Language of document : ECLI:EU:C:2012:18

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Verica Trstenjak

présentées le 17 janvier 2012 (1)

Affaire C‑510/10

DR,

TV2 Danmark A/S

contre

Nordisk Copyright Bureau

[demande de décision préjudicielle
formée par l’Østre Landsret (Danemark)]

«Droits d’auteur et droits voisins — Directive 2001/29/CE — Article 5, paragraphe 2, sous d) — Conditions d’exception au droit de reproduction — Enregistrements éphémères d’œuvres protégées effectués par des organismes de radiodiffusion par leurs propres moyens et pour leurs propres émissions — Organisme de radiodiffusion ayant commandé auprès de sociétés de production télévisée externes et indépendantes des enregistrements dans le but de les diffuser dans le cadre de ses propres émissions»





I –    Introduction

1.        La présente demande de décision préjudicielle du Østre Landsret (Danemark) concerne l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (2) (ci-après la «directive InfoSoc»).

2.        Cette disposition donne aux États membres la possibilité de prévoir une limitation du droit de reproduction exclusif de l’auteur sur les œuvres protégées par le droit de propriété incorporel lorsqu’il s’agit d’enregistrements éphémères d’œuvres (3) effectués par des organismes de radiodiffusion par leurs propres moyens et pour leurs propres émissions.

3.        Même après la transposition de la directive InfoSoc, la loi danoise sur le droit d’auteur ne précise toutefois pas les conditions permettant de déterminer si un enregistrement a été réalisé par un organisme de radiodiffusion «par [ses] propres moyens et pour [ses] propres émissions» (4). Ce problème est au cœur de la procédure préjudicielle dans laquelle la juridiction de renvoi doit examiner l’application de l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive InfoSoc aux programmes de télévision commandés par les organismes de radiodiffusion à des sociétés de production externes.

4.        Pour ces raisons, la juridiction de renvoi souhaite savoir en substance si, et le cas échéant dans quelles conditions, l’enregistrement d’un programme de télévision par une société de production peut être considéré comme ayant été réalisé par l’organisme de radiodiffusion «par [ses] propres moyens et pour [ses] propres émissions» en vertu de l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive InfoSoc en combinaison avec son quarante et unième considérant lorsque cet organisme de radiodiffusion a commandé la production dudit programme à la société de production pour ses propres émissions.

II – Le cadre juridique

A –    Le droit de l’Union

5.        L’article 2 de la directive InfoSoc, intitulé «Droit de reproduction», dispose:

«Les États membres prévoient le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie:

a)      pour les auteurs, de leurs œuvres;

[…]»

6.        L’article 3 de la directive InfoSoc, intitulé «Droit de communication d’œuvres au public et droit de mettre à la disposition du public d’autres objets protégés», dispose:

«1.      Les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement.

[…]»

7.        L’article 5, paragraphe 2, de la directive InfoSoc dispose:

«2.      Les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations au droit de reproduction prévu à l’article 2 dans les cas suivants:

[…]

d)      lorsqu’il s’agit d’enregistrements éphémères d’œuvres effectués par des organismes de radiodiffusion par leurs propres moyens et pour leurs propres émissions; la conservation de ces enregistrements dans les archives officielles peut être autorisée en raison de leur valeur documentaire exceptionnelle;

[…]»

8.        Le quarante et unième considérant de la directive InfoSoc énonce concernant la notion de «propres moyens»:

«Lors de l’application de l’exception ou de la limitation pour les enregistrements éphémères effectués par des organismes de radiodiffusion, il est entendu que les propres moyens d’un organisme de radiodiffusion comprennent les moyens d’une personne qui agit au nom et [(5)] sous la responsabilité de celui-ci.»

9.        Dans la position commune (CE) no 48/2000 du Conseil (6), il résulte du point 27 de l’exposé des motifs que:

«La disposition de l’article 5, paragraphe 2, point d), avait été ajoutée à la liste des exceptions figurant dans la proposition modifiée de la Commission à la suite d’une suggestion émanant du Parlement européen (amendement 39). Le Conseil a […] ajouté une seconde clause à cet alinéa, afin d’aligner le libellé sur celui de l’article 11 bis de la convention de Berne [pour la protection des œuvres littéraires et artistiques]. Le Conseil a également clarifié dans le considérant 41 nouveau la notion ‘par leurs propres moyens’, afin de donner aux États membres assez de souplesse pour adapter leur législation aux modifications du marché.»

B –    Le droit international

10.      L’article 11 bis de la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (version adoptée le 24 juillet 1971 à Paris) dispose dans sa version modifiée le 28 septembre 1979 (ci-après la «convention de Berne»):

«(1)      Les auteurs d’œuvres littéraires et artistiques jouissent du droit exclusif d’autoriser:

(i)      la radiodiffusion de leurs œuvres ou la communication publique de ces œuvres par tout autre moyen servant à diffuser sans fil les signes, les sons ou les images;

(ii)      toute communication publique, soit par fil, soit sans fil, de l’œuvre radiodiffusée, lorsque cette communication est faite par un autre organisme que celui d’origine;

(iii)      la communication publique, par haut-parleur ou par tout autre instrument analogue transmetteur de signes, de sons ou d’images, de l’œuvre radiodiffusée.

[…]

(3)      Sauf stipulation contraire, une autorisation accordée conformément à l’alinéa 1) du présent article n’implique pas l’autorisation d’enregistrer, au moyen d’instruments portant fixation des sons ou des images, l’œuvre radiodiffusée. Est toutefois réservé aux législations des pays de l’Union le régime des enregistrements éphémères effectués par un organisme de radiodiffusion par ses propres moyens et pour ses émissions. Ces législations pourront autoriser la conservation de ces enregistrements dans des archives officielles en raison de leur caractère exceptionnel de documentation.»

C –    Le droit national

11.      L’article 31 de la loi danoise sur le droit d’auteur (7) dispose:

«(1)      Les sociétés de radiodiffusion peuvent enregistrer, afin de les diffuser, des œuvres sur magnétophone, dans des films ou d’autres dispositifs permettant de les rediffuser à condition de disposer du droit de diffusion des œuvres en cause. Le droit de rendre ces enregistrements accessibles au public est soumis au demeurant aux règles en vigueur.

(2)      Le ministre de la culture peut fixer des règles plus précises concernant les conditions de tels enregistrements ainsi que leur usage et leur conservation.»

12.      Selon l’ordonnance de renvoi (8), lors de la transposition en droit danois de la directive InfoSoc, le législateur national est parti du principe que l’article 31 de la loi en vigueur comportait une exception analogue à celle de l’article 5, paragraphe 2, point d), de la directive InfoSoc. La transposition de l’article 5, paragraphe 2, point d), n’a donc pas donné lieu à une modification de la disposition dérogatoire de l’article 31 de la loi danoise sur le droit d’auteur et il n’a pas non plus été pris position sur la pertinence du quarante et unième considérant.

