Language of document : ECLI:EU:T:2019:823

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

28 novembre 2019 (*)

« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Décision du CRU sur les contributions ex ante pour 2016 – Recours en annulation – Affectation directe et individuelle – Recevabilité – Formes substantielles – Authentification de la décision – Procédure d’adoption de la décision – Obligation de motivation – Limitation des effets de l’arrêt dans le temps »

Dans les affaires jointes T‑377/16, T‑645/16 et T‑809/16,

Hypo Vorarlberg Bank AG, anciennement Vorarlberger Landes- und Hypothekenbank AG, établie à Bregenz (Autriche), représentée par Mes G. Eisenberger et A. Brenneis, avocats,

partie requérante,

soutenue par

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent,

partie intervenante dans l’affaire T‑645/16,

contre

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par Mes B. Meyring, S. Schelo, T. Klupsch et S. Ianc, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, premièrement, de la décision du CRU dans sa session exécutive du 15 avril 2016 sur les contributions ex ante pour 2016 au Fonds de résolution unique (SRB/ES/SRF/2016/06) et, deuxièmement, de la décision du CRU dans sa session exécutive du 20 mai 2016 sur l’ajustement des contributions ex ante pour 2016 au Fonds de résolution unique, complétant la décision du CRU dans sa session exécutive du 15 avril 2016 sur les contributions ex ante pour 2016 au Fonds de résolution unique (SRB/ES/SRF/2016/13), en ce qu’elles concernent la requérante,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva, MM. R. Barents, J. Passer (rapporteur) et G. De Baere, juges,

greffier : Mme N. Schall, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 13 février 2019,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Les présentes affaires s’inscrivent dans le cadre du second pilier de l’union bancaire, relatif au mécanisme de résolution unique (MRU), érigé par le règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1). L’instauration du MRU a pour but de renforcer l’intégration du cadre de résolution dans les États membres de la zone euro et les États membres qui ne font pas partie de la zone euro et qui choisissent de participer au mécanisme de surveillance unique (MSU) (ci-après les « États membres participants »).

2        Plus spécifiquement, ces affaires concernent le Fonds de résolution unique (FRU) instauré par l’article 67, paragraphe 1, du règlement no 806/2014. Le FRU est financé par les contributions des établissements perçues au niveau national sous la forme, notamment, de contributions ex ante, en exécution de l’article 67, paragraphe 4, du même règlement. Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, point 13 dudit règlement, la notion d’établissement vise un établissement de crédit ou une entreprise d’investissement couverte par la surveillance sur base consolidée conformément à l’article 2, sous c), du même règlement. Les contributions sont transférées au niveau de l’Union européenne conformément à l’accord intergouvernemental concernant le transfert et la mutualisation des contributions au FRU, signé à Bruxelles le 21 mai 2014 (ci-après l’« accord AIG »).

3        L’article 70 du règlement no 806/2014, intitulé « Contributions ex ante », dispose :

« 1. La contribution individuelle de chaque établissement est perçue au moins chaque année et est calculée proportionnellement au montant de son passif (hors fonds propres) moins les dépôts couverts, rapporté au passif cumulé (hors fonds propres) moins les dépôts couverts, de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.

2. Chaque année, le CRU, après consultation de la BCE ou de l’autorité compétente nationale et en étroite coopération avec les autorités de résolution nationales, calcule les contributions individuelles pour faire en sorte que les contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible.

Chaque année, le calcul de la contribution de chaque établissement s’appuie sur :

a)       une contribution forfaitaire, qui est proportionnelle au montant du passif de l’établissement, hors fonds propres et dépôts couverts, rapporté au total du passif, hors fonds propres et dépôts couverts, de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire des États membres participants ; et

b)       une contribution en fonction du profil de risque, fondée sur les critères fixés à l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59/UE, tenant compte du principe de proportionnalité, sans créer de distorsions entre les structures du secteur bancaire des États membres.

Le rapport entre la contribution forfaitaire et la contribution en fonction du profil de risque est défini avec le souci d’une répartition équilibrée des contributions entre les différents types de banques.

En tout état de cause, le cumul des contributions de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants, calculées en vertu des points a) et b), ne dépasse pas annuellement 12,5 % du niveau cible.

[…]

6. Les actes délégués précisant la notion d’adaptation des contributions en fonction du profil de risque des établissements, adoptés par la Commission au titre de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59/UE, s’appliquent.

7. Le Conseil, statuant sur proposition de la Commission, adopte, dans le cadre des actes délégués visés au paragraphe 6, des actes d’exécution pour définir les conditions de la mise en œuvre des paragraphes 1, 2 et 3, notamment en ce qui concerne :

a)      l’application de la méthode de calcul des contributions individuelles ;

b)       les modalités pratiques de l’attribution aux établissements des facteurs de risque prévus dans les actes délégués. »

4        Le règlement no 806/2014 a été complété, en ce qui concerne lesdites contributions ex ante, par le règlement d’exécution (UE) 2015/81 du Conseil, du 19 décembre 2014, définissant des conditions uniformes d’application du règlement no 806/2014 en ce qui concerne les contributions ex ante au FRU (JO 2015, L 15, p. 1).

5        Par ailleurs, le règlement no 806/2014 et le règlement d’exécution 2015/81 procèdent par renvoi à certaines dispositions contenues dans deux autres actes :

–        d’une part, la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190) ;

–        d’autre part, le règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44).

6        Le Conseil de résolution unique (CRU) a été institué en tant qu’agence de l’Union (article 42 du règlement no 806/2014). Il comporte notamment une session plénière et une session exécutive (article 43, paragraphe 5, du règlement no 806/2014). Le CRU en session exécutive prend toutes les décisions pour mettre en œuvre le règlement no 806/2014, sauf disposition contraire dudit règlement [article 54, paragraphe 1, sous b), du règlement no 806/2014].

7        Par décision du 29 avril 2015 (SRB/PS/2015/8), le CRU en session plénière a adopté les règles de procédure du CRU en session exécutive (ci‑après les « RPSE »).

8        L’article 9, paragraphes 1 à 3, des RPSE dispose :

« 1. Les décisions peuvent aussi être prises par procédure écrite, sauf si au moins deux membres de la session exécutive mentionnés à l’article 3, paragraphe 1, participant à la procédure écrite, s’y opposent dans les premières 48 heures suivant l’engagement de cette procédure écrite. Dans ce cas, le sujet sera inscrit à l’ordre du jour de la prochaine session exécutive.

2. La procédure écrite requiert normalement pas moins de cinq jours ouvrables pour examen par chaque membre de la session exécutive. Si une action urgente est requise, le Président peut fixer une période plus courte pour l’adoption d’une décision par consensus. La raison du raccourcissement de la période sera donnée. 

3. Si le consensus n’est pas susceptible d’être atteint par le biais d’une procédure écrite, le Président peut initier une procédure de vote normale conformément à l’article 8. »

 Antécédents du litige

9        La requérante, Hypo Vorarlberg Bank AG, anciennement Vorarlberger Landes-und Hypothekenbank AG, est un établissement de crédit établi dans un État membre participant.

10      Par décision du 15 avril 2016 sur les contributions ex ante pour 2016 au FRU (SRB/ES/SRF/2016/06) (ci-après la « première décision attaquée »), le CRU, dans sa session exécutive, a décidé, en vertu de l’article 54, paragraphe 1, sous b), et de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, du montant de la contribution ex ante de chaque établissement, dont la requérante, pour l’année 2016. L’annexe de cette décision comporte, dans un tableau, les montants des contributions ex ante pour 2016 de tous les établissements, ainsi qu’un certain nombre d’autres rubriques, intitulées notamment « Method (EA) » [méthode (zone euro)] et « Risk adjustment factor in the EA environment » (facteur d’ajustement en fonction du profil de risque dans le contexte de la zone euro).

11      Le même jour, le CRU a fourni aux autorités de résolution nationales (ci-après les « ARN ») une copie du fichier de données concernant les établissements situés sur les territoires respectifs relevant de leur compétence.

12      Par avis de perception du 26 avril 2016, la Finanzmarktaufsichtsbehörde (autorité de surveillance des marchés financiers, Autriche), en sa qualité d’autorité de résolution nationale autrichienne (ci-après l’« ARN autrichienne ») au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 3, du règlement no 806/2014, a enjoint à la requérante d’acquitter, sur un de ses comptes bancaires et pour le 20 mai 2016, un montant déterminé, au titre des contributions ex ante.

13      Le 11 mai 2016, la requérante a invité l’ARN autrichienne à lui communiquer l’ensemble des calculs, des décisions et des autres documents du CRU qui la concernent.

14      Par virement sur le compte de l’ARN autrichienne du 19 mai 2016, la requérante a versé sa contribution ex ante pour l’année 2016.

15      Par décision du 20 mai 2016 sur l’ajustement des contributions ex ante pour 2016 au FRU, complétant la première décision attaquée (SRB/ES/SRF/2016/13) (ci-après la « seconde décision attaquée »), le CRU a diminué la contribution de la requérante.

16      L’annexe de cette décision indique, pour chaque établissement, les montants initiaux des contributions ex ante pour 2016, les montants des contributions ex ante pour 2016 « after IPS impact » [après l’impact de l’indicateur concernant l’appartenance à un système de protection institutionnel (ci-après le « SPI »)] et la différence entre ces montants ainsi que, notamment, la méthode (zone euro) et le facteur d’ajustement en fonction du profil de risque dans le contexte de la zone euro.

17      Le 22 mai 2016, le CRU a fourni aux ARN une copie du fichier de données concernant les établissements situés sur les territoires respectifs relevant de leur compétence. En outre, la seconde décision attaquée a été communiquée en tant qu’annexe à une lettre sur l’ajustement des contributions ex ante pour 2016 signée par le vice-président du CRU et envoyée à toutes les ARN, ainsi qu’un modèle de lettre sur l’ajustement des contributions ex ante pour 2016 afin d’assurer une communication cohérente auprès de tous les établissements, tout en laissant aux ARN la liberté de communiquer ladite lettre ou pas.

18      Le 23 mai 2016, l’ARN autrichienne a envoyé à la requérante un second avis de perception, intitulé « Information zum Beitrag zum Abwicklungsfonds 2016 » (information sur la contribution au FRU 2016) par lequel elle lui a notifié l’ajustement de ses contributions ex ante pour 2016 et qui est accompagné d’une lettre du CRU du 23 mai 2016. Selon cet avis, la contribution pour 2016 aurait fait l’objet d’un calcul erroné et la requérante aurait versé une contribution trop élevée. Par ailleurs, il était précisé que ce montant ne serait remboursé qu’en 2017. La seconde décision attaquée n’était pas jointe à cet avis.

19      À cet égard, dans le calcul initial des contributions ex ante pour 2016 (tel qu’il a été approuvé par le CRU dans la première décision attaquée), un indicateur concernant l’appartenance à un SPI, tel que visé à l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement délégué 2015/63, a été calculé de manière erronée en ce qui concerne l’ajustement du profil de risque prévu à l’article 6 du règlement délégué 2015/63. Cette erreur de calcul a été rectifiée par le CRU dans la seconde décision attaquée. Bien que la requérante ne soit pas membre d’un SPI, la méthode utilisée pour le calcul des contributions ex ante a également nécessité un nouveau calcul pour tous les autres établissements qui payent une contribution basée sur un profil de risque (tels que la requérante). Le calcul réajusté a résulté, en ce qui concerne la requérante, en une obligation de paiement de sa contribution ex ante pour 2016 légèrement inférieure. Dans la mesure où la requérante avait déjà payé sa contribution ex ante pour 2016 sur la base du calcul initial, celle-ci avait droit à un remboursement.

20      En ce qui concerne les contributions ex ante pour 2016, celles-ci devaient être transférées par les États membres participants au FRU pour le 30 juin 2016 au plus tard (voir article 3, paragraphe 2, de l’accord AIG).

21      Le 14 juin 2016, la requérante a, à nouveau, demandé à l’ARN autrichienne de lui communiquer certains documents, parmi lesquels les première et seconde décisions attaquées (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées ») mentionnées dans les avis de perception du 26 avril et du 23 mai 2016. Elle a, au surplus, demandé une restitution immédiate du trop-payé.

22      Par lettre du 28 juin 2016, l’ARN autrichienne a communiqué à la requérante la seconde décision attaquée sans son annexe.

23      Le 7 juillet 2016, la requérante a une nouvelle fois demandé à l’ARN autrichienne de lui communiquer les documents sollicités et a également adressé cette demande au CRU.

24      Le 2 août 2016, la requérante a reçu une lettre du CRU confirmant la réception de la demande de transmission de documents et la priant de bien vouloir excuser le retard de sa réponse, en invoquant une nécessaire concertation interservices.

