Language of document : ECLI:EU:F:2008:170

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

11 décembre 2008 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Exercice de promotion 2006 – Capacité à travailler dans une troisième langue »

Dans l’affaire F‑58/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Pascal Collotte, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Overijse (Belgique), représenté initialement par MÉ. Boigelot, puis par Mes É. Boigelot et L. Defalque, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par Mme C. Berardis-Kayser et M. G. Berscheid, puis par Mmes C. Berardis-Kayser et L. Lozano Palacios, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes I. Šulce et M. Simm, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. P. Mahoney, président, H. Kanninen et S. Gervasoni (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Cidéron, assistante,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 septembre 2008,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juin 2007, M. Collotte, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demande l’annulation de la décision de ne pas inscrire son nom sur la liste des fonctionnaires promus au grade A*12 au titre de l’exercice de promotion 2006, telle que publiée aux Informations administratives n° 55‑2006 du 17 novembre 2006 et la condamnation de la Commission à lui verser, à titre d’indemnité pour les préjudices moral et matériel, ainsi que pour l’atteinte à sa carrière, une somme de 25 000 euros, sous réserve d’augmentation et/ou de diminution en cours de procédure.

 Cadre juridique

2        Le présent litige portant, pour l’essentiel, sur l’interprétation des dispositions de l’article 45, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004 (JO L 124, p. 1) (ci-après le « statut »), et de l’article 11 de l’annexe XIII dudit statut, le cadre juridique sera exposé aux points 46 à 49 du présent arrêt.

 Faits à l’origine du litige

3        Le requérant a été nommé, le 16 avril 2004, fonctionnaire stagiaire à la Commission et classé au grade A 5, puis reclassé au grade A*11, lors de l’entrée en vigueur des dispositions du statut, en application de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII de ce dernier. Il a été titularisé à l’issue de son stage.

4        Lors de l’exercice de promotion de 2006, le requérant justifiait, depuis le 16 avril 2006, du minimum d’ancienneté de deux ans dans son grade pour être promouvable, en vertu de l’article 45, paragraphe 1, du statut, et disposait d’un nombre de points supérieur au nombre de points requis pour être promu.

5        Le requérant escomptait que l’article 45, paragraphe 2, du statut ne lui serait pas appliqué en 2006 et qu’il n’aurait pas ainsi à démontrer sa capacité à travailler dans une troisième langue pour obtenir sa première promotion. Il soutient avoir reçu à plusieurs reprises des assurances formelles à cet égard de la part de ses supérieurs hiérarchiques.

6        Cependant, le 23 août 2006, le chef du secteur de la formation linguistique de la direction générale (DG) « Personnel et administration » lui a adressé un courriel l’informant que l’article 45, paragraphe 2, du statut lui était applicable et que les services de la Commission pouvaient l’aider à acquérir le niveau 4 requis dans la troisième langue.

7        Le requérant a subi à deux reprises sans succès le test linguistique dans la troisième langue qu’il avait choisie, ayant bénéficié entre ces deux tests d’une formation intensive de neuf jours.

8        La liste des promus au grade A*12 au titre de l’exercice de promotion 2006 a été publiée aux Informations administratives n° 55‑2006 du 17 novembre 2006. Le nom du requérant n’y figurait pas.

9        Le requérant a introduit, le 23 novembre 2006, une réclamation à l’encontre de la décision de ne pas inscrire son nom sur la liste des fonctionnaires promus au grade A*12 au titre de l’exercice de promotion 2006 (ci-après la « décision litigieuse »). Cette réclamation a été complétée et précisée par une seconde réclamation que le requérant a déposée le 16 février 2007.

10      L’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la première réclamation par une décision du 2 mars 2007, notifiée le 5 mars 2007, et la seconde réclamation par une décision du 22 mai 2007, notifiée le 23 mai 2007. Il ressort de ces décisions que le refus de promotion du requérant est uniquement fondé sur la circonstance que le requérant n’a pas démontré, avant sa promotion, sa capacité à travailler dans une troisième langue, motif tiré de l’article 45, paragraphe 2, du statut.

 Procédure et conclusions des parties

11      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision litigieuse ;

–        condamner la Commission à lui verser, à titre d’indemnité pour préjudices moral et matériel et atteinte à sa carrière, une somme de 25 000 euros, sous réserve d’augmentation et/ou de diminution en cours de procédure ;

–        condamner la Commission à l’ensemble des dépens.

12      En application de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier, la Commission a soulevé, par acte séparé, une fin de non-recevoir tirée de l’introduction tardive du recours, le 16 juin 2007 à 0 h 20, alors que le délai de recours aurait expiré le 15 juin à minuit.

13      Afin d’être en mesure de se prononcer sur cette tardiveté, contestée par le requérant dans ses observations sur l’exception d’illégalité, le Tribunal a adressé à la DG « Infrastructures » de la Cour de justice des Communautés européennes une demande d’informations sur les circonstances précises du dépôt du présent recours. Ladite direction générale a communiqué en réponse plusieurs documents qui ont été transmis aux parties. Après avoir entendu les parties, le Tribunal a décidé de joindre l’exception au fond.

14      Dans sa défense, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable et, à titre subsidiaire, comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

15      Le Conseil de l’Union européenne, autorisé à intervenir par ordonnance du 26 septembre 2007 du président de la troisième chambre, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le moyen tiré de l’illégalité de l’article 45, paragraphe 2, du statut comme irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé.

