Language of document : ECLI:EU:T:2008:215

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

19 juin 2008 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale MINERAL SPA – Marque nationale verbale antérieure SPA – Motif relatif de refus – Renommée – Profit indûment tiré de la renommée de la marque antérieure – Article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑93/06,

Mülhens      GmbH & Co. KG, établie à Cologne (Allemagne), représentée par Mes T. Schulte-Beckhausen et S. Maaßen, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Spa Monopole, compagnie fermière de Spa SA/NV, établie à Spa (Belgique), représentée par Mes L. de Brouwer, É. Cornu, E. de Gryse et D. Moreau, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 11 janvier 2006 (affaire R 825/2004‑2), relative à une procédure d’opposition entre Spa Monopole, compagnie fermière de Spa SA/NV et Mülhens GmbH & Co. KG,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. N. Wahl (rapporteur) et A. Dittrich, juges,

greffier : Mme C. Kantza, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 23 mars 2006,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 12 juin 2006,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 29 juin 2006,

à la suite de l’audience du 5 décembre 2007,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 13 février 2001, la requérante, Mülhens GmbH & Co. KG, a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal MINERAL SPA.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices ».

4        Cette demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires nº 90/2001 le 15 octobre 2001.

5        Le 11 janvier 2002, l’intervenante, Spa Monopole, compagnie fermière de Spa SA/NV, a formé une opposition, au titre de l’article 42 du règlement nº 40/94, à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée, pour tous les produits visés par cette dernière. Elle fondait son opposition, entre autres, sur la marque verbale SPA enregistrée auprès du Bureau Benelux des marques sous le numéro 389230 pour les produits suivants : « eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; sirops et autres préparations pour faire des boissons », relevant de la classe 32. À l’appui de l’opposition, elle invoquait, notamment, l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94.

6        Par décision du 18 août 2004, la division d’opposition a fait droit à l’opposition au motif que la marque demandée porterait probablement préjudice ou tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement nº 40/94.

7        Le 15 septembre 2004, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de la division d’opposition. Elle a tout d’abord fait valoir que la partie intervenante n’avait pas prouvé la renommée de la marque antérieure. Elle a ensuite contesté que les marques en conflit étaient similaires, étant donné que le terme « spa » est descriptif en anglais. Enfin, elle a exclu la possibilité d’un transfert de renommée des eaux minérales aux produits cosmétiques.

8        Par décision du 11 janvier 2006 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours.

9        À la lumière des pièces déposées par la partie intervenante, la chambre de recours a considéré que le public pertinent était le grand public et que la marque antérieure jouissait d’une immense renommée au Benelux pour les eaux minérales.

10      La chambre de recours a ensuite relevé que les signes en conflit étaient similaires au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement nº 40/94. Elle a en effet considéré que le terme « mineral » était descriptif de l’une des composantes des produits visés par la demande de marque et que le terme « spa » pouvait constituer l’élément le plus distinctif de la marque demandée, en raison de la renommée de la marque antérieure SPA au Benelux, où ledit terme a acquis une signification secondaire et un fort caractère distinctif par rapport à l’eau minérale et, par extension, aux produits ayant un certain lien avec cette dernière. Selon la chambre de recours, puisque la marque antérieure est incluse dans la marque demandée, les signes en conflit sont suffisamment similaires sur les plans visuel, phonétique et conceptuel pour que le consommateur moyen établisse un lien entre eux, sans pour autant les confondre.

11      La chambre de recours a, dans la décision attaquée, considéré que, malgré le caractère distinctif faible du terme « spa », il n’est pas improbable que les consommateurs du Benelux puissent associer la marque demandée avec la marque de renommée SPA. Même si les produits cosmétiques et les produits visés par la marque antérieure ne sont pas similaires, leur différence n’est pas assez marquée pour éviter que le grand public n’établisse un certain lien entre eux. En raison de ce lien, de l’association entre les deux marques et de la proximité des produits concernés, il est très probable que la requérante tirera un profit indu de la réputation et de la capacité soutenue et constante de vente de la marque antérieure. Dès lors, eu égard à l’absence de toute preuve d’un juste motif au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement nº 40/94, il a été conclu à l’application de cette dernière disposition et, partant, au rejet du recours.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

13      L’OHMI et la partie intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur la recevabilité des documents contenus dans certaines annexes de la requête

 Arguments des parties

14      La partie intervenante conteste la recevabilité des documents contenus dans les annexes 5 à 24 de la requête, au motif qu’ils ont été présentés pour la première fois devant le Tribunal. L’OHMI s’est rallié à cette position lors de l’audience.

