Language of document : ECLI:EU:C:2022:307

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

28 avril 2022 (*)

« Renvoi préjudiciel – Procédure préjudicielle d’urgence – Coopération judiciaire en matière pénale – Mandat d’arrêt européen – Décision‑cadre 2002/584/JAI – Article 23, paragraphe 3 – Exigence d’intervention de l’autorité judiciaire d’exécution – Article 6, paragraphe 2 – Services de police – Exclusion – Force majeure – Notion – Obstacles juridiques à la remise – Actions légales introduites par la personne recherchée – Demande de protection internationale – Exclusion – Article 23, paragraphe 5 – Expiration des délais prévus pour la remise – Conséquences – Remise en liberté – Obligation d’adopter toute autre mesure nécessaire pour éviter la fuite »

Dans l’affaire C‑804/21 PPU,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Korkein oikeus (Cour suprême, Finlande), par décision du 20 décembre 2021, parvenue à la Cour le même jour, dans les procédures relatives à l’exécution de mandats d’arrêt européens émis contre

C,

CD,

contre

Syyttäjä,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme A. Prechal (rapporteure), présidente de chambre, MM. J. Passer, F. Biltgen, N. Wahl et Mme M. L. Arastey Sahún, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : Mme C. Strömholm, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 mars 2022,

considérant les observations présentées :

–        pour C et CD, par Me H. Nevala, asianajaja,

–        pour le gouvernement finlandais, par Mme H. Leppo, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement néerlandais, par M. J. Langer, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement roumain, par Mmes E. Gane et L.-E. Baţagoi, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes S. Grünheid et I. Söderlund, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 10 mars 2022,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 2, ainsi que de l’article 23, paragraphes 3 et 5, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (JO 2009, L 81, p. 24) (ci-après la « décision-cadre 2002/584 »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre de l’exécution, en Finlande, de mandats d’arrêt européens émis par une juridiction roumaine contre C et CD, des ressortissants roumains.

 Le cadre juridique

 La décision-cadre 2002/584

3        Les considérants 8 et 9 de la décision-cadre 2002/584 sont libellés comme suit :

« (8)      Les décisions relatives à l’exécution du mandat d’arrêt européen doivent faire l’objet de contrôles suffisants, ce qui implique qu’une autorité judiciaire de l’État membre où la personne recherchée a été arrêtée devra prendre la décision de remise de cette dernière.

(9)      Le rôle des autorités centrales dans l’exécution d’un mandat d’arrêt européen doit se limiter à un appui pratique et administratif. »

4        L’article 1er de cette décision-cadre, intitulé « Définition du mandat d’arrêt européen et obligation de l’exécuter », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.      Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

2.      Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre. »

5        Aux termes de l’article 6 de ladite décision-cadre, intitulé « Détermination des autorités judiciaires compétentes » :

« 1.      L’autorité judiciaire d’émission est l’autorité judiciaire de l’État membre d’émission qui est compétente pour délivrer un mandat d’arrêt européen en vertu du droit de cet État.

2.      L’autorité judiciaire d’exécution est l’autorité judiciaire de l’État membre d’exécution qui est compétente pour exécuter le mandat d’arrêt européen en vertu du droit de cet État.

[...] »

6        L’article 7 de la même décision-cadre, intitulé « Recours à l’autorité centrale », est rédigé comme suit :

« 1.      Chaque État membre peut désigner une autorité centrale ou, lorsque son ordre juridique le prévoit, plusieurs autorités centrales, pour assister les autorités judiciaires compétentes.

2.      Un État membre peut, si cela s’avère nécessaire en raison de l’organisation de son système judiciaire, confier à son ou ses autorités centrales la transmission et la réception administratives des mandats d’arrêt européens, ainsi que de toute autre correspondance officielle la ou les concernant.

[...] »

7        L’article 23 de la décision-cadre 2002/584, intitulé « Délai pour la remise de la personne », dispose :

« 1.      La personne recherchée est remise dans les plus brefs délais à une date convenue entre les autorités concernées.

2.      Elle est remise au plus tard dix jours après la décision finale sur l’exécution du mandat d’arrêt européen.

3.      Si la remise de la personne recherchée, dans le délai prévu au paragraphe 2, s’avère impossible en vertu d’un cas de force majeure dans l’un ou l’autre des États membres, l’autorité judiciaire d’exécution et l’autorité judiciaire d’émission prennent immédiatement contact l’une avec l’autre et conviennent d’une nouvelle date de remise. Dans ce cas, la remise a lieu dans les dix jours suivant la nouvelle date convenue.

