il ressort également du dossier que Ferriere Nord a été convoquée à la réunion des « titulaires » du 13 novembre 1998 (considérant 258 de la décision attaquée).

221    Cela étant précisé, il convient, en second lieu, de répondre aux arguments spécifiques soulevés par Ferriere Nord dans sa requête, visant à démontrer qu’elle n’aurait participé à l’entente qu’après le mois de décembre 1998.

222    Premièrement, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel elle n’aurait pas toujours été invitée aux réunions au cours desquelles les prix étaient fixés, ce qui ressortirait des considérants 182, 202 et 209 de la décision attaquée. Outre que ce simple fait, à le supposer avéré, ne saurait suffire à démontrer l’absence de participation de la requérante à l’entente (voir point 207 ci-dessus), tout d’abord, il doit être relevé que, même à supposer qu’elle n’ait pas été invitée à la réunion du 5 février 1996 (considérant 182 de la décision attaquée), elle a été invitée aux réunions ayant eu lieu peu de temps avant, de même qu’après la réunion du 5 février 1996, à savoir aux réunions des 4 janvier et 13 février 1996, et qu’elle avait préalablement adhéré aux initiatives qui avaient été prises à l’unanimité lors de ces réunions (voir également point 197 ci-dessus).

223    Ensuite, pour ce qui concerne les réunions du 4 novembre 1996 et du 7 janvier 1997 (considérant 202 de la décision attaquée), il doit être noté que la Commission a indiqué qu’il s’agissait de réunions des « titulaires » des principales entreprises. À cet égard, au considérant 203 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, « [d]urant la période examinée, c’est-à-dire le dernier trimestre de 1996 et le premier semestre de 1997, les réunions des responsables commerciaux des entreprises [s’étaient] donc poursuivies, au cours desquelles [avaie]nt été fixées les augmentations de prix (prix de base et ‘suppléments’), tout comme les réunions des ‘titulaires’ des principales entreprises [… à savoir] Alfa Acciai Srl, Acciaieria di Darfo SpA, Feralpi Siderurgica Srl, IRO, Lucchini Siderurgica SpA, Riva Prodotti Siderurgici SpA, (l’ancienne) Ferriera Valsabbia SpA et Acciaierie e Ferriere Leali Luigi SpA ». À cet égard, l’absence de participation de Ferriere Nord aux réunions des « titulaires » du 4 novembre 1996 et du 7 janvier 1997 ne permet pas d’exclure sa participation à l’entente au cours de cette période, dès lors que, ainsi qu’il a été souligné aux points 215 et 216 ci-dessus, durant cette même période, elle a adhéré, comme les autres entreprises, aux pratiques concertées relatives aux suppléments de dimension et a continué à recevoir les communications de Federacciai relatives au prix de base.

224    Enfin, s’agissant de la participation de la requérante aux réunions mentionnées au considérant 219 de la décision attaquée, il ressort dudit considérant que les « responsables commerciaux des entreprises » y ont été convoqués. Il peut dès lors être raisonnablement considéré, eu égard à la jurisprudence citée au point 210 ci-dessus, en l’absence d’autres éléments et compte tenu du fait que les invitations n’étaient en général pas nominatives, mais s’adressaient à l’ensemble des producteurs, que le responsable commercial de la requérante a également été invité, en sorte que le grief de la requérante ne saurait prospérer.

225    Deuxièmement, la requérante affirme qu’il ressort des documents cités aux considérants 178, 180, 181, 183 et 186 de la décision attaquée que, même lorsqu’elle était invitée aux réunions, elle n’y a pas participé.

226    Tout d’abord, la requérante ne saurait invoquer son absence à la réunion du 4 janvier 1996, citée aux considérants 178 et 180 de la décision attaquée, à laquelle elle a été invitée, dans la mesure où elle avait préalablement exprimé son consentement aux décisions qui seraient prises lors de ladite réunion (considérant 180 de la décision attaquée). Le même constat est valable pour la réunion du 13 février 1996, citée au considérant 183 de la décision attaquée.

227    Ensuite, pour ce qui est de la réunion du 18 janvier 1996, citée au considérant 181 de la décision attaquée, à laquelle la requérante a été invitée, l’absence de preuve de la participation de la requérante à la réunion ne saurait remettre en cause le constat de sa participation à l’entente pendant la période en cause, ne serait-ce que parce que l’adhésion de la requérante aux résultats de la réunion immédiatement antérieure et de la réunion immédiatement postérieure à celle du 18 janvier 1996 est établie (voir point 222 ci-dessus).

228    Par ailleurs, la requérante ne saurait faire valoir son absence à la réunion du 13 février 1996 (considérant 183 de la décision attaquée), puisque même si son représentant n’y avait pas assisté, elle avait donné son adhésion aux initiatives qui y ont été prises.

229    Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, la note de Leali du 23 février 1996, mentionnée au considérant 186 de la décision attaquée, ne comporte aucun élément attestant le fait que la requérante ne participait pas aux réunions lorsqu’elle y était invitée.

230    Troisièmement, la requérante soutient qu’il ne peut être affirmé qu’elle a donné son accord préalable aux décisions qui auraient été prises aux réunions auxquelles elle n’aurait pas participé, un tel prétendu accord ne pouvant être que d’ordre général, les invitations n’indiquant pas l’ordre du jour et devant être interprétées comme une « formule de courtoisie pour décliner l’invitation ». Ferriere Nord n’aurait d’ailleurs pas non plus communiqué les données demandées, en sorte que toute décision aurait été prise indépendamment de sa position.

231    De tels arguments doivent être rejetés.

232    Tout d’abord, il était fréquent que l’objet collusoire ressorte clairement des invitations aux réunions ou des communications qui les précédaient (considérant 183 de la décision attaquée), ainsi que des comptes rendus de celles-ci (considérant 213 de la décision attaquée).

233    Ensuite, pour la réunion du 9 juin 1998, il résulte de manière univoque du document cité au considérant 233 de la décision attaquée que l’adhésion de la requérante au résultat de celle-ci n’était nullement générale, mais visait précisément le prix de base minimal adopté. En ce qui concerne la réunion du 4 janvier 1996 (considérants 178 et 180 de la décision attaquée), pour laquelle l’invitation mentionne uniquement, comme objet, un « échange d’idées sur les problèmes du secteur », force est de constater que cette réunion s’insérait dans le système bien ancré de réunions périodiques liées entre elles et de communications régulières, en sorte que la requérante ne saurait nier qu’elle avait connaissance de l’objet anticoncurrentiel de ladite réunion.

234    Enfin, il ressort du dossier que de nombreuses autres communications adressées aux producteurs de ronds à béton indiquaient précisément l’objet des réunions en cause et portaient en outre la mention « À détruire après lecture », ce qui ne saurait laisser aucun doute quant à leur caractère collusoire.

235    La requérante ne saurait tirer aucun argument valable du fait que son adhésion préalable aux résultats des réunions susmentionnées lui aurait été attribuée par des tiers, dans la mesure où rien n’interdit à la Commission de retenir comme preuve du comportement d’une entreprise une correspondance échangée entre des tiers, pourvu que le contenu de cette correspondance soit digne de foi dans la mesure où il fait état dudit comportement (arrêt Suiker Unie e.a./Commission, point 202 supra, point 164, et arrêt du Tribunal du 11 décembre 2003, Marlines/Commission, T‑56/99, Rec. p. II‑5225, point 57). Or, cela est incontestablement le cas des preuves citées au point 232 ci-dessus. En tout état de cause, la Commission a également mentionné de documents provenant de la requérante elle-même et attestant son adhésion à l’objet de certaines réunions, telles que celles des 25 novembre et 1er décembre 1994 (considérants 143 à 146 de la décision attaquée).

236    De surcroît, la requérante ne saurait valablement alléguer que, n’ayant pas participé aux réunions, elle n’y a pas apporté les données relatives à sa production, en sorte que toute décision aurait été prise indépendamment de sa position. Dès lors qu’il est établi que la requérante s’est conformée à des décisions adoptées dans le cadre de l’entente, la prise en compte des données relatives à sa propre production est sans pertinence pour établir sa participation à celle-ci. En tout état de cause, il ressort des documents recueillis par la Commission que la requérante a régulièrement communiqué des données confidentielles relatives à sa production à Federacciai.

237    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter les arguments formulés par la requérante dans la première branche du présent moyen.

 Sur la fixation du prix de base

238    Dans le cadre de la présente branche, la requérante reproche à la Commission d’avoir déduit sa participation à l’entente, et en particulier au volet de l’entente relatif au prix de base, du seul fait qu’elle aurait été destinataire des communications de Federacciai, alors même que d’autres entreprises qui auraient été dans une situation identique n’auraient pas été poursuivies.

239    En premier lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, et ainsi qu’il a déjà été relevé aux points 213 à 220 ci-dessus, la Commission ne s’est pas fondée uniquement sur la réception par la requérante des communications de Federacciai pour établir sa participation au volet de l’entente relatif à la fixation du prix de base à partir du 1er avril 1993. En effet, outre la réception desdites communications, elle s’est notamment fondée sur l’adhésion de la requérante aux prix de base fixés et sur la communication par la requérante à Federacciai de certaines données de production confidentielles.

240    Ainsi, comme il a été indiqué au point 213 ci-dessus, la Commission a notamment relevé que la requérante avait donné suite à la télécopie de Federacciai communiquant aux entreprises le nouveau prix de base au départ de Brescia à pratiquer à partir du 28 novembre 1994 et leur demandant de lui communiquer les données relatives au marché italien et au marché à l’exportation au cours des mois de septembre, d’octobre et de novembre 1994 (considérants 143 et 144 de la décision attaquée). Le 12 décembre 1994, la requérante a communiqué à la Federacciai ses données de production, tout en indiquant sur sa télécopie la mention « OK pour les autres points évoqués dans [la] télécopie [du 5 décembre 1994] ». Or, ces deux autres points étaient le prix de base et les conditions de paiement (considérant 145 de la décision attaquée). La requérante s’est également engagée à communiquer les données relatives à sa production pour la période comprise entre les mois de septembre et de décembre 1995 (voir point 214 ci-dessus). Comme il a été indiqué au point 215 ci-dessus, la requérante a également marqué son adhésion de principe aux décisions qui seraient prises à l’unanimité, notamment sur le prix de base, lors des réunions des 4 janvier et 13 février 1996. Il ressort par ailleurs du dossier que la requérante a communiqué à sa division commerciale et à ses agents une copie des décisions relatives au prix de base et aux prix des suppléments de dimension figurant dans la télécopie de Federacciai du 10 octobre 1997 (voir également considérant 213 de la décision attaquée) (voir point 218 ci-dessus). Enfin, ainsi que le souligne la Commission, la participation de la requérante à l’entente pour la période concernée est confirmée par la communication de Leali du 10 juin 1998, qui évoque une réunion de la veille et un entretien avec Riva, Darfo et Ferriere Nord, et atteste l’accord de tous les producteurs pour appliquer le nouveau prix de base convenu (considérant 233 de la décision attaquée) (voir également point 219 ci-dessus).

241    Eu égard à ce qui précède, l’argument de la requérante selon lequel elle n’est jamais mentionnée comme participante aux réunions anticoncurrentielles aux considérants 200 à 236 de la décision attaquée doit également être rejeté.

242    Il ressort par ailleurs de ce qui précède que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la Commission ne s’est pas fondée sur un seul document qui proviendrait de la requérante, par lequel elle aurait légitimement transmis à Federacciai des données relatives à sa production au cours d’une période passée.

243    D’une part, outre que plusieurs documents proviennent directement de la requérante, il a été rappelé au point 235 ci-dessus que rien n’interdisait à la Commission de retenir comme preuve du comportement d’une entreprise des éléments qui ne provenaient pas de ladite entreprise, pourvu que le contenu de ces éléments fût digne de foi dans la mesure où il était fait état dudit comportement.

244    D’autre part, il doit être souligné que la collecte de données sur la production des entreprises a, en l’espèce, été effectuée par Federacciai, qui servait d’intermédiaire pour les entreprises participant à l’entente, pour mieux gérer celle-ci. Ainsi, les communications de Federacciai contenaient généralement aussi bien des informations sur les prix à appliquer que des demandes de renseignements sur la production des entreprises (voir notamment les considérants 143 à 147 et 168 et 169 de la décision attaquée). Le fait que ces demandes de renseignements s’inscrivaient dans le cadre de l’entente est confirmé par la circonstance qu’elles portaient parfois la mention « À détruire après lecture ». Par ailleurs, dans ses réponses auxdites demandes de renseignements, la requérante a également communiqué son adhésion aux décisions prises en matière de fixation des prix.

245    La requérante ne saurait davantage prétendre que la mission d’une association de producteurs, admise par l’article 48 CA, serait de fournir des données sur la production et le marché, dès lors que cette disposition prévoit que les associations d’entreprises peuvent exercer toute activité qui n’est pas contraire aux dispositions dudit traité ou aux décisions ou recommandations de la Commission. Or, il ressort de la décision de 2002, devenue définitive à l’égard de Federacciai (considérant 4 de la décision attaquée), que cette dernière avait participé à l’entente et joué un rôle d’intermédiaire entre les entreprises impliquées.