15      La requérante a soutenu lors de l’audience que les documents contenus dans les annexes 5 à 24 de la requête étaient recevables, car, s’ils ont été présentés pour la première fois devant le Tribunal, ils ne constituaient pas des éléments nouveaux et ils se limitaient à étayer des faits déjà présentés devant la chambre de recours.

 Appréciation du Tribunal

16      Selon une jurisprudence constante, le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours au sens de l’article 63 du règlement nº 40/94. Or, des faits qui sont invoqués devant le Tribunal sans avoir été portés auparavant devant les instances de l’OHMI ne sauraient affecter la légalité d’une telle décision que si l’OHMI avait dû les prendre en considération d’office. À cet égard, il résulte de l’article 74, paragraphe 1, in fine, du règlement nº 40/94, selon lequel, dans une procédure concernant les motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen de l’OHMI est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties, que celui-ci n’est pas tenu de prendre en considération, d’office, des faits qui n’ont pas été avancés par les parties. Partant, de tels faits ne sont pas susceptibles de mettre en cause la légalité d’une décision de la chambre de recours [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 juillet 2004, Samar/OHMI – Grotto (GAS STATION), T‑115/03, Rec. p. II‑2939, point 13].

17      En l’espèce, la requérante a admis lors de l’audience que les documents contenus dans les annexes 5 à 24 de la requête n’avaient pas été produits devant l’OHMI.

18      Dès lors, ainsi que le soutient la partie intervenante, les documents contenus dans les annexes 5 à 24 de la requête ne peuvent être pris en considération par le Tribunal.

 Sur le fond

 Arguments des parties

19      La requérante soulève, en substance, un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, en ce que les conditions d’application de cette disposition ne sont pas remplies.

20      En premier lieu, la requérante soutient, que la chambre de recours, dans la décision attaquée, n’a pas tenu compte des passages essentiels de son argumentation ni déterminé précisément le degré de renommée dont jouissait la marque antérieure. Or, selon la requérante, cette dernière disposition ne s’applique que si la renommée de la marque antérieure est exceptionnelle.

21      En deuxième lieu, la requérante avance qu’il est exclu que le grand public associe le terme « spa » à la marque antérieure et à ses eaux minérales. En effet, le terme « spa » se référerait tout d’abord à la ville de Spa (Belgique) et aux eaux minérales ayant un effet sain ou guérisseur. Lors de l’audience, la requérante a ajouté que le terme « spa » se réfère également à la piste de formule 1 de Spa-Francorchamps. Le mot « spa » aurait également acquis une signification ultérieure, de caractère générique, concernant les établissements de cure et de bien-être [arrêt du Tribunal du 25 mai 2005, Spa Monopole/OHMI – Spa-Finders Travel Arrangements (SPA-FINDERS), T‑67/04, Rec. p. II‑1825]. Cette dernière signification serait désormais la plus importante. De plus, la requérante relève que, en néerlandais, en français et en anglais, le terme « spa » est dérivé du latin, étant composé par les trois initiales de l’expression latine « sanus per aquam ». Puisque le latin est peu ou prou maîtrisé au Benelux, le grand public associera le terme « spa » à ladite expression latine.

22      En troisième lieu, selon la requérante, les considérations mentionnées ci-dessus démontrent que c’est à tort que la chambre de recours a jugé que les marques en conflit étaient similaires. Dès lors que le mot « spa » a un caractère descriptif, il ne pourrait être considéré comme l’élément distinctif de la marque demandée. Partant, d’après elle, l’attention du public se concentrera plutôt sur la composante « mineral » ou, tout au plus, de façon égale sur les deux composantes « mineral » et « spa ».

