Language of document : ECLI:EU:T:2024:247

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 16 février 2023 (1) (i)

Affaire C756/21

X

contre

International Protection Appeals Tribunal,

Minister for Justice and Equality,

Ireland,

Attorney General

[demande de décision préjudicielle formée par la High Court (Haute Cour, Irlande)]

« Renvoi préjudiciel – Conditions d’octroi du statut de réfugié – Demande de protection subsidiaire – Évaluation des demandes de protection internationale – Devoir de coopération de l’État membre avec le demandeur – Portée – Contrôle juridictionnel – Portée – Délai raisonnable pour la prise d’une décision – Méconnaissance – Conséquences – Crédibilité générale d’un demandeur – Critères d’évaluation »






I.      Introduction

1.        La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4 de la directive 2004/83/CE (2) ainsi que des articles 8 et 23 de la directive 2005/85/CE (3).

2.        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un pourvoi formé par le requérant au principal, X, un ressortissant d’un pays tiers, contre la décision de l’International Protection Appeals Tribunal (tribunal d’appel pour la protection internationale, Irlande, ci-après l’« IPAT »), par laquelle celui-ci a rejeté ses recours contre les décisions de rejet de ses demandes d’asile et de protection subsidiaire. Le litige oppose le requérant au principal à l’IPAT, au Minister for Justice and Equality (ministre de la Justice et de l’Égalité, Irlande), à l’Irlande et à l’Attorney General (procureur général, Irlande) (ci-après, ensemble, les « intimés »).

3.        La High Court (Haute Cour, Irlande) soulève sept questions préjudicielles qui s’articulent autour de trois problématiques concernant, la première, la portée du devoir de coopération de l’autorité responsable de la détermination avec le demandeur de protection internationale et les conséquences à tirer d’une éventuelle violation de ce devoir ; la deuxième, les conséquences de l’absence de prise de décision sur les demandes d’asile et de protection internationale dans un délai raisonnable et, la troisième, l’impact, sur la crédibilité générale d’un demandeur, d’une déclaration mensongère présentée dans sa demande initialement, celui-ci ayant ensuite rétracté cette déclaration à la première occasion après s’en être expliqué.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit international

4.        En vertu de l’article 1er, section A, paragraphe 2, premier alinéa, de la convention relative au statut des réfugiés (4), le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui, « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle [...], ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

B.      Le droit de l’Union

5.        Outre certaines dispositions de droit primaire, à savoir les articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), l’article 4 et l’article 15, sous c), de la directive 2004/83 (5) ainsi que l’article 8, paragraphes 2 et 3, l’article 23, paragraphes 1 et 2, et l’article 39, paragraphe 1, sous a), de la directive 2005/85 (6) sont pertinents dans le cadre de la présente affaire.

III. Le litige au principal et les questions préjudicielles

6.        Le requérant au principal est un ressortissant pakistanais qui est entré en Irlande le 1er juillet 2015, après avoir séjourné au Royaume-Uni de 2011 à 2015 sans présenter de demande de protection internationale.

7.        Le 2 juillet 2015, le requérant au principal a déposé en Irlande une demande d’octroi du statut de réfugié. Cette demande initialement fondée sur une déclaration mensongère que le requérant au principal a ensuite rétractée, s’appuyait sur le fait qu’il s’était trouvé à proximité immédiate de l’explosion d’une bombe lors d’un attentat terroriste ayant eu lieu lors de funérailles au Pakistan et ayant tué une quarantaine de personnes, dont deux qu’il connaissait. Le requérant affirmait avoir été profondément affecté par cet événement, de sorte qu’il avait peur de vivre au Pakistan et craignait de subir des atteintes graves s’il y était renvoyé. Il déclarait souffrir d’anxiété, de dépression et de troubles du sommeil. Sa demande a été rejetée le 14 novembre 2016 par l’Office of the Refugee Applications Commissioner (service du commissaire chargé des demandes des réfugiés, Irlande).

8.        Le 2 décembre 2016, le requérant au principal a introduit devant le Refugee Appeals Tribunal (tribunal d’appel des réfugiés, Irlande) un recours contre cette décision. La procédure relative à ce recours a été suspendue en raison de modifications législatives intervenues le 31 décembre 2016, du fait de l’entrée en vigueur de l’International Protection Act 2015 (loi de 2015 sur la protection internationale) qui a unifié les différentes procédures de protection internationale prévues antérieurement et a créé, notamment, l’International Protection Office (Office de la protection internationale, Irlande, ci-après l’« IPO ») et l’IPAT.

9.        Le 13 mars 2017, le requérant au principal a déposé une demande de protection subsidiaire, qui a été rejetée par l’IPO. Le 13 février 2018, il a formé un recours contre cette décision devant l’IPAT.

10.      Par décision du 7 février 2019, l’IPAT a rejeté les deux recours.

11.      Le 7 avril 2019, le requérant au principal a formé un pourvoi devant la High Court (Haute Cour) en demandant l’annulation de cette décision de l’IPAT.

12.      À l’appui de ce recours, le requérant au principal a fait valoir, premièrement, que les informations sur le pays d’origine consultées par l’IPAT, datant de 2015 à 2017, étaient incomplètes et dépassées, de sorte que l’IPAT n’a pas tenu compte de la situation prévalant au Pakistan au moment de l’adoption de la décision du 7 février 2019. En outre, l’IPAT n’aurait pas examiné de manière appropriée les informations dont il disposait.

13.      Deuxièmement, le délai pour statuer sur la demande du 2 juillet 2015 serait manifestement déraisonnable et porterait atteinte au principe d’effectivité, à l’article 47 de la Charte et aux normes minimales établies par le droit de l’Union.

14.      Troisièmement, l’IPAT aurait été informé de l’état de santé mentale du requérant au principal, mais aurait omis de s’assurer qu’il disposait de tous les éléments de preuve nécessaires pour pouvoir statuer correctement sur les demandes. En particulier, ce tribunal aurait dû demander une expertise médico-légale, utilisée généralement au soutien de la demande d’asile d’une personne ayant subi des actes de torture, voire une autre expertise sur son état de santé mentale.

15.      Quatrièmement, en ce qui concerne d’autres éléments pertinents pour sa demande, le requérant au principal ne se serait pas vu accorder le bénéfice du doute, alors même que son état de santé mentale n’aurait pas été dûment constaté et pris en considération. Ainsi, certains éléments pertinents de son argumentation n’auraient pas été vérifiés ou auraient été méconnus et il n’y aurait eu aucune coopération entre lui et les institutions compétentes, notamment en ce qui concerne ladite expertise médico-légale.

16.      Cinquièmement, dans les circonstances de l’affaire, caractérisées par le fait que le requérant au principal a admis que son récit antérieur des événements était faux et qu’il existerait une possibilité qu’il souffre de problèmes de santé mentale, il serait déraisonnable de conclure que celui-ci n’est pas crédible en ce qui concerne des aspects essentiels de son argumentation.

17.      La High Court (Haute Cour) estime, tout d’abord, que l’IPAT a manqué à son devoir de coopération en ce qu’il ne s’est pas procuré les informations adéquates sur le pays d’origine ni d’expertise médico-légale. Elle se demande toutefois si l’IPAT était tenu, en vertu du droit de l’Union, de se procurer une telle expertise et s’il est compatible avec le droit de l’Union d’exiger, conformément au droit national, que le requérant au principal établisse, afin d’obtenir l’annulation de la décision de l’IPAT, l’existence d’un préjudice découlant de ce manquement.

18.      Cette juridiction se demande, ensuite, quelles conséquences elle doit tirer du fait que plus de trois ans et demi se sont écoulés entre le dépôt de la demande du 2 juillet 2015 et l’adoption de la décision de l’IPAT le 7 février 2019, délai de décision qu’elle considère comme déraisonnable.

19.      Enfin, la juridiction de renvoi éprouve des doutes quant au fait qu’une unique déclaration mensongère, que le requérant au principal a rétractée à la première occasion après s’en être expliqué, puisse justifier la mise en cause de la crédibilité générale de celui-ci.

20.      C’est dans ce contexte que, par décision du 23 novembre 2021, parvenue au greffe de la Cour le 9 décembre 2021, la High Court (Haute Cour) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Dans le cas où, dans le cadre d’une demande de protection subsidiaire d’un demandeur, il y a eu une violation totale du devoir de coopération décrit au point 66 de [l’arrêt M. (7)], l’examen de cette demande a-t-il été privé “de tout effet utile” au sens pris en compte dans [l’arrêt Commission/Allemagne (8)] ?

2)      Si la [première question] appelle une réponse affirmative, la violation susmentionnée du devoir de coopération ouvre-t-elle à elle seule, en faveur de ce demandeur, un droit à l’annulation de la décision ?

3)      Si la [deuxième question] appelle une réponse négative, qui supporte, le cas échéant, la charge d’établir que la décision de rejet aurait pu être différente s’il y avait eu une coopération adéquate de la part du décideur ?

4)      Le fait de ne pas adopter de décision sur la demande de protection internationale d’un demandeur dans un délai raisonnable ouvre-t-il, en faveur de celui-ci, un droit à l’annulation d’une décision lorsqu’elle est rendue ?

5)      Le temps pris pour opérer des modifications au cadre applicable à la protection des demandeurs d’asile dans un État membre a-t-il pour effet de dispenser cet État membre d’appliquer un système de protection internationale qui aurait assuré qu’une décision soit adoptée sur une telle demande de protection dans un délai raisonnable ?