4.      Il peut exceptionnellement être sursis temporairement à la remise, pour des raisons humanitaires sérieuses, par exemple lorsqu’il y a des raisons valables de penser qu’elle mettrait manifestement en danger la vie ou la santé de la personne recherchée. L’exécution du mandat d’arrêt européen a lieu dès que ces raisons ont cessé d’exister. L’autorité judiciaire d’exécution en informe immédiatement l’autorité judiciaire d’émission et convient avec elle d’une nouvelle date de remise. Dans ce cas, la remise a lieu dans les dix jours suivant la nouvelle date convenue.

5.      À l’expiration des délais visés aux paragraphes 2 à 4, si la personne se trouve toujours en détention, elle est remise en liberté. »

 Le droit finlandais

 La loi relative à la remise

8        Les dispositions nationales adoptées pour la mise en œuvre de la décision-cadre 2002/584 se trouvent dans la laki rikoksen johdosta tapahtuvasta luovuttamisesta Suomen ja muiden Euroopan Unionin jäsenvaltioiden välillä (1286/2003) [loi relative à la remise, en raison d’une infraction, entre la République de Finlande et les autres États membres de l’Union européenne (1286/2003)], du 30 décembre 2003 (ci-après la « loi relative à la remise »).

9        Conformément aux articles 11, 19 et 37 de la loi relative à la remise, en Finlande, les autorités judiciaires d’exécution compétentes pour décider de la remise et du maintien en détention sont le Helsingin käräjäoikeus (tribunal de première instance d’Helsinki, Finlande) et, en tant que juridiction d’appel, le Korkein oikeus (Cour suprême, Finlande). En vertu de l’article 44 de cette loi, c’est le Keskusrikospoliisi (Office national de la police judiciaire, Finlande) qui est compétent pour l’exécution d’une décision de remise.

10      En vertu de l’article 46, paragraphe 1, de ladite loi, la personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen est remise aux autorités compétentes de l’État membre qui en a fait la demande dans les plus brefs délais, à une date convenue entre les autorités concernées. Toutefois, elle est remise au plus tard dix jours après que la décision de remise soit devenue définitive.

11      Selon l’article 46, paragraphe 2, de la même loi, si la remise de cette personne, dans le délai prévu au paragraphe 1, s’avère impossible en vertu d’un cas de force majeure en Finlande ou dans l’État membre qui a présenté la demande, les autorités compétentes doivent convenir d’une nouvelle date de remise. La remise doit avoir lieu dans les dix jours suivant la nouvelle date convenue.

12      Conformément à l’article 48 de la loi relative à la remise, si, à l’expiration des délais visés aux articles 46 et 47 de celle-ci, ladite personne se trouve toujours en détention, elle doit être remise en liberté.

 La loi relative aux étrangers

13      Les dispositions nationales en matière d’asile sont contenues dans la ulkomaalaislaki (301/2004) [loi relative aux étrangers (301/2004)], du 30 avril 2004 (ci-après la « loi relative aux étrangers »), laquelle correspond aux dispositions de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, n° 2545 (1954)], complétée par le protocole relatif au statut des réfugiés, conclu à New York le 31 janvier 1967. Les dispositions de la loi relative aux étrangers s’appliquent à tous les ressortissants étrangers résidant en Finlande, y compris aux citoyens de l’Union.

14      En vertu de l’article 40, paragraphe 3, de la loi relative aux étrangers, un étranger a le droit de séjourner sur le territoire finlandais pendant la durée d’examen de sa demande, jusqu’à ce qu’il ait été statué définitivement sur celle-ci ou qu’il ait fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

15      C et CD, des ressortissants roumains, ont fait l’objet de mandats d’arrêt européens émis respectivement les 19 et 27 mai 2015 par une autorité judiciaire roumaine, pour l’exécution de peines de prison de cinq ans et de peines complémentaires de trois ans (ci-après, ensemble, les « mandats d’arrêt européens en cause »). Ces peines ont été infligées pour trafic de produits stupéfiants à risque et à haut risque ainsi que pour participation à un groupe criminel organisé.

16      C et CD ont fait l’objet de procédures d’exécution de ces mandats d’arrêt européens en Suède. Par décision rendue le 8 avril 2020, le Högsta domstolen (Cour suprême, Suède) a ordonné la remise de C aux autorités roumaines et, par décision du 30 juillet 2020, le Svea hovrätt (cour d’appel siégeant à Stockholm, Suède) a ordonné la remise de CD aux mêmes autorités. C et CD ont toutefois quitté la Suède pour la Finlande avant la mise en œuvre de ces décisions de remise.

17      Le 15 décembre 2020, C et CD ont été arrêtés et placés en détention en Finlande sur la base des mandats d’arrêt européens en cause.