III – Le litige au principal et les questions préjudicielles

13.      La présente affaire concerne un litige portant sur l’interprétation de la disposition dérogatoire concernant l’enregistrement à des fins de diffusion à l’article 31, paragraphe 1, point 1, de la loi danoise sur le droit d’auteur lorsque l’enregistrement est effectué dans le cadre de programmes télévisés commandés à un tiers par un organisme de radiodiffusion afin d’être diffusé par cet organisme dans le cadre de ses propres émissions.

14.      Il existe notamment un doute sur le point de savoir si, et dans quelle mesure, la directive InfoSoc affecte l’application de l’article 31 en question par la voie d’une interprétation conforme à cette directive et comment il y a lieu de comprendre les dispositions de ladite directive concernant les organismes de radiodiffusion.

15.      Cette affaire oppose deux organismes de radiodiffusion, DR et TV2 Danmark A/S (ci-après «TV2»), au Nordisk Copyright Bureau (ci-après «NCB»).

16.      NCB est une société balto-nordique qui administre, en collaboration avec des sociétés de gestion à travers le monde, les droits d’enregistrement et de reproduction d’œuvres musicales sur, entre autres, CD, DVD, dans des films, des vidéos et sur Internet (les droits dits mécaniques) pour le compte des auteurs, des compositeurs et des éditions musicales.

17.      DR est l’organisme danois de radio et télédiffusion financé par la redevance qui couvre l’ensemble du pays. TV2 est l’organisme danois de radiodiffusion qui couvre l’ensemble du pays et qui est financé par la publicité.

18.      Parmi les programmes de radio et de télévision diffusés par DR et TV2, on trouve également des programmes produits par des tiers sur la base d’un contrat passé avec DR ou TV2 dans l’objectif d’une première diffusion par ces organismes. En principe, DR produit ses propres émissions mais elle est toutefois tenue de commander des programmes télévisés à des tiers dans un certain volume croissant en vertu d’un contrat de service public conclu avec le ministre de la Culture afin de soutenir la production privée. TV2 a en revanche été conçue sur un «modèle de maîtrise d’œuvre» en vertu duquel tous les programmes télévisés, à l’exception des journaux et des actualités télévisées ainsi que des films de fiction — couverts par des contrats de licence — sont en principe commandés à des tiers.

19.      Le recours accru par DR et TV2 à des sociétés de production télévisée externes et indépendantes a accentué un litige ancien entre les parties sur le point de savoir si la dérogation pour les enregistrements éphémères porte également sur les enregistrements réalisés par des sociétés de production télévisée externes indépendantes dans les cas où ces enregistrements sont commandés par DR ou TV2 auprès des sociétés de production concernées pour une première diffusion par DR ou TV2.

20.      De manière concrète, la présente affaire concerne la musique utilisée soit comme objet principal de l’émission ou bien comme élément secondaire, par exemple comme musique d’accompagnement, et les droits financiers y afférents de certaines sociétés d’exploitation (9).

21.      Pour ces raisons, l’Østre Landsret a saisi la Cour d’une demande de décision préjudicielle portant sur les questions suivantes:

«1)      Les expressions ‘par leurs propres moyens’ à l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive [InfoSoc] et ‘au nom et [(10)] sous la responsabilité de celui-ci’ dans le quarante et unième considérant de cette directive doivent-elles être interprétées en vertu du droit national ou du droit de l’Union européenne?

2)      Doit-on considérer que le libellé de la disposition est, comme par exemple dans les versions danoise, anglaise et française de la directive [InfoSoc], ‘au nom [de l’organisme de radiodiffusion] et sous la responsabilité de celui-ci’ ou bien, comme par exemple dans la version allemande, ‘au nom [de l’organisme de radiodiffusion] ou sous la responsabilité de celui-ci’?

3)      Pour le cas où il y a lieu d’interpréter les expressions citées dans la première question en vertu du droit de l’Union européenne, il est demandé à la Cour de répondre à la question suivante: quels critères la juridiction nationale doit-elle appliquer lorsqu’elle apprécie concrètement si un enregistrement réalisé par un tiers (dénommé ci-après le ‘producteur’) aux fins d’une diffusion par l’organisme de radiodiffusion est réalisé ‘par [les] propres moyens [de cet organisme]’, notamment ‘au nom [et/ou] sous la responsabilité de celui-ci’ et que cet enregistrement relève ainsi de l’exception prévue à l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive [InfoSoc]?

Dans le cadre de la réponse à cette troisième question, il est notamment demandé à la Cour de répondre sur les points suivants:

a)      La notion ‘par leurs propres moyens’ à l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive [InfoSoc] doit-elle être interprétée en ce sens qu’un enregistrement effectué par le producteur pour être diffusé par l’organisme de radiodiffusion ne relève de l’exception prévue à l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive [InfoSoc] que si l’organisme de radiodiffusion est responsable vis-à-vis des tiers pour les actions et abstentions du producteur liées à cet enregistrement comme si elles étaient le fait de l’organisme de radiodiffusion lui-même?

b)      La condition que l’enregistrement soit réalisé ‘au nom [de l’organisme de radiodiffusion] [et/ou] sous la responsabilité de celui-ci’ est-elle remplie si un organisme de radiodiffusion a mandaté le producteur pour procéder à l’enregistrement dans l’objectif de le diffuser et à condition que l’organisme de radiodiffusion concerné ait le droit de diffuser l’enregistrement?

Les circonstances suivantes peuvent-elles ou doivent-elles affecter la réponse à la question 3, sous b), et le cas échéant dans quelle mesure:

i)      si c’est l’organisme de radiodiffusion ou bien le producteur qui en vertu de l’accord passé entre eux prend la décision artistique/rédactionnelle finale et déterminante concernant le contenu du programme commandé.

ii)      si l’organisme de radiodiffusion est responsable vis-à-vis des tiers pour les obligations du producteur liées à l’enregistrement comme si ces actions et abstentions étaient le fait de l’organisme de radiodiffusion lui-même.

iii)      si le producteur est tenu, en vertu de l’accord qui le lie à l’organisme de radiodiffusion, de fournir le programme concerné à un prix déterminé et qu’il est tenu d’engager, dans le cadre de ce prix, l’intégralité des frais associés à l’enregistrement.

iv)      si c’est l’organisme de radiodiffusion ou le producteur qui est responsable de l’enregistrement vis-à-vis des tiers.

c)      La condition que l’enregistrement soit réalisé ‘au nom [de l’organisme de radiodiffusion] [et/ou] sous la responsabilité de celui-ci’ est-elle remplie si un organisme de radiodiffusion a mandaté le producteur pour procéder à l’enregistrement dans l’objectif que cet organisme puisse le diffuser et à condition que l’organisme de radiodiffusion concerné ait le droit de diffuser l’enregistrement si le producteur s’est engagé, aux termes de l’accord passé avec cet organisme, à assumer la responsabilité financière et juridique concernant i) l’engagement de l’intégralité des frais associés à l’enregistrement contre le paiement d’un montant prédéfini, ii) la responsabilité pour l’achat des droits, ainsi que iii) la responsabilité pour les circonstances imprévues telles que le retard dans la réalisation de l’enregistrement et la responsabilité pour défaillance/carence sans que l’organisme de radiodiffusion ne soit responsable vis-à-vis des tiers pour les obligations du producteur liées à l’enregistrement comme si ces actions et abstentions étaient le fait de l’organisme de radiodiffusion lui-même?»