25      Le 20 septembre 2016, le CRU a transmis à la requérante la première décision attaquée sans son annexe.

 Procédure et conclusions des parties

26      Par actes respectivement déposés au greffe du Tribunal le 14 juillet, le 7 septembre et le 18 novembre 2016, la requérante a introduit les recours enregistrés sous les numéros T‑377/16, T‑645/16 et T‑809/16.

27      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 16 septembre 2016, la requérante a introduit une demande en référé visant, d’une part, à ce que la première décision attaquée soit suspendue et, d’autre part, à ce que le CRU lui rembourse provisoirement sa contribution jusqu’à ce qu’il soit statué sur le recours en annulation.

28      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 22 décembre 2016, la République italienne a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante dans l’affaire T‑645/16.

29      La demande en référé a été rejetée par ordonnance du 6 février 2017, Vorarlberger Landes- und Hypothekenbank/CRU (T‑645/16 R, non publiée, EU:T:2017:62), pour défaut d’urgence. Les dépens ont été réservés.

30      Par décision du 9 février 2017, le président de la huitième chambre du Tribunal a fait droit à la demande d’intervention de la République italienne dans l’affaire T‑645/16.

31      Les parties principales s’étant exprimées sur une éventuelle jonction dans les actes de procédure, le président de la huitième chambre a décidé, le 8 novembre 2018, de joindre les trois affaires susmentionnées aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance, en vertu de l’article 68 du règlement de procédure du Tribunal.

32      Par une première mesure d’organisation de la procédure adoptée le 9 octobre 2017 au titre de l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a invité le CRU à produire la copie intégrale de l’original des décisions attaquées, en ce compris leurs annexes.

33      Par acte du 26 octobre 2017, le CRU a indiqué ne pas pouvoir déférer à la mesure d’organisation de la procédure adoptée le 9 octobre 2017, évoquant notamment le caractère confidentiel des données contenues dans les annexes des décisions attaquées.

34      Par ordonnance de mesures d’instruction du 14 décembre 2017 (ci-après la « première ordonnance »), le Tribunal a ordonné au CRU, sur le fondement, d’une part, de l’article 24, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et, d’autre part, de l’article 91, sous b), de l’article 92, paragraphe 3, ainsi que de l’article 103 du règlement de procédure, la production, en versions non confidentielle et confidentielle, de la copie intégrale de l’original des décisions attaquées, en ce compris leurs annexes respectives.

35      Par acte du 15 janvier 2018, le CRU a répondu à la première ordonnance et a produit, en versions non confidentielle et confidentielle, quatre documents, deux documents pour la première décision attaquée et deux documents pour la seconde décision attaquée, correspondant pour chacune, premièrement, s’agissant du texte de la décision attaquée, à un document de deux pages se présentant sous la forme d’une reconnaissance par scanner, au format PDF, d’un document papier signé et, deuxièmement, à un document se présentant sous la forme d’une génération numérique, au format PDF, de données numériques et constituant l’annexe de la décision en cause.

36      Au vu de la réponse du CRU à la première ordonnance, le Tribunal a adopté, le 12 mars 2018, une deuxième mesure d’organisation de la procédure et a invité le CRU, premièrement, à clarifier le format des annexes au moment de l’adoption des décisions attaquées, deuxièmement, dans le cas où ces annexes auraient été présentées sous format numérique, à s’expliquer et à fournir tous les éléments techniques d’authentification nécessaires pour prouver que la génération PDF de données numériques produite devant le Tribunal correspond à ce qui fut concrètement présenté à la signature et adopté par le CRU, dans sa session exécutive, lors de ses réunions des 15 avril et 20 mai 2016, et, troisièmement, à déposer ses observations sur la question de l’existence juridique des décisions attaquées et la question du respect des formes substantielles.

37      Par acte du 27 mars 2018, le CRU a répondu à la deuxième mesure d’organisation de la procédure. S’agissant de la deuxième demande mentionnée au point 36 ci-dessus, le CRU a indiqué ne pas pouvoir y déférer en raison de la confidentialité de certains documents qu’il devrait produire et a sollicité l’adoption d’une mesure d’instruction.

38      Le 2 mai 2018, le Tribunal a adopté une nouvelle ordonnance de mesures d’instruction, ordonnant au CRU de déférer à la deuxième demande figurant dans la mesure d’organisation de la procédure du 12 mars 2018 (ci-après la « seconde ordonnance »).

39      Par lettre du 9 mai 2018, qui a été versée au dossier par décision du 22 mai 2018, la requérante a déposé des preuves nouvelles, à savoir seize décisions intermédiaires du CRU fixant les facteurs pour la méthode de calcul des contributions pour 2016.

40      Par acte du 18 mai 2018, régularisé le 29 juin 2018, le CRU a déféré à la seconde ordonnance et a produit, en versions confidentielle et non confidentielle, un document intitulé « Informations techniques sur l’identification », le texte de quatre courriels du CRU datés des 13 avril 2016 à 17 h 41, 15 avril 2016 à 19 h 04 et à 20 h 06, et 19 mai 2016 à 21 h 25, ainsi qu’une clé USB comportant deux fichiers au format XLSX et deux fichiers au format TXT.

41      Par décision du 12 juillet 2018, à la suite de l’examen prévu à l’article 103, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Tribunal a retiré du dossier les versions confidentielles des documents produits par le CRU en réponse aux première et seconde ordonnances, à l’exception de fichiers au format TXT figurant sur les clés USB produites le 18 mai 2018 par le CRU et ne comportant aucune information confidentielle, lesquels fichiers ont été versés au dossier en format papier.

42      Le 12 juillet 2018, par une troisième mesure d’organisation de la procédure adoptée au titre de l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a invité la requérante et l’intervenante à déposer leurs observations sur les réponses du CRU aux mesures d’organisation de la procédure et d’instruction visées aux points 32, 34, 36 et 38 ci-dessus.

43      Par acte du 30 juillet 2018, la requérante a déposé ses observations. L’intervenante n’a pas déposé d’observations.

44      Sur proposition de la huitième chambre du Tribunal, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer les affaires devant une formation de jugement élargie.

45      Dans le recours enregistré sous le numéro T‑377/16, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        à titre subsidiaire, annuler la seconde décision attaquée, dans la mesure où elle ordonne que le remboursement du montant versé en trop intervienne dans le cadre de la fixation de la contribution au FRU pour 2017 ;

–        condamner le CRU aux dépens.

46      Dans le recours enregistré sous le numéro T‑645/16, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler, à tout le moins en ce qu’elle la concerne, la première décision attaquée ;

–        condamner le CRU aux dépens.

47      Dans le recours enregistré sous le numéro T‑809/16, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées, à tout le moins en ce qu’elles la concernent ;

–        condamner le CRU aux dépens.

48      Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        dans chacun des trois recours enregistrés sous les numéros T‑377/16, T‑645/16 et T‑809/16, déclarer le recours irrecevable ou, alternativement, rejeter le recours comme étant infondé ;

–        dans chacun des trois recours enregistrés sous les numéros T‑377/16, T‑645/16 et T‑809/16, dans l’alternative, si le Tribunal venait à considérer qu’un ou plusieurs moyens de la requérante devaient être accueillis, limiter les effets dans le temps de la déclaration d’invalidité qui ne s’appliqueraient que six mois après que l’arrêt soit devenu définitif en l’espèce ;

–        dans chacun des trois recours enregistrés sous les numéros T‑377/16, T‑645/16 et T‑809/16, en tout état de cause, condamner la requérante à supporter les dépens et les frais juridiques encourus par le CRU ;

–        dans les affaires T‑645/16 et T‑809/16, dans l’éventualité où le Tribunal venait à déclarer recevable toute ou partie des recours en annulation introduits par la requérante dans les affaires T‑377/16, T‑645/16 et T‑809/16, joindre ces affaires conformément à l’article 68 du règlement de procédure.

49      Dans l’affaire T‑645/16, la République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer recevable le recours ;

–        en accueillir le deuxième moyen, sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens.

 En droit

 Sur la recevabilité

50      En premier lieu, le CRU rappelle qu’une requête en annulation est uniquement recevable contre un acte destiné à produire des effets juridiques à l’égard des tiers, ce qui n’est le cas ni de la première ni de la seconde décision attaquée. En effet, l’approbation des montants des contributions ex ante pour 2016 et la transmission ultérieure des résultats aux ARN par le CRU dans sa session exécutive ne créeraient aucune obligation pour les établissements. Une telle obligation ne naîtrait que si, et lorsque, l’ARN compétente adoptait un acte juridique en vertu du droit national.

51      En second lieu, le CRU fait valoir que ses décisions ne sont pas adressées à la requérante (article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014) et que cette dernière n’est pas directement concernée par les décisions attaquées. Le CRU calculerait les contributions ex ante dues par chaque établissement, conformément à la méthode décrite dans le règlement délégué 2015/63 et dans le règlement d’exécution 2015/81, en étroite coopération avec les ARN (article 4 du règlement d’exécution 2015/81 et article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014). Ce calcul du CRU ne créerait pas d’effet direct à l’égard de l’établissement, en ce sens qu’il n’affecterait pas en lui-même le statut juridique des établissements. Bien que le CRU, tout comme les ARN, jouerait un rôle dans le processus de préparation du calcul du montant des contributions, les établissements ne seraient directement affectés que lorsque les ARN collectent les contributions. Seules les ARN, et non le CRU, seraient habilitées à veiller à ce que – et, si nécessaire, à imposer que – les établissements paient correctement leurs contributions conformément au droit national applicable procédural et matériel.

52      En donnant aux ARN la responsabilité de collecter les contributions ex ante, le législateur de l’Union aurait décidé que ces contributions, ainsi calculées par le CRU, seraient collectées par les autorités nationales en vertu des pouvoirs qui leur sont conférés par le droit procédural et matériel national. Cela serait par ailleurs conforme aux motifs qui sous-tendent l’accord AIG. Dès lors, les actes adoptés par les ARN, en vertu de leur droit national, devraient être contestés devant les juridictions nationales et, si, devant une juridiction nationale, des questions relatives à la validité ou à l’interprétation d’actes d’institutions ou d’agences de l’Union se posaient, celle-ci pourrait demander à la Cour de statuer à titre préjudiciel en vertu de l’article 267 TFUE. Le fait que le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral, Autriche), dans son arrêt du 24 août 2016, ait estimé que la Cour était seule compétente pour connaître d’un recours en annulation concernant le calcul et la perception des contributions ex ante  ne serait pas pertinent, parce qu’une telle conclusion d’une juridiction nationale n’aurait aucune importance en l’espèce. En effet, seule la Cour serait habilitée à déterminer sa compétence.

53      En troisième lieu, le CRU soutient qu’il appartient au Tribunal de vérifier ex officio  si le délai prévu à l’article 263, paragraphe 6, TFUE est respecté et de rejeter toute requête si tel n’est pas le cas. Le CRU note que les décisions attaquées n’ont pas été publiées, mais qu’elles ont été notifiées aux ARN, en tant que destinataires, et que la requérante ne fait pas partie desdits destinataires. Elle aurait cependant pris connaissance des décisions attaquées par d’autres moyens. Son recours aurait donc dû être introduit dans les deux mois à compter du jour où celle-ci en a eu une connaissance, à savoir quand elle a eu une connaissance de l’essentiel de leur contenu.

54      Selon le CRU, l’avis de perception que l’ARN autrichienne a envoyé le 26 avril 2016 contenait des informations suffisamment précises pour que la requérante puisse avoir une connaissance nécessaire de la première décision attaquée, de telle sorte que le délai de recours a commencé à courir le 27 avril 2016, jour de la réception dudit avis, et a expiré le 7 juillet 2016. Dès lors, les trois recours auraient été introduits après le délai imparti et seraient tardifs en ce qui concerne la première décision attaquée. Cela affecterait également la recevabilité des recours en ce qui concerne la seconde décision attaquée. En effet, dans la mesure où cette dernière viserait uniquement à réduire le montant de la contribution ex ante pour 2016, la requérante n’aurait pas d’intérêt juridique à la contester séparément. Par ailleurs, dans le cadre du recours enregistré sous le numéro T‑809/16, le CRU précise que l’avis de perception de l’ARN autrichienne du 23 mai 2016 aurait été reçu par la requérante le 27 mai 2016, de telle sorte que ce recours, en particulier, serait également irrecevable en raison du dépassement du délai.

55      En quatrième lieu, en ce qui concerne les recours enregistrés sous les numéros T‑645/16 et T‑809/16, le CRU soutient qu’ils sont irrecevables dans la mesure où ils ont le même objet et concernent les mêmes parties que le recours enregistré sous le numéro T‑377/16.