246    Par ailleurs, l’argument de la requérante selon lequel la communication de données concernant le passé n’est pas illégale doit être rejeté, puisque la communication de telles données avait pour but de permettre la gestion de l’entente et que les communications dans le cadre de l’entente concernaient également des données prévisionnelles.

247    En deuxième lieu, la requérante ne saurait tirer argument du fait que d’autres entreprises qui étaient également destinataires des communications de Federacciai n’ont pas été poursuivies. Ainsi que la Commission l’a précisé au considérant 551 de la décision attaquée, les entreprises impliquées dans la présente procédure sont les plus importantes du secteur et celles à l’égard desquelles les enquêtes ont permis de rassembler le plus de preuves. Or, il résulte des considérations qui précèdent que la Commission a réuni suffisamment de preuves justifiant des poursuites à l’encontre de la requérante. En tout état de cause, à supposer même que d’autres opérateurs se soient trouvés dans une situation semblable à celle de la requérante et n’aient pas été poursuivis, il est de jurisprudence constante que la circonstance qu’un opérateur qui se trouvait dans une situation semblable à celle de la partie requérante n’a fait l’objet d’aucune constatation d’infraction de la part de la Commission ne saurait permettre d’écarter l’infraction retenue à l’encontre de ladite partie requérante, dès lors que celle-ci a été correctement établie (arrêt Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, point 202 supra, point 146 ; arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, KE KELIT/Commission, T‑17/99, Rec. p. II‑1647, point 101, et du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, point 397).

248    En troisième lieu, la requérante ne saurait soutenir que, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, l’article 65 CA n’interdit pas que des tiers à des accords entre entreprises tendant à fixer les prix soient informés de leur contenu. Outre que, ainsi qu’il a déjà été relevé aux points 213 à 220 ci-dessus, la requérante ne s’est pas contentée de recevoir des informations, mais s’est également conformée aux décisions qui avaient été prises (considérant 566 de la décision attaquée), il ressort de la jurisprudence rappelée au point 203 ci-dessus que tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché commun. Si cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s’oppose rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d’influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement qu’il a été décidé de, ou qu’il est envisagé de, adopter pour soi-même sur le marché (voir arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Rhône-Poulenc/Commission, T‑1/89, Rec. p. II‑867, point 121, et la jurisprudence citée).

249    En quatrième lieu, la requérante fait valoir qu’elle n’a jamais appliqué les prix de base mentionnés dans les communications de Federacciai, ce qui ressortirait, d’une part, des considérants 419 à 423 de la décision attaquée, qui énuméreraient les entreprises ayant adopté lesdits prix et parmi lesquelles elle ne figurerait jamais, et, d’autre part, des factures qu’elle a produites. En outre, les prix de base de la requérante auraient été « rendu destination », alors que ceux communiqués par la Federacciai auraient été fixés « au départ de Brescia ».

250    Une telle argumentation ne saurait être retenue.

251    Premièrement, il y a lieu de considérer que, dès lors qu’il est établi à suffisance de droit que la requérante a participé à la concertation entre producteurs, la mise en œuvre effective par celle-ci de l’entente relative aux prix de base est dépourvue de pertinence pour établir sa responsabilité du fait de cette entente (voir, en ce sens, arrêt Hüls/Commission, point 202 supra, point 167). Selon une jurisprudence constante, la circonstance qu’une entreprise ne donne pas suite aux résultats de réunions ayant un objet anticoncurrentiel n’est pas de nature à écarter sa responsabilité du fait de sa participation à une entente, à moins qu’elle ne se soit distanciée publiquement de son contenu (arrêts de la Cour Aalborg Portland e.a./Commission, point 115 supra, point 85, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 144).

252    En l’espèce, contrairement à ce que soutient la requérante, l’absence de mention explicite la concernant aux considérants 419 à 423 de la décision attaquée (relatifs aux années 1993 et 1994) ne saurait être interprétée comme une reconnaissance qu’elle n’aurait jamais appliqué les prix de base qui lui étaient communiqués par Federacciai. Il doit en effet être rappelé que, selon la jurisprudence, il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. Il en sera d’autant plus ainsi lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d’une longue période (arrêts Commission/Anic Partecipazioni, point 201 supra, point 121, et Hüls/Commission, point 202 supra, point 162). Or, tel est le cas en l’espèce. Il ressort en outre du dossier que la requérante a adopté un prix de base supérieur à celui qui avait été convenu lors de la concertation du 9 juin 1998.

253    Par ailleurs, les factures produites par la requérante ne sauraient constituer la preuve de son absence de prise en compte des informations échangées avec les autres opérateurs, puisque, ainsi que la Commission l’a indiqué à juste titre au considérant 494 de la décision attaquée, sur la base d’échantillons, il n’est pas possible de vérifier si le prix moyen pratiqué correspond à celui décidé dans le cadre de l’entente ou diverge de celui-ci, puisqu’il n’est, par exemple, pas précisé quelles factures correspondent à des clients normaux et quelles factures correspondent à des clients privilégiés. Ainsi, il peut seulement être affirmé que, pour les transactions documentées, les prix étaient différents, mais cela ne démontre en rien que les prix pratiqués pour l’ensemble des transactions réalisées durant les jours ou les périodes suivant les augmentations aient été différents de ceux décidés par l’entente.

254    Deuxièmement, l’argument de la requérante selon lequel les prix de base affichés par elle ont été « rendu destination », tandis que les prix communiqués par Federacciai ont été fixés « au départ de Brescia », n’est pas non plus susceptible de démontrer qu’elle n’a pas appliqué les prix de base décidés par l’entente dans la mesure où, ainsi que le relève la Commission, le prix de base départ était un prix de référence, c’est-à-dire le point de départ commun pour la fixation des prix par chaque participant à l’entente et non le prix qui devait être facturé en définitive au client (considérants 129 et 516 de la décision attaquée).

255    Il résulte des considérations qui précèdent que les arguments avancés par la requérante pour faire valoir qu’elle n’a pas participé à l’entente concernant la fixation du prix de base doivent être écartés.

 Sur la fixation des prix des suppléments de dimension

256    Dans le cadre de la présente branche, la requérante conteste son adhésion à des accords tendant à fixer les prix des suppléments de dimension.

257    En premier lieu, elle fait valoir qu’elle n’a adapté les prix des suppléments de dimension qu’après la publication de ces prix dans les bulletins de la chambre de commerce de Brescia (ci-après les « bulletins de la CCIAA »). Dans sa réplique, la requérante ajoute que le fait que certaines dates d’adaptation de ses prix soient antérieures à celles des publications des prix dans les bulletins de la CCIAA n’exclut pas qu’elle se soit adaptée aux prix des suppléments après leur publication, dès lors que, d’une part, les dates figurant dans les tableaux auraient été celles des commandes reçues, lesquelles pouvaient être antérieures à la publication des prix et prévoyaient le paiement des prix des suppléments en vigueur au moment de la livraison, et, d’autre part, le tableau indiquant les variations de prix aurait été établi a posteriori.

258    Un tel argument doit être rejeté.

259    Premièrement, pour ce qui concerne l’augmentation des prix des suppléments de dimension du 5 avril 1993 (considérant 137 de la décision attaquée), il y a lieu de relever qu’elle est postérieure à la communication envoyée par Federacciai à la requérante le 1er avril 1993, qui a fait suite à une réunion du même jour et prévoyait des « nouveaux suppléments pour les nouvelles commandes à partir d’aujourd’hui et les livraisons du lundi », le 5 avril 1993, date à laquelle la requérante a appliqué lesdits suppléments. C’est partant à bon droit que la Commission a considéré que le bulletin de la CCIAA du 5 avril 1993 n’avait fait que publier les prix déjà convenus entre les producteurs et préalablement communiqués à ces derniers.

260    Un constat identique peut être fait concernant la modification des prix des suppléments de dimension effectuée par la requérante, d’une part, en février 1994 (fixation le 7 février 1994 et communication des prix le même jour à tous les producteurs, avec application le 14 février 1994 ; adaptation des prix de la requérante à partir du 14 février 1994, et bulletin de la CCIAA du 21 février 1994) et, d’autre part, en septembre 1994 (fixation le 30 août 1994 et communication des prix le même jour à tous les producteurs, avec application le 1er septembre 1994 ; adaptation des prix de la requérante à partir du 1er septembre 1994, et bulletin de la CCIAA du 5 septembre 1994).

261    Il en va de même en ce qui concerne l’adaptation des prix des suppléments de la requérante du 11 mars 1995 (considérant 151 de la décision attaquée), qui, bien qu’elle ait été postérieure à la publication du bulletin de la CCIAA du 8 mars 1995, a fait suite à la communication de Federacciai du 21 février 1995.

262    S’agissant de l’adaptation des prix du 12 février 1996 (considérant 184 de la décision attaquée), si, certes la Commission ne dispose pas de la preuve de l’accord ou de la pratique concertée qui l’aurait précédée, il y a lieu de souligner qu’elle est également antérieure à la publication du bulletin de la CCIAA du 19 février 1996. La requérante ne saurait, à cet égard, au vu des considérants 184, 186, 199, 439 à 441 et 489 de la décision attaquée, prétendre que la Commission a constaté qu’elle avait participé à des pratiques concertées en février et en octobre 1996 en se fondant uniquement sur sa réception d’invitations à des réunions auxquelles elle n’aurait jamais participé (considérants 184, 199 et 566 de la décision attaquée).

263    Pour ce qui est de l’adaptation des prix du 11 juillet 1997 (considérant 200 de la décision attaquée), elle fait suite à une communication de Federacciai du 10 juillet 1997 et est antérieure à la publication du bulletin de la CCIAA du 21 juillet 1997. Par ailleurs, pour ce qui est de l’adaptation du 3 novembre 1997, bien qu’elle soit postérieure à la publication du bulletin de la CCIAA du même jour, elle fait suite à une réunion du 10 octobre 1997 sur les prix, qui ont été communiqués aux producteurs de ronds à béton le même jour. Ainsi que le relève d’ailleurs à juste titre la Commission, l’inscription manuscrite du directeur commercial de la requérante sur ce document permet de supposer que l’adaptation est intervenue à la suite de la réception de la télécopie de Federacciai et non de la publication du bulletin de la CCIAA.

264    S’agissant, enfin, de la modification des prix du 30 juin 1999 (considérant 269 de la décision attaquée), bien que la Commission ne dispose pas non plus de la preuve d’une communication relative à cette modification, la Commission a découvert la copie d’une circulaire d’IRO du 8 juin 1999, par laquelle cette entreprise avait informé tous ses agents et représentants des variations des suppléments de dimension, à compter du 1er juillet 1999 (considérant 269 de la décision attaquée). Or, cette circulaire a précédé de près d’un mois le bulletin de la CCIAA du 5 juillet 1999, en sorte que la Commission pouvait légitimement considérer que les producteurs avaient eu connaissance des modifications de prix en cause et qu’ils les avaient appliquées avant leur publication dans ledit bulletin.

265    Deuxièmement, la requérante ne saurait prétendre que les dates de parution des bulletins de la CCIAA sont postérieures aux dates d’adaptation de ses prix en raison du fait, d’une part, que les dates figurant dans les tableaux auraient été celles des commandes reçues et, d’autre part, que le tableau indiquant les variations de prix aurait été établi a posteriori. En effet, la requérante ne fournit aucun élément de nature à prouver l’existence d’un tel accord avec les acheteurs. Or, ainsi que le relève à juste titre la Commission, il est peu crédible que ceux-ci aient accepté de passer commande sans faire référence à un prix déterminé. En outre, dès lors que les producteurs connaissaient les prix des suppléments de dimension à la suite de l’échange d’informations dans le cadre de l’entente, et notamment à la suite des communications de Federacciai, il est peu crédible qu’ils aient invité les clients à passer commande sur la base d’un prix indéterminé.

266    En deuxième lieu, la requérante soutient que la Commission a reconnu, au considérant 218 de la décision attaquée, que les prix des suppléments de dimension étaient fixés par les « principales entreprises », au nombre desquelles elle ne figurait pas, et que les autres entreprises se contentaient de s’adapter. Son comportement ne saurait donc être considéré comme illégal, puisque rien n’interdirait à un opérateur de s’adapter intelligemment au comportement de ses concurrents. Cela aurait été d’autant plus vrai que le régime du traité CECA aurait prévu la publication des prix et que le Tribunal aurait reconnu, à propos de la publicité des barèmes de prix prévue par l’article 60, paragraphe 2, CA, que cette publicité avait notamment pour but de connaître exactement les prix de leurs concurrents, pour leur donner la possibilité de s’aligner. La structure de nombreux marchés serait telle que seules les grandes entreprises disposeraient d’une véritable liberté d’action, alors que les petites entreprises comme la requérante ne pourraient que s’adapter au comportement des autres entreprises. Le fait d’agir ainsi en matière de suppléments de dimension aurait en revanche permis à celle-ci de développer une politique autonome en ce qui concerne la fixation du prix de base.