IV – Sur la recevabilité des questions préjudicielles

22.      Le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit communautaire sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique, ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (11).

23.      Dans la procédure au principal, les parties ont défendu des positions différentes sur la pertinence même de la directive InfoSoc, dont l’interprétation fait l’objet des questions préjudicielles, pour l’issue du litige pendant devant la juridiction de renvoi.

24.      Les organismes de radiodiffusion ont indiqué à cet égard que l’expression «par leurs propres moyens et pour leurs propres émissions» figurant dans la directive InfoSoc n’apparaît pas à l’article 31 de la loi danoise sur le droit d’auteur et qu’elle n’est donc pas appelée à s’appliquer dans la procédure au principal. Au demeurant, l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive InfoSoc n’est pas d’application directe et la condition d’un enregistrement «par [ses] propres moyens» à l’article 31 de la loi danoise sur le droit d’auteur ne saurait être interprétée de façon plus large si le législateur danois ne l’a pas prévu.

25.      NCB fait valoir au contraire que la condition d’enregistrement «par leurs propres moyens» en vertu de l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive InfoSoc s’applique également en vertu du droit danois puisqu’il y a lieu d’interpréter l’article 31 de la loi danoise sur le droit d’auteur de manière conforme à cette directive.

26.      Si la prise en compte de la disposition de la directive InfoSoc était définitivement interdite au juge danois pour des motifs juridiques et qu’une interprétation conforme à la directive était impossible avec le mécanisme du droit national, la recevabilité de la demande de décision préjudicielle devrait être mise en cause à défaut de pertinence des questions déférées pour l’issue du litige au principal (12).

27.      Dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée par l’article 267 TFUE, il appartient toutefois au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (13).

28.      En l’occurrence, les questions déférées portent sur l’interprétation du droit de l’Union et il n’existe aucun indice contraignant qu’une interprétation du droit national conforme à la directive InfoSoc ne soit pas au moins du domaine du possible. En revanche, ce que j’ai indiqué au point 12 des présentes conclusions plaide contre la position défendue par les organismes de radiodiffusion selon laquelle une prise en compte de la disposition de la directive serait exclue dans le litige au principal. En effet, si, lors de la transposition de la directive InfoSoc, le législateur national s’est abstenu de procéder à une modification en croyant que cette disposition était déjà, telle quelle, conforme au droit de l’Union, il est logique de tenir compte, par le biais de l’interprétation, de cette volonté du législateur bien qu’exprimée peut-être insuffisamment. En tout cas, la juridiction de renvoi ne considère pas de manière explicite que cela soit impossible. Il y a donc lieu de respecter sa prérogative d’appréciation de la pertinence des questions préjudicielles pour la procédure au principal et de partir du principe que les questions déférées sont liées à la réalité ou à l’objet de la procédure au principal et que le problème soulevé ne présente pas un caractère purement hypothétique (14).

V –    Sur l’appréciation sur le fond des questions préjudicielles

29.      Les questions de droit déférées par la juridiction de renvoi concernent en substance la notion de «propres moyens» et son interprétation dans le contexte de la directive InfoSoc.

A –    Sur la première question

30.      Par sa première question, la juridiction de renvoi souhaite savoir si les expressions «par leurs propres moyens» et «au nom [de l’organisme de radiodiffusion] [et/ou] sous la responsabilité de celui-ci» doivent être interprétées en vertu du droit national ou bien en vertu du droit de l’Union.

1.      Arguments des parties

31.      Les parties divergent sur la réponse à la première question. Alors que les organismes de radiodiffusion plaident pour une interprétation basée sur le seul droit national puisque la directive InfoSoc ne comporte aucune définition et ne vise aucune harmonisation (15), NCB, le gouvernement espagnol et la Commission estiment qu’une interprétation autonome en vertu du droit de l’Union s’impose.

2.      Appréciation de la question

32.      Il ne me semble pas opportun d’interpréter les expressions «par leurs propres moyens» à l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive InfoSoc et «au nom [de l’organisme de radiodiffusion] [et/ou] sous la responsabilité de celui-ci» au quarante et unième considérant de cette directive en vertu du droit national et cette option ne saurait notamment pas être déduite de l’absence dans la directive d’une définition spécifique, par exemple sous la forme d’un catalogue de définitions.

33.      Selon une jurisprudence constante, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme (16).

34.      Premièrement, il n’existe aucun renvoi au droit national concernant la notion de «propres moyens» et, deuxièmement, la directive InfoSoc précise ce terme, quand bien même de manière marginale, dans son quarante et unième considérant, ce qui montre que le droit de l’Union lui-même vise de la notion une clarification spécifique et inhérente à l’acte juridique et qu’il offre dans le quarante et unième considérant des éléments d’aide à l’interprétation en ce sens.

35.      Troisièmement, l’objet et la finalité de la directive InfoSoc montrent qu’une interprétation autonome de la notion en droit de l’Union s’impose également d’un point de vue thématique en raison de l’importance des interdépendances économiques tant au niveau transfrontalier qu’à l’échelon européen. À cet égard, on peut renvoyer mutatis mutandis aux arrêts précités Padawan et Brüstle (17) rendus encore récemment.

36.      Dès lors, en l’absence d’une raison apparente de s’affranchir de la règle de l’interprétation autonome et uniforme, il y a lieu de répondre à la première question que les expressions «par leurs propres moyens» à l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive InfoSoc et «au nom [de l’organisme de radiodiffusion] [et/ou] sous la responsabilité de celui-ci» au quarante et unième considérant de ladite directive doivent être interprétées conformément au droit de l’Union.

37.      Il n’est pas nécessaire de se prononcer dans la cadre de la réponse à cette première question sur le point de savoir si et dans quelle mesure il y aura lieu de se référer à des paramètres, à des prémisses matérielles voire à une conception préliminaire émanant de sources juridiques internationales (18), par exemple la convention de Berne, pour procéder à une interprétation autonome et uniforme conformément au droit de l’Union. Ce point sera abordé dans le cadre de la réponse à la deuxième question.

B –    Sur la deuxième question

38.      La deuxième question traite d’une divergence entre différentes versions linguistiques. La juridiction de renvoi souhaite savoir s’il convient de lire à l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive InfoSoc «au nom et sous la responsabilité de [l’organisme de radiodiffusion]» ou «au nom ou sous la responsabilité de [l’organisme de radiodiffusion]». La question est formulée de manière imprécise puisqu’elle se réfère à l’article 5 de la directive InfoSoc alors qu’elle vise visiblement son quarante et unième considérant à la lumière duquel il y a lieu d’interpréter ledit article 5. En effet, les divergences linguistiques citées ne figurent pas à l’article 5 de la directive InfoSoc mais dans ses considérants.

