Language of document : ECLI:EU:T:2000:148

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

13 juin 2000(1)

«Recours en annulation - Aides d'État - Article 92, paragraphes 1 et 3, du traité CE (devenu, après modification, article 87, paragraphes 1 et 3, CE) - Notion d'aide - Garantie d'État pour le financement d'une entreprise publique - Suspension de l'aide - Non-lieu à statuer»

Dans les affaires jointes T-204/97 et T-270/97,

EPAC - Empresa para a Agroalimentação e Cereais, SA, établie à Lisbonne (Portugal), représentée par Me J. Mota de Campos, avocat au barreau de Lisbonne, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me J. Calvo Basaran, 34, boulevard Ernest Feltgen,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. D. Triantafyllou et Mme A. M. Alves Vieira, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, dans l'affaire T-204/97, une demande en annulation de la décision 97/433/CE de la Commission, du 30 avril 1997, demandant au gouvernement portugais de suspendre l'aide sous forme de garantie d'État octroyée à l'entreprise EPAC - Empresa para a Agroalimentação e Cereais, SA (JO L 186, p. 25), et, dans l'affaire T-270/97, une demande en annulation de la décision 97/762/CE de la Commission, du 9 juillet 1997, relative aux mesures prises par le Portugal en faveur d'EPAC - Empresa para a Agroalimentação e Cereais, SA (JO L 311, p. 25),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre élargie),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas, Mme P. Lindh, MM. J. Pirrung et M. Vilaras, juges,

greffier: M. A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 1er juillet 1999,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    EPAC - Empresa para a Agroalimentação e Cereais, SA est une société anonyme à capitaux publics créée par le décret-loi portugais n° 29/91, du 11 janvier 1991, qui opère sur le marché céréalier. Elle est issue du démantèlement progressif de l'entreprise publique EPAC (à cette époque Empresa Pùblica de Abastecimento de Cereais), fondée en 1977, qui disposait, jusqu'en 1985, en tant qu'organisme public d'intervention chargé d'assurer l'approvisionnement national en céréales et en semences, d'un monopole public dans la gestion de ce marché. En 1986, après l'adhésion de la République portugaise aux Communautés européennes, les silos portuaires, les équipements, installations et matériels y afférents appartenant à EPAC ont été transférés, ainsi que les crédits de financement s'y rattachant, à une société anonyme à capitaux publics nouvellement créée, Silopor - Empresa de Silos Portuários.

2.
    Le montant de la dette due, à la suite de ce transfert, par Silopor à EPAC a été estimé, en 1989, à 7,5 milliards de PTE, somme que Silopor était manifestement incapable de rembourser par ses propres ressources. En février 1997, cette dette, augmentée des intérêts, s'élevait à un total de 31,2 milliards de PTE.

3.
    EPAC présentait une situation patrimoniale déséquilibrée caractérisée par un excès d'actifs immobilisés et une lourde charge salariale ainsi que par une insuffisance de capitaux propres pour le financement de son activité commerciale. Cette situation résultait du maintien d'un large réseau d'infrastructure sur l'ensemble du territoire national.

4.
    À compter d'avril 1996, EPAC s'est avérée incapable d'assumer la plupart de ses charges financières.

5.
    Cette situation a conduit l'État portugais à élaborer un plan de rentabilisation économique et d'assainissement financier pour EPAC, approuvé conjointement, le 26 juillet 1996, par le secrétariat d'État au Trésor et aux Finances et par le secrétariat d'État à la Production agro-alimentaire. EPAC a ainsi été autorisée à négocier un prêt, aux conditions du marché, d'un montant maximal de 50 milliards de PTE, dont 30 milliards pouvaient bénéficier, pour une durée maximale de sept ans, d'une garantie de l'État.

6.
    Par décision du ministre des Finances n° 430/96-XIII du 30 septembre 1996, cette garantie a été octroyée à l'égard d'une partie du prêt conclu entre EPAC et un consortium bancaire, dont le montant, de 48,7 milliards de PTE, correspondait à la totalité de la dette d'EPAC au 30 juin 1996. Ce prêt visait à la conversion du passif bancaire à court terme d'EPAC en passif à moyen terme. Il a été établi pour une durée de sept ans à un taux d'intérêt «Lisbor 6 mois» pour la partie garantie et «Lisbor 6 mois + 1,2 %» pour la partie non garantie.

7.
    Le 15 octobre 1996, la Commission a reçu une plainte concernant une éventuelle aide d'État constituée par cette garantie d'État sur les 30 milliards de PTE et par le prêt complémentaire d'environ 20 milliards de PTE, consenti à des conditions spéciales.

8.
    N'ayant pas reçu de notification, au sens de l'article 93, paragraphe 3, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 3, CE), de la part des autorités portugaises, la Commission leur a adressé, le 31 octobre 1996, une lettre demandant confirmation de l'existence d'une telle aide. La Commission a, en outre, demandé que, en cas de réponse affirmative, les autorités portugaises notifient l'aide en question, afin de pouvoir procéder à l'examen de sa compatibilité avec le marché commun, conformément aux articles 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE) et 93 du traité.

9.
    Par lettre du 26 novembre 1996, la République portugaise a confirmé l'existence d'une garantie d'État en faveur d'EPAC. Néanmoins, aucune notification, au titre de l'article 93, paragraphe 3, du traité, de cette opération n'a été adressée à la Commission.

10.
    Le 28 janvier 1997, la plaignante a soumis à la Commission une demande visant à l'adoption de mesures provisoires afin de voir suspendre la garantie accordée à EPAC par l'État.

11.
    Par lettre du 27 février 1997, la Commission a informé les autorités portugaises de l'ouverture de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité à l'encontre des aides octroyées à EPAC (JO C 140, p. 16). Elle y a considéré que l'octroi de la garantie par l'État n'avait pas été subordonné à des obligations spécifiques et que les taux d'intérêt des emprunts sous examen étaient sensiblement inférieurs aux taux de référence du marché alors qu'une entreprise en situation financière difficile, telle EPAC, ne pourrait pas, dans les conditions normales du marché, obtenir des prêts à des conditions plus favorables que celles offertes aux opérateurs en situation financière saine sans enfreindre les règles communautaires relatives aux aides d'États.

12.
    En outre, la Commission a, dans cette lettre, demandé au gouvernement portugais de prendre toutes les mesures nécessaires afin de suspendre immédiatement l'effet de la garantie octroyée à EPAC. Un délai de quinze jours, à compter de la notification de ladite lettre, a été accordé au gouvernement portugais pour informer la Commission des mesures adoptées pour se conformer à cette injonction. Par ailleurs, la Commission se réservait la possibilité de prendre une décision formelle enjoignant à l'État membre de suspendre immédiatement l'aide en question pour les opérations à venir.

13.
    La Commission a conclu cette lettre en précisant que la mesure en cause était, selon elle, une aide qui, de par sa nature, ne pouvait induire un développement ni du secteur ni de la région concernée et, dès lors, constituait une aide au fonctionnement contraire à la pratique constante de la Commission relative à l'application des articles 92, 93 du traité et 94 du traité CE (devenu article 89 CE).

14.
    Dans le cadre de cette procédure, la Commission a mis le gouvernement portugais, ainsi que les autres États membres et les parties intéressées en demeure de présenter leurs observations.

15.
    Par lettre du 21 mars 1997, le gouvernement portugais a informé la Commission que l'administration publique n'était aucunement intervenue dans la négociation du prêt accordé par les banques à EPAC pour le financement de ses opérations commerciales, et a fourni des précisions quant à ce prêt.

16.
    Par lettre du 8 avril 1997, le gouvernement portugais a formellement présenté à la Commission ses observations relatives à la décision d'ouverture de la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité.

17.
    Le 30 avril 1997, la Commission a adopté la décision 97/433/CE, demandant au gouvernement portugais de suspendre l'aide sous forme de garantie d'État octroyée à l'entreprise EPAC (JO L 186, p. 25). Cette décision dispose:

«Article premier

Le Portugal est tenu de suspendre immédiatement l'octroi de la garantie d'État en faveur de l'entreprise [EPAC] prévue par la décision du ministre des Finances n° 430/96-XIII, du 30 septembre 1996, octroyée en violation de l'article 93, paragraphe 3, et de communiquer à la Commission, dans un délai de quinze jours, les mesures qu'il a prises pour se conformer à la présente décision [...]»

