Language of document : ECLI:EU:T:2011:450

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

9 septembre 2011 (*)

« Marque communautaire – Marque communautaire verbale CRAIC – Cessions – Enregistrement du transfert de la marque – Révocation – Articles 16, 17, 23 et 77 bis du règlement (CE) n° 40/94 [devenus articles 16, 17, 23 et 80 du règlement (CE) n° 207/2009] et règle 31 du règlement (CE) n° 2868/95 »

Dans l’affaire T‑83/09,

David Chalk, demeurant à Canterbury, Kent (Royaume-Uni), représenté par MM. W. James, M. Gilbert, C. Balme, solicitors, et M. S. Malynicz, barrister,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. D. Botis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Reformed Spirits Company Holdings Ltd, établie à Saint Helier (Royaume-Uni), représentée par M. C. Morcom, QC,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 13 novembre 2008 (affaire R 1888/2007-2), relative à une demande d’enregistrement de transfert de marque communautaire à la suite d’une cession,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. J. Azizi (rapporteur), président, Mme E. Cremona et M. S. Frimodt Nielsen, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 20 février 2009,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 12 juin 2009,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 12 mai 2009,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 6 juin 2001, Arthur Crack Ltd (ci-après le « titulaire initial ») a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal CRAIC.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, notamment, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’OHMI, des classes 32 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 32 : « Eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons » ;

–        classe 33 : « Whisky de distillation clandestine (‘poteen’) ; boissons alcooliques contenant du poteen ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 20/2001, du 11 mars 2002. La marque communautaire a été enregistrée sous le numéro 2245306 le 31 octobre 2002 et l’enregistrement a été publié au Bulletin des marques communautaires n° 98/2002, du 9 décembre 2002.

5        Le 2 avril 2007, l’intervenante, Reformed Spirits Company Holdings Ltd, a sollicité l’inscription d’une cession de ladite marque communautaire, conclue le 12 mars 2007 entre elle, en tant que cessionnaire, et le Treasury Solicitor du Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord, en qualité de mandataire de la Couronne, en tant que cédant.

6        Selon l’acte de cession, le titulaire initial a été dissout le 4 juillet 2006 et, conformément à l’article 654 du Companies Act (loi sur les sociétés) de 1985, à la date de sa dissolution, tous les actifs détenus par fidéicommis pour son compte juste avant sa dissolution sont devenus la propriété de la Couronne et lui ont été dévolus en tant que biens vacants (bona vacantia). Toujours selon l’acte de cession, en vertu de l’article 655 du Companies Act, la Couronne a pu céder ces biens et droits. Par conséquent, la Couronne, en tant que nouveau titulaire de la marque communautaire, en aurait cédé et transféré la propriété à l’intervenante en contrepartie de la somme de deux mille livres sterling (GBP).

7        L’inscription du transfert a été acceptée, effectuée et notifiée par l’OHMI à l’intervenante le 16 avril 2007.

8        Le 7 mai 2007, le requérant, M. David Chalk, a sollicité l’inscription d’une cession de la marque communautaire consentie par le titulaire initial en sa faveur. Le requérant a indiqué que la marque communautaire lui avait été cédée avant d’être transférée à l’intervenante. À titre de preuve, le requérant a présenté un acte de cession daté du 21 janvier 2006. D’après le requérant, il avait signé la cession pour le compte du cédant, le titulaire initial, et du cessionnaire, lui-même, étant donné qu’il était, à ce moment-là, président du conseil d’administration et actionnaire du titulaire initial.

9        Le 24 mai 2007, l’OHMI a annoncé aux parties son intention de révoquer le contenu de la notification du 16 avril 2007 inscrivant l’intervenante comme titulaire de la marque communautaire. La cession conclue le 21 janvier 2006 (ci-après la « cession antérieure ») en faveur du requérant aurait été antérieure à celle du 12 mars 2007 (ci-après la « cession ultérieure ») en faveur de l’intervenante. Par conséquent, le requérant aurait déjà été titulaire de la marque lors de la conclusion de la cession ultérieure.

10      Par lettres des 25 et 28 mai 2007, l’intervenante a présenté ses observations sur la révocation proposée, a soutenu que l’enregistrement au registre de la cession ultérieure en sa faveur était valide et a demandé à conserver sa qualité de titulaire légitime.