1.      Arguments des parties

39.      Tandis que la Commission souligne la parité de principe des langues officielles et plaide pour une interprétation téléologique ouverte, NCB défend une position résolument restrictive qui est également partagée, en définitive, par le gouvernement espagnol qui se base sur la singularité de la version allemande de la directive InfoSoc et plaide en faveur d’une lecture cumulative pour des raisons de logique également (19). DR et TV2 invoquent également la logique mais elles parviennent toutefois à la conclusion exactement inverse (20).

2.      Analyse de la question

40.      Je considère que ni le nombre (21) de versions linguistiques comportant les conjonctions en cause («et» (22) ou «ou» (23)) ni les différences linguistiques en détail ne sont déterminants. Il convient de partir de manière décisive de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont la disposition interprétée constitue un élément (24).

a)      Le principe: aucune version linguistique ne prime en matière d’interprétation

41.      Selon une jurisprudence constante, la nécessité d’une application et, dès lors, d’une interprétation uniformes des dispositions de droit communautaire exclut que, en cas de doute, le texte d’une disposition soit considéré isolément dans une de ses versions, mais exige au contraire qu’il soit interprété et appliqué à la lumière des versions établies dans les autres langues officielles (25). En outre, en raison des imprécisions induites par le multilinguisme, le caractère significatif d’un seul mot dans les dispositions du droit de l’Union est à cet égard moindre que dans un contexte monolingue (26).

b)      Existe-t-il des spécificités d’interprétation en raison de la référence à la convention de Berne et aux traités de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI)?

42.      L’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive InfoSoc, auquel se réfère le quarante et unième considérant, s’inspire dans son libellé (27) de l’article 11 bis, paragraphe 3, de la convention de Berne.

43.      Selon les informations fournies par le site de l’OMPI (28), 165 États, dont l’intégralité des États membres de l’Union, ont adhéré à ce jour à la convention de Berne. À la différence des traités de l’OMPI (29), seuls des États peuvent toutefois adhérer à la convention de Berne.

44.      En vertu de l’article 37, paragraphe 1, sous c), de la convention de Berne, en cas de contestation sur l’interprétation des divers textes, le texte français fait foi.

45.      Dans le présent contexte du droit de l’Union, la version française ne doit toutefois pas être privilégiée par rapport aux autres versions linguistiques officielles par analogie à l’article 37, paragraphe 1, sous c), de la convention de Berne.

46.      Il est vrai que la directive InfoSoc doit être, autant que possible, interprétée à la lumière du droit international (30), notamment en tenant compte de la convention de Berne et du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur (WCT). Ladite directive vise notamment à mettre en œuvre ce traité (31), qui oblige à son article 1er, paragraphe 4, à se conformer aux articles 1 à 21 de la convention de Berne (32). La disposition de la convention de Berne selon laquelle le texte français fait foi en cas de doute sur l’interprétation figure cependant à son article 37, paragraphe 1, sous c), et donc en dehors des normes auxquelles le traité de l’OMPI sur le droit d’auteur (WCT), aux obligations duquel la directive InfoSoc doit se conformer, fait référence.

47.      De même, il serait aberrant et peu utile de transposer en quelque sorte la règle linguistique de l’article 24 du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur (WCT) à la directive InfoSoc et de considérer également les langues de ce traité comme déterminantes en cas de doute sur l’interprétation dans le cadre de cette directive, pour la seule raison que ladite directive renvoie audit traité. Il suffit d’indiquer à cet égard que l’article 24 du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur (WCT) prévoit que sept langues font également foi, dont toutefois, ce qui n’est pas autrement surprenant pour un traité de l’OMPI, outre le français, l’anglais et l’espagnol — c’est-à-dire trois langues officielles de l’Union — le russe, l’arabe et le chinois qui, de lege late, ne peuvent tout simplement pas entrer en considération pour l’interprétation de la directive InfoSoc.

48.      Nonobstant le contexte du droit international dans lequel s’inscrit la directive InfoSoc, aucune langue officielle ne peut donc être déterminante en cas de doute sur l’interprétation à donner à une disposition.

c)      L’interprétation en tenant compte de la genèse, du contexte et de la finalité de l’article 5, paragraphe 2, de la directive InfoSoc combiné au quarante et unième considérant de cette directive

49.      On s’en tiendra donc au principe général selon lequel en cas de disparité entre les diverses versions linguistiques d’un acte de l’Union, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (33). À cet effet, une prise en compte de la genèse de la disposition est également utile dans le cas présent.

i)      L’absence de notions tranchées

50.      Une analyse distincte des éléments associés par «et» ou «ou» effectuée dans une première démarche visant à préparer le terrain à cette interprétation systématique et téléologique ne permet pas de progresser. Les expressions «au nom [de]» ou «sous la responsabilité [de]» ne présentent d’emblée aucun contenu clairement défini susceptible de faire l’objet d’une interprétation cumulative ou alternative et d’être classé dans un certain contexte. Au contraire, les éléments se chevauchent et sont peu tranchés.

51.      Le binôme de notions rappelle néanmoins vaguement la distinction entre «véritable» et «fausse» production sur commande que connaît par exemple le droit allemand. Par fausse production sur commande, on vise le cas dans lequel le producteur délégué «[agit] dès le départ au nom et (34) pour le compte de l’organisme de radiodiffusion qui, pour cette raison, acquiert directement l’intégralité des droits de protection et d’utilisation. Dans ce cas, le producteur délégué n’est pas un producteur de films indépendant […] mais uniquement un auxiliaire de l’organisme de radiodiffusion commandité au niveau purement organisationnel» (35). Si le quarante et unième considérant de la directive InfoSoc avait toutefois voulu se saisir mutatis mutandis de cette distinction pour l’enregistrement éphémère, par lequel on peut difficilement entendre, d’ailleurs, un enregistrement d’une œuvre filmée qui par principe est destiné à être durable, et ne faire échapper à la notion de «propres moyens» que les productions pour lesquelles le producteur produit le programme en son propre nom (et éventuellement à ses propres risques) et doit ensuite transférer à l’organisme de radiodiffusion les droits de protection et d’utilisation, il aurait semblé logique qu’une telle intention soit exprimée plus clairement dans les considérants.

52.      Les notions utilisées dans la disposition ne permettant pas en elles-mêmes de tirer une conclusion claire quant à la volonté du législateur, il convient maintenant d’aborder la genèse de la disposition et d’examiner si elle permet de donner des indications sur l’esprit et l’objectif de la disposition en question.

ii)    La genèse de l’article 5, paragraphe 2, de la directive InfoSoc en tant que disposition dérogatoire

53.      La genèse de l’article 5, paragraphe 2, de la directive InfoSoc remonte en définitive à la convention de Berne dont est tirée la notion de «propres moyens».

54.      On peut retracer la genèse du quarante et unième considérant de la directive InfoSoc en cause, qui explique l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive, à l’aide d’une documentation détaillée composée des documents législatifs (36) et la genèse fait apparaître les positions divergentes des parties à la procédure législative concernant la portée de la notion de «propres moyens».

