Language of document : ECLI:EU:T:2020:397

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

9 septembre 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale FAIR ZONE – Marque de l’Union européenne figurative antérieure FAIR – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑589/19,

Oliver Gothe, demeurant à Cologne (Allemagne),

Martin Kunz, demeurant à Londres (Royaume-Uni),

représentés par Me K. Kruse, avocat,

parties requérantes,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. M. Fischer, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Aldi Einkauf GmbH & Co. OHG, établie à Essen (Allemagne), représentée par Mes N. Lützenrath, U. Rademacher, C. Fürsen et M. Minkner, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 3 juillet 2019 (affaire R 2253/2018-4), relative à une procédure d’opposition entre, d’une part, Aldi Einkauf et, d’autre part, MM. Gothe et Kunz,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mmes V. Tomljenović, présidente, P. Škvařilová‑Pelzl et M. I. Nõmm (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 27 août 2019,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 8 novembre 2019,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 4 novembre 2019,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 12 juillet 2017, les requérants, MM. Oliver Gothe et Martin Kunz, ont présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal FAIR ZONE.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé relèvent des classes 21, 25 et 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 21 : « Gants de ménage ; gants de jardinage » ;

–        classe 25 : « Bottes de pluie ; baskets ; souliers de bain ; chaussures de jardinage » ;

–        classe 28 : « bandes d’entraînement ; ballons de jeu ; ballons ; jouets ».

4        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2017/144, du 1er août 2017.

5        Le 23 octobre 2017, l’intervenante, Aldi Einkauf a formé opposition, au titre de l’article 46 du règlement 2017/1001, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci‑dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne figurative suivante :

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7        La marque antérieure a été demandée le 20 février 2015 et enregistrée le 16 décembre 2017 sous le numéro 13760095, pour des produits relevant, notamment, des classes 25 et 28 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 25 : « Vêtements ; chaussures ; chapellerie » ;

–        classe 28 : « Jouets ; jouets ; articles de gymnastique et de sport (compris dans classe 28) ; décorations pour arbres de noël ».

8        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

9        Le 9 novembre 2018, la division d’opposition a accueilli l’opposition.

10      Le 19 novembre 2018, les requérants ont formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 3 juillet 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a, en partie, accueilli le recours.

12      En premier lieu, aux points 10, 14 et 30 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que les produits relevant de la classe 21 visés par la marque demandée n’étaient pas similaires aux produits désignés par la marque antérieure, de sorte qu’aucun risque de confusion entre les marques en conflit ne pouvait exister à leur égard.

13      En second lieu, la chambre de recours a retenu l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit s’agissant des produits relevant des classes 25 et 28 visés par la marque demandée. Dans ce cadre, elle a, premièrement, souligné, au point 11 de la décision attaquée, en substance, se fonder sur la perception du grand public germanophone de l’Union européenne et au, point 28 de cette décision, que celui-ci disposait d’un degré d’attention moyen à l’occasion de l’acquisition de ces produits.

14      Deuxièmement, la chambre de recours a retenu, aux points 15 et 16 de la décision attaquée, que les produits en cause étaient identiques, dès lors que, d’une part, les « bottes de pluie ; baskets ; souliers de bain ; chaussures de jardinage » visés par la marque demandée étaient inclus dans le terme générique « chaussure » désignés par la marque antérieure et, d’autre part, les « bandes d’entraînement ; ballons de jeu ; ballons ; jouets » visés par la marque demandée étaient inclus dans les « jouets ; jouets ; articles de gymnastique et de sport » désignés par la marque antérieure.

15      Troisièmement, aux points 21 à 23 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré qu’il existait une similitude inférieure à la moyenne entre les signes sur le plan visuel, un degré moyen de similitude sur plan phonétique et que les signes étaient similaires sur le plan conceptuel.

16      Quatrièmement, au point 27 de la décision attaquée, la chambre de recours a retenu que le caractère distinctif de la marque antérieure était légèrement affaibli dans la mesure où les produits désignés par la marque antérieure pouvaient provenir du commerce équitable, à l’égard duquel le mot « fair » disposait d’une résonnance descriptive.