267    Premièrement, force est de constater que l’argumentation de la requérante tendant à alléguer que le fait de s’aligner sur des prix dont la publication est prévue ne saurait en tout état de cause être illégal, même avant ladite publication, apparaît manifestement reposer sur une compréhension erronée du système de publicité prévue par le traité CECA.

268    Il convient en effet de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la publicité obligatoire des prix prévue par l’article 60, paragraphe 2, CA avait pour but, tout d’abord, d’empêcher autant que possible les pratiques interdites, ensuite, de permettre aux acheteurs de se renseigner exactement sur les prix et de participer également au contrôle des discriminations et, enfin, de permettre aux entreprises de connaître exactement les prix de leurs concurrents, pour leur donner la possibilité de s’aligner (voir arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 201 supra, point 308, et la jurisprudence citée).

269    Il est également de jurisprudence constante que les prix qui figurent dans les barèmes doivent être fixés par chaque entreprise de façon indépendante, sans accord, même tacite, entre elles. En particulier, le fait que les dispositions de l’article 60 CA ont tendance à restreindre la concurrence n’empêche pas l’application de l’interdiction des ententes prévue par l’article 65, paragraphe 1, CA. Par ailleurs, l’article 60 CA ne prévoit aucun contact entre les entreprises, préalable à la publication des barèmes, aux fins d’une information mutuelle sur leurs prix futurs. Or, dans la mesure où de tels contacts empêchent que ces mêmes barèmes soient fixés de façon indépendante, ils sont susceptibles de fausser le jeu normal de la concurrence, au sens de l’article 65, paragraphe 1, CA (voir arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 201 supra, points 312 et 313, et la jurisprudence citée).

270    Eu égard à cette jurisprudence, c’est à juste titre que la Commission a estimé en l’espèce que le comportement de la requérante en matière de suppléments de dimension constituait une pratique interdite par l’article 65 CA.

271    Deuxièmement, dès lors que l’alignement des prix des suppléments de dimension de la requérante était le résultat d’une concertation préalable et non de la publication desdits prix, celle-ci ne saurait tirer argument, pour se soustraire à sa responsabilité du fait de sa participation à l’entente, des prétendues « lois de l’économie » qui l’auraient obligée à s’aligner sur les prix fixés par les entreprises leaders du marché.

272    Troisièmement, l’allégation de la requérante selon laquelle, tout en s’adaptant aux prix des suppléments de dimension, elle a pratiqué une politique autonome en matière de prix de base, doit être rejetée pour les motifs exposés au point 252 ci-dessus.

273    En troisième lieu, la requérante fait valoir que le fait d’aligner les prix des suppléments de dimension des ronds à béton armé est une pratique courante au sein de l’Union, ce que la Commission aurait reconnu au considérant 59 de la décision attaquée. Le fait de sanctionner cette pratique en Italie et non dans les autres États membres constituerait un « traitement discriminatoire » que la requérante aurait déjà critiqué pendant la procédure administrative. La Commission n’aurait aucunement répondu à cette critique dans la décision attaquée, en sorte que cette dernière serait entachée d’un défaut de motivation.

274    Un tel argument doit être rejeté.

275    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 15 CA doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T‑45/98 et T‑47/98, Rec. p. II‑3757, point 129 ; voir, par analogie, arrêts de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, Rec. p. I‑9555, point 131).

276    Il suffit à cet égard de constater que la Commission a amplement exposé les raisons pour lesquelles elle a rejeté la thèse selon laquelle l’alignement des prix des suppléments de dimension serait une pratique licite adoptée par les producteurs de ronds à béton, eu égard au fait que, en l’espèce, l’alignement des prix en cause avait fait suite à une concertation préalable (considérants 489 et 499 à 503 de la décision attaquée). La décision attaquée est donc motivée à suffisance de droit à cet égard.

277    La requérante ne saurait davantage invoquer une prétendue violation du « principe de non-discrimination ». D’une part, au considérant 59 de la décision attaquée, la Commission n’a aucunement reconnu l’état de fait susmentionné, mais a pris en considération un argument avancé par Leali selon lequel les opérateurs étrangers avaient tendance à s’adapter aux prix des suppléments pratiqués dans un certain État membre. D’autre part, à supposer même que la situation de la requérante ait été semblable à celle d’autres opérateurs dans d’autres États membres ayant participé à une entente, selon une jurisprudence constante, la circonstance qu’un opérateur qui se trouvait dans une situation semblable à celle de la partie requérante n’a fait l’objet d’aucune constatation d’infraction de la part de la Commission ne saurait permettre d’écarter l’infraction retenue à l’encontre de ladite partie requérante, dès lors que celle-ci a été correctement établie (arrêt Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, point 202 supra, point 146 ; arrêts KE KELIT/Commission, point 247 supra, point 101, et Tokai Carbon e.a./Commission, point 247 supra, point 397).

278    Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le présent grief.

 Sur la limitation de la production ou des ventes

279    Dans le cadre de la présente branche, la requérante rappelle que la Commission a déduit le commencement de sa participation au volet de l’entente relatif à la limitation et au contrôle de la production ou des ventes d’une note interne manuscrite datée du 28 septembre 1998, adressée par son président à son directeur général et à son directeur des ventes, dans laquelle le premier informait les seconds que les producteurs de ronds à béton avaient volontairement réduit leur production pour le mois d’octobre, que la requérante allait avoir droit à 18 000 tonnes et que, « pour des raisons évidentes, [il avait] donné [s]on accord ». Elle soutient toutefois qu’il ne saurait être déduit de ce document son adhésion à l’accord en question, dans la mesure où son président aurait seulement estimé ne rien avoir à objecter à la décision prise par ses concurrents, du fait de sa petite part de marché. Ce ne serait dès lors qu’à partir du mois de décembre 1998 qu’il pourrait lui être reproché d’avoir participé au volet de l’entente relatif à la limitation des ventes.

280    Cette argumentation ne saurait être retenue. En effet, le document en question atteste clairement l’adhésion de la requérante au volet de l’entente relatif à la limitation et au contrôle de la production ou de ventes. Les éventuelles raisons de ladite adhésion sont dépourvues de pertinence pour l’établissement de l’infraction à l’égard de la requérante.

281    Il s’ensuit que la Commission a correctement établi le début de la participation de la requérante au volet de l’entente relatif à la limitation et au contrôle de la production ou des ventes au 28 septembre 1998. Le présent grief doit, partant, être rejeté.

282    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de relever que c’est à bon droit que la Commission a constaté que la requérante avait participé à l’entente pendant la période allant du 1er avril 1993 au 4 juillet 2000, même si elle n’a participé au volet de l’entente relatif à la limitation ou au contrôle de la production ou des ventes qu’à partir du 28 septembre 1998.

283    Il y a dès lors lieu de rejeter le moyen dans son ensemble.

 Sur le moyen tiré du caractère disproportionné du montant de l’amende par rapport à la gravité et à la durée de l’entente

284    Dans le cadre du présent moyen, la requérante conteste le caractère proportionné du montant de l’amende par rapport à la gravité et à la durée de l’entente. Elle soulève également l’existence de circonstances atténuantes.

285    Il convient de rappeler, à titre liminaire, qu’il résulte d’une jurisprudence constante que la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul du montant des amendes. Cette méthode, circonscrite par les lignes directrices de 1998, comporte différents éléments de flexibilité permettant à la Commission d’exercer son pouvoir d’appréciation en conformité avec les dispositions de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 (voir, en ce sens, arrêt Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, point 114 supra, point 112, et la jurisprudence citée).

286    La gravité des infractions au droit de la concurrence de l’Union doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être prise en compte (arrêt de la Cour du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑510/06 P, Rec. p. I‑1843, point 72, et Prym et Prym Consumer/Commission, point 114 supra, point 54).

287    Ainsi qu’il a été exposé au point 30 ci-dessus, la Commission a, en l’espèce, déterminé le montant des amendes en faisant application de la méthode définie dans les lignes directrices de 1998.

288    Si les lignes directrices de 1998 ne sauraient être qualifiées de règle de droit à l’observation de laquelle l’administration serait, en tout cas, tenue, elles énoncent toutefois une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont l’administration ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 251 supra, point 209, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Carbone-Lorraine/Commission, T‑73/04, Rec. p. II‑2661, point 70).

289    En adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 251 supra, point 211, et la jurisprudence citée, et arrêt Carbone-Lorraine/Commission, point 288 supra, point 71).

290    En outre, les lignes directrices de 1998 déterminent, de manière générale et abstraite, la méthodologie que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des entreprises (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 251 supra, points 211 et 213).

291    Conformément aux lignes directrices de 1998, la méthodologie applicable pour le montant de l’amende repose sur la fixation d’un montant de base auquel s’appliquent des majorations pour tenir compte des circonstances aggravantes et des diminutions pour tenir compte des circonstances atténuantes.

292    Selon le point 1 des lignes directrices de 1998, le montant de base est déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction.

293    S’agissant de l’appréciation de la gravité de l’infraction, les lignes directrices de 1998 indiquent, au point 1 A, premier et deuxième alinéas, ce qui suit :

« [L]’évaluation du caractère de gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné. Les infractions seront ainsi classées en trois catégories permettant de distinguer les infractions peu graves, les infractions graves et les infractions très graves. »

294    Il ressort des lignes directrices de 1998 que les infractions peu graves pourront, par exemple, consister en des « restrictions, le plus souvent verticales, visant à limiter les échanges, mais dont l’impact sur le marché reste limité, ne concernant en outre qu’une partie substantielle, mais relativement étroite du marché communautaire » (point 1 A, deuxième alinéa, premier tiret, des lignes directrices de 1998). Quant aux infractions graves, la Commission précise qu’« il s’agira le plus souvent de restrictions horizontales ou verticales de même nature que dans le cas [des infractions peu graves], mais dont l’application est plus rigoureuse, dont l’impact sur le marché est plus large et qui peuvent produire leurs effets sur des zones étendues du marché commun ». Elle indique également qu’il pourrait « s’agir de comportements abusifs de position dominante » (point 1 A, deuxième alinéa, second tiret, des lignes directrices de 1998). S’agissant des infractions très graves, la Commission indique qu’il s’agit « pour l’essentiel de restrictions horizontales de type ‘cartels de prix’ et de quotas de répartition des marchés, ou autres pratiques portant atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur, telles que celles visant à cloisonner les marchés nationaux ou d’abus caractérisés de position dominante d’entreprises en situation de quasi-monopole » (point 1 A, deuxième alinéa, troisième tiret, des lignes directrices de 1998).

295    La Commission précise également que, d’une part, à l’intérieur de chacune de ces catégories, et notamment pour les catégories dites graves et très graves, l’échelle des sanctions retenues permettra de différencier le traitement qu’il convient d’appliquer aux entreprises selon la nature des infractions commises et, d’autre part, il est nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs d’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif (point 1 A, troisième et quatrième alinéas, des lignes directrices de 1998).

296    Selon les lignes directrices de 1998, pour les infractions « très graves », le montant de départ envisageable des amendes va au-delà de 20 millions d’euros, pour les infractions « graves », celui-ci peut varier entre 1 et 20 millions d’euros et, enfin, pour les infractions « peu graves », le montant de départ envisageable des amendes est compris entre 1 000 et 1 million d’euros (point 1 A, deuxième alinéa, premier à troisième tiret, des lignes directrices de 1998).

297    Pour ce qui concerne la durée de l’infraction, selon le point 1 B des lignes directrices de 1998, celle-ci devrait être prise en considération de manière à distinguer :

–        les infractions de courte durée (en général inférieure à un an), pour lesquelles aucun montant additionnel n’est prévu ;

–        les infractions de moyenne durée (en général de un à cinq ans), pour lesquelles un montant pouvant aller jusqu’à 50 % du montant retenu pour la gravité de l’infraction est prévu ;

–        les infractions de longue durée (en général au-delà de cinq ans), pour lesquelles un montant pouvant être fixé pour chaque année à 10 % du montant retenu pour la gravité de l’infraction est prévu.

298    Enfin, ainsi que la Cour l’a rappelé dans ses arrêts du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission (C‑389/10 P, non encore publié au Recueil, point 129) et KME e.a./Commission (C‑272/09 P, non encore publié au Recueil, point 102), il appartient au juge de l’Union d’effectuer le contrôle de légalité qui lui incombe sur la base des éléments apportés par la partie requérante au soutien des moyens invoqués. Lors de ce contrôle, le juge ne saurait s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission ni en ce qui concerne le choix des éléments pris en considération lors de l’application des critères mentionnés dans les lignes directrices ni en ce qui concerne l’évaluation de ces éléments pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait.

299    C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’examiner le présent moyen.

300    La requérante rappelle que la Commission a qualifié de « très graves » les infractions commises par les participants à l’entente (considérant 592 de la décision attaquée).