55.      La genèse de la disposition et du considérant qui lui est rattaché montre tout d’abord qu’il s’agissait avant tout pour le Parlement européen de privilégier les actes de reproduction dont le seul but était de permettre par la suite un acte de radiodiffusion légitime (37). Indépendamment de cela, on a souhaité, d’une part, orienter le libellé de la disposition sur celui de la convention de Berne et, d’autre part, précisément forcer et élargir la notion étroite de «propres moyens» contenue, dans une forme analogue, dans cette convention (et considérée comme dépassée). La directive InfoSoc visait à tenir compte du développement des techniques et de la pratique. La position commune reproduite ci-dessus par extraits va également dans le même sens.

56.      La disposition dérogatoire, qu’il convient en principe d’interpréter restrictivement, devait donc permettre une ouverture prudente par le biais du quarante et unième considérant, sans toutefois perdre complètement ses contours. Bien que les dispositions dérogatoires doivent en principe être interprétées restrictivement, notamment dans la directive InfoSoc (38), une interprétation historico-téléologique plaide donc en faveur d’une interprétation flexible et ouverte du contenu du quarante et unième considérant, étant toutefois entendu que ce considérant est conçu en substance sous la forme d’un exemple type sans présenter une définition obligatoire et exhaustive.

iii) Les conclusions d’une interprétation téléologique et systématique

57.      À la lumière de ces considérations, on se demande si l’on peut en tirer des indications déterminantes pour le problème en définitive syntaxique soulevé par la deuxième question.

58.      Selon moi, la notion de responsabilité est primordiale dans le binôme de notions «au nom [et/ou] sous la responsabilité» car elle a une portée plus large que l’expression «au nom [de]» qui comporte également, de manière implicite, une idée d’imputation mettant en jeu la responsabilité. Cette notion peut être interprétée largement ou restrictivement et peut également toutefois présenter un caractère différent selon les versions linguistiques.

59.      Compte tenu du fait que la présente affaire porte concrètement sur l’appréciation des productions déléguées réalisées par des entreprises tierces, il est caractéristique pour les cas de figure respectifs que l’organisme de radiodiffusion assume ou non la responsabilité, de quelque nature que ce soit, pour une production réalisée à sa demande et pour son enregistrement éphémère par un tiers.

60.      Dans les développements qui suivent, il y a lieu de déterminer la signification de la notion de responsabilité par des considérations systématiques et téléologiques.

61.      Lorsque l’on procède à l’interprétation, il convient de tenir compte, d’un point de vue systématique, du fait qu’une conception large du paramètre «responsabilité» produit des effets directs sur l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive InfoSoc. Plus le nombre d’entreprises considérées comme agissant «sous la responsabilité de [l’organisme de radiodiffusion]» est important, plus le nombre d’enregistrements réputés être réalisés en vertu de l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive (combiné au quarante et unième considérant de celle-ci) «avec [ses] propres moyens», qui sont privilégiés (39) et peuvent bénéficier de la disposition dérogatoire au titre des enregistrements éphémères, est élevé.

62.      Plus que d’éventuelles nuances linguistiques dans les considérants, il convient donc de tenir compte dans l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive InfoSoc et de l’expression «au nom [et/ou] sous [l]a responsabilité» du fait que la notion de «propres moyens», qui doit être développée à partir du principe de responsabilité sans pour autant être déformée, trouve son origine dans l’un des articles de la convention de Berne dont le respect s’impose également à l’Union (40).

63.      Conformément à son caractère dérogatoire, la notion de propres moyens est interprétée strictement dans la doctrine relative à la convention de Berne (41), ce qui à son tour plaiderait en faveur d’exigences élevées en ce qui concerne le principe de responsabilité afin de prévenir un affaiblissement du concept. C’est ce qu’il convient en principe d’approuver et ce d’autant plus que, dans le cas contraire, une disposition dérogatoire, qui exige en principe une interprétation stricte, serait exposée au danger de perdre ses contours.

64.      Compte tenu de ce qui est indiqué au point 61 des présentes conclusions, il y a lieu en l’occurrence de procéder, dans le cas de la directive InfoSoc, à une acrobatie juridico-interprétative (42). D’une part, certaines tendances dans la genèse de la directive InfoSoc soulignent une compréhension intentionnellement large de la notion, d’autre part, la convention de Berne dont les appréciations doivent en principe être suivies poursuit une approche résolument restrictive.

65.      En dépit de l’arrimage terminologique à la convention de Berne, il me semble toutefois trop réducteur que seules les personnes appartenant à l’entreprise et agissant ainsi, en quelque sorte, comme auxiliaires d’exécution — à l’instar des employés ou des travailleurs intérimaires — et dans le meilleur des cas des filiales contrôlées et appartenant au même groupe de sociétés également, soient considérées comme agissant sous la responsabilité de l’organisme de radiodiffusion et que toute sous-traitance externe de la production par l’organisme de radiodiffusion échappe ainsi au contexte réglementaire de l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive InfoSoc (43). Cela ne me semble pas non plus prévu de manière impérative à la seule lumière de la terminologie de la convention de Berne et en outre difficilement conciliable avec les circonstances pratiques dont l’interprétation flexible de la directive en cause souhaite explicitement tenir compte de l’évolution.

66.      En particulier, si l’on rejetait pour eux le critère des «propres moyens [de l’organisme de radiodiffusion]», les groupes de média dans lesquels une filiale assure l’activité d’émission pendant que sa société sœur procède aux enregistrements, par exemple en tant que prestataire de services, au sein d’une holding commune, seraient désavantagés à cet égard, d’une manière peu compréhensible au niveau économique, comparés aux organismes de droit public complexes qui attribuent ces deux fonctions à des services distincts agissant de manière autonome tout en faisant partie d’une seule et même entité juridique.

67.      Je propose donc de résoudre par une interprétation téléologique le problème syntaxique soulevé dans la deuxième question et d’interpréter le quarante et unième considérant de la directive InfoSoc, à la lumière duquel il convient d’interpréter l’article 5, paragraphe 2, sous d), de ladite directive, en ce sens que les moyens qui y sont cités recouvrent les moyens mis en œuvre par un tiers dans le seul but de permettre ensuite, grâce à un enregistrement éphémère, un acte de radiodiffusion légitime par un organisme de radiodiffusion déterminé dès lors que l’enregistrement est réalisé sous la responsabilité de l’organisme de radiodiffusion.

68.      La pertinence pratique de la notion de responsabilité joue un rôle important dans l’appréciation de la dernière question préjudicielle.

C –    Sur la troisième question

69.      Dans cette question, la juridiction de renvoi demande en substance à la Cour d’apprécier certains cas de figure pratiques et de déterminer, à partir de ces cas, les critères susceptibles d’être pertinents pour constater l’existence de «propres moyens» et d’une action réalisée «au nom [et/ou] sous [l]a responsabilité [de l’organisme de radiodiffusion]».

