Language of document : ECLI:EU:T:2022:543

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

14 septembre 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale BLACK IRISH – Motifs absolus de refus – Absence de caractère distinctif – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (UE) 2017/1001 – Égalité de traitement – Obligation de motivation – Article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑498/21,

Lotion LLC, établie à Woodland Hills, Californie (États-Unis), représentée par Me A. Deutsch, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. T. Klee et D. Hanf, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, présidente, MM. F. Schalin et I. Nõmm (rapporteur), juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 21 mars 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Lotion LLC, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 7 juin 2021 (affaire R 199/2021‑5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 29 janvier 2020, la requérante a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO, en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

3        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal BLACK IRISH.

4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment des classes 30, 32 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 30 : « Chocolat chaud et chocolat chaud frappé ; cafés, thés » ;

–        classe 32 : « Bières, ale, lager, stout et porter » ;

–        classe 33 : « Breuvages au café alcoolisés contenant du whisky, des liqueurs à base de crème et/ou de poteen ; breuvages chocolatés alcoolisés contenant du whisky, des liqueurs à base de crème et/ou de poteen ; breuvages alcoolisés contenant du lait, du lait chocolaté, du lait d’avoine, du lait de coco, du lait d’amandes, du lait de soja, du lait de noix, du lait de riz ou du lait sans lactose et contenant également du whisky, des liqueurs à base de crème et/ou de poteen ; spiritueux, à savoir whisky, liqueurs à base de crème et/ou de poteen ; breuvages alcoolisés contenant du whisky, des liqueurs à base de crème et/ou de poteen ; tous les produits précités étant ou contenant du whisky, répondant aux spécifications de l’indication géographique protégée Irish Whiskey/Uisce Beatha Eireannach/Irish Whisky ; tous les produits précités étant ou contenant des liqueurs à base de crème, répondant aux spécifications de l’indication géographique protégée Irish Cream ; tous les produits précités étant ou contenant de la poteen, répondant aux spécifications de l’indication géographique protégée Irish Poteen/Irish Poitín ; breuvages au café alcoolisées n’étant pas ou ne contenant pas de whisky, de liqueurs à base de crème ou de poteen ; breuvages chocolatés alcoolisés ne contenant pas de whisky, de liqueurs à base de crème ou de poteen ; breuvages alcoolisés, à l’exception des bières, ne contenant pas de whisky, de liqueurs à base de crème ou de poteen et contenant du lait, du lait chocolaté, du lait d’avoine, du lait de coco, du lait d’amandes, du lait de soja, du lait de noix, du lait de riz ou du lait sans lactose ; spiritueux et liqueurs, n’étant pas ou ne contenant pas de whisky, liqueurs à base de crème ou de poteen ; breuvages alcoolisés, à l’exception des bières, n’étant pas ou ne contenant pas de whisky, de liqueurs à base de crème ou de poteen ».

5        Par décision du 30 novembre 2020, l’examinatrice a partiellement rejeté la demande d’enregistrement de ladite marque, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001. Les produits pour lesquels la demande d’enregistrement a été rejetée sont ceux relevant des classes 30, 32 et 33 cités au point 4 ci-dessus.

6        Le 1er février 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de l’examinatrice.

7        Par la décision attaquée, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours de la requérante.

8        Premièrement, la chambre de recours a indiqué qu’il convenait de prendre en compte la partie anglophone du public de l’Union européenne et que, compte tenu des produits qui s’adressaient principalement au grand public, le niveau d’attention de celui-ci serait moyen. Deuxièmement, elle a estimé que les éléments verbaux « black » et « irish » pouvaient être compris tels qu’ils étaient définis dans les dictionnaires, que le signe dans son ensemble avait, entre autres, la signification de « quelque chose qui est très sombre ou noire et d’irlandais » et que cette signification était claire et directe pour les consommateurs anglophones de l’Union. Troisièmement, elle a considéré qu’il existait un rapport suffisamment direct et concret entre le signe et les produits relevant des classes 30, 32 et 33 cités au point 4 ci-dessus. En effet, selon la chambre de recours, le signe dans son ensemble était descriptif en relation avec l’ensemble des produits en cause, étant donné qu’il informait simplement le public pertinent sur leur couleur et leur origine géographique. Quatrièmement, elle a souligné qu’elle n’était pas liée par une décision intervenue au niveau d’un État membre autorisant l’enregistrement du signe BLACK IRISH en tant que marque nationale, ni par la décision de la division d’examen qui avait autorisé l’enregistrement d’une marque verbale identique pour des produits relevant de la classe 33 identiques à ceux pour lesquels l’enregistrement était demandé en l’espèce.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        autoriser l’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux encourus dans le cadre de la procédure devant la chambre de recours.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter comme irrecevable la demande visant à autoriser l’enregistrement de la marque demandée ;