301    En premier lieu, la requérante fait valoir qu’une telle qualification est contraire aux lignes directrices de 1998, dès lors que l’entente litigieuse n’aurait concerné que des entreprises italiennes opérant sur une partie du marché italien et que l’infraction ne pouvait donc pas, par nature, avoir pour objet, et encore moins pour effet, le cloisonnement des marchés nationaux. En outre, la Commission n’aurait pas tenu compte de la situation de grave difficulté dans laquelle se seraient retrouvés les producteurs de ronds à béton armé dans les années 1990. Enfin, les consommateurs n’auraient pas souffert des initiatives des producteurs italiens dès lors qu’ils auraient pu importer des produits depuis d’autres États membres ou d’autres pays tiers.

302    Il a été rappelé au point 31 ci-dessus que, dans la décision attaquée, la Commission avait considéré qu’une entente ayant pour objet la fixation des prix, mise en œuvre de différentes manières, notamment en ayant recours à la limitation ou au contrôle de la production ou des ventes, constituait une infraction très grave au droit de l’Union (considérant 591 de la décision attaquée). La Commission a rejeté les arguments des entreprises en cause selon lesquels la gravité de l’infraction serait atténuée eu égard aux effets concrets limités sur le marché et au contexte économique dans lequel celles-ci auraient opéré (considérants 583 à 596 de la décision attaquée). Selon la Commission, sans préjudice du caractère très grave de l’infraction, elle a tenu compte, lors de la détermination du montant de base de l’amende, des caractéristiques spécifiques de la présente affaire, en l’occurrence le fait qu’elle porte sur un marché national qui était soumis, à l’époque des faits, à une réglementation particulière du traité CECA et sur lequel les entreprises destinataires de la décision détenaient, dans les premiers temps de l’infraction, des parts limitées (considérant 599 de la décision attaquée).

303    Premièrement, la requérante ne saurait prétendre que l’infraction ne pouvait être qualifiée de « très grave » dès lors qu’elle n’aurait pas eu pour objet ou pour effet le cloisonnement des marchés nationaux. Ainsi qu’il ressort des lignes directrices de 1998, les restrictions horizontales de type « cartels de prix » figurent expressément parmi les infractions qualifiées de « très graves ». Par ailleurs, ainsi que la Commission l’a souligné à juste titre dans la décision attaquée, la circonstance que l’entente a eu des effets sur une partie limitée du marché commun, en l’occurrence la totalité du territoire italien, n’atténue pas la gravité de l’infraction, eu égard à l’importance de la production italienne, l’Italie étant le premier producteur de ronds à béton dans l’Union (considérant 592 de la décision attaquée).

304    À cet égard, il résulte de la jurisprudence que l’étendue du marché géographique ne représente qu’un des trois critères pertinents, selon les lignes directrices de 1998, aux fins de l’appréciation globale de la gravité de l’infraction. Parmi ces critères interdépendants, la nature de l’infraction joue un rôle primordial. En revanche, l’étendue du marché géographique n’est pas un critère autonome en ce sens que seules des infractions concernant plusieurs États membres seraient susceptibles de recevoir la qualification de « très graves ». Ni le traité CE, ni le règlement nº 1/2003, ni les lignes directrices de 1998, ni la jurisprudence ne permettent de considérer que seules des restrictions géographiquement très étendues peuvent être qualifiées ainsi (voir, en ce sens, arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 159 supra, point 311, et la jurisprudence citée). En outre, le territoire entier d’un État membre, même s’il est, en comparaison avec les autres États membres, relativement petit, constitue, en tout état de cause, une partie substantielle du marché commun (voir arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 28, et arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 159 supra, point 312, et la jurisprudence citée).

305    Deuxièmement, c’est à tort que la requérante affirme que la Commission n’a pas tenu compte de la situation de grave difficulté dans laquelle se seraient retrouvés les producteurs de ronds à béton armé dans les années 1990. Elle a en effet souligné, au considérant 64 de la décision attaquée, qu’elle connaissait le contexte économique du secteur de l’acier dans l’Union et du rond à béton en particulier. Au considérant 68 de la décision attaquée, la Commission a également considéré, sans être contredite par la requérante, s’agissant des conditions de crise manifeste dans le secteur de la sidérurgie, que les ronds à béton, qui ne rentraient plus dans le champ d’application du système de quotas depuis le 1er janvier 1986, avaient été exclus du « régime de surveillance » en raison du fait que les ronds à béton étaient pour plus de 80 % fabriqués par de petites entreprises à faibles coûts qui ne connaissent normalement pas de difficultés. L’argument de la requérante ne saurait dès lors prospérer, d’autant qu’il ressort du considérant 599 de la décision attaquée que la Commission a tenu compte, lors de la détermination du montant de base de l’amende, du fait que l’entente avait porté sur un marché national qui était soumis, à l’époque des faits, à une réglementation particulière du traité CECA et sur lequel les entreprises en cause détenaient, dans les premiers temps de l’infraction, des parts limitées.

306    Troisièmement, l’argument de la requérante selon lequel les consommateurs n’auraient pas souffert des initiatives des producteurs italiens, qui serait corroboré par le témoignage de l’association nationale des entreprises de façonnage de fer cité au considérant 63 de la décision attaquée ne peut être retenu.

307    Il doit en effet être relevé que l’article 65 CA vise, à l’instar des autres règles de concurrence énoncées dans les traités, à protéger non pas uniquement les intérêts directs des concurrents ou des consommateurs, mais la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle. Dès lors, la constatation de l’existence de l’objet anticoncurrentiel d’une entente ne saurait être subordonnée à celle d’un lien direct de celle-ci avec les prix à la consommation (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, Rec. p. I‑4529, points 38 et 39).

308    Il ressort du système de sanction des violations des règles de concurrence, tel que mis en place par les règlements nos 17 et 1/2003 et interprété par la jurisprudence, que les ententes telles que les cartels méritent, en raison de leur nature propre, les amendes les plus sévères. L’effet d’une pratique anticoncurrentielle n’est pas, en soi, un critère déterminant pour la détermination du niveau des amendes (arrêt de la Cour du 12 novembre 2009, Carbone-Lorraine/Commission, C‑554/08 P, non publié au Recueil, point 44).

309    Par ailleurs, l’argument de la requérante tiré du fait que les consommateurs pouvaient librement importer des produits en provenance d’autres États membres ou de pays tiers, apparaît, en l’absence d’autres éléments, pour le moins théorique à la lumière du fait que la Commission a constaté, aux considérants 51 à 57 de la décision attaquée, sans être à cet égard contredite par la requérante, que les flux de produits vers l’Italie avaient été tout au plus négligeables durant la période examinée.

310    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que c’est sans violer les lignes directrices de 1998 que la Commission a qualifié l’infraction de « très grave ».

311    S’agissant de la prétendue absence de proportionnalité du montant de départ de l’amende au titre de la gravité, il y a lieu de relever que, en l’espèce, la Commission a jugé opportun de fixer le montant de départ de l’amende infligée à la requérante à 1,75 million d’euros, soit moins d’un dixième du seuil minimal de 20 millions d’euros qui est normalement prévu par les lignes directrices de 1998 pour ce type d’infraction très grave (voir point 1 A, deuxième alinéa, troisième tiret, des lignes directrices de 1998). Le grief tiré de l’absence de proportionnalité du montant de départ de l’amende de la requérante ne saurait dès lors pas non plus être retenu.

312    En deuxième lieu, la requérante fait valoir, s’agissant de l’infraction perpétrée par elle, que tant sa durée que sa gravité, est beaucoup plus limitée que celle retenue par la Commission et que le montant de l’amende qui lui a été infligée est partant disproportionné, notamment eu égard à la différence substantielle de sa position par rapport aux autres entreprises en cause. D’une part, elle relève que la Commission a illégalement englobé dans son calcul la période allant du 13 juin 1995 au 27 septembre 1998, période durant laquelle celle-ci a pourtant reconnu qu’elle n’avait pas participé au volet de l’entente relatif à la limitation ou au contrôle de la production ou des ventes. D’autre part, Ferriere Nord n’aurait jamais participé aux accords sur les prix.

313    À titre liminaire, il doit être constaté qu’il ressort des points 193 à 283 ci-dessus que c’est à bon droit que la Commission a constaté que Ferriere Nord avait participé aux accords relatifs à la fixation du prix de base et du prix des suppléments de dimension.

314    S’agissant de l’absence de participation de la requérante à un volet de l’infraction, relatif à la limitation ou au contrôle de la production ou des ventes, ainsi qu’il a été relevé aux points 196 et 197 ci-dessus, la Commission a conclu dans la présente affaire, sans être contredite par la requérante, que les agissements constatés constituaient une infraction unique, complexe et continue, à laquelle la requérante avait participé au moins pendant la période allant du 1er avril 1993 au 4 juillet 2000. La Commission a ainsi noté que la requérante avait adhéré au volet de l’entente relatif à la fixation du prix de base et des prix des « suppléments de dimension » à partir du 1er avril 1993 et qu’elle avait continué à participer à l’entente en matière de prix de base, de prix des suppléments de dimension et, pendant la période allant du 1er décembre 1994 au 30 septembre 1995, en matière de délais de paiement. La Commission a toutefois relevé que, lorsque l’objet de l’entente s’était étendu également à la limitation ou au contrôle de la production ou des ventes (13 juin 1995), Ferriere Nord n’y avait pas immédiatement adhéré, celle-ci n’ayant commencé à participer à ce volet de l’entente qu’à partir du 28 septembre 1998 (considérants 566 et 606 de la décision attaquée).

315    Pour ce qui concerne les arguments de la requérante relatifs à l’absence de prise en considération de la durée de l’infraction qui lui est reprochée dans la fixation du montant de l’amende, il a été constaté que la Commission avait établi à suffisance de droit que la requérante avait participé à l’entente pendant la période allant du 1er avril 1993 au 4 juillet 2000, même si elle n’avait pas participé au volet de l’entente relatif à la limitation et au contrôle de la production ou des ventes pendant la période allant du 13 juin 1995 au 27 septembre 1998.

316    S’agissant de l’évaluation de la responsabilité individuelle de la requérante, il doit être rappelé que, bien que le fait qu’une entreprise n’ait pas participé à tous les éléments constitutifs d’une entente ou qu’elle ait joué un rôle mineur dans les aspects auxquels elle a participé ne soit pas pertinent pour établir l’existence de l’infraction, un tel élément doit être pris en considération lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction et, le cas échéant, de la détermination du montant de l’amende (voir, en ce sens, arrêts Commission/Anic Partecipazioni, point 201 supra, point 90, et Aalborg Portland e.a./Commission, point 115 supra, point 292).

317    En l’espèce, il y a lieu de relever que la requérante n’a pas participé au volet de l’entente relatif à la limitation et au contrôle de la production ou des ventes pendant la période allant du 13 juin 1995 au 27 septembre 1998. Il y a dès lors lieu de vérifier si, le cas échéant, la Commission a tenu compte de cette circonstance lors de son appréciation de la gravité de l’infraction commise par la requérante et donc de la détermination du montant de son amende.

318    Dans ses écritures, la Commission a affirmé, que, ainsi qu’il ressort du considérant 597 de la décision, lorsqu’elle avait fixé le montant de base de l’amende en fonction de la gravité, elle avait également tenu compte des variations d’intensité de l’entente. Elle a, en conséquence, fixé un montant particulièrement bas pour des infractions de ce type, lequel n’en intègre pas moins les variations d’intensité éventuelles de la participation de chaque entreprise à chaque élément de l’entente. Lors de l’audience, la Commission s’est désistée de l’argument selon lequel le montant de départ général de l’amende intégrait les variations d’intensité éventuelles de la participation de chaque entreprise à chaque élément de l’entente.

319    La Commission a toutefois indiqué, tout d’abord, que les éléments figurant au considérant 613 de la décision attaquée, relatifs à l’absence de reconnaissance du rôle passif de Riva et de Lucchini-SP, pouvaient également s’appliquer à Ferriere Nord. Ensuite, elle a soutenu que le volet de l’entente relatif à la limitation ou au contrôle de la production et des ventes était un volet secondaire de l’entente par rapport à celui sur les prix. Enfin, elle a indiqué que, bien qu’elle n’eût pas retenu de grief spécifique à l’encontre de la requérante à cet égard, Ferriere Nord avait continué à fournir des informations pertinentes sur les quantités et sur les livraisons, en facilitant le volet de l’entente relatif à la limitation ou au contrôle de la production et des ventes pour les autres participants, ce qui aurait justifié que le montant de son amende ne fût pas réduit.

320    Premièrement, il y a lieu de considérer que si, certes, la Commission a fixé le montant de départ de l’amende infligée à la requérante à 1,75 million d’euros, soit moins d’un dixième du seuil minimal de 20 millions d’euros qui est normalement prévu par les lignes directrices de 1998 pour ce type d’infraction très grave, les montants de départ des amendes infligées aux entreprises en cause ont été déterminés non en fonction de leur participation relative à l’infraction, mais en fonction de leur poids spécifique au cours de la période 1990-1999 (considérant 601 de la décision attaquée), ce qui a conduit la Commission à les répartir en trois catégories. Ainsi, le montant de départ de 1,75 million d’euros a été fixé non seulement pour la requérante, mais également pour IRO, qui a pourtant, selon le considérant 606 de la décision attaquée, participé à l’infraction dans sa totalité.