16      Par une ordonnance du 4 juin 2008, le président de la troisième chambre a décidé, les parties entendues, de joindre les affaires F‑58/07, Collotte/Commission, F‑66/07, Dubus et Leveque/Commission, F‑92/07, Evraets/Commission et F‑93/07, Acosta Iborra e.a./Commission, aux fins de la procédure orale, en application de l’article 46, paragraphe 1, du règlement de procédure.

 En droit

 Sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission

 Arguments des parties

17      La Commission fait remarquer que la réponse à la réclamation a été notifiée au requérant le 5 mars 2007. Dès lors, le délai de recours expirait le vendredi 15 juin 2007, une fois ajoutés au délai statutaire de trois mois les dix jours de délai de distance prévus par le règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable en l’espèce. Or, d’après le cachet apposé par le Tribunal de la fonction publique sur la première page de la requête, ce n’est que le 16 juin 2007, à 0 h 20, soit le lendemain du jour où expirait le délai de recours, que l’original de la requête aurait été déposé. Le recours serait, dès lors, manifestement irrecevable.

18      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, le requérant soutient que le livreur de la société de taxis à laquelle la requête avait été confiée s’est présenté à l’entrée de la Cour de justice le 15 juin 2007 à 23 h 45. Ce livreur serait entré dans les bâtiments afin de déposer la requête mais se serait alors vu refuser, de la part du gardien, toute coopération. Après de difficiles discussions, afin que la requête soit réceptionnée et enregistrée, ce dernier aurait enfin accepté d’appeler son supérieur qui serait descendu vers minuit. Après de longues discussions quant à la question de l’heure du dépôt, le supérieur aurait enfin enregistré la requête à 0 h 20, prétextant qu’il ne pouvait indiquer d’autre heure que l’heure de dépôt et de réception de la requête entre ses mains. Il aurait cependant reconnu qu’étant donné que les bâtiments de la Cour de justice ferment à minuit, le livreur devait nécessairement y avoir pénétré avant cette heure.

19      Le requérant affirme, dès lors, que sa requête est parvenue au greffe de la Cour de justice le 15 juin 2007 et que son enregistrement à la date du 16 juin 2007 résulte uniquement d’un cas fortuit et de circonstances qui ne lui sont absolument pas imputables.

20      À titre subsidiaire, le requérant relève qu’il a introduit, le 16 février 2007, une seconde réclamation, dans laquelle il avançait de nouveaux arguments et chefs de contestation. La seconde réclamation ayant été rejetée par décision du 22 mai 2007, le recours, en supposant même qu’il n’ait été enregistré que le 16 juin 2007, ne serait aucunement tardif en ce qui concerne cette dernière décision.

21      Dans son mémoire en défense, la Commission a estimé que la circonstance que le requérant ait introduit un complément à la première réclamation et que l’AIPN y ait apporté une réponse ne remettait pas en cause la tardiveté du recours. En effet, il ressortirait de la jurisprudence qu’une décision ne pourrait faire l’objet que d’une seule réclamation et que d’autres écrits adressés postérieurement à l’AIPN ne pourraient avoir pour effet de prolonger la procédure précontentieuse.

22      Le requérant soutient, dans son mémoire en réplique, que, selon la jurisprudence, lorsque deux réclamations successives, introduites dans le délai de réclamation, ont fait l’objet de deux décisions de rejet successives, le recours contre la seconde décision ne saurait être considéré comme irrecevable que si celle-ci doit être considérée comme un acte purement confirmatif de la première décision de rejet. En l’espèce, la seconde réclamation, introduite le 16 février 2007 par le requérant, comporterait de nouveaux moyens et arguments par rapport à la première réclamation. Dans cette seconde réclamation auraient été invoquées pour la première fois la violation des principes de confiance légitime et de sécurité juridique et celle de l’article 45, paragraphe 2, du statut, en ce que les dispositions communes d’exécution de ce paragraphe n’étaient pas encore en vigueur. De plus, dans la seconde réclamation, le moyen tiré de la violation du principe d’égalité de traitement reposerait sur un argument tout à fait différent de celui exposé dans la première réclamation.

23      Dans son mémoire en duplique, la Commission n’a pas présenté de nouveaux arguments à l’appui de la fin de non-recevoir qu’elle a soulevée.

 Appréciation du Tribunal

24      La réclamation introduite le 23 novembre 2006 par le requérant à l’encontre de la décision litigieuse a été suivie d’une seconde réclamation, déposée le 16 février 2007. Les deux réclamations formées successivement contre la décision litigieuse ont été introduites dans le délai de trois mois à compter de la publication de la décision litigieuse aux Informations administratives n° 55‑2006 du 17 novembre 2006, conformément à l’article 90, paragraphe 2, premier alinéa, du statut. Dans ces conditions, l’une et l’autre réclamations sont recevables (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 8 novembre 2000, Ghignone e.a./Conseil, T‑44/97, RecFP p. I‑A‑223 et II‑1023, point 39). Tel ne serait pas le cas si la seconde réclamation avait été présentée après l’expiration du délai de réclamation (voir, ordonnance du Tribunal de première instance du 7 juin 1991, Weyrich/Commission, T‑14/91, Rec. p. II‑235, point 40 ; ordonnance du Tribunal du 11 décembre 2007, Martin Bermejo/Commission, F‑60/07, non encore publiée au Recueil, point 38).

25      L’AIPN a répondu aux réclamations du 23 novembre 2006 et du 16 février 2007 par des décisions respectivement datées des 2 mars et 22 mai 2007 et notifiées les 5 mars et 23 mai 2007.

