Language of document : ECLI:EU:T:2023:705

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

8 novembre 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative POLLEN + GRACE – Marque de l’Union européenne figurative antérieure Grace – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑41/23,

Pollen + Grace Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par MM. P. Johnson, barrister, et L. Buckley, solicitor,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme K. Zajfert, MM. M. Eberl et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Grace Foods Ltd, établie à Castries (Sainte-Lucie),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. F. Schalin, président, I. Nõmm et Mme G. Steinfatt (rapporteure), juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 12 septembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Pollen + Grace Ltd, demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 13 décembre 2022 (affaire R 1815/2021‑4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 14 août 2017, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

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3        La marque demandée désignait les produits et les services relevant, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’EUIPO, des classes 29, 30, 39 et 43 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Plats préparés entièrement ou essentiellement à base de volaille, viande, légumes, graines ; plats cuisinés et préparés entièrement ou essentiellement à base de volaille, viande, légumes, graines ; consommés ; bouillons ; trempettes [dips] ; en‑cas à base de fruits ; desserts aux fruits ; préparations de fruits et de légumes » ;

–        classe 30 : « Céréales pour petit déjeuner ; porridge ; granola ; muesli ; sauces [condiments] ; condiments ; marinades ; produits de la panification ; pain à la banane ; en-cas contenant un mélange de céréales, de fruits à coque et de fruits séchés [confiseries] ; confiserie » ;

–        classe 39 : « Services de livraison d’aliments » ;

–        classe 43 : « Services de traiteurs ; services de restauration (alimentation) ; services de restauration rapide à emporter ; mise à disposition d’aliments et de boissons ».

4        Le 2 janvier 2018, Grace Foods Ltd a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée, notamment, sur la marque de l’Union européenne figurative antérieure, enregistrée sous le numéro 1077015, reproduite ci-après :

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6        Les produits désignés par la marque antérieure relèvent des classes 29, 30 et 32 et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Légumes, fruits, viande, volaille, poisson, fruits de mer, tous ces produits sous forme d’extraits, potages, gelées, concentrés, conserves, plats préparés et prêts à consommer, conserves congelées ou déshydratées, frais ou en boîtes ; lait de noix de coco ; crème de coco ; préparations sèches instantanées de soupes, pois et haricots secs ; confitures ; œufs ; lait, fromage et autres préparations alimentaires à base de lait, de succédanés du lait, d’huiles et graisses comestibles ; protéines à usage alimentaire » ;

–        classe 30 : « Café et extraits de café ; succédanés du café et extraits de succédanés du café ; thé et extraits de thé ; cacao et préparations à base de cacao ; chocolat, confiserie, bonbons ; sucre ; produits de boulangerie, pâtisserie ; desserts, poudings ; crèmes glacées, produits pour la préparation de crèmes glacées ; miel et succédanés du miel ; riz et céréales, aliments à base de riz ou d’autres céréales ; farine ; farine de maïs ; aromates ou assaisonnements pour la nourriture ; mayonnaise ; condiments, à savoir sauces préparées, sauces complètes, sauces au poivre, sauces piquantes, compotes, chutney et ketchup » ;

–        classe 32 : « Boissons non alcooliques, boissons gazeuses, boissons non gazeuses à base de malt, sirops, extraits et essences pour la préparation de boissons non alcooliques ; jus de fruits ».

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était notamment celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1) [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

8        À la suite de la demande formulée par la requérante, l’EUIPO a invité Grace Foods à apporter la preuve de l’usage sérieux notamment de la marque antérieure. Cette dernière a déféré à ladite demande dans le délai imparti.

9        Le 26 août 2021, la division d’opposition a partiellement fait droit à l’opposition en ce qui concerne les produits et les services visés par la marque demandée relevant des classes 29, 30 et 43 et correspondant à la description suivante :

–        classe 29 : « Trempettes [dips] » ;

–        classe 30 : « Sauces ; condiments ; marinades » ;

–        classe 43 : « Services de traiteurs ; services de restauration (alimentation) ; services de restauration rapide à emporter ; mise à disposition d’aliments et de boissons ».