18      Par décisions du 16 avril 2021, le Korkein oikeus (Cour suprême) a ordonné leur remise aux autorités roumaines. Faisant suite à la demande des autorités roumaines, l’Office national de la police judiciaire a fixé une première date de remise au 7 mai 2021. Le transport aérien de C et de CD vers la Roumanie ne pouvait pas être organisé avant cette date en raison de la pandémie de COVID‑19.

19      Le 3 mai 2021, C et CD ont formé un pourvoi devant le Korkein oikeus (Cour suprême). Le 4 mai 2021, cette juridiction a provisoirement interdit l’exécution des décisions de remise. Le 31 mai 2021, ladite juridiction a rejeté les pourvois, ce qui a rendu caduque la décision provisoire interdisant l’exécution de ces décisions de remise.

20      Une deuxième date de remise a été fixée au 11 juin 2021. Cependant, cette remise a été de nouveau reportée en raison de l’absence de liaison aérienne directe vers la Roumanie et de l’impossibilité d’organiser un transport aérien via un autre État membre en respectant le calendrier convenu.

21      C et CD ont présenté plusieurs autres demandes tendant à la suspension de l’exécution des décisions de remise devant le Helsingin käräjäoikeus (tribunal de première instance d’Helsinki) et le Korkein oikeus (Cour suprême). Toutes ces demandes ont été rejetées ou déclarées irrecevables.

22      Une troisième date de remise a été fixée au 17 juin 2021 pour CD et au 22 juin 2021 pour C. Toutefois, il a été de nouveau impossible de procéder à cette remise en raison, cette fois, de l’introduction, par C et CD, de demandes de protection internationale en Finlande. Par décisions du 12 novembre 2021, le Maahanmuuttovirasto (Office national de l’immigration, Finlande) a rejeté ces demandes. C et CD ont saisi le hallinto-oikeus (tribunal administratif) d’un recours contre ces décisions.

23      C et CD ont ensuite introduit une action devant le Helsingin käräjäoikeus (tribunal de première instance d’Helsinki, Finlande) tendant, d’une part, à leur remise en liberté au motif que le délai de remise avait expiré, et, d’autre part, au report de leur remise en raison de leurs demandes de protection internationale. Par décisions des 8 et 29 octobre 2021, le Helsingin käräjäoikeus (tribunal de première instance d’Helsinki) a déclaré ces recours irrecevables.

24      La procédure au principal porte sur les pourvois introduits par C et CD contre ces dernières décisions devant la juridiction de renvoi, le Korkein oikeus (Cour suprême). À l’appui de leurs pourvois, C et CD avancent les mêmes motifs que ceux qui ont été écartés par le Helsingin käräjäoikeus (tribunal de première instance d’Helsinki). Dans son mémoire en réponse, le syyttäjä (ministère public, Finlande) conclut au maintien des requérants au principal en détention et à l’absence de report de l’exécution de leur remise aux autorités roumaines.

25      La juridiction de renvoi, dans une décision de principe rendue le 8 décembre 2021, a jugé que les personnes faisant l’objet d’une décision de remise ont droit à ce que leur demande relative à leur maintien en détention soit examinée par un juge. Pour éviter tout retard, cette juridiction s’est directement saisie de l’affaire au principal.

26      La juridiction de renvoi s’interroge sur l’interprétation de l’article 23, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584, d’un point de vue tant procédural que matériel.

27      En ce qui concerne, en premier lieu, les aspects procéduraux, la juridiction de renvoi s’interroge sur les exigences découlant de cette disposition en ce qui concerne l’appréciation de l’existence d’un cas de force majeure.

28      Selon les explications de la juridiction de renvoi, les règles du droit national confient à l’Office national de la police judiciaire les tâches liées à l’exécution de la remise une fois que la décision de remise prise par le juge est devenue définitive. Dans sa décision, le juge ne donne pas d’injonctions concernant la date de la remise, mais celle-ci est exécutée en respectant les délais qui ont été prévus à cette fin par la loi relative à la remise, conformément à la décision-cadre 2002/584.

29      Toujours selon cette juridiction, l’Office national de la police judiciaire se charge de la mise en œuvre pratique de la décision de remise, assure la liaison avec les autorités compétentes de l’État membre d’émission et convient d’une nouvelle date de remise lorsque celle-ci n’a pas eu lieu dans le délai de dix jours, comme cela a été le cas dans l’affaire au principal.

30      Selon la jurisprudence de la juridiction de renvoi, la personne détenue peut, à tout moment, saisir le juge compétent pour que celui-ci examine si son maintien en détention est encore justifié. Il incombe alors au juge d’apprécier, entre autres, si l’absence de remise est due à un cas de force majeure, au sens de l’article 23, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584. En revanche, l’Office national de la police judiciaire et les autres autorités ne soumettent pas systématiquement la question du maintien en détention à l’appréciation du juge compétent.