6)      Lorsqu’un décideur en matière de protection internationale ne dispose pas de preuves suffisantes quant à l’état de santé mentale d’un demandeur, mais qu’il est en présence de certains éléments établissant la possibilité que le demandeur souffre de problèmes de cet ordre, ce décideur a-t-il, conformément au devoir de coopération mentionné dans l’[arrêt M. (point 66)], ou à un autre titre, le devoir de procéder à des investigations complémentaires, ou tout autre devoir, avant de parvenir à une décision finale ?

7)      Lorsqu’un État membre s’acquitte du devoir d’évaluer les éléments pertinents d’une demande, qui lui incombe en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive [2004/83], est-il permis de déclarer que la crédibilité générale du demandeur n’a pas été établie, et ce du fait d’un seul mensonge, expliqué et rétracté par la suite à la première occasion raisonnablement à sa disposition, sans autre élément à cet égard ? »

IV.    La procédure devant la Cour

21.      La juridiction de renvoi a demandé que la présente affaire soit soumise à la procédure préjudicielle d’urgence prévue à l’article 107 du règlement de procédure de la Cour.

22.      Le 17 décembre 2021, la première chambre de la Cour a décidé, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, qu’il n’y avait pas lieu de donner suite à cette demande.

23.      Des observations écrites ont été présentées par le requérant au principal, les intimés, les gouvernements allemand et néerlandais, ainsi que par la Commission européenne. Le requérant au principal, le gouvernement irlandais ainsi que la Commission ont pris part à l’audience qui s’est tenue le 16 novembre 2022.

24.      Par une demande d’éclaircissements du 20 septembre 2022, la Cour a invité la juridiction de renvoi à préciser la législation applicable et le rôle déféré à l’IPAT. Cette juridiction a répondu par acte du 21 octobre 2022.

V.      Sur la recevabilité

25.      Les intimés contestent la recevabilité des sept questions préjudicielles.

26.      Premièrement, ils affirment que la première question a un caractère hypothétique, dans la mesure où elle repose sur une prémisse non étayée par la juridiction de renvoi, et cela pour deux raisons. D’une part, contrairement à ce que suggère le libellé de cette question, la juridiction de renvoi n’aurait pas constaté une « violation totale du devoir de coopération » et n’aurait pas pu effectuer une telle constatation sur la base des faits de l’affaire. D’autre part, ladite question inviterait la Cour à rendre une décision déterminante sur les faits de l’espèce, ce qui ne serait pas de son ressort. Selon les intimés, ces considérations valent également pour les deuxième et troisième questions, en raison de leur lien avec la première question.

27.      Deuxièmement, les intimés soutiennent que les quatrième et cinquième questions sont également hypothétiques, étant donné que la juridiction de renvoi n’a pas constaté un manquement à l’obligation de rendre une décision dans un délai raisonnable.

28.      Troisièmement, les intimés sont d’avis que la sixième question n’est pas nécessaire à la solution du litige au principal, étant donné que l’IPAT a tenu compte des preuves médicales fournies par le requérant au principal, sans les mettre en cause.

29.      Enfin, quatrièmement, les intimés font valoir que la septième question a un caractère hypothétique et ne doit donc pas recevoir de réponse, dans la mesure où le requérant au principal a précisé ne pas contester les conclusions de l’IPAT relatives à sa crédibilité et où, contrairement à ce que laisserait entendre la formulation de cette question, la déclaration mensongère n’a pas été le seul élément ayant conduit l’IPAT à considérer que la crédibilité du requérant au principal n’était pas établie. À cet égard, d’autres éléments pertinents concernaient le fait que celui-ci n’aurait mentionné que très tardivement des éléments clés relatifs aux événements passés et n’aurait pas demandé la protection internationale dans sa demande initiale.

30.      Ces objections n’emportent pas ma conviction.

31.      Je rappelle qu’il est de jurisprudence constante que la demande de décision préjudicielle est irrecevable s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (9).

32.      Dans ce contexte, on peut difficilement affirmer que les questions préjudicielles n’ont aucun rapport avec la réalité, sont hypothétiques ou ne fournissent pas les éléments de fait nécessaires.

33.      En l’occurrence, s’agissant du caractère prétendument hypothétique des première, deuxième, troisième et sixième questions, il est certes vrai que les éléments de fait relatés par la juridiction de renvoi ne sont pas des indices d’une « violation totale du devoir de coopération » par l’IPAT (10). Cependant, il ressort de ces questions que la juridiction de renvoi s’interroge précisément sur la question de savoir si ces faits correspondent à une violation du devoir de coopération des autorités compétentes avec le demandeur et sur les conséquences qu’elle doit, le cas échéant, tirer d’une telle constatation, eu égard aux limites que le droit national impose à ces autorités (11).

34.      En ce qui concerne les quatrième et cinquième questions, le fait que la juridiction de renvoi n’a pas encore constaté un manquement à l’obligation de rendre une décision dans un délai raisonnable mais qu’elle envisage de le faire n’est pas non plus une raison suffisante pour conclure, en l’espèce, qu’il s’agit de questions hypothétiques.

35.      En outre, il ressort de la décision de renvoi que la sixième question porte sur l’obligation éventuelle d’obtenir une expertise médico-légale complémentaire à celles fournies par le requérant au principal. Le fait que l’IPAT a tenu compte des preuves médicales présentées par l’intéressé, sans les mettre en cause, est sans rapport avec cette obligation et ne saurait remettre en cause la pertinence de cette question.

36.      S’agissant, enfin, de la septième question, il convient de relever que les intimés contestent les constatations factuelles de la juridiction de renvoi ainsi que son appréciation de la pertinence de cette question pour la résolution du litige au principal. Or, il revient non pas à la Cour mais à la juridiction de renvoi de constater et d’apprécier les faits relatifs à la crédibilité du requérant au principal.

37.      En résumé, c’est à la juridiction de renvoi qu’il incombe d’identifier les enjeux juridiques d’une affaire qui appelle l’interprétation du droit de l’Union.

38.      Partant, il convient de considérer les questions préjudicielles comme étant recevables et de les analyser au fond.

VI.    Sur le fond

A.      Considérations générales sur  l’interprétation des directives 2004/83 et 2005/85

39.      Il me semble utile, avant d’aborder l’examen des questions préjudicielles, de rappeler brièvement le cadre dans lequel s’insèrent les directives 2004/83 et 2005/85.

40.      En premier lieu, je voudrais relever qu’il ressort du considérant 3 de la directive 2004/83 que la convention de Genève constitue la pierre angulaire du régime juridique international de protection des réfugiés. De même, il ressort des considérants 16 et 17 de cette directive que les dispositions relatives aux conditions d’octroi du statut de réfugié ainsi qu’au contenu de ce dernier ont été adoptées pour aider les autorités compétentes des États membres à appliquer cette convention en se fondant sur des notions et des critères communs (12). En outre, s’agissant de la directive 2005/85, il ressort de ses considérants 2, 3, 5 et 7 qu’elle établit un cadre commun des garanties permettant d’assurer le plein respect de ladite convention. L’article 33 de cette dernière consacre le principe de non-refoulement. Ce principe est garanti en tant que droit fondamental à l’article 18 et à l’article 19, paragraphe 2, de la Charte (13).

41.      Il s’ensuit que l’interprétation des dispositions des directives 2004/83 et 2005/85 doit être effectuée à la lumière de l’économie générale et de la finalité de chacune de ces directives, dans le respect de la convention de Genève et des autres traités pertinents visés à l’article 78, paragraphe 1, TFUE (14). En outre, cette interprétation doit également se faire, ainsi qu’il ressort du considérant 10 de la directive 2004/83 et du considérant 8 de la directive 2005/85, dans le respect des droits reconnus par la Charte (15).

42.      En second lieu, je voudrais également relever que tandis que l’objet de la directive 2004/83 est d’établir des normes minimales concernant les conditions que doivent remplir les ressortissants de pays tiers pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, et le contenu de cette protection, celui de la directive 2005/85 est d’établir des normes minimales concernant les procédures d’examen des demandes tout en précisant les droits des demandeurs d’asile.

43.      C’est dans ce contexte que j’aborderai les questions posées par la juridiction de renvoi. J’examinerai tout d’abord la portée du devoir de coopération de l’autorité responsable de la détermination avec le demandeur de protection internationale, au sens de l’article 4 de la directive 2004/83, ainsi que les conséquences à tirer d’une éventuelle violation de ce devoir (section B). Je me pencherai ensuite sur les conséquences de l’absence de prise de décision sur les demandes d’asile et de protection internationale dans un délai raisonnable au regard de l’article 23 de la directive 2005/85 (section C). Enfin, j’examinerai la question relative à la crédibilité générale d’un demandeur (section D).

B.      Sur la portée du devoir de coopération et les conséquences de sa violation (première, deuxième, troisième et sixième questions)

44.      Par ses première, deuxième, troisième et sixième questions, auxquelles je propose de répondre conjointement, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si le devoir de coopération prévu à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2004/83 impose à l’autorité responsable de la détermination d’obtenir des informations actualisées sur le pays d’origine d’un demandeur d’asile et de protection internationale et, lorsqu’il existe des indices de problèmes de santé mentale résultant potentiellement d’un événement traumatisant survenu dans ce pays, une expertise médico-légale sur sa santé mentale. Elle s’interroge, en outre, sur le point de savoir si la violation de cette obligation peut, à elle seule, conduire à l’annulation de la décision rejetant ces demandes ou s’il peut être imposé au demandeur de démontrer que la décision aurait pu être différente en l’absence d’une telle violation.

45.      Il me semble que la réponse à ces questions peut être obtenue en examinant la signification de l’exigence de coopération à la charge de l’État membre, au sens de l’article 4 de la directive 2004/83.