11      Le 3 octobre 2007, l’examinateur a accueilli les arguments de l’intervenante, rejeté la demande du requérant et décidé de ne pas révoquer l’inscription du 16 avril 2007 de l’intervenante comme titulaire de la marque communautaire. En particulier, l’examinateur a indiqué, en substance, qu’aucune disposition juridique du règlement n° 40/94 ou du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), tel que modifié, ne permettait à l’OHMI de modifier une décision adoptée à juste titre. La seule disposition prévoyant la possibilité de révoquer une décision adoptée par l’OHMI serait l’article 77 bis du règlement n° 40/94 (devenu article 80 du règlement n° 207/2009, qui règle la possibilité de révocation de décisions entachées d’erreurs de procédure manifestes imputables à l’OHMI. Dans le cas d’espèce, la demande d’enregistrement du transfert aurait été déposée conformément à la règle 31 du règlement n° 2868/95. L’intervenante aurait présenté un acte de cession remplissant les conditions requises aux fins de l’inscription d’un transfert. L’OHMI n’aurait ainsi pas commis d’erreur en inscrivant la cession ultérieure.

12      Le 27 novembre 2007, le requérant a formé un recours auprès de l’OHMI au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de l’examinateur.

13      Par décision du 13 novembre 2008 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En particulier, la chambre de recours s’est référée aux articles 16, 17 et 23 du règlement n° 40/94 (devenus articles 16, 17 et 23 du règlement n° 207/2009) (points 18 à 20 de la décision attaquée) et s’est ralliée aux considérations énoncées par l’examinateur (point 21 de la décision attaquée). Ainsi, aucune disposition juridique du règlement n° 40/94 ou du règlement n° 2868/95 ne permettrait à l’OHMI de modifier une décision adoptée formellement. La seule disposition juridique prévoyant la possibilité de révoquer une décision adoptée par l’OHMI serait l’article 77 bis du règlement n° 40/94. En l’espèce, la demande d’enregistrement du transfert aurait été déposée conformément à la règle 31 du règlement n° 2868/95. Cependant, la demande du requérant ne serait étayée par aucune disposition juridique. La chambre de recours a ajouté que c’était à juste titre que la demande d’enregistrement de transfert, formulée par le requérant, avait été rejetée, étant donné que le titulaire enregistré de la marque communautaire était l’intervenante, qui ne saurait être affectée par un transfert antérieur non inscrit au registre (point 22 de la décision attaquée). Les arguments du requérant à l’encontre de la décision de l’examinateur seraient fondés sur la validité de la cession antérieure en sa faveur et, partant, sur la nullité et l’absence d’effet juridique de la cession ultérieure en faveur de l’intervenante. Or, cela soulèverait des questions relatives au droit des contrats et de la propriété, régies par le droit national, qui ne relèveraient pas de la compétence de l’OHMI, mais de la « compétence nationale », conformément à l’article 16 du règlement n° 40/94 (point 23 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

14      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        ordonner la radiation du registre du nom de l’intervenante en tant que titulaire de la marque communautaire et l’inscription, en lieu et place, de son nom ;

–        à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire à la chambre de recours pour nouvel examen à la lumière des conclusions du Tribunal ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens, y compris aux dépens afférents à la présente procédure et à ceux afférents à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI.

15      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner le requérant aux dépens.

16      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        confirmer la décision attaquée ;

–        condamner le requérant aux dépens, y compris aux dépens afférents à la présente procédure et aux dépens exposés devant la chambre de recours.

 En droit 

 Sur la recevabilité des deuxième et troisième chefs de conclusions formulés par le requérant

17      L’OHMI conteste la recevabilité des deuxième et troisième chefs de conclusions du requérant, par lesquels celui-ci demande au Tribunal d’ordonner la radiation du registre du nom de l’intervenante en tant que titulaire et l’inscription, en lieu et place, de son nom, ou, à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire à la chambre de recours. Ceux-ci seraient irrecevables en vertu de l’article 63, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 (devenu article 65, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009), lequel disposerait que la seule compétence du Tribunal serait de contrôler la légalité des décisions des chambres de recours et de les annuler ou, le cas échéant, de les réformer.

 Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions, visant à ce que le Tribunal ordonne la radiation du registre du nom de l’intervenante en tant que titulaire et l’inscription, en lieu et place, du nom du requérant

18      Comme il a été reconnu par une jurisprudence constante que, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union européenne contre la décision d’une chambre de recours de l’OHMI, ce dernier est tenu, conformément à l’article 63, paragraphe 6, du règlement n° 40/94 (devenu article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009), de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’OHMI, auquel il incombe de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du juge de l’Union [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 20, et la jurisprudence citée]. Partant, le deuxième chef de conclusions du requérant tendant à ce que le Tribunal ordonne à l’OHMI la radiation du registre du nom de l’intervenante en tant que titulaire de la marque communautaire n° 2245306 et l’inscription, en lieu et place, du nom du requérant est irrecevable.

 Sur la recevabilité du troisième chef de conclusions, visant, à titre subsidiaire, à ce que le Tribunal renvoie l’affaire à la chambre de recours

19      Aux termes de l’article 63, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, le Tribunal a compétence aussi bien pour annuler que pour réformer une décision de l’OHMI et, aux termes de l’article 63, paragraphe 6, du règlement n° 40/94, l’OHMI est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du Tribunal.