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      Au soutien de son recours, la requérante invoque, en substance, quatre moyens, tirés de la violation, pour le premier, de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, pour le deuxième, de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, pour le troisième, de l’article 94 du même règlement et, pour le quatrième, des principes d’égalité de traitement et de bonne administration.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7 paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001

12      Dans le cadre du premier moyen, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir violé l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, en ayant considéré que la marque demandée présentait un caractère descriptif à l’égard des produits visés au point 4 ci-dessus.

13      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

14      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En vertu de l’article 7, paragraphe 2 du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

15      Selon la jurisprudence, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 empêche que les signes ou indications qu’il vise soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque. Cette disposition poursuit ainsi un but d’intérêt général, lequel exige que de tels signes ou indications puissent être librement utilisés par tous [arrêts du 27 février 2002, Ellos/OHMI (ELLOS), T‑219/00, EU:T:2002:44, point 27, et du 7 juillet 2011, Cree/OHMI (TRUEWHITE), T‑208/10, non publié, EU:T:2011:340, point 12 ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 31].

16      Par ailleurs, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [arrêt du 21 avril 2021, Hell Energy Magyarország/EUIPO (HELL), T‑323/20, non publié, EU:T:2021:205, point 24, et ordonnance du 9 juillet 2021, Kozhuvchanka uvoz-izvoz Kavadarci/EUIPO (NASHE MAKEDONSKO PILSNER BEER MACEDONIAN PREMIUM BEER), T‑357/20, non publiée, EU:T:2021:467, point 22].

17      Partant, l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent [voir ordonnance du 31 mai 2021, König Ludwig International/EUIPO (Royal Bavarian Beer), T‑332/20, non publiée, EU:T:2021:304, point 37 et jurisprudence citée].

18      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, comme le soutient la requérante, la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001.

19      En premier lieu, en ce qui concerne le public pertinent, la chambre de recours a considéré que, la marque demandée étant composée de mots de la langue anglaise, il convenait de prendre en compte la partie anglophone du public de l’Union, ceci incluant également les pays scandinaves, Chypre, les Pays-Bas et la Finlande. Elle a également estimé que, les produits visés par la marque demandée s’adressant principalement au grand public, le niveau d’attention de celui-ci serait moyen. Ces considérations que la requérante n’a pas remises en cause doivent être confirmées.

20      En second lieu, il y a lieu d’examiner si la chambre de recours a correctement analysé la signification de la marque demandée, tant en ce qui concerne les mots qui la composent que l’ensemble qu’elle constitue.

21      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, s’agissant de marques constituées de plusieurs éléments verbaux, un éventuel caractère descriptif peut être examiné, en partie, pour chacun de ces éléments, pris séparément, mais doit, en tout état de cause, être constaté également pour l’ensemble qu’ils composent. En effet, une marque constituée d’éléments dont chacun est descriptif des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé est elle-même descriptive des caractéristiques de ces produits ou de ces services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, sauf s’il existe un écart perceptible entre la marque demandée et la simple somme des éléments qui la composent. Cela suppose que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison des éléments qui la composent par rapport auxdits produits ou services, la marque demandée crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par ces éléments. Ainsi, puisque le public pertinent percevra la marque demandée dans son ensemble, c’est le caractère éventuellement descriptif de l’ensemble de la marque, et non des différents éléments de celle-ci, pris isolément, qui importe [voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Daw/EUIPO (SOS Innenfarbe), T‑625/19, non publié, EU:T:2020:398, point 31].

22      En l’espèce, il convient de constater que la marque demandée est composée des mots de la langue anglaise « black » et « irish ».