18.
    Par lettre du 21 mai 1997, le gouvernement portugais a commenté cette décision en exposant, notamment, qu'«il ne s'agi[ssai]t pas d'un investissement ou d'une subvention, mais [...] de l'octroi d'une garantie couvrant les obligations assumées par EPAC et découlant du contrat de restructuration de crédits qu'elle a négocié et conclu avec le consortium bancaire créancier». Il ajoutait que la contribution financière résultait uniquement de ce contrat, auquel l'État n'était pas partie. Selon ce gouvernement, l'État lui-même avait jugé l'opération de crédit en question nécessaire, celle-ci n'ayant pas pour effet de conférer un avantage à une entreprise par rapport à d'autres, mais plutôt d'atténuer un préjudice causé par l'État à l'entreprise.

19.
    La Commission, poursuivant la procédure, a arrêté la décision 97/762/CE, du 9 juillet 1997, relative aux mesures prises par le Portugal en faveur d'EPAC (JO L 311, p. 25), qui énonce:

«Article premier

Les aides octroyées par le gouvernement portugais à EPAC sont illégales, étant donné qu'elles ont été octroyées en violation des règles de procédure visées à l'article 93, paragraphe 3, du traité. En outre, elles sont incompatibles avec le marché commun au titre de l'article 92, paragraphe 1, du traité et ne répondent pas aux conditions des dérogations prévues aux paragraphes 2 et 3 dudit article.

Article 2

1.    Le Portugal est tenu de supprimer les aides visées à l'article 1er dans un délai de quinze jours à compter de la date de la notification de la présente décision.

2.     Dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, le Portugal prend les mesures nécessaires afin de récupérer, par voie de recouvrement, les aides visées à l'article 1er.

3.    Le recouvrement se fera conformément aux procédures prévues par la législation portugaise, les intérêts commençant à courir à la date à laquelle les aides ont été versées. Le taux d'intérêt qui doit être appliqué est le taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale.»

Procédure

20.
    Par requêtes déposées au greffe du Tribunal les 7 juillet et 14 octobre 1997, la requérante a respectivement introduit un recours contre la décision 97/433, inscrit sous le numéro T-204/97, et contre la décision 97/762, inscrit sous le numéro T-270/97.

21.
    Par ailleurs, la République portugaise a saisi la Cour, le 23 septembre 1997, d'une demande en annulation des décisions attaquées dans les présents recours, requêtes enregistrées sous les numéros C-246/97 et C-330/97. La Cour a, par ordonnances du 15 décembre 1998, décidé de suspendre la procédure dans ces deux affaires jusqu'au prononcé des arrêts du Tribunal.

22.
    Dans l'affaire T-204/97, la Commission a, par acte séparé déposé le 13 octobre 1997, introduit une demande de non-lieu à statuer. La requérante a déposé, le 21 novembre 1997, ses observations sur cette demande. Par ordonnance du 5 mars 1998 de la quatrième chambre élargie, le Tribunal a joint au fond la demande de non-lieu à statuer et a réservé les dépens.

23.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre élargie) a décidé, d'une part, dans l'affaire T-270/97, d'adopter des mesures d'organisation de la procédure en invitant les parties à répondre par écrit à certaines questions et à produire certains documents et, d'autre part, d'ouvrir la procédure orale dans les deux affaires. La Commission et la requérante ont fait droit à ces demandes, respectivement par lettres des 7 et 9 avril 1999.

24.
    Par ordonnance du 16 juin 1999, les deux affaires ont été jointes aux fins de la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience du 1er juillet 1999.

25.
    Les parties, ayant été entendues sur ce point, le Tribunal estime qu'il y a lieu de joindre les présentes affaires aux fins de l'arrêt, conformément à l'article 50 de son règlement de procédure.

Conclusions des parties

26.
    La partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer les recours recevables et annuler les décisions 97/433 et 97/762;

-    condamner la Commission aux dépens.

27.
    La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le non-lieu à statuer et, en tout état de cause, rejeter le recours comme non fondé dans l'affaire T-204/97;

-    rejeter le recours comme non fondé dans l'affaire T-270/97;

-    condamner la requérante aux dépens.

Sur le fond dans l'affaire T-270/97

28.
    La requérante invoque quatre moyens à l'appui de son recours, tirés, premièrement, d'une violation de l'obligation de motivation, deuxièmement, d'une violation de l'article 92, paragraphes 1 et 3, du traité, troisièmement, d'une violation des articles 90 et 222 du traité CE (devenus articles 86 CE et 295 CE) et, quatrièmement, d'une violation des principes généraux de proportionnalité, de sécurité juridique et de confiance légitime.

1. Sur le premier moyen, tiré d'une violation de l'obligation de motivation

Arguments des parties

29.
    La requérante relève, en premier lieu, la présence d'une contradiction entre les faits et leur qualification juridique dans la motivation de la décision 97/762 (ci-après la «décision attaquée»). Elle fait observer, à cet égard, que, dans sa lettre de notification de la décision attaquée et dans sa décision provisoire du 30 avril 1997, la Commission ne fait état que de l'existence d'une «aide» tandis que, dans la décision attaquée, elle utilise tour à tour le singulier «aide» et le pluriel «aides». Cette contradiction au sein des motifs et entre les motifs et le dispositif de la décision résulterait d'une méconnaissance de la situation juridique de la requérante et d'une appréciation erronée des faits par la Commission. Il en découlerait une absence de motivation de la décision attaquée. La requérante souligne, à ce sujet, que le crédit bancaire d'environ 20 milliards de PTE n'ayant été couvert par aucune garantie ou intervention de l'État, il ne peut constituer une aide.

30.
    La requérante dénonce, en deuxième lieu, une insuffisance de la motivation. Eu égard à la jurisprudence pertinente dans ce domaine, elle considère qu'il incombait à la Commission de motiver le fait que la garantie d'État constituait une aide, que cette aide affectait les échanges entre États membres, qu'elle faussait ou menaçait de fausser concrètement la concurrence et, enfin, que la nature de cette aide imposait sa récupération (voir arrêt du Tribunal du 8 juin 1995, Siemens/Commission, T-459/93, Rec. p. II-1675, point 31). La gravité des conséquences inhérentes à la décision de la Commission aurait imposé «une extrême rigueur dans l'appréciation des éléments de fait et de droit qui motivent l'appréciation d'illégalité et l'adoption de mesures figurant dans la décision». Or, la Commission aurait omis de mentionner les spécificités relatives au marché (voir arrêt de la Cour du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papiervarenfabriek/Commission, 296/82 et 318/82, Rec. p. 809, point 24) et de préciser les aspects relatifs à l'affectation des échanges commerciaux et à la distorsion de la concurrence.

31.
    En dernier lieu, la requérante fait remarquer que la Commission n'a pas pris en considération les observations formulées par l'État portugais et, notamment, le fait que la garantie constituerait l'un des moyens visant à l'assainissement financier nécessaire à toute opération de privatisation et serait donc un préalable obligatoire à celle envisagée à propos d'EPAC. Enfin, la Commission n'aurait pas indiqué les raisons l'ayant conduite, au vu des circonstances de l'espèce, à exiger la récupération des prétendues aides (voir arrêt de la Cour du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-303/88, Rec. p. I-1433, point 54).

32.
    La Commission rétorque qu'il y a correspondance totale entre le dispositif de la décision attaquée et sa motivation et que la seule mesure visée par la décision en cause était la garantie accordée par l'État portugais à EPAC. Elle allègue que l'utilisation du terme «aide», au pluriel dans la décision attaquée, résulte de sa volonté de procéder à la suppression complète de l'aide et de ses effets et au retour au statu quo ante. À titre subsidiaire, la Commission relève que la mesure en cause a également constitué une aide en faveur de Silopor, permettant à celle-ci de ne pas honorer sa dette envers EPAC. Ce double effet de l'aide justifierait l'emploi du pluriel.

33.
    La Commission fait observer qu'elle a fourni, à l'appui de son argumentation, des données chiffrées permettant de considérer que l'aide en question a rendu possible la survie d'EPAC en tant qu'opérateur de très grande importance sur le marché concerné et qu'il en a nécessairement résulté une affectation des échanges et une distorsion de la concurrence. Enfin, la Commission affirme que, contrairement aux allégations de la requérante, son refus de prendre en considération l'argument, selon lequel l'aide en cause visait à l'assainissement de la situation financière d'EPAC et à sa restructuration, a été justifié dans sa décision attaquée.

Appréciation du Tribunal

34.
    L'obligation incombant aux institutions communautaires, en vertu de l'article 190 du traité (devenu article 253 CE), de motiver leurs décisions vise à permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle de légalité et à l'intéressé de connaître les justifications de la mesure prise, afin de pouvoir défendre ses droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée (voir arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, BFM et EFIM/Commission, T-126/96 et T-127/96, Rec. p. II-3437, point 57).