1.      Sur la signification de l’exigence de coopération à la charge de l’État membre

46.      La juridiction de renvoi relève que les informations fournies par le demandeur sur le pays d’origine n’étaient pas à jour, même à la date à laquelle le demandeur les avait produites. En particulier, dans le cadre d’une constatation cruciale dans la décision litigieuse (16), l’IPAT se réfère à une mission d’enquête autrichienne de 2015 (17) et à un rapport du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) [de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR)] de 2017 (18). Selon cette juridiction, ces éléments ne pouvaient pas, à proprement parler, être considérés comme constituant des informations actualisées sur le pays d’origine dans le cadre de cette décision, rendue le 7 février 2019 (19). Ainsi, sur la base de l’article 4 de la directive 2004/83, tel qu’interprété par la Cour dans l’arrêt M., la juridiction de renvoi considère que l’IPAT a manqué à son devoir de coopération en ce qu’il n’a pas obtenu les informations adéquates et actualisées sur le pays d’origine du demandeur.

47.      Cette approche me semble a priori raisonnable. Toutefois, il est opportun de clarifier certains éléments.

48.      Pour rappel, ainsi qu’il ressort de son intitulé, l’article 4 de la directive 2004/83 concerne l’« évaluation des faits et circonstances » d’une demande de protection internationale. Selon la Cour, cette « évaluation » se déroule en deux étapes distinctes. La première concerne l’établissement des circonstances factuelles susceptibles de constituer les éléments de preuve au soutien de la demande et la seconde, l’appréciation juridique de ces éléments, consistant à décider si, au vu des faits caractérisant un cas d’espèce, les conditions de fond prévues par les articles 9 et 10 ou 15 de la directive 2004/83 pour l’octroi d’une protection internationale sont remplies (20).

49.      Dans ce contexte se pose la question de savoir quelle est, concrètement, la signification de l’exigence de coopération avec le demandeur dans le cadre de chacune de ces deux étapes.

a)      Sur l’exigence de coopération dans le cadre de la première étape d’évaluation concernant l’établissement des circonstances factuelles

50.      Je rappelle d’emblée que, selon l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2004/83, s’il appartient normalement au demandeur de présenter tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande, il n’en demeure pas moins qu’il incombe à l’État membre concerné de coopérer avec ce demandeur au stade de la détermination des éléments pertinents de cette demande (21). Autrement dit, cette disposition impose une « obligation positive » des autorités des États membres d’agir en coopération avec le demandeur pour évaluer ces éléments (22).

51.      À cet égard, il ressort de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2004/83 que les éléments de preuve susceptibles de justifier une demande de protection internationale correspondent aux informations du demandeur et à tous les documents dont il dispose relatifs à sa situation individuelle concernant, notamment, son âge, son passé, son identité ou sa ou ses nationalité(s). Cette disposition se réfère donc à tous les éléments pertinents pour justifier la demande et, partant, concerne les informations et les documents relatifs aux circonstances factuelles du passé du demandeur, y compris ceux relatifs « [au] ou [aux] pays ainsi [qu’au] ou [aux] lieux où il a résidé auparavant ».

52.      Je rappelle également que la signification de l’exigence de coopération à la charge de l’État membre dans le cadre de cette première étape de l’évaluation a déjà été clarifiée par la Cour. Celle-ci a précisé que, si, pour quelque raison que ce soit, les éléments fournis par le demandeur d’une protection internationale ne sont pas complets, actuels ou pertinents, il est nécessaire que cet État membre coopère activement, à ce stade de la procédure, avec le demandeur pour permettre la réunion de l’ensemble des éléments de nature à étayer la demande (23). Elle a également indiqué que les autorités d’un État membre peuvent être souvent mieux placées que le demandeur pour avoir accès à certains types de documents (24).

53.      Dès lors, il est évident, à mon sens, que dans le cadre de cette première étape de l’évaluation concernant l’établissement des circonstances factuelles susceptibles de constituer les éléments de preuve au soutien de la demande, l’exigence de coopération prévue à l’article 4 de la directive 2004/83 impose à l’autorité responsable de la détermination d’obtenir des informations complètes et actualisées sur le pays d’origine d’un demandeur d’asile et de protection internationale.

54.      Cela étant dit, se pose encore la question de savoir s’il existe une telle obligation de « coopération » à la charge des autorités de l’État membre concerné dans le cadre de la seconde étape de l’évaluation.

b)      Existe-t-il une exigence de coopération dans le cadre de la seconde étape d’évaluation concernant l’appréciation juridique des éléments de preuve au soutien de la demande ?

55.      Je rappelle que l’article 4, paragraphe 3, sous a), de la directive 2004/83 prévoit, s’agissant de l’évaluation individuelle d’une demande de protection internationale, qu’il convient de procéder à cette évaluation en tenant compte notamment de tous les faits pertinents concernant le pays d’origine au moment de statuer sur la demande, y compris les lois et les règlements du pays d’origine et la manière dont ils sont appliqués.

56.      Cette évaluation individuelle de la demande est, ainsi que je l’ai déjà exposé (25), la seconde étape dans le cadre de l’« évaluation des faits et circonstances » d’une demande d’asile ou de protection internationale, au sens de l’article 4 de la directive 2004/83. Cette étape concerne l’appréciation juridique des éléments de preuve fournis à l’appui de la demande pour déterminer si ceux-ci sont effectivement de nature à remplir les conditions requises pour l’octroi du statut de réfugié ou de la protection internationale sollicités (26).

57.      Or, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, l’examen du bien-fondé de la demande relève de la seule responsabilité de l’autorité nationale compétente, de sorte que, à ce stade de la procédure, une exigence de coopération de cette autorité avec le demandeur, telle que prescrite à l’article 4, paragraphe 1, seconde phrase, de la directive 2004/83, est dépourvue de pertinence (27). À cet égard, je rappelle qu’il ressort de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2005/85 que l’autorité responsable de la détermination est chargée de procéder à un « examen approprié » des demandes à l’issue duquel elle rendra sa décision à leur sujet (28). En particulier, il ressort de l’article 8, paragraphe 2, sous b), de cette directive que les États membres veillent à ce que des informations précises et actualisées soient obtenues sur la situation générale existant dans les pays d’origine des demandeurs d’asile (29) auprès de différentes sources, telles que le HCR (30).

58.      Dès lors, je partage pleinement la position de la Commission selon laquelle il ressort de ces dispositions que, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, sous a), de la directive 2004/83, l’autorité responsable de la détermination est tenue d’aller au-delà du simple devoir de coopération avec le demandeur en ce qui concerne les informations relatives à la situation du pays d’origine. En effet, les États membres sont tenus, lorsqu’une personne remplit les conditions prévues par la directive 2004/83, d’octroyer la protection internationale sollicitée, leurs autorités ne disposant pas d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard (31). Or, étant donné que, conformément à l’article 28, paragraphe 1, de la directive 2005/85, les États membres ne peuvent considérer une demande comme étant infondée que si l’autorité responsable de la détermination a établi que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié en vertu de la directive 2004/83, cette autorité ne pourrait rejeter une demande sans effectuer un « examen approprié » de celle-ci et, donc, sans prendre en considération des informations actualisées concernant la situation existant dans le pays d’origine.

59.      En particulier, cela est d’autant plus vrai pour la condition des atteintes graves, visée à l’article 15, sous c), de la directive 2004/83, consistant en des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international, comme celles évoquées dans l’affaire au principal (32). En effet, la Cour a jugé que l’existence de ces types de menaces n’est pas subordonnée à la condition que le demandeur rapporte la preuve qu’il est visé spécifiquement en raison d’éléments propres à sa situation personnelle. Selon la Cour, le degré de violence aveugle caractérisant le conflit armé en cours est apprécié par les autorités nationales compétentes saisies d’une demande ou par les juridictions d’un État membre auxquelles une décision de rejet d’une telle demande est déférée (33). En outre, il convient de rappeler que l’appréciation de la question de savoir si les circonstances établies constituent ou non une menace telle que la personne concernée peut avec raison craindre, au regard de sa situation individuelle, d’être effectivement l’objet d’actes de persécution doit, dans tous les cas, être effectuée avec vigilance et prudence, dès lors que sont en cause des questions d’intégrité de la personne humaine et de libertés individuelles, questions qui relèvent des valeurs fondamentales de l’Union (34).

60.      Par conséquent, il résulte de ce qui précède que l’article 4, paragraphe 3, sous a), de la directive 2004/83 impose à l’autorité responsable de la détermination, dans le cadre de son obligation de procéder à un examen approprié de la demande, au sens de l’article 8, paragraphe 2, sous b), de la directive 2005/85, d’obtenir des informations précises et actualisées sur le pays d’origine d’un demandeur d’asile et de protection internationale. Autrement dit, cette autorité ne saurait se limiter à examiner des informations partielles ou obsolètes, fournies par le demandeur au soutien de sa demande, mais doit obtenir des informations actualisées.

2.      Le devoir de coopération implique-t-il, pour l’autorité responsable de la détermination, l’obligation d’obtenir une expertise médico-légale sur la santé mentale du demandeur ?

61.      La juridiction de renvoi indique que le requérant au principal avait présenté devant l’IPO un rapport médical soulignant l’existence de troubles mentaux résultant du fait de s’être trouvé à proximité immédiate de l’explosion d’une bombe lors d’un attentat terroriste dans son pays d’origine (35). Cette juridiction explique que l’IPO a fait valoir devant l’IPAT qu’un tel rapport ne permettait pas d’établir si les troubles mentaux dont souffrait le demandeur avaient ou non été causés par cette explosion. En outre, il ressort de la décision de renvoi que l’IPAT partageait cet avis et a considéré qu’une expertise médico-légale, à savoir un « rapport Spirasi », aurait effectivement pu être « d’une plus grande utilité » (36). Dès lors, la juridiction de renvoi constate que tant l’IPO que l’IPAT ont estimé que le rapport médical présenté par le requérant au principal n’était pas suffisant et qu’une expertise médico-légale aurait été pertinente.

