Language of document : ECLI:EU:T:2023:25

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

1er février 2023 (*) 

« Fonction publique – Personnel du SEAE – Recrutement – Avis de vacance – Rejet de candidature – Article 98 du statut – Notion de “membre du personnel des services diplomatiques nationaux des États membres” – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑365/21,

TJ, représenté par Mes A. Véghely, V. Luszcz et D. Karsai, avocats,

partie requérante,

contre

Service européen pour l’action extérieure (SEAE), représenté par MM. S. Marquardt et R. Spáč, en qualité d’agents, assistés de Mes M. Troncoso Ferrer, F.-M. Hislaire et L. Lence de Frutos, avocats,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé, lors des délibérations, de M. H. Kanninen, président, Mmes O. Porchia et M. Stancu (rapporteure), juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 11 juillet 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, TJ, demande, d’une part, l’annulation de la décision du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) du 4 septembre 2020 par laquelle celui-ci a rejeté sa candidature au poste de [confidentiel] (1) (ci-après la « décision de rejet de la candidature ») ainsi que de la décision du 23 juillet 2020 par laquelle A a été nommé à ce même poste (ci-après la « décision de nomination ») et, d’autre part, la réparation des préjudices matériel et moral qu’il aurait subis de ce fait.

 Antécédents du litige

2        Le requérant est membre du personnel du service diplomatique national [confidentiel].

3        Le 10 février 2020, le SEAE a publié l’avis de vacance [confidentiel] (ci-après l’« avis de vacance litigieux ») pour le poste de [confidentiel] (ci-après le « poste litigieux »), pour lequel le requérant a déposé sa candidature dans les délais requis.

4        Le 23 avril 2020, le comité consultatif des nominations du SEAE (ci-après le « CCN ») a fait passer un entretien à quatre candidats. Trois d’entre eux, dont le requérant, ont été retenus pour l’étape suivante de la procédure de sélection, à savoir les épreuves du centre d’évaluation.

5        Le requérant a passé les épreuves du centre d’évaluation le 6 mai 2020. Le CCN a analysé les rapports du centre d’évaluation le 19 mai 2020 et a décidé de soumettre la candidature du requérant ainsi que celles de deux autres personnes à l’intention du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (ci-après le « haut représentant »), en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »).

6        Le requérant a eu un entretien téléphonique avec le haut représentant le 3 juillet 2020.

7        Le haut représentant a, le 23 juillet 2020, par la décision de nomination, nommé au poste litigieux A (ci-après la « personne choisie »), qui a pris ses fonctions le [confidentiel].

8        Le 8 septembre 2020, le requérant a été informé de la décision de rejet de la candidature.

9        Après avoir été informé que sa candidature avait été rejetée, le requérant a, à plusieurs reprises, pris contact avec le CCN afin d’avoir des éclaircissements sur la procédure de sélection en cause.

10      Le 12 septembre 2020, le requérant a demandé au secrétariat du CCN de lui fournir tous les documents concernant la procédure de sélection en cause, dont le rapport du centre d’évaluation, les critères de sélection ainsi qu’une version anonymisée de la notation et de son classement à toutes les étapes de ladite procédure. Cette demande a été réitérée le 28 septembre 2020.

11      Le 29 septembre 2020, le secrétariat du CCN a transmis au requérant l’avis de vacance litigieux ainsi que le rapport du centre d’évaluation le concernant et l’a informé que le président du CCN était disponible pour un entretien téléphonique.

12      Le 30 septembre 2020, le requérant a accepté de s’entretenir avec le président du CCN et a demandé à disposer de tous les documents demandés avant cet appel téléphonique.

13      Dans un courriel daté du 8 octobre 2020, tout d’abord, le secrétariat du CCN a présenté la composition du CCN, le calendrier et le déroulement de la procédure de sélection en cause ainsi que les critères de sélection. Ensuite, il a expliqué que le CCN avait fourni à l’AIPN une description détaillée des profils et des performances des candidats et non une grille de notation. Enfin, le secrétariat du CCN a indiqué au requérant qu’il avait été considéré comme le « candidat le moins expérimenté parmi les candidats retenus pour le profil spécifique de ce poste », même s’il « [avait] montré un fort potentiel et obtenu de bons résultats lors de l’entretien et [des épreuves] au centre d’évaluation » et que « [l]es consultants [avaie]nt confirmé [son] aptitude à diriger ».

14      Le 22 octobre 2020, le requérant a réitéré sa demande de communication des critères de sélection, de la notation ainsi que de son classement à toutes les étapes de la procédure de sélection en cause. Le 28 octobre 2020, le secrétariat du CCN a fourni au requérant une version actualisée de ses réponses.

15      L’entretien entre le président du CCN et le requérant a eu lieu le 28 octobre 2020. Le lendemain, le requérant a envoyé un courriel de suivi au président du CCN, en demandant que lui soient fournies l’évaluation complète de sa performance ainsi que l’évaluation des autres candidats de manière anonyme et en mettant également en cause la pratique du SEAE consistant à accepter des candidats qui n’étaient pas membres du personnel du service diplomatique de leur État membre. Cette demande a été réitérée le 12 novembre 2020. Le 20 novembre 2020, le président du CCN a répondu au requérant.