23      Enfin, la requérante prétend qu’un transfert de la renommée et de l’image de la marque antérieure à celle demandée n’est pas possible en l’espèce. En effet, d’après la requérante, les eaux minérales commercialisées par la partie intervenante n’ont aucun caractère d’exclusivité et ne sont pas uniquement vendues dans des boutiques spécialisées. Lors de l’audience, la requérante a souligné que les produits en cause étaient très différents, dès lors qu’ils n’étaient pas normalement fabriqués par les mêmes entreprises et qu’ils n’étaient pas vendus ensemble ou dans les mêmes magasins. Elle a en outre mis en exergue le fait que les huiles essentielles et les parfums ne portent pas la mention « eau minérale ». Par ailleurs, un lien entre lesdits différents produits ne pourrait être déduit du fait qu’ils contiennent tous de l’eau, étant donné que cette dernière est contenue dans une multitude de produits, tels que l’acier.

24      L’OHMI, soutenu par la partie intervenante, conteste les arguments avancés par la requérante.

 Appréciation du Tribunal

25      Il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 que son application est soumise aux conditions suivantes : premièrement, l’identité ou la similitude des marques en conflit ; deuxièmement, l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition et, troisièmement, l’existence d’un risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porterait préjudice. Ces conditions sont cumulatives et l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [arrêts du Tribunal SPA-FINDERS, précité, point 30, et du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, Rec. p. II‑711, point 34].

26      Afin de mieux cerner le risque visé à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, il convient de relever que la fonction première d’une marque consiste incontestablement en une « fonction d’origine » (voir septième considérant du règlement n° 40/94). Il n’en reste pas moins qu’une marque agit également comme moyen de transmission d’autres messages concernant, notamment, les qualités ou les caractéristiques particulières des produits ou des services qu’elle désigne, ou les images et les sensations qu’elle projette, tels que le luxe, le style de vie, l’exclusivité, l’aventure, la jeunesse. En ce sens, la marque possède une valeur économique intrinsèque autonome et distincte par rapport à celle des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée. Les messages en question que véhicule notamment une marque renommée ou qui lui sont associés confèrent à celle-ci une valeur importante et digne de protection, et ce d’autant plus que, dans la plupart des cas, la renommée d’une marque est le résultat d’efforts et d’investissements considérables de son titulaire. C’est ainsi que l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 assure la protection d’une marque renommée, à l’égard de toute demande de marque identique ou similaire qui pourrait porter atteinte à son image, même si les produits ou services visés par la marque demandée ne sont pas analogues à ceux pour lesquels la marque antérieure renommée a été enregistrée (arrêt VIPS, précité, point 35).

 Sur la similitude entre la marque demandée et la marque antérieure

27      Selon la jurisprudence, les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre la marque antérieure et la marque dont l’enregistrement est demandé, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre les deux, c’est-à-dire établit un lien entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas. L’existence d’un tel lien, qui doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, est donc une condition essentielle pour appliquer cette disposition [voir, par analogie, s’agissant de l’article 5, paragraphe 2, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), arrêt de la Cour du 23 octobre 2003, Adidas-Salomon et Adidas Benelux, C‑408/01, Rec. p. I‑12537, points 29, 30 et 38 ; voir aussi arrêt VIPS, précité, point 47].

28      En l’espèce, la chambre de recours a, au point 23 de la décision attaquée, relevé, à juste titre, que le public concerné était celui composé du grand public au Benelux. En effet, tant les produits visés par la marque antérieure, laquelle est enregistrée au Benelux, que ceux visés par la marque demandée sont des produits de consommation courante.

29      La chambre de recours a, au point 32 de la décision attaquée, indiqué que le terme « mineral » était descriptif de l’une des composantes des produits pour lesquels la demande de marque avait été introduite. Elle a ensuite affirmé que le terme « spa », qui, pour le consommateur moyen au Benelux, se réfère à la ville de Spa et à ses fameuses sources d’eau minérale, avait un caractère distinctif intrinsèquement faible. La chambre de recours a néanmoins considéré que le terme « spa » pouvait constituer l’élément le plus distinctif de la marque demandée, en raison de la renommée de la marque antérieure SPA au Benelux, où ledit terme a acquis une signification secondaire et un fort caractère distinctif lié à l’eau minérale et, par extension, associé aux produits ayant un certain lien avec cette dernière. Elle a conclu que, puisque la marque antérieure était incluse dans la marque demandée, les deux signes étaient suffisamment similaires sur les plans visuel, phonétique et conceptuel pour que le consommateur moyen établisse un lien entre eux au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement nº 40/94.