20      S’il est vrai qu’il découle de l’article 63, paragraphe 6, du règlement n° 40/94 qu’il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’OHMI, le Tribunal, en renvoyant une affaire à l’examinateur ou à la chambre de recours, ne condamne pas l’OHMI à une quelconque obligation de faire ou de ne pas faire et, partant, n’adresse pas d’injonction à l’OHMI [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T-106/00, Rec. p. II‑723, points 17 à 19].

21      Il s’ensuit que la demande visant au renvoi de l’affaire devant l’OHMI, notamment à la chambre de recours, n’est pas irrecevable au regard de l’article 63, paragraphe 6, du règlement n° 40/94.

22      Il y a donc lieu de rejeter la fin de non-recevoir concernant le troisième chef de conclusions formulé par le requérant.

 Sur le fond

 Résumé des moyens

23      Le requérant conteste la décision attaquée, qui serait fondée sur des interprétations erronées des articles 16, 23 et 77 bis du règlement n° 40/94 ainsi que de la règle 31 du règlement n° 2868/95.

24      Le requérant allègue que c’est ainsi à tort que la chambre de recours a refusé de révoquer la décision par laquelle l’OHMI avait inscrit l’intervenante en tant que titulaire de la marque communautaire au registre et a jugé que le règlement n° 40/94 et le règlement n° 2868/95 ne permettaient pas à l’OHMI d’inscrire le requérant en tant que titulaire de la marque communautaire concernée.

 Sur l’article 16 du règlement n° 40/94

25      Le requérant allègue que l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 exige que l’OHMI examine et applique les lois des États membres – dans le cas d’espèce, le droit du Royaume-Uni – lors de la prise de décision concernant le transfert d’une marque communautaire. À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 indique que la marque communautaire en tant qu’objet de propriété est considérée comme une marque nationale enregistrée dans un État membre. Il s’ensuit que c’est le droit national de l’État membre concerné qui s’applique aux questions relatives à la propriété d’une marque communautaire. Ainsi, l’autorité compétente pour traiter des questions relatives à la propriété de marques communautaires est celle compétente pour les marques nationales de l’État membre en question.

26      Cependant, l’article 16 du règlement n° 40/94 ne règle pas le droit applicable à un contrat, ce qui inclut les règles sur la validité et l’interprétation de contrats concernant une marque communautaire, tels que, notamment, des cessions. En effet, dans ces cas, il s’agit de droits et d’obligations inter partes, à savoir entre les parties à un contrat.

27      La chambre de recours a donc conclu à bon droit que, contrairement aux allégations du requérant, l’article 16 du règlement n° 40/94 n’exigeait en aucune manière que l’OHMI examine et applique les lois nationales des États membres concernant une marque communautaire comme objet de propriété. À cet égard, il ne ressort pas de l’article 16 du règlement n° 40/94 que l’OHMI ou les juridictions de l’Union aient à examiner ou à statuer sur des questions contractuelles ou juridiques issues du droit national.

 Sur l’article 17 du règlement n° 40/94 et la règle 31 du règlement n° 2868/95 sur le transfert d’une marque communautaire

28      Le requérant fait valoir que la règle 31 du règlement n° 2868/95 exige que l’OHMI examine la validité et les effets des documents qui lui sont fournis, si les effets juridiques de ces documents sont contestés. À cet égard, il y a lieu, en l’espèce, de déterminer les compétences de l’OHMI concernant l’enregistrement d’un transfert d’une marque communautaire à la suite d’une cession. À cette fin, il convient tout d’abord d’examiner la réglementation concernant le transfert, à savoir l’article 17 du règlement n° 40/94 lu conjointement avec la règle 31 du règlement n° 2868/95.

29      Selon l’article 17, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 (devenu article 17, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009), la cession d’une marque communautaire doit être faite par écrit et requiert la signature des parties au contrat, sauf si elle résulte d’un jugement. Selon la règle 31 du règlement n° 2868/95, une demande d’enregistrement d’un transfert au sens de l’article 17 du règlement n° 40/94 contient les pièces établissant le transfert.

30      Dans le cas d’espèce, la demande de transfert formulée par l’intervenante satisfaisait aux exigences de la règle 31 du règlement n° 2868/95, car elle était accompagnée d’un document de cession de la marque correspondant aux exigences de cette règle. Il en résulte que la première demande d’enregistrement de transfert ainsi que l’enregistrement de l’intervenante comme nouveau titulaire de la marque communautaire en question étaient valables. En revanche, concernant la seconde demande de transfert, celle-ci n’était pas conforme à ces exigences, étant donné que le requérant ne correspondait pas au titulaire inscrit, qui était alors déjà l’intervenante, de la marque communautaire. À cet égard, il convient de relever que, comme cela a été soulevé par l’OHMI, un éventuel conflit entre les deux cessions en cause soulève des questions relatives au droit des contrats et de la propriété, qui dépassent le cadre de la règle 31 du règlement n° 2868/95 et dont le traitement ne relève pas des compétences de l’OHMI.