17      Cinquièmement, au point 29 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que l’enregistrement de la marque demandée pour les produits relevant des classes 25 et 28 conduirait à un risque de confusion, dès lors que, confronté aux marques en conflit apposés sur des produits identiques, le consommateur raisonnablement attentif les attribuerait à la même entreprise.

18      La chambre de recours a, dès lors, partiellement annulé la décision de la division d’opposition en ce que celle-ci avait fait droit à l’opposition de l’enregistrement de la marque demandée pour les produits relevant de la classe 21 (point 1 du dispositif de la décision attaquée) et a rejeté l’opposition pour ces produits (point 2 du dispositif de la décision attaquée). Elle a rejeté le recours pour le surplus, à savoir en ce qui concerne les produits relevant des classes 25 et 28 (point 3 du dispositif de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

19      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter l’opposition formée par l’intervenante ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

20      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du recours

21      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, par le premier chef de conclusions, les requérants demandent l’annulation de la décision attaquée.

22      L’article 72, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 prévoit que « [l]e recours est ouvert à toute partie à la procédure devant la chambre de recours pour autant que la décision de celle-ci n’a pas fait droit à ses prétentions ».

23      Par les points 1 et 2 du dispositif de la décision attaquée, la chambre de recours a partiellement fait droit au recours des requérants en annulant la décision de la division d’opposition en ce qu’elle avait accueilli l’opposition pour les produits relevant de la classe 21 visés au point 3 ci-dessus et en rejetant l’opposition pour ces produits.

24      Dès lors, il y a lieu de considérer que, par le présent recours, les requérants demandent l’annulation du point 3 du dispositif de la décision attaquée, à savoir en tant que la chambre de recours a rejeté leur recours contre la division d’opposition en ce qui concerne les produits relevant des classes 25 et 28 [voir, en ce sens, arrêts du 4 mai 2018, Bernard Krone Holding/EUIPO (Mega Liner), T‑187/17, non publié, EU:T:2018:254, points 15 à 18 et du 26 février 2015, 9Flats/OHMI – Tibesoca (9flats.com), T‑713/13, non publié, EU:T:2015:114, points 16 à 19].

 Sur le fond

25      À l’appui du recours, les requérants soulèvent un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

26      Les requérants mettent en exergue, en premier lieu, la présence d’une contradiction dans les motifs de la décision attaquée, la chambre de recours ayant retenu une similitude moyenne des signes sur le plan phonétique à l’occasion lors de leur comparaison tout en se référant à une similitude supérieure à la moyenne lors de l’appréciation globale du risque de confusion.

27      En second lieu, les requérants reprochent à la chambre de recours d’avoir insuffisamment pris en compte le caractère descriptif du mot « fair » lors de la comparaison des signes et à l’occasion de l’appréciation globale du risque de confusion. Ils estiment, en substance, que la prise en compte du caractère descriptif dudit mot aurait dû la conduire à retenir que les signes étaient différents et que la marque antérieure était dépourvue du moindre caractère distinctif et, par voie de conséquence, à constater une absence de risque de confusion. Au soutien de leur argumentation ils se réfèrent aux appréciations contenues dans une décision de la division d’examen de l’EUIPO, à l’usage concret que l’intervenante fait de sa marque ainsi qu’au nombre important de marques et de labels en Allemagne contenant ledit mot.

28      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments des requérants.

29      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

30      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

31      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

32      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier si la chambre de recours a, à juste titre, estimé qu’il existait, en l’espèce, un risque de confusion entre les marques en conflit.

 Sur le public pertinent

33      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

34      En l’espèce, la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union. C’est donc la perception des marques en conflit par le consommateur des produits en cause sur l’ensemble de ce territoire qu’il convient de considérer. La chambre de recours a estimé aux points 12 et 28 de la décision attaquée que les produits en cause s’adressaient au grand public et que celui-ci disposait d’un degré d’attention moyen. Une telle définition du public pertinent, qui n’est d’ailleurs pas contestée par les requérants, est dépourvue d’erreur.

35      En outre, dès lors que, en application de la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus, il suffit qu’un motif relatif de refus existe dans une partie de l’Union, c’est à bon droit que la chambre de recours s’est fondée sur le perception du public germanophone de l’Union aux fins de constater l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit.