30      Cette conclusion est correcte. En effet, les deux marques présentent une certaine similarité sur les plans visuel et phonétique, dès lors que le mot « spa » leur est commun. S’il est vrai que le consommateur attache normalement plus d’importance à la partie initiale des mots [arrêt du Tribunal du 17 mars 2004, El Corte Inglés/OHMI – González Cabello et Iberia Líneas Aéreas de España (MUNDICOR), T‑183/02 et T‑184/02, Rec. p. II‑965, point 81], il apparaît qu’en l’espèce, l’attention du consommateur moyen au Benelux se concentrera sur le second élément de l’expression « mineral spa », car le terme « mineral », ainsi que le souligne à juste titre la chambre de recours au point 32 de la décision attaquée, décrit les composantes des produits en cause en raison de l’utilisation courante de minéraux dans le domaine cosmétique.

31      En outre, les deux marques sont également relativement similaires sur le plan conceptuel. En effet, ainsi que cela a été relevé au point 32 de la décision attaquée, le terme « spa » se réfère non seulement à la ville de Spa, mais également aux eaux minérales visées par la marque antérieure du fait de son utilisation longue et extensive pour désigner ces dernières, de sorte que le consommateur moyen du Benelux associera probablement les eaux minérales commercialisées sous la marque SPA au terme « spa » contenu dans la marque demandée. Or, la troisième signification du terme « spa » invoquée par la requérante est additionnelle et ne prime donc pas sur les autres significations. Par conséquent, la considération de la requérante, selon laquelle le mot « spa » a également acquis une signification plus importante, à caractère générique, visant les établissements de cure et de bien-être, ne saurait infirmer la conclusion selon laquelle les signes en cause présentent une certaine similitude.

32      Il résulte des considérations précédentes qu’un lien entre les deux marques au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 a été établi.

 Sur la renommée de la marque antérieure

33      Selon la jurisprudence, pour satisfaire à la condition relative à la renommée, une marque antérieure doit être connue d’une partie significative du public concerné pour les produits ou les services couverts par elle, c’est-à-dire, en fonction du produit ou du service commercialisé, soit par le grand public, soit par un public plus spécialisé tel qu’un milieu professionnel donné. Dans l’examen de cette condition, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents en cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque antérieure, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir, sans qu’il soit exigé que cette marque soit connue d’un pourcentage déterminé du public ainsi défini ou que sa renommée s’étende à la totalité du territoire concerné, dès lors que la renommée existe dans une partie substantielle de celui-ci [voir, par analogie, s’agissant de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104, arrêt de la Cour du 14 septembre 1999, General Motors, C‑375/97, Rec. p. I‑5421, points 24, 25 et 27 à 29, et, à propos de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, arrêt du Tribunal du 13 décembre 2004, El Corte Inglés/OHMI – Pucci (EMILIO PUCCI), T‑8/03, Rec. p. II‑4297, point 67].

34      La chambre de recours affirme, au point 26 de la décision attaquée, que la marque antérieure jouissait d’une immense renommée au Benelux pour les eaux minérales. Ainsi que le relève la chambre de recours au point 24 de la décision attaquée et que le souligne la partie intervenante dans son mémoire en réponse, la marque antérieure est utilisée au Benelux de façon continue depuis plusieurs années, est diffusée sur tout le territoire du Benelux avec une forte présence dans la grande et la petite distribution, est le leader du marché des eaux minérales avec une part de marché de 23,6 % et a fait l’objet d’importants investissements publicitaires et d’activités de parrainage de plusieurs événements sportifs. Ces éléments démontrent la renommée, à tout le moins très grande, de la marque antérieure au Benelux pour les eaux minérales.

35      Il s’ensuit que l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours, dans la décision attaquée, n’a pas déterminé précisément le degré de renommée de la marque antérieure est dépourvu de fondement.

36      Il résulte des considérations précédentes que la renommée de la marque antérieure au Benelux pour les eaux minérales est, à tout le moins, très grande.

 Sur le profit indu et l’absence de juste motif

37      Il importe, en l’espèce, de vérifier si l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la requérante tirera très probablement un profit indu de la renommée de la marque antérieure sans qu’il y ait un juste motif pour l’usage est correcte. En effet, le risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tire indûment profit de la renommée de la marque antérieure suffit pour l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n40/94 (voir, en ce sens, arrêt VIPS, précité, point 36).