62.      Dans ce contexte, se pose la question de savoir si le devoir de coopération institué à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2004/83 impose aux autorités nationales d’obtenir une telle expertise.

63.      En premier lieu, s’agissant de la première étape de l’évaluation concernant l’établissement des circonstances factuelles, j’observe qu’une telle exigence ne ressort pas du libellé de cette disposition. En effet, la directive 2004/83 a pour objet d’établir des normes minimales concernant les conditions que doivent remplir les ressortissants de pays tiers pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale. Or, si le législateur de l’Union avait entendu imposer aux États membres une telle obligation, il l’aurait certainement précisé de manière explicite. Par conséquent, les autorités nationales doivent bénéficier d’une marge d’appréciation pour déterminer si une expertise médico-légale est pertinente ou non pour l’évaluation individuelle à laquelle les autorités nationales sont tenues de procéder, conformément à l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2004/83 (37).

64.      Cependant, contrairement à ce que soutiennent les intimés, lorsque, comme en l’espèce, ces autorités estiment que l’expertise médico-légale en question est pertinente ou nécessaire pour l’évaluation de la demande de protection internationale (38), il découle, à mon avis, du devoir de coopération, au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2004/83, qu’elles doivent en informer le demandeur et coopérer avec lui afin de pouvoir disposer d’une telle expertise (39). Ainsi que je l’ai déjà observé, il résulte de l’exigence de coopération incombant aux autorités nationales que, lorsque l’autorité responsable de la détermination considère que les éléments fournis par le demandeur d’une protection internationale sont incomplets, obsolètes ou non pertinents, celle-ci est tenue de coopérer activement avec le demandeur afin de permettre la réunion de l’ensemble des éléments nécessaires (40) pour établir les circonstances factuelles susceptibles de constituer des éléments de preuve au soutien de la demande.

65.      En second lieu, s’agissant de la seconde étape de l’évaluation concernant l’appréciation juridique des éléments de preuve présentés au soutien de la demande, je rappelle qu’il ressort de l’article 4, paragraphe 3, sous b) et c), de la directive 2004/83 qu’il convient de procéder à l’évaluation individuelle d’une demande de protection internationale en tenant compte des informations et des documents pertinents présentés par le demandeur, y compris des informations permettant de déterminer si celui-ci a fait ou pourrait faire l’objet de persécutions ou d’atteintes graves ainsi que du statut et de la situation personnelle du demandeur pour déterminer si, compte tenu de cette situation, les actes auxquels il a été ou risque d’être exposé pourraient être considérés comme une persécution ou une atteinte grave. En particulier, la Cour a déjà jugé que l’article 4, paragraphe 3, de cette directive n’exclut pas le recours aux expertises dans le cadre du processus d’évaluation des faits et des circonstances (41). Il appartient donc aux autorités compétentes d’adapter leurs modalités d’appréciation des déclarations et des éléments de preuve documentaires ou autres en fonction des caractéristiques propres à chaque catégorie de demande de protection internationale (42).

66.      À cet égard, l’exigence d’obtenir une expertise médico-légale sur la santé mentale du demandeur lorsque les autorités nationales considèrent cela pertinent ou nécessaire pour apprécier les éléments de preuve est corroborée par l’article 4, paragraphe 1, et l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2005/85. Ces dispositions prévoient l’obligation pour l’autorité responsable de la détermination de procéder à un « examen approprié » des demandes à l’issue duquel elle rendra sa décision à leur sujet (43). En effet, cette autorité ne sera pas en mesure de procéder à un tel examen approprié des demandes, au sens de ces dispositions, si, bien qu’elle considère qu’une expertise médico-légale s’avère pertinente ou nécessaire pour effectuer l’évaluation individuelle de la demande en question, elle ne se la procure pas.

67.      Par conséquent, je suis d’avis que l’article 4, paragraphe 3, sous b et c), de la directive 2004/83 impose à l’autorité responsable de la détermination, dans le cadre de son obligation de procéder à un examen approprié de la demande, au sens de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2005/85, lorsqu’elle estime que l’expertise médico-légale sur la santé mentale du demandeur est pertinente ou nécessaire pour l’évaluation individuelle de cette demande, d’obtenir une telle expertise. À mon sens, une interprétation différente irait à l’encontre de l’objectif de la directive 2004/83 et viderait de leur substance tant l’article 4, paragraphe 3, de cette directive que l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2005/85.

3.      Sur les conséquences à tirer de la violation du devoir de coopération et de l’obligation de procéder à un examen approprié de la demande

68.      Avant d’analyser les conséquences à tirer de la violation de l’obligation du devoir de coopération et de l’obligation de procéder à un examen approprié de la demande [sections c) et d)], il convient de déterminer si, comme le soutiennent le gouvernement allemand et la Commission, l’article 39 de la directive 2005/85 requiert que la juridiction de première instance puisse exercer un contrôle de fond ex nunc sur une décision de rejet d’une demande d’asile ou de protection internationale [section a)]. Dans l’affirmative, la question se pose de savoir si l’IPAT doit être considéré comme étant une autorité juridictionnelle, au sens de l’article 39 de la directive 2005/85 [section b)].

a)      Sur la notion de « juridiction », au sens de l’article 39 de la directive 2005/85

69.      Pour rappel, l’article 39, paragraphe 1, sous a), de la directive 2005/85 prévoit que les États membres font en sorte que les demandeurs d’asile disposent d’un droit à un recours effectif devant une juridiction contre une décision concernant leur demande d’asile. Toutefois, cette disposition ne précise pas qu’il est nécessaire que cette juridiction puisse exercer un tel contrôle ex nunc. À cet égard, la Commission indique dans ses observations écrites que, selon elle, ces exigences ressortent de la jurisprudence dégagée par la Cour.

70.      J’observe, à cet égard, qu’une telle exigence ressort clairement de l’article 46 de la directive 2013/32, qui a remplacé l’article 39 de la directive 2005/85 et qui n’est pas applicable en l’espèce. Il me semble cependant utile de noter, ainsi que la Commission l’a constaté au cours de la procédure législative concernant cet article 46, que cette disposition prend « pleinement en considération les développements actuels de la jurisprudence de la [Cour] et de la Cour européenne des droits de l’homme » (44). J’examinerai donc si l’article 39 de la directive 2005/85, tel qu’interprété par la Cour, prévoit ladite exigence.

71.      Premièrement, la Cour a déjà relevé que les caractéristiques du recours prévu à l’article 39 de la directive 2005/85 doivent être déterminées en conformité avec l’article 47 de la Charte, qui constitue une réaffirmation du principe de protection juridictionnelle effective et aux termes duquel toute personne dont les droits et les libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues à cet article (45). En particulier, elle a jugé que, afin que l’exercice de ce droit soit effectif, il faut que le juge national puisse, dans le cadre d’un examen approfondi, vérifier le bien‑fondé des motifs qui ont conduit l’autorité administrative compétente à considérer la demande de protection internationale comme infondée (46). Je rappelle, à cet égard, que toute décision sur l’octroi du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire doit être fondée sur une évaluation individuelle (47).

72.      Deuxièmement, la Cour a jugé, dans le cadre du règlement (UE) no 604/2013 (48), qu’un recours en annulation introduit contre une décision administrative, dans le cadre duquel la juridiction saisie ne peut pas tenir compte de circonstances postérieures à l’adoption de cette décision, n’assure pas une protection juridictionnelle suffisante, permettant à la personne concernée d’exercer les droits qu’elle tire de ce règlement et de l’article 47 de la Charte (49).

73.      Troisièmement, il convient d’ajouter que, ainsi que l’a rappelé l’avocat général Mengozzi, l’exigence d’un « examen complet » qui ne se limite pas aux règles de droit applicables, mais qui soit étendu au constat et à l’appréciation des faits, a été établie depuis longtemps par la Cour européenne des droits de l’homme (50). Selon cette cour, cet examen doit être attentif, indépendant, rigoureux et complet et doit permettre d’écarter tout doute, aussi légitime soit-il, quant au caractère mal fondé d’une demande de protection internationale, et ce quelle que soit l’étendue des compétences de l’autorité chargée du contrôle (51).

74.      Il convient donc de considérer que l’article 39 de la directive 2005/85, lu à la lumière de l’article 47 de la Charte, exige que la juridiction de première instance puisse exercer un contrôle ex nunc sur une décision de rejet d’une demande d’asile ou de protection internationale.

b)      Sur la qualification de l’IPAT en tant que « juridiction », au sens de l’article 39 de la directive 2005/85

75.      Dans sa réponse à la demande d’éclaircissements adressée par la Cour, la juridiction de renvoi indique, d’une part, que l’IPO prend la décision d’accorder ou de refuser la protection internationale en première instance, et ce au sens de l’article 23 de la directive 2005/85 (52). D’autre part, cette juridiction explique que l’IPAT agit, dans un litige tel que celui au principal, en tant qu’autorité juridictionnelle exerçant un premier degré de contrôle juridictionnel devant laquelle peut être formé un recours sur les plans des faits et du droit contre une décision de première instance prise par l’autorité responsable de la détermination (à savoir l’IPO), et ce au sens de l’article 39 de cette directive (53). Elle souligne, notamment, que l’IPAT rend des décisions ex nunc et a le pouvoir d’exiger que le ministre de la Justice et de l’Égalité fasse des enquêtes et qu’il lui fournisse des informations (54).