 Sur la comparaison des produits

36      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

37      En l’espèce, la chambre a retenu aux points 14 et 15 de la décision attaquée que les produits en cause étaient identiques. Une telle appréciation, qui n’est d’ailleurs pas contestée par les requérants, est dépourvue d’erreur.

  Sur la comparaison des signes

38      Selon la jurisprudence, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêt du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 30]. L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

39      En ce qui concerne, en premier lieu, la détermination des éléments distinctifs et dominants des marques en conflit, il convient de rappeler que, aux fins d’apprécier le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’examiner l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée [arrêts du 13 juin 2006, Inex/OHMI – Wiseman (Représentation d’une peau de vache), T‑153/03, EU:T:2006:157, point 35, et du 13 décembre 2007, Cabrera Sánchez/OHMI – Industrias Cárnicas Valle (el charcutero artesano), T‑242/06, non publié, EU:T:2007:391, point 51].

40      En outre, s’il est de jurisprudence constante que, en règle générale, le public pertinent ne considérera pas un élément descriptif faisant partie d’une marque complexe comme l’élément distinctif et dominant dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci, le caractère distinctif faible d’un élément d’une telle marque n’implique pas nécessairement que celui-ci ne puisse constituer un élément dominant, dès lors que, en raison, notamment, de sa position dans le signe, de sa dimension, du caractère secondaire des autres éléments composant ce signe, il est susceptible de s’imposer à la perception du consommateur et d’être gardé en mémoire par celui-ci (voir arrêt du 13 juin 2006, Représentation d’une peau de vache, T‑153/03, EU:T:2006:157, point 32 et jurisprudence citée).

41      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres éléments composant la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude des signes en conflit pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (voir, en ce sens, arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43). Tel pourrait notamment être le cas lorsque cet élément est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres éléments de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

42      En l’espèce, il ressort des points 21 à 23 de la décision attaquée que la chambre de recours a procédé à la comparaison de signes en prenant en compte l’impression d’ensemble produite par les deux marques. Elle a retenu, au point 19 de ladite décision, que l’élément verbal de la marque antérieure disposait d’une plus grande importance que l’élément figuratif dans son impression d’ensemble. S’agissant de la marque demandée, elle n’a pas procédé, au point 20 de cette décision, à une différenciation, selon leur importance dans l’impression d’ensemble de celle-ci, entre les deux mots la composant.

43      En ce qui concerne, premièrement, la marque antérieure, celle-ci a été correctement décrite au point 19 de la décision attaquée comme étant constituée du mot « fair » inscrit en lettres majuscules blanches placées dans un cadre rectangulaire blanc sur un fond rectangulaire noir et comme contenant la représentation d’un globe terrestre stylisé, au-dessus desdits lettres, intégrée au milieu du cadre rectangulaire blanc. Il convient d’ajouter à cette description que le fond noir de la marque antérieure laisse apparaître la représentation d’un planisphère. En outre, c’est à juste titre que la chambre de recours a retenu, au même point, que, si le mot « fair », provient de l’anglais, il est entré dans l’usage courant en allemand et veut dire « honnête, faisant preuve d’un comportement juste envers les autres ». Cette compréhension du mot « fair » par le public germanophone n’est, par ailleurs, pas contestée par les requérants.

44      En substance, les requérants soutiennent que la chambre de recours n’a pas suffisamment pris en compte la circonstance que le mot « fair » est descriptif de certaines des qualités des produits en cause, à savoir qu’ils proviennent du commerce équitable. Ils estiment que, en raison de ce caractère descriptif, cet élément de la marque antérieure est dépourvu de caractère distinctif et que, partant, ladite chambre aurait dû en faire abstraction à l’occasion de la comparaison des signes.

45      Une telle analyse ne saurait être suivie.

46      Certes, ainsi que la chambre de recours l’a elle-même relevé au point 19 de la décision attaquée, le mot « fair » pourrait être compris par le public pertinent comme constituant une composante de l’expression « fair trade », laquelle est « courante en allemand et désigne le commerce de produits du tiers monde réalisé de manière équitable pour les producteurs ».

47      En application de la jurisprudence citée au point 39 ci-dessus, il doit être conclu que le mot « fair », en ce qu’il pourra être compris comme une référence au commerce équitable, ne dispose que d’un caractère distinctif faible.