56      En cinquième lieu, en ce qui concerne le recours enregistré sous le numéro T‑809/16, le CRU considère que l’argument avancé par la requérante, selon lequel l’accès aux décisions du CRU en vertu du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), équivaut à une notification formelle de celles-ci à un destinataire et constitue un nouveau point de départ du délai pour introduire un recours en annulation, est incorrect. En effet, selon le CRU, les destinataires des décisions sont identifiés lorsque celles-ci sont adoptées, et ce sur la base du cadre juridique applicable. Le fait que ces décisions soient ultérieurement communiquées à des tierces parties ne signifierait pas que ces dernières devraient être considérées comme en étant les destinataires. Dès lors, le troisième recours, ayant exactement le même objet, concernant les mêmes parties, les mêmes moyens et les mêmes décisions que les deux premiers recours, devrait être déclaré irrecevable.

57      La requérante conteste ces arguments et considère que les trois recours sont recevables.

58      Selon l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

59      Ainsi, l’article 263, quatrième alinéa, TFUE limite les recours en annulation formés par une personne physique ou morale à trois catégories d’actes, à savoir, premièrement, les actes dont elle est le destinataire, deuxièmement, les actes dont elle n’est pas le destinataire et qui la concernent directement et individuellement et, troisièmement, les actes réglementaires dont elle n’est pas le destinataire, qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution (voir ordonnance du 10 décembre 2013, von Storch e.a./BCE, T‑492/12, non publiée, EU:T:2013:702, point 29 et jurisprudence citée).

60      S’agissant de la condition prévue à l’article 263, premier alinéa, TFUE, il ressort d’une jurisprudence constante que ne constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (voir ordonnance du 21 avril 2016, Borde et Carbonium/Commission, C‑279/15 P, non publiée, EU:C:2016:297, point 37 et jurisprudence citée).

61      Par ailleurs, lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, ne constituent des actes attaquables que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale (voir ordonnance du 9 mars 2016, Port autonome du Centre et de l’Ouest e.a./Commission, T‑438/15, EU:T:2016:142, point 20 et jurisprudence citée).

62      En outre, il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’un recours en annulation est introduit par une partie requérante non privilégiée contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, l’exigence selon laquelle les effets juridiques obligatoires de la mesure attaquée doivent être de nature à affecter les intérêts de cette partie, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci, se chevauche avec les conditions posées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir ordonnance du 6 mars 2014, Northern Ireland Department of Agriculture and Rural Development/Commission, C‑248/12 P, non publiée, EU:C:2014:137, point 33 et jurisprudence citée).

63      À cet égard, il est de jurisprudence constante, d’une part, qu’une personne physique ou morale autre que le destinataire d’une décision ne saurait prétendre être concernée individuellement par celle-ci que si la décision l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire le serait (arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223, et du 2 avril 1998, Greenpeace Council e.a./Commission, C‑321/95 P, EU:C:1998:153, points 7 et 28).

64      D’autre part, il est de jurisprudence constante, que la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la décision faisant l’objet du recours requiert que la mesure contestée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires (voir arrêt du 22 mars 2007, Regione Siciliana/Commission, C‑15/06 P, EU:C:2007:183, point 31 et jurisprudence citée).

65      Or, il ressort de la jurisprudence que même lorsque l’acte contesté, pour produire des effets sur la situation juridique des particuliers, implique nécessairement que des mesures d’exécution soient adoptées, la condition d’affectation directe est néanmoins regardée comme étant remplie si cet acte impose des obligations à son destinataire pour son exécution et si ce destinataire est tenu, de manière automatique, d’adopter des mesures qui modifient la situation juridique du requérant (voir, en ce sens, arrêt du 7 juillet 2015, Federcoopesca e.a./Commission, T‑312/14, EU:T:2015:472, point 38 et jurisprudence citée).

66      En effet, comme l’a rappelé M. l’avocat général Wathelet dans ses conclusions dans l’affaire Stichting Woonpunt e.a./Commission (C‑132/12 P, EU:C:2013:335, point 68 et jurisprudence citée), l’absence de marge de manœuvre des États membres annihile l’absence apparente de lien direct entre un acte de l’Union et le justiciable. En d’autres termes, pour empêcher l’affectation directe, la marge d’appréciation de l’auteur de l’acte intermédiaire visant à mettre en œuvre l’acte de l’Union ne peut être purement formelle. Elle doit être la source de l’affectation juridique du requérant.

67      En l’espèce, en premier lieu, il ressort de la réglementation applicable et, en particulier, de l’article 54, paragraphe 1, sous b), du règlement no 806/2014, ainsi que de l’article 70, paragraphe 2, du même règlement, que tant l’auteur concret du calcul des contributions individuelles que l’auteur de la décision approuvant ces contributions est le CRU. La circonstance qu’il existe une coopération entre le CRU et les ARN ne modifie pas cette constatation (ordonnance du 19 novembre 2018, Iccrea Banca/Commission et CRU, T‑494/17, EU:T:2018:804, point 27).

68      En effet, seul le CRU est doté de la compétence de calculer, « après consultation de la BCE ou de l’autorité compétente nationale et en étroite coopération avec les [ARN] », les contributions ex ante des établissements (article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014). Par ailleurs, les ARN ont une obligation découlant du droit de l’Union de percevoir lesdites contributions telles qu’établies par la décision du CRU (article 67, paragraphe 4, du règlement no 806/2014).

69      Les décisions du CRU établissant, en vertu de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, les contributions ex ante revêtent donc un caractère définitif.

70      Par conséquent, les décisions attaquées ne sauraient être qualifiées de mesures de nature purement préparatoire ou de mesures intermédiaires, dès lors qu’elles fixent définitivement la position du CRU, au terme de la procédure, sur les contributions.

71      En second lieu, il convient de relever que, quelles que soient les variations terminologiques existant entre les versions linguistiques de l’article 5 du règlement d’exécution 2015/81, les organes auxquels le CRU, auteur de la décision fixant les contributions ex ante, adresse celle-ci sont les ARN et non les établissements. Les ARN sont, de fait et en exécution de la réglementation applicable, les seuls organes à qui l’auteur de la décision en cause est tenu d’envoyer celle-ci et, donc, en dernière analyse, les destinataires de cette décision au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (ordonnance du 19 novembre 2018, Iccrea Banca/Commission et CRU, T‑494/17, EU:T:2018:804, point 28).

72      Le constat que les ARN ont la qualité de destinataires de la décision du CRU au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE est d’ailleurs corroboré par le fait qu’elles sont, dans le système mis en place par le règlement no 806/2014 et conformément à l’article 67, paragraphe 4, de ce règlement, chargées de la collecte des contributions individuelles décidées par le CRU auprès des établissements (ordonnance du 19 novembre 2018, Iccrea Banca/Commission et CRU, T‑494/17, EU:T:2018:804, point 29).

73      Si les établissements ne sont donc pas destinataires des décisions attaquées, contrairement à ce que soutient l’intervenante, ils sont toutefois individuellement et directement concernés par ces décisions, dans la mesure où elles les atteignent en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d’une manière analogue à celle du destinataire et où elles produisent directement des effets sur leur situation juridique et ne laissent aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure qui sont chargés de sa mise en œuvre.

74      À cet égard, d’une part, les décisions attaquées mentionnent nommément chacun des établissements et fixent ou, dans le cas de la seconde décision attaquée, ajustent sa contribution individuelle. Il s’ensuit que les établissements, dont fait partie la requérante, sont individuellement concernés par les décisions attaquées.

75      D’autre part, s’agissant de l’affectation directe, il convient de relever que les ARN, chargées de la mise en œuvre des décisions attaquées, ne disposent d’aucune marge d’appréciation concernant les montants des contributions individuelles déterminées dans ces décisions. Les ARN ne peuvent, en particulier, pas modifier ces montants et elles sont tenues de les collecter auprès des établissements concernés.

76      Par ailleurs, s’agissant de la référence opérée par le CRU à l’accord AIG pour contester l’affectation directe de la requérante, il convient de relever que cet accord ne concerne pas la collecte par les ARN des contributions ex ante pour 2016 auprès des établissements, mais seulement le transfert de ces contributions au FRU.

77      En effet, comme cela ressort des dispositions du règlement no 806/2014 (voir considérant 20 et article 67, paragraphe 4, dudit règlement) et de l’accord AIG [voir considérant 7, article 1er, sous a), et article 3 de l’accord AIG], la collecte des contributions est opérée en vertu du droit de l’Union (à savoir la directive 2014/59 et le règlement no 806/2014), tandis que le transfert de ces contributions au FRU est opéré en vertu de l’accord AIG.

78      Ainsi, quand bien même l’obligation juridique des établissements à la libération, sur les comptes indiqués par les ARN, des sommes dues au titre de leurs contributions ex ante, requiert l’adoption d’actes nationaux de la part des ARN, il n’en reste pas moins que ces établissements restent directement concernés par les décisions du CRU ayant fixé le montant de leurs contributions individuelles.

79      Il résulte des considérations qui précèdent que la requérante est individuellement et directement concernée par les décisions attaquées.

80      En ce qui concerne le délai de recours, il convient de rappeler que, selon l’article 263, sixième alinéa, TFUE, les demandes en annulation doivent être formées dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte, de sa notification à la partie requérante ou, à défaut, du jour où celle-ci en a eu connaissance.

81      En l’espèce, les décisions attaquées n’ont pas été publiées et n’ont pas été notifiées à la requérante, qui n’en est pas destinataire.

82      Il est de jurisprudence constante que, à défaut de publication ou de notification, le délai de recours ne court qu’à partir du moment où l’intéressé a une connaissance exacte du contenu et des motifs de l’acte en cause, à condition qu’il demande le texte intégral dans un délai raisonnable. Sous cette réserve, le délai de recours ne saurait courir qu’à partir du moment où le tiers concerné a une connaissance exacte du contenu et des motifs de l’acte en cause de manière à pouvoir exercer utilement son droit de recours (voir ordonnance du 19 novembre 2018, Iccrea Banca/Commission et CRU, T‑494/17, EU:T:2018:804, point 33 et jurisprudence citée).

83      Ainsi, le délai de deux mois prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, qui court, à défaut de publication ou de notification de l’acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, à compter de la date à laquelle la partie requérante en a eu connaissance, est différent du délai raisonnable dont cette partie dispose pour demander la communication du texte intégral de ce même acte afin d’en avoir une connaissance exacte (voir ordonnance du 19 novembre 2018, Iccrea Banca/Commission et CRU, T‑494/17, EU:T:2018:804, point 34 et jurisprudence citée).

84      En l’espèce, il convient de relever que la requérante a reçu, comme tous les établissements concernés par le versement d’une contribution ex ante pour 2016 au FRU, les documents et les questionnaires nécessaires pour fournir les données permettant le calcul des contributions individuelles par le CRU. Ces documents et ces questionnaires informaient la requérante des bases juridiques applicables et du fait que la contribution au FRU était calculée par le CRU.

85      Ensuite, la requérante a eu connaissance de l’existence de la première décision attaquée par l’avis de perception de l’ARN autrichienne du 26 avril 2016, notifié le 27 avril 2016, et de la seconde décision attaquée par l’avis de perception de ladite ARN du 23 mai 2016, reçu le 27 mai 2016.

86      La requérante a introduit le premier recours, enregistré sous le numéro T‑377/16, le 14 juillet 2016, soit plus de deux mois et dix jours après avoir reçu notification, le 27 avril 2016, de l’avis de perception de l’ARN autrichienne du 26 avril 2016. Cette question de l’éventuel dépassement du délai de recours ne se pose, en revanche, pas, pour ce recours, en ce qui concerne la seconde décision attaquée.

87      Il convient de relever toutefois que la requérante avait déposé ce recours à titre conservatoire, dans l’attente de la communication des décisions attaquées, qui devait lui permettre d’avoir une connaissance exacte du contenu de celles-ci.

88      À cet égard, il doit être rappelé que, comme cela a été exposé aux points 13, 21 et 23 ci-dessus, la requérante avait formulé plusieurs demandes, d’abord auprès de l’ARN autrichienne, puis auprès du CRU, pour obtenir les décisions attaquées. Dès lors, il y a lieu de vérifier si ces demandes ont été effectuées dans le délai raisonnable mentionné aux points 82 et 83 ci-dessus à partir de la prise de connaissance de l’existence des décisions attaquées.

89      Le « délai raisonnable » pour demander la communication d’une décision après prise de connaissance de son existence n’est pas un délai préfix qui se déduirait automatiquement de la durée du délai du recours en annulation, mais un délai dépendant des circonstances du cas d’espèce (voir ordonnance du 19 novembre 2018, Iccrea Banca/Commission et CRU, T‑494/17, EU:T:2018:804, point 39 et jurisprudence citée).

90      Par ailleurs, il convient de noter, d’une part, que la Cour a jugé, dans certaines affaires, qu’un délai de deux mois, calculé à compter de la date de la connaissance de l’existence d’une décision pour en demander la communication, dépassait le délai raisonnable (voir, en ce sens, ordonnances du 5 mars 1993, Ferriere Acciaierie Sarde/Commission, C‑102/92, EU:C:1993:86, point 19, et du 10 novembre 2011, Agapiou Joséphidès/Commission et EACEA, C‑626/10 P, non publiée, EU:C:2011:726, points 131 et 132).