16      Le 6 décembre 2020, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») à l’encontre de la décision de rejet de la candidature. Dans le cadre de cette réclamation, le requérant a notamment fait valoir que la personne choisie ne remplissait pas certains critères fixés par l’avis de vacance litigieux.

17      Le 28 janvier 2021, l’unité « Recours et suivi des cas » (HR.E.2) de la Commission européenne a accusé réception de cette réclamation pour le compte du SEAE, en invitant le requérant, s’il le souhaitait, à présenter de nouveaux documents en relation avec ladite réclamation. Le 9 février 2021, le requérant a présenté ses observations à cette unité, dans lesquelles il a précisé que la nomination de la personne choisie n’avait été annoncée qu’après l’introduction de sa réclamation et a également appelé l’attention de la Commission sur une divergence dans les communications antérieures du CCN.

18      La réclamation a été rejetée le 29 mars 2021 par décision du haut représentant.

 Conclusions des parties

19      Le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de rejet de la candidature ainsi que la décision de nomination (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées ») ;

–        informer d’office les institutions compétentes, dans le cas où le Tribunal remarquerait des abus de pouvoir commis dans le cadre de la procédure de sélection litigieuse ;

–        condamner le SEAE à la réparation des préjudices moral et matériel subis en raison des décisions attaquées ;

–        condamner le SEAE aux dépens.

20      Le SEAE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur le deuxième chef de conclusions

21      Par le deuxième chef de conclusions, le requérant demande au Tribunal d’informer les institutions compétentes de l’éventuelle présence d’un abus de pouvoir de la part du SEAE dans le cadre de la procédure de sélection litigieuse.

22      À cet égard, il convient de relever qu’aucune disposition des traités ni aucun principe ne donne compétence au Tribunal pour statuer sur pareille demande. Au demeurant, le requérant n’a pas précisé sur quelle base juridique il entendait s’appuyer (voir, en ce sens, arrêt du 28 mai 2013, Trabelsi e.a./Conseil, T‑187/11, EU:T:2013:273, point 36).

23      Dans ces conditions, le présent chef de conclusions doit être rejeté comme étant porté devant une juridiction incompétente pour en connaître (voir, en ce sens, arrêt du 28 mai 2013, Trabelsi e.a./Conseil, T‑187/11, EU:T:2013:273, point 36).

 Sur le premier chef de conclusions

24      Le requérant soulève quatre moyens au soutien de son premier chef de conclusions, tendant à l’annulation des décisions attaquées, tirés, le premier, d’une violation de l’article 98 du statut et de la décision 2010/427/UE du Conseil, du 26 juillet 2010, fixant l’organisation et le fonctionnement du SEAE (JO 2010, L 201, p. 30) ; le deuxième, d’une violation de l’article 27 du statut ; le troisième, d’une violation du principe d’égalité de traitement, et, le quatrième, de violations du principe de bonne administration.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 98 du statut et de la décision 2010/427

25      Le requérant soulève, au soutien du premier moyen, en substance, trois griefs principaux, tirés, le premier, d’une violation de l’article 98 du statut, en ce que le SEAE aurait nommé au poste litigieux un candidat qui ne remplissait pas le critère d’admissibilité correspondant au fait d’être « membre du personnel des services diplomatiques nationaux des États membres » ; le deuxième, de ce que ce candidat ne remplissait pas non plus le critère d’admissibilité concernant l’expérience décennale dans le domaine des relations extérieures acquise en tant que membre du personnel d’un service diplomatique national, et, le troisième, de ce que la procédure de sélection litigieuse n’était pas transparente.

26      En ce qui concerne le premier grief, le requérant fait valoir, en substance, que la notion de « membre du personnel des services diplomatiques nationaux » prévue par l’article 98, paragraphe 1, premier alinéa, du statut, doit être interprétée en ce sens que rentrent dans cette catégorie les seuls membres qui, au moment du dépôt de leur candidature, sont au service actif du ministère des Affaires étrangères (ci-après le « MAE ») d’un État membre. Une telle interprétation aurait également été confirmée par le SEAE lui-même dans un autre avis de vacance ultérieur. Or, en l’espèce, la personne choisie n’aurait pas été membre du personnel du service diplomatique de son État membre d’origine, dès lors que, au moment du dépôt de sa candidature, elle aurait été chef de la [confidentiel] gendarmerie de [confidentiel], et donc rattachée au ministère des Affaires intérieures [confidentiel]. En outre, la déclaration du MAE du [confidentiel] accompagnant la candidature de la personne choisie n’aurait pas précisé que cette dernière aurait appartenu au personnel du service diplomatique national dudit État membre, mais seulement qu’elle aurait été fonctionnaire de l’administration centrale de celui-ci et qu’elle aurait pu être affectée à un poste dans une mission diplomatique au sein du service diplomatique national.