26      Il résulte de l’instruction que la requête n’a pas été introduite dans le délai de trois mois et 10 jours à compter de la notification de la décision de l’AIPN du 2 mars 2007, délai résultant des dispositions de l’article 91, paragraphe 3, du statut et de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance. En effet, il ressort des documents produits par la DG « Infrastructures » de la Cour de justice en réponse à une demande d’informations du Tribunal sur les circonstances de l’enregistrement du présent recours que la requête a été réceptionnée par le gardien de service à l’entrée du bâtiment Thomas More de la Cour de justice le 16 juin 2007 à 0 h 20. La DG « Infrastructures » n’a pas confirmé la version des faits du requérant, en particulier l’existence d’un refus initial d’enregistrement, suivi de discussions avec le supérieur hiérarchique du gardien de service. Or, le délai de recours ouvert par la réception, le 5 mars 2007, de la décision de l’AIPN du 2 mars avait expiré le 15 juin 2007.

27      En revanche, la requête a été déposée dans le délai de trois mois et dix jours à compter de la notification, le 23 mai 2007, de la réponse de l’AIPN à la seconde réclamation.

28      Dans ces conditions, il est nécessaire de se prononcer sur le point de savoir si, dans l’hypothèse où deux réclamations successives, présentées dans le délai de réclamation, font l’objet de deux décisions successives de l’AIPN, le délai de recours court à compter de la réception par le requérant de la réponse à la première réclamation ou de celle de la réponse à la seconde réclamation.

29      À titre liminaire, il convient de rappeler que la procédure précontentieuse prévue par les articles 90 et 91 du statut a pour objet notamment de permettre de favoriser un règlement amiable du différend surgi entre le fonctionnaire et l’administration (arrêt de la Cour du 7 mai 1986, Rihoux e.a./Commission, 52/85, Rec. p. 1555, point 12 ; arrêts du Tribunal de première instance du 26 septembre 1996, Maurissen/Cour des comptes, T‑192/94, RecFP p. I‑A‑425 et II‑1229, point 60, et du 26 janvier 2000, Gouloussis/Commission, T‑86/98, RecFP p. I‑A‑5 et II‑23, point 61). C’est pourquoi le fonctionnaire a l’obligation d’exposer ses griefs avec une précision suffisante dans sa réclamation et ne peut ensuite modifier ni l’objet ni la cause de cette dernière devant le juge. C’est également la raison pour laquelle l’article 90, paragraphe 2, dernier alinéa, du statut prévoit que la décision prise par l’AIPN en réponse à la réclamation doit être motivée. En effet, de même que la réclamation est destinée à mettre l’AIPN en mesure d’apprécier, en toute connaissance de cause, le bien-fondé de la demande du fonctionnaire et, si ses prétentions sont fondées, de lui accorder satisfaction sans l’obliger à saisir le juge communautaire, de même, la réponse à la réclamation doit permettre au requérant de se rendre compte de la pertinence de ses griefs et d’évaluer l’opportunité de saisir le juge.

30      Les règles de délais de la procédure précontentieuse visent, par conséquent, non seulement à assurer la sécurité juridique, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, mais aussi à garantir aux parties une durée minimale pour tenter de parvenir à une résolution précontentieuse du litige. Ces règles doivent être interprétées à l’aune du but que le législateur communautaire a entendu assigner à la procédure précontentieuse.

31      C’est pourquoi, dans l’hypothèse de réclamations successives introduites dans le délai de réclamation, le délai de réponse à la réclamation ne saurait courir à compter de la réception par l’administration de la première réclamation, sauf à priver l’AIPN du délai de quatre mois que lui accorde normalement le statut pour se prononcer explicitement sur la nouvelle argumentation que le fonctionnaire lui aurait présentée en dernier lieu, le cas échéant peu avant l’expiration du délai de réclamation. De même, lorsque l’AIPN a répondu par des décisions successives à des réclamations successives, le fonctionnaire ne bénéficierait pas intégralement du délai de trois mois que lui accorde le statut, à compter de la réception de la réponse à la réclamation, pour décider, au vu de cette réponse, d’introduire ou non un recours, si le délai de recours devait courir à compter de la notification de la réponse à la première réclamation, alors que le requérant ne disposerait pas encore de la réponse de l’AIPN à l’ensemble de ses griefs, en particulier ceux présentés pour la première fois dans la dernière réclamation.

32      En conséquence, il convient de retenir pour le calcul du délai de recours la date de réception de la décision par laquelle l’administration a arrêté sa position sur l’ensemble de l’argumentation présentée par le requérant dans le délai de réclamation. Si le requérant a introduit, dans le délai de réclamation, une seconde réclamation qui a la même portée que la première réclamation, en particulier en ce qu’elle ne contient ni demande nouvelle, ni grief nouveau, ni nouvel élément de preuve, la décision qui rejette cette seconde réclamation doit être considérée comme un acte purement confirmatif du rejet la première réclamation, de sorte que c’est à compter dudit rejet que court le délai de recours (voir, par analogie, arrêt du Tribunal de première instance du 11 décembre 2007, Sack/Commission, T‑66/05, non encore publié au Recueil, point 41, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant la Cour, affaire C‑380/08 P). En revanche, dans l’hypothèse où la seconde réclamation comporte de nouveaux éléments par rapport à la première réclamation, il y a lieu de considérer la décision de rejet de la seconde réclamation comme une nouvelle décision, adoptée, après réexamen de la décision de rejet de la première réclamation, à la lumière de la deuxième réclamation (voir, en ce sens, arrêt Ghignone e.a./Conseil, précité, point 41).