91      D’autre part, le Tribunal a estimé, dans d’autres affaires, qu’une demande de communication du texte intégral d’une décision présentée plus de quatre mois après que la partie requérante avait pris connaissance de l’existence de l’acte devait être considérée comme formulée hors de tout délai raisonnable (voir, en ce sens, ordonnances du 15 juillet 1998, LPN et GEOTA/Commission, T‑155/95, EU:T:1998:167, point 44, et du 18 mai 2010, Abertis Infraestructuras/Commission, T‑200/09, non publiée, EU:T:2010:200, point 63).

92      Eu égard aux circonstances du cas d’espèce, il n’y a pas lieu de retenir une appréciation différente de celle dégagée par la Cour et le Tribunal.

93      En l’espèce, les demandes de communication des décisions attaquées auprès de l’ARN autrichienne, à maintes reprises, et du CRU, le 7 juillet 2016, telles qu’elles sont décrites aux points 13, 21 et 23 ci-dessus, ont été émises dans un délai raisonnable.

94      Certes, le 28 juin 2016, l’ARN autrichienne a transmis à la requérante la seconde décision attaquée sans son annexe et, le 20 septembre 2016, le CRU a communiqué la première décision attaquée, sans son annexe, à la requérante. Cette dernière n’a donc pas pu prendre connaissance des annexes des décisions attaquées dans leurs parties la visant à ces dates. Ce n’est qu’à la suite des deux ordonnances d’instruction adoptées par le Tribunal et mentionnées aux points 34 et 38 ci-dessus que la requérante a eu accès aux annexes des décisions attaquées dans leurs parties la visant.

95      Étant donné que, d’une part, les demandes de communication des décisions attaquées ont été émises dans un délai raisonnable et, d’autre part, les trois recours enregistrés sous les numéros T‑377/16, T‑645/16 et T‑809/16 ont été introduits avant que la requérante ait eu accès aux décisions attaquées, en ce compris leurs annexes dans les parties la visant, il y a lieu de conclure que les trois recours n’ont pas été présentés tardivement.

96      Cependant, en ce qui concerne l’argument de la litispendance invoqué, en substance, par le CRU (T‑645/16, DEF 22 et T‑809/16, DEF 10) pour soutenir que les recours enregistrés sous les numéros T‑645/16 et T‑809/16 doivent être déclarés irrecevables, dans la mesure où ils ont le même objet et concernent les mêmes parties que celui enregistré sous le numéro T‑377/16, il convient de rappeler la jurisprudence constante de la Cour, selon laquelle un recours introduit postérieurement à un autre, qui oppose les mêmes parties, est fondé sur les mêmes moyens et tend à l’annulation du même acte juridique, doit être rejeté comme irrecevable pour cause de litispendance (arrêt du 24 novembre 2005, Italie/Commission, C‑138/03, C‑324/03 et C‑431/03, EU:C:2005:714, point 64 ; voir également, en ce sens, arrêt du 22 septembre 1988, France/Parlement, 358/85 et 51/86, EU:C:1988:431, point 12).

97      Les deux recours enregistrés sous les numéros T‑377/16 et T‑645/16 ont été introduits avant la communication des décisions attaquées à titre conservatoire, dans l’éventualité où le délai fixé à l’article 263, sixième alinéa, TFUE pour l’introduction d’un recours en annulation pouvait déjà avoir commencé à courir dès la réception de l’avis de perception relatif à la première décision attaquée.

98      En ce qui concerne le troisième recours, enregistré sous le numéro T‑809/16, dans la mesure où, selon la requérante, le CRU lui a conféré un accès aux décisions attaquées le 20 septembre 2016, elle considère que cela constitue un point de départ pour introduire un recours en annulation et que celui-ci n’est, dès lors, pas tardif. Eu égard à cette interprétation, la requérante concède que les recours en annulation introduits préventivement pourraient éventuellement l’avoir été trop tôt. Cependant, elle soutient que, comme le libellé des décisions attaquées ne fut porté à sa connaissance que le 20 septembre 2016, il s’est avéré depuis que les décisions attaquées pourraient présenter entre elles un rapport indissociable, qui n’était pas susceptible d’être connu, selon la requérante, lors du dépôt des deux premiers recours en annulation. Pour garantir ses possibilités de protection juridictionnelle, la requérante aurait dès lors formé un troisième recours contre les décisions attaquées.

99      Selon elle, le recours dans l’affaire T‑809/16 n’est pas identique aux recours dans les affaires T‑377/16 et T‑645/16, tant en raison de l’objet autonome sur lequel il porte que du fait des modifications de la situation, en raison de la communication des deux décisions attaquées sans leurs annexes le 20 septembre 2016.

100    En l’espèce, les trois recours opposent les mêmes parties, à l’exception de l’affaire T‑645/16, qui comporte une partie intervenante. Cependant, la condition d’irrecevabilité pour cause de litispendance relative à l’identité des parties concerne les parties principales et non les parties intervenantes, de telle sorte que cette condition est remplie.

101    En outre, les trois recours tendent à l’annulation des mêmes actes juridiques, à l’exception de l’affaire T‑645/16 qui ne vise à l’annulation que de la première décision attaquée. Étant donné que l’objet de l’affaire T‑645/16 est inclus dans l’objet des deux autres affaires, T‑377/16 et T‑809/16, qui visent l’annulation des deux décisions attaquées, la condition d’irrecevabilité pour cause de litispendance relative à l’identité des actes contestés est également remplie en l’espèce.

102    Enfin, en ce qui concerne la condition d’irrecevabilité pour cause de litispendance relative à l’identité de moyens, il convient de constater que les recours dans les affaires T‑645/16 et T‑809/16 sont soutenus par deux moyens que la requérante avait déjà invoqués dans le cadre de son premier recours, dans l’affaire T‑377/16, qui en contient quatre. Les moyens invoqués dans les affaires T‑645/16 et T‑809/16, plus récentes, sont dès lors inclus dans le cadre du premier recours dans l’affaire T‑377/16.

103    Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de déclarer le recours dans l’affaire T‑377/16 recevable et les deux recours dans les affaires T‑645/16 et T‑809/16 irrecevables pour cause de litispendance.

 Sur le fond

104    La requérante invoque quatre moyens au soutien de son recours en annulation des décisions attaquées. Selon la requérante, en adoptant les décisions attaquées, le CRU a commis des violations des formes substantielles, d’une part, en violant son obligation de motivation (premier moyen) et, d’autre part, en raison d’une notification incomplète des décisions attaquées (deuxième moyen). En outre, la requérante invoque deux moyens tirés, d’une part, du fait que sa contribution pour l’année 2016 a fait l’objet de corrections trop minimes (troisième moyen) et, d’autre part, du fait qu’il est illégal de ne rembourser le trop-payé qu’en 2017 (quatrième moyen).

105    À titre liminaire, il convient d’observer que la requérante ne formule de griefs à l’encontre de la procédure relative à l’adoption des décisions attaquées que dans deux lettres des 9 mai et 30 juillet 2018 envoyées au Tribunal à la suite de la réception des réponses du CRU aux première et seconde ordonnances. Les arguments soulevés par la requérante à cet égard sont principalement invoqués au soutien de son argumentation visant à démontrer des violations des formes substantielles figurant dans les moyens tirés de la violation de l’obligation de motivation et de l’absence de notification complète des décisions attaquées.

106    Il y a lieu d’examiner, d’abord, les griefs relatifs à la violation de règles d’ordre procédural et le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation.

 Sur le respect des formes relatives à l’adoption des décisions attaquées

107    D’une part, dans ses lettres du 9 mai et du 30 juillet 2018, la requérante a constaté que les signatures figurant sur les décisions attaquées étaient parfaitement identiques et que le CRU n’avait pas expliqué comment serait assurée l’authenticité d’une éventuelle instruction émise par la présidente du CRU pour utiliser la signature électronique. Par ailleurs, la requérante a fait remarquer que les annexes des décisions avaient été adressées sous un format numérique, par courriel, aux membres et aux observateurs de la session exécutive, alors que, dans sa lettre du 13 septembre 2016, le CRU avait strictement refusé, pour des raisons de sécurité, de lui adresser ces mêmes documents par voie électronique ou par voie postale. Dans la lettre du 9 mai 2018, la requérante a demandé au Tribunal d’adopter des mesures d’organisation de la procédure conformément à l’article 24, premier alinéa, du statut de la Cour, lu conjointement avec l’article 89, paragraphe 3, sous a) et b), du règlement de procédure visant notamment à interroger le CRU sur des questions d’ordre procédural.

108    D’autre part, dans sa lettre du 30 juillet 2018, la requérante a constaté une série d’irrégularités procédurales visant la première décision attaquée. Tout d’abord, elle a relevé que les courriels de réponse des membres de la session exécutive du CRU, desquels devrait ressortir leur accord pour l’adoption d’une décision par procédure écrite, n’avaient pas été présentés au Tribunal. Ensuite, elle a relevé que, après avoir constaté une inexactitude dans les calculs, la décision prise par la voie de la procédure écrite avait été modifiée le soir du 15 avril 2016 en interprétant le silence des membres comme étant constitutif de leur consentement, sans qu’aucun délai pour exprimer d’éventuelles objections ait été prévu dans les communications du CRU avec les membres de la session exécutive. La requérante a fait observer que ces messages n’avaient pas été adressés à un membre de la session exécutive en particulier, sans qu’aucune explication, ni aucune preuve d’une notification adressée à ce membre d’une autre manière, aient été présentées au Tribunal. Ce processus d’adoption de la décision serait contraire tant au principe de bonne administration identifié par la jurisprudence et repris par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qu’aux RPSE, en particulier à l’article 9, paragraphes 1 et 2, et à l’article 11 de ces RPSE. Enfin, la requérante a critiqué le format des projets de décision envoyés le 15 avril et le 19 mai 2016, à savoir la distribution de documents, principalement sous forme de fichiers XLSX, par voie électronique. Le calcul ne devrait pas être effectué dans un document de type XLSX, dans lequel toutes les valeurs données ou intermédiaires peuvent être modifiées à tout moment, que ce soit par inadvertance ou intentionnellement. Par ailleurs, faute de signature électronique vérifiable qui puisse garantir l’absence de falsification ou de modification des montants fixés pour les contributions, il serait impossible de savoir quel document DOCX, XLSX ou PDF constituerait l’« original signé » des montants fixés pour chacun des établissements.

109    Dans sa lettre du 27 mars 2018, le CRU a fait valoir que la procédure d’adoption des décisions attaquées n’avait pas comporté de violation des formes substantielles. Dans sa lettre du 6 juin 2018, le CRU a précisé que la sécurité du trafic de courriels était toujours garantie et n’avait pas d’incidence sur le contenu ainsi que la légalité du calcul des contributions ex ante. Dès lors, cet aspect ne serait pas pertinent pour l’issue du recours.

110    Par ailleurs, s’agissant de la demande de mesures d’organisation de la procédure formulée par la requérante, le CRU a demandé, en substance, au Tribunal, par lettre du 11 septembre 2018, de la rejeter en raison d’une violation de l’article 88, paragraphe 2, du règlement de procédure en ce que la requérante n’aurait pas expliqué en quoi ces mesures seraient utiles pour les besoins de l’instance et pertinentes pour l’issue du recours.

111    Il convient de rappeler que la Cour a jugé que, l’élément intellectuel et l’élément formel constituant un tout indissociable, la mise en forme écrite de l’acte est l’expression nécessaire de la volonté de l’autorité qui l’adopte (arrêts du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, EU:C:1994:247, point 70, et du 6 avril 2000, Commission/ICI, C‑286/95 P, EU:C:2000:188, point 38).

112    L’authentification de l’acte a pour but d’assurer la sécurité juridique en figeant le texte adopté par l’auteur de l’acte et constitue une forme substantielle (arrêts du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, EU:C:1994:247, points 75 et 76, et du 6 avril 2000, Commission/ICI, C‑286/95 P, EU:C:2000:188, points 40 et 41).

113    La Cour a également jugé que la violation d’une forme substantielle est constituée par le seul défaut d’authentification de l’acte, sans qu’il soit nécessaire d’établir, en outre, que l’acte est affecté d’un autre vice ou que l’absence d’authentification a causé un préjudice à celui qui l’invoque (arrêt du 6 avril 2000, Commission/ICI, C‑286/95 P, EU:C:2000:188, point 42).

114    Le contrôle du respect de la formalité de l’authentification et, ainsi, du caractère certain de l’acte est un préalable à tout autre contrôle tel que celui de la compétence de l’auteur de l’acte, du respect du principe de la collégialité ou encore celui du respect de l’obligation de motiver les actes (arrêt du 6 avril 2000, Commission/ICI, C‑286/95 P, EU:C:2000:188, point 46).