48      Toutefois, force est de constater que les conséquences que les requérants tirent de cette conclusion sont erronées.

49      D’une part, une telle conclusion n’implique nullement que la chambre de recours aurait dû ignorer le mot « fair » à l’occasion de la comparaison des signes. En application de la jurisprudence citée au point 41 ci-dessus, un élément d’une marque ne peut, en effet, être valablement ignorer lors de ladite comparaison qu’à la condition qu’il soit négligeable dans son impression d’ensemble. Or, tel n’est pas le cas de l’élément verbal de la marque antérieure.

50      D’autre part, il convient de relever que, en dépit de son caractère distinctif faible, l’élément verbal de la marque antérieure s’imposera de manière évidente à la perception du consommateur en raison tant de sa position au centre du signe, de sa dimension, de sa présentation en lettre blanche sur fond noir, que de la présence d’un cadre blanc l’entourant.

51      En outre, il convient de relever que les autres éléments de la marque antérieure ne disposent pas d’un caractère distinctif plus élevé que son élément verbal. Au contraire, la représentation d’un globe et, pour autant qu’elle soit perçue par le consommateur, celle d’un planisphère, peuvent être compris comme renvoyant à l’idée de commerce mondial ou de mondialisation et, partant, comme renforçant l’idée véhiculée par l’élément verbal de la marque, à savoir que les produits commercialisés proviennent du commerce équitable.

52      Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé, en substance, au point 19 de la décision attaquée que le consommateur prêterait plus d’attention à l’élément verbal de la marque antérieure.

53      Deuxièmement, en ce qui concerne la marque demandée, celle-ci est constituée du mot « fair », dont le sens a déjà été examiné aux points 46 et 47 ci-dessus, et du mot « zone », pour lequel, la chambre de recours a correctement souligné aux points 20 de la décision attaquée, qu’il serait compris par le consommateur germanophone comme « signifiant secteur géographique délimité ; domaine défini ; espace délimité ». Cette compréhension de ce dernier mot par le public germanophone de l’Union n’est, par ailleurs, pas contestée par les requérants.

54      Si, pour des motifs analogues à ceux explicités aux points 46 et 47 ci-dessus, il doit être considéré que le mot « fair » ne dispose que d’un caractère distinctif faible à l’égard des produits en cause, il n’en demeure pas moins que, tout comme pour la marque antérieure, il constitue l’élément de la marque demandée attirant le plus l’attention du consommateur.

55      D’une part, il convient de rappeler que, en application d’une jurisprudence constante, le consommateur est réputé prêter généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin, la partie initiale d’une marque ayant normalement, tant sur le plan visuel que sur le plan phonétique, un effet plus fort que la partie finale de celle-ci [voir arrêt du 19 juin 2018, Damm/EUIPO – Schlossbrauerei Au, Willibald Beck Freiherr von Peccoz (EISKELLER), T‑859/16, non publié, EU:T:2018:352, point 68 et jurisprudence citée].

56      D’autre part, cette conclusion est d’autant plus pertinente dans le cas d’espèce que le mot « zone », tant par sa signification que la circonstance qu’il soit placé dans la marque demandée directement après le mot « fair », aboutira à renforcer l’idée véhiculée par l’élément verbal de la marque, à savoir que les produits commercialisés sont issus du commerce équitable.

57      En ce qui concerne, en deuxième lieu, la comparaison des signes sur le plan visuel, la chambre de recours a retenu, au point 21 de la décision attaquée, que la similitude entre les signes était inférieure à la moyenne.

58      Force est de constater qu’une telle appréciation sous-évalue le degré de similitude existant entre les signes sur ce plan.

59      S’il existe, certes, des différences entre les signes, tenant dans l’élément graphique de la marque antérieure et la présence du mot « zone » dans la marque demandée, lesquelles empêchent qu’une similitude de niveau élevée soit retenue, il n’en demeure pas moins que la présence commune dans lesdits signes du mot « fair », à l’égard duquel le consommateur prêtera une attention particulière pour les motifs explicités aux points 50, 51, 54 et 55 ci-dessus, aurait dû l’amener à retenir une similitude d’un niveau moyen, plutôt qu’inférieure à la moyenne.