27      Dans le cadre de la demande de tenue d’une audience déposée le 7 avril 2022, le requérant a présenté, sur le fondement de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, l’avis de vacance 2022 – 61 HQ (AD) Chef de division CPCC, 1 – Conduite des opérations, publié par le SEAE le 31 mars 2022. Selon le requérant, cette preuve devrait corroborer son argumentation relative à l’interprétation de l’article 98, paragraphe 1, premier alinéa, du statut.

28      Le SEAE conteste ces arguments et fait valoir, en substance, que la notion de « service diplomatique national » n’est pas définie par le droit de l’Union et que les services diplomatiques des 27 États membres sont organisés différemment d’un État à l’autre. Ainsi, le droit de regard du SEAE en ce qui concerne l’appartenance des candidats à un service diplomatique national est limité à vérifier si le candidat est officiellement soutenu par le MAE de son État membre d’origine comme étant en mesure d’être détaché auprès d’une mission diplomatique, si cet État membre a fourni une garantie de réintégration immédiate au terme de la période d’activité au SEAE et si le candidat est en service actif au moment du dépôt de sa candidature. Or, ces aspects figurant tous dans la déclaration du MAE de l’État membre d’origine de la personne choisie accompagnant sa candidature, celle-ci pouvait être considérée comme membre du personnel d’un service diplomatique national au sens de l’article 98, paragraphe 1, premier alinéa, du statut.

29      En ce qui concerne la preuve produite par le requérant et mentionnée au point 27 ci-dessus, le SEAE soutient que cette preuve ne devrait pas être admise, dès lors qu’elle ne serait pas pertinente et ne remplirait donc pas les conditions prévues à l’article 85, paragraphe 3, du règlement du procédure.

30      À ce dernier égard et avant d’examiner le bien-fondé du premier grief du premier moyen, il convient de rappeler que, selon l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, à titre exceptionnel, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

31      Par ailleurs, le Tribunal peut accepter une preuve comme étant recevable, sans préjudice de l’examen de sa pertinence dans le cadre du recours, dès lors qu’il n’est pas tenu de motiver de manière expresse ses appréciations en ce qui concerne la valeur de chaque élément de preuve qui lui a été soumis, notamment lorsqu’il considère que ceux-ci sont sans intérêt ou dépourvus de pertinence pour la solution du litige (voir arrêt du 26 avril 2018, Cellnex Telecom et Telecom Castilla-La Mancha/Commission, C‑91/17 P et C‑92/17 P, non publié, EU:C:2018:284, point 76 et jurisprudence citée).

32      En l’espèce, il est constant que la preuve mentionnée au point 27 ci-dessus date du 31 mars 2022 et qu’elle est donc postérieure à la clôture de la phase écrite de la procédure, qui a été communiquée aux parties le 10 mars 2022, de sorte qu’elle ne pouvait pas être présentée dans le cadre du premier ou du deuxième échange de mémoires.

33      En conséquence, et indépendamment de sa pertinence dans le cadre du présent litige, ladite preuve doit être déclarée recevable.

34      En ce qui concerne le bien-fondé du premier grief du premier moyen, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’exercice du pouvoir d’appréciation dont dispose l’administration en matière de nomination ou d’engagement suppose qu’elle examine avec soin et impartialité tous les éléments pertinents de chaque candidature et qu’elle observe consciencieusement les exigences énoncées dans l’avis de vacance correspondant, de sorte qu’elle est tenue d’écarter tout candidat qui ne répond pas à ces exigences. L’avis de vacance constitue, en effet, un cadre légal que l’administration s’impose à elle-même et qu’elle doit respecter rigoureusement (voir arrêt du 8 mai 2019, Stamatopoulos/ENISA, T‑99/18, non publié, EU:T:2019:305, point 36 et jurisprudence citée).

35      À cet égard, il importe également de rappeler que la fonction de l’avis de vacance est, d’une part, d’informer les intéressés d’une façon aussi exacte que possible sur la nature des conditions requises pour occuper le poste à pourvoir afin de les mettre en mesure d’apprécier s’il y a lieu pour eux de faire acte de candidature et, d’autre part, de fixer le cadre légal au regard duquel l’institution entend procéder à l’examen comparatif des mérites des candidats. Dans ce contexte, tant les conditions générales indiquées dans le sommaire des avis de vacance que les conditions spécifiques indiquées en relation avec le poste concerné constituent les conditions requises au titre de l’avis de vacance (voir arrêt du 7 février 2019, Duym/Conseil, T‑549/17, non publié, EU:T:2019:72, point 60 et jurisprudence citée).

36      En vue de contrôler si l’AIPN n’a pas dépassé les limites de ce cadre légal, il appartient au Tribunal de prendre d’abord connaissance des conditions requises pour le pourvoi du poste vacant, puis de vérifier si le candidat choisi par l’AIPN pour occuper le poste vacant satisfait effectivement à ces conditions (voir arrêt du 4 juillet 2006, Tzirani/Commission, T‑45/04, EU:T:2006:185, point 48 et jurisprudence citée).