115    Si le juge de l’Union constate, à l’examen de l’acte produit devant lui, que ce dernier n’a pas été régulièrement authentifié, il lui appartient de soulever d’office le moyen tiré de la violation d’une forme substantielle consistant en un défaut d’authentification régulière et d’annuler, en conséquence, l’acte entaché d’un tel vice (arrêt du 6 avril 2000, Commission/ICI, C‑286/95 P, EU:C:2000:188, point 51).

116    Il importe peu, à cet égard, que l’absence d’authentification n’ait causé aucun préjudice à l’une des parties au litige. En effet, l’authentification des actes est une forme substantielle au sens de l’article 263 TFUE, essentielle à la sécurité juridique, dont la violation entraîne l’annulation de l’acte vicié, sans qu’il soit nécessaire d’établir l’existence d’un tel préjudice (arrêt du 6 avril 2000, Commission/ICI, C‑286/95 P, EU:C:2000:188, point 52 ; voir également, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Goldfish e.a./Commission, T‑54/14, EU:T:2016:455, point 47).

117    En l’espèce, force est de constater que la requérante n’érige pas l’absence d’authentification en moyen formel au soutien de son recours en annulation, mais émet néanmoins des doutes quant à l’authenticité de la signature de la présidente du CRU sur les décisions attaquées.

118    En tout état de cause, il ressort de la jurisprudence citée au point 115 ci-dessus qu’il s’agit d’une question qu’il appartient au juge de l’Union de soulever d’office.

119    À cet égard, il y a lieu de constater que, en réponse à la première ordonnance, lui enjoignant de produire la copie intégrale de l’original des décisions attaquées en ce compris leurs annexes uniques, le CRU a produit, le 15 janvier 2018, pour chaque décision, s’agissant de son texte, un document de deux pages se présentant sous la forme d’une reconnaissance par scanner, au format PDF, d’un document papier signé, ce qui permettait alors de penser que ces pages étaient bien des copies d’original, c’est-à-dire des copies du document qui fut formellement présenté à la signature et adopté par le CRU dans sa session exécutive. Le CRU n’a produit aucune copie d’original s’agissant des annexes aux décisions attaquées, mais seulement, pour chaque décision, un document se présentant sous la forme d’une génération numérique au format PDF de données numériques, dépourvu d’éléments permettant de garantir son authenticité.

120    Par une deuxième mesure d’organisation de la procédure, puis par la seconde ordonnance, le Tribunal a demandé au CRU de clarifier le format des annexes au moment de l’adoption des décisions attaquées et, dans le cas où ces annexes auraient été présentées sous format numérique, de s’expliquer et de fournir tous les éléments techniques d’authentification nécessaires pour prouver que les documents générés au format PDF, produits devant le Tribunal, correspondaient à ce qui avait été concrètement présenté à la signature et adopté par le CRU, dans sa session exécutive, lors de ses réunions du 15 avril 2016 et du 20 mai 2016. Le Tribunal a également demandé au CRU de déposer ses observations sur la question de l’existence juridique des décisions attaquées ainsi que sur celle du respect des formes substantielles.

121    Dans ses réponses du 27 mars et du 18 mai 2018 à la deuxième mesure d’organisation de la procédure et à la seconde ordonnance, le CRU a fait valoir pour la première fois, que les décisions attaquées avaient été adoptées non lors de réunions des membres de la session exécutive du CRU, mais par la voie de la procédure écrite, en format électronique, conformément à l’article 7, paragraphe 5, des RPSE – selon lequel toute communication et documents pertinents pour la session exécutive doivent, en principe, s’effectuer électroniquement, dans le respect des règles de confidentialité, conformément à l’article 15 des RPSE – et à l’article 9 des RPSE.

122    En particulier, s’agissant de la procédure d’adoption de la première décision attaquée, il ressort du dossier que, par courriel du 13 avril 2016 expédié à 17 h 41 par le CRU aux membres de la session exécutive et comportant trois pièces jointes, dont un document au format PDF intitulé « Memorandum2_Final results.pdf », l’approbation formelle des contributions ex ante pour 2016 a été demandée à la session exécutive du CRU, pour le 15 avril 2016 à 12 heures.

123    Par courriel du 15 avril 2016 envoyé à 19 h 04, le CRU a indiqué qu’une erreur avait été commise dans le calcul des contributions, a annoncé l’envoi d’une version amendée d’un document intitulé « Memorandum 2 » et a mentionné que, sauf objection des destinataires, l’approbation déjà donnée serait comprise comme couvrant également les montants corrigés.

124    Par courriel du 15 avril 2016 expédié à 20 h 06, le document annoncé a été envoyé au format XLSX, sous la dénomination « Final results15042016.xlsx ».

125    En ce qui concerne la procédure d’adoption de la seconde décision attaquée, le CRU a précisé que, le 19 mai 2016 à 21 h 25, il avait envoyé un courriel aux membres de la session exécutive pour débuter une procédure écrite, demandant l’approbation de l’ajustement des résultats du calcul des contributions ex ante 2016, et comportant, en annexe, un fichier au format XLSX dénommé « Delta » représentant les résultats des calculs ajustés. L’approbation a été demandée – « en raison de l’urgence du cas » – pour le 20 mai 2016 à 17 heures.

126    Enfin, le CRU a affirmé, dans sa lettre du 6 juin 2018, que les instrumenta des décisions attaquées avaient été signés électroniquement par la présidente du CRU.

127    Force est toutefois de constater que le CRU, loin d’apporter ni même de proposer d’apporter la preuve d’une telle affirmation, consistant, en principe, dans la production des instrumenta numériques et des certificats de signature électronique en garantissant l’authenticité, produit des éléments qui, en réalité, contredisent cette affirmation.

128    En effet, s’agissant du texte des décisions attaquées, le CRU produit des documents PDF comportant en dernière page une apparence de signature manuscrite qui semble avoir été apposée par le « copier-coller » d’un fichier image, et dépourvus de certificats de signature électronique.

129    Quant aux annexes des décisions attaquées, qui comportent les montants respectivement des contributions et de leurs ajustements et qui constituent, ce faisant, un élément essentiel des décisions, elles ne comportent, elles non plus, aucune signature électronique, alors même qu’elles ne sont nullement liées de manière indissociable au texte des décisions attaquées.

130    Pour établir l’authenticité des annexes des décisions attaquées, le CRU a produit, en réponse à la seconde ordonnance, des documents en format TXT visant à établir l’identité des valeurs de hachage (hash value) de ces annexes avec les valeurs de hachage relevées pour les documents de format XLSX joints respectivement au courriel du 15 avril 2016 envoyé à 20 h 06 et au courriel du 19 mai 2016 expédié à 21 h 25.

131    Toutefois, il convient d’observer que, afin de prouver que les annexes des décisions attaquées avaient fait l’objet d’une signature électronique, tel que cela est soutenu par le CRU (voir point 126 ci-dessus), ce dernier aurait dû produire des certificats de signature électronique liés à ces annexes et non des documents TXT contenant une valeur de hachage. La production de tels documents TXT laisse supposer que le CRU n’était pas en possession de certificats de signature électronique et que les annexes des décisions attaquées n’ont donc, à l’inverse de ce qu’il affirme, pas fait l’objet d’une signature électronique. 

132    En outre, les documents en format TXT produits par le CRU ne sont nullement liés, de manière objective et indissociable, aux annexes en cause.

133    Enfin, il convient de relever, à titre surabondant, que l’authentification requise n’est de toute manière pas celle des projets transmis pour approbation par courriel du 15 avril 2016 envoyé à 20 h 06 et par courriel du 19 mai 2016 expédié à 21 h 25, mais celle des instrumenta censés avoir été constitués postérieurement à cette approbation. En effet, ce n’est qu’à la suite de l’approbation que l’instrumentum est constitué et authentifié par l’apposition d’une signature.

134    Il résulte des considérations qui précèdent que l’exigence d’authentification des décisions attaquées n’est pas satisfaite.

135    Au-delà de ces constatations concernant le défaut d’authentification des décisions attaquées, lequel commande à lui seul, selon la jurisprudence rappelée aux points 113 à 116 ci-dessus, l’annulation des décisions attaquées, le Tribunal estime approprié de formuler certaines considérations relatives, en particulier, à la procédure d’adoption de la première décision attaquée.

136    En l’espèce, comme cela est indiqué au point 122 ci-dessus, la procédure écrite pour l’adoption de la première décision attaquée a été lancée par un courriel du 13 avril 2016 envoyé à 17 h 41, fixant aux membres de la session exécutive du CRU un délai d’approbation du projet de décision au 15 avril 2016 à 12 heures, donc un délai de moins de deux jours ouvrables, alors que le délai prévu par l’article 9, paragraphe 2, des RPSE est « normalement [de] pas moins de cinq jours ouvrables ». Contrairement aux exigences des RPSE, le courriel du 13 avril 2016 ne fait état d’aucune raison justifiant la réduction du délai. Il ne mentionne pas non plus l’article 9, paragraphe 2, des RPSE.

137    Au demeurant et à titre surabondant, il convient de relever que le CRU ne prouve pas qu’il était urgent de prendre une décision le 15 avril 2016 plutôt que le 20 avril 2016, date qui aurait assuré le respect des règles procédurales. À cet égard, il convient d’observer que le 15 avril 2016 n’est pas une date imposée par la réglementation. Cette réduction du délai d’adoption de la décision constitue une première irrégularité procédurale.

138    En outre, l’article 9, paragraphe 1, des RPSE dispose que les décisions peuvent être adoptées par procédure écrite, sauf objection d’au moins deux membres de la session exécutive exprimées dans les premières 48 heures suivant le lancement de cette procédure écrite.

139    À cet égard, il s’avère que le CRU a également méconnu les RPSE en ce que la durée fixée pour la procédure écrite a été de six heures plus courte que les 48 heures prévues pour l’expression d’une objection au recours à la procédure écrite. Or, rien n’empêchait, à supposer qu’une adoption de la décision le 15 avril 2016 eût été requise, de fixer le délai de réponse à 18 heures ce jour-là. Cela constitue une deuxième irrégularité procédurale.

140    C’est à tort que le CRU tente de justifier ces violations des RPSE par l’absence d’objections formulées par les membres de la session exécutive du CRU. Il suffit d’observer, d’une part, que le CRU a l’obligation d’appliquer la réglementation régissant son processus décisionnel, laquelle organise précisément la réduction des délais pourvu que certaines règles soient respectées et, d’autre part, que l’absence alléguée d’objection ne supprime en rien la violation commise ab initio lorsque le CRU a imposé un délai contraire aux prescriptions des RPSE.

141    Ensuite, alors que le courriel du 13 avril 2016 invitait les membres de la session exécutive du CRU à transmettre leur approbation formelle par courriel adressé sur la boîte fonctionnelle du CRU, ce dernier ne produit aucun courriel d’approbation. Le seul élément évoquant une approbation est l’affirmation par le CRU, dans le courriel du vendredi 15 avril 2016 expédié à 19 h 04, que celle-ci a été donnée.

142    De surcroît, dans ce courriel du vendredi 15 avril 2016 expédié à 19 h 04, qui n’a pas été adressé à tous les membres de la session exécutive, tout au moins dans un premier temps (A, membre de la session exécutive du CRU, ne fut pas destinataire de ce courriel, qui lui fut expédié 21 minutes plus tard), le CRU faisait état d’une erreur dans le calcul des contributions ex ante et annonçait l’envoi d’une version amendée du « mémorandum 2 » par courriel séparé. Le courriel de 19 h 04 ajoutait, sans fournir de délai pour une éventuelle réaction, que, en l’absence d’objection des membres de la session exécutive du CRU, il serait considéré que leur approbation déjà donnée vaudrait également pour les montants amendés des contributions. Ce faisant, le CRU a initié une procédure d’adoption par défaut d’objection, procédure certes non inconnue des dispositions des RPSE, mais toutefois engagée dans des conditions concrètes irrégulières, compte tenu, en particulier, de l’absence d’indication d’un délai pour l’adoption de la décision. Cela constitue, en sus des deux irrégularités déjà relevées aux points 136 à 139 ci-dessus, une troisième irrégularité procédurale.

143    Il convient de souligner que le CRU a déposé, en annexe à sa lettre du 11 septembre 2018, la preuve de l’envoi du courriel de 19 h 04 à 19 h 25, soit 21 minutes plus tard, à A. Ce dernier a indiqué, par courriel du même jour, envoyé à 19 h 34, qu’il n’avait pas d’objection aux modifications mineures dont le CRU l’avait informé par le courriel de 19 h 25 transférant le courriel de 19 h 04. Si ce courriel présentait effectivement les montants modifiés des calculs pour trois établissements précis, il ne comportait nullement les montants modifiés pour le restant des établissements qui allaient voir leur contribution légèrement diminuée.

144    Il ressort de ces éléments que A a donné son consentement avant même d’avoir pu accéder à la version amendée des contributions de tous les établissements, envoyée ultérieurement, mais pas à lui, comme cela est décrit dans le point 145 ci-après. Or, ce document représente les montants tels qu’ils ont été finalement adoptés par la première décision attaquée.