60      En ce qui concerne, en troisième lieu, la comparaison des signes sur le plan phonétique, la chambre de recours, au point 22 de la décision attaquée, a retenu l’existence d’un degré moyen de similitude. Dans la mesure où lesdits signes ont en commun le mot « fair », mais se différencient par la prononciation du mot « zone », cette conclusion est dépourvue d’erreur.

61      En ce qui concerne, en quatrième lieu, la comparaison des signes sur le plan conceptuel, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, au point 20 de la décision attaquée, que la marque demandée ne disposait d’aucune signification univoque. Au point 23 de cette décision, elle a retenu que lesdits signes étaient similaires dans la mesure où ils avaient en commun le mot « fair », mais qu’ils différaient en raison de la présence du mot « zone » dans la seule marque demandée.

62      Toutefois, le degré de similitude sur le plan conceptuel découlant de la présence dans les signes du terme « fair » doit être mis en perspective, dans la mesure où la référence au commerce équitable qu’il véhicule ne dispose que d’un caractère distinctif faible à l’égard des produits en cause. Une telle circonstance implique que la similitude conceptuelle des signes ne peut jouer qu’un rôle limité dans l’appréciation du risque de confusion [voir, en ce sens, arrêt du 26 novembre 2015, Bionecs/OHMI – Fidia farmaceutici (BIONECS), T‑262/14, non publié, EU:T:2015:888, point 67 et jurisprudence citée].

 Sur le risque de confusion

63      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, VENADO avec cadre e.a., T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74).

64      Parmi les facteurs pertinents dont il peut être tenu compte dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, figure également le caractère distinctif de la marque antérieure. Toutefois, le caractère distinctif de la marque antérieure n’est qu’un élément parmi d’autres intervenant lors de l’appréciation du risque de confusion. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment, en raison d’une similitude des signes et des produits ou des services visés [ voir arrêt du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, EU:T:2007:387, point 70 et jurisprudence citée].

65      Au point 26 de la décision attaquée, la chambre de recours a rappelé avoir relevé l’existence d’une « similitude visuelle inférieure à la moyenne, une similitude phonétique moyenne et une similitude conceptuelle entre les signes » et, en substance, d’une identité des produits en cause. Au point 27 de la dite décision, elle a estimé que la marque antérieure disposait d’un caractère distinctif intrinsèque affaibli dans la mesure où les produits désignés par celle-ci pourraient provenir du commerce équitable. Au point 28 de cette décision, elle a relevé que le grand public disposait d’un niveau moyen d’attention à l’occasion de l’acquisition des produits en cause. Enfin, au point 29 de la même décision, elle a conclu que, pour « les produits identiques […], il exist[ait] un risque de confusion pour le public germanophone compte tenu de la similitude phonétique supérieure à la moyenne et de la similitude conceptuelle des signes, indépendamment de leur similitude visuelle inférieure à la moyenne et du caractère distinctif légèrement affaibli de la marque antérieure [ ; c]onfronté aux [marques en conflit] apposés sur des produits identiques, le consommateur raisonnablement attentif attribuer[ait lesdites marques] à la même entreprise ».

66      Les requérants estiment que la chambre de recours aurait dû conclure à l’absence de risque de confusion entre les marques en conflit. D’une part, ils soutiennent, en substance, que l’association de la marque antérieure avec le commerce équitable a pour conséquence que celle-ci ne dispose pas du moindre caractère distinctif. Ils se réfèrent, au soutien de cette affirmation, à la fois à une décision de la division d’examen de l’EUIPO, au nombre particulièrement importants de marques enregistrées en Allemagne comprenant le mot « fair », ainsi qu’à l’usage concret que l’intervenante fait de sa marque. D’autre part, ils font valoir que la décision attaquée est entachée d’une contradiction de motifs, dès lors que celle-ci, après avoir retenu l’existence d’une similitude de niveau moyen entre les signes sur le plan phonétique, a finalement pris en compte, au point 29 de la décision attaquée, une similitude de niveau élevée sur ce plan.

67      Force est de constater que la chambre de recours a pu valablement constater l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit.