37      L’article 98, paragraphe 1, premier alinéa, du statut, prévoit ce qui suit :

« 1.      Aux fins de l’article 29, paragraphe 1, [sous] a), lors du pourvoi d’une vacance au SEAE, [l’AIPN] examine les candidatures des fonctionnaires du secrétariat général du Conseil, de la Commission et du SEAE, des agents temporaires auxquels s’applique l’article 2, [sous] e), du régime applicable aux autres agents [de l’Union européenne], et des membres du personnel des services diplomatiques nationaux des États membres sans accorder la priorité à l’une ou l’autre de ces catégories […] »

38      Les critères d’admissibilité généraux, tels que publiés dans l’avis de vacance litigieux et applicables à tous les candidats, sont rédigés comme suit :

« Outre les conditions énoncées à l’article 28 du statut des fonctionnaires (le statut) ou à l’article 12 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (RAA), les candidats doivent :

[…]

2.      être fonctionnaires titulaires des institutions de l’Union, agents temporaires visés à l’article 2, sous e), du régime applicable aux autres agents (RAA) ou membres du personnel des services diplomatiques des États membres ;

[…] »

39      En ce qui concerne notamment les candidats provenant des services diplomatiques des États membres, l’avis de vacance litigieux prévoyait également des critères d’admissibilité « spécifiques ». Ces critères prévoient notamment ce qui suit :

« Les candidats des services diplomatiques nationaux et les agents temporaires actuels au sens de l’article 2, sous e), du [régime applicable aux autres agents de l’Union européenne] doivent pouvoir retourner au service actif dans leur État membre au terme de leur période d’activité au SEAE. Le candidat produit une déclaration délivrée par son ministère des Affaires étrangères, confirmant son appartenance à un service diplomatique, indiquant le poste sollicité et mentionnant la garantie de réintégration des candidats après un éventuel contrat avec le SEAE. Si les candidats sont incapables de produire ce document de la part de leur ministère, leur candidature sera jugée inadmissible. »

40      La partie « Procédure » de l’avis de vacance litigieux prévoit à son point 1 « Candidature » que, avant de soumettre leur candidature, les candidats doivent vérifier soigneusement s’ils remplissent les critères d’admissibilité afin d’éviter l’exclusion automatique de la procédure de sélection litigieuse.

41      Ainsi qu’il ressort d’une lecture combinée des critères d’admissibilité généraux et spécifiques (voir points 38 et 39 ci-dessus), les candidats provenant d’un service diplomatique national devaient joindre à leurs candidatures, sous peine d’irrecevabilité, une déclaration délivrée par le MAE de leur État membre confirmant leur appartenance à un service diplomatique national, indiquant le poste sollicité et mentionnant la garantie de réintégration après un éventuel contrat avec le SEAE.

42      Or, il convient de relever, à l’instar du requérant, que la déclaration du MAE de l’État membre d’origine de la personne choisie accompagnant sa candidature, produite par le SEAE à l’annexe B.1 du mémoire en défense, ne fait aucunement état de l’appartenance de cette personne au service diplomatique national de cet État membre. En effet, cette déclaration précise seulement que ladite personne peut être affectée à un poste auprès d’une mission diplomatique au sein du service diplomatique national. Toutefois, elle ne mentionne aucunement que, au moment où elle a été rédigée et signée, la personne choisie était membre du personnel de ce service diplomatique national.

43      Il ne ressort d’ailleurs aucunement du dossier dont dispose le Tribunal que, au moment du dépôt de sa candidature, la personne choisie jouissait d’un tel statut. Comme le relève correctement le requérant, cette personne occupait, depuis le 12 février 2020, le poste de chef de la gendarmerie de [confidentiel], et ce jusqu’au [confidentiel], lorsqu’elle a pris ses fonctions pour le poste litigieux. Ainsi, et comme le précise d’ailleurs le SEAE, ladite personne était rattachée, en tant que membre de la gendarmerie, au ministère des Affaires intérieures, et non au service diplomatique national.

44      Cette conclusion est confirmée par le point 22 de la duplique, dans lequel le SEAE a affirmé que, « conformément à la réglementation [nationale], un membre de la [gendarmerie] qui est détaché auprès d’une délégation de [l’Union] ou d’une autre organisation internationale est, lors de sa nomination, considéré comme faisant partie du service [national] des affaires étrangères ».

45      Il en ressort, en effet, qu’un membre de la gendarmerie ne peut être considéré comme membre du personnel du service diplomatique national qu’à partir du moment où il est nommé à un poste auprès d’une délégation de l’Union ou d’une autre organisation internationale, et non au moment où il dépose sa candidature pour ce poste. Il s’ensuit que, en l’espèce, au moment où la personne choisie a déposé sa candidature pour le poste litigieux, et donc bien avant toute possible nomination, elle ne pouvait pas être considérée comme étant membre du personnel du service diplomatique national de son État membre d’origine.