31      La juridiction de renvoi s’interroge ainsi sur la compatibilité d’une telle procédure nationale avec l’article 23, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584 ainsi que sur les conséquences d’une éventuelle incompatibilité.

32      En ce qui concerne, en second lieu, les aspects matériels de l’article 23, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584, la juridiction de renvoi se demande si la notion de force majeure s’étend aux obstacles juridiques qui trouvent leur fondement dans la législation nationale d’un État membre et ont pour effet d’empêcher la remise dans le délai initialement prévu.

33      Cette juridiction relève que, dans l’arrêt du 25 janvier 2017, Vilkas (C‑640/15, EU:C:2017:39), la Cour a jugé que la notion de force majeure peut s’appliquer à une situation dans laquelle la personne détenue oppose une résistance physique rendant impossible sa remise, à condition que, en raison de circonstances exceptionnelles, cette résistance n’a pu être prévue par l’autorité judiciaire d’exécution et l’autorité judiciaire d’émission et que les conséquences de celle-ci sur la remise n’ont pu être évitées, malgré toutes les diligences déployées par ces autorités.

34      Or, dans l’affaire au principal, si la pandémie de COVID‑19 a compliqué la mise en œuvre pratique de la remise et le respect des délais, les principaux obstacles à cette remise ont été l’interdiction d’exécution prononcée par la juridiction de renvoi durant l’examen de pourvois introduits par C et CD ainsi que les demandes d’asile également présentées par ces derniers. À ce dernier égard, la juridiction de renvoi précise que, en vertu de la législation nationale, un demandeur d’asile a le droit de rester sur le territoire finlandais pendant l’examen de sa demande ou jusqu’à ce qu’il fasse l’objet d’une décision d’éloignement.

35      Dans ces conditions, le Korkein oikeus (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 23, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584, lu en combinaison avec l’article 23, paragraphe 5, de celle-ci, exige-t-il que, si une personne détenue n’a pas été remise dans les délais, l’autorité judiciaire d’exécution visée à l’article 6, paragraphe 2, de cette décision-cadre décide d’une nouvelle date de remise et vérifie l’existence d’un cas de force majeure et le respect des conditions requises pour la détention, ou bien une procédure dans le cadre de laquelle le juge n’examine ces éléments qu’à la demande des parties est-elle également compatible avec ladite décision-cadre ? Si l’on considère que la prolongation du délai requiert l’intervention de l’autorité judiciaire, l’absence d’une telle intervention implique-t-elle nécessairement que les délais prévus dans la même décision-cadre ont expiré, auquel cas la personne détenue doit être remise en liberté en application de l’article 23, paragraphe 5, de la décision-cadre 2002/584 ?

2)      Faut-il interpréter l’article 23, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584 en ce sens que la notion de force majeure inclut également des obstacles juridiques à la remise fondés sur la législation nationale de l’État membre d’exécution, tels qu’une interdiction d’exécution prononcée pour la durée de la procédure juridictionnelle, ou le droit du demandeur d’asile de demeurer dans l’État d’exécution jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa demande d’asile ? »

 Sur la demande d’application de la procédure préjudicielle d’urgence

36      La juridiction de renvoi a demandé que le présent renvoi préjudiciel soit soumis à la procédure préjudicielle d’urgence prévue à l’article 23 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 107 du règlement de procédure de la Cour.

37      En l’occurrence, il y a lieu de constater que les conditions prévues pour l’application de cette procédure sont satisfaites.

38      D’une part, la demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la décision-cadre 2002/584, laquelle relève des domaines visés au titre V de la troisième partie du traité FUE, relatif à l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Partant, cette demande est susceptible de faire l’objet de la procédure préjudicielle d’urgence, conformément à l’article 23 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 107, paragraphe 1, du règlement de procédure.

39      D’autre part, s’agissant du critère relatif à l’urgence, il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que ce critère est satisfait lorsque la personne concernée dans l’affaire au principal est, à la date d’introduction de la demande de décision préjudicielle, privée de liberté et que son maintien en détention dépend de la solution du litige au principal (voir, notamment, arrêts du 16 juillet 2015, Lanigan, C‑237/15 PPU, EU:C:2015:474, point 24, ainsi que du 16 novembre 2021, Governor of Cloverhill Prison e.a., C‑479/21 PPU, EU:C:2021:929, point 34 et jurisprudence citée).

40      À cet égard, il ressort de la demande de décision préjudicielle que C et CD étaient effectivement privés de liberté à la date d’introduction de cette demande.

41      En outre, les questions préjudicielles portent sur l’interprétation de l’article 23 de la décision-cadre 2002/584, dont le paragraphe 5 prévoit, en cas d’expiration des délais visés aux paragraphes 2 à 4 de cet article, la remise en liberté de la personne recherchée. Ainsi, en fonction de la réponse apportée par la Cour aux questions posées, la juridiction de renvoi pourrait être amenée à ordonner la remise en liberté de C et de CD.