68      Certes, l’analyse de la chambre de recours encourt la critique à plusieurs égards.

69      Il en est ainsi, en premier lieu, de la référence à un caractère distinctif de la marque antérieure simplement « légèrement affaibli », laquelle peut donner l’impression que la chambre de recours a sous-évalué les incidences de la référence au commerce équitable lors de l’évaluation du caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure.

70      En effet, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner la pertinence ou la recevabilité des éléments de preuve avancés par les requérants aux fins de démonter l’absence de caractère distinctif de la marque antérieure, il ne peut être nié que celle-ci ne dispose que d’un caractère distinctif intrinsèque faible, dans la mesure où elle pourra être comprise comme une référence à une qualité des produits commercialisés, à savoir qu’ils sont issus du commerce équitable.

71      Toutefois, cette circonstance ne saurait avoir pour conséquence de priver la marque antérieure de tout caractère distinctif, comme le soutiennent, en substance, les requérants.

72      Il y a lieu, à cet égard, de rappeler que le fait qu’une marque ait été enregistrée implique qu’elle jouit d’un minimum de caractère distinctif intrinsèque, puisque l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 exclut l’enregistrement d’une marque dépourvue de caractère distinctif. Or, un demandeur de marque ne peut, dans le cadre d’une procédure d’opposition, remettre en cause la validité de ladite marque antérieure. S’agissant plus particulièrement d’une marque de l’Union antérieure, comme en l’espèce, la remise en cause de cette validité ne peut se faire que dans le cadre d’une demande en nullité en vertu de l’article 59 du règlement 2017/1001 [voir, en ce sens, arrêt du 26 mai 2016, Aldi Einkauf/EUIPO – Dyado Liben (Casale Fresco), T‑254/15, non publié, EU:T:2016:319, point 27 et jurisprudence citée].

73      Partant, il convient de conclure que si la marque antérieure doit être réputée disposer d’un caractère distinctif intrinsèque, la chambre de recours aurait dû retenir que celui-ci est faible et non simplement « légèrement affaibli ».

74      En deuxième lieu, pour les raisons exposées au point 62 ci-dessus, la chambre de recours aurait dû retenir que la similitude des signes sur le plan conceptuel ne pouvait jouer qu’un rôle limité dans l’appréciation du risque de confusion.

75      Enfin, en troisième lieu, il convient de relever qu’il existe une erreur de plume de la part de la chambre de recours, dans la mesure où celle-ci se réfère, d’un côté, aux points 2 2 et 26 de la décision attaquée, à l’existence d’une similitude de niveau moyen entre les signes sur le plan phonétique et, d’un autre côté, au point 29 de cette décision, à l’existence d’une similitude élevée entre lesdits signes sur ce plan.

76      Toutefois, ces erreurs d’appréciation ou de rédaction n’ont pas d’incidence sur la légalité de la décision attaquée.

77      En effet, en application de la jurisprudence citée au point 64 ci-dessus, le caractère distinctif intrinsèque faible de la marque antérieure ne permet pas de conclure automatiquement à l’absence de risque de confusion, tous les autres facteurs devant être pris en considération.

78      En outre, au vu tant de l’identité des produits en cause que du degré moyen de similitude des signes sur le plan visuel, même un degré moyen de similitude des signes sur le plan phonétique , ainsi que l’a retenu la chambre de recours aux points 21 et 26 de la décision attaquée, suffit pour conclure qu’un risque de confusion entre les marques en conflit existe, tout au moins pour le public pertinent de langue allemande et cela nonobstant le caractère distinctif intrinsèque faible de la marque antérieure.

79      En application de la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union. C’est donc à bon droit que la chambre de recours a estimé que les conditions d’application de cette disposition étaient remplies dans le cas d’espèce.

80      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le moyen unique des requérants et, partant, le recours dans son intégralité, sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur la recevabilité de leur deuxième chef de conclusions visant à demander au Tribunal de rejeter l’opposition de l’intervenante [voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2013, Warsteiner Brauerei Haus Cramer/OHMI – Stuffer (ALOHA 100% NATURAL), T‑243/12, non publié, EU:T:2013:344, point 44 et jurisprudence citée].

 Sur les dépens

81      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

82      Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      MM. Oliver Gothe et Martin Kunz sont condamnés aux dépens.

Tomljenović

Škvařilová-Pelzl

Nõmm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 septembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.