38      Ce risque doit être distingué du risque de confusion visé par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n40/94 dont l’existence n’est pas une condition d’application de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement. En effet, le risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tire indûment profit de la renommée de la marque antérieure subsiste lorsque le consommateur, sans nécessairement confondre l’origine commerciale du produit ou du service en cause, est attiré par la marque demandée elle-même et achète le produit ou le service visé par elle au motif qu’il porte cette marque, identique à une marque antérieure renommée ou similaire (arrêt VIPS, précité, points 41 et 42).

39      Le but de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 n’est pas d’empêcher l’enregistrement de toute marque identique à une marque renommée ou similaire. L’objectif de cette disposition est, notamment, de permettre au titulaire d’une marque antérieure renommée de s’opposer à l’enregistrement de marques susceptibles soit de porter préjudice à la renommée ou au caractère distinctif de la marque antérieure, soit de tirer indûment profit de cette renommée ou de ce caractère distinctif. À cet égard, il convient de préciser que le titulaire de la marque antérieure n’est pas tenu de démontrer l’existence d’une atteinte effective et actuelle à sa marque. Il doit toutefois apporter des éléments permettant de conclure prima facie à un risque futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice (arrêts SPA FINDERS, précité, point 40, et VIPS, précité, point 46).

40      La notion de profit que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment de la renommée de la marque antérieure consiste dans le risque que l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation serait facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée (arrêt VIPS, précité, point 40).

41      Le risque d’un tel transfert est établi en l’espèce. En effet, tout d’abord, ainsi qu’il a été relevé à juste titre au point 40 de la décision attaquée, le public concerné par la marque demandée, à savoir le grand public au Benelux, peut être le même que celui visé par la marque antérieure.

42      Ensuite, les produits visés par la marque demandée et ceux de la marque antérieure ne sont pas éloignés. En effet, ainsi que le souligne la chambre de recours au point 40 de la décision attaquée, les eaux thermales, les produits cosmétiques, les savons et les huiles essentielles peuvent être utilisés ensemble pour des traitements de la peau et des soins de beauté. De plus, les eaux minérales et les sels minéraux peuvent être utilisés dans la production de savons, d’autres produits cosmétiques et de lotions pour les cheveux. En outre, les exploitants d’eaux minérales vendent parfois des produits cosmétiques composés d’eaux minérales.

43      Enfin, l’image de la marque antérieure et le message qu’elle véhicule renvoient à la santé, à la beauté, à la pureté et à la richesse en minéraux. Cette image et ce message peuvent également s’appliquer aux produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé par la requérante, car ils sont utilisés pour préserver et améliorer la santé ou la beauté. Partant, la requérante pourrait tirer un profit indu de l’image de la marque antérieure et du message véhiculé par celle-ci en ce que les produits visés par la marque demandée seraient perçus par le public pertinent comme porteurs de santé, de beauté et de pureté. Dès lors, le risque d’un transfert parasitaire des efforts publicitaires déployés par le titulaire de la marque antérieure vers celle demandée est établi.

44      Par ailleurs, l’argument de la requérante tiré du fait que l’eau est présente dans une multitude de produits différents ne saurait prospérer. En effet, ainsi que l’a soutenu l’OHMI lors de l’audience, il ne s’agit pas de savoir si le dentifrice et le parfum contiennent de l’eau minérale, mais de savoir si le public peut penser que les produits en cause sont fabriqués à partir de ou avec de l’eau minérale.

45      Il s’ensuit que l’OHMI était fondé, dans la décision attaquée, à conclure qu’il est probable que la requérante tirera un profit indu de la renommée de la marque antérieure. Par conséquent, la décision attaquée n’est pas entachée d’erreur à cet égard.

46      La chambre de recours a, dans la décision attaquée, conclu à l’absence d’un juste motif au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 et la requérante n’a apporté aucun élément factuel ou juridique de nature à remettre en cause cette conclusion.

47      Il ressort de tout ce qui précède que le moyen unique de la requête ne saurait être accueilli et que, partant, le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

48      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mülhens GmbH & Co. KG est condamnée aux dépens.

Martins Ribeiro

Wahl

Dittrich

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 juin 2008

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      M. E. Martins Ribeiro


* Langue de procédure : l’anglais.