321    Deuxièmement, il ressort expressément du considérant 613 de la décision attaquée que celui-ci ne vise que l’absence de participation de Riva et de Lucchini-SP, pendant une brève période (respectivement du 1er mai au 30 novembre 1998 et du 9 juin au 30 novembre 1998), au volet de l’entente relatif à la limitation ou au contrôle de la production ou des ventes. La Commission ne saurait dès lors se fonder sur ledit considérant, puisqu’il ne vise pas, même implicitement, la requérante, celle-ci n’ayant pas participé à ce volet de l’entente pendant trois ans.

322    Troisièmement, la Commission ne saurait pas non plus prétendre que le volet de l’entente relatif à la limitation ou au contrôle de la production ou des ventes n’aurait été que secondaire par rapport au volet de l’entente sur les prix pour refuser à la requérante une quelconque réduction du montant de son amende à ce titre. Si, certes, la Commission a relevé, notamment au considérant 445 de la décision attaquée, que cette limitation ou ce contrôle apparaissait comme servant l’objectif de soutien des prix, elle a toutefois clairement distingué ce volet de l’entente de celui sur les prix de base et de celui sur les suppléments de dimension et lui a consacré des développements spécifiques aux considérants 445 à 458 et 518 de la décision attaquée. Elle a également expressément indiqué que la requérante n’avait pas participé à ce volet de l’entente entre le 13 juin 1995 et le 27 septembre 1998 (considérant 606 de la décision attaquée).

323    Quatrièmement, l’argument de la Commission, qui n’est d’ailleurs pas étayé, selon lequel Ferriere Nord aurait continué à fournir des informations pertinentes sur les quantités et sur les livraisons, en facilitant le volet de l’entente relatif à la limitation ou au contrôle de la production et des ventes pour les autres participants, ne saurait être retenu, la Commission n’ayant pas retenu de grief à ce sujet à l’égard de la requérante.

324    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que c’est à tort que la Commission n’a pas tenu compte, dans la détermination du montant de l’amende, de l’absence de participation de la requérante au volet de l’entente relatif à la limitation et au contrôle de la production ou des ventes pendant la période allant du 13 juin 1995 au 27 septembre 1998.

325    Dans ces circonstances, et dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal considère qu’il y a lieu de réformer l’article 2 de la décision attaquée et de réduire de 6 % le montant de base de l’amende de la requérante aux fins d’une prise en compte appropriée de l’absence de participation de cette dernière au volet de l’entente relatif à la limitation ou au contrôle de la production ou des ventes. Cette réduction tient compte du fait, relevé au considérant 445 de la décision attaquée, que ce volet de l’entente apparaissait uniquement comme servant l’objectif de soutien des prix.

326    En troisième lieu, la requérante affirme que la Commission aurait dû tenir compte d’autres circonstances atténuantes. Ainsi, la requérante aurait longtemps résisté aux pressions de ses concurrents et n’aurait « capitulé », voire seulement feint de « capituler », que parce qu’elle dépendait des autres entreprises du secteur pour l’acquisition de certains produits. En outre, la requérante n’aurait jamais pris aucune initiative, mais aurait subi celles des autres. Enfin, même l’accord auquel la requérante ne nierait pas avoir participé de décembre 1998 à juin 2000 aurait été interprété par elle comme une occasion de mieux comprendre la situation difficile du marché, reconnue par la Commission elle-même.

327    Conformément au point 3 des lignes directrices de 1998, le rôle exclusivement passif ou suiviste d’une entreprise dans la réalisation de l’infraction constitue, s’il est établi, une circonstance atténuante, étant précisé que ce rôle passif implique l’adoption par l’entreprise concernée d’un « profil bas », c’est-à-dire une absence de participation active à l’élaboration du ou des accords anticoncurrentiels. Parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d’une entreprise au sein d’une entente, peuvent être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux réunions par rapport aux membres ordinaires de l’entente de même que son entrée tardive sur le marché ayant fait l’objet de l’infraction, indépendamment de la durée de sa participation à celle-ci, ou encore l’existence de déclarations expresses en ce sens émanant de représentants d’entreprises tierces ayant participé à l’infraction (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, Rec. p. II‑2473, points 167 et 168 ; du 29 novembre 2005, Union Pigments/Commission, T‑62/02, Rec. p. II‑5057, point 126, et du 30 septembre 2009, Arkema/Commission, T‑168/05, non publié au Recueil, points 148 et 149).

328    Or, il doit être relevé qu’il ressort de la décision attaquée que la requérante n’a pas eu un rôle exclusivement passif ou suiviste, dès lors qu’elle a a) communiqué des informations confidentielles utiles pour une gestion efficace de l’entente (en 1994 et en 1995), b) contribué à la mise en place des pratiques concertées relatives aux prix des suppléments de dimension (en 1996) et c) participé à la quasi-totalité des réunions énumérées aux considérants 280 à 305 de la décision attaquée (en 2000) (considérant 566 de la décision attaquée) .

329    La requérante ne saurait davantage prétendre qu’elle aurait résisté longtemps aux pressions de ses concurrents et n’aurait « capitulé », voire seulement feint de « capituler », que parce qu’elle dépendait des autres entreprises du secteur pour l’acquisition de certains produits. En effet, la requérante ne fait aucunement état d’éventuelles pressions ou menaces de rétorsions qu’elle aurait subies. En outre, il ressort de la jurisprudence que les pressions exercées par des entreprises et visant à amener d’autres entreprises à participer à une infraction au droit de la concurrence ne dégagent pas, quelle que soit leur importance, l’entreprise concernée de sa responsabilité pour l’infraction commise, ne modifient en rien la gravité de l’entente et ne sauraient constituer une circonstance atténuante aux fins du calcul des montants des amendes, dès lors que l’entreprise concernée aurait pu dénoncer les éventuelles pressions aux autorités compétentes et introduire auprès d’elles une plainte (voir, en ce sens, arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 251 supra, points 369 et 370 ; du Tribunal Union Pigments/Commission, point 327 supra, point 63, et du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06, Rec. p. II‑6681, point 212).

330    Par ailleurs, l’argumentation de la requérante tendant à alléguer qu’elle a participé à l’accord sur la limitation des ventes de décembre 1998 à juin 2000 afin de mieux comprendre la situation difficile du marché doit également être écartée. En effet, un tel but ne saurait justifier la participation à des ententes anticoncurrentielles, même lorsque la situation du marché est difficile.

331    C’est partant à juste titre que la Commission n’a pas tenu compte des autres circonstances atténuantes alléguées par la requérante.

 Sur le moyen tiré de l’illégalité de la majoration du montant de l’amende au titre de la récidive

332    La requérante soutient que l’augmentation du montant de son amende de 50 %, au titre de la récidive, en raison du fait qu’elle aurait déjà été destinataire de la décision Treillis soudés, est illégale.

333    Dans le cadre du présent moyen, la requérante conteste, dans un premier temps, la légalité de la majoration du montant de base de son amende au titre de la récidive et, dans un second temps, la proportionnalité de la majoration de 50 % dudit montant de base au titre de cette circonstance aggravante.

 Sur la légalité de la majoration du montant de base de l’amende au titre de la récidive

334    La requérante estime que la majoration du montant de base de son amende au titre de la récidive est illégale en raison, tout d’abord, du temps écoulé entre les infractions qui lui sont reprochées, ensuite, de la différence de nature desdites infractions et, enfin, d’une violation de ses droits de la défense.

335    Il y a lieu de rappeler que la notion de récidive, telle qu’elle est comprise dans un certain nombre d’ordres juridiques nationaux, implique qu’une personne a commis de nouvelles infractions après avoir été sanctionnée pour des infractions similaires (arrêts du Tribunal Thyssen Stahl/Commission, point 201 supra, point 617 ; du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T‑203/01, Rec. p. II‑4071, point 284 ; du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, point 133 supra, point 362, et du 30 septembre 2009, Hoechst/Commission, point 137 supra, point 450). En outre, le point 2 des lignes directrices de 1998 mentionne spécifiquement la « récidive de la même ou [des] mêmes entreprises pour une infraction de même type » dans la liste exemplative des circonstances aggravantes qui peuvent justifier une augmentation du montant de base de l’amende.

336    À titre liminaire, il a été constaté aux points 132 à 137 ci-dessus que la requérante ne saurait faire valoir une impossibilité d’avoir été en mesure d’exercer son droit d’être entendue concernant la prise en compte, par la Commission, de la récidive en tant que circonstance aggravante pour le calcul du montant de l’amende. Son grief tiré d’une violation de ses droits de la défense doit dès lors être écarté.

–       Sur le temps écoulé entre les deux infractions

337    La requérante soutient que la Commission ne pouvait tenir compte, en l’espèce, de sa condamnation dans la décision Treillis soudés, en raison du temps écoulé entre les constats de ces infractions. La majoration de son amende serait, partant, contraire au principe de sécurité juridique et constituerait un abus de pouvoir.

338    Pour déterminer le temps écoulé entre une infraction antérieure et une récidive, il conviendrait de prendre en compte l’intervalle entre les constatations des infractions respectives, ce qui correspondrait en l’espèce à plus de vingt ans (1989-2009), de surcroît du fait d’une erreur de la Commission dans le choix de la base juridique de la décision de 2002, ou, à supposer qu’il faille prendre en compte cette dernière décision, à plus de treize ans (1989-2002). À titre subsidiaire, même à supposer qu’il faille prendre en compte le temps écoulé entre la cessation du premier comportement et le commencement du second, cet intervalle, de près de huit ans en l’espèce, serait également trop long pour fonder un constat de récidive. Par ailleurs, la requérante rappelle que, selon elle, le second comportement n’a pas commencé en 1993, mais seulement en 1998. En tout état de cause, la requérante soutient qu’il ne faut pas prendre en compte le temps écoulé entre le constat de la première infraction et la répétition du comportement illégal pour établir l’intervalle qui sépare une première infraction d’une récidive.

339    La requérante ajoute qu’il est d’autant moins possible de retenir la récidive que l’infraction dans l’affaire ayant donné lieu à la décision Treillis soudés a été considérée comme « grave » et non comme « très grave » et qu’elle a été condamnée à une amende notoirement inférieure à celles infligées aux entreprises responsables des infractions les plus graves dans cette affaire.

340    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le temps écoulé entre l’infraction en cause et un précédent manquement aux règles de concurrence doit être pris en compte pour apprécier la propension de l’entreprise en cause à s’affranchir des règles de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, Rec. p. I‑5361, point 70).

341    En premier lieu, pour ce qui concerne la détermination de la période qui s’est écoulée entre une infraction et la récidive de la même entreprise pour une infraction de même type, d’une part, il y a lieu de considérer que cette période commence nécessairement au moment de la constatation de la première infraction, puisque ce n’est qu’à ce moment-là que cette infraction est établie. En effet, pour que la Commission puisse tenir compte d’une récidive, l’entreprise concernée doit avoir été préalablement considérée comme coupable d’une infraction du même type (voir, en ce sens, arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, point 340 supra, point 86). À l’inverse, tant qu’une infraction n’a pas été constatée par une décision, la Commission ne saurait en tenir compte au titre de la récidive (voir, en ce sens, arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 201 supra, points 617 à 624).

342    À cet égard, une politique de sanction de la récidive n’a d’effet utile sur l’auteur d’une infraction que dans la mesure où la menace d’une sanction plus sévère en cas de nouvelle infraction peut l’inciter à modifier son comportement. En effet, la prise en compte de la récidive se justifie par le besoin de dissuasion supplémentaire dont témoigne le fait qu’un constat d’infraction antérieure n’a pas suffi à empêcher la réitération d’une infraction. Ainsi, la récidive est nécessairement constituée postérieurement au constat et à la sanction de la première infraction, puisqu’elle s’explique par le fait que cette sanction n’a pas été suffisamment dissuasive (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, Rec. p. II‑1333, point 392).

343    D’autre part, le commencement du comportement récidiviste coïncide nécessairement avec le début de l’infraction constatée par la décision dans laquelle la Commission constate la récidive, puisque c’est à partir du moment où le comportement illégal est réitéré qu’il y a récidive. Il ressort ainsi de la jurisprudence que la répétition d’un comportement infractionnel peu de temps après l’adoption de la décision sanctionnant un précédent comportement infractionnel de la même entreprise témoigne d’une propension de l’entreprise en cause à ne pas tirer les conséquences appropriées du constat à son égard d’une infraction aux règles du droit de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 juillet 2011, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑38/07, Rec. p. II‑4383, point 95).

344    Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la requérante, la période à prendre en considération pour apprécier le temps écoulé entre une infraction et un comportement récidiviste est celle comprise entre le constat de la première infraction et le début du comportement infractionnel récidiviste, et non le seul constat de ce dernier par la Commission.