42      Dans ces conditions, la deuxième chambre de la Cour a décidé, le 17 janvier 2022, sur proposition de la juge rapporteure, l’avocate générale entendue, de faire droit à la demande de la juridiction de renvoi visant à soumettre le présent renvoi préjudiciel à la procédure préjudicielle d’urgence.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la seconde question

43      Par sa seconde question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 23, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que la notion de force majeure s’étend aux obstacles juridiques à la remise, résultant d’actions légales introduites par la personne faisant l’objet du mandat d’arrêt européen et fondées sur le droit de l’État membre d’exécution, lorsque la décision finale sur la remise a été adoptée par l’autorité judiciaire d’exécution conformément à l’article 15, paragraphe 1, de cette décision-cadre.

44      Il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour, établie dans différents domaines du droit de l’Union, que la notion de force majeure doit être entendue dans le sens de circonstances étrangères à celui qui l’invoque, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées (arrêt du 25 janvier 2017, Vilkas, C‑640/15, EU:C:2017:39, point 53 et jurisprudence citée).

45      En outre, la notion de force majeure, au sens de l’article 23, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584, doit être interprétée de manière stricte, étant donné que cette disposition constitue une dérogation à la règle établie à l’article 23, paragraphe 2, de cette décision-cadre (voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2017, Vilkas, C‑640/15, EU:C:2017:39, point 56).

46      En ce qui concerne des obstacles juridiques à la remise résultant d’actions légales introduites par la personne faisant l’objet du mandat d’arrêt européen, il convient, certes, de relever que de tels obstacles sont étrangers au comportement des autorités de l’État membre d’exécution et que leurs conséquences, à savoir l’impossibilité de remettre cette personne dans le délai prévu, n’auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées.

47      Cependant, et comme l’ont observé à juste titre C et CD, le gouvernement roumain ainsi que la Commission européenne, l’introduction d’actions légales par la personne faisant l’objet du mandat d’arrêt européen, dans le cadre de procédures prévues par le droit national de l’État membre d’exécution, en vue de contester sa remise aux autorités de l’État membre d’émission ou ayant pour effet de retarder cette remise, ne saurait être considérée comme une circonstance imprévisible.

48      Par conséquent, de tels obstacles juridiques à la remise, résultant d’actions légales introduites par cette personne, ne sauraient être constitutifs d’un cas de force majeure au sens de l’article 23, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584.

49      Il résulte de ce qui précède que les délais de remise prévus à l’article 23 de cette décision-cadre ne peuvent pas être considérés comme suspendus en raison de procédures pendantes dans l’État membre d’exécution, introduites par la personne faisant l’objet du mandat d’arrêt européen, lorsque la décision finale sur la remise a été adoptée par l’autorité judiciaire d’exécution conformément à l’article 15, paragraphe 1, de ladite décision-cadre. Partant, les autorités de l’État membre d’exécution restent en principe tenues de remettre cette personne aux autorités de l’État membre d’émission dans lesdits délais.

50      À cette dernière étape de la procédure de remise, régie par l’article 23 de cette même décision-cadre, tous les éléments juridiques ont, en principe, été examinés par l’autorité judiciaire d’exécution qui a déjà, par hypothèse, rendu une décision finale sur la remise.

51      Cette interprétation est également dictée par l’objectif d’accélération et de simplification de la coopération judiciaire entre les États membres que poursuit la décision-cadre 2002/584. Cette décision-cadre tend, en effet, par l’instauration d’un nouveau système simplifié et plus efficace de remise des personnes condamnées ou soupçonnées d’avoir enfreint la loi pénale, à faciliter et à accélérer la coopération judiciaire en vue de contribuer à réaliser l’objectif assigné à l’Union européenne de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice, en se fondant sur le degré de confiance élevé qui doit exister entre les États membres [voir, notamment, arrêts du 29 janvier 2013, Radu, C‑396/11, EU:C:2013:39, point 34, ainsi que du 17 mars 2021, JR (Mandat d’arrêt – Condamnation dans un État tiers, membre de l’EEE), C‑488/19, EU:C:2021:206, point 71].

52      En l’occurrence, il ne ressort d’aucun élément du dossier soumis à la Cour que les actions légales introduites par C et CD auraient porté, même indirectement, sur une atteinte à un droit fondamental qui n’aurait pas pu être invoquée par ces personnes devant l’autorité judiciaire d’exécution au cours de la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision finale sur la remise conformément à l’article 15, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584.