46      Au vu de ces éléments, il convient de considérer que c’est à juste titre que le requérant soutient que la personne choisie n’était pas membre du personnel d’un service diplomatique national au moment du dépôt de sa candidature et que, dès lors, elle ne remplissait pas le critère d’admissibilité correspondant au fait d’être « membre du personnel des services diplomatiques nationaux des États membres ».

47      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument du SEAE selon lequel, dans la mesure où chaque État membre organise son service diplomatique national de façon autonome, il n’aurait qu’un droit de regard limité sur les déclarations des MAE. En effet, il convient de relever que cet argument serait pertinent seulement dans l’hypothèse où le MAE de son État membre d’origine aurait effectivement affirmé dans sa déclaration que la personne choisie était membre du personnel du service diplomatique national de cet État membre au moment du dépôt de sa candidature. Or, ainsi qu’il a été relevé au point 42 ci-dessus, la déclaration du MAE en question accompagnant la candidature de la personne choisie faisait seulement état du fait que cette personne avait la possibilité d’être affectée à une mission diplomatique au sein du service diplomatique national, mais non que celle-ci était membre du personnel de ce service.

48      Par conséquent, à supposer même que le SEAE ait, comme il le soutient, un droit de regard limité sur les déclarations délivrées par les MAE des États membres, il pouvait déduire de ladite déclaration que la personne choisie n’était pas membre du personnel du service diplomatique national dudit État membre.

49      Eu égard à ces considérations, il convient donc d’accueillir le présent grief.

50      Ce grief ayant été reconnu comme fondé par le Tribunal, il devrait normalement entraîner, par voie de conséquence, l’annulation des décisions attaquées.

51      Toutefois, il convient de rappeler, à cet égard, que, lorsqu’une juridiction de l’Union statue sur les conséquences découlant de l’annulation d’une mesure relative aux procédures de sélection du personnel de l’Union, elle doit chercher à concilier les intérêts des candidats désavantagés par une irrégularité commise lors de cette procédure et les intérêts des autres candidats, de telle sorte qu’il lui incombe de prendre en considération non seulement la nécessité de rétablir les candidats lésés dans leurs droits, mais également la confiance légitime des candidats déjà sélectionnés. Pour ce faire, cette juridiction doit prendre en considération la nature de l’irrégularité en cause et ses effets, de même que les différentes mesures envisageables en vue de concilier la nécessité de rétablir le requérant lésé dans ses droits, la situation des tiers et l’intérêt du service (arrêt du 8 mai 2019, Entreprise commune Fusion for Energy/Galocha, C‑243/18 P, EU:C:2019:378, points 46 et 47).

52      En l’espèce, premièrement, il y a lieu de constater que l’illégalité commise par le SEAE a faussé le résultat final de la procédure de sélection litigieuse. Si le SEAE s’était conformé au critère d’admissibilité litigieux, cette personne aurait dû, ainsi qu’il ressort des points 38 à 40 ci-dessus, être exclue de cette procédure. Ainsi, ladite procédure aurait abouti à un résultat différent.

53      Deuxièmement, le requérant a un intérêt à bénéficier de l’annulation de la décision de nomination qui est loin d’être négligeable.

54      Troisièmement, il doit être rappelé que, même dans l’hypothèse où les intérêts de la personne choisie seraient affectés de manière excessive par une annulation de la décision de nomination correspondante, cela ne s’oppose pas à ce que le juge prononce une telle annulation, afin que le requérant puisse retirer un bénéfice de son recours, tout en renvoyant à l’administration le soin de rechercher une solution équitable qui soit satisfaisante tant pour le requérant que pour la personne choisie (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2017, Spadafora/Commission, T‑250/16 P, non publié, EU:T:2017:866, point 113).

55      Quatrièmement, s’agissant de l’intérêt du service, il convient de relever que, puisque l’illégalité commise par le SEAE a affecté l’évaluation de l’ensemble des candidats, il ne peut pas y être remédié par des mesures concernant uniquement le requérant. En outre, le SEAE n’avance pas d’arguments visant à démontrer que l’annulation de la décision de nomination de la personne choisie se heurterait à des difficultés particulières (voir, en ce sens, arrêts du 5 décembre 2017, Spadafora/Commission, T‑250/16 P, non publié, EU:T:2017:866, point 114, et du 25 janvier 2018, Galocha/Entreprise commune Fusion for Energy, T‑561/16, EU:T:2018:29, point 69).

56      Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient d’annuler les décisions attaquées, sans qu’il soit besoin d’examiner ni les deuxième et troisième griefs du premier moyen ni les autres moyens venant à l’appui des conclusions en annulation.

 Sur le troisième chef de conclusions

57      Le requérant soutient avoir subi des préjudices d’ordre matériel et moral à cause des décisions attaquées.

58      Quant au prétendu préjudice moral, le requérant fait valoir que l’annulation de ces décisions ne peut constituer en elle‑même une réparation adéquate de ce chef de préjudice.