23      Se référant à un dictionnaire de langue anglaise connu, la chambre de recours a indiqué, d’une part, que le terme « black » y est défini comme « quelque chose qui est de la couleur la plus sombre qu’il soit », ou, en anglais américain, comme « très sombre » ou comme « le contraire du blanc ». Elle a précisé, d’autre part, que le mot « irish » y est défini comme « appartenant ou se rapportant à l’Irlande, à son peuple, à sa langue ou à sa culture » ou comme faisant référence à l’ensemble de l’Irlande et parfois uniquement à la République d’Irlande. Les définitions de ces termes, telles que présentées par la chambre de recours, ne sont pas contestées par la requérante. La décision attaquée doit être confirmée à cet égard.

24      En ce qui concerne les éléments verbaux « black » et « irish » pris ensemble, la chambre de recours a considéré qu’ils signifiaient, à tout le moins pour une partie significative du public pertinent, « quelque chose qui est très sombre ou noir et d’irlandais », et que cette signification était claire et directe pour les consommateurs anglophones de l’Union. Elle a estimé que, apprécié dans le contexte spécifique des produits visés au point 4 ci-dessus, le signe en question informait simplement le public pertinent sur leur couleur et leur origine géographique.

25      La requérante réfute cette analyse. Elle soutient que, dans le signe perçu comme un tout, l’élément « black » sera compris comme un adjectif qualifiant le substantif « irish », que ce dernier sera perçu comme désignant soit la langue irlandaise, soit le peuple irlandais dans son ensemble, et que, partant, l’expression « black irish » n’aura de signification dans aucun des deux cas ni, ainsi, aucune signification en relation avec les produits visés au point 4 ci-dessus.

26      Premièrement, il convient de souligner que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que, perçu dans son ensemble, le signe BLACK IRISH signifie, à tout le moins pour une partie significative du public pertinent, « quelque chose qui est très sombre ou noir et d’irlandais ». Il y a lieu de relever que ce signe est une simple combinaison de deux éléments descriptifs qui ne crée pas d’impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des éléments qui le composent pour primer la somme desdits éléments.

27      En effet, contrairement à ce qu’avance en substance la requérante, la juxtaposition de deux adjectifs n’est pas inhabituelle au vu des règles lexicales de la langue anglaise [voir, en ce sens, arrêts du 20 septembre 2007, Imagination Technologies/OHMI (PURE DIGITAL), T‑461/04, non publié, EU:T:2007:294, point 34, et du 10 juin 2008, Novartis/OHMI (BLUE SOFT), T‑330/06, non publié, EU:T:2008:185, point 46].

28      Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, le public pertinent ne considérera pas d’office et uniquement que l’élément « black » est un adjectif qualifiant le substantif « irish », mais il pourra comprendre ces éléments verbaux comme deux adjectifs. De plus, la juxtaposition des éléments verbaux « black » et « irish » n’est ni particulièrement originale ni empreinte de fantaisie.

29      Il s’ensuit que, à supposer même qu’une partie du public pertinent comprenne également le signe verbal en cause comme un signe comportant l’adjectif « black » et que celui-ci qualifie le substantif « irish » signifiant la « langue irlandaise » ou le « peuple irlandais », cela ne saurait suffire à remettre en cause les conclusions de la chambre de recours quant à l’autre signification du signe en cause mentionnée au point 25 de la décision attaquée et rappelée au point 24 ci-dessus.

30      En effet, il convient de rappeler à cet égard que, pour qu’un signe verbal se voit opposer un refus d’enregistrement, il suffit que, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou services concernés [voir, en ce sens, arrêts du 25 juin 2020, Off-White/EUIPO (OFF-WHITE), T‑133/19, non publié, EU:T:2020:293, point 23, et du 9 juin 2021, Philip Morris Products/EUIPO (SIENNA SELECTION), T‑130/20, non publié, EU:T:2021:341, points 35 et 43].

31      C’est pourquoi il importe, deuxièmement, de poursuivre l’analyse du bien-fondé de la décision attaquée en examinant si les conclusions de la chambre de recours quant au caractère descriptif du signe en cause en relation avec certains produits visés par la demande de marque, à savoir ceux cités au point 4 ci-dessus, sont entachées d’erreurs d’appréciation.