35.
    En outre, dans la motivation des décisions qu'elle est amenée à prendre pour assurer l'application des règles de concurrence, la Commission n'est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés. Il lui suffit d'exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision (voir arrêt Siemens/Commission, précité, point 31).

36.
    Ce principe exige, en ce qui concerne la qualification d'une mesure d'aide, que soient indiquées les raisons pour lesquelles la Commission considère que la mesure en cause entre dans le champ d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

37.
    S'il est constant que la décision attaquée utilise, simultanément, le singulier et le pluriel du terme «aide», il convient, cependant, de constater que la Commission y a rappelé le fait, d'ailleurs pris en considération, dans sa lettre du 27 février 1997, que le mécanisme de consolidation du passif d'EPAC semblait également constituer une aide en faveur de Silopor.

38.
    La Commission mentionne également dans son considérant 13, sous c):

«Ainsi, la Commission peut conclure que la garantie d'État en faveur d'EPAC constitue aussi une aide d'État en faveur de son émanation directe Silopor. En effet, l'État portugais, seul actionnaire des deux entreprises, au moyen de la garantie d'État en faveur d'EPAC, permet à celle-ci de ne pas exiger la satisfaction de ces créances, ce qui revient à une aide indirecte à Silopor.»

39.
    En tout état de cause, le dispositif d'un acte étant indissociable de sa motivation, de sorte qu'il doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption, le Tribunal estime que la requérante a été mise en mesure de comprendre que seule la garantie d'État qui lui avait été consentie par l'État portugais était visée par la décision attaquée (voir arrêt de la Cour du 15 mai 1997, TWD/Commission, C-355/95 P, Rec. p. I-2549, point 21).

40.
    Il en résulte que l'argument de la requérante tiré d'une contradiction dans la motivation de la décision attaquée doit être rejeté.

41.
    La requérante soutient, ensuite, que la Commission n'a pas démontré que la garantie d'État constituait une aide, qu'elle affectait les échanges entre Étatsmembres, qu'elle faussait ou menaçait de fausser la concurrence et que sa nature imposait sa récupération.

42.
    Or, la Commission considère au deuxième alinéa du considérant 4 de la décision attaquée, que la garantie en cause constituait une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. Elle énonce, à cet égard, que le taux d'intérêt des emprunts comportait un élément d'aide et que la garantie d'État examinée ne comportait pas d'obligations spécifiques, seules à même de justifier une éventuelle autorisation de la mesure en cause.

43.
    En outre, la Commission a mentionné les effets concrets de l'aide sur la concurrence et les échanges intracommunautaires. En effet, s'agissant du critère relatif à la distorsion de la concurrence, la décision attaquée précise que de telles mesures conduisent directement à l'amélioration des conditions de production et de commercialisation des produits de l'entreprise par rapport aux autres opérateurs de la Communauté européenne qui ne bénéficient pas d'aides comparables (voir considérant 4, troisième alinéa, de la décision attaquée).

44.
    S'agissant du critère relatif à l'affectation des échanges intracommunautaires, la décision énonce:

«La production communautaire de céréales est de 173,9 millions de tonnes. La production portugaise de céréales est de 1,52 million de tonnes. Les échanges entre la Communauté européenne et le Portugal sont significatifs étant donné que le Portugal est un pays déficitaire en céréales, qui importe annuellement des autres États membres une quantité de céréales supérieure à sa production (1,83 million de tonnes) et en exporte 32 530 tonnes vers ces États membres. La valeur monétaire de ces échanges, en ce qui concerne le Portugal, s'est élevée en 1996 à environ 5,8 millions d'écus pour les exportations et 310 millions d'écus pour les importations.

Dès lors, les mesures en cause sont susceptibles d'affecter les échanges de céréales entre les États membres, lesdits échanges étant affectés lorsqu'un opérateur actif dans le commerce intra et extracommunautaire de céréales reçoit des aides qui le favorisent par rapport aux autres. Les mesures en question ont eu un effet direct et immédiat sur les coûts de revient de l'entreprise qui a bénéficié ainsi d'un avantage économique par rapport aux autres entreprises du secteur qui n'ont pas eu accès, au Portugal et dans les autres États membres, à des aides comparables. Par conséquent, elles faussent ou menacent de fausser la concurrence.» (Voir considérant 11 de la décision attaquée, quatrième et cinquième alinéas.)

45.
    Il ressort de cette motivation que la Commission a examiné si les conditions d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité étaient réunies. Ainsi, la motivation permet à la requérante et au juge communautaire de connaître les raisons pour lesquelles la Commission a considéré que l'article 92, paragraphe 1, du traité était applicable à l'espèce.

46.
    À cet égard, l'argument de la requérante selon lequel la Commission aurait omis de mentionner les spécificités relatives au marché n'est pas fondé.

47.
    Tout d'abord, c'est à tort que la requérante invoque l'arrêt Pays-Bas et Leeuwarder Papiervarenfabriek/Commission, précité, dans lequel la Cour a sanctionné, au regard des obligations jurisprudentielles (rappelées au point 30 ci-dessus), l'absence de motivation de la décision attaquée dans cet arrêt en ce qui concerne les critères de distorsion de la concurrence et d'affectation du commerce intracommunautaire.

48.
    Bien que la Commission, dans la décision attaquée dans le présent recours, n'ait pas indiqué la part de marché détenue par EPAC, la requérante ne saurait lui reprocher de ne pas avoir examiné, eu égard aux extraits pertinents susmentionnés (voir point 44 ci-dessus), les effets de l'aide sur la concurrence et sur les échanges entre États membres.

49.
    Ensuite, la requérante affirme que la Commission n'a pas tenu compte des observations formulées par l'État portugais.

50.
    Or, il convient de constater que l'ensemble des observations du gouvernement portugais contenues dans ses lettres des 8 avril et 21 mai 1997 ont fait l'objet d'une appréciation détaillée de la part de la Commission dans le considérant 13 de la décision attaquée.

51.
    Concernant plus particulièrement l'allégation de la requérante relative au fait que la garantie constituerait l'un des moyens visant à l'assainissement financier nécessaire à toute opération de privatisation, il y a lieu d'observer que la Commission n'a pas disposé des informations relatives à des moyens alternatifs. Ce faisant, bien qu'ayant exposé cet argument dans la décision attaquée (considérant 8, second alinéa), la Commission a pu considérer qu'il ne s'agissait pas d'un fait ou d'une considération juridique revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision.

52.
    Enfin, la requérante allègue que la Commission n'aurait pas suffisamment motivé l'obligation de récupération de l'aide en cause.

53.
    Toutefois, selon une jurisprudence constante, lorsque, contrairement aux dispositions de l'article 93, paragraphe 3, du traité, l'aide projetée a déjà été versée, la Commission, qui a le pouvoir d'enjoindre aux autorités nationales d'en ordonner la restitution n'est pas tenue d'exposer des motifs spécifiques pour justifier de son exercice (voir, par exemple, arrêt de la Cour du 17 juin 1999, Belgique/Commission, C-75/97, Rec. p. I-3671, point 82).

54.
    Or, il ressort de la décision attaquée que la Commission a motivé à suffisance la récupération de l'aide dans le considérant 15 de ladite décision en énonçant que l'aide en cause est, quant au fond, et pour les raisons précédemment exposées,incompatible avec le marché commun au titre de l'article 92 du traité. À cet égard, il convient de relever que la Commission a justifié le montant de l'aide à recouvrer par référence à l'avantage financier indûment perçu par EPAC, celui-ci correspondant à la différence entre le coût financier de marché d'emprunts bancaires et le coût financier effectivement supporté par cette dernière (voir considérant 15 de la décision attaquée, cinquième alinéa).

55.
    En conséquence, le grief tiré du défaut de motivation de la récupération de l'aide n'est pas fondé.

56.
    Dans ces circonstances, le premier moyen doit être rejeté.

2. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l'article 92 du traité

Sur la première branche, tirée de la violation de l'article 92, paragraphe 1, du traité

Arguments des parties

57.
    La requérante invoque, en premier lieu, une violation de l'article 92, paragraphe 1, du traité par la Commission en ce que cette dernière a considéré, dans la décision attaquée, que la garantie de l'État constituait une aide d'État au sens de cet article. À l'appui de cet argument, elle allègue, tout d'abord, que l'octroi d'une garantie pour une simple opération de restructuration de son passif n'a entraîné aucun transfert de ressources de l'État car la garantie ne serait mise à exécution que si elle n'honorait pas son contrat de prêt. De plus, elle ajoute que la garantie ne lui ayant pas permis de négocier un crédit à un taux d'intérêt inférieur à celui du marché, la garantie ne saurait être qualifiée d'aide. À cet égard, le taux d'intérêt consenti par le consortium bancaire à la requérante ne résulterait pas d'une intervention de l'administration publique lors des négociations, mais de la volonté de ce même consortium de rendre possible une opération de financement visant à convertir un passif à court terme en passif à long terme.