33      En l’espèce, la réclamation déposée le 16 février 2007 soulevait des griefs qui n’avaient pas été présentés dans la réclamation introduite le 23 novembre 2006. Étaient ainsi invoquées pour la première fois dans cette seconde réclamation la méconnaissance des principes de confiance légitime et de sécurité juridique et la violation de l’article 45, paragraphe 2, du statut, en ce que les dispositions communes d’exécution de ce paragraphe n’étaient pas encore en vigueur.

34      Il résulte de ce qui précède que c’est, en l’espèce, à la date de la notification de la réponse à la deuxième réclamation, le 23 mai 2007, que le délai de recours a commencé de courir. Il suit de là que la Commission n’est pas fondée à soutenir que la requête, déposée le 16 juin 2007, est tardive.

35      À l’audience, la Commission a fait valoir que, si le Tribunal admettait la possibilité de présenter des réclamations successives, l’administration pourrait ne pas être en mesure de faire face à une multiplication imprévisible des réclamations. Toutefois, une règle de recevabilité découlant des dispositions du statut ne saurait être écartée au seul motif qu’elle pourrait donner lieu, dans certains cas, à des comportements abusifs. Au demeurant, il ne peut, en l’espèce, être reproché au requérant, qui n’a introduit que deux réclamations, d’avoir abusé de la faculté de présenter des réclamations successives dans le délai de réclamation.

 Sur les conclusions aux fins d’annulation

36      À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant soulève quatre moyens :

–        le premier, tiré de la violation de l’article 45, paragraphe 2, du statut et de la commission d’erreurs manifestes d’appréciation ;

–        le deuxième, tiré de la violation du devoir de sollicitude, de la méconnaissance des principes de bonne administration et de saine gestion et du détournement de pouvoir ;

–        le troisième, tiré de la violation des principes de confiance légitime et de sécurité juridique ;

–        le quatrième, tiré de la violation des principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de proportionnalité.

37      Il y a lieu d’examiner d’abord le premier moyen, tiré de la violation de l’article 45, paragraphe 2, du statut et de la commission d’erreurs manifestes d’appréciations.

 Arguments des parties

38      Le requérant soutient que l’article 45, paragraphe 2, du statut, qui institue l’obligation pour les fonctionnaires de démontrer, avant leur première promotion, leur capacité à travailler dans une troisième langue, conditionne son application à l’adoption d’un commun accord par les institutions des dispositions communes d’exécution dudit paragraphe 2. Or, ces dispositions communes d’exécution n’auraient pas été adoptées lors de l’exercice de promotion 2006. Ce n’est que le 15 décembre 2006 que le président de la Cour de justice des Communautés européennes aurait constaté le commun accord des institutions sur la réglementation fixant les modalités d’application de l’article 45, paragraphe 2, du statut, laquelle réglementation serait entrée en vigueur le 1er janvier 2007. Par conséquent, en faisant application de l’article 45, paragraphe 2, du statut à ses fonctionnaires dès l’exercice de promotion 2006, la Commission aurait violé la lettre et l’esprit de cette disposition statutaire et méconnu la volonté du législateur.

39      Selon le requérant, le législateur a considéré que l’adoption des dispositions communes était nécessaire à l’application de l’article 45, paragraphe 2, du statut. C’est pour prévenir tout arbitraire dans la mise en œuvre de ce paragraphe qu’il aurait même précisé que ces dispositions communes devaient prévoir l’accès à la formation des fonctionnaires dans une troisième langue et fixer les modalités d’évaluation de leur capacité à travailler dans une troisième langue. Ainsi, les termes mêmes de l’article 45, paragraphe 2, du statut démontreraient le lien établi par le législateur entre, d’une part, l’application aux fonctionnaires promouvables de la nouvelle exigence et, d’autre part, l’obligation pour l’administration de prévoir les modalités d’application de cette nouvelle exigence et de fournir la formation nécessaire dans des délais acceptables. Au demeurant, une application harmonisée et cohérente de la condition établie à l’article 45, paragraphe 2, du statut aurait aussi été imposée par les principes d’unicité de la fonction publique et de non-discrimination.

40      Selon la Commission, la capacité du fonctionnaire à travailler dans une troisième langue est une condition préalable à sa promotion. Pendant la période au cours de laquelle des dispositions communes aux institutions ne seraient pas encore entrées en vigueur, il aurait incombé à chaque institution d’apprécier la capacité du fonctionnaire à travailler dans une troisième langue selon des standards définis de manière autonome.

41      Le principe de la hiérarchie des normes requerrait qu’il soit fait application des dispositions du statut, alors même que la réglementation commune qui en précise les modalités de mise en œuvre ne serait pas entrée en vigueur (arrêt du Tribunal du 19 octobre 2006, De Smedt/Commission, F‑59/05, RecFP p. I‑A‑1‑109 et II‑A‑1‑409, point 52).

42      Il serait inadmissible qu’une disposition adoptée par le législateur communautaire dans l’intérêt d’un meilleur fonctionnement des institutions européennes, puisse être tenue en échec du simple fait qu’une institution tarde à marquer son accord sur une réglementation commune. La réglementation commune en cause aurait d’ailleurs été adoptée par la Commission dès le 19 juillet 2006.

43      Afin de permettre au personnel concerné par la nouvelle exigence relative à la maîtrise d’une troisième langue de disposer de suffisamment de temps de préparation, le législateur aurait prévu une période transitoire qui se terminait avec les promotions prenant effet le 30 avril 2006.