345    En l’espèce, il doit être rappelé qu’il résulte des points 193 à 283 ci-dessus que c’est à bon droit que la Commission a constaté que la requérante avait participé à l’entente pendant la période allant du 1er avril 1993 au 4 juillet 2000. Dès lors que la décision Treillis soudés a été adoptée le 2 août 1989 et que la requérante a commencé à participer à l’infraction constatée dans la décision attaquée le 1er avril 1993, il y a lieu de considérer que trois ans et huit mois se sont écoulés entre le constat de l’infraction dans la décision Treillis soudés et le comportement récidiviste de la requérante dans la présente affaire.

346    En deuxième lieu, s’agissant de la question de savoir si, au vu du temps écoulé entre la décision Treillis soudés et la décision attaquée, la Commission pouvait à bon droit retenir la circonstance aggravante de récidive, il doit être relevé que ni le règlement n° 1/2003 ni les lignes directrices de 1998 ne prévoient un délai maximal au-delà duquel une récidive ne saurait être prise en compte et que l’absence d’un tel délai ne viole pas le principe de sécurité juridique (voir, en ce sens, arrêts du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, point 137 supra, points 36 à 38, et du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, point 340 supra, points 66 et 67).

347    La Cour a précisé que cela ne signifiait pas qu’il est possible pour la Commission de procéder à une majoration du montant de l’amende au titre de la récidive sans limitation dans le temps. La Commission peut toutefois, dans chaque cas, prendre en considération les indices tendant à confirmer la propension d’une entreprise à s’affranchir des règles de concurrence, y compris, par exemple, le temps qui s’est écoulé entre les infractions en cause (arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, point 340 supra, points 68 et 69).

348    Il a été constaté au point 345 ci-dessus que, en l’espèce, l’infraction avait débuté moins de quatre ans après l’adoption de la décision Treillis soudés. La brièveté de ce laps de temps témoigne d’une forte propension de la requérante à s’affranchir des règles de concurrence et d’un effet dissuasif assez limité de la sanction imposée pour le précédent manquement à ces règles. Cela est d’autant plus vrai que, ainsi que le fait remarquer à juste titre la Commission, le recours en annulation de la requérante contre la décision Treillis soudés a été rejeté par l’arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, confirmé sur pourvoi par la Cour le 17 juillet 1997 (arrêt de la Cour du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C‑219/95 P, Rec. p. I‑4411, et arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Ferriere Nord/Commission, T‑143/89, Rec. p. II‑917), alors que la requérante participait à l’infraction constatée dans la décision attaquée.

349    Il s’ensuit que c’est à bon droit que la Commission a estimé que, en l’espèce, au regard du temps écoulé entre l’infraction en cause et le précédent manquement aux règles de concurrence, la majoration du montant de base de l’amende de la requérante au titre de la récidive était justifiée.

350    En troisième lieu, le constat de la forte propension de la requérante à s’affranchir des règles de concurrence, dont témoigne la reprise de ses activités illégales moins de quatre ans après l’adoption de la décision Treillis soudés, ne saurait être remis en cause par le caractère prétendument moins grave de l’infraction constatée dans la décision Treillis soudés, ni par le niveau prétendument inférieur du montant de l’amende qui lui a été infligée dans cette décision par rapport aux amendes infligées aux autres entreprises en cause.

351    À supposer même que le caractère plus ou moins grave d’une infraction antérieure puisse entrer en ligne de compte lors de l’examen de la proportionnalité de la majoration du montant de l’amende au titre de la récidive, il y a lieu de considérer qu’il est sans pertinence s’agissant du constat même d’une récidive, pour autant que, conformément aux lignes directrices de 1998, il s’agisse d’une récidive pour une infraction du même type. Or, en l’espèce, l’infraction constatée à l’égard de la requérante dans la décision Treillis soudés est du même type que l’infraction constatée dans la décision attaquée, puisqu’il s’agissait dans les deux cas d’ententes consistant à fixer des prix de vente, à restreindre les ventes et à se répartir les marchés (arrêt du 6 avril 1995, Ferriere Nord/Commission, point 348 supra, point 6).

352    Il résulte des considérations qui précèdent que l’argumentation de la requérante visant à démontrer l’impossibilité de tenir compte, en l’espèce, de la circonstance aggravante de récidive en raison de la période écoulée entre les infractions ne saurait prospérer.

353    Le premier volet de la première branche du présent moyen doit donc être écarté.

–       Sur la nature des infractions reprochées à la requérante

354    La requérante rappelle que, en vertu du point 2, premier tiret, des lignes directrices de 1998, la récidive de la même ou des mêmes entreprises peut être retenue en tant que circonstance aggravante s’il s’agit d’une infraction de même type. Or, selon la requérante, cette condition, qui devrait être interprétée restrictivement en l’absence d’une définition légale, n’est pas remplie en l’espèce. Elle fait valoir que, conformément au dispositif de la décision Treillis soudés, elle devait s’abstenir à l’avenir d’un comportement anticoncurrentiel dans le secteur des treillis soudés, produit qui relève d’ailleurs du traité CE et non du traité CECA. Dès lors que la requérante se serait conformée à cette décision en s’abstenant de tout accord ou pratique concertée dans ce secteur, elle n’aurait pas commis une infraction de même type, au sens des lignes directrices de 1998.

355    Une telle argumentation ne saurait être retenue. En effet, ce qui compte pour établir qu’une entreprise a commis une infraction « de même type » est le caractère similaire des comportements en cause et non le secteur économique concerné (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Michelin/Commission, point 335 supra, points 285 et 286 ; du 12 décembre 2007, BASF et UCB/Commission, T‑101/05 et T‑111/05, Rec. p. II‑4949, point 64 ; du 30 septembre 2009, Hoechst/Commission, point 137 supra, point 474, et Imperial Chemical Industries/Commission, point 118 supra, points 376 à 381).

356    Dès lors que l’infraction constatée dans la décision Treillis soudés est semblable à l’infraction en cause en l’espèce, puisqu’il s’agissait également d’ententes consistant à fixer des prix de vente, à restreindre les ventes et à se répartir les marchés (voir point 351 ci-dessus), la Commission a pu à bon droit conclure que l’infraction sanctionnée par la décision attaquée constituait une récidive de la même entreprise pour une infraction de même type.

357    La requérante ne saurait à cet égard valablement invoquer le droit italien aux fins de démontrer que l’expression « infraction de même type », figurant dans les lignes directrices de 1998, aurait dû être légalement définie, dès lors qu’il ne saurait, sans remettre en cause l’application uniforme des principes du droit de la concurrence de l’Union, être fait dépendre ce dernier des règles de droit national (voir, en ce sens, arrêt de la Cour Suiker Unie e.a./Commission, point 202 supra, point 478, et conclusions de l’avocat général Mme Rozès sous l’arrêt de la Cour du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, 1718).

358    De même, eu égard aux considérations rappelées aux points 65 et 72 ci-dessus, le fait que l’infraction constatée dans la décision Treillis soudés relevait du traité CE alors que l’infraction en cause en l’espèce relève du traité CECA ne saurait pas non plus faire obstacle à la possibilité de tenir compte de la première infraction au titre de la récidive (voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 19 mai 2010, Outokumpu et Luvata/Commission, T‑20/05, non publié au Recueil, point 61).

359    Partant, il doit être admis que, une fois que la Commission a établi par voie de décision la participation d’une entreprise à une entente, conformément à la compétence qui lui est octroyée, cette décision pourra servir de base pour évaluer, dans le cadre d’une nouvelle décision, la propension de cette entreprise à enfreindre des règles relatives aux ententes (arrêt Outokumpu et Luvata/Commission, point 358 supra, point 62).

360    Au demeurant, aucun élément dans les lignes directrices de 1998 n’indique que le fait que doive être en cause une « récidive de la même ou [des] mêmes entreprises pour une infraction de même type » doit être entendu dans le sens que la Commission ne peut pas prendre en compte, afin de constater une récidive dans le cadre de l’application de l’article 81 CE, des infractions constatées en vertu du traité CECA. Au contraire, il ressort de l’intitulé des lignes directrices de 1998 que celles-ci s’appliquent tant au calcul du montant des amendes infligées en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 qu’à celui du montant des amendes infligées en vertu de l’article 65, paragraphe 5, CA (arrêt Outokumpu et Luvata/Commission, point 358 supra, point 63).

361    Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que la Commission a conclu que, en l’espèce, il y avait lieu de constater qu’il y avait eu récidive de la même entreprise pour une infraction de même type. Le second volet de la première branche du présent moyen doit donc également être écarté.

 Sur la proportionnalité de la majoration de 50 % du montant de base de l’amende au titre de la récidive

362    La requérante considère que la majoration du montant de son amende de 50 % au titre de la récidive est excessive au regard de son rôle secondaire dans l’entente ainsi qu’au regard de la différence entre les deux infractions constatées et du temps écoulé entre celles-ci. La requérante considère en outre que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation à cet égard.

363    En premier lieu, s’agissant du prétendu défaut de motivation, il doit être rappelé, en ce qui concerne le contrôle du respect de l’obligation de motivation concernant le calcul du montant d’une amende infligée pour violation des règles de concurrence de l’Union, que les exigences de la formalité substantielle que constitue l’obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation dont elle a tenu compte en application de ses lignes directrices et, le cas échéant, de sa communication sur la coopération, et qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction aux fins du calcul du montant de l’amende (arrêt Cheil Jedang/Commission, point 327 supra, point 218).

364    En l’espèce, la Commission a satisfait à ces exigences. Il convient en effet de constater que la Commission a indiqué, au considérant 610 de la décision attaquée, qu’elle jugeait nécessaire d’augmenter de 50 % le montant de base de l’amende infligée à la requérante en raison du fait que celle-ci avait déjà été destinataire de la décision Treillis soudés. Cette indication permet à la requérante de connaître la justification de la mesure prise, afin de faire valoir ses droits, et met le juge de l’Union en mesure d’exercer son contrôle.

365    S’agissant du niveau de l’augmentation du montant de base de l’amende infligée à la requérante au titre de la récidive, il doit être précisé qu’il n’incombe pas à la Commission, au titre de l’obligation de motivation, d’indiquer dans sa décision les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul du montant des amendes (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C‑286/98 P, Rec. p. I‑9925, point 66 ; voir également, s’agissant de la majoration du montant de l’amende pour récidive, arrêt du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, point 160 supra, point 743).

366    Il s’ensuit que le grief de la requérante, tiré de la violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne le niveau de la majoration du montant de son amende au titre de la récidive, doit être écarté.

367    S’agissant du bien-fondé de la critique de la requérante relative au niveau de ladite augmentation, il doit être rappelé que, dans la fixation du montant de l’amende, la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation et n’est pas tenue d’appliquer des formules mathématiques précises (arrêt Michelin/Commission, point 335 supra, point 292). Pour apprécier la gravité d’une infraction en vue de déterminer le montant de l’amende, la Commission doit prendre en considération non seulement les circonstances particulières de l’espèce, mais également le contexte dans lequel l’infraction se place et veiller au caractère dissuasif de son action, surtout pour les types d’infractions particulièrement nuisibles pour la réalisation des objectifs de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, point 133 supra, point 347).

368    À cet égard, la récidive est une circonstance qui justifie une augmentation considérable du montant de base de l’amende. En effet, la récidive constitue la preuve de ce que la sanction antérieurement imposée n’a pas été suffisamment dissuasive (arrêts Michelin/Commission, point 335 supra, point 293, et du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, point 133 supra, point 348). Par ailleurs, puisque la circonstance de la récidive se rapporte à la propension de l’auteur de l’infraction à commettre de telles infractions, elle est un indice très significatif de la gravité du comportement en cause et, partant, de la nécessité d’élever le niveau de sanction aux fins d’une dissuasion effective (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, point 133 supra, point 349).

369    Premièrement, pour ce qui est de l’argument de la requérante selon lequel le niveau de la majoration de son amende pour récidive serait excessif compte tenu du temps écoulé entre les deux infractions, il doit être relevé que le principe de proportionnalité exige que le temps écoulé entre l’infraction en cause et un précédent manquement aux règles de concurrence soit pris en compte pour apprécier une telle propension de l’entreprise à s’affranchir de ces règles. Dans le cadre du contrôle juridictionnel exercé sur les actes de la Commission en matière de droit de la concurrence, le Tribunal et, le cas échéant, la Cour peuvent donc être appelés à vérifier si la Commission a respecté ledit principe lorsqu’elle a majoré, au titre de la récidive, le montant de l’amende infligée, et, en particulier, si une telle majoration s’imposait notamment au regard du temps écoulé entre l’infraction en cause et le précédent manquement aux règles de concurrence (arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, point 340 supra, point 70).

370    Il a été relevé aux points 345 et 348 ci-dessus que, en l’espèce, l’infraction avait débuté moins de quatre ans après l’adoption de la décision sanctionnant l’infraction précédente et que la brièveté de ce laps de temps témoignait d’une forte propension de la requérante à s’affranchir des règles de concurrence et d’un effet dissuasif assez limité de la sanction imposée pour le précédent manquement à ces règles.