58.
    La requérante affirme ensuite qu'il appartenait à l'État, unique actionnaire, d'assurer la réalisation de ses missions d'intérêt général, et que, à cet égard, la garantie consentie par l'État est comparable à celle que peut octroyer un investisseur privé agissant dans le contexte d'une économie de marché. Elle soutient ainsi qu'«il y a aide d'État lorsque l'autorité publique fournit à l'entreprise des ressources financières dans des conditions inacceptables pour un investisseur opérant aux conditions normales du marché» et rappelle que la Commission s'est attachée à une conception pragmatique et évolutive de ce critère de l'investisseur privé. Ainsi, «un associé privé peut raisonnablement apporter le capital nécessaire pour assurer la survie d'une entreprise qui connaît des difficultés passagères, mais qui, le cas échéant après une restructuration, serait en mesure de retrouver sa rentabilité» (voir arrêt de la Cour du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, Rec. p. 2263, point 15). Néanmoins, «l'intervention de l'investisseur publicpoursuivant des objectifs de politique économique n'est pas nécessairement celle de l'investisseur ordinaire plaçant des capitaux en vue de leur rentabilisation à plus ou moins court terme» (voir arrêt de la Cour du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-305/89, Rec. p. I-1603, point 20).

59.
    Appliquant cette jurisprudence à son cas, la requérante considère qu'il était légitime que l'État intervienne afin de lui garantir une opération de restructuration de son passif aux conditions du marché, eu égard tant à sa qualité d'actionnaire unique qu'à sa responsabilité par rapport à sa situation financière. C'est à cet effet que la requérante fait état de son plan de restructuration et d'assainissement financier qui doit, d'une part, la conduire à la privatisation et, d'autre part, lui permettre de recouvrer une rentabilité sur le marché concerné. Ainsi, tout en oeuvrant pour la poursuite de l'intérêt général, inhérent à la réalisation de la mission de la requérante, l'État contribuerait à «reviabiliser» une entreprise publique et à ne pas amoindrir son propre prestige.

60.
    La requérante allègue également que, conformément à la position adoptée par la Commission dans sa communication sur les relations financières entre l'État et les entreprises publiques, les autorités portugaises avaient fourni de nombreuses informations permettant de donner une explication plausible à l'octroi de la garantie excluant la qualification d'aide. Cependant, la Commission n'aurait pas pris en considération l'ensemble de ces arguments.

61.
    Enfin, en qualifiant cette garantie d'aide étatique, la Commission aurait procédé à une interprétation abusive du concept d'aide, et la violation de l'article 92, paragraphe 1, du traité ne pouvant être constatée, l'État portugais n'aurait pas eu l'obligation de notifier la prétendue aide à la Commission en application de l'article 93, paragraphe 3, du traité.

62.
    La requérante invoque, en second lieu, une violation, par la Commission, de l'article 92, paragraphe 1, du traité, en ce que cette dernière n'a pas démontré que la prétendue aide d'État affectait les échanges intracommunautaires et faussait ou menaçait de fausser la concurrence. La requérante affirme à l'appui de son argument qu'il est insuffisant de présumer une affectation des échanges du simple fait de l'adoption d'une mesure de soutien financier, mais qu'il appartient, au contraire, à la Commission d'établir, in concreto, une altération actuelle ou potentielle de la concurrence (voir arrêt de la Cour du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C-278/92, C-279/92 et C-280/92, Rec. p. I-4103, point 32). En se contentant de constater l'existence de perturbations sur le marché sans les identifier et d'un flux commercial entre le Portugal et les autres États membres sans démontrer qu'EPAC affecte à son profit ce flux, la Commission n'établirait pas que les échanges intracommunautaires ont été affectés ni le jeu de la concurrence faussé.

63.
    La Commission rétorque que la garantie litigieuse constitue une aide d'État et qu'un investisseur privé aurait choisi de liquider EPAC et non de lui octroyer une garantie. L'affectation des ressources étatiques résulterait, en l'espèce, non seulement de la renonciation à toute prime qu'aurait exigée un garant privé en contrepartie du risque encouru, mais également de la charge résultant de la réalisation éventuelle d'un tel risque pour le budget de l'État. Toutefois, la Commission a également affirmé, dans une réponse à une question du Tribunal, que, si cette prime avait effectivement été payée à l'État portugais, son taux ne correspondrait pas à celui du marché. Elle objecte, en outre, qu'elle n'était pas tenue de démontrer l'effet réel de l'aide et qu'elle a établi, en l'espèce, l'existence d'une affectation du commerce intracommunautaire.

Appréciation du Tribunal

- Sur la notion d'aide d'État

64.
    Il convient de rappeler, préliminairement, que l'article 92 du traité interdit les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions, dans la mesure où ces aides affectent les échanges entre États membres.

65.
    Il convient, également, de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion d'aide comprend non seulement des prestations positives telles que les subventions proprement dites, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent le budget d'une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont d'une même nature et ont des effets identiques (voir, notamment, arrêts de la Cour du 30 novembre 1993, Kirsammer-Hack, C-189/91, Rec. p. I-6185, point 16; du 15 mars 1994, Banco Exterior de España, C-387/92, Rec. p. I-877, point 13, et du 29 juin 1999, DM Transport, C-256/97, Rec. p. I-3913, point 19).

66.
    Afin d'apprécier si une mesure étatique constitue une aide, il convient, selon une jurisprudence constante, de déterminer si l'entreprise bénéficiaire reçoit un avantage économique qu'elle n'aurait pas reçu dans des conditions normales de marché (voir arrêts de la Cour du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C-39/94, Rec. p. I-3547, point 60; du 29 avril 1999, Espagne/Commission, C-342/96, Rec. p. I-2459, point 41, et DM Transport, précité, point 22).

67.
    En l'espèce, la requérante allègue que la garantie consentie par l'État portugais est comparable à celle que peut octroyer un investisseur privé agissant dans le contexte d'une économie de marché.

68.
    Toutefois, il convient de relever que le comportement de l'État portugais, qui a octroyé la garantie litigieuse, ne peut pas être comparé à celui d'un investisseurprivé (voir, à cet égard, en matière de prêts, arrêts du 29 avril 1999, Espagne/Commission, précité, point 46, et DM Transport, précité, point 24), puisque l'État portugais n'a procédé à aucune injection de capital. Il convient dès lors de déterminer si, dans des conditions normales de marché, la garantie qu'il a accordée à EPAC en vue de lui permettre d'obtenir un prêt auprès d'établissements bancaires aurait également été octroyée par un opérateur privé compte tenu, notamment, du risque de voir cette garantie réalisée en cas de non-remboursement du prêt consenti.

69.
    À cet égard, il y a lieu de relever, tout d'abord, qu'EPAC se trouvait dans une situation financière gravement compromise, caractérisée par son incapacité à assumer ses charges financières et la nécessité de restructurer son passif ainsi que ses capacités logistiques et salariales.

70.
    En outre, la requérante a affirmé qu'«il est permis de penser que, sans l'octroi de cette garantie de l'État, le contrat entre [elle] et le consortium bancaire [...] n'aurait pas été conclu», et que, si l'État prend l'initiative de révoquer la garantie, les banques créancières pourront exiger le paiement immédiat de leurs créances, la conduisant, de ce fait, à la faillite.

71.
    Il s'ensuit que EPAC a bénéficié d'un avantage dont elle n'aurait pas bénéficié dans des conditions normales de marché.

72.
    À cet égard, la requérante ne saurait prétendre que le plan de rentabilisation économique et d'assainissement financier, lié à l'octroi d'un prêt couvert en partie par une garantie étatique, laisserait entrevoir une quelconque perspective favorable pour un opérateur privé susceptible de rendre acceptable l'octroi d'un tel avantage.