10      Le 26 octobre 2021, Grace Foods a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition dans la mesure où celle-ci avait rejeté l’opposition.

11      Le 7 mars 2022, la requérante a formé un recours incident auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition tendant à l’annulation de cette dernière dans la mesure où celle-ci avait accueilli l’opposition.

12      Par la décision attaquée, la chambre de recours a partiellement annulé la décision de la division d’opposition et refusé la marque demandée également pour les autres produits relevant des classes 29 et 30. Elle a rejeté le recours pour le surplus ainsi que le recours incident.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

14      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens si une audience de plaidoiries est convoquée.

 En droit

15      Au soutien de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Ce moyen est articulé, en substance, en trois branches, tirées la première, de l’appréciation incorrecte de l’élément figuratif de la marque demandée, la deuxième, de l’appréciation incorrecte de l’élément verbal « pollen » de cette même marque ainsi que de l’élément verbal « grace » commun aux deux marques en conflit, et, la troisième, de la violation de la règle selon laquelle le public pertinent accorde plus d’attention au début des marques qu’à leur fin.

16      À titre liminaire, il convient de rappeler que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 14 août 2017, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009, tel que modifié par le règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015, modifiant le règlement no 207/2009 et le règlement (CE) no 2868/95 de la Commission portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire, et abrogeant le règlement (CE) no 2869/95 de la Commission relatif aux taxes à payer à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (JO 2015, L 341, p. 21) (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

17      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée, par la requérante dans l’argumentation soulevée et par l’EUIPO, à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 comme visant l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, qui est d’une teneur identique.

18      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

19      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

20      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

21      Au point 131 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que les produits compris dans les classes 29, 30 et 32 étaient essentiellement des aliments et des boissons non alcooliques qui s’adressaient au grand public faisant preuve d’un niveau d’attention moyen. Quant aux services compris dans la classe 43, la chambre de recours a indiqué, au point 133 de la décision attaquée, qu’ils concernaient divers services de restauration ou de l’alimentation, proposés à des prix relativement bas et s’adressaient au grand public, dont le niveau d’attention était, tout au plus, moyen.

22      Aux points 134 et 135 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé qu’il convenait d’axer la comparaison des marques en conflit sur la partie anglophone du public pertinent, pour laquelle les éléments verbaux desdites marques ont une signification.

23      Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces appréciations, qui ne sont pas contestées par la requérante.

 Sur la comparaison des produits et des services

24      Il n’y a pas non plus lieu de remettre en cause les conclusions non contestées de la chambre de recours figurant aux points 174 et 176 de la décision attaquée selon lesquelles, d’une part, tous les produits compris dans les classes 29 et 30 et couverts par la marque demandée sont soit identiques soit similaires à des degrés divers aux produits couverts par la marque antérieure et compris dans les classes 29 et 30, pour lesquels un usage sérieux a été démontré (voir point 126 de la décision attaquée), et, d’autre part, tous les services compris dans la classe 43 et couverts par la marque demandée sont similaires à un faible degré au lait compris dans la classe 29 et couvert par la marque antérieure.

 Sur la comparaison des signes

25      Deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, sont pertinents les aspects visuel, phonétique et conceptuel [voir, par analogie, arrêt du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 30 et jurisprudence citée].

26      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les signes en conflit, considérés chacun dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41).

 Sur la première branche, tirée de l’appréciation incorrecte de l’élément figuratif de la marque demandée

27      La requérante soutient que la chambre de recours n’a pas tenu compte, dans la comparaison des signes en conflit, de l’élément figuratif de la marque demandée, qui serait lu, prononcé et interprété par le public pertinent en tant que « plus », c’est-à-dire, en « complément de », ou comme abréviation du terme « et ». Cette circonstance ressortirait non seulement de la représentation de la marque demandée, mais également de sa description dans le registre selon laquelle elle comporterait « un symbole “+” stylisé ». Ainsi, la chambre de recours aurait dû considérer cet élément de la marque demandée dans la comparaison visuelle comme le symbole « + ». Dans le cadre de l’examen de la similitude sur le plan phonétique, elle aurait dû tenir compte du fait que cet élément serait prononcé « et ». Enfin, sur le plan conceptuel, cet élément aurait dû se voir attribuer une signification, à savoir « en plus de » ou « et ».