70.      Il s’agit de savoir en définitive si toute production réalisée par un tiers sur la base d’un contrat passé entre ce tiers et l’organisme de radiodiffusion et qui laisse éventuellement une large marge d’appréciation artistique, peut bénéficier de l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive InfoSoc ou si la condition «sous [l]a responsabilité [de l’organisme de radiodiffusion]» suggère notamment une approche plus restreinte selon laquelle il est déterminant de savoir si et dans quelle mesure la responsabilité de l’organisme de radiodiffusion doit être mise en cause pour d’éventuelles erreurs commises par l’entreprise tierce.

1.      Arguments des parties

71.      La Commission se fonde de manière décisive sur l’objectif poursuivi en réalisant les enregistrements et souligne que seuls les enregistrements éphémères peuvent bénéficier de la dérogation en cause. Cela est difficilement le cas des grosses productions cinématographiques, l’appréciation du cas d’espèce étant toutefois laissée à la juridiction nationale. En revanche, DR et TV2 défendent une approche large favorable aux organismes de radiodiffusion, NCB et le gouvernement espagnol défendant pour leur part une approche restrictive, NCB ne voulant toutefois pas se contenter de rapports contractuels avec un tiers si une responsabilité de l’organisme de radiodiffusion n’est pas garantie dans les rapports externes. L’objet concret de cette responsabilité demeure en définitive peu clair.

2.      Appréciation de la question

72.      Si l’on transpose la conclusion tirée pour la deuxième question, il en résulte pour la troisième question que lorsque l’on apprécie de manière concrète si un enregistrement a été réalisé par un tiers pour être diffusé par un organisme de radio ou de télédiffusion «par [ses] propres moyens» et «au nom [et/ou] sous la responsabilité [de l’organisme]» et relève ainsi de la disposition dérogatoire de l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive InfoSoc, il convient de prendre en compte le fait que les moyens ont été mis en œuvre dans le seul but de permettre un acte de radiodiffusion légitime par l’organisme de radiodiffusion dès lors que l’enregistrement est réalisé sous la responsabilité de l’organisme de radiodiffusion.

73.      Le point de savoir dans quelles conditions il est possible d’admettre l’existence de cette responsabilité fait l’objet des sous-questions suivantes.

a)      Troisième question, sous a)

74.      Dans cette sous-question, la juridiction de renvoi souhaite savoir en substance si la notion de «propres moyens» doit être comprise en ce sens qu’un enregistrement ne relève de la disposition dérogatoire que si l’organisme de radio ou de télédiffusion est responsable à l’égard des tiers des actions et abstentions du producteur liées à cet enregistrement comme si elles étaient le fait de l’organisme de radiodiffusion lui-même.

75.      Cette sous-question repose sur l’idée d’une imputation de la responsabilité à l’organisme de radiodiffusion. Elle est conforme au principe de responsabilité de la directive InfoSoc, presque essentiel, si l’on ne veut pas laisser la notion de «propres moyens» sans contours.

76.      Conformément au principe de responsabilité, la notion de «propres moyens» à l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive InfoSoc doit donc être comprise en ce sens qu’un enregistrement réalisé par un producteur pour les émissions d’un organisme de radiodiffusion ne relève de la disposition dérogatoire dudit article, que si l’organisme de radio ou de télédiffusion est responsable à l’égard des tiers pour les actions et abstentions du producteur liées à cet enregistrement comme si elles étaient le fait de l’organisme de radiodiffusion lui-même.

77.      La notion de responsabilité contenue dans le quarante et unième considérant de la directive InfoSoc serait en effet vidée de son sens si l’obligation de responsabilité de l’organisme de radiodiffusion ne constituait pas sa condition sine qua non. S’il est vrai que le quarante et unième considérant vise à ce que la notion de propres moyens soit suffisamment souple tout en tenant compte du principe de responsabilité et permette une adaptation aux modifications des circonstances contextuelles, cela doit aller de pair avec la condition que les actions réalisées par ses propres moyens conduisent également, en définitive, dans les rapports externes, à une obligation de responsabilité de celui à qui on attribue précisément ces moyens comme des propres moyens. L’extension de la notion de moyens par le biais de la notion de responsabilité implique ainsi une obligation de responsabilité de l’organisme de radiodiffusion qui n’est pas prévue en détail mais qui est présumée.

78.      Une telle approche laisse ouverte la question des modalités concrètes de cette responsabilité, et notamment du point de savoir si elle se présente sous la forme d’une action directe ou comme une responsabilité solidaire ou bien encore si elle est fondée sur une responsabilité extracontractuelle ou sur une responsabilité contractuelle, par exemple une reprise de dette cumulative ou une reprise extinctive de dette.

79.      Dans cette analyse, l’obligation de principe de garantie de l’organisme de radiodiffusion se révèle être le corollaire de l’extension de la notion de «propres moyens» et, en pratique, elle ne devrait généralement pas engager la responsabilité de l’organisme concerné, pour autant que le comportement du tiers soit légitime.

b)      Troisième question, sous b)

80.      Dans cette sous-question, la juridiction de renvoi souhaite savoir si la condition que l’enregistrement soit réalisé «au nom [de l’organisme de radiodiffusion] [et/ou] sous la responsabilité de celui-ci» est remplie lorsque l’organisme de radiodiffusion a mandaté le producteur de réaliser l’enregistrement pour pouvoir ensuite le diffuser lui-même et à condition que cet organisme dispose du droit de diffusion.

81.      Cette sous-question part donc d’un cas de figure diamétralement opposé et porte en substance sur le point de savoir si la responsabilité pourrait être également admise même en l’absence d’une obligation de responsabilité à la charge de l’organisme de radiodiffusion.

82.      Conformément aux considérations indiquées au point 75 des présentes conclusions, la condition que l’enregistrement soit réalisé «au nom [de l’organisme de radiodiffusion] [et/ou] sous la responsabilité de celui-ci» n’est pas déjà nécessairement remplie si un organisme de radiodiffusion a mandaté le producteur pour procéder à l’enregistrement dans l’objectif de le diffuser et à condition que l’organisme de radiodiffusion concerné ait le droit de diffuser l’enregistrement.

83.      Ce qui importe, en l’occurrence, ce sont les modalités concrètes de la relation contractuelle, ses effets externes et, en définitive, si une obligation de responsabilité de l’organisme de radiodiffusion à l’égard des tiers se présente sous la forme de ce qui a été examiné au point 75.

84.      Les sous-questions suivantes examinent d’autres points de détail de conventions contractuelles envisageables entre l’organisme de radiodiffusion et le producteur à la lumière de l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive InfoSoc et il y a lieu d’y répondre selon les paramètres indiqués précédemment.

i)      Troisième question, sous b), i)

85.      Dans cette sous-question, la juridiction de renvoi souhaite savoir si le pouvoir de décision artistique/rédactionnelle constitue un critère de la condition «au nom [de l’organisme de radiodiffusion] [et/ou] sous la responsabilité de celui‑ci».