73.
    En effet, elle admet dans ses mémoires que ce plan de rentabilisation et d'assainissement financier ne constituait pas un cadre destiné à résoudre les problèmes de l'entreprise. Le gouvernement portugais énonce d'ailleurs, dans sa lettre du 8 avril 1997, qu'«il est à noter que ce contrat de prêt, s'il a atténué temporairement certains effets de la situation passée, n'a en rien contribué à la solution des besoins de l'entreprise quant au fond de roulement nécessaire à ses opérations commerciales courantes et aux exigences de l'investissement requis pour la restructuration de l'entreprise et pour les indemnités à payer aux travailleurs pour la résiliation de leurs contrats de travail».

74.
    Il s'ensuit que la Commission était fondée à considérer que, dans les circonstances de l'espèce, un opérateur privé n'aurait pas accordé à EPAC la garantie litigieuse.

75.
    Cette conclusion ne saurait être infirmée par l'argument de la requérante selon lequel la poursuite de l'intérêt général, la prise en considération de préoccupations salariales ou encore la recherche du maintien du prestige et de la crédibilité de l'État expliqueraient l'intervention étatique.

76.
    En effet, la responsabilité éventuelle de l'État portugais dans la dégradation de la situation financière d'EPAC est sans incidence sur la qualification d'aide de la garantie en cause, l'article 92 du traité ne distinguant pas les interventions selon leurs causes ou leurs objectifs mais les définissant en fonction de leurs effets (voir, en dernier lieu, arrêt du 17 juin 1999, Belgique/Commission, précité, point 25).

77.
    Cette conclusion ne saurait non plus être infirmée par l'allégation de la requérante selon laquelle les autorités portugaises ont fourni à la Commission des informations tendant à démontrer l'existence d'une explication plausible de l'octroi de la garantie permettant d'écarter la qualification d'aide d'État.

78.
    La requérante invoque à l'appui de son affirmation la communication (JO 1993, C 307, p. 3) de la Commission aux États membres relative à l'application aux entreprises publiques du secteur manufacturier des articles 92 et 93 du traité et de l'article 5 de la directive 80/723/CEE de la Commission, du 25 juin 1980, relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques (JO L 195, p. 35). Le point 29 de cette communication dispose:

«En rendant plus transparente la façon dont la Commission applique le principe de l'investisseur en économie de marché et les critères utilisés pour déterminer dans quels cas il y a aide, la présente communication réduira l'incertitude qui existe dans ce domaine. La Commission n'a pas l'intention d'appliquer les principes exposés dans la communication (et qui concernent un domaine inévitablement complexe) d'une façon dogmatique ou rigide. Elle comprend que toute décision d'investissement commercial suppose une marge d'appréciation considérable. Cependant, quand il est hors de doute que la mise à disposition de ressources publiques n'a d'autre explication plausible que l'octroi d'une aide d'État, ces principes doivent être appliqués.»

79.
    Toutefois, il a été précédemment constaté, d'une part, que le comportement de l'État portugais ne peut pas être comparé à celui d'un investisseur privé et, d'autre part, que l'avantage accordé à EPAC ne l'aurait pas été, dans des conditions normales de marché, par un opérateur privé.

80.
    Concernant l'absence de transfert de ressources d'État, il convient de relever que l'avantage consenti à EPAC impliquera une charge supplémentaire, pour le budget de l'État, dans l'hypothèse d'une réalisation de la garantie (voir arrêt de la Cour du 1er décembre 1998, Ecotrade, C-200/97, Rec. p. I-7907, point 43).

81.
    Dans ces circonstances, l'octroi d'une garantie par l'État ne saurait échapper à l'interdiction de l'article 92 du traité au seul motif que ce n'est pas par une mobilisation immédiate et certaine de ressources étatiques que cet avantage a été accordé à l'entreprise bénéficiaire.

82.
    En outre, il ressort de la décision attaquée qu'a été prévu le paiement d'une prime de 0,2 % à l'État portugais. Or, la requérante n'ayant pas allégué que ce taux était conforme à ceux pratiqués sur le marché, le Tribunal estime que la Commission a pu légitimement considérer qu'il ne constituait pas une juste rémunération du risque encouru par l'État. Dès lors, l'État subit, d'ores et déjà, un manque à gagner.

83.
    Il ressort de ce qui précède que la Commission n'a pas violé l'article 92, paragraphe 1, du traité en constatant que la garantie litigieuse constitue une aide d'État au sens de cette disposition.

- Sur l'affectation des échanges intracommunautaires et la distorsion de la concurrence

84.
    La requérante affirme que la Commission n'a pas démontré que la prétendue aide affectait les échanges intracommunautaires et faussait ou menaçait de fausser la concurrence et qu'il lui appartenait, à cet égard, d'établir, in concreto, l'existence d'une altération actuelle ou potentielle de la concurrence.

85.
    Toutefois, la Commission n'est pas tenue de procéder à une analyse économique chiffrée extrêmement détaillée. De plus, s'agissant d'une aide n'ayant pas été notifiée à la Commission, la décision constatant l'incompatibilité de cette aide avec le marché commun ne doit pas être obligatoirement basée sur la démonstration de l'effet réel de cette aide sur la concurrence ou les échanges entre États membres. En effet, en décider autrement aboutirait à favoriser les États membres qui versent des aides en violation du devoir de notification de l'article 93, paragraphe 3, du traité au détriment de ceux qui notifient les aides à l'état de projet (voir arrêts de la Cour du 14 février 1990, France/Commission, C-301/87, Rec. p. I-307, point 33, et du Tribunal du 30 avril 1998, Vlaams Gewest/Commission, T-214/95, Rec. p. II-717, point 67).

86.
    Or, il y a lieu d'observer que la décision attaquée comporte, autant que nécessaire, les éléments permettant d'établir l'existence d'une affectation des échanges intracommunautaires et d'une distorsion de la concurrence.

87.
    En effet, la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que les mesures financières en cause conduisent directement à l'amélioration des conditions de production et de commercialisation des produits de l'entreprise par rapport aux autres opérateurs de la Communauté européenne qui ne bénéficient pas d'aides comparables. La décision énonce également que l'auteur de la plainte lui a soumis, lors de la procédure administrative, une demande de suspension de la garantie d'État à la suite de l'ouverture d'adjudications pour l'abattement du droit à l'importation de maïs au Portugal. Interrogée lors de l'audience sur ce point, la Commission a précisé que la plaignante, tout comme EPAC, avait soumissionné pour l'obtention d'une diminution de droits à l'importation. La situation d'EPAC,qui a présenté, dans ce cadre, des conditions extrêmement compétitives ne pouvant être soutenues par les autres entreprises, caractériserait donc une distorsion de la concurrence.

88.
    En outre, la Commission indique, dans la décision attaquée, le montant des échanges entre le Portugal et la Communauté tout en précisant que ceux-ci sont significatifs, le Portugal étant déficitaire en céréales (l'extrait pertinent est reproduit au point 44 ci-dessus).

89.
    La Commission en conclut que lesdits échanges sont affectés lorsqu'un opérateur actif dans le commerce intra et extracommunautaire de céréales reçoit des aides qui le favorisent par rapport aux autres et que la mesure en cause a eu un effet direct et immédiat sur les coûts de revient de l'entreprise qui a bénéficié ainsi d'un avantage économique par rapport aux autres entreprises du secteur (l'extrait pertinent est reproduit au point 44 ci-dessus).

90.
    Par conséquent, la Commission a pu constater, à bon droit, que les échanges intracommunautaires étaient affectés en l'espèce. La requérante n'apporte d'ailleurs, à cet égard, aucun élément de nature à infirmer cette conclusion.

91.
    Il résulte de l'ensemble de ces considérations que l'argument tiré d'une violation de l'article 92, paragraphe 1, du traité n'est pas fondé.

Sur la seconde branche, tirée d'une violation du paragraphe 3 de l'article 92 du traité

Arguments des parties

92.
    La requérante invoque une violation de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, en ce que la Commission n'a pas suffisamment justifié l'exclusion de l'application des dérogations prévues par l'article susmentionné. La Commission aurait dû, non seulement constater l'utilité des informations fournies par les autorités portugaises, mais les prendre davantage en considération dans ses appréciations. Ainsi, ayant su, dès le début de la procédure, que le plan de viabilisation économique et d'assainissement financier d'EPAC n'était plus destiné à constituer un cadre pour résoudre les problèmes de l'entreprise, la Commission aurait dû analyser la garantie litigieuse au regard des critères applicables aux aides au sauvetage et non au regard de ceux relatifs aux aides à la restructuration.

93.
    Outre cette erreur de qualification juridique, la Commission aurait commis une erreur de droit dans l'application à l'espèce, des quatre conditions qu'elle a dégagées dans sa communication 94/C 368/05 («Lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté», JO 1994, C 368, p. 12) et cela bien qu'elle ait admis qu'EPAC soit une entreprise en difficulté, incapable d'assurer son rétablissement par ses propres moyens.