145    Ensuite, le même jour, à 20 h 06, le courriel séparé du CRU avec, en pièce jointe, un document XLSX intitulé « Final results15042016.xlsx » était envoyé. À nouveau, ce courriel n’a pas été envoyé à A. Cette dernière circonstance constitue une quatrième irrégularité procédurale.

146    En outre, il découle de la date de la première décision attaquée (le 15 avril 2016), que, alors même qu’aucun délai n’était indiqué dans le courriel du 15 avril 2016 envoyé à 19 h 04, le consensus fut réputé acquis le même jour, donc logiquement à minuit. Certes, le CRU avait exprimé, dans son courriel du 13 avril 2016 (joint au courriel du 15 avril 2016 expédié à 19 h 04), viser une adoption de la décision le 15 avril. À supposer que cette information suffisait pour indiquer que toute objection devait être formulée avant le 15 avril 2016 à minuit, il n’en reste pas moins que, en l’espèce, une procédure d’approbation par consensus a été mise en œuvre un vendredi soir à 19 h 04 pour un achèvement le même soir à minuit. Ces circonstances aggravent les effets de la troisième irrégularité procédurale constatée au point 142 ci-dessus.

147    Il est d’autant moins établi que cette procédure de consensus était régulière que, au‑delà de l’absence d’envoi du courriel de 20 h 06 à A (voir point 145 ci-dessus) laquelle, en soi, vicie la procédure, le CRU ne prouve pas que les autres membres de la session exécutive du CRU ont eu connaissance de l’envoi de ce courriel de 20 h 06 (ni même d’ailleurs de celui du courriel de 19 h 04) ni de son contenu. Le CRU a produit certains éléments de vérification visant à établir que les envois de 19 h 04 et de 20 h 06 étaient parvenus dans les boîtes courriels des destinataires. Toutefois, indépendamment même du fait que cette vérification, opérée par sondage, ne concerne pas tous les membres de la session exécutive du CRU, elle ne prouve nullement que les membres de la session exécutive du CRU eurent concrètement connaissance ne serait-ce que de l’existence de ces envois de courriels avant minuit le soir même.

148    Or, compte tenu de la nature même d’une procédure de consensus, qui consiste à déduire l’approbation d’une absence d’objection, une telle procédure requiert nécessairement et a minima qu’il soit établi, avant l’adoption de la décision, que les personnes participant à la procédure d’approbation par consensus aient pris connaissance de cette procédure et aient pu examiner le projet soumis à leur approbation. En l’espèce, la première décision attaquée a été adoptée, eu égard tant aux mentions figurant dans son texte qu’à la circonstance de l’envoi des fichiers de données relatifs à cette décision le jour même aux ARN (voir point 11 ci-dessus), au plus tard le 15 avril 2016 à minuit. Or, la preuve qu’il était établi, avant minuit, que les membres de la session exécutive du CRU avaient pu prendre connaissance du projet de décision modifié, ni même seulement de l’existence des courriels de 19 h 04 et de 20 h 06, n’est pas rapportée par le CRU.

149    Par ailleurs et à titre incident, il convient de relever que, tandis que l’annexe de la première décision attaquée proposée à l’approbation le 13 avril 2016 était un document numérique au format PDF (voir points 122 et 136 ci-dessus), l’annexe proposée à l’approbation au soir du 15 avril 2016 était un document numérique au format XLSX (voir points 124 et 145 ci-dessus).

150    Ainsi, il convient d’observer que, s’il n’y avait pas eu l’erreur évoquée dans les courriels du 15 avril 2016 au soir (voir point 123 ci-dessus), la première décision attaquée aurait comporté, en tant qu’annexe, un document numérique au format PDF et non un fichier XLSX.

151    Le Tribunal ne peut que constater, au sujet de cette différence, que le CRU, bien que devant veiller à l’unité et à la cohérence formelle des pièces soumises pour approbation puis adoptées, a varié les formats électroniques. Cette imprécision engendre des conséquences qui dépassent le caractère purement procédural, dans la mesure où les éléments transmis par fichier PDF n’offrent aucun détail sur les cellules de calcul d’un fichier XLSX et qu’un tel fichier PDF comporte, tout au moins en l’espèce, des valeurs arrondies, contrairement à un fichier XLSX. Ainsi, s’agissant du seul facteur d’ajustement en fonction du profil de risque figurant dans la première décision attaquée, à savoir celui relatif au contexte européen, il ressort des éléments contenus dans les réponses du CRU que la valeur fournie dans la première décision attaquée, telle que produite en réponse à la première ordonnance, soit dans un fichier PDF, n’est pas la valeur exacte figurant dans le fichier XLSX – laquelle comporte quatorze décimales – mais un arrondi à deux décimales inutilisable pour une vérification du calcul de la contribution.

152    Il ressort des considérations qui précèdent que, au-delà même de l’absence d’authentification constatée au point 134 ci-dessus, qui implique l’annulation des décisions attaquées, la procédure d’adoption de la première décision attaquée a été menée en méconnaissance manifeste d’exigences procédurales relatives à l’approbation de cette décision par les membres de la session exécutive du CRU et au recueil de cette approbation.

153    À cet égard, il convient d’observer que le fait que les personnes physiques ou morales ne peuvent se prévaloir d’une violation de règles qui ne sont pas destinées à assurer la protection des particuliers, mais qui ont pour objet d’organiser le fonctionnement interne des services dans l’intérêt d’une bonne administration (voir, en ce sens, arrêt du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C‑69/89, EU:C:1991:186, points 49 et 50) ne signifie pas, pour autant, qu’un particulier ne peut jamais utilement invoquer la violation d’une règle régissant le processus décisionnel aboutissant à l’adoption d’un acte de l’Union. En effet, il convient de distinguer, parmi les dispositions régissant les procédures internes à une institution, celles dont la violation ne peut être invoquée par les personnes physiques et morales, parce qu’elles ne concernent que les modalités de fonctionnement interne de l’institution qui ne sont pas susceptibles d’affecter leur situation juridique, de celles dont la violation peut, au contraire, être invoquée, dès lors qu’elles sont créatrices de droits et facteur de sécurité juridique pour ces personnes (arrêt du 17 février 2011, Zhejiang Xinshiji Foods et Hubei Xinshiji Foods/Conseil, T‑122/09, non publié, EU:T:2011:46, point 103).

154    En l’espèce, l’analyse du déroulement de la procédure d’adoption de la première décision attaquée démontre un nombre important de violations de règles relatives à l’organisation d’une procédure écrite électronique d’adoption des décisions. Bien que l’article 9 des RPSE ne le prévoie pas explicitement, il va de soi que toute procédure écrite implique nécessairement l’envoi du projet de décision à tous les membres de l’organe décisionnel concerné par cette procédure. S’agissant, en particulier, d’une procédure d’adoption de décision par consensus, comme en l’espèce (voir points 142 à 148 ci-dessus), la décision ne saurait être adoptée sans qu’il ait été établi, à tout le moins, que l’intégralité des membres avaient pu prendre connaissance, au préalable, du projet de décision. Enfin, cette procédure requiert l’indication d’un délai permettant aux membres dudit organe de prendre position sur le projet.

155    Or, ces règles de procédure visant à assurer le respect des formes substantielles inhérentes à toute procédure écrite électronique et à toute procédure d’adoption par consensus, ont été violées en l’espèce. Ces violations ont un impact direct sur la sécurité juridique, puisqu’elles aboutissent à l’adoption d’une décision dont il n’est pas établi qu’elle a fait l’objet, non seulement, d’une approbation par l’organe compétent, mais même d’une prise de connaissance préalable par l’intégralité de ses membres.

156    Le non-respect de telles règles de procédure nécessaires à l’expression du consentement constitue une violation des formes substantielles que le juge de l’Union peut examiner d’office (arrêts du 24 juin 2015, Espagne/Commission, C‑263/13 P, EU:C:2015:415, point 56, et du 20 septembre 2017, Tilly-Sabco/Commission, C‑183/16 P, EU:C:2017:704, point 116).

157    S’agissant, enfin, de la seconde décision attaquée, il convient de relever qu’elle ne remplace pas la première décision attaquée, laquelle a fixé les montants des contributions, mais procède seulement à un ajustement de ces montants sur un point technique limité. L’annulation de la première décision attaquée entraîne nécessairement celle de la seconde.

158    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les décisions attaquées doivent être annulées, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la prétendue violation de l’article 11 des RPSE et sur la demande de mesures d’organisation de la procédure formulée par la requérante dans sa lettre du 9 mai 2018 mentionnée au point 107 ci-dessus.

159    Au-delà de cette conclusion, le Tribunal estime opportun, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de se prononcer également sur le respect en l’espèce de l’obligation de motivation.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

160    La requérante considère que le CRU a violé l’obligation de motivation, qui est prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, dans les décisions attaquées. Le fait que ces décisions ne lui soient pas adressées ne s’opposerait pas à ce qu’elle invoque ce moyen, dans la mesure où l’intérêt que peuvent avoir des personnes concernées directement et individuellement par un acte, à recevoir des explications, doit être pris en compte lorsqu’il s’agit d’apprécier l’étendue de l’obligation de le motiver.

161    La requérante rappelle que, selon la jurisprudence, la motivation doit figurer dans l’acte juridique même qui est en cause et doit en outre être compréhensible pour les justiciables. La motivation doit faire apparaître les principaux éléments de fait et de droit sur lesquels repose la décision et qui sont nécessaires à la compréhension du raisonnement ayant conduit à l’adoption de celle-ci.

162    Par ailleurs, le fait d’avoir participé au processus de collecte d’informations ne permettrait pas à la requérante d’obtenir des informations suffisantes, car sa contribution ne serait pas calculée sur la seule base des données transmises par elle, mais à partir de la relation existant entre les données de tous les établissements concernés.

163    Quant à l’impossibilité, invoquée par le CRU, de motiver la décision sans dévoiler des secrets d’affaires des autres établissements, la requérante invoque la jurisprudence de la Cour selon laquelle l’obligation de préserver les secrets d’affaires ne saurait faire l’objet d’une interprétation si extensive qu’elle viderait de sa portée l’obligation de motivation, au détriment du droit des opérateurs intéressés à être entendus. En l’espèce, la communication des informations sollicitées par la requérante a d’emblée été systématiquement refusée.

164    Enfin, la requérante conteste l’argumentation du CRU selon laquelle, même si le Tribunal jugeait la motivation insuffisante, le calcul du CRU resterait valide. Selon la requérante, on ne saurait automatiquement présumer l’adoption d’une nouvelle décision identique en cas d’annulation.

165    Le CRU soutient qu’il ne devait pas fournir directement à la requérante un exposé détaillé des motifs, ses décisions n’étant pas adressées à cette dernière, mais à l’ARN autrichienne. En outre, il invoque la jurisprudence selon laquelle l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment de l’intérêt que le destinataire de l’acte en cause peut avoir à recevoir des explications.

166    Par ailleurs, dans l’hypothèse où les décisions attaquées concerneraient directement la requérante, le CRU considère que les conditions de l’article 296, paragraphe 2, TFUE sont remplies. En effet, dans la mesure où le destinataire des décisions du CRU serait l’ARN autrichienne et non la requérante, il importerait que l’exposé des motifs soit suffisant pour que cette ARN comprenne les faits et les considérations juridiques sous-tendant le calcul, ce qui serait le cas en l’espèce. Au soutien de son argumentation, le CRU cite la jurisprudence selon laquelle la participation des intéressés à la procédure d’élaboration de l’acte peut réduire les exigences de motivation, puisqu’elle contribue à leur information et la question de savoir si la motivation d’une décision satisfait aux exigences de l’actuel article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée.

167    En effet, les décisions attaquées auraient été adoptées dans un contexte bien connu de la requérante. Si le cadre juridique seul ne permettrait pas de calculer un montant précis, il fournirait des indications claires quant aux critères les plus importants pris en compte pour le calcul.

168    Le CRU soutient que, conformément à l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, la procédure de calcul est basée sur une étroite coopération entre lui et les ARN. Pour cette raison, l’ARN autrichienne aurait eu connaissance de la méthode de calcul des contributions ex ante pour 2016. Et ce d’autant plus que les contributions ex ante pour 2015 auraient été calculées et perçues par les ARN elles-mêmes, conformément au règlement délégué 2015/63. Dès lors, le CRU considère que l’exposé des motifs des décisions attaquées était suffisant pour l’ARN autrichienne, qui était, comme toutes les autres ARN, étroitement impliquée dans le calcul des contributions ex ante pour 2016.