76.      Par conséquent, je suis d’avis que, dans la mesure où la décision de l’autorité responsable de la détermination doit, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, sous a) à c), de la directive 2004/83, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 2, sous b), de la directive 2005/85, être prise à l’issue d’un « examen approprié » tenant compte de tous les faits pertinents relatifs au pays d’origine, y compris, lorsqu’elle l’estime pertinente ou nécessaire, d’une expertise médico-légale sur la santé mentale du demandeur, le contrôle, par une juridiction de première instance, du bien-fondé des motifs de cette autorité implique, comme la Commission l’a fait valoir à juste titre dans ses observations, l’examen des informations précises et actualisées sur la situation existante dans le pays d’origine qui étaient, entre autres, à la base de la décision administrative faisant l’objet du contrôle.

77.      De même, si cette juridiction considère que les éléments de preuve présentés par le demandeur ne sont pas suffisants pour étayer sa déclaration selon laquelle il a déjà fait l’objet d’une atteinte grave, ni pour apprécier notamment l’état de santé mentale de celui-ci, elle doit pouvoir ordonner des mesures d’instruction pour permettre au demandeur de fournir une expertise médico-légale. Cela implique que la juridiction de première instance qui examine le recours puisse effectuer un examen ex nunc, c’est-à-dire sur la base non pas de circonstances dont l’autorité qui a adopté la décision avait ou aurait dû avoir connaissance au moment de cette adoption, mais de celles existant au moment où le juge statue.

78.      Par conséquent, l’IPAT, en tant que juridiction visée à l’article 39 de la directive 2005/85, lu à la lumière de l’article 47 de la Charte, est tenu d’obtenir et d’examiner des informations précises et actualisées sur la situation existante dans le pays d’origine du demandeur, y compris une expertise médico-légale lorsqu’il l’estime pertinente ou nécessaire, eu égard à son obligation d’assurer un recours effectif contre une décision de l’autorité responsable de la détermination, en l’espèce l’IPO, refusant d’accorder le droit d’asile ou la protection internationale.

c)      Sur la possibilité d’annulation de la décision rejetant les demandes

79.      La juridiction de renvoi souhaite savoir si une telle obligation peut, à elle seule, conduire à l’annulation de la décision rejetant les demandes d’asile et de protection internationale.

80.      Je dois préciser que, dans sa réponse à la demande d’éclaircissements de la Cour, la juridiction de renvoi a indiqué, en se référant aux points 102 et 103 de l’arrêt D. et A., que le système irlandais d’octroi et de retrait du statut de réfugié comprend également la possibilité d’un contrôle de l’IPO et de l’IPAT devant elle sur le plan des erreurs de droit dans la détermination de la demande (55). Partant, le présent renvoi préjudiciel a été formé dans le cadre d’un tel contrôle juridictionnel.

81.      Cela signifie, il me semble, que la juridiction de renvoi assure un contrôle de second degré. Dès lors, son examen est limité aux éventuelles erreurs de droit, comme c’est le cas en l’espèce, de la violation de l’obligation, tant de l’autorité responsable de la détermination que de la juridiction de première instance, d’obtenir des informations précises et actualisées sur le pays d’origine du demandeur, y compris une expertise médico-légale lorsqu’elles l’estiment pertinente ou nécessaire.

82.      Bien que la violation d’une telle obligation puisse conduire à l’annulation de la décision rejetant ces demandes, la juridiction de renvoi précise dans sa réponse à la demande d’éclaircissements que, dans le cas où elle juge qu’une erreur de droit a été commise, elle renvoie l’affaire à l’IPAT pour que cette juridiction rende une nouvelle décision d’appel sur les plans des faits et du droit. Il revient donc à la juridiction de renvoi d’apprécier l’existence d’une telle erreur.

d)      Sur la charge de la preuve

83.      Peut-il être imposé au demandeur de démontrer que la décision aurait pu être différente en l’absence de la violation de l’obligation de procéder à un examen approprié de la demande ?

84.      Le gouvernement allemand soutient, à juste titre, dans ses observations écrites que, si la juridiction de première instance procède elle-même à un examen complet afin de déterminer si le demandeur d’asile a droit à la protection internationale sur la base des circonstances factuelles actuelles, il n’est pas nécessaire que les parties à la procédure démontrent que la décision de l’autorité nationale responsable de la détermination aurait pu être différente.

85.      Je note à cet égard que, s’il est certes vrai que cette question relève de l’autonomie procédurale des États membres, il n’en demeure pas moins que, comme je l’ai déjà expliqué, l’exercice effectif du droit d’asile ou de protection internationale ainsi que le respect des exigences découlant de l’article 47 de la Charte (56) et du principe de non-refoulement imposent un examen ex nunc par la juridiction de première instance, visé à l’article 39 de la directive 2005/85 (57).

86.      Par conséquent, compte tenu de l’importance des droits fondamentaux en jeu dans le cadre d’une demande d’asile et de protection internationale, il ne me semble pas pertinent que, en cas de violation de l’obligation de l’autorité responsable de la détermination et de la juridiction de première instance de procéder à un examen approprié de la demande, la charge de démontrer que la décision aurait pu être différente en l’absence d’une telle violation soit supportée par le demandeur. Au contraire, dans le cadre de cet examen, la charge d’effectuer une telle démonstration s’avère, à mes yeux, excessive, dès lors que cette obligation revient à cette autorité nationale et à cette juridiction et non pas au demandeur.

C.      Sur les conséquences de l’absence de prise de décision sur les demandes d’asile et de protection internationale dans un délai raisonnable (quatrième et cinquième questions)

87.      Par ses quatrième et cinquième questions, qu’il convient à mon avis d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi souhaite, en substance, savoir si le délai de plus de trois ans et demi qui s’est écoulé entre le dépôt de la demande d’asile et la décision de l’IPAT peut être justifié par les modifications législatives intervenues en Irlande au cours de cette procédure et, si tel n’est pas le cas, si un tel délai, qu’elle qualifie de « déraisonnable », peut justifier à lui seul l’annulation de la décision rejetant les demandes en cause au principal.

88.      Avant de répondre à ces questions, j’examinerai brièvement quelles sont les différences entre les délais visés aux articles 23 et 39 de la directive 2005/85  ainsi que leur nature.

1.      Sur les différences entre les délais visés aux articles 23 et 39 de la directive 2005/85 ainsi que leur nature

89.      Il me faut relever d’emblée qu’il ressort de la structure et de l’économie de la directive 2005/85, en particulier de la distinction entre les procédures de premier ressort, prévues au chapitre III, et les procédures de recours, prévues au chapitre V, qu’il convient de distinguer entre le délai pour la prise de décision de l’autorité responsable de la détermination, visé à l’article 23 de cette directive, et le délai pour la prise de décision de la juridiction de première instance, visé à l’article 39 de ladite directive.

90.      S’agissant, premièrement, de la nature du délai prévu à l’article 23 de la directive 2005/85, je rappelle que le paragraphe 2, premier alinéa, de cet article dispose que les États membres veillent à ce qu’une telle procédure soit menée à terme dans les meilleurs délais, sans préjudice d’un examen approprié et exhaustif (58). Il ressort donc du libellé de cette disposition qu’elle concerne uniquement le délai adéquat pour que l’autorité responsable de la détermination prenne une décision dans le cadre d’une procédure d’examen. Ce délai de six mois est donc un délai indicatif et n’est nullement contraignant pour cette autorité.

91.      Cela est corroboré, d’une part, par l’objectif de la directive 2005/85. Je rappelle, à cet égard, que la Cour a déjà eu l’occasion de souligner que les procédures mises en place par cette directive constituent des normes minimales et que les États membres disposent à plusieurs égards d’une marge d’appréciation pour la mise en œuvre de ces dispositions en tenant compte des particularités du droit national (59). En particulier, elle a relevé que l’intention du législateur de l’Union de laisser une telle marge d’appréciation se retrouve, notamment, dans le libellé du considérant 11 et de l’article 23 de la directive 2005/85, consacré à la procédure d’examen (60). En effet, l’intérêt qui s’attache à la rapidité de traitement des demandes d’asile est, comme il ressort de ce considérant, partagé tant par les États membres que par les demandeurs d’asile (61).

92.      La nature indicative de ce délai est également corroborée, d’autre part, par l’article 23, paragraphe 2, second alinéa, sous a) et b), de la directive 2005/85. Cette disposition prévoit que, lorsqu’une décision ne peut pas être prise dans un délai de six mois, les États membres veillent à ce que le demandeur concerné soit informé du retard ou reçoive, lorsqu’il en fait la demande, des informations concernant le délai dans lequel sa demande est susceptible de faire l’objet d’une décision. Selon ladite disposition, ces informations n’entraînent pour l’État membre aucune obligation, envers le demandeur, de statuer dans le délai indiqué.

93.      En ce qui concerne, deuxièmement, la nature des délais énoncés à l’article 39 de la directive 2005/85, je rappelle que le paragraphe 4 de cet article dispose que les États membres peuvent fixer des délais pour l’examen par la juridiction de première instance de la décision prise par l’autorité responsable de la détermination (62). Dès lors, il ressort clairement de cette disposition qu’elle ne prévoit pas un délai, indicatif ou impératif, dans lequel cette juridiction doit statuer sur un recours contre la décision de l’autorité responsable de la détermination.