44      Par ailleurs, c’est à tort que le requérant essaierait de tirer argument d’une situation différente dans une autre institution. En effet, ainsi qu’il ressortirait du point 26 de l’arrêt de la Cour du 18 mars 1975, Acton e.a./Commission (44/74, 46/74 et 49/74, Rec. p. 383), la décision litigieuse ne saurait être invalidée du fait que les autres institutions se sont abstenues d’arrêter des mesures qu’elles auraient pu prendre légitimement. De plus, la Commission fait valoir que, à sa connaissance, les promotions au Parlement européen ont lieu au 1er janvier de l’année en cours et que, le 1er janvier 2006, l’article 45, paragraphe 2, du statut ne trouvait pas à s’appliquer, en vertu de l’article 11 de l’annexe XIII du statut.

45      Enfin, en vertu d’une jurisprudence constante, il appartiendrait à l’AIPN d’adopter des décisions en matière de promotion selon la méthode qu’elle juge la plus appropriée.

 Appréciation du Tribunal

46      Le considérant 13 du règlement n° 723/2004 est rédigé comme suit :

« Afin de préserver le caractère multilingue des institutions, il importe d’accorder une importance accrue, lors du recrutement et de la promotion, à la maîtrise des langues et à la capacité d’exercer des fonctions dans une troisième langue communautaire. »

47      Cette intention du législateur s’est notamment concrétisée par la modification de l’article 45 du statut, qui dispose désormais :

« 1. La promotion est attribuée par décision de l’[AIPN] en considération de l’article 6, paragraphe 2. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur du groupe de fonctions auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’[AIPN] prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, [sous] f), et, le cas échéant, le niveau des responsabilités exercées.

2. Le fonctionnaire est tenu de démontrer, avant sa première promotion après recrutement, sa capacité à travailler dans une troisième langue parmi celles visées à l’article 314 du traité CE. Les institutions arrêtent d’un commun accord les dispositions communes d’exécution du présent paragraphe. Ces dispositions prévoient l’accès à la formation des fonctionnaires dans une troisième langue et fixent les modalités de l’évaluation de la capacité des fonctionnaires à travailler dans une troisième langue, conformément à l’article 7, paragraphe 2, [sous] d), de l’annexe III. »

48      Aux termes de l’article 7 de l’annexe III du statut :

« 1. Les institutions, après consultation du comité du statut, confient à l’[Office de sélection du personnel des Communautés européennes (EPSO)], ci-après dénommé ‘Office’, la responsabilité de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’application de normes uniformes dans les procédures de sélection des fonctionnaires des Communautés et dans les procédures d’évaluation et d’examen visées aux articles 45 et 45 bis du statut.

2. Les tâches de l’Office sont les suivantes :

[…]

d)      assumer la responsabilité générale de la définition et de l’organisation de l’évaluation des capacités linguistiques afin de garantir l’application harmonisée et cohérente des conditions établies à l’article 45, paragraphe 2.

[…] »

49      Aux termes de l’article 11 de l’annexe XIII du statut :

« L’article 45, paragraphe 2, ne s’applique pas aux promotions qui prennent effet avant le 1er mai 2006. »

50      Il ressort des dispositions précitées que le législateur, en prévoyant, à l’article 45, paragraphe 2, du statut, l’obligation pour le fonctionnaire de démontrer, avant sa première promotion, sa capacité à travailler dans une troisième langue, a assorti cette nouvelle obligation de certaines garanties relatives à sa mise en œuvre.

51      En premier lieu, le législateur a entendu garantir une application uniforme de la nouvelle obligation statutaire dans les différentes institutions. C’est pourquoi la deuxième phrase de l’article 45, paragraphe 2, du statut charge les institutions d’arrêter d’un commun accord les dispositions communes d’exécution de ce paragraphe. C’est également à cette fin que l’article 7 de l’annexe III du statut confie à l’EPSO, d’une part, « la responsabilité de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’application de normes uniformes […] dans les procédures d’évaluation et d’examen visées aux articles 45 et 45 bis du statut » et, d’autre part, la tâche d’« assumer la responsabilité générale de la définition et de l’organisation de l’évaluation des capacités linguistiques afin de garantir l’application harmonisée et cohérente des conditions établies à l’article 45, paragraphe 2 ». Ainsi, une institution ne peut faire application de l’article 45, paragraphe 2, du statut selon des modalités déterminées par elle seule.

52      En deuxième lieu, le législateur a explicitement lié, dans le libellé même de l’article 45, paragraphe 2, du statut, la nouvelle obligation statutaire à la possibilité pour les fonctionnaires d’accéder à la formation dans une troisième langue et à la fixation des modalités de l’évaluation de la capacité des fonctionnaires à travailler dans cette troisième langue.

53      En troisième lieu, le législateur, pour garantir que les fonctionnaires ne se verraient pas imposer la nouvelle obligation statutaire sans période de transition, a expressément exclu que l’article 45, paragraphe 2, puisse s’appliquer aux promotions prenant effet avant le 1er mai 2006, ainsi qu’il ressort de l’article 11 de l’annexe XIII du statut. Ainsi, même à supposer que les dispositions communes d’exécution de l’article 45, paragraphe 2, du statut aient été adoptées avant le 1er mai 2006, cet article n’aurait pu devenir applicable aux promotions prenant effet avant cette date. Contrairement à ce que soutient la Commission, l’article 11 de l’annexe XIII du statut ne saurait être interprété comme imposant aux institutions de faire application de l’article 45, paragraphe 2, du statut aux promotions prenant effet après le 1er mai 2006, sans attendre l’entrée en vigueur des dispositions communes d’exécution. En effet, une telle interprétation de l’article 11 de l’annexe XIII du statut n’est pas autorisée par son libellé. En outre l’interprétation a contrario de cet article que fait valoir la Commission ne saurait être admise. En effet, elle suppose que cette dernière disposition soit prise isolément. Or, l’article 11, de l’annexe XIII du statut ne peut qu’être interprété à la lumière de l’article 45, paragraphe 2, du statut, duquel il ressort une volonté clairement exprimée par le législateur d’instituer des conditions particulières de mise en œuvre de l’obligation incombant aux fonctionnaires de démontrer leur capacité à travailler dans une troisième langue avant leur première promotion.