94.
    Concernant la première condition portant sur le taux d'intérêt de la garantie litigieuse, la requérante affirme que les prêts ont été négociés sans l'intervention directe des autorités portugaises et aux conditions du marché. Même si une bonification du taux d'intérêt avait été consentie, la lettre du premier critère n'exigerait pas que le taux consenti l'ait été aux conditions du marché, seuls les crédits remboursables devant porter sur un taux équivalent à celui du marché. Quant à la deuxième condition relative à la limitation du montant de l'aide à ce qui est nécessaire pour l'exploitation de l'entreprise, elle soutient que la garantie n'est pas une aide à l'exploitation mais une «mesure de caractère exceptionnel et transitoire, qui permettrait de surmonter ce problème dans l'attente d'une solution globale». La solution choisie par les autorités portugaises tendait, selon la requérante, à maintenir l'activité de l'entreprise, sans enfreindre les règles du droit communautaire, en consolidant, pour ce faire, un passif bancaire à court terme en un passif à long terme. Concernant ensuite la troisième condition relative à la durée de l'aide consentie, la requérante allègue que le délai habituellement prescrit de six mois est prorogeable et qu'il est nécessaire de laisser le temps à l'entreprise bénéficiaire de l'aide d'élaborer un plan de redressement viable. Enfin, quant à la quatrième condition relative à la justification sociale de la mesure en cause, la requérante considère que, en permettant le maintien de son activité, la garantie consentie a permis d'éviter des licenciements, des perturbations sur le marché de l'approvisionnement en céréales du pays et de pérenniser le soutien commercial et technique d'EPAC aux agriculteurs portugais.

95.
    La requérante signale encore que, dans l'hypothèse où la garantie consentie serait qualifiée d'aide, conformément à l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, elle n'altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. À cet égard, elle rappelle que la Cour a considéré dans une situation analogue à celle de l'espèce que le règlement de dettes anciennes, destiné à sauver une entreprise, n'a pas nécessairement pour effet d'altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun lorsqu'une telle opération est, par exemple, accompagnée d'un plan de restructuration (voir arrêt de la Cour du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, Rec. p. 3809, point 39).

96.
    La Commission objecte qu'elle a tenu compte des informations transmises par le gouvernement portugais. En outre, s'agissant de l'application de la communication 94/C 368/05, précitée, la Commission constate qu'il était normal d'examiner conjointement l'hypothèse d'une aide au sauvetage et d'une aide à la restructuration, celles-ci constituant les deux volets d'une seule opération visant à sauver l'entreprise à court terme puis à restaurer sa viabilité à long terme. Enfin, elle aurait légitimement considéré que la garantie en cause ne se conformait pas aux critères définis dans la communication susmentionnée.

Appréciation du Tribunal

97.
    Il convient de constater, à titre préliminaire, qu'il résulte de la jurisprudence que, dans le domaine de l'article 92, paragraphe 3, du traité, la Commission jouit d'un large pouvoir d'appréciation dont l'exercice implique des évaluations d'ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire et que, dès lors, il appartient au Tribunal de limiter le contrôle qu'il exerce sur une telle appréciation à la vérification des règles de procédure, au caractère suffisant de la motivation, à l'exactitude matérielle des faits ainsi qu'à l'absence d'erreur manifeste d'appréciation et au détournement de pouvoir (voir, notamment, arrêt du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-303/88, précité, point 34, et arrêt du Tribunal du 13 septembre 1995, TWD/Commission, T-244/93 et T-486/93, Rec. p. II-2265, point 82).

98.
    La requérante invoque une violation par la Commission de la communication 94/C 368/05, précitée.

99.
    À cet égard, elle considère, en premier lieu, que la Commission aurait dû analyser la garantie en cause au regard des critères applicables aux aides au sauvetage et non au regard de ceux relatifs aux aides à la restructuration.

100.
    Cependant, il ressort de la décision attaquée [voir considérant 13, sous b)] que, si, lors de l'ouverture de la procédure, la Commission a considéré que les critères des aides au sauvetage des entreprises étaient inapplicables à la garantie étatique en cause, elle a finalement affirmé, dans la décision attaquée, à la lumière des informations transmises par le gouvernement portugais, que celle-ci constituait une aide au sauvetage.

101.
    Toutefois, la Commission souligne que la garantie d'État en faveur d'EPAC ne répond pas aux critères définis dans la communication susmentionnée pour être considérée comme une aide au sauvetage compatible avec le marché commun et se livre, à cet égard, à une analyse de l'aide au regard des quatre critères définis dans cette communication [voir considérant 13, sous b)].

102.
    Il ressort de ce qui précède que la Commission s'est livrée à une analyse complète des dérogations prévues par cette communication et, notamment, à l'examen au titre des aides au sauvetage.

103.
    Force est donc de constater que l'argument de la requérante tiré d'une erreur de qualification juridique de la mesure en cause au regard des lignes directrices précitées n'est pas fondé.

104.
    En second lieu, la requérante invoque une erreur de la Commission dans l'application des critères relatifs aux aides au sauvetage.

105.
    La communication précitée énonce, dans son point 3.1 relatif aux conditions générales d'autorisation des aides au sauvetage:

«Pour être approuvées par la Commission, les [...] aides au sauvetage doivent donc:

-    consister en des aides de trésorerie prenant la forme de garantie de crédits ou de crédits remboursables portant un taux équivalent à celui du marché;

-    se borner dans leur montant à ce qui est nécessaire pour l'exploitation de l'entreprise (par exemple, couverture des charges salariales, des approvisionnements courants);

-    n'être versées que pour la période nécessaire (en règle générale ne dépassant pas six mois) à la définition de mesures de redressement nécessaires et possibles;

-    être justifiées pour des raisons sociales aiguës et ne pas avoir pour effet de déséquilibrer la situation industrielle dans d'autres États membres.»

106.
    La Commission a considéré, dans la décision attaquée, que ces conditions n'étaient pas remplies en l'espèce, le taux des emprunts obtenu par EPAC étant bonifié, la durée de l'opération dépassant largement la règle générale des six mois, le montant de la garantie ne pouvant pas être considéré comme le montant strictement nécessaire à l'exploitation courante de l'entreprise et, enfin, aucune justification sociale pressante n'ayant été invoquée [voir considérant 13, sous b)].

107.
    S'agissant de la première condition relative au taux d'intérêt, il convient de rappeler que l'objectif poursuivi par la Commission en autorisant ces aides au sauvetage est de contribuer au développement économique sans affecter les échanges dans une mesure contraire à l'intérêt communautaire. Dans cette perspective, il n'est pas plus acceptable pour un prêt obtenu grâce à une garantie étatique que pour une aide constituée du prêt lui-même que le taux de ce crédit soit plus favorable que celui offert sur le marché.

108.
    Le taux d'intérêt du prêt consenti à la requérante est de 6,75 % (taux Lisbor) pour la partie garantie du prêt et de 6,75 % + 1,2 % (taux Lisbor + 1,2 %) pour la partie non garantie. À cet égard, les affirmations de la requérante, appuyées par une lettre de la Banco Chemical Finance, SA, membre du consortium bancaire prêteur, selon lesquelles les taux d'intérêt consentis reflètent les conditions du marché existant à la date de la signature du contrat en cause ne peuvent être acceptées.

109.
    En effet, il ressort, d'une part, de la décision attaquée, que le taux de référence communautaire à la date de l'octroi du prêt était de 12,51 % ce qui doit, dans le cas d'espèce, être considéré comme un taux minimal, étant donné que la situationfinancière difficile d'EPAC ne lui aurait pas permis d'obtenir un prêt à des conditions plus favorables que celles offertes aux opérateurs en situation financière équilibrée [voir considérant 13, sous d)]. À cet égard, la Commission a produit, en réponse à une question du Tribunal, une note envoyée par ses services au gouvernement portugais, dans laquelle est mentionné le même taux comme taux de référence pour le Portugal, permettant de calculer, a priori, l'élément d'aide résultant des régimes de bonification d'intérêt portant sur les prêts à l'investissement.

110.
    Il ressort, d'autre part, des documents émanant du ministère des Finances portugais relatifs à la mise en oeuvre du plan de rentabilisation d'EPAC que le taux applicable pour la partie garantie du prêt est inférieur au taux de référence portugais de 12,98 % pour 1995.