371    Dans ces conditions, l’application d’une majoration de 50 % du montant de base de l’amende de la requérante au titre de la récidive n’est pas disproportionnée eu égard au temps écoulé entre les infractions en cause.

372    Deuxièmement, la requérante considère que la majoration du montant de son amende de 50 % au titre de la récidive est excessive au regard du rôle secondaire joué par elle dans l’entente en cause en l’espèce.

373    Cette argumentation ne saurait pas non plus prospérer. En effet, la question de savoir s’il convient d’appliquer, au titre des circonstances aggravantes, une certaine majoration du montant de l’amende au titre de la récidive, est à distinguer de la question de savoir s’il convient d’appliquer, au titre des circonstances atténuantes, une certaine réduction du montant de l’amende en raison d’un rôle passif ou suiviste de l’entreprise en question. Il s’agit là en effet de deux stades différents de la fixation du montant de l’amende (voir, en ce sens, arrêt BPB/Commission, point 342 supra, point 410).

374    Troisièmement, la requérante fait valoir que l’augmentation du montant de son amende au titre de la récidive est excessive au regard d’autres décisions de la Commission. Un tel argument doit toutefois être rejeté, la Cour ayant itérativement jugé que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne servait pas de cadre juridique applicable aux amendes en matière de droit de concurrence et que des décisions concernant d’autres affaires n’avaient qu’un caractère indicatif en ce qui concernait l’existence de discriminations (arrêts de la Cour du 21 septembre 2006, JCB Service/Commission, C‑167/04 P, Rec. p. I‑8935, point 205 ; Erste Group Bank e.a./Commission, point 92 supra, point 233, et du 19 avril 2012, Tomra Systems e.a./Commission, C‑549/10 P, non encore publié au Recueil, point 104). Par ailleurs, s’agissant des comparaisons effectuées avec d’autres décisions de la Commission rendues lorsqu’elle inflige des amendes pour infraction aux règles de concurrence, ces décisions ne peuvent être pertinentes au regard du respect du principe d’égalité de traitement que s’il est démontré que les données circonstancielles des affaires relatives à ces autres décisions sont identiques à celles de l’espèce (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 13 janvier 2004, JCB Service/Commission, T‑67/01, Rec. p. II‑49, point 187, et BPB/Commission, point 342 supra, point 404). Or, une telle démonstration fait défaut en l’espèce.

375    Enfin, quatrièmement, pour les motifs figurant au point 357 ci-dessus, la requérante ne saurait tirer aucun argument valable de la référence à l’article 99 du code pénal italien, selon lequel la majoration du montant de l’amende en cas de récidive ne peut excéder un sixième ou, en cas d’infraction de même nature, un tiers de la peine.

376    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le niveau de la majoration du montant de l’amende de la requérante au titre de la circonstance aggravante de la récidive n’est pas disproportionné. La seconde branche du présent moyen doit donc être écartée, ainsi que le moyen dans son ensemble.

 Sur le moyen tiré de l’absence de reconnaissance des circonstances atténuantes autres que celles prévues par la communication sur la coopération de 1996

377    La requérante soutient que la Commission n’a pas pris en considération, dans le calcul du montant de son amende, les circonstances atténuantes qui devaient objectivement lui être reconnues, eu égard à son propre comportement. Elle estime toutefois, dans sa requête, qu’il est inutile d’indiquer, point par point, la coïncidence entre les circonstances atténuantes énumérées dans les lignes directrices de 1998 et les différents aspects de son comportement et qu’il suffit de se référer à l’exposé en fait et en droit effectué dans la requête. Elle se fonde à cet égard uniquement, dans la note en bas de page n129 de sa requête, à sa « communication spontanée » du 14 février 2001, laquelle a précédé sa coopération au sens de la communication sur la coopération de 1996. Dans sa réplique, la requérante indique que, s’agissant d’éléments de fait et de droit sur lesquels reposent également d’autres moyens du recours, elle aurait estimé plus opportun d’opérer un renvoi aux autres points de sa requête, dans la mesure où la jurisprudence admettrait que des arguments identiques soient avancés pour prétendre à la violation de règles de droit différentes. En outre, un tel renvoi n’aurait pas empêché la Commission de préparer sa défense, ni le Tribunal d’exercer son contrôle.

378    Il convient de rappeler que, selon l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T‑352/94, Rec. p. II‑1989, point 333).

379    Force est de constater que, contrairement à ce qu’elle prétend, la requérante n’a pas opéré de renvoi à des points précis de la requête, mais s’est contentée, sous réserve d’une mention sommaire de son mémoire du 14 février 2001, qui n’est pas non plus étayée, d’un renvoi général aux éléments de fait et de droit exposés dans celle-ci. Or, une formulation aussi laconique de son moyen ne satisfait pas aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure. En effet, la requérante n’explicite nullement les raisons pour lesquelles les éléments de fait et de droit exposés dans la requête, qui ne sont pas davantage précisés, justifiaient qu’elle bénéficie d’une quelconque circonstance atténuante.

380    Le présent moyen est partant irrecevable.

381    En tout état de cause, pour ce qui concerne l’invocation par la requérante de son mémoire du 14 février 2001, il suffit de constater que l’infraction constatée dans la décision attaquée relève du champ d’application de la communication sur la coopération de 1996 qui concerne les ententes secrètes relatives à la fixation des prix, des quotas de production ou de vente, à la répartition des marchés ou encore à la restriction des importations ou des exportations. Le mémoire présenté par la requérante le 14 février 2001 a d’ailleurs été apprécié par la Commission au regard de ladite communication.

382    La requérante ne saurait dès lors reprocher à la Commission de ne pas avoir pris en compte sa coopération au cours de la procédure en tant que circonstance atténuante, en dehors du cadre juridique de la communication sur la coopération de 1996 (voir, en ce sens, arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 251 supra, points 380 à 382 ; du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec. p. II‑1487, points 609 et 610, et du 15 mars 2006, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑497, point 586).

383    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le présent moyen doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré de l’application erronée de la communication sur la coopération de 1996

384    Dans le cadre du présent moyen, la requérante fait valoir que c’est à tort que la Commission a considéré qu’elle ne pouvait pas bénéficier de la réduction du montant de l’amende prévue au point C de la communication sur la coopération de 1996. Elle soutient également que, en tout état de cause, la réduction qui lui a été accordée en application du point D de ladite communication est insuffisante.

 Observations liminaires

385    Il doit être relevé que, ainsi que la Commission l’a indiqué au considérant 633 de la décision attaquée, bien qu’elle ait publié, le 19 février 2002 (JO C 45, p. 3) et le 8 décembre 2006 (JO C 298, p. 17), de nouvelles communications sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes, c’est la communication sur la coopération de 1996 qui a été appliquée en l’espèce.

386    Dans la communication sur la coopération de 1996, la Commission a défini les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête sur une entente pourraient être exemptées d’amende ou bénéficier d’une réduction du montant de l’amende qu’elles auraient autrement dû acquitter (point A, paragraphe 3, de la communication sur la coopération de 1996).

387    Selon le point B de la communication sur la coopération de 1996, « [l’]entreprise qui : a) dénonce l’entente secrète à la Commission avant que celle-ci ait procédé à une vérification sur décision auprès des entreprises parties à l’entente, et sans qu’elle dispose déjà d’informations suffisantes pour prouver l’existence de l’entente dénoncée ; b) est la première à fournir des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente ; c) a mis fin à sa participation à l’activité illicite au plus tard au moment où elle dénonce l’entente ; d) fournit à la Commission toutes les informations utiles, ainsi que tous les documents et éléments de preuve dont elle dispose au sujet de l’entente et maintient une coopération permanente et totale tout au long de l’enquête ; e) n’a pas contraint une autre entreprise à participer à l’entente ni eu un rôle d’initiation ou un rôle déterminant dans l’activité illicite, bénéficie d’une réduction d’au moins 75 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération, réduction pouvant aller jusqu’à la non-imposition totale de l’amende ».

388    Le point C de la communication sur la coopération de 1996 prévoit que « [l]’entreprise qui, remplissant les conditions exposées au [point] B [, sous] b) à e), dénonce l’entente secrète après que la Commission a procédé à une vérification sur décision auprès des entreprises parties à l’entente, sans que cette vérification ait pu donner une base suffisante pour justifier l’engagement de la procédure en vue de l’adoption d’une décision, bénéficie d’une réduction de 50 à 75 % du montant de l’amende ».

389    Le point D, paragraphe 1, de la communication sur la coopération de 1996 dispose enfin que, « [l]orsqu’une entreprise coopère sans que les conditions exposées aux [points] B et C soient toutes réunies, elle bénéficie d’une réduction de 10 à 50 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération », tandis que son paragraphe 2 précise ce qui suit :

« Tel peut notamment être le cas si :

–        avant l’envoi d’une communication des griefs, une entreprise fournit à la Commission des informations, des documents ou d’autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l’existence de l’infraction commise,

–        après avoir reçu la communication des griefs, une entreprise informe la Commission qu’elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations. »

390    Il convient également de rappeler que l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, lequel constitue la base juridique pour l’imposition des amendes en cas d’infraction aux règles de la concurrence de l’Union, confère à la Commission une marge d’appréciation dans la fixation des amendes (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T‑229/94, Rec. p. II‑1689, point 127) qui est, notamment, fonction de sa politique générale en matière de concurrence (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, point 133 supra, points 105 et 109). C’est dans ce cadre que, pour assurer la transparence et le caractère objectif de ses décisions en matière d’amendes, la Commission a adopté et publié la communication sur la coopération de 1996. Il s’agit d’un instrument destiné à préciser, dans le respect du droit de rang supérieur, les critères qu’elle compte appliquer dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Il en résulte une autolimitation de ce pouvoir (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 30 avril 1998, Vlaams Gewest/Commission, T‑214/95, Rec. p. II‑717, point 89), dans la mesure où il appartient à la Commission de se conformer aux règles indicatives qu’elle s’est imposées (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T‑380/94, Rec. p. II‑2169, point 57).

391    L’autolimitation du pouvoir d’appréciation de la Commission résultant de l’adoption de la communication sur la coopération de 1996 n’est toutefois pas incompatible avec le maintien d’une marge d’appréciation substantielle pour la Commission (voir, par analogie, arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 159 supra, point 224).

392    La communication sur la coopération de 1996 contient, en effet, différents éléments de flexibilité qui permettent à la Commission d’exercer son pouvoir discrétionnaire en conformité avec les dispositions de l’article 23 du règlement n° 1/2003, telles qu’interprétées par la Cour (voir, par analogie, arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 159 supra, point 224).

393    Ainsi, il doit être relevé que la Commission bénéficie d’une large marge d’appréciation pour évaluer la qualité et l’utilité de la coopération fournie par une entreprise, notamment par rapport aux contributions d’autres entreprises (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C‑328/05 P, Rec. p. I‑3921, point 88, et arrêt du 30 septembre 2009, Hoechst/Commission, point 137 supra, point 555). L’appréciation de la qualité et de l’utilité de la coopération fournie par une entreprise implique en effet des appréciations factuelles complexes (voir, en ce sens, arrêt SGL Carbon/Commission, précité, point 81, et arrêt du 8 octobre 2008, Carbone Lorraine/Commission, point 288 supra, point 271).

394    De même, la Commission, après avoir constaté que des éléments de preuve contribuaient à confirmer l’existence de l’infraction commise, dispose d’une marge d’appréciation lorsqu’elle est appelée à déterminer le niveau exact de la réduction du montant de l’amende à accorder à l’entreprise concernée. En effet, le point D, paragraphe 1, de la communication sur la coopération de 1996 prévoit une fourchette pour la réduction du montant de l’amende.

395    Eu égard à la marge d’appréciation dont dispose la Commission pour évaluer la coopération d’une entreprise au titre de la communication sur la coopération de 1996, seul un excès manifeste de cette marge est susceptible d’être censuré par le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt SGL Carbon/Commission, point 393 supra, points 81, 88 et 89, et du 30 septembre 2009, Hoechst/Commission, point 137 supra, point 555).

396    Ainsi qu’il a été souligné au point 298 ci-dessus, lors de ce contrôle, le juge ne saurait toutefois s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission ni en ce qui concerne le choix des éléments pris en considération lors de l’application des critères mentionnés dans la communication sur la coopération de 1996 ni en ce qui concerne l’évaluation de ces éléments pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait.

 Sur l’applicabilité du point C de la communication sur la coopération de 1996

397    La requérante soutient qu’elle remplit toutes les conditions requises pour l’application de la réduction prévue au point C de la communication sur la coopération de 1996. D’une part, elle remplirait les conditions prévues au point B, sous b) à e), de ladite communication. Ainsi, elle aurait été la première et la seule des entreprises concernées à fournir des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente. À la date à laquelle elle a dénoncé l’entente, elle aurait déjà cessé d’y participer. Elle aurait coopéré à l’enquête, notamment en fournissant, le 14 février 2001, spontanément à la Commission une communication accompagnée de nombreux documents permettant notamment à celle-ci de découvrir l’identité de certaines des entreprises concernées. Enfin, elle n’aurait jamais contraint aucune entreprise à participer à l’entente, mais aurait, à l’inverse, elle-même été contrainte d’y participer.