54      Il résulte de ce qui précède que l’article 45, paragraphe 2, du statut, d’une part, n’était pas immédiatement applicable, le législateur ayant, en toute hypothèse, exclu son application aux promotions prenant effet avant le 1er mai 2006, d’autre part, ne pouvait être appliqué dans les conditions requises par le législateur avant l’entrée en vigueur de dispositions communes d’exécution, arrêtées d’un commun accord par les institutions.

55      Or, cette réglementation commune fixant les modalités d’application de l’article 45, paragraphe 2, du statut est entrée en vigueur, conformément à son article 14, le premier jour du mois suivant celui au cours duquel le commun accord des institutions a été constaté par décision du président de la Cour de justice en date du 15 décembre 2006, à savoir le 1er janvier 2007. Par suite, l’article 45, paragraphe 2, du statut n’est devenu applicable aux promotions, conformément audit paragraphe et à l’intention du législateur, qu’à compter de cette dernière date.

56      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments opposés par la Commission.

57      En premier lieu, la Commission soutient, en se référant au point 52 de l’arrêt De Smedt/Commission, précité, que le principe de la hiérarchie des normes requiert qu’il soit fait application d’une disposition statutaire quand bien même la réglementation commune qui en précise les modalités de mise en œuvre ne serait pas entrée en vigueur. À cet égard, le Tribunal observe, d’abord, que le point 52 de l’arrêt De Smedt/Commission, précité, qui a jugé que le titre IV du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après le « RAA ») était d’applicabilité immédiate, n’a pas la portée générale que lui prête la Commission. Ensuite, les dispositions dont le Tribunal a interprété la portée dans cet arrêt, diffèrent de celles en cause ici, tant par leur objet et leur libellé, que par leurs conditions juridiques et pratiques d’application. En outre, il n’est en rien contraire à la hiérarchie des normes de considérer que le statut, norme supérieure, fait obstacle par son libellé même, à l’applicabilité autonome de son article 45, paragraphe 2, en l’absence des dispositions prévues pour son exécution. C’est précisément le respect des dispositions expresses de cette norme supérieure qui aurait dû conduire la Commission à ne pas faire application de l’article 45, paragraphe 2, du statut avant l’entrée en vigueur de ses dispositions communes d’exécution. Enfin, à la différence du titre IV du RAA, l’applicabilité autonome de l’article 45, paragraphe 2, du statut ne pouvait être justifiée par la nécessité d’assurer la continuité de l’action administrative.

58      En deuxième lieu, la Commission a objecté à l’audience que le Tribunal avait jugé, dans son arrêt du 31 janvier 2008, Buendía Sierra/Commission (F‑97/05, non encore publié au Recueil), que l’article 45 du statut était immédiatement applicable dès l’entrée en vigueur, le 1er mai 2004, du règlement n° 723/2004. Cependant, le Tribunal a seulement jugé dans cet arrêt que l’article 45, paragraphe 1, du statut était immédiatement applicable, en l’absence de dispositions dérogeant au principe de l’applicabilité immédiate des règles nouvelles. Tel n’est pas le cas, en revanche, de l’article 45, paragraphe 2, du statut, ainsi qu’il a été exposé au point 54 du présent arrêt.

59      En troisième lieu, si la jurisprudence reconnaît effectivement à l’AIPN, comme le fait valoir la Commission, le pouvoir d’adopter des décisions en matière de promotion selon la méthode qu’elle juge la plus appropriée, ledit pouvoir s’exerce dans le cadre du statut, des principes du droit communautaire et sous le contrôle du juge. Or, l’article 7 de l’annexe III du statut, auquel renvoie l’article 45, paragraphe 2, du statut, confie non à l’AIPN mais à l’EPSO la responsabilité d’organiser la formation dans une troisième langue et l’évaluation de la capacité des fonctionnaires à travailler dans cette troisième langue. Par conséquent, le pouvoir autonome d’organisation de la Commission ne pouvait trouver à s’appliquer en l’espèce. En outre, s’il appartenait à la Commission de prévoir, conformément à la marge d’appréciation dont elle dispose pour déterminer les modalités de promotion de ses fonctionnaires, que les compétences linguistiques seraient prises en considération dans les décisions de promotion, comme l’article 45, paragraphe 1, du statut le lui imposait, cette marge d’appréciation ne pouvait aller jusqu’à autoriser la Commission à décider, seule, de l’applicabilité de la lex specialis qu’est l’article 45, paragraphe 2, du statut. C’est donc à tort que la Commission a estimé, en vertu de son pouvoir autonome d’organisation, pouvoir organiser dès 2006, de son propre chef et selon des modalités qui lui étaient particulières, la formation et l’évaluation dans une troisième langue pour ceux de ses fonctionnaires susceptibles de bénéficier de leur première promotion en 2006, dans le but de leur appliquer l’exigence prévue à l’article 45, paragraphe 2, du statut.