94.      Cela étant précisé, il me faut relever que, en l’espèce, la décision de rejet de l’IPO est intervenue plus de seize mois après le dépôt par le requérant au principal de la demande d’octroi du statut de réfugié, tandis que la décision de l’IPAT rejetant le recours contre cette décision a été rendue deux ans et deux mois après l’introduction de son recours. Toutefois, la juridiction de renvoi s’interroge sur le fait que la décision confirmant le refus d’accorder au requérant au principal la protection internationale a été prononcée par la juridiction de première instance trois ans et sept mois après le dépôt de sa première demande d’asile.

95.      Par conséquent, même si, comme je l’ai exposé, il convient de distinguer entre le délai indicatif de la procédure d’examen, visé à l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2005/85, et le délai de la procédure de recours qui peut être fixé par les États membres, énoncé à l’article 39, paragraphe 4, de cette directive, et bien que je partage l’avis de la Commission selon lequel la directive 2005/85 ne fixe pas un délai impératif dans lequel une décision finale doit être rendue, la question se pose néanmoins de savoir si ce délai de plus de trois ans et demi est un délai raisonnable.

96.      Je ne le pense pas, et ce pour les raisons suivantes.

2.      Sur l’absence de prise de décision dans un délai raisonnable

97.      En premier lieu, il est certes vrai que, en l’absence de règles fixées par le droit de l’Union concernant les modalités procédurales relatives à l’examen d’une demande de protection internationale, les États membres demeurent compétents, conformément au principe de l’autonomie procédurale, pour régler ces modalités, tout en garantissant le respect des droits fondamentaux et la pleine effectivité des dispositions du droit de l’Union relatives à la protection internationale (63).

98.      Toutefois, je rappelle, d’une part, que l’effectivité de l’accès au statut conféré à la protection internationale nécessite, selon la Cour, que l’examen de la demande intervienne au terme d’un délai raisonnable (64). En effet, comme l’a indiqué l’avocat général Bot, les demandes d’asile et de protection subsidiaire doivent « faire l’objet d’un examen diligent, s’inscrivant dans un délai raisonnable, la rapidité de la procédure contribuant non seulement à la sécurité juridique du demandeur, mais également à son intégration » (65).

99.      À cet égard, il convient, selon moi, de prendre en compte tant la durée de la procédure de l’examen des demandes devant l’autorité responsable de la détermination que celle de la procédure de recours devant la juridiction de première instance, en l’occurrence, respectivement, l’IPO et l’IPAT.

100. Je relève, d’autre part, que la Cour a rappelé que le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la Charte, reflète un principe général du droit de l’Union. Ainsi, les exigences découlant de ce droit à une bonne administration, notamment le droit de toute personne de voir ses affaires traitées dans un délai raisonnable, trouvent à s’appliquer dans le cadre d’une procédure d’octroi du statut de réfugié ou de protection subsidiaire, telle que celle en cause au principal, conduite par l’autorité nationale compétente (66).

101. Cela signifie que la durée totale d’une procédure de demande d’asile ou de protection internationale doit respecter le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la Charte, et l’effectivité du droit à un recours effectif. À cet égard, je rappelle que l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte énonce notamment que « [t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi » (67). Il me faut également relever que, compte tenu de la situation individuelle des demandeurs d’asile ou de protection internationale, l’État membre dans lequel se trouve ce demandeur doit donc veiller à ne pas aggraver une situation de violation des droits fondamentaux de ce demandeur par des procédures d’examen qui seraient d’une durée déraisonnable.

102. En deuxième lieu, s’agissant de la justification d’un tel délai déraisonnable, je rappelle que, selon une jurisprudence constante de la Cour, un État membre ne saurait invoquer les modifications législatives intervenues lors de la procédure au principal pour justifier le non-respect de son obligation de statuer sur les demandes de droit d’asile ou de protection internationale dans un délai raisonnable (68).

103. En troisième et dernier lieu, s’agissant de la question de savoir si l’inobservation d’un délai raisonnable peut justifier, à elle seule, l’annulation de la décision rejetant une demande de droit d’asile ou de protection internationale, je partage l’avis de la Commission selon lequel le manquement à l’obligation de statuer sur ces demandes dans un délai raisonnable ne constitue pas un motif pertinent pour décider, dans le cadre du recours visé à l’article 39 de la directive 2005/85, si un refus d’accorder la protection internationale est conforme aux règles et aux critères énoncés par la directive 2004/83.

104. En effet, le recours visé à l’article 39 de la directive 2005/85 a pour objet de décider si c’est à bon droit que l’autorité responsable de la détermination a considéré qu’un demandeur ne remplissait pas les conditions requises pour bénéficier de la protection internationale. À cet égard, la question de savoir si une personne a ou non réellement besoin de cette protection doit être appréciée sur la base des critères d’octroi d’une telle protection, énoncés par la directive 2004/83. Le fait que la décision relative à la nécessité de la protection internationale n’a pas été prise dans un délai raisonnable n’est pas pertinent dans le cadre de cette appréciation et ne saurait servir de base pour décider de l’octroi de la protection.

105. Cela étant dit, je rappelle que l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte précise que « [t]oute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter » (69). Selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense constitue un principe fondamental du droit de l’Union (70). En l’occurrence, si la durée totale de la procédure conduit à la violation des droits de la défense d’un demandeur d’asile et de protection internationale, la méconnaissance du délai raisonnable du fait de cette violation peut justifier, à elle seule, l’annulation de la décision rejetant lesdites demandes, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier (71).

D.      Sur la crédibilité générale d’un demandeur (septième question)

106. Par sa septième question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si une déclaration mensongère dans la demande initiale, que le demandeur a rétractée à la première occasion, justifie la mise en cause de sa crédibilité.

107. Je rappelle que l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2004/83 prévoit la possibilité pour les États membres de considérer que le demandeur a l’obligation d’étayer sa demande de protection internationale, cette obligation consistant, selon la Cour, à « présenter tous les éléments nécessaires » (72). L’article 4, paragraphe 2, de cette directive définit ces éléments comme étant ceux correspondant, notamment, « aux informations du demandeur et à tous les documents dont le demandeur dispose ». Il ressort, en outre, de l’article 4, paragraphe 5, de ladite directive que, lorsque certains aspects des déclarations du demandeur ne sont pas étayés par des preuves documentaires ou autres (73), ces aspects ne nécessitent pas confirmation lorsque cinq conditions cumulatives sont remplies, l’une d’elles étant que « la crédibilité générale du demandeur a pu être établie » (74).

108. Toutefois, je relève que ni la directive 2004/83 ni la directive 2005/85 ne précisent ce qu’il convient d’entendre par « crédibilité » et ne donnent d’indications s’agissant des éléments à prendre en compte pour apprécier la « crédibilité générale » du demandeur par les autorités nationales et les juridictions compétentes.

109. Selon le HCR, « [l]a crédibilité est établie lorsque le demandeur présente une demande cohérente et plausible, n’entrant pas en contradiction avec des informations générales connues, et qui peut donc, tout bien considéré, être crue » (75). Il ressort de cette définition que ces critères correspondent à l’une des conditions cumulatives prévues à l’article 4, paragraphe 5, de la directive 2004/83, à savoir celle selon laquelle « les déclarations du demandeur sont jugées cohérentes et plausibles et [...] ne sont pas contredites par les informations générales et particulières connues et pertinentes pour sa demande » (76). Dès lors, cette définition ne me semble pas pertinente pour définir le critère de « crédibilité générale », au sens de l’article 4, paragraphe 5, sous e), de cette directive. J’en déduis plutôt que ce critère doit être apprécié par l’autorité responsable de la détermination dans le cadre de son obligation de procéder à une évaluation individuelle d’une demande de protection internationale en tenant compte, notamment, du statut individuel et de la situation personnelle du demandeur, conformément à l’article 4, paragraphe 3, sous c), de ladite directive.

110. À cet égard, j’observe que la Cour a déjà rappelé l’exigence qui est imposée aux autorités compétentes, au titre de l’article 13, paragraphe 3, sous a), de la directive 2005/85 (77) et de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2004/83, de mener l’entretien en tenant compte de la situation personnelle ou générale dans laquelle s’inscrit la demande, notamment de la vulnérabilité du demandeur, et de procéder à une évaluation individuelle de cette demande, en tenant compte du statut individuel et de la situation personnelle de chaque demandeur (78).

111. Dans ce contexte, le fait qu’un demandeur ait présenté une déclaration mensongère ne signifie pas, en soi, que cette déclaration soit significative ou déterminante pour l’issue de la demande, sans l’existence de facteurs supplémentaires indiquant que les allégations du demandeur sont infondées (79). En effet, de multiples raisons peuvent expliquer pourquoi un demandeur a présenté une déclaration mensongère (80). Ainsi, si un élément de preuve est en contradiction avec les déclarations du demandeur, l’agent responsable doit résoudre le problème et donner au demandeur la possibilité d’expliquer les incohérences (81).

112. En l’espèce, il ressort de la décision de renvoi que la demande du requérant au principal était initialement fondée sur une seule déclaration mensongère et qu’il a rétracté cette déclaration en l’expliquant à la première occasion possible. De plus, on ne saurait exclure que les problèmes de santé mentale dont le requérant au principal semble souffrir aient pu affecter sa première déclaration.

113. Dès lors, je partage l’avis de la Commission selon lequel il ne serait pas proportionné de considérer, sur la base d’une seule déclaration mensongère, que le demandeur a expliquée et rétractée à la première occasion possible, que le demandeur n’est pas crédible.