32      Selon la jurisprudence, aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, il faut examiner, sur le fondement de la signification pertinente du signe verbal en cause, s’il existe, du point de vue du public concerné, un rapport suffisamment direct et concret entre le signe et les produits pour lesquels l’enregistrement est demandé [arrêt du 6 novembre 2007, RheinfelsQuellen H. Hövelmann/OHMI (VOM URSPRUNG HER VOLLKOMMEN), T‑28/06, EU:T:2007:330, point 31].

 Sur les produits relevant de la classe 30

33      En ce qui concerne les produits relevant de la classe 30, la considération de la chambre de recours selon laquelle le signe BLACK IRISH est descriptif de ceux-ci doit être confirmée. En effet, s’agissant du chocolat chaud et du chocolat chaud frappé, le public pertinent peut percevoir le signe en cause comme renseignant sur leur couleur sombre, sur le pourcentage élevé en cacao et sur le fait que ces produits sont fabriqués en Irlande. Concernant les thés, ledit signe peut être compris comme faisant référence à une variété de thés – les thés noirs – dont le mélange a été opéré en Irlande. Quant au café, le signe BLACK IRISH indique que le café a été torréfié en Irlande et qu’il ne comporte ni lait, ni sucre, ni aucune autre substance.

 Sur les produits relevant de la classe 32

34      S’agissant des « bières, ale, lager, stout et porter » relevant de la classe 32, désignés par la marque demandée, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu au caractère descriptif du signe BLACK IRISH. En effet, celui-ci peut être compris comme indiquant la couleur très sombre, voire noire, de ces boissons et comme signifiant que ces différents types de bières ont été brassées en Irlande. À cet égard, comme l’a opportunément relevé la chambre de recours, les consommateurs de l’Union sont habitués au fait que la couleur de certains types de bières irlandaises est très noire.

 Sur les produits relevant de la classe 33

35      S’agissant des produits relevant de la classe 33 désignés par la marque demandée, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que le signe en cause sera perçu comme une simple information sur la couleur très sombre des breuvages alcoolisés, qui sont expressément à base de café et de chocolat – à savoir les « [b]reuvages au café alcoolisés contenant du whisky, des liqueurs à base de crème et/ou de poteen », les « breuvages chocolatés alcoolisés contenant du whisky, des liqueurs à base de crème et/ou de poteen », les « breuvages au café alcoolisées n’étant pas ou ne contenant pas de whisky, de liqueurs à base de crème ou de poteen », et les « breuvages chocolatés alcoolisés ne contenant pas de whisky, de liqueurs à base de crème ou de poteen » –, et comme une indication que ces produits ont été fabriqués en Irlande.

36      La chambre de recours n’a pas non plus commis d’erreur d’appréciation en concluant au caractère descriptif du signe en cause par rapport aux autres « breuvages alcoolisés » relevant de la classe 33, désignés par la marque demandée, cités au point 4 ci-dessus.

37      En effet, doit être approuvée la considération que les breuvages alcoolisés – visés au point 4 ci-dessus – contenant du whisky, des liqueurs à base de crème et/ou de poteen, ceux contenant, outre ces boissons, également du lait, ceux ne contenant pas de whisky, des liqueurs à base de crème ou de poteen, mais contenant du lait, et ceux n’étant pas ou ne contenant pas de whisky, des liqueurs à base de crème ou du poteen représentent une vaste catégorie de breuvages alcoolisés incluant, notamment, ceux à base de café et/ou de chocolat. À ce titre, il convient d’admettre que le public pertinent peut percevoir le signe en cause comme indiquant que les breuvages en question ont une couleur très sombre et qu’ils ont été fabriqués en Irlande.

38      Dans ce contexte, doit être confirmée l’appréciation de la chambre de recours relative à la liqueur crémeuse à base de whisky irlandais, contenue dans certains breuvages, à savoir que celle-ci est souvent mélangée à du café irlandais et que la couleur du breuvage sous la crème fouettée est ainsi très sombre. Il en va de même d’un breuvage contenant la boisson distillée incolore irlandaise « Irish Poteen/Poitín », celle-ci pouvant parfaitement être mélangée avec du café et être ainsi très sombre.