59      Tout d’abord, il aurait perdu la chance d’être recruté au grade AD 14 pour la période fixe de quatre ans. Ensuite, l’affirmation du SEAE selon laquelle « [le CCN] [l’]a[urait] qualifié comme étant le candidat retenu le moins expérimenté pour le profil particulier de ce poste » serait particulièrement désobligeante et préjudiciable, au point de lui procurer une réaction émotionnelle très forte. Enfin, la procédure précontentieuse qu’il aurait entamée aurait été particulièrement lourde, car il aurait dû faire face aux obstructions et aux retards intentionnels de l’administration visant à entraver son accès à un recours utile. Notamment, le requérant définit l’attitude dont le SEAE a fait preuve tout au long de la procédure précontentieuse comme offensante, dégradante et humiliante.

60      Le requérant en conclut que les décisions attaquées ont eu une incidence grave sur son intégrité professionnelle, sur sa réputation ainsi que sur ses futures perspectives de carrière. Par conséquent, il demande une indemnisation estimée provisoirement à hauteur de 50 000 euros.

61      S’agissant du prétendu préjudice matériel, le requérant soutient avoir été privé d’une chance réelle d’être recruté, dès lors que, si la personne choisie avait été exclue, il aurait eu 50 % de possibilité d’être sélectionné à sa place. Ce préjudice équivaudrait en l’espèce à la différence de salaire entre la rémunération nette d’un agent temporaire de grade AD 14 et la rémunération nette du requérant pendant toute la durée de la nomination de quatre ans, à laquelle se rajoutent les allocations et les primes potentiellement dues pendant cette période ainsi que les intérêts moratoires s’élevant à 8 % pour la partie qui aurait déjà été due.

62      Le SEAE, d’une part, soulève l’irrecevabilité des conclusions en indemnité, à cause du non-respect de la règle de concordance entre la réclamation et la requête et, d’autre part et à titre subsidiaire, conteste le bien-fondé de ces arguments.

63      Dans la réplique, le requérant conteste l’argument du SEAE tendant à l’irrecevabilité des conclusions indemnitaires, en précisant que, déjà au stade de la réclamation, il lui avait demandé de « reconnaître les manquements [causés] et [de lui] fournir une réparation adéquate du préjudice subi ». En outre, il serait clair que l’exclusion d’une procédure de sélection constituerait la perte d’une perspective d’emploi pouvant causer un préjudice financier.

64      Lors de l’audience de plaidoiries, le requérant a déposé un document dans lequel il a quantifié le montant du préjudice matériel et auquel était jointe une copie de sa fiche de paie du mois de juillet 2020, sur lequel le SEAE a été invité à prendre position. Tant lors de l’audience que dans ses observations ultérieures des 18 et 29 juillet 2022, le SEAE a excipé de l’irrecevabilité de ce document pour cause de tardiveté. Dans ses observations du 29 juillet 2022, le SEAE a également contesté le bien-fondé du montant du préjudice matériel.

 Sur la recevabilité

65      En ce qui concerne l’irrecevabilité des conclusions en indemnité excipée par le SEAE, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, à la suite du rejet d’une réclamation contre un acte faisant grief, un fonctionnaire peut introduire un recours dans lequel il demande l’annulation de l’acte faisant grief, le versement d’une indemnité, ou les deux (voir arrêt du 12 juillet 2011, Commission/Q, T‑80/09 P, EU:T:2011:347, point 60 et jurisprudence citée).

66      Toutefois, le Tribunal saisi, par une personne visée par le statut, d’un recours portant sur la légalité d’un acte lui faisant grief, ne peut accorder une indemnité à cette personne que si ladite indemnité tend à la réparation d’un préjudice subi par celle-ci en raison de l’illégalité de l’acte faisant grief, objet du recours, ou, à tout le moins, d’un préjudice résultant d’une illégalité qui se rattache par un lien étroit à ce même acte (voir arrêt du 12 juillet 2011, Commission/Q, T‑80/09 P, EU:T:2011:347, point 63 et jurisprudence citée).

67      En l’espèce, d’une part, le préjudice matériel prétendument subi par le requérant résulte de l’erreur commise par le SEAE dans l’appréciation du critère d’admissibilité correspondant au fait d’être « membre du personnel des services diplomatiques nationaux », erreur qui a entaché d’illégalité les décisions attaquées. D’autre part, le prétendu préjudice moral souffert par le requérant résulte de l’appréciation prétendument négative du CCN portée sur sa candidature ainsi que de l’attitude prétendument répréhensible du SEAE lors de la phase précontentieuse, qui trouvent leur origine dans la procédure de sélection litigieuse, dans le cadre de laquelle les décisions attaquées ont été adoptées.

68      Il en résulte que les conclusions en annulation et les conclusions indemnitaires sont étroitement liées, de sorte que, contrairement à ce que soutient le SEAE, ces dernières sont recevables (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2006, Andrieu/Commission, T‑285/04, EU:T:2006:215, point 137).