53      En ce qui concerne, plus spécifiquement, les demandes de protection internationale introduites en Finlande par C et CD, il ressort des observations soumises par ces derniers que ces demandes étaient fondées en grande partie sur des arguments relatifs aux conditions de détention dans l’État membre d’émission, à savoir la Roumanie, et tirés de la jurisprudence pertinente de la Cour en la matière, notamment des arrêts du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198), du 25 juillet 2018, Generalstaatsanwaltschaft (Conditions de détention en Hongrie) (C‑220/18 PPU, EU:C:2018:589), ainsi que du 15 octobre 2019, Dorobantu (C‑128/18, EU:C:2019:857). Or, il apparaît du dossier dont dispose la Cour que ces arguments ont été invoqués par C et CD devant l’autorité judiciaire d’exécution au cours de la procédure ayant abouti à l’adoption des décisions finales sur la remise.

54      Au surplus, et comme l’a indiqué la Commission, l’article unique du protocole (no 24) sur le droit d’asile pour les ressortissants des États membres de l’Union européenne, annexé au traité FUE, indique que, vu le niveau de protection des droits fondamentaux et des libertés fondamentales dans les États membres de l’Union, ceux-ci sont considérés comme constituant des pays d’origine sûrs les uns vis-à-vis des autres pour toutes les questions juridiques et pratiques liées aux affaires d’asile.

55      Cet article ajoute que, en conséquence, toute demande d’asile présentée par un ressortissant d’un État membre ne peut être prise en considération ou déclarée admissible pour instruction par un autre État membre que dans quatre cas de figure, énumérés de manière exhaustive.

56      Or, il ne ressort d’aucun élément du dossier soumis à la Cour que la situation de C et de CD relèverait de l’un de ces quatre cas de figure envisagés à l’article unique dudit protocole, au sujet duquel la Cour n’a, par ailleurs, pas été interrogée par la juridiction de renvoi.

57      Enfin, il convient encore de rappeler qu’une demande de protection internationale ne constitue pas l’un des motifs de non‑exécution du mandat d’arrêt européen énumérés aux articles 3 et 4 de la décision-cadre 2002/584 (voir, en ce sens, arrêt du 21 octobre 2010, B., C‑306/09, EU:C:2010:626, points 43 à 46).

58      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 23, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que la notion de force majeure ne s’étend pas aux obstacles juridiques à la remise, résultant d’actions légales introduites par la personne faisant l’objet du mandat d’arrêt européen et fondées sur le droit de l’État membre d’exécution, lorsque la décision finale sur la remise a été adoptée par l’autorité judiciaire d’exécution conformément à l’article 15, paragraphe 1, de ladite décision-cadre.

 Sur la première question

59      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, d’une part, si l’article 23, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que l’exigence d’une intervention de l’autorité judiciaire d’exécution, visée à cette disposition, est satisfaite lorsque l’État membre d’exécution confie à un service de police le soin de vérifier l’existence d’un cas de force majeure ainsi que le respect des conditions requises pour le maintien de la détention de la personne faisant l’objet du mandat d’arrêt européen et de décider, le cas échéant, d’une nouvelle date de remise, étant entendu que cette personne a le droit de saisir à tout moment l’autorité judiciaire d’exécution afin que celle-ci se prononce sur les éléments susmentionnés. D’autre part, cette juridiction demande si l’article 23, paragraphe 5, de cette décision-cadre doit être interprété en ce sens que les délais visés aux paragraphes 2 à 4 de cet article 23 doivent être considérés comme ayant expiré, avec pour conséquence que ladite personne doit être remise en liberté, dans l’hypothèse où il y aurait lieu de considérer que l’exigence d’une intervention de l’autorité judiciaire d’exécution, visée à l’article 23, paragraphe 3, de ladite décision-cadre, n’a pas été satisfaite.

60      Dans l’hypothèse d’un cas de force majeure faisant obstacle à la remise dans le délai prévu à l’article 23, paragraphe 2, de la décision-cadre 2002/584, il ressort du libellé de l’article 23, paragraphe 3, de cette décision-cadre qu’il revient aux autorités judiciaires d’exécution et d’émission concernées de prendre immédiatement contact l’une avec l’autre et de convenir d’une nouvelle date de remise.

61      La Cour a déjà précisé que la notion d’« autorité judiciaire d’exécution », au sens de l’article 6, paragraphe 2, de la décision-cadre 2002/584, vise, à l’instar de la notion d’« autorité judiciaire d’émission », au sens de l’article 6, paragraphe 1, de cette décision-cadre, soit un juge ou une juridiction, soit une autorité judiciaire, telle que le parquet d’un État membre, qui participe à l’administration de la justice de cet État membre et qui jouit de l’indépendance requise par rapport au pouvoir exécutif [arrêt du 24 novembre 2020, Openbaar Ministerie (Faux en écritures), C‑510/19, EU:C:2020:953, point 54].