VII. Conclusion

114. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour d’apporter la réponse suivante à la High Court (Haute Cour, Irlande) :

1)      L’article 4, paragraphe 3, sous a) à c), de la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 2, sous b), de la directive 2005/85/CE du Conseil, du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres,

doit être interprété en ce sens que :

il impose à l’autorité responsable de la détermination d’obtenir, d’une part, des informations précises et actualisées sur le pays d’origine d’un demandeur d’asile et de protection internationale et, d’autre part, lorsqu’il existe des indices de problèmes de santé mentale résultant potentiellement d’un événement traumatisant survenu dans ce pays, une expertise médico-légale sur sa santé mentale lorsqu’elle estime que cette expertise est pertinente ou nécessaire pour l’évaluation de la demande.

2)      L’article 4, paragraphe 3, sous a) à c), de la directive 2004/83, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 2, sous b), et l’article 39 de la directive 2005/85 ainsi que l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

doit être interprété en ce sens que :

il impose à la juridiction de première instance, eu égard à son obligation d’assurer un recours effectif contre une décision de l’autorité responsable de la détermination, d’obtenir, d’une part, des informations précises et actualisées sur le pays d’origine d’un demandeur d’asile et de protection internationale et, d’autre part, lorsqu’il existe des indices de problèmes de santé mentale résultant potentiellement d’un événement traumatisant survenu dans ce pays, une expertise médico-légale sur sa santé mentale lorsqu’elle estime que cette expertise est pertinente ou nécessaire pour l’évaluation de la demande.

Compte tenu de l’importance des droits fondamentaux en jeu dans le cadre d’une demande d’asile et de protection internationale, en cas de violation de l’obligation de l’autorité responsable de la détermination et de la juridiction de première instance de procéder à un examen approprié de la demande, la charge de démontrer que leurs décisions auraient pu être différentes en l’absence d’une telle violation ne doit pas être supportée par le demandeur.

3)      Dans le cas où la durée totale de la procédure d’octroi du statut de réfugié et de la protection internationale conduit à la violation des droits de la défense d’un demandeur du statut de réfugié et de protection internationale, la méconnaissance du délai raisonnable peut justifier, à elle seule, l’annulation de la décision rejetant lesdites demandes, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Un État membre ne saurait invoquer les modifications législatives intervenues lors de cette procédure pour justifier le non-respect de son obligation de statuer sur les demandes de protection internationale dans un délai raisonnable.

4)      L’article 4, paragraphe 3, sous c), et paragraphe 5, sous e), de la directive 2004/83,

doit être interprété en ce sens que :

une déclaration mensongère dans la demande initiale d’octroi du statut de réfugié, que le demandeur a rétractée à la première occasion, après s’en être expliqué, ne justifie pas la mise en cause de sa crédibilité générale.


1      Langue originale : le français.


i      Le point 9 du présent texte a fait l’objet d’une modification d’ordre linguistique, postérieurement à sa première mise en ligne.


2      Directive du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (JO 2004, L 304, p. 12).


3      Directive du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (JO 2005, L 326, p. 13).


4      Convention signée à Genève le 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, nº 2545 (1954)], entrée en vigueur le 22 avril 1954, telle que complétée par le protocole relatif au statut des réfugiés, conclu à New York le 31 janvier 1967, entré en vigueur le 4 octobre 1967 (ci‑après la « convention de Genève »).


5      La directive 2004/83 a été remplacée et abrogée par la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9). Toutefois, l’Irlande ne participant pas à cette dernière directive, la directive 2004/83 continue à s’appliquer à cet État membre. Voir considérant 50 et article 40 de la directive 2011/95.


6      La directive 2005/85 a été remplacée et abrogée par la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60). Toutefois, l’Irlande ne participant pas à cette dernière directive, la directive 2005/85 continue à s’appliquer à cet État membre. Voir article 53 de la directive 2013/32.


7      Arrêt de la Cour du 22 novembre 2012 (C‑277/11, ci-après l’« arrêt M. », EU:C:2012:744).


8      Arrêt du 15 octobre 2015 (C‑137/14, EU:C:2015:683).


9      Voir, récemment, arrêt du 20 septembre 2022, VD et SR (C‑339/20 et C‑397/20, EU:C:2022:703, point 57).


10      En ce qui concerne le libellé de la première question, j’observe que celle-ci commence par la locution « dans le cas où ».


11      Sur ces limites, voir point 17 des présentes conclusions.


12      Voir arrêts du 2 mars 2010, Salahadin Abdulla e.a. (C‑175/08, C‑176/08, C‑178/08 et C‑179/08, EU:C:2010:105, point 52), ainsi que du 3 mars 2022, Secretary of State for the Home Department (Statut de réfugié d’un apatride d’origine palestinienne) (C‑349/20, EU:C:2022:151, point 39).


13      Arrêt du 19 juin 2018, Gnandi (C‑181/16, EU:C:2018:465, point 53 et jurisprudence citée).


14      Ancien article 63, premier alinéa, point 1, CE.


15      S’agissant de la directive 2004/83, voir, notamment, arrêts du 2 mars 2010, Salahadin Abdulla e.a. (C‑175/08, C‑176/08, C‑178/08 et C‑179/08, EU:C:2010:105, points 53 et 54), ainsi que du 3 mars 2022, Secretary of State for the Home Department (Statut de réfugié d’un apatride d’origine palestinienne) (C‑349/20, EU:C:2022:151, point 40). S’agissant de la directive 2005/85, voir, notamment, arrêts du 28 juillet 2011, Samba Diouf (C‑69/10, EU:C:2011:524, point 34), et du 31 janvier 2013, D. et A. (C‑175/11, EU:C:2013:45, point 58).


16      Selon la juridiction de renvoi, cette constatation de l’IPAT concernait le fait que la situation dans le pays d’origine du demandeur constituait une situation de violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne/international. Voir point 59 des présentes conclusions.


17      Il s’agissait d’informations recueillies lors d’une mission d’enquête réalisée au mois de juillet 2015 concernant la région dont est originaire le requérant.


18      Freedom House, Refworld Freedom in the World 2017Pakistan, UNHCR. Selon cette juridiction, ce rapport indique que la violence terroriste au Pakistan aurait fortement diminué et ne concerne que le premier trimestre de l’année 2017.


19      Voir point 10 des présentes conclusions.


20      Arrêts M. (point 64) ; du 2 décembre 2014, A e.a. (C‑148/13 à C‑150/13, EU:C:2014:2406, point 55), ainsi que du 3 mars 2022, Secretary of State for the Home Department (Statut de réfugié d’un apatride d’origine palestinienne) (C‑349/20, EU:C:2022:151, point 63).


21      Arrêt M. (point 65).


22      Conclusions de l’avocate générale Sharpston dans les affaires jointes A e.a. (C‑148/13 à C‑150/13, EU:C:2014:2111, point 42).


23      Arrêt M. (point 66). À cet égard, voir, également, conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire M. (C‑277/11, EU:C:2012:253, point 67).


24      Arrêt du 3 mars 2022, Secretary of State for the Home Department (Statut de réfugié d’un apatride d’origine palestinienne) (C‑349/20, EU:C:2022:151, point 64 et jurisprudence citée).


25      Voir point 48 des présentes conclusions.


26      Voir, en ce sens, arrêt M. (point 69).


27      Arrêt M. (point 70).


28      Arrêt du 25 janvier 2018, F (C‑473/16, EU:C:2018:36, point 40).


29      Arrêt M. (point 67).


30      Sur l’obligation de l’autorité responsable de la détermination de recueillir et d’évaluer de sa propre initiative les rapports concernant la situation générale dans le pays d’origine du demandeur, voir Reneman, M., « The Burden and Standard of Proof and Evidentiary Assessment », EU Asylum Procedures and the Right to an Effective Remedy, Hart Publishing, Londres, 2014, p. 183 à 248, en particulier p. 204.


31      Voir, notamment, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Torubarov (C‑556/17, EU:C:2019:626, point 50).


32      Voir, à cet égard, point 46 et note en bas de page 16 des présentes conclusions. Selon la juridiction de renvoi, compte tenu des persécutions endurées par les Pachtounes (Pathans) au Pakistan, il est étonnant que la décision de l’IPAT ne contienne aucune considération relative à l’ethnie du requérant au principal et qu’il n’y soit fait aucune référence dans l’examen des informations sur le pays d’origine.


33      Voir, en ce sens, arrêt du 17 février 2009, Elgafaji (C‑465/07, EU:C:2009:94, point 43).


34      Voir arrêt du 2 mars 2010, Salahadin Abdulla e.a. (C‑175/08, C‑176/08, C‑178/08 et C‑179/08, EU:C:2010:105, points 89 et 90).


35      Voir point 7 des présentes conclusions.


36      Voir, en ce qui concerne le rapport Spirasi, l’adresse Internet https://spirasi.ie/what-we-do/medico-legal-report/.


37      Bien que la directive 2013/32 ne soit pas applicable en l’espèce, il me semble pertinent de mentionner que l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive dispose que, « [s]i l’autorité responsable de la détermination le juge pertinent pour procéder à l’évaluation d’une demande de protection internationale conformément à l’article 4 de la directive [2011/95], les États membres prennent, sous réserve du consentement du demandeur, les mesures nécessaires pour que le demandeur soit soumis à un examen médical portant sur des signes de persécutions ou d’atteintes graves qu’il aurait subies dans le passé. Les États membres peuvent également prévoir que le demandeur prenne les mesures nécessaires pour se soumettre à un tel examen médical » (mise en italique par mes soins).


38      Voir points 16, 17 et 61 des présentes conclusions.


39      Voir, en ce sens, arrêt M. (point 66).


40      Voir point 52 des présentes conclusions.


41      La Cour a précisé que les modalités d’un éventuel recours à une telle expertise doivent cependant être conformes aux autres dispositions pertinentes du droit de l’Union, notamment aux droits fondamentaux garantis par la Charte tels que le droit au respect de la dignité humaine, consacré à l’article 1er de celle-ci. Voir arrêt du 25 janvier 2018, F (C‑473/16, EU:C:2018:36, points 34 et 35).