 Sur le préjudice moral

69      D’emblée, il convient de rejeter la demande indemnitaire visant à obtenir la réparation d’une perte de chance, dès lors que, d’une part, ce préjudice revêt un caractère matériel et non moral [voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2019, PT/BEI, T‑573/16, EU:T:2019:481, point 413 (non publié) et jurisprudence citée], et, d’autre part, cette même demande est formulée également dans le cadre de la demande indemnitaire visant à obtenir la réparation d’un préjudice matériel.

70      Quant au reste de la demande visant la réparation du préjudice moral, il y a lieu de rappeler que l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation (voir arrêt du 6 juillet 2022, VI/Commission, T‑20/21, non publié, EU:T:2022:427, point 83 et jurisprudence citée). Il peut notamment en être ainsi lorsque l’acte entaché d’illégalité comporte une appréciation explicitement négative des capacités ou du comportement de l’intéressé susceptible de le blesser (voir arrêt du 8 mai 2019, PT/BEI, T‑571/16, non publié, EU:T:2019:301, point 233 et jurisprudence citée), ou encore lorsque des sentiments d’injustice, d’incompréhension voire de frustration ont été occasionnés au requérant en raison du comportement de l’AIPN au cours de la phase précontentieuse (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2017, Paraskevaidis/Cedefop, T‑601/16, EU:T:2017:757, point 84).

71      S’agissant de l’appréciation prétendument désobligeante et préjudiciable formulée par le CCN selon laquelle le requérant était le candidat le moins expérimenté pour le profil du poste litigieux, il convient de relever que l’appréciation en cause, lue dans le contexte circonscrit de la procédure de sélection litigieuse, ne fait que refléter l’opinion objective du CCN concernant les mérites du requérant par rapport aux autres candidats à cette procédure, sans pour autant remettre en cause son intégrité professionnelle, sa réputation ou ses futures perspectives de carrière. Par ailleurs, non seulement les termes utilisés par le CCN sont neutres et mesurés, mais, aussi, cette appréciation prétendument négative ne constitue qu’une partie du commentaire du CCN, dans lequel ce dernier a également exprimé une opinion très positive sur la performance du requérant à l’entretien et au centre d’évaluation, notamment en affirmant qu’il aurait un excellent potentiel.

72      De plus, il importe de rappeler que, lorsqu’un fonctionnaire dépose une candidature à un poste, il doit nécessairement accepter le risque que des appréciations défavorables puissent être portées à son égard dans le cadre de la comparaison des mérites des candidats (voir, en ce sens, arrêt du 10 février 2021, Spadafora/Commission, T‑130/19, non publié, EU:T:2021:74, point 62 et jurisprudence citée).

73      Pour ce qui est de l’attitude prétendument répréhensible que le SEAE aurait adoptée lors de la phase précontentieuse, il y a lieu de relever que le requérant ne prouve, ni même n’explique en quoi le SEAE se serait rendu responsable d’obstructions et de retards intentionnels. En effet, ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose le Tribunal, le SEAE a toujours répondu dans un délai raisonnable aux nombreuses demandes qui lui ont été adressées par le requérant. En outre, il importe de rappeler que ce dernier a même pu s’entretenir avec le président du CCN au sujet de la procédure de sélection litigieuse.

74      Eu égard à ces considérations, il convient de conclure que le requérant n’est pas fondé à soutenir qu’il aurait subi un préjudice moral insusceptible d’être intégralement réparé par l’annulation des décisions attaquées.

75      Les conclusions visant l’indemnisation d’un prétendu préjudice moral doivent dès lors être rejetées.

 Sur le préjudice matériel

76      Dans le cadre d’une demande en dommages et intérêts formulée par un fonctionnaire ou par un agent, l’engagement de la responsabilité de l’institution présuppose la réunion d’un ensemble de trois conditions concernant l’illégalité du comportement qui lui est reproché, la réalité du dommage allégué et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué. Les trois conditions d’engagement de la responsabilité sont cumulatives, ce qui implique que, dès lors que l’une de celles-ci n’est pas satisfaite, la responsabilité de l’institution ne peut être engagée. Par ailleurs, le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner ces conditions dans un ordre déterminé (voir ordonnance du 11 juin 2020, Vanhoudt e.a./BEI, T‑294/19, non publiée, EU:T:2020:264, point 70 et jurisprudence citée).

77      S’agissant du comportement illégal en question, ainsi qu’il ressort de l’examen du premier grief du premier moyen soulevé par le requérant (voir point 49 ci-dessus), il a été conclu à l’illégalité des décisions attaquées.

78      En ce qui concerne la condition relative à la réalité du dommage invoqué, il y a lieu de rappeler que le préjudice dont il est demandé réparation doit être réel et certain ainsi qu’évaluable. C’est à la partie requérante qu’il incombe d’apporter des éléments de preuve afin d’établir l’existence et l’ampleur dudit préjudice [voir arrêt du 3 juillet 2019, PT/BEI, T‑573/16, EU:T:2019:481, point 412 (non publié) et jurisprudence citée].