62      En revanche, selon une jurisprudence constante de la Cour, les services de police d’un État membre ne sauraient relever de la notion d’« autorité judiciaire », au sens de l’article 6 de la décision-cadre 2002/584 [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2020, Openbaar Ministerie (Faux en écritures), C‑510/19, EU:C:2020:953, point 42 et jurisprudence citée].

63      Il en résulte que l’intervention de l’autorité judiciaire d’exécution requise à l’article 23, paragraphe 3, de cette décision-cadre, afin d’apprécier l’existence d’un cas de force majeure ainsi que, le cas échéant, de fixer une nouvelle date de remise, ne saurait être confiée à un service de police de l’État membre d’exécution, tel que l’Office national de la police judiciaire dans le litige au principal.

64      Certes, l’article 7, paragraphe 1, de ladite décision-cadre autorise les États membres à désigner une ou plusieurs « autorités centrales », pour assister les autorités judiciaires compétentes. En outre, il est constant que les services de police d’un État membre sont susceptibles de relever de la notion d’« autorités centrales », au sens de cet article 7 (voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2016, Poltorak, C‑452/16 PPU, EU:C:2016:858, point 42).

65      Néanmoins, il ressort dudit article 7, lu à la lumière du considérant 9 de la décision-cadre 2002/584, que l’intervention d’une telle autorité centrale doit rester limitée à l’assistance pratique et administrative des autorités judiciaires compétentes. Partant, la possibilité envisagée au même article 7 ne saurait s’étendre jusqu’à permettre aux États membres de substituer cette autorité centrale aux autorités judiciaires compétentes en ce qui concerne l’appréciation de l’existence d’un cas de force majeure, au sens de l’article 23, paragraphe 3, de cette décision-cadre, ainsi que, le cas échéant, la fixation d’une nouvelle date de remise (voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2016, Poltorak, C‑452/16 PPU, EU:C:2016:858, point 42).

66      En effet, et comme l’a souligné Mme l’avocate générale aux points 73 à 76 de ses conclusions, l’appréciation de l’existence d’un cas de force majeure, au sens de cette disposition, ainsi que, le cas échéant, la fixation d’une nouvelle date de remise constituent des décisions sur l’exécution du mandat d’arrêt européen, incombant à l’autorité judiciaire d’exécution en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la décision-cadre 2002/584, lu à la lumière du considérant 8 de celle-ci. À ce titre, et comme en convient également la juridiction de renvoi, de telles décisions excèdent le cadre de la simple « assistance pratique et administrative » pouvant être confiée à des services de police en vertu de l’article 7 de cette décision-cadre, lu à la lumière du considérant 9 de celle-ci.

67      En ce qui concerne les conséquences qu’il y a lieu de tirer de l’absence d’intervention de l’autorité judiciaire d’exécution, il convient de constater, en premier lieu, que les délais prévus à l’article 23, paragraphes 2 à 4, de la décision-cadre 2002/584 doivent effectivement être considérés comme étant expirés dans de telles circonstances.

68      En effet, le constat d’un cas de force majeure par les services de police de l’État membre d’exécution, suivi de la fixation d’une nouvelle date de remise, sans intervention de l’autorité judiciaire d’exécution, ne satisfait pas aux exigences formelles prévues à l’article 23, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584, et ce indépendamment de la réalité matérielle de ce cas de force majeure.

69      En conséquence, en l’absence d’une intervention de l’autorité judiciaire d’exécution, les délais prévus à l’article 23, paragraphes 2 à 4, de cette décision-cadre ne peuvent pas être valablement prolongés en application du paragraphe 3 de cet article. Il en résulte que, dans une situation telle que celle en cause au principal, lesdits délais doivent être considérés comme expirés pour l’application du paragraphe 5 dudit article.

70      En second lieu, il est nécessaire de rappeler les conséquences de l’expiration des délais prévus à l’article 23, paragraphes 2 à 4, de la décision-cadre 2002/584.

71      Certes, il ressort explicitement du libellé de l’article 23, paragraphe 5, de la décision-cadre 2002/584 que la personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen, si elle se trouve toujours en détention, doit, si ces délais sont expirés, être remise en liberté. Aucune exception n’est prévue à cette obligation incombant à l’État membre d’exécution en pareille hypothèse.

72      Cela étant, le législateur de l’Union n’a conféré aucun autre effet à l’expiration de ces délais et n’a pas, en particulier, prévu que celle-ci privait les autorités concernées de la possibilité de convenir d’une date de remise en application de l’article 23, paragraphe 1, de cette décision-cadre ou qu’elle libérait l’État membre d’exécution de l’obligation de donner suite à un mandat d’arrêt européen (arrêt du 25 janvier 2017, Vilkas, C‑640/15, EU:C:2017:39, point 70).