169    Par ailleurs, le CRU estime que la requérante va au-delà des conditions posées par l’article 296, paragraphe 2, TFUE lorsqu’elle soutient qu’elle devrait être capable de calculer ses propres contributions ex ante sur la base de l’exposé des motifs du CRU. Une partie des informations nécessaires au calcul des contributions ex ante pour 2016 de la requérante se composerait d’informations confidentielles provenant d’autres établissements. En vertu de l’article 339 TFUE, le CRU serait obligé de protéger toutes les données confidentielles des établissements. Cette obligation serait également prévue à l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la charte des droits fondamentaux, à l’article 14, paragraphe 7, du règlement délégué 2015/63, à l’article 88 du règlement no 806/2014 et à l’article 84 de la directive 2014/59.

170    Selon le CRU, la requérante omet de mentionner qu’elle a reçu une explication extrêmement détaillée du calcul dans l’avis de perception de l’ARN autrichienne du 26 avril 2016 et qu’elle a été informée dans le détail du raisonnement suivi.

171    Enfin, le CRU soutient que la violation de l’article 296, paragraphe 2, TFUE n’entraînerait pas la nullité des calculs. Par conséquent, même si le Tribunal venait à annuler les décisions attaquées pour ce motif, ce calcul resterait valide et le CRU pourrait adopter à nouveau sans délai des décisions identiques. Comme l’a déclaré la Cour dans l’arrêt du 6 juillet 1983, Geist/Commission (117/81, EU:C:1983:191, point 7), un requérant n’a aucun intérêt légitime à l’annulation pour vice de forme d’une décision, dans le cas où l’administration ne dispose d’aucune marge d’appréciation et est tenue d’agir comme elle l’a fait.

172    Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission, C‑70/16 P, EU:C:2017:1002, point 59 et jurisprudence citée).

173    L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués ainsi que de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 7 mars 2013, Acino/Commission, T‑539/10, non publié, EU:T:2013:110, point 124 et jurisprudence citée).

174    Par ailleurs, la motivation d’un acte doit être logique, ne présentant notamment pas de contradiction interne entravant la bonne compréhension des raisons sous-tendant cet acte (arrêt du 15 juillet 2015, Pilkington Group/Commission, T‑462/12, EU:T:2015:508, point 21 et jurisprudence citée).

175    À titre liminaire, il convient de rappeler que si, dans le système instauré par le règlement no 806/2014 et le règlement d’exécution 2015/81, les décisions fixant les contributions ex ante sont notifiées aux ARN, les établissements débiteurs de ces contributions, dont la requérante, sont, contrairement à ce que prétend le CRU, individuellement et directement concernés par lesdites décisions (voir points 73 à 79 ci-dessus).

176    Dès lors, l’intérêt que peuvent avoir ces établissements à recevoir des explications doit également être pris en compte lorsqu’il s’agit d’apprécier l’étendue de l’obligation de motiver les décisions en cause. En outre, il convient de rappeler que la motivation a également pour fonction de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle.

177    En l’espèce, il convient de relever que le CRU a commis plusieurs violations de l’obligation de motivation.

178    D’une part, s’agissant du texte de la première décision attaquée, il ne comporte que la mention du règlement no 806/2014, en particulier de son article 70, paragraphe 2, l’évocation de consultations et de coopérations avec des organismes [Banque centrale européenne (BCE) et autorités nationales] et le fait que le calcul est opéré de manière à ce que l’ensemble des contributions individuelles ne dépasse pas un certain niveau (à savoir 12,5 % du niveau cible prévu à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014). Il ne comporte aucune information concernant les étapes successives du calcul de la contribution de la requérante ni les chiffres afférents à ces différentes étapes.

179    Certes, la lecture de l’article 70 du règlement no 806/2014, mentionné dans la première décision attaquée, en particulier de son paragraphe 6, permet de comprendre que les contributions ex ante sont calculées par le CRU en application, notamment, « [d]es actes délégués précisant la notion d’adaptation des contributions en fonction du profil de risque des établissements, adoptés par la Commission au titre de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59/UE », c’est-à-dire, en l’occurrence, du règlement délégué 2015/63.

180    De plus, le règlement délégué 2015/63 comporte des règles détaillées que le CRU doit appliquer lorsqu’il calcule les contributions.

181    Cependant, ces éléments ne suffisent pas pour comprendre comment le CRU a appliqué ces règles au cas de la requérante, pour arriver au montant de la contribution la concernant indiquée à l’annexe de la première décision attaquée.

182    Il convient d’ajouter que la première décision attaquée ne mentionne pas les décisions intermédiaires prises par le CRU en vue de la mise en œuvre de la réglementation relative au calcul des contributions (ci-après les « décisions intermédiaires »), à savoir, à tout le moins, les décisions intermédiaires suivantes :

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 14 septembre 2015 sur la définition du pilier « indicateurs de risque supplémentaires à déterminer par l’autorité de résolution » (SRB/ES/SRF/2015/00) ;

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 30 novembre 2015 sur les règles communes pour le calcul de 2016 des contributions ex ante au Fonds de résolution unique en ce qui concerne les dépôts couverts (SRB/ES/SRF/2015/01) ;

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 30 novembre 2015 sur les règles communes pour le calcul des contributions ex ante de 2016 au FRU en ce qui concerne les établissements nouvellement surveillés (SRB/ES/SRF/2015/02) ;

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 30 novembre 2015 sur les règles communes pour le calcul des contributions ex ante pour 2016 au FRU en ce qui concerne la discrétisation dans l’étape 2 (SRB/ES/SRF/2015/03) ;

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 30 novembre 2015 sur les garanties additionnelles entourant les données fournies pour le calcul des contributions ex ante pour 2016 au FRU (SRB/ES/SRF/2015/04) ;

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 30 novembre 2015 sur les règles communes pour le calcul des contributions ex ante de 2016 au FRU en ce qui concerne la date de référence des aides d’État (SRB/ES/SRF/2015/05) ;

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 24 février 2016 sur le traitement des données manquantes après fourniture des ensembles de données finales (SRB/ES/SRF/2016/00/A) ;

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 10 mars 2016 sur les soldes négatifs pour la période de contribution de 2016, à la suite de l’ajustement des contributions ex ante de 2016, en cas de retraitements ou de révisions des informations soumises en ce qui concerne les contributions ex ante pour 2015 (SRB/ES/SRF/2016/02) ;

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 10 mars 2016 sur la déduction des contributions ex ante de 2015 des contributions ex ante pour 2016 (SRB/ES/SRF/2016/03) ;

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 10 mars 2016 sur la méthode simplifiée pour les sociétés d’investissement (SRB/ES/SRF/2016/03A) ;

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 6 avril 2016 sur le traitement de la déduction des contributions ex ante pour 2015 en cas de perte de l’agrément bancaire (SRB/ES/SRF/2016/05) ;

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 6 avril 2016 sur la modification du traitement des données manquantes après fourniture des ensembles de données finales (SRB/ES/SRF/2016/05/A) ;

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 6 avril 2016 sur les données des dépôts couverts de 2015 (SRB/ES/SRF/2016/05/B) ;

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 13 avril 2016 sur l’exclusion des passifs afférents aux prêts de développement (SRB/ES/SRF/2016/05/C) ;

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 15 avril 2016 sur la base de calcul des engagements de paiement irrévocables pour la période des contributions ex ante pour 2016 (SRB/ES/SRF/2016/10) ;

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 15 avril 2016 sur l’accord relatif aux engagements de paiement irrévocables et les mécanismes de garanties (SRB/ES/SRF/2016/11).

183    Comme cela est indiqué au point 39 ci-dessus, la requérante a communiqué ces seize décisions intermédiaires au Tribunal par lettre du 9 mai 2018, après les avoir reçues, à sa demande, du CRU. Dans sa lettre du 15 janvier 2018, le CRU a mentionné le fait que, avant que les décisions attaquées n’aient été adoptées, il avait déjà fixé séparément différents facteurs de la méthode de calcul et du processus de calcul. À la suite de ce courrier, la requérante a sollicité la communication de ces documents et, le 20 avril 2018, elle a reçu du CRU, par voie postale, seize décisions intermédiaires qui ont été utilisées comme base pour le calcul de sa contribution en 2016 et que le CRU qualifie d’étapes intermédiaires prises en compte dans le processus de calcul.

184    Étant donné que ces seize décisions intermédiaires n’ont été ni publiées au Journal officiel de l’Union européenne, ni notifiées à la requérante, cette dernière considère qu’elles doivent être déclarées juridiquement inexistantes et ne peuvent pas constituer une base normative pour l’imposition des contributions litigieuses. Par ailleurs, si ces décisions intermédiaires devaient être considérées par le CRU comme des mesures purement préparatoires et non des actes à part entière, leur contenu aurait dû être intégré dans les considérants de la décision fixant la contribution ex ante pour 2016.

185    Par lettre du 6 juin 2018, le CRU a rétorqué que le dépôt de ces nouvelles preuves était irrecevable en vertu de l’article 85 du règlement de procédure, dans la mesure où la requérante n’avait pas justifié le retard dans la présentation des preuves et qu’elle était, en tout état de cause, au courant de l’existence de documents internes reflétant des « déterminations séparées » du CRU relatives au processus de collecte et à la méthode de calcul des contributions. En effet, le CRU aurait accordé à la requérante l’accès à plusieurs documents similaires par lettre du 13 septembre 2016, soit près de deux ans avant le dépôt des nouvelles preuves.

186    En tout état de cause, selon le CRU, les documents relatifs à la méthodologie de calcul n’étaient pas destinés à avoir un effet juridique externe. La requérante n’aurait pas été destinataire des documents relatifs à la méthodologie de calcul et le CRU n’aurait donc pas été tenu de lui notifier ces mesures. Le contenu de ces documents aurait été notifié aux ARN ou aurait fait l’objet de discussions approfondies avec elles en temps utile dans le cadre du comité des contributions avant l’adoption des calculs des contributions ex ante. En outre, ces documents relatifs à la méthodologie de calcul ne seraient ni nécessaires ni pertinents pour l’issue de l’affaire. Du point de vue du CRU, les nouvelles preuves présentées n’ont aucune valeur probante en ce qui concerne les faits allégués par la requérante.

187    En ce qui concerne la recevabilité des preuves nouvelles produites par la requérante par lettre du 9 mai 2018, il convient de constater qu’il s’agit d’éléments nouveaux dont celle-ci ne pouvait pas avoir connaissance avant que le CRU ne mentionne, dans sa lettre du 15 janvier 2018, qu’il avait déjà fixé séparément différents facteurs de la méthode de calcul et du processus de calcul avant que les décisions attaquées n’aient été adoptées.

188    Quant à l’argument du CRU selon lequel, en tout état de cause, la requérante était au courant de l’existence de documents internes reflétant des « déterminations séparées » du CRU relatives au processus de collecte et à la méthode de calcul des contributions dès l’envoi de la lettre du 13 septembre 2016 du CRU, il convient d’examiner le contenu de ladite lettre.

189    Dans cette lettre, le CRU a répondu à une demande formulée le 7 juillet 2016 par la requérante visant à accéder à l’ensemble des décisions la concernant. Par cette lettre, le CRU a permis à la requérante de venir consulter en ses locaux, outre les décisions attaquées et les fichiers de calcul, cinq décisions intermédiaires comportant les intitulés suivants :

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 10 mars 2016 sur le niveau cible du FRU pour 2016 (SRB/ES/SRF/2016/01) ;

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 14 décembre 2015 sur la politique des engagements de paiement irrévocables de 2016 (SRB/ES/SRF/2015/06) ;

–        décision du CRU dans sa session plénière du 30 septembre 2015 sur le formulaire de déclaration pour contributions pour 2016 (SRB/PS/SRF/2015/01) ;

–        décision du CRU dans sa session plénière du 23 octobre 2015 sur la modification du formulaire de déclaration pour contributions pour 2016 (SRB/PS/SRF/2015/02) ;

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 6 avril 2016 sur la modification du formulaire de déclaration pour contributions pour 2016 (SRB/ES/SRF/2016/04).

190    Suivant les termes de cette réponse, la requérante pouvait raisonnablement penser qu’il n’y avait aucune autre décision intermédiaire du CRU qui la concernait. Or, aucune des seize décisions intermédiaires envoyées deux ans plus tard à la requérante ne figurait parmi ces décisions transmises le 13 septembre 2016.

191    Par ailleurs, le CRU, dans sa lettre du 13 septembre 2016, indique que les décisions attaquées font référence aux trois dernières décisions intermédiaires mentionnées au point 189 ci-dessus. Or, il n’est nullement fait référence auxdites décisions intermédiaires dans les décisions attaquées.

192    Il ressort de ce qui précède que ces éléments de preuve nouveaux doivent être déclarés recevables.

193    Il convient de relever que les décisions intermédiaires mentionnées tant au point 182 qu’au point 189 ci-dessus constituent des documents dont la requérante n’était pas destinataire, de sorte que le CRU n’était pas tenu de les lui notifier.