60      En quatrième lieu, la Commission a exposé à l’audience qu’il aurait été discriminatoire de ne pas faire application de l’article 45, paragraphe 2, du statut au requérant en 2006. Dans ce cas, ce dernier, qui n’avait pas démontré sa capacité à travailler dans une troisième langue, aurait, en effet, été promu, c’est-à-dire qu’il se serait vu traiter de la même manière que les fonctionnaires ayant démontré leur capacité à travailler dans une troisième langue.

61      Toutefois, ce n’est qu’à compter du 1er janvier 2007, date à laquelle les dispositions de l’article 45, paragraphe 2, du statut sont devenues applicables, que le requérant s’est trouvé dans une situation différente de celle des fonctionnaires maîtrisant une troisième langue au regard des possibilités d’obtenir une première promotion. Avant cette date, la maîtrise d’une troisième langue ne constituait pas une condition à laquelle la première promotion d’un fonctionnaire était nécessairement subordonnée. Par conséquent, la Commission ne peut faire valoir que le requérant se trouvait, à la date de la décision litigieuse, dans une situation différente de celle des fonctionnaires promus. Par suite, l’institution n’est pas fondée à soutenir qu’une éventuelle promotion du requérant au cours de l’exercice de promotion 2006 aurait été discriminatoire.

62      En cinquième et dernier lieu, la Commission fait valoir qu’il serait inadmissible qu’une disposition, adoptée par le législateur communautaire dans l’intérêt d’un meilleur fonctionnement des institutions européennes, puisse être tenue en échec du seul fait qu’une institution tarde à marquer son accord sur une réglementation commune. Il est vrai qu’il serait dommageable à la volonté du législateur et au devoir de coopération loyale entre les institutions qu’une institution puisse ainsi retarder, voire faire obstacle à l’application d’une disposition statutaire. Toutefois, en tout état de cause, la Commission, qui a pour sa part adopté la réglementation commune le 19 juillet 2006, a admis à l’audience que le délai dans lequel le commun accord des institutions sur ladite réglementation avait pu être constaté par le président de la Cour de justice, le 15 décembre 2006, n’était pas déraisonnable. Le risque de paralysie et d’obstruction invoqué par la Commission ne s’est donc pas manifesté lors de la mise en œuvre de l’article 45, paragraphe 2, du statut.

63      Il résulte de tout ce qui précède que la décision litigieuse a été prise à tort en application des dispositions, non applicables à l’exercice de promotion 2006, de l’article 45, paragraphe 2, du statut.

64      Dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, il y a lieu d’annuler ladite décision.

 Sur les conclusions indemnitaires

 Arguments des parties

65      Le requérant soutient que le fait d’avoir été illégalement privé d’une promotion en 2006 est constitutif d’une faute de service qui lui a causé des préjudices matériel, moral et de carrière qu’il évalue, à titre provisoire, à 25 000 euros. Il présente également comme constitutif de son préjudice moral le stress et l’inquiétude éprouvés du fait d’avoir été contraint de passer des tests linguistiques dans une troisième langue sans disposer du temps suffisant pour s’y préparer, ainsi que le temps et l’énergie dépensés depuis pour atteindre le niveau requis dans cette langue. Ces efforts auraient eu une influence négative sur son travail à la Commission. Il aurait même été rétrogradé au motif qu’il consacrait trop de temps à sa formation linguistique. Il allègue enfin avoir été privé de la possibilité de postuler à des emplois seulement accessibles aux fonctionnaires détenant le grade auquel il aurait dû être promu en 2006.

66      La Commission estime n’avoir commis aucune illégalité susceptible d’avoir porté préjudice au requérant.

 Appréciation du Tribunal

67      En premier lieu, en ce qui concerne la demande de réparation du préjudice matériel, le requérant ne saurait obtenir du Tribunal l’indemnisation du retard de carrière résultant de l’illégalité de la décision litigieuse.

68      En effet, l’annulation de ladite décision prononcée par le présent arrêt implique que la Commission prenne, en application de l’article 233 CE, les mesures d’exécution de la chose jugée, le cas échéant des mesures reconstituant avec effet rétroactif la carrière du requérant. Ce sont ces mesures d’exécution, que l’administration devra adopter pour se conformer à l’autorité de la chose jugée, qui permettront de rétablir le requérant dans ses droits (pour un exemple de mesures d’exécution de la chose jugée, arrêt du Tribunal de première instance du 15 mars 2007, Katalagarianakis/Commission, T‑402/03, non encore publié au Recueil, points 105 et 106).

69      Compte tenu des spécificités du présent litige et de la jurisprudence récente de la Cour de justice sur le pouvoir de pleine juridiction du juge communautaire de la fonction publique, le Tribunal s’est interrogé sur le point de savoir s’il était habilité à préciser quelles conséquences nécessaires s’attachaient à la chose jugée par le présent arrêt. En effet, s’il est de jurisprudence constante qu’il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’administration, en substituant son appréciation à celle de l’AIPN (voir notamment, à propos des conséquences de l’annulation d’un refus de promotion, arrêt de la Cour du 3 avril 2003, Parlement/Samper, C‑277/01 P, Rec. p. I‑3019, points 35 et 44), la Cour de justice a rappelé que le Tribunal peut exercer, dans certaines hypothèses, en vertu de l’article 91, paragraphe 1, du statut, un pouvoir de pleine juridiction. Ce pouvoir peut l’habiliter à donner aux litiges à caractère pécuniaire dont il est saisi une solution complète, en statuant sur les droits et obligations du fonctionnaire (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 18 décembre 2007, Weißenfels/Parlement, C‑135/06 P, Rec. p. I‑12041, points 64 à 68).