28      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

29      En premier lieu, pour autant que l’EUIPO soutient que la première branche est irrecevable, à défaut d’avoir été formulée devant les instances de l’EUIPO, il est exact que, si la requérante a soutenu devant la division d’opposition que l’élément figuratif de la marque demandée était un « + », elle ne l’a pas fait devant la chambre de recours.

30      Le recours formé devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001, l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal prévoyant, quant à lui, que les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. Par conséquent, le contrôle exercé par le Tribunal ne peut aller au-delà du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours. De même, un requérant n’a pas le pouvoir de modifier devant le Tribunal les termes du litige, tels qu’ils résultaient des prétentions et des allégations avancées par lui-même et par l’intervenant [voir arrêt du 19 octobre 2022, H&H/EUIPO – Giuliani (Swisse), T‑486/20, non publié, EU:T:2022:642, points 44 et 45 et jurisprudence citée].

31      Toutefois, il a été jugé qu’une opposition à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, lorsqu’elle est fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, saisit l’EUIPO de la question de l’identité ou de la similitude des marques en conflit ainsi que des produits et des services visés par elles. Par conséquent, le fait que la similitude des marques en conflit n’ait pas été contestée par la requérante devant la chambre de recours ne saurait nullement avoir pour effet de dessaisir l’EUIPO de la question de savoir si ces marques sont identiques ou similaires. Une telle circonstance ne saurait donc davantage avoir pour effet de priver une partie du droit de contester devant le Tribunal, dans les limites du cadre juridique et factuel du litige devant la chambre de recours, les appréciations portées par cette dernière instance à ce sujet [arrêt du 24 mai 2011, ancotel/OHMI – Acotel (ancotel.), T‑408/09, non publié, EU:T:2011:241, points 21 à 23].

32      Il s’ensuit que la présente branche, qui concerne l’appréciation de la similitude des signes en cause et qui a été soulevée par la requérante devant la division d’opposition, est recevable devant le Tribunal.

33      En deuxième lieu, lorsque la chambre de recours détermine la perception qu’a le public pertinent d’une marque demandée, elle n’est nullement liée par les explications données par les parties [voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2012, Mustang/OHMI – Decathlon (Trait ondulé), T‑379/08, non publié, EU:T:2012:125, point 35]. Plus particulièrement, la possibilité pour un demandeur de marque de l’Union européenne d’adjoindre à sa demande une description du signe demandé donne une information sur la perception du signe par le demandeur de celui-ci, mais nullement sur sa perception par le public pertinent [arrêt du 21 décembre 2022, International Masis Tabak/EUIPO – Philip Morris Brands (Représentation d’un paquet de cigarettes), T‑44/22, non publié, EU:T:2022:843, point 46]. Partant, une telle description n’est pas pertinente aux fins de l’examen de la perception qu’a le public pertinent du signe en question, de sorte que les instances de l’EUIPO ne sont pas obligées de l’aborder expressément.

34      En tout état de cause, la chambre de recours a rappelé, au point 1 de la décision attaquée, la description de la marque demandée par la requérante et a indiqué au point 190 de cette décision que « [l]’élément figuratif du signe contesté ne véhicul[ait] aucune signification claire, mais [qu’]il s’agi[ssait]t simplement d’un élément décoratif et banal et [qu’]il poss[édait] donc un faible caractère distinctif ». Elle a donc pris en compte et infirmé la description fournie par la requérante de l’élément figuratif de la marque demandée.

35      Il s’ensuit que l’argument de la requérante tiré du défaut de prise en compte de la description de la marque demandée figurant sur le formulaire de la demande d’enregistrement ne saurait prospérer.