86.      Il y a lieu d’apporter à cette question une réponse négative.

87.      Il est sans importance de savoir qui prend la décision artistique/rédactionnelle finale et déterminante sur le contenu du programme commandé puisque, d’une part, seul l’enregistrement importe dans la disposition dérogatoire de la directive InfoSoc, c’est-à-dire la reproduction technique, et que, d’autre part, la direction artistique pourrait être sans pertinence au regard du droit de la responsabilité dans les rapports externes. Seule l’obligation de responsabilité induite par la responsabilité de l’organisme de radiodiffusion est déterminante.

ii)    Troisième question, sous b), ii)

88.      Dans cette sous-question, la juridiction de renvoi souhaite savoir si le fait que l’organisme de radiodiffusion soit responsable à l’égard des tiers pour les obligations du producteur liées à l’enregistrement comme si ces actions et abstentions étaient le fait de l’organisme de radiodiffusion lui-même a une influence.

89.      Conformément aux indications données au point 75 des présentes conclusions concernant la notion de «propres moyens», il y a lieu de retenir que cette obligation de responsabilité est pertinente et déterminante pour la condition «au nom [de l’organisme de radiodiffusion] [et/ou] sous la responsabilité de celui‑ci».

iii) Troisième question, sous b), iii)

90.      Dans cette sous-question, la juridiction de renvoi souhaite savoir en substance si la condition «au nom [de l’organisme de radiodiffusion] [et/ou] sous la responsabilité de celui-ci» dépend du point de savoir si le producteur assume, en vertu de l’accord qui le lie à l’organisme de radiodiffusion, l’intégralité du risque financier pour le programme commandé.

91.      Il y a lieu de répondre négativement à cette question.

92.      Il n’est pas déterminant que le producteur soit tenu, en vertu de l’accord qui le lie à l’organisme de radiodiffusion, de fournir le programme concerné à un prix déterminé et qu’il soit tenu de supporter, dans le cadre de ce prix, l’intégralité des frais associés à l’enregistrement. Cela est sans pertinence au regard de la responsabilité dans les rapports externes.

iv)    Troisième question, sous b), iv)

93.      Dans cette sous-question, la juridiction de renvoi souhaite savoir en substance si la question de savoir si c’est l’organisme de radiodiffusion ou le producteur qui puisse voir sa responsabilité engagée à l’égard des tiers affecte la condition que l’enregistrement soit réalisé «au nom [de l’organisme de radiodiffusion] [et/ou] sous la responsabilité de celui-ci».

94.      Il y a lieu de répondre par l’affirmative.

95.      En effet, en vertu de ce qui a été indiqué précédemment, il importe de savoir si c’est l’organisme de radiodiffusion ou bien le producteur qui est responsable de l’enregistrement à l’égard des tiers, les deux pouvant toutefois être responsables solidairement. En cas d’obligation de responsabilité de l’organisme de radiodiffusion, il y a toutefois lieu de partir du principe que le producteur agit «au nom [de l’organisme de radiodiffusion] [et/ou] sous la responsabilité de celui‑ci» et une responsabilité solidaire supplémentaire du producteur serait toutefois sans incidence.

c)      Troisième question, sous c)

96.      En vertu des considérations précédentes, la condition que l’enregistrement soit réalisé «au nom [de l’organisme de radiodiffusion] [et/ou] sous la responsabilité de celui-ci» n’est pas encore remplie si un organisme de radiodiffusion a mandaté le producteur pour procéder à l’enregistrement dans l’objectif que cet organisme puisse le diffuser et à condition que l’organisme de radiodiffusion concerné ait le droit de diffuser l’enregistrement si le producteur s’est engagé, aux termes de l’accord passé avec cet organisme, à assumer la responsabilité financière et juridique concernant i) l’engagement de l’intégralité des frais associés à l’enregistrement contre le paiement d’un montant prédéfini, ii) la responsabilité pour l’achat des droits ainsi que iii) la responsabilité pour les circonstances imprévues telles que le retard dans la réalisation de l’enregistrement et la responsabilité pour défaillance/carence sans que l’organisme de radiodiffusion ne soit responsable à l’égard des tiers pour les obligations du producteur liées à l’enregistrement comme si ces actions et abstentions étaient le fait de l’organisme de radiodiffusion lui-même.

97.      L’obligation de responsabilité mentionnée en dernier lieu est en effet déterminante dans les rapports externes et ne doit pas faire défaut.

VI – Conclusion

98.      Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose de répondre aux questions préjudicielles de la manière suivante:

«1)      Les expressions ‘par leurs propres moyens’ à l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, et ‘au nom et sous la responsabilité de celui-ci’ dans le quarante et unième considérant de cette directive doivent être interprétées en vertu du droit de l’Union.

2)      Le quarante et unième considérant de la directive 2001/29, à la lumière duquel il convient d’interpréter l’article 5, paragraphe 2, sous d), de ladite directive, doit être interprété en ce sens que les moyens qui y sont cités recouvrent les moyens mis en œuvre dans le seul but de permettre ensuite, grâce à un enregistrement éphémère, un acte de radiodiffusion légitime par un organisme de radiodiffusion déterminé dès lors que l’enregistrement est réalisé sous la responsabilité de l’organisme de radiodiffusion.

3)      Lorsque l’on apprécie de manière concrète si un enregistrement a été réalisé par un tiers, en l’occurrence le producteur, pour être diffusé par un organisme de radio ou de télédiffusion ‘par [ses] propres moyens’ et ‘au nom [et/ou] sous la responsabilité [de l’organisme]’ et relève ainsi de la disposition dérogatoire de l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive 2001/29, il convient de se référer au fait que les moyens ont été mis en œuvre dans le seul but de permettre un acte de radiodiffusion légitime par l’organisme de radiodiffusion dès lors que l’enregistrement est réalisé sous la responsabilité de l’organisme de radiodiffusion.

a)      La notion de ‘propres moyens’ à l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la directive 2001/29 doit être comprise en ce sens qu’un enregistrement réalisé par un producteur pour les émissions d’un organisme de radiodiffusion ne relève de la disposition dérogatoire dudit article que si l’organisme de radio ou de télédiffusion est responsable à l’égard des tiers pour les actions et abstentions du producteur liées à cet enregistrement comme si elles étaient le fait de l’organisme de radiodiffusion lui-même.

b)      La condition que l’enregistrement soit réalisé ‘au nom [de l’organisme de radiodiffusion] [et/ou] sous la responsabilité de celui‑ci’ n’est pourtant pas encore remplie si un organisme de radiodiffusion a mandaté le producteur pour procéder à l’enregistrement dans l’objectif de le diffuser et à condition que l’organisme de radiodiffusion concerné ait le droit de diffuser l’enregistrement.