39      Quant aux spiritueux et aux liqueurs qui sont ou qui contiennent du whisky, des liqueurs à base de crème et/ou de poteen, il convient de rappeler, comme l’a fait la chambre de recours, que ceux-ci peuvent être aromatisés, colorés, mélangés à d’autres boissons spiritueuses ou encore préparés avec des denrées alimentaires au cours du processus de production. Il en va de même des spiritueux et des liqueurs qui ne contiennent pas de whisky, de liqueurs à base de crème ou de poteen. En effet, ceux-ci peuvent revêtir, au terme du processus de production, une couleur très sombre en raison de leur préparation avec des denrées alimentaires telles que, par exemple, des baies (des cassis ou des mûres) ou du fait d’un mélange avec des liquides tels que du café ou du chocolat. Il apparaît ainsi évident que le signe BLACK IRISH pourra être compris par le consommateur pertinent comme une indication de la couleur très sombre de la boisson alcoolisée et comme une information que celle-ci a été produite en Irlande, de sorte que cette couleur sera effectivement reconnue par le public pertinent comme une description d’une caractéristique intrinsèque et inhérente à la nature de ces produits et non comme une des simples déclinaisons chromatiques possibles qu’ils peuvent revêtir.

40      Ainsi que cela ressort des points 35 à 39 ci-dessus et contrairement à ce qu’affirme la requérante, la chambre de recours ne s’est pas contentée de présumer que la couleur noire en lien avec les breuvages alcoolisés relevant de la classe 33, cités au point 4 ci-dessus, constituaient une caractéristique de ces produits, mais c’est de façon concrète qu’elle a indiqué que lesdits breuvages, par exemple mélangés à des liquides tels que du café ou du chocolat ou préparés avec certaines denrées alimentaires au cours du processus de production, pouvaient être de couleur noire ou très sombre.

41      À ce stade, il importe de souligner que le bien-fondé de l’appréciation opérée par la chambre de recours est confirmé par la jurisprudence.

42      En effet, premièrement, dans le cadre d’une affaire relative à une demande d’enregistrement de la marque figurative Blue pour des boissons sans alcool, le Tribunal a considéré comme notoire que les termes renvoyant à une couleur pouvaient être utilisés pour désigner des produits dans le secteur des boissons, y compris les boissons non alcooliques. Il a estimé qu’il n’était en effet pas rare que les fabricants, afin d’accroître leur succès commercial, distinguent leurs boissons sur la base de leur couleur et qu’il existait de nombreux exemples de boissons de couleur bleue, de sorte que cette couleur pouvait raisonnablement être perçue comme une caractéristique significative des produits en cause, susceptible d’être importante dans le choix des consommateurs [voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2018, Fenyves/EUIPO (Blue), T‑375/17, non publié, EU:T:2018:340, points 31 et 32 et jurisprudence citée]. Un tel raisonnement vaut en l’espèce. Il existe en effet de nombreux exemples de boissons de couleur très sombre, voire noire et cette couleur peut raisonnablement être perçue comme une caractéristique significative des produits en cause.

43      Deuxièmement, la décision attaquée est conforme à la solution retenue par le Tribunal dans l’arrêt du 25 juin 2020, OFF-WHITE (T‑133/19, non publié, EU:T:2020:293). En effet, le Tribunal souligne, dans cet arrêt, qu’une caractéristique, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, doit être objective et inhérente à la nature du produit ou du service ainsi qu’intrinsèque et permanente pour ce produit ou ce service. Il précise qu’il ne saurait être exclu a priori que la couleur d’un produit puisse être au nombre des caractéristiques visées par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 (arrêt du 25 juin 2020, OFF-WHITE, T‑133/19, non publié, EU:T:2020:293, points 37 et 43).

44      Comme le souligne l’EUIPO, l’appréciation du point de savoir si la couleur d’un produit est une caractéristique de celui-ci va dépendre des circonstances de l’espèce, à savoir de la couleur décrite par le signe en cause, de la nature des produits en cause et de la manière spécifique dont il est fait référence à la couleur en cause.

45      Or, tout d’abord, les produits en cause sont des boissons. Ainsi qu’il a été souligné au point 42 ci-dessus, il s’agit d’un secteur dans lequel il est notoire que les produits peuvent être désignés par des termes renvoyant à une couleur.

46      Ensuite, la couleur concernée, très sombre ou noire, n’est pas particulièrement originale dans le secteur des boissons puisqu’il existe beaucoup d’exemples de boissons ayant cette caractéristique.