111.
    Il y a donc lieu de constater que l'État portugais connaissait le taux de référence, censé refléter le niveau moyen des taux d'intérêt en vigueur pour les prêts à moyen et à long terme, que la Commission appliquerait afin de calculer l'élément d'aide. Il y a également lieu de considérer qu'un taux d'intérêt sensiblement inférieur audit taux de référence a été sciemment appliqué en l'espèce.

112.
    Il ressort de ce qui précède que la Commission a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, considérer que les taux consentis à EPAC avaient été bonifiés.

113.
    S'agissant des autres conditions énoncées par la communication, il convient de constater, d'une part, que la garantie d'État a été octroyée pour une durée de sept ans alors que le délai généralement admis est de six mois. À cet égard, bien que la Commission admette que ce délai puisse être prorogé afin de permettre d'achever l'enquête relative au plan de restructuration, il convient de constater qu'un délai de sept ans ne peut être, à cette fin, considéré comme raisonnable.

114.
    En outre, il ressort des lignes directrices précitées que les aides au sauvetage permettent de soutenir temporairement une entreprise durant le laps de temps nécessaire pour mettre au point un plan adéquat afin de remédier aux difficultés financières rencontrées. Dans ces conditions, la Commission pouvait légitimement considérer qu'une garantie de sept ans ne pouvait constituer une aide au sauvetage et cela d'autant plus que le plan de restructuration annoncé pour 1997 n'a jamais été transmis à la Commission.

115.
    D'autre part, il ne ressort pas du dossier que des raisons sociales aiguës aient été invoquées par la requérante ou par son gouvernement lors de la procédure administrative.

116.
    Dans ces circonstances, la Commission n'a pas commis d'erreur de droit en considérant que les critères relatifs aux aides au sauvetage n'étaient pas réunis.

117.
    Il ressort de tout ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté dans son entièreté.

3. Sur le troisième moyen, tiré d'une violation des articles 90 et 222 du traité

Arguments des parties

118.
    La requérante rappelle, d'une part, qu'il ressort de l'article 222 du traité que la Commission est tenue, dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par les articles 92 et 93 du traité, de respecter l'égalité de traitement entre entreprises publiques et privées et, d'autre part, que, d'après ses statuts, elle doit être considérée comme une entreprise publique aux fins de l'application des règles communautaires en matière de concurrence. Ainsi, il appartiendrait à la Commission, en matière d'aides d'État, de ne pas faire de discrimination entre les investisseurs publics et privés. Eu égard à sa viabilité financière et à la jurisprudence pertinente en ce domaine, la Commission aurait violé le principe d'égalité de traitement. Il ressortirait, en effet, de la jurisprudence qu'«il résulte de ce même principe d'égalité de traitement que les capitaux mis à la disposition d'une entreprise, directement ou indirectement, par l'État, dans des circonstances qui correspondent aux conditions normales du marché, ne sauraient être qualifiés d'aide d'État» (voir arrêt du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-303/88, précité, point 20).

119.
    La requérante invoque également une violation de l'article 90, paragraphe 2, du traité en ce que la Commission n'a pas tenu compte du fait que les missions qu'elle réalise ont une finalité sociale et correspondent à la réalisation d'un service d'intérêt économique général. L'octroi de la garantie ayant constitué une mesure indispensable à la survie d'EPAC, l'article 90, paragraphe 2, du traité serait, en l'espèce, applicable, justifiant ainsi une dérogation au principe d'interdiction, de suppression et de récupération de la prétendue aide.

120.
    La Commission relève, concernant la prétendue violation de l'article 222 du traité, que sa décision vise au rétablissement de l'égalité de traitement entre l'entreprise publique bénéficiaire de l'aide et ses concurrentes.

121.
    En ce qui concerne une prétendue violation de l'article 90, paragraphe 2, du traité, elle fait valoir que la requérante n'a pas démontré qu'elle a été chargée de la gestion d'un service d'intérêt économique général par l'État au sens de cet article.

Appréciation du Tribunal

122.
    Concernant, d'une part, la prétendue violation par la Commission du principe d'égalité de traitement entre entreprises privées et publiques, il convient desouligner, premièrement, que, en vertu de l'article 90, paragraphe 1, du traité, les règles de concurrence sont applicables indistinctement à ces deux types d'entreprises, et, deuxièmement, que l'article 222 du traité ne contrevient pas à ce principe.

123.
    En considérant comme une aide incompatible avec le marché commun la garantie litigieuse, la Commission n'a en rien porté atteinte au régime de la propriété publique et n'a fait que traiter de façon identique le propriétaire public et le propriétaire privé d'une entreprise (voir arrêt du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-305/89, précité, point 24).

124.
    Il y a donc lieu de considérer que l'argument, tiré d'une violation de l'article 222 du traité, n'est pas fondé.

125.
    Concernant, d'autre part, la prétendue violation de l'article 90, paragraphe 2, du traité, il ressort de cet article que, pour que la dérogation puisse jouer, il faut que l'entreprise en cause ait été investie par les pouvoirs publics de la gestion d'un service d'intérêt économique général, que l'application des règles du traité fasse échec à l'accomplissement de la mission particulière qui lui a été impartie et, enfin, que l'intérêt de la Communauté ne soit pas affecté (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 27 février 1997, FFSA e.a./Commission, T-106/95, Rec. p. II-229, point 173).

126.
    À cet égard, les entreprises chargées de la gestion d'un service d'intérêt économique général doivent avoir été investies de cette mission par un acte de puissance publique (voir arrêts de la Cour du 21 mars 1974, BRT et Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs, 127/73, Rec. p. 313, point 20, et du 18 juin 1998, Corsica Ferries France, C-266/96, Rec. p. I-3949, point 47).

127.
    Or, il convient de constater que la requérante n'a pas rapporté la preuve qu'une mission de cet ordre lui a été confiée.

128.
    L'argument tiré d'une violation de l'article 90, paragraphe 2, du traité doit donc être rejeté.

129.
    Il s'ensuit que le troisième moyen doit être rejeté dans son entièreté.

4. Sur le quatrième moyen, tiré d'une violation des principes généraux de proportionnalité, de sécurité juridique et de confiance légitime

Arguments des parties

130.
    La requérante affirme, tout d'abord, que la Commission n'a pas respecté le «critère minimal de traitement proportionné et équilibré des intérêts en jeu» en exigeant la suppression et la récupération des aides octroyées. La requérante considère, eneffet, que l'État actionnaire et gestionnaire de l'intérêt général a choisi la solution qui, de la liquidation de l'entreprise, de l'aide directe ou de la garantie, portait le moins atteinte aux intérêts en présence.

131.
    Par ailleurs, la requérante invoque l'impossibilité juridique, pour l'État portugais, de prendre les mesures exigées par la Commission, celles-ci contrevenant tant à l'ordre juridique portugais qu'au droit communautaire en ce qui concerne le respect des obligations contractuelles. En effet, l'État ne pourrait unilatéralement se dégager des obligations qu'il a contractées à l'égard des établissements bancaires, seules les juridictions nationales saisies ayant le pouvoir de constater la nullité de la garantie.

132.
    Enfin, la requérante et les établissements bancaires auraient fondé une confiance légitime dans la légalité de la garantie qui a été octroyée à ces établissements, et mériteraient, à ce titre, une protection juridique adéquate qui serait incompatible avec une décision de la Commission imposant la suppression de la garantie et le remboursement de la prétendue aide en résultant.

133.
    La Commission considère, concernant le caractère prétendument disproportionné des mesures exigées, qu'il résulte du traité et de la jurisprudence que la suppression de l'aide est nécessaire afin de permettre le rétablissement de la situation antérieure (voir arrêts de la Cour du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C-142/87, Rec. p. I-959, du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-305/89, précité, et du 4 avril 1995, Commission/Italie, C-348/93, Rec. p. I-673). À cet égard, la jurisprudence aurait reconnu que la liquidation de l'entreprise bénéficiaire de l'aide ne pouvait affranchir un État de son obligation de supprimer cette aide (voir arrêt de la Cour du 15 janvier 1986, Commission/Belgique, 52/84, Rec. p. 89).

134.
    La Commission affirme également que, ni l'État ni le bénéficiaire lui-même ou les banques ne s'étant assurés du respect de la procédure de notification et donc de la légalité de l'aide, ils ne peuvent invoquer une violation du principe de confiance légitime (voir arrêt de la Cour du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne, C-5/89, Rec. p. I-3437, ainsi que les conclusions de l'avocat général M. Darmon sous cet arrêt, Rec. p. I-3445, et arrêt de la Cour du 24 octobre 1996, Allemagne e.a./Commission, C-329/93, C-62/95 et C-63/95, Rec. p. I-5151).