Concernant la réponse à la troisième question, sous b):

i)      Il est sans importance de savoir qui de l’organisme de radiodiffusion ou du producteur prend, en vertu de l’accord qui les lie, la décision artistique/rédactionnelle finale et déterminante concernant le contenu du programme commandé.

ii)      Il est déterminant de savoir si l’organisme de radiodiffusion est responsable à l’égard des tiers pour les obligations du producteur liées à l’enregistrement comme si ces actions et abstentions étaient le fait de l’organisme de radiodiffusion lui-même.

iii)      Il est sans importance que le producteur soit tenu, en vertu de l’accord qui le lie à l’organisme de radiodiffusion, de fournir le programme concerné à un prix déterminé et qu’il soit tenu de supporter, dans le cadre de ce prix, l’intégralité des frais associés à l’enregistrement.

iv)      Il est déterminant de savoir qui de l’organisme de radiodiffusion ou bien du producteur est responsable de l’enregistrement à l’égard des tiers, les deux pouvant toutefois être responsables solidairement.

c)      La condition que l’enregistrement soit réalisé ‘au nom [de l’organisme de radiodiffusion] [et/ou] sous la responsabilité de celui‑ci’ n’est pas encore remplie si un organisme de radiodiffusion a mandaté le producteur pour procéder à l’enregistrement dans l’objectif que cet organisme puisse le diffuser et à condition que l’organisme de radiodiffusion concerné ait le droit de diffuser l’enregistrement si le producteur s’est engagé, aux termes de l’accord passé avec cet organisme, à assumer la responsabilité financière et juridique concernant i) l’engagement de l’intégralité des frais associés à l’enregistrement contre le paiement d’un montant prédéfini, ii) la responsabilité pour l’achat des droits ainsi que iii) la responsabilité pour les circonstances imprévues telles que le retard dans la réalisation de l’enregistrement et la responsabilité pour défaillance/carence sans que l’organisme de radiodiffusion ne soit responsable à l’égard des tiers pour les obligations du producteur liées à l’enregistrement comme si ces actions et abstentions étaient le fait de l’organisme de radiodiffusion lui-même.»


1 —      Langue originale: l’allemand.


2 —      JO L 167, p. 10.


3 —      Cette notion renvoie à la notion d’enregistrements éphémères de la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques dans laquelle elle a été introduite en 1948. Elle décrit un phénomène caractéristique de la radiodiffusion. Pour préparer une émission différée dans le temps, il est nécessaire que les contributions des auteurs et des artistes engagés par les organismes de radiodiffusion soient fixées au préalable sur des supports mécaniques. Les enregistrements ainsi réalisés sont qualifiés d’enregistrements éphémères, la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques laissant toutefois ouvert le délai durant lequel ils peuvent être conservés. Ils sont en quelque sorte accessoires parce que leur réalisation sert exclusivement à l’exercice du droit de diffusion associé aux œuvres enregistrées et qu’ils ne doivent pas être utilisés d’une quelconque autre manière (Ruijsenaars, H., Zur Vergänglichkeit von «ephemeren Aufnahmen», ZUM, 1999, p. 707 et 708).


4 —      Voir p. 6 de l’ordonnance de renvoi.


5 —      Les différentes versions linguistiques ne sont pas uniformes à cet égard et la juridiction de renvoi attire l’attention sur ce point dans sa deuxième question préjudicielle. Les versions linguistiques qui, à l’instar de la version allemande, comportent la conjonction «ou» impliquant une alternative sont minoritaires comparées aux versions comportant une formulation cumulative («et»).


6 —      Position commune du 28 septembre 2000 arrêtée par le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251 du traité instituant la Communauté européenne, en vue de l’adoption d’une directive du Parlement européen et du Conseil sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO C 344, p. 1).


7 —      Loi de codification no 202 du 27 février 2010.


8 —      Voir p. 6.


9 —      Voir, à cet égard, points 5 et 6 des observations de NCB, points 2 à 10 des observations de DR et TV2 et points 4 à 7 des observations de la Commission.


10 —      En effet, la version danoise de la directive InfoSoc compte parmi celles qui comportent au quarante et unième considérant une formulation cumulative exprimée par la conjonction «et» [«Når undtagelsen eller indskrænkningen gælder efemere optagelser foretaget af radio- og fjernsynsforetagender, antages radio- og fjernsynsforetagendets egne midler at omfatte midler tilhørende en person, der handler på radio- og fjernsynsforetagendets vegne og under dette foretagendes ansvar.» (souligné par nous)].


11 —      Arrêt du 18 décembre 2007, Laval un Partneri (C‑341/05, Rec. p. I‑11767, point 46 et jurisprudence citée).


12 —      Sur un problème de recevabilité similaire — concernant toutefois l’interprétation d’une décision cadre —, voir, récemment encore, arrêt du 15 septembre 2011, Gueye et Salmerón Sánchez (C‑483/09 et C‑1/10, Rec. p. I‑8263, points 34 à 45), et points 21 à 32 des conclusions de l’avocat général Kokott dans cette affaire, dans lesquels la question d’une possible interprétation du droit national contra legem est abordée.


13 —      Arrêt Gueye et Salmerón Sánchez (précité à la note 12, point 39 et jurisprudence citée).


14 —      À cet égard, peu importe la question de savoir si, en vertu des instruments d’interprétation disponibles en droit danois, il est possible, à l’instar du Bundesgerichtshof (Allemagne) à la suite de l’arrêt du 17 avril 2008, Quelle (C‑404/06, Rec. p. I‑2685), de forcer l’évolution du droit par voie prétorienne en procédant à une interprétation conforme à la directive et en s’écartant de la lettre du droit national (voir, à cet égard, BGH, arrêt du 26 novembre 2008, VIII ZR 200/05, publié notamment au ZGS 2009, p. 85).


15 —      Points 46 à 51 et 127 de leurs observations.


16 —      Voir, récemment encore, arrêt du 18 octobre 2011, Brüstle (C‑34/10, Rec. p. I‑9821, point 25 et références citées); concernant l’interprétation autonome et uniforme de la notion de «compensation équitable» à l’article 5, paragraphe 2, de la directive InfoSoc, voir arrêt du 21 octobre 2010, Padawan (C‑467/08, Rec. p. I‑10055, points 32 à 37 et son dispositif, sous 1); concernant l’interprétation autonome et uniforme de la notion de «communication au public», au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive InfoSoc, voir arrêt du 7 décembre 2006, SGAE (C‑306/05, Rec p. I‑11519).


17 —      Voir, concernant la notion d’«embryon» et l’interprétation de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 1998, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, arrêt Brüstle (précité à la note 16, points 26 et suivants); concernant l’interprétation autonome et uniforme de la notion de «compensation équitable» à l’article 5, paragraphe 2, de la directive InfoSoc, voir arrêt Padawan (précité à la note 16, points 32 à 37).


18 —      Voir, récemment encore, arrêt du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a. (C‑403/08 et C‑429/08, Rec. p. I‑9083, point 189 et jurisprudence citée).


19 —      Point 25 des observations du gouvernement espagnol.


20 —      Point 131 des observations de DR et TV2.


21 —      Voir, concernant le cas particulièrement extrême de la divergence d’une seule version linguistique, arrêt du 19 avril 2007, Profisa (C‑63/06, Rec. p. I‑3239, points 13 et 14 ainsi que jurisprudence citée).


22 —      Voir versions danoise, bulgare, espagnol, estonienne, grecque, anglaise, française, lettonne, lituanienne, hongroise, néerlandaise, polonaise, roumaine, slovaque, slovène, finnoise et suédoise.


23 —      Voir versions tchèque, allemande, italienne, maltaise et portugaise.


24 —      Voir, à cet égard, arrêts du 27 octobre 1977, Bouchereau (