194    Néanmoins, force est de constater, d’une part, que ces décisions intermédiaires déterminent des éléments de la procédure de calcul, ainsi que le calcul même des contributions. D’autre part, ces décisions intermédiaires non seulement mettent en œuvre, mais également, pour certaines d’entre elles, complètent la réglementation applicable. Ces décisions intermédiaires ne faisant l’objet d’aucune publication ni n’étant portées d’une autre manière à la connaissance des établissements, l’argument du CRU selon lequel la motivation de la première décision attaquée était suffisante au motif que le règlement no 806/2014, le règlement délégué 2015/63, le règlement d’exécution 2015/81 ainsi que la directive 2014/59 exposaient en détail la méthode à appliquer pour le calcul des contributions ex ante (voir point 167 ci-dessus) ne saurait en tout état de cause prospérer.

195    Il suffit de citer deux exemples, à savoir, premièrement, la décision intermédiaire SRB/ES/SRF/2016/01 (citée au point 189, premier tiret, ci‑dessus), dont l’article 1er fixe le niveau cible pour 2016, qui constitue un élément entrant en compte dans le calcul de la contribution ex ante de la requérante (voir article 4 du règlement d’exécution 2015/81 et annexe I, étape 6, du règlement délégué 2015/63), et, deuxièmement, la décision intermédiaire SRB/ES/SRF/2015/00 (citée au point 182, premier tiret, ci-dessus), qui a mis en œuvre l’article 6, paragraphe 1, sous d), du règlement délégué 2015/63 relatif à la détermination par le CRU des indicateurs supplémentaires de risque composant le pilier de risque IV.

196    Or, si les décisions intermédiaires mentionnées aux points 182 et 189 ont été communiquées à la requérante par le CRU, elles ne l’ont été respectivement que le 20 avril 2018 et le 13 septembre 2016, donc après l’introduction du recours.

197    À cet égard, il convient de rappeler que le respect de l’obligation de motivation doit être apprécié en fonction des éléments d’information dont la requérante dispose au moment de l’introduction d’un recours (voir arrêt du 12 novembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑406/06, non publié, EU:T:2008:484, point 50 et jurisprudence citée).

198    Quant à l’argument du CRU se référant à la jurisprudence en matière de calcul des amendes sanctionnant une entente selon laquelle la Commission n’est pas tenue de faire figurer un exposé plus détaillé ou des éléments chiffrés relatifs au mode de calcul dès lors qu’elle indique les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction, il convient de constater, d’une part, que, en l’espèce, les décisions intermédiaires n’ont pas fait l’objet d’une publication, à l’inverse de la méthodologie en matière de calcul des amendes, ni n’ont été portées à la connaissance de la requérante avant l’introduction du recours. D’autre part, la matière en l’espèce, visant la détermination par le CRU des contributions ex ante à payer par les établissements en vue du financement du FRU, diffère intrinsèquement du calcul des amendes sanctionnant une entente, notamment en raison de leur caractère dissuasif (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2014, Pilkington Group e.a./Commission, T‑72/09, non publié, EU:T:2014:1094, points 247 et 248). Cet argument ne trouve dès lors pas à s’appliquer en l’espèce.

199    En conclusion, dans la mesure où les décisions intermédiaires n’ont pas été portées à la connaissance de la requérante par le CRU avant l’introduction du recours, le CRU a violé l’obligation de motivation.

200    D’autre part, s’agissant de l’annexe de la première décision attaquée, il convient de relever que, alors même qu’elle comporte un montant pour le facteur d’ajustement en fonction du profil de risque dans le contexte européen, elle ne comporte aucune indication similaire concernant le facteur d’ajustement en fonction du profil de risque pour la part du calcul opéré dans le contexte national. De même, alors qu’elle précise le type de méthode de calcul utilisé dans le contexte européen, elle ne fournit aucune indication quant à la méthode de calcul employée par le CRU en référence au contexte national.

201    Pourtant, ainsi qu’il ressort de l’article 8, paragraphe 1, sous a), du règlement d’exécution 2015/81, la part du calcul des contributions opéré par le CRU en référence au contexte national entre, en 2016, pour 60 % dans le calcul de la contribution des établissements et la part européenne pour 40 % seulement. La motivation contenue dans la première décision attaquée apparaît donc, à cet égard, insuffisante.

202    Il convient d’ajouter que l’insuffisance de motivation de la première décision attaquée ne saurait être compensée par le contenu de la lettre de l’ARN autrichienne du 26 avril 2016.

203    En effet, indépendamment même du fait que cette lettre ne contient pas d’éléments substantiels de nature à pallier l’insuffisance de motivation de la première décision attaquée, force est de constater que, en tout état de cause, c’est au CRU, auteur de la décision sur les contributions ex ante, qu’il incombe de motiver cette décision.

204    À cet égard, dans le système instauré par la réglementation applicable, c’est le CRU qui calcule et fixe les contributions ex ante. Les décisions du CRU sur le calcul desdites contributions ne sont adressées qu’aux ARN (article 5, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81) et il incombe aux ARN de les communiquer aux établissements (article 5, paragraphe 2, du règlement d’exécution 2015/81) et de percevoir les contributions auprès des établissements sur la base desdites décisions (article 67, paragraphe 4, du règlement no 806/2014).

205    Ainsi, quand le CRU agit en vertu de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, il adopte des décisions revêtues d’un caractère définitif et qui concernent, individuellement et directement, les établissements.

206    Par conséquent, il incombe au CRU, auteur de ces décisions, de les motiver. Cette obligation ne saurait être déléguée aux ARN, ni sa violation palliée par celles-ci, sauf à méconnaître la qualité du CRU d’auteur desdites décisions et sa responsabilité à ce titre, et à susciter, compte tenu de la diversité des ARN, un risque d’inégalité de traitement des établissements en ce qui concerne la motivation des décisions du CRU.

207    En tout état de cause, il convient de relever que les données figurant en annexe à l’avis de perception du 26 avril 2016 de l’ARN autrichienne ne sont pas identifiées comme étant celles du CRU. Au contraire, elles sont présentées comme faisant partie intégrante de l’avis de perception, qui est un acte du droit autrichien, de sorte qu’il n’est pas possible de distinguer les éléments dont l’auteur est l’ARN autrichienne de ceux émanant, le cas échéant, du CRU.

208    Par ailleurs, il convient de relever que, alors même que le facteur d’ajustement en fonction du profil de risque doit nécessairement comporter toutes les décimales requises, sauf à rendre le calcul approximatif, le facteur d’ajustement figurant dans l’annexe à l’avis de perception du 26 avril 2016 (avec deux décimales) ne correspond pas à celui (avec quatorze décimales) de l’annexe de la première décision attaquée telle qu’elle a été communiquée au Tribunal en réponse à la seconde ordonnance.

209    Il résulte de ce qui précède que, en adoptant la première décision attaquée, le CRU a violé l’obligation de motivation.

210    S’agissant de la seconde décision attaquée, il convient de relever qu’elle viole elle-même l’obligation de motivation, pour les mêmes raisons que celles relevées à l’égard de la première décision attaquée et pour la raison additionnelle qu’elle ne fournit aucun motif relatif à l’ajustement qu’elle opère.

211    Certes, les motifs de cet ajustement ont été exposés dans la lettre du 23 mai 2016, adressée par l’ARN autrichienne à la requérante et à laquelle était annexée une lettre du CRU à la requérante également datée du 23 mai 2016.

212    Toutefois, la lettre du CRU du 23 mai 2016 ne contient que des explications générales des motifs de l’ajustement effectué par la seconde décision attaquée. 

213    Pour ce qui est des motifs contenus dans la lettre de l’ARN autrichienne, il est renvoyé aux considérations exprimées aux points 202 à 206 ci-dessus.

214    Enfin, en ce qui concerne l’argumentation du CRU mentionnée au point 171 ci-dessus, il convient de la rejeter. En effet, s’il ressort de la jurisprudence qu’une partie requérante n’a aucun intérêt légitime à l’annulation pour vice de forme, défaut ou insuffisance de motivation d’une décision dans le cas où l’annulation de la décision ne pourrait que donner lieu à l’intervention d’une nouvelle décision identique, quant au fond, à la décision annulée [voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2017, Schräder/OCVV – Hansson (SEIMORA), T‑425/15, T‑426/15 et T‑428/15, non publié, EU:T:2017:305, point 109 et jurisprudence citée], force est de constater que, en l’espèce, il n’est pas possible d’exclure que l’annulation des décisions attaquées donne lieu à l’adoption de décisions différentes. En effet, en l’absence d’une information complète sur les déterminations et les calculs intermédiaires du CRU et de toutes les données relatives aux autres établissements en dépit de l’interdépendance de la contribution de la requérante avec la contribution de chacun des autres établissements, ni la requérante ni le Tribunal ne sont en mesure de vérifier, en l’espèce, si l’annulation de ces décisions donnerait nécessairement lieu à l’adoption d’une nouvelle décision identique quant au fond.

215    Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être accueilli.

216    Il y a lieu de conclure que les décisions attaquées doivent être annulées, sans qu’il soit besoin d’examiner les deuxième, troisième et quatrième moyens invoqués par la requérante.

 Sur la limitation dans le temps des effets de l’arrêt à venir

217    Le CRU fait valoir que, si le Tribunal annulait la première ou la seconde décision attaquée en ce qu’elles concernent la requérante, il conviendrait de limiter les effets dans le temps de cette annulation, qui ne devrait s’appliquer que six mois après que l’arrêt soit devenu définitif en l’espèce.

218    Le CRU indique que la raison de cette demande réside dans le fait qu’il devra approuver à nouveau le calcul des contributions ex ante de la requérante pour 2016. Comme cette dernière ne conteste pas le fait qu’elle soit obligée de contribuer au FRU, un remboursement dans l’attente de l’adoption d’une nouvelle décision serait inapproprié, selon le CRU.

219    La requérante ne s’est pas exprimée sur ce point.

220    À cet égard, il y a lieu de rappeler la jurisprudence selon laquelle, lorsque des considérations impérieuses de sécurité juridique le justifient, la Cour bénéficie, en vertu de l’article 264, second alinéa, TFUE, d’un pouvoir d’appréciation pour indiquer, dans chaque cas particulier, ceux des effets de l’acte concerné qui doivent être considérés comme définitifs (voir, par analogie, arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, point 121).

221    Conformément à cette jurisprudence, la Cour a fait usage de la possibilité de limiter les effets dans le temps de la constatation de l’invalidité d’une réglementation de l’Union lorsque des considérations impérieuses de sécurité juridique tenant à l’ensemble des intérêts, tant publics que privés, en jeu dans les affaires concernées empêchaient de remettre en cause la perception ou le paiement de sommes d’argent effectués sur le fondement de cette réglementation pour la période antérieure à la date de l’arrêt (arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, point 122).

222    En l’espèce, le CRU n’a pas démontré en quoi, à la suite du présent arrêt, le remboursement des sommes perçues de la requérante au titre de contribution ex ante pour 2016 mettrait en péril des considérations impérieuses de sécurité juridique tenant à l’ensemble des intérêts, tant publics que privés, en jeu dans la présente affaire. En effet, le simple fait qu’un remboursement dans l’attente de l’adoption d’une nouvelle décision soit inapproprié ne constitue pas un motif s’apparentant à des considérations impérieuses de sécurité juridique.

223    En conséquence, il n’y a pas lieu de limiter les effets du présent arrêt dans le temps.

 Sur les dépens

224    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le CRU ayant succombé dans le recours enregistré sous le numéro T‑377/16, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière, dans cette affaire. Les deux autres recours, enregistrés sous les numéros T‑645/16 et T‑809/16, ayant été déclarés irrecevables et la demande en référé, enregistrée sous le numéro T‑645/16 R, ayant été rejetée, il y a lieu de condamner la requérante à supporter ses propres dépens ainsi que ceux du CRU, conformément aux conclusions de ce dernier, dans ces affaires.

225    Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, la République italienne supportera ses propres dépens dans l’affaire T‑645/16.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Dans les affaires T645/16 et T809/16, les recours sont rejetés comme irrecevables.

2)      Dans l’affaire T377/16, la décision du Conseil de résolution unique (CRU) dans sa session exécutive du 15 avril 2016 sur les contributions ex ante pour 2016 au Fonds de résolution unique (SRB/ES/SRF/2016/06) et la décision du CRU dans sa session exécutive du 20 mai 2016 sur l’ajustement des contributions ex ante pour 2016 au Fonds de résolution unique, complétant la décision du CRU dans sa session exécutive du 15 avril 2016, sur les contributions ex ante pour 2016 au Fonds de résolution unique (SRB/ES/SRF/2016/13), sont annulées en ce qu’elles concernent Hypo Vorarlberg Bank AG.

3)      Le CRU supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Hypo Vorarlberg Bank dans l’affaire T377/16.

4)      Hypo Vorarlberg Bank supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par le CRU, dans les affaires T645/16 et T809/16, ainsi que dans l’affaire T645/16 R.


5)      La République italienne supportera ses propres dépens.

Collins

Kancheva

Barents

Passer

 

      De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 novembre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.