31      Il en résulte que l’OHMI n’était ni tenu ni en droit d’examiner la validité et les effets juridiques d’un transfert selon le droit national applicable.

 Sur l’article 77 bis du règlement n° 40/94

32      Le requérant soutient que l’article 77 bis du règlement n° 40/94 permet à l’OHMI d’examiner la validité de ses décisions non seulement lors de leur adoption mais également à la lumière de faits postérieurs et d’éléments de preuve fournis ultérieurement. À cet égard, il convient de rappeler que l’article 77 bis, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 (devenu article 80, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009) prévoit la révocation d’une décision ou la suppression d’une inscription au registre par l’OHMI lorsque celles-ci sont entachées d’une erreur de procédure manifeste qui est imputable à ce dernier. Aux termes de l’article 77 bis, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 (devenu article 80, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009), une telle révocation d’une décision ou une telle suppression d’une inscription sont ordonnées d’office ou à la demande de l’une des parties à la procédure, dans un délai de six mois à partir de la date d’inscription au registre ou de l’adoption de la décision.

33      Or, il y a lieu de relever qu’il ne s’agit pas dans le cas d’espèce d’une erreur manifeste imputable à l’OHMI. En effet, au moment de l’adoption de sa décision d’inscrire le transfert de la marque communautaire à l’intervenante, l’OHMI s’est fondé sur les documents fournis qui ne suscitaient aucun doute quant à leur validité et à leur contenu. En effet, la demande d’enregistrement du transfert était accompagnée d’un document écrit de cession signé par le cédant et le cessionnaire, permettant d’identifier les transferts de propriété successifs du titulaire initial à la Couronne et, ensuite, à l’intervenante.

34      Par conséquent, les documents fournis étaient conformes à l’article 17 du règlement n° 40/94 et à la règle 31 du règlement n° 2868/95 et ont donc été acceptés à bon droit par l’OHMI. Il n’y avait aucune irrégularité apparente qu’aurait dû percevoir l’OHMI. Partant, il n’y a pas eu, en l’espèce, d’erreur manifeste imputable à l’OHMI.

35      De plus, force est de constater, ainsi que l’OHMI et l’intervenante l’ont soutenu, que l’OHMI n’a aucune obligation d’examiner des documents fournis ultérieurement afin de mettre en doute la validité d’une cession qui lui a été antérieurement communiquée et dont le transfert correspondant a été enregistré.

 Sur l’article 23 du règlement n° 40/94

36      Selon l’article 23 du règlement n° 40/94, un transfert d’une marque communautaire n’est en principe opposable aux tiers qu’après son inscription au registre, sauf si les tiers ont acquis des droits sur la marque après la date du transfert en ayant connaissance de celui-ci lors de l’acquisition de ces droits. Il en résulte que, afin de pouvoir faire valoir son droit à l’égard de tiers, le nouveau titulaire après transfert de la marque doit faire enregistrer ce transfert. À défaut d’un tel enregistrement, des tiers n’ayant pas connaissance du transfert ne peuvent se voir opposer ledit transfert. Or, dans le cas d’espèce, le requérant, en tant que prétendu titulaire de la marque communautaire à l’issue de la cession antérieure alléguée, n’a pas fait enregistrer le transfert de la marque communautaire au registre auprès de l’OHMI. Par ailleurs, il n’existe aucune indication ni allégation que l’intervenante aurait eu connaissance de la cession antérieure de la marque en cause au requérant. Dans une telle situation, le transfert de la marque communautaire au requérant n’est pas opposable à l’intervenante.

37      Il s’ensuit que la chambre de recours était fondée à confirmer que l’OHMI avait légitimement inscrit le transfert de la marque en cause à l’intervenante sur la base des preuves qui lui ont été soumises.

38      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

39      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

40      Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

41      Par ailleurs, aux termes de l’article 136, paragraphe 2, du règlement de procédure, sont considérés comme dépens récupérables les frais indispensables exposés aux fins de la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI. Par conséquent, il convient de condamner la requérante à supporter les frais exposés à cette occasion par l’intervenante, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. David Chalk est condamné aux dépens, y compris les frais indispensables exposés par Reformed Spirits Company Holdings Ltd aux fins de la procédure devant la chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

Azizi

Cremona

Frimodt Nielsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 septembre 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.