73      En outre, une interprétation de l’article 15, paragraphe 1, et de l’article 23 de la décision-cadre 2002/584 selon laquelle l’autorité judiciaire d’exécution ne devrait plus procéder à la remise de la personne faisant l’objet du mandat d’arrêt européen ni convenir, à cette fin, d’une nouvelle date de remise avec l’autorité judiciaire d’émission après l’expiration des délais visés à l’article 23 de cette décision-cadre serait de nature à porter atteinte à l’objectif d’accélération et de simplification de la coopération judiciaire poursuivi par ladite décision-cadre, cette interprétation étant notamment susceptible de contraindre l’État membre d’émission à émettre un second mandat d’arrêt européen en vue de permettre la tenue d’une nouvelle procédure de remise (arrêt du 25 janvier 2017, Vilkas, C‑640/15, EU:C:2017:39, point 71).

74      Il résulte de ce qui précède que la seule expiration des délais fixés à l’article 23 de la décision-cadre 2002/584 ne saurait avoir pour effet de permettre à l’État membre d’exécution de se soustraire à son obligation de poursuivre la procédure d’exécution d’un mandat d’arrêt européen et de procéder à la remise de la personne recherchée, les autorités concernées devant convenir, à cette fin, d’une nouvelle date de remise (arrêt du 25 janvier 2017, Vilkas, C‑640/15, EU:C:2017:39, point 72).

75      En outre, et comme l’a souligné Mme l’avocate générale au point 46 de ses conclusions, eu égard à l’obligation qui incombe à l’État membre d’exécution de poursuivre la procédure d’exécution d’un mandat d’arrêt européen, l’autorité compétente de cet État membre est tenue, en cas de remise en liberté de la personne faisant l’objet de ce mandat en application de l’article 23, paragraphe 5, de la décision-cadre 2002/584, de prendre toute mesure qu’elle estimera nécessaire en vue d’éviter la fuite de cette personne, à l’exception de mesures privatives de liberté.

76      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question, d’une part, que l’article 23, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que l’exigence d’une intervention de l’autorité judiciaire d’exécution, visée à cette disposition, n’est pas satisfaite lorsque l’État membre d’exécution confie à un service de police le soin de vérifier l’existence d’un cas de force majeure ainsi que le respect des conditions requises pour le maintien de la détention de la personne faisant l’objet du mandat d’arrêt européen et de décider, le cas échéant, d’une nouvelle date de remise, et ce même si cette personne a le droit de saisir à tout moment l’autorité judiciaire d’exécution afin que celle-ci se prononce sur les éléments susmentionnés. D’autre part, l’article 23, paragraphe 5, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que les délais visés aux paragraphes 2 à 4 de cet article 23 doivent être considérés comme ayant expiré, avec pour conséquence que ladite personne doit être remise en liberté, lorsque l’exigence d’une intervention de l’autorité judiciaire d’exécution, visée à l’article 23, paragraphe 3, de ladite décision-cadre, n’a pas été satisfaite.

 Sur les dépens

77      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 23, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009, doit être interprété en ce sens que la notion de force majeure ne s’étend pas aux obstacles juridiques à la remise, résultant d’actions légales introduites par la personne faisant l’objet du mandat d’arrêt européen et fondées sur le droit de l’État membre d’exécution, lorsque la décision finale sur la remise a été adoptée par l’autorité judiciaire d’exécution conformément à l’article 15, paragraphe 1, de ladite décision-cadre.

2)      L’article 23, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299, doit être interprété en ce sens que l’exigence d’une intervention de l’autorité judiciaire d’exécution, visée à cette disposition, n’est pas satisfaite lorsque l’État membre d’exécution confie à un service de police le soin de vérifier l’existence d’un cas de force majeure ainsi que le respect des conditions requises pour le maintien de la détention de la personne faisant l’objet du mandat d’arrêt européen et de décider, le cas échéant, d’une nouvelle date de remise, et ce même si cette personne a le droit de saisir à tout moment l’autorité judiciaire d’exécution afin que celle-ci se prononce sur les éléments susmentionnés.

L’article 23, paragraphe 5, de la décision-cadre 2002/584, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299, doit être interprété en ce sens que les délais visés aux paragraphes 2 à 4 de cet article 23 doivent être considérés comme ayant expiré, avec pour conséquence que ladite personne doit être remise en liberté, lorsque l’exigence d’une intervention de l’autorité judiciaire d’exécution, visée à l’article 23, paragraphe 3, de ladite décision-cadre, n’a pas été satisfaite.

Signatures


*      Langue de procédure : le finnois.