42      Voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2018, F (C‑473/16, EU:C:2018:36, point 36).


43      Arrêt du 25 janvier 2018, F (C‑473/16, EU:C:2018:36, point 40).


44      Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait de la protection internationale dans les États membres [COM(2009) 554 final, p. 9]. Voir note en bas de page 51 des présentes conclusions.


45      Voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2015, Tall (C‑239/14, EU:C:2015:824, point 51 et jurisprudence citée). Le considérant 27 de la directive 2005/85 précise que, conformément à un principe fondamental du droit de l’Union, les décisions prises en ce qui concerne une demande d’asile et le retrait du statut de réfugié doivent faire l’objet d’un recours effectif devant une juridiction au sens de l’article 267 TFUE.


46      Voir, en ce sens, arrêt du 28 juillet 2011, Samba Diouf (C‑69/10, EU:C:2011:524, points 56 et 61).


47      Arrêt du 19 mars 2020, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (C‑406/18, EU:C:2020:216, point 29 et jurisprudence citée). Voir point 56 des présentes conclusions.


48      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (JO 2013, L 180, p. 31).


49      Voir arrêt du 15 avril 2021, État belge (Éléments postérieurs à la décision de transfert) (C‑194/19, EU:C:2021:270, point 45).


50      S’agissant de l’interprétation de l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, voir conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Alheto (C‑585/16, EU:C:2018:327, point 69). Voir, également, arrêt du 25 juillet 2018, Alheto (C‑585/16, EU:C:2018:584, point 113).


51      Voir, s’agissant des articles 3 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, Cour EDH, 11 juillet 2000, Jabari c. Turquie (CE:ECHR:2000:0711JUD004003598, § 50) ; Cour EDH, 12 avril 2005, Chamaïev e.a. c. Géorgie et Russie (CE:ECHR:2005:0412JUD003637802, § 448) ; Cour EDH, 21 janvier 2011, M.S.S c. Belgique (CE:ECHR:2011:0121JUD003069609, § 293 et 388), et Cour EDH, 2 octobre 2012, Singh e.a. c. Belgique (CE:ECHR:2012:1002JUD003321011, § 103). À cet égard, voir, également, Reneman, M., « Judicial Review of the Establishment and Qualification of the Facts », EU Asylum Procedures and the Right to an Effective Remedy, Hart Publishing, Londres, 2014, p. 249 à 293, en particulier p. 268 à 270 et 292.


52      La juridiction de renvoi a ajouté, en particulier, que, en vertu de l’article 47, paragraphe 3, de la loi de 2015 sur la protection internationale, lorsque l’IPO recommande d’accorder la protection internationale ou que l’IPAT confirme cette recommandation en appel, le ministre de la Justice et de l’Égalité ne dispose d’aucun pouvoir discrétionnaire et ces décisions le lient, sauf s’il existe des motifs raisonnables de considérer la partie requérante comme étant un danger pour la société ou la sécurité de l’État.


53      La juridiction de renvoi précise que la loi de 2015 sur la protection internationale a maintenu les fonctions, la structure et les compétences matérielles du Refugee Appeals Tribunal (tribunal d’appel des réfugiés), telles que constatées par la Cour dans l’arrêt du 31 janvier 2013, D. et A. (C‑175/11, EU:C:2013:45, points 20 à 32 et 78 à 105).


54      À cet égard, la juridiction de renvoi se réfère à l’article 44 de la loi de 2015 sur la protection internationale.


55      Arrêt du 31 janvier 2013 (C‑175/11, EU:C:2013:45). La juridiction de renvoi ajoute que ce système prévoit la possibilité de recours sur des points de droit devant la Court of Appeal (Cour d’appel, Irlande) et devant la Supreme Court (Cour suprême, Irlande) lorsque l’autorisation en a été donnée.


56      Voir arrêt du 8 mai 2014, N. (C‑604/12, EU:C:2014:302, point 41).


57      Voir points 40 et 41 ainsi que 71 à 74 des présentes conclusions.


58      En revanche, le délai de six mois prévu à l’article 31, paragraphe 3, de la directive 2013/32, qui n’est pas applicable en l’espèce, est contraignant pour les États membres.


59      Voir, notamment, arrêts du 28 juillet 2011, Samba Diouf (C‑69/10, EU:C:2011:524, point 29), et du 31 janvier 2013, D. et A. (C‑175/11, EU:C:2013:45, point 63).


60      Voir, en ce sens, arrêt du 31 janvier 2013, D. et A. (C‑175/11, EU:C:2013:45, point 65).


61      Arrêt du 31 janvier 2013, D. et A. (C‑175/11, EU:C:2013:45, point 60).


62      L’article 39, paragraphe 4, de la directive 2005/85 est identique à l’article 46, paragraphe 10, de la directive 2013/32, qui n’est pas applicable en l’espèce.


63      Voir arrêt du 8 mai 2014, N. (C‑604/12, EU:C:2014:302, point 41).


64      Voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2014, N. (C‑604/12, EU:C:2014:302, point 45).


65      Conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire M. (C‑277/11, EU:C:2012:253, point 115).


66      Voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2014, N. (C‑604/12, EU:C:2014:302, points 49 et 50). Voir, également, Reneman, M., « Judicial Review of the Establishment and Qualification of the Facts », EU Asylum Procedures and the Right to an Effective Remedy, Hart Publishing, Londres, 2014, p. 249 à 293, en particulier p. 288.


67      Mise en italique par mes soins.


68      Voir, en ce sens, en ce qui concerne le domaine du droit d’asile, arrêt du 9 juillet 2009, Commission/Espagne (C‑272/08, non publié, EU:C:2009:442, point 10 et jurisprudence citée). Voir, également, arrêt du 19 avril 2012, Commission/Grèce (C‑297/11, non publié, EU:C:2012:228, point 14).


69      Conformément à l’article 48, paragraphe 2, de la Charte, le respect des droits de la défense est garanti à tout accusé.


70      Arrêt M. (point 81 et jurisprudence citée).


71      Dans le cadre de l’interprétation de l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, qui n’est pas applicable en l’espèce, voir arrêt du 29 juillet 2019, Torubarov (C‑556/17, EU:C:2019:626, point 59 et jurisprudence citée), sur l’obligation de chaque État membre d’aménager son droit national de manière à ce que, à la suite d’une annulation de la décision initiale et en cas de renvoi du dossier à cet organe quasi juridictionnel ou administratif, une nouvelle décision soit adoptée dans un délai bref et soit conforme à l’appréciation figurant dans le jugement ayant prononcé l’annulation.


72      Arrêt M. (point 65).


73      Il s’agit, notamment, de preuves orales, documentaires, visuelles, sonores ou de pièces. Voir rapport du HCR, « Beyond Proof, Credibility Assessment in EU Asylum Systems : Full Report », mai 2013, disponible à l’adresse Internet https://www.refworld.org/docid/519b1fb54.html.


74      Article 4, paragraphe 5, sous e), de la directive 2004/83 (mise en italique par mes soins).


75      Traduit par mes soins. Voir UNHCR, Note on Burden and Standard of Proof in Refugee Claims, 16 décembre 1998, point 11, disponible à l’adresse Internethttps://www.refworld.org/pdfid/3ae6b3338.pdf.


76      Article 4, paragraphe 5, sous c), de la directive 2004/83 (mise en italique par mes soins).


77      L’article 13 de la directive 2005/85 prévoit les conditions auxquelles est soumis l’entretien personnel. Il s’agit notamment de faire en sorte que l’entretien personnel soit mené dans des conditions qui permettent au demandeur d’exposer l’ensemble des motifs de sa demande. Par conséquent, les États membres doivent veiller à ce que la personne chargée de mener l’entretien soit suffisamment compétente et à ce que les demandeurs aient accès aux services d’un interprète pour les assister.


78      Arrêt du 2 décembre 2014, A e.a. (C‑148/13 à C‑150/13, EU:C:2014:2406, point 70). Comme l’a souligné à juste titre l’avocate générale Sharpston dans ses conclusions dans ces affaires jointes A e.a. (C‑148/13 à C‑150/13, EU:C:2014:2111, point 74), qui portaient sur l’étendue de l’évaluation de la crédibilité des déclarations du demandeur d’asile relatives à son orientation sexuelle et, plus particulièrement, sur les limites imposées à cette évaluation par l’article 4 de la directive 2004/83 et les articles 3 et 7 de la Charte, « [l]es demandeurs de bonne foi sollicitant l’octroi du statut de réfugié en arrivent souvent à demander l’asile parce qu’ils ont subi une épreuve et vécu des situations difficiles et bouleversantes. Il est fréquemment nécessaire de leur accorder le bénéfice du doute lorsqu’il s’agit d’évaluer la crédibilité de leurs affirmations et les documents qu’ils présentent pour les étayer ».


79      Bureau européen d’appui en matière d’asile, Analyse juridique : évaluation des éléments de preuve et de la crédibilité dans le contexte du régime d’asile européen commun, EASO, 2018, p. 79.


80      Notamment, une contrainte, une coercition, le manque d’autonomie, des conseils erronés, la peur, le désespoir ou l’ignorance. Voir, à cet égard, rapport du HCR, « Beyond Proof, Credibility Assessment in EU Asylum Systems : Full Report », loc. cit, p. 213.


81      Voir, en ce sens, Bureau européen d’appui en matière d’asile, Guide pratique de l’EASO : évaluation des éléments de preuve, Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg, 2016, p. 4.