47      En outre, les considérations sur lesquelles la chambre de recours a fondé sa conclusion, telles qu’exposée aux points 33 à 39 ci-dessus, selon laquelle la couleur désignée par l’élément verbal « black » sera comprise soit comme une information de la teneur en chocolat, soit comme une indication de la couleur du café et de l’absence de substance supplémentaire dans celui-ci, soit comme un type de thé (le thé noir), soit encore comme une indication de la couleur très sombre des boissons alcoolisées – notamment en raison de la présence de café ou de chocolat dans celles-ci ou de leur préparation avec des denrées alimentaires –, démontrent que le terme « black » mentionne une caractéristique objective et inhérente à la nature des produits en cause, ainsi qu’intrinsèque et permanente pour ces produits.

48      Enfin, ainsi que le souligne l’EUIPO, la manière dont il est fait référence à la couleur « black », à savoir en combinaison avec un autre adjectif descriptif, augmente la probabilité que le public pertinent perçoive cet élément comme une indication descriptive de la couleur des produits pertinents.

49      Compte tenu de de ce qui précède, la chambre de recours n’a commis aucune erreur d’appréciation en concluant que le signe BLACK IRISH désigne une caractéristique des produits visés au point 4 ci-dessus et que, du point de vue d’une partie significative du public anglophone, il est descriptif de ces produits au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001.

50      Aucun des arguments de la requérante ne saurait remettre en cause ces considérations.

51      Premièrement, la requérante fait valoir en vain que le terme de la langue anglaise « black » (noir) n’est pas un synonyme de « dark » (sombre), que les deux mots ne sont pas interchangeables, qu’ils ont des significations différentes et que ce serait donc un abus de langage de décrire du whisky de couleur sombre comme « noir ». En effet, comme le souligne la chambre de recours, il ressort d’un dictionnaire anglais connu que l’adjectif « black » signifie également « très sombre » en anglais américain. À cet égard, il convient d’approuver que le public pertinent des pays scandinaves, des Pays-Bas et de la Finlande a une compréhension élémentaire tant de l’anglais britannique que de l’anglais américain. En effet, les consommateurs dans ces États membres sont habitués, dès leur plus jeune âge, à voir des films et des séries télévisées produites aux États-Unis et retransmis en langue originale. Il importe également de relever que le terme « black » n’appartient pas à un langage technique, mais qu’il a une signification pour un public large [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 décembre 2010, Bianchin/OHMI – Grotto (GASOLINE), T‑380/09, non publié, EU:T:2010:521, point 41].

52      Deuxièmement, l’argument tiré de l’absence de catégorie d’alcool connu sous le nom de « black whisky » ou de « black vodka » doit être rejeté. En effet, le caractère descriptif du signe BLACK IRISH ne dépend pas de la préexistence de catégories telles que celles visées par la requérante, mais s’apprécie in concreto. Or, le raisonnement figurant aux points 33 à 39 ci-dessus démontre à suffisance de droit que le signe en cause sera compris comme décrivant une caractéristique des produits visés par la demande d’enregistrement

53      Troisièmement, enfin, l’argument selon lequel il serait peu probable que les breuvages alcoolisés contenant du lait soient de couleur noire ou « très sombre », ne saurait prospérer. En effet, il convient d’admettre, comme le souligne la chambre de recours, que certains des produits contenant du lait peuvent contenir du lait chocolaté et qu’il ne peut être exclu que les breuvages contenant une faible quantité de lait soient en tout état de cause très sombres. Dans le même sens, doit être approuvé le fait qu’un breuvage alcoolisé contenant de l’« Irish Poteen/Poitín », à savoir une boisson distillée irlandaise incolore, peut également être très sombre, celle-ci pouvant parfaitement être mélangée avec un liquide plus sombre.

54      Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen doit être écarté comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

55      La requérante fait observer que la chambre de recours a conclu à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée uniquement en se fondant sur l’appréciation erronée selon laquelle la marque en question serait descriptive des produits visés par la demande d’enregistrement. Elle estime ainsi que la décision doit également être annulée pour ce motif.

56      L’EUIPO réfute ce moyen.

57      Un signe ayant, s’agissant des produits ou des services pour lesquels son enregistrement en tant que marque est demandé, un caractère descriptif, tel que visé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, est, sous réserve de l’application du paragraphe 3 de cet article, dépourvu de caractère distinctif en ce qui concerne ces produits ou ces services [voir arrêts du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 33 et jurisprudence citée, et du 23 septembre 2015, Mechadyne International/OHMI (FlexValve), T‑588/14, non publié, EU:T:2015:676, point 78 et jurisprudence citée].