79      En outre, ainsi qu’il ressort d’une lecture combinée de l’article 85, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, les preuves et les offres de preuve sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires et ce n’est qu’à titre exceptionnel que les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

80      En l’espèce, si le requérant a précisé, au point 2, sous f), de la requête, les composantes du calcul devant être prises en considération par le Tribunal pour déterminer l’étendue du préjudice matériel prétendument subi, force est de constater que, dans ses écritures, il n’a aucunement chiffré le montant de la réparation demandée, ni fourni des éléments de preuve susceptibles de permettre au Tribunal d’évaluer l’étendue du préjudice allégué, tels que le salaire qu’il percevait en tant que fonctionnaire dans son État membre d’origine. Tout au plus a-t-il affirmé, au point 162 de la requête, que la différence entre son salaire et celui d’un agent temporaire classé au grade AD 14 était « considérable ».

81      Ce n’est qu’au stade de l’audience, ainsi qu’il ressort du point 64 ci-dessus, que le requérant a précisé le quantum dudit préjudice. À cette occasion, il a, dans un premier temps, expliqué que cette preuve devait permettre au Tribunal de déterminer l’étendue du préjudice et que, à titre subsidiaire, ce dernier pouvait statuer par voie d’arrêt interlocutoire, comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 juillet 2007, Sanders e.a./Commission (T‑45/01, EU:T:2007:221), et laisser aux parties six mois pour se mettre d’accord sur le montant de la réparation. Dans un second temps, il a affirmé que la preuve citée au point 64 ci-dessus n’a pu être présentée qu’après la clôture de la phase écrite de la procédure, dès lors que ce n’est qu’en lisant les réponses du SEAE aux questions adressées par le Tribunal qu’il aurait appris la date à laquelle la personne choisie avait été nommée au poste litigieux, cette information étant indispensable pour déterminer l’étendue du préjudice matériel prétendument subi.

82      Or, les raisons présentées par le requérant au cours de l’audience, telles que résumées au point 81 ci-dessus, ne sauraient être considérées comme constituant une circonstance exceptionnelle justifiant la présentation tardive de cette preuve. En effet, d’une part, la date de la décision de nomination de la personne choisie figurait déjà à la page 2 de la décision de rejet de la réclamation, de sorte que le requérant aurait pu présenter ladite preuve déjà au stade de la requête. D’autre part, le fait que le Tribunal puisse décider de statuer par voie d’arrêt interlocutoire ne saurait nullement exempter le requérant de respecter les dispositions du règlement de procédure concernant l’administration de la preuve.

83      Il convient donc de rejeter la preuve mentionnée au point 64 comme irrecevable.

84      Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la condition d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union tenant à l’existence d’un préjudice réel et certain n’est pas satisfaite en l’espèce.

85      Les conclusions indemnitaires visant à obtenir la réparation d’un préjudice matériel doivent dès lors être rejetées.

 Sur la demande de production des documents

86      Dans la réplique, le requérant demande, sur le fondement de l’article 24 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 85 et de l’article 91, sous b), du règlement de procédure, que le Tribunal ordonne au SEAE de produire certains documents, notamment les actes de candidature originaux avec les annexes de la personne choisie et du requérant, tels qu’envoyés sur le système e-Rotation ; la version originale de la recommandation adressée par le CCN au haut représentant ; l’appréciation de l’unité « Recours et suivi des cas » (HR.E.2) de la Commission et toute correspondance entre le SEAE et la Commission, y inclus les demandes d’éclaircissements et les réponses à celles-ci.

87      Dans la duplique, le SEAE conclut au rejet de cette demande, dès lors qu’elle serait, d’une part, irrecevable, car tardive, et, d’autre part, non fondée.

88      Il suffit de relever, à cet égard, que ces documents n’apparaissent ni pertinents ni utiles pour la solution du litige, le Tribunal ayant pu utilement statuer sur le recours sur la base des conclusions, des moyens et des arguments développés en cours d’instance et au vu des documents déposés par les parties (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2018, Vincenti/EUIPO, T‑747/16, non publié, EU:T:2018:211, point 89).

89      Ainsi, la demande de production des documents présentée par le requérant doit être rejetée.

90      Eu égard à tout ce qui précède, il convient d’annuler les décisions attaquées et de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

91      Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

92      En l’espèce, le recours ayant été pour l’essentiel accueilli, il sera fait une juste appréciation de la cause en décidant que le SEAE supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du 4 septembre 2020 du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) rejetant la candidature de TJ déposée dans le cadre de l’avis de vacance [confidentiel] est annulée.

2)      La décision du 23 juillet 2020 du SEAE portant nomination de A à ce poste est annulée.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      Le SEAE supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par TJ.

Kanninen

Porchia

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er février 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1 Données confidentielles occultées.