135.
    Elle relève enfin que le gouvernement portugais est tenu de mettre en application les mesures prises dans la décision attaquée.

Appréciation du Tribunal

136.
    Concernant, tout d'abord, le premier argument de la requérante fondé sur la violation du principe de proportionnalité, du fait de la condition imposant la suppression et la récupération de l'aide, il y a lieu de rappeler que, selon unejurisprudence constante, «la récupération d'une aide étatique illégalement accordée, en vue du rétablissement de la situation antérieure, ne saurait, en principe, être considérée comme une mesure disproportionnée par rapport aux objectifs des dispositions du traité en matière d'aides d'État». À cet égard, la récupération de l'aide illégale a pour but de rétablir la situation antérieure à l'octroi de l'aide (voir arrêts de la Cour du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, C-169/95, Rec. p. I-135, point 47, et du 17 juin 1999, Belgique/Commission, précité, point 68).

137.
    La Commission ayant légitimement déclaré l'aide en cause incompatible avec le marché commun, la suppression et le recouvrement de l'aide indûment perçue sont proportionnés à l'illégalité constatée.

138.
    Concernant, ensuite, la prétendue impossibilité pour l'État portugais de mettre en oeuvre la décision de la Commission, il convient de constater que des difficultés éventuelles, procédurales ou autres, quant à l'exécution de celle-ci, ne sauraient influer sur sa légalité (voir arrêts de la Cour du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, précité, point 80, et du 17 juin 1999, Belgique/Commission, précité, point 86).

139.
    La requérante allègue enfin avoir fondé une confiance légitime dans la légalité de la garantie consentie par l'État au consortium bancaire.

140.
    Il convient liminairement de constater que, conformément à l'article 93, paragraphe 3, du traité, tout projet tendant à instituer une nouvelle aide doit être notifié à la Commission avant sa mise en oeuvre sous peine de ne pas être considéré comme régulièrement instauré (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367/95 P, Rec. p. I-1719, point 35).

141.
    Or, l'État portugais n'a pas procédé à cette notification alors même que la Commission l'y avait invité dans sa lettre du 31 octobre 1996.

142.
    Dès lors, compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides étatiques opéré par la Commission, EPAC ne saurait avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l'aide qui lui a été octroyée en violation de l'article 93, paragraphe 3, du traité (voir arrêt de la Cour du 20 mars 1997, Alcan Deutschland, C-24/95, Rec. p. I-1591, point 43).

143.
    À cet égard, il convient de signaler que, même si la requérante avait invoqué des circonstances exceptionnelles ayant pu fonder sa confiance légitime afin de s'opposer à la récupération de l'aide, il appartiendrait au juge national, éventuellement saisi, de les apprécier (voir arrêt Commission/Allemagne, précité, point 16).

144.
    En outre, cette question ne se présentant pas différemment selon qu'il s'agit de la confiance légitime du bénéficiaire ou du créancier du bénéficiaire de l'aide, ilincombait également aux banques créancières de faire preuve de la prudence et de la diligence requises et de procéder aux vérifications nécessaires concernant la légalité de l'aide.

145.
    Il résulte de ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté.

146.
    Il s'ensuit que le recours dans l'affaire T-270/97 doit être rejeté dans son intégralité.

Sur le non-lieu à statuer dans l'affaire T-204/97

Arguments des parties

147.
    La Commission affirme que la décision du 30 avril 1997 demandant, à titre provisoire, au gouvernement portugais de suspendre l'aide sous forme de garantie d'État est une injonction-suspension au sens de l'arrêt France/Commission, précité, et constitue, à cet égard, une mesure provisoire prise dans l'attente du résultat de l'examen de l'aide. Une telle décision cesserait d'avoir une raison d'être dès l'adoption d'une décision définitive statuant sur le fond de l'affaire. La décision définitive remplacerait, ce faisant, la décision provisoire.

148.
    La Commission rappelle avoir adopté, le 9 juillet 1997, une décision définitive constatant l'incompatibilité de l'aide avec le traité et exigeant sa suppression et sa récupération. Dès lors, les obligations de l'État membre concerné et les conséquences pour l'entreprise bénéficiaire de l'aide ne résulteraient plus de la décision provisoire de suspension mais de la décision définitive. La décision provisoire se trouverait ainsi «absorbée» par la décision définitive.

149.
    La Commission considère, en conclusion, que le présent litige est devenu sans objet.

150.
    La requérante objecte que le présent recours n'a pas perdu son objet du simple fait de l'adoption d'une décision définitive à l'égard de la mesure étatique litigieuse. Elle affirme, à cet égard, que la décision provisoire a eu des répercussions profondes sur sa «vie interne».

151.
    Il importerait, en effet, que l'argument tiré de l'illégalité de la décision provisoire soit apprécié en justice afin de déterminer si l'État portugais et EPAC ont été maintenus dans une situation de violation du droit entre l'adoption de la décision provisoire et celle de la décision définitive.

152.
    La requérante soutient, à titre subsidiaire, que, si le présent recours devait être déclaré sans objet, il le serait du fait de la Commission, par l'adoption de la décision définitive, et qu'il serait, dès lors, injustifié de faire peser sur elle-même les dépens induits par l'affaire T-204/97.

Appréciation du Tribunal

153.
    Il y a lieu de noter, au préalable, que la décision du 30 avril 1997 a ordonné la suspension de l'octroi de la garantie d'État en faveur d'EPAC. Par la décision du 9 juillet 1997, la Commission a constaté l'illégalité de la mesure étatique en cause et, concomitamment, ordonné sa suppression dans un délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision et sa récupération, par voie de recouvrement, dans un délai de deux mois à compter de la notification de cette même décision, les intérêts commençant à courir à compter de la date à laquelle l'aide a été versée. La décision du 9 juillet 1997 a été notifiée à l'État portugais le 18 juillet 1997.

154.
    Dans ces circonstances, il convient d'examiner si la requérante garde un intérêt à attaquer la décision provisoire. À cet égard, il y a lieu de rappeler qu'un recours en annulation devient sans objet dès lors que, nonobstant l'éventuel succès dudit recours, la situation juridique du requérant ne saurait être modifiée par l'annulation, ou non, de l'acte attaqué. Dans cette hypothèse, il échet, alors, de prononcer le non-lieu à statuer.

155.
    En ce qui concerne l'intérêt de la requérante consistant à faire constater que la décision provisoire a produit des effets autonomes jusqu'à l'adoption de la décision définitive, il y a lieu de remarquer qu'il ressort des réponses d'EPAC aux questions écrites du Tribunal que la suspension de la garantie litigieuse n'a pas été mise en oeuvre par l'État portugais. Dès lors, la requérante ne peut prétendre avoir subi un préjudice autonome, quel qu'il soit, résultant de la décision provisoire.

156.
    En outre, il apparaît que la décision du 9 juillet 1997 a, depuis son entrée en vigueur, en raison de la nature des mesures qu'elle ordonne, privé de tout effet juridique autonome la décision provisoire. Les conséquences de la suppression et de la récupération de l'aide supplantent, en effet, ceux d'une simple suspension.

157.
    D'ailleurs, lors de l'audience, EPAC a admis, en réponse à une question du Tribunal, que, dans l'hypothèse où le Tribunal déclarerait l'aide illégale, «l'intérêt à aller de l'avant dans la procédure serait évidemment diminué d'autant».

158.
    Dans ces circonstances, le Tribunal ayant confirmé la décision de la Commission, devenue définitive, imposant la suppression et la récupération de l'aide et non seulement sa suspension, la requérante ne conserve aucun intérêt à obtenir l'annulation de la décision provisoire.

159.
    Par conséquent, le recours dans l'affaire T-204/97 est devenu sans objet de sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer à son sujet.

Sur les dépens

Dans l'affaire T-270/97

160.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la Commission.

Dans l'affaire T-204/97

161.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens. Le Tribunal estime, au vu des circonstances de l'espèce, que la requérante devra supporter l'ensemble des dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    Les affaires T-204/97 et T-270/97 sont jointes aux fins de l'arrêt.

2)    Le recours dans l'affaire T-270/97 est rejeté.

3)    Il n'y a pas lieu de statuer sur le recours dans l'affaire T-204/97.

4)    La requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission dans l'affaire T-270/97.

5)    La requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission dans l'affaire T-204/97.

Cooke García-Valdecasas Lindh

Pirrung Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 juin 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. D. Cooke


1: Langue de procédure: le portugais.