58      Il ressort de la réponse apportée au premier moyen que la chambre de recours a conclu à juste titre que la marque demandée était descriptive des produits cités au point 4 ci-dessus et se heurte donc au motif de refus d’enregistrement visé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001. En outre, la requérante n’a ni invoqué ni démontré que le signe demandé avait acquis pour les produits en cause un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait, de sorte que l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 ne s’applique pas.

59      Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur de droit en concluant à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée si bien que le moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 94 du règlement 2017/1001

60      La requérante soutient que la chambre de recours n’a pas suffisamment motivé la décision attaquée, en particulier en ce qu’elle n’a pas examiné ses critiques portant sur les références provenant de sites Internet citées par l’examinatrice et qu’elle n’a pas traité de façon adéquate les observations de la requérante concernant le sens, la référence, la grammaire et la compréhension du signe BLACK IRISH dans son ensemble.

61      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

62      Tout d’abord, Il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Selon la jurisprudence, cette obligation a la même portée que celle consacrée à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, et son objectif est de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [arrêt du 19 mai 2021, Müller/EUIPO (TIER SHOP), T‑535/20, non publié, EU:T:2021:283, point 36]. Il n’est toutefois pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait ou de droit pertinents. En effet, la question de savoir si la motivation d’une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte, ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 29 février 1996, Commission/Conseil, C‑122/94, EU:C:1996:68, point 29).

63      Ensuite, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés. Il s’ensuit que les griefs et les arguments visant à contester le bien-fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation [voir arrêt du 19 septembre 2018, Volkswagen/EUIPO – Paalupaikka (MAIN AUTO WHEELS), T‑623/16, non publié, EU:T:2018:561, point 71 et jurisprudence citée].

64      Enfin, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte et de la nature des motifs invoqués, ce qui implique qu’elle ne nécessite pas toujours une prise de position explicite sur tous les éléments avancés ou demandés par les intéressés [voir, en ce sens, arrêts du 30 mars 2000, VBA/Florimex e.a., C‑265/97 P, EU:C:2000:170, point 93 ; du 30 novembre 2000, Industrie des poudres sphériques/Commission, T‑5/97, EU:T:2000:278, point 199, et du 9 décembre 2010, Tresplain Investments/OHMI – Hoo Hing (Golden Elephant Brand), T‑303/08, EU:T:2010:505, point 46].

65      En l’espèce, il y a lieu de constater que la chambre de recours ne s’est pas fondée sur les références provenant de sites Internet pour fonder ses constatations, mais sur le sens ordinaire des mots « black » et « irish » lus séparément ainsi que sur la perception des mots pris ensemble. Ainsi, aucun défaut quelconque de motivation du fait d’une absence alléguée de réponse aux arguments, soulevés par la requérante, relatifs auxdites références provenant des sites Internet ne saurait lui être reproché.

66      Il ressort également de l’examen du premier moyen que le raisonnement exposé dans la décision attaquée a permis à la requérante de comprendre la décision attaquée et de la contester quant au fond. Le fait que la requérante ne partage pas l’analyse sur le fond effectuée par la chambre de recours dans la décision attaquée, en particulier l’appréciation de la chambre de recours quant à la perception du signe en cause dans son ensemble par le public pertinent, ne constitue pas un défaut de motivation, conformément à la jurisprudence citée au point 63 ci‑dessus.

67      Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence citée au point 64 ci-dessus que les éléments avancés par la requérante – dont celui selon lequel un consommateur demandant un « black Irish » dans un point de vente anglophone des produits désignés par la marque demandée ne serait pas compris – ne nécessitaient pas tous une prise de position explicite de la part de la chambre de recours. Dès lors, et dans la mesure où, comme indiqué au point 66 ci-dessus, la décision attaquée permet de comprendre le raisonnement de la chambre de recours, la motivation de la décision attaquée satisfait aux exigences rappelées aux points 62 à 64 ci-dessus.