36      En troisième lieu, à l’instar de ce qui a été relevé par la chambre de recours et l’EUIPO, l’élément figuratif de la marque demandée ne sera pas perçu par le public concerné en tant que « + », mais plutôt comme un élément purement décoratif. En effet, le symbole « + » est notoirement connu de tout le public concerné et il consiste en deux lignes perpendiculaires de même longueur qui se croisent au milieu. S’il est possible qu’il soit inséré dans un cercle, pour indiquer par exemple la polarité de piles, il n’est aucunement usuel que sa ligne horizontale soit plus longue que sa ligne verticale. Or, en l’espèce, la ligne horizontale dudit élément figuratif est beaucoup plus longue que la ligne verticale. Elle touche des deux côtés le cercle sans le dépasser, de sorte qu’elle le coupe au milieu. L’adjonction de la ligne verticale plus courte au cercle coupé en deux a pour effet de créer un signe qui ne ressemble pas de prime abord à un « + ».

37      De surcroît, le symbole « + » a pour fonction d’indiquer une addition, de sorte qu’il est normalement représenté de manière claire. Cependant, il ressort de la description de la marque et de sa représentation dans le formulaire de la demande d’enregistrement que la requérante revendique non seulement la couleur jaune pour l’élément figuratif, mais également la couleur blanche pour le fond de la marque. Or, en l’espèce, l’élément figuratif de couleur jaune n’est pas aisément perceptible sur le fond blanc.

38      Ainsi que l’a rappelé à juste titre la chambre de recours, au point 191 de la décision attaquée, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails. Il n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image non parfaite qu’il en a gardée en mémoire (arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 26). Ainsi, le consommateur ne s’attardera pas à réfléchir sur l’éventualité que l’élément figuratif puisse constituer le symbole « + », mais l’apercevra tout au plus comme un élément décoratif.

39      La première branche doit donc être rejetée comme étant non fondée.

 Sur la deuxième branche, tirée de l’appréciation incorrecte de l’élément verbal « pollen » de la marque demandée et de l’élément verbal « grace » commun aux signes en conflit

40      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré l’élément verbal « pollen » de la marque demandée comme renvoyant uniquement à un aliment, alors que cet élément pourrait également être considéré comme un nom de famille courant que le public anglophone percevrait comme tel. De même, l’élément verbal « grace » pourrait renvoyer non seulement à un prénom féminin, mais également à un nom de famille courant. Ainsi, la marque demandée pourrait être perçue par le public pertinent comme étant constituée de deux noms de famille, à savoir Pollen et Grace. Par conséquent, la chambre de recours n’aurait pas dû considérer que la signification de l’élément « pollen » était allusive, mais que ce dernier désignait une personne. L’erreur prétendument commise par la chambre de recours aurait conduit cette dernière à considérer les signes en conflit comme étant plus similaires sur le plan conceptuel qu’ils ne le seraient en réalité.

41      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

42      En premier lieu, si l’élément verbal « pollen » peut éventuellement avoir d’autres significations que celle constatée par la chambre de recours, leur existence n’est pas pertinente en l’espèce. Comme l’EUIPO l’a relevé à juste titre, afin d’établir le caractère distinctif d’un signe, il faut se fonder sur la perception du public pertinent normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, eu égard aux produits et aux services en cause [arrêt du 6 octobre 2011, medi/OHMI – Deutsche Medien Center (deutschemedi.de), T‑247/10, non publié, EU:T:2011:579, point 42]. En l’espèce, dans la mesure où les produits et les services en cause, relevant des classes 29, 30, et 43, appartiennent au domaine de l’alimentation, le public pertinent percevra l’élément verbal « pollen » comme évocateur d’aliments.

43      À cet égard, il n’est pas nécessaire que ce public consomme ou ait consommé des aliments qui contiennent du pollen, mais il suffit qu’il sache que le pollen est utilisé en tant qu’additif alimentaire. Ainsi que l’a indiqué à juste titre la chambre de recours au point 188 de la décision attaquée, le pollen est considéré comme un superaliment, c’est-à-dire un aliment qui présente des avantages nutritionnels optimaux et gagne en popularité en tant qu’ingrédient dans les recettes afin d’améliorer leur apport nutritionnel et leurs avantages pour la santé.

44      En deuxième lieu, la requérante a soutenu à l’audience que certaines personnes célèbres portaient ou avaient porté le nom de famille Pollen. Toutefois, elle n’a pas démontré ni même expliqué que le public pertinent connaissait ces personnes. Elle n’a pas non plus démontré qu’il s’agissait d’un nom de famille fréquent qui serait, de ce fait, connu par le public pertinent.