398    D’autre part, elle remplirait la seconde condition prévue au point C de la communication sur la coopération de 1996, à savoir le fait d’avoir dénoncé l’entente après que la Commission a procédé à une vérification sur décision auprès des entreprises parties à l’entente, sans que cette vérification ait pu donner une base suffisante pour justifier l’engagement de la procédure en vue de l’adoption d’une décision. La requérante aurait en effet rédigé une note interne décrivant minutieusement toutes les réunions qui se seraient tenues de janvier à juillet 2000 et aurait permis aux agents de la Commission de découvrir ladite note en accédant à ses locaux le 19 octobre 2000, en sorte que, dans les faits, la requérante aurait dénoncé l’entente.

399    Il convient, à titre liminaire, de relever qu’il découle du libellé même du point C de la communication sur la coopération de 1996 que les deux conditions requises pour l’application de cette disposition sont cumulatives (voir point 388 ci-dessus).

400    Il y a par ailleurs lieu de rappeler que, selon la communication sur la coopération de 1996, seule bénéficie d’une non-imposition d’amende ou d’une réduction très importante de son montant l’entreprise qui est la première à fournir des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente.

401    Il convient également de souligner que le texte même du point B, sous b), de la communication sur la coopération de 1996 ne requiert pas que la « première » entreprise ait fourni l’ensemble des éléments prouvant tous les détails du fonctionnement de l’entente. Conformément à cette disposition, pour pouvoir être considérée comme telle, il suffit à une entreprise d’apporter « des » éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente. Ce texte n’exige pas non plus que les éléments fournis soient, à eux seuls, suffisants pour l’élaboration d’une communication des griefs, voire pour l’adoption d’une décision finale constatant l’existence d’une infraction. Toutefois, si les éléments visés audit point B, sous b), ne doivent pas nécessairement être, en eux-mêmes, suffisants pour prouver l’existence de l’entente, ils doivent néanmoins être déterminants à cette fin. Il doit donc s’agir non pas simplement d’une source permettant d’orienter les investigations à mener par la Commission, mais d’éléments susceptibles d’être utilisés directement comme base probatoire principale pour une décision de constatation d’infraction (arrêt de la Cour du 9 juillet 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑511/06 P, Rec. p. I‑5843, point 150).

402    En premier lieu, pour déterminer si, en l’espèce, la requérante a été la première entreprise à fournir des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente, il doit être rappelé que, selon les termes de son mémoire du 14 février 2001, Ferriere Nord a, par le biais de ce mémoire, transmis à la Commission des éclaircissements sur les documents trouvés dans ses locaux lors de la vérification du 19 octobre 2000. Ferriere Nord a notamment joint à ce mémoire une copie d’un tableau obtenu lors de la vérification, qu’elle a complété en y ajoutant le nom des entreprises, qui étaient codés dans le document détenu par la Commission.

403    Ainsi que le relève à juste titre la Commission, ce tableau, ainsi complété, établit un lien avec le document « Hypothèse de travail » relatif à l’accord de septembre à novembre 1998 sur les quotas de vente (considérants 245 à 260 de la décision attaquée), puisqu’il reprenait les noms des entreprises qui y étaient mentionnées et indiquait les quotas attribués, sous forme de pourcentages. Il peut ainsi être déduit de ce tableau, dont les pourcentages diffèrent légèrement des pourcentages mentionnés dans l’accord précité, qu’il a été satisfait aux demandes de Valsabbia et d’IRO qui souhaitaient une augmentation de leurs quotas établis sur la base de l’accord de la fin de 1998 (considérants 249 et 253 de la décision attaquée).

404    Il ne saurait toutefois être considéré que, ce faisant, la requérante a fourni des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente. Si ce document a, certes, permis à la Commission de mieux comprendre le fonctionnement de l’accord de septembre à novembre 1998, il doit être relevé que la Commission disposait déjà de la preuve de l’existence de cet accord, puisque, lors des vérifications, elle avait découvert une copie de trois versions de l’accord en question (considérant 247 de la décision attaquée) ainsi que d’autres documents qui confirmaient l’entrée en vigueur du système de quotas de vente faisant l’objet de l’accord même à partir de décembre 1998 (considérant 248 de la décision attaquée).

405    Il s’ensuit que la requérante ne saurait prétendre à une réduction du montant de son amende en vertu du point C de la communication sur la coopération de 1996.

406    En tout état de cause, la requérante ne saurait pas non plus soutenir qu’elle a dénoncé l’entente après que la Commission a procédé à une vérification sur décision auprès des entreprises parties à l’entente, sans que cette vérification ait pu donner une base suffisante pour justifier l’engagement de la procédure en vue de l’adoption d’une décision. En effet, la requérante rappelle elle-même que la note interne visée au point 398 ci-dessus a été trouvée dans ses locaux lors des vérifications de la Commission. Elle ne saurait dès lors être considérée comme ayant « dénoncé » l’entente.

407    La première branche du présent moyen doit donc être rejetée.

 Sur l’application du point D de la communication sur la coopération de 1996

408    Dans le cadre d’une seconde branche, la requérante soutient que, en tout état de cause, la réduction de 20 % que la Commission lui a accordée en application du point D de la communication sur la coopération de 1996 est insuffisante.

409    La requérante affirme que son comportement pendant la procédure administrative a constitué une coopération efficace et qu’elle a fourni une aide qui s’est parfois révélée indispensable. En outre, il ne ferait pas de doute que la requérante remplit les deux conditions prévues par le point D de la communication sur la coopération de 1996. À cet égard, la Commission aurait affirmé, elle-même, au considérant 637 de la décision attaquée, que Ferriere Nord avait fourni d’importantes informations avant l’envoi de la communication des griefs. En outre, elle n’aurait pas contesté les faits exposés par la Commission, mais seulement leur appréciation en ce qui concerne la durée et les limites de sa participation à l’entente. La réduction de 20 % du montant de l’amende accordée à Ferriere Nord serait en contradiction avec la pratique décisionnelle de la Commission.

410    À titre liminaire, pour ce qui est de la pratique antérieure de la Commission invoquée par la requérante, il a déjà été précisé au point 374 ci-dessus que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas de cadre juridique applicable aux amendes en matière de droit de la concurrence.

411    Force est de constater que le raisonnement de la requérante, qui fait découler automatiquement une réduction supérieure à 20 % du constat de la réunion des conditions prévues au point D, paragraphe 2, premier et second tirets, de la communication sur la coopération de 1996, revient à nier le pouvoir d’appréciation de la Commission qui s’exprime, notamment, par l’indication d’une fourchette de 10 à 50 % pour l’importance de la réduction (arrêt du 8 octobre 2008, Carbone Lorraine/Commission, point 288 supra, point 273).

412    En l’espèce, d’une part, ainsi qu’il a déjà été indiqué aux points 403 et 404 ci-dessus, la requérante a été la seule parmi les entreprises concernées à avoir fourni à la Commission des indications utiles qui lui ont permis de mieux comprendre le fonctionnement de l’entente et de confirmer que l’accord visé aux considérants 247 et 251 de la décision attaquée, portant sur les quotas de production accordés aux entreprises dans le cadre du volet de l’entente concernant la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes, est effectivement entré en vigueur. Il est toutefois constant que les informations fournies par la requérante ont porté sur le seul accord de septembre à novembre 1998 sur les quotas de vente (considérants 245 et suivants de la décision attaquée).

413    D’autre part, dans sa réponse à la communication des griefs, Ferriere Nord a déclaré qu’elle ne contestait pas les faits matériels sur lesquels la Commission avait fondé ses griefs, dans la limite de ceux qui la concernaient ou dont elle avait eu connaissance directement.

414    Selon la jurisprudence, une entreprise qui déclare expressément qu’elle ne conteste pas les allégations de fait sur lesquelles la Commission fonde ses griefs peut être considérée comme ayant contribué à faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et la répression des infractions aux règles de la concurrence de l’Union et justifier une réduction du montant de l’amende. Il en est autrement lorsqu’une entreprise conteste dans sa réponse l’essentiel de ces allégations. En effet, en adoptant une telle attitude lors de la procédure administrative, l’entreprise ne contribue pas à faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et en la répression des infractions aux règles de la concurrence de l’Union (arrêt Mo och Domsjö/Commission, point 378 supra, points 395 et 396).

415    Force est à cet égard de constater que, dans sa réponse à la communication des griefs, en contestant la prétendue « appréciation » des faits de la Commission « en ce qui concerne la durée et les limites de sa participation à l’entente », Ferriere Nord n’a pas contribué à faciliter la tâche de celle-ci consistant en la constatation et en la répression des infractions aux règles de la concurrence de l’Union.

416    Eu égard aux considérations qui précèdent, la réduction du montant de l’amende de 20 % accordée à Ferriere Nord apparaît justifiée.

417    Il y a dès lors lieu de rejeter la seconde branche du présent moyen ainsi que le moyen dans son ensemble.

418    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de faire droit à la demande de réduction du montant de l’amende formulée par la requérante, le recours étant rejeté pour le surplus.

 Sur le montant final de l’amende

419    Eu égard aux considérations développées aux points 314 à 325 ci-dessus, il y a lieu d’appliquer, en vertu du pouvoir de pleine juridiction conféré au Tribunal par l’article 31 du règlement n° 1/2003, une réduction de 6 % au montant de base de l’amende, au titre de la circonstance atténuante tenant à l’absence de participation de la requérante, pendant trois années, au volet de l’entente relatif à la limitation et au contrôle de la production ou des ventes.

420    Le montant final de l’amende infligée à la requérante est donc calculé comme suit : au montant de base de l’amende (2,97 millions d’euros) sont d’abord ajoutés 50 % de ce montant de base (1,485 million d’euros) au titre de la récidive et soustraits 6 % de ce montant (178 200 euros), ce qui aboutit à un montant de 4 276 800 euros. Ensuite, ce montant est réduit de 20 % (855 360 euros) au titre de l’application de la communication sur la coopération de 1996, ce qui aboutit à un montant final d’amende de 3 421 440 euros.

 Sur les dépens

421    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

422    Le recours n’ayant été que partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la requérante supportera ses propres dépens ainsi que les trois quarts de ceux de la Commission. La Commission supportera un quart de ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le montant de l’amende infligée à Ferriere Nord SpA est fixé à 3 421 440 euros.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Ferriere Nord supportera ses propres dépens ainsi que les trois quarts de ceux de la Commission européenne. La Commission supportera un quart de ses propres dépens.

Martins Ribeiro

Popescu

Berardis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 décembre 2014.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

1.  Dispositions du traité CECA

2.  Dispositions du traité CE

3.  Règlement (CE) n° 1/2003

4.  Communication de la Commission sur certains aspects du traitement des affaires de concurrence résultant de l’expiration du traité CECA

Objet du litige

Présentation de la requérante

Antécédents du litige

Première décision

Développements postérieurs à la notification de la première décision

Décision modificative

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur les conclusions tendant à obtenir l’annulation de la décision attaquée

Sur le moyen tiré de l’incompétence de la Commission

Sur le choix de la base juridique de la décision attaquée

Sur la compétence de la Commission pour constater et sanctionner une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA, après l’expiration du traité CECA, sur la base du règlement n° 1/2003

Sur le respect du principe de la lex mitior

Sur le moyen tiré de l’absence d’envoi préalable d’une nouvelle communication des griefs

Sur le moyen tiré de l’absence d’audition par le conseiller-auditeur

Sur le moyen tiré de la postériorité du rapport final par rapport à l’adoption de la décision attaquée

Sur le moyen tiré de l’adoption d’un texte dépourvu des annexes qui y sont mentionnées

2.  Sur les conclusions tendant à obtenir l’annulation partielle de la décision attaquée et la réduction en conséquence du montant de l’amende

Sur le moyen tiré d’erreurs de droit dans l’appréciation des faits

Décision attaquée

Sur la durée de la participation de la requérante à l’entente dans sa globalité

Sur la fixation du prix de base

Sur la fixation des prix des suppléments de dimension

Sur la limitation de la production ou des ventes

Sur le moyen tiré du caractère disproportionné du montant de l’amende par rapport à la gravité et à la durée de l’entente

Sur le moyen tiré de l’illégalité de la majoration du montant de l’amende au titre de la récidive

Sur la légalité de la majoration du montant de base de l’amende au titre de la récidive

–  Sur le temps écoulé entre les deux infractions

–  Sur la nature des infractions reprochées à la requérante

Sur la proportionnalité de la majoration de 50 % du montant de base de l’amende au titre de la récidive

Sur le moyen tiré de l’absence de reconnaissance des circonstances atténuantes autres que celles prévues par la communication sur la coopération de 1996

Sur le moyen tiré de l’application erronée de la communication sur la coopération de 1996

Observations liminaires

Sur l’applicabilité du point C de la communication sur la coopération de 1996

Sur l’application du point D de la communication sur la coopération de 1996

Sur le montant final de l’amende

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’italien.