68      Le troisième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de bonne administration

69      La requérante soutient que la chambre de recours a violé les principes d’égalité de traitement et de bonne administration en ce que celle-ci n’aurait pas tenu compte de l’existence de la marque de l’Union européenne verbale antérieure Black Irish, enregistrée sous le numéro 13873096, et de la marque du Royaume-Uni verbale Black Irish, enregistrée sous le numéro 3462110, couvrant des produits en partie identiques.

70      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

71      Premièrement, le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national et la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO devant être appréciée uniquement sur le fondement du règlement 2017/1001, tel qu’il est interprété par le juge de l’Union (voir arrêt du 17 juillet 2008, L & D/OHMI, C‑488/06 P, EU:C:2008:420, point 58 et jurisprudence citée). Dès lors, l’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre admettant le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque nationale [arrêt du 27 janvier 2021, Eggy Food/EUIPO (EGGY FOOD), T‑287/20, non publié, EU:T:2021:46, point 52].

72      Partant, la chambre de recours n’a pas violé les principes d’égalité de traitement et de bonne administration en indiquant que, malgré l’existence de la marque du Royaume-Uni, les motifs absolus de refus de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001, empêchaient l’enregistrement du signe en cause.

73      Deuxièmement, en ce qui concerne l’enregistrement précédemment effectué auprès de l’EUIPO, il est de jurisprudence constante que ni la chambre de recours ni le Tribunal ne sauraient être liés par les décisions adoptées par l’examinateur. En particulier, il serait contraire à la mission de contrôle de la chambre de recours, telle que définie au considérant 30 et aux articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, de voir sa compétence réduite au respect de décisions émanant d’organes de première instance de l’EUIPO [voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2017, Colgate-Palmolive/EUIPO (AROMASENSATIONS), T‑479/16, non publié, EU:T:2017:441, point 42, et du 8 mai 2019, Battelle Memorial Institute/EUIPO (HEATCOAT), T‑469/18, non publié, EU:T:2019:302, point 52].

74      Par ailleurs, il est également de jurisprudence constante que la légalité des décisions de la chambre de recours, lesquelles relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire, doit être appréciée uniquement sur le fondement du règlement 2017/1001, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure de l’EUIPO, laquelle ne saurait, en tout état de cause, lier le juge de l’Union [arrêts du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, EU:C:2005:547, point 47, et du 10 septembre 2015, Laverana/OHMI (BIO PROTEINREICHER PFLANZENKOMPLEX AUS EIGENER HERSTELLUNG), T‑571/14, non publié, EU:T:2015:626, point 22].

75      Certes, l’EUIPO est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe d’égalité de traitement et le principe de bonne administration. Eu égard à ces deux derniers principes, l’EUIPO doit, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu, ou non, de décider dans le même sens. Toutefois, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration doivent se concilier avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus [arrêts du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 73 à 77, et du 14 décembre 2018, Dermatest/EUIPO (ORIGINAL excellent dermatest), T‑803/17, non publié, EU:T:2018:973, point 59].

76      Les considérations exposées au point 75 ci-dessus sont valables même si le signe dont l’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne est demandé est composé de manière identique à une marque dont l’EUIPO a déjà accepté l’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne et qui se réfère à des produits ou à des services identiques ou semblables à ceux pour lesquels l’enregistrement du signe en cause est demandé [voir arrêt du 13 mai 2020, Global Brand Holdings/EUIPO (XOXO), T‑503/19, non publié, EU:T:2020:183, point 59 et jurisprudence citée].

77      En l’espèce, le Tribunal considère que la chambre de recours a conclu, à l’issue d’un examen strict et complet, à juste titre que la marque demandée se heurtait au motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001. C’est donc en vain que la requérante a invoqué, aux fins d’infirmer cette conclusion, un enregistrement antérieur de l’EUIPO.

78      Par conséquent, il y a lieu d’écarter le quatrième moyen comme non fondé.

79      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité. À cet égard, la bonne administration de la justice et l’économie de procédure commandent, en l’espèce, de ne pas examiner la recevabilité du deuxième chef de conclusions visant à ce que le Tribunal autorise l’enregistrement de la marque demandée. En effet, le rejet du recours à l’encontre de la décision attaquée implique par définition l’impossibilité d’enregistrer la marque demandée.

 Sur les dépens

80      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Lotion LLC est condamnée aux dépens.

Tomljenović

Schalin

Nõmm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 septembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.