45      En troisième lieu, la requérante s’est bornée à affirmer que Grace était un nom de famille courant sans toutefois l’étayer. Elle n’a avancé aucun autre argument de nature à démontrer son allégation selon laquelle le public pertinent associerait l’élément verbal « grace » à un nom de famille.

46      Il s’ensuit que la deuxième branche doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur la troisième branche, tirée de la violation de la règle selon laquelle le public pertinent accorde plus d’attention au début des marques qu’à leur fin

47      La requérante fait valoir que la chambre de recours, en considérant au point 192 de la décision attaquée que l’élément « grace » était l’élément verbal central des marques en conflit, n’a pas tenu compte d’une jurisprudence constante selon laquelle le public pertinent prête une plus grande importance au début d’une marque qu’à sa fin.

48      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

49      Il a été itérativement jugé, ainsi que le soutient la requérante, que le consommateur prête généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin et que le mot placé au début du signe est susceptible d’avoir un impact plus important que le reste du signe. Cependant, comme le rappelle à juste titre l’EUIPO, cette règle ne saurait s’appliquer indépendamment des faits du cas d’espèce, et notamment des caractéristiques spécifiques des signes en conflit [voir arrêt du 18 novembre 2020, Topcart/EUIPO – Carl International (TC CARL), T‑378/19, non publié, EU:T:2020:544, point 47 et jurisprudence citée].

50      Or, il a été conclu aux points 42 et 43 ci-dessus que le public pertinent percevrait l’élément verbal « pollen » de la marque demandée comme étant évocateur du domaine de l’alimentation. Ainsi, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré, au point 188 de la décision attaquée, en substance, que le mot « pollen » possédait un caractère distinctif faible pour les produits et les services en cause.

51      Partant, et eu égard au caractère distinctif faible tant de l’élément figuratif que de la stylisation de la marque demandée (points 187, 190 et 192 de la décision attaquée), la chambre de recours a conclu à juste titre, au point 192 de la décision attaquée, que c’était l’élément verbal « grace » qui ferait l’objet d’une attention particulière de la part du public concerné.

52      Par conséquent, la troisième branche doit être rejetée comme étant non fondée.

53      Il s’ensuit que c’est à tort que la requérante soutient que les erreurs prétendument commises par la chambre de recours ont conduit cette dernière à conclure erronément à un degré moyen de similitude visuelle et de similitude phonétique ainsi qu’à un degré élevé de similitude conceptuelle entre les signes en conflit.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

54      Au point 212 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu qu’il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 pour tous les produits et les services couverts par la marque demandée et compris dans les classes 29, 30 et 43.

55      La requérante soutient que les signes en conflit présentent un degré de similitude inférieur à la moyenne sur les plans visuel et phonétique et que la similitude conceptuelle est encore moindre. Il s’ensuivrait qu’il n’existe pas de risque de confusion.

56      Selon une jurisprudence constante, l’existence d’un risque de confusion doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce [voir arrêt du 12 octobre 2022, MCO (IP)/EUIPO – C8 (C2), T‑461/21, non publié, EU:T:2022:624, point 45 et jurisprudence citée].

57      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

58      Comme il a été constaté au point 53 ci-dessus, l’appréciation de la similitude des signes en conflit par la chambre de recours est exempte d’erreur. Eu égard au caractère distinctif moyen de la marque antérieure, à la similitude à divers degrés ou à l’identité des produits et des services en cause ainsi qu’à la similitude moyenne des signes en conflit sur les plans visuel et phonétique et élevée sur le plan conceptuel, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent. Cette conclusion vaut également à l’égard des services couverts par la marque demandée et compris dans la classe 43 qui sont similaires à un faible degré au produit « lait » couvert par la marque antérieure et compris dans la classe 29. En effet, le faible degré de similitude entre ces services et ces produits est contrebalancé notamment par la similitude élevée entre les signes en conflit sur le plan conceptuel.

59      Il y a donc lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

60      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Pollen + Grace Ltd est condamnée aux dépens.

Schalin

Nõmm

Steinfatt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 novembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.