70      Dans le présent litige, même s’il est saisi de conclusions tendant à voir reconnaître que la responsabilité de l’administration est engagée et pouvant l’habiliter à exercer un tel pouvoir de pleine juridiction, le Tribunal estime, en tout état de cause, ne pas être en mesure de conclure lui-même que le requérant devrait être promu, avec effet rétroactif, au 1er mai 2006. Certes, le système de promotion introduit à la Commission, fondé sur la logique dite du « sac à dos », a pour effet de reconnaître une chance sérieuse de promotion aux fonctionnaires, tel le requérant, qui justifient détenir l’ancienneté requise et un nombre de points dépassant le seuil de promotion. En outre, le Tribunal juge, par le présent arrêt, que la condition supplémentaire requise pour être promu, tenant à la maîtrise d’une troisième langue, ne pouvait légalement être imposée au requérant en 2006 et faire obstacle à sa promotion lors de cet exercice. Toutefois, il ne saurait être exclu que d’autres considérations, dont le Tribunal n’a pas connaissance, puissent s’opposer à la promotion du requérant avec effet rétroactif, par exemple le fait que le nombre de fonctionnaires promouvables en 2006 et ayant atteint le seuil de promotion dépassait le nombre de promotions budgétairement possibles. En outre et en tout état de cause, le requérant n’a pas conclu à ce que la Commission soit, sur le fondement de l’article 91, paragraphe 1, du statut et de l’article 233 CE, condamnée à adopter une décision rétroactive de promotion.

71      Le Tribunal ne peut donc considérer que l’annulation de la décision litigieuse implique la promotion avec effet rétroactif du requérant. Le Tribunal ne peut davantage prononcer, d’ores et déjà, une condamnation pécuniaire de la Commission, qui se substituerait voire s’ajouterait aux mesures qu’il appartient en toute hypothèse à la Commission d’adopter en vertu de l’article 233 CE.

72      Par conséquent, le requérant n’est pas fondé à demander réparation des préjudices matériel et de carrière allégués, dès lors que l’exécution du présent arrêt doit y pourvoir.

73      Il est vrai que le préjudice de carrière résultant d’une rétrogradation dont le requérant aurait fait l’objet au motif qu’il consacrait trop de temps à sa formation linguistique ne saurait être réparé par l’exécution du présent arrêt. Néanmoins, à défaut de toute précision et justification permettant d’en apprécier la réalité, le requérant ne saurait obtenir la réparation de ce préjudice.

74      Les conclusions indemnitaires doivent donc être rejetées en tant qu’elles concernent les préjudices matériels et de carrière.

75      En second lieu, le préjudice moral invoqué n’est pas davantage susceptible d’être indemnisé.

76      Tel qu’il est présenté dans la requête, ce préjudice se compose de deux chefs de préjudice distincts : premièrement, le préjudice moral causé par l’illégalité même de la décision litigieuse et, deuxièmement, le préjudice moral consistant, d’abord, dans le stress et l’inquiétude occasionnés par le fait d’avoir été contraint de passer des tests dans une troisième langue sans avoir disposé, à défaut d’en avoir été informé en temps utile, d’un temps suffisant pour s’y préparer et, ensuite, dans le temps et l’énergie dépensés depuis en vue d’atteindre le niveau requis dans la troisième langue.

77      En ce qui concerne le premier chef de préjudice moral allégué, résultant de l’illégalité de la décision litigieuse, il est de jurisprudence constante qu’un tel préjudice est en principe suffisamment réparé par la constatation par le juge de ladite illégalité (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 20 septembre 1990, Hanning/Parlement, T‑37/89, Rec. p. II‑463, point 83, et du 6 juin 2006, Girardot/Commission, T‑10/02, RecFP p. I‑A‑2‑129 et  II‑A‑2‑609, point 131). Le requérant n’est donc pas fondé à en obtenir réparation.

78      Quant au second chef de préjudice moral allégué, il ne présente pas un caractère certain, à supposer même qu’il puisse être regardé comme un préjudice. En effet, le fait pour le requérant d’avoir suivi des formations intensives et subi des tests dans une troisième langue dès 2006, y compris dans des conditions quelque peu stressantes, et d’avoir depuis poursuivi ses efforts afin d’être en mesure de travailler dans cette langue est susceptible de lui procurer à terme un avantage dans le déroulement de sa carrière, dans la mesure où l’article 45, paragraphe 1, du statut invite l’AIPN a prendre particulièrement en considération, pour décider de toute promotion, « l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont [les fonctionnaires] ont justifié posséder une connaissance approfondie ».

79      Il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires doivent également être rejetées en tant qu’elle visent à obtenir la réparation d’un préjudice moral.

 Sur les dépens

80      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et aux frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

81      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé pour l’essentiel dans la présente instance, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens et ceux du requérant, conformément aux conclusions du requérant en ce sens.

82      En application de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, le Conseil, partie intervenante, supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission des Communautés européennes de ne pas inscrire le nom de M. Collotte sur la liste des fonctionnaires promus au grade A*12 au titre de l’exercice de promotion 2006 est annulée.

2)      Le surplus des conclusions du recours est rejeté.

3)      La Commission des Communautés européennes est condamnée à supporter ses dépens et les dépens du requérant.

4)      Le Conseil de l’Union européenne supporte ses propres dépens.

Mahoney

Kanninen

Gervasoni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 décembre 2008.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       P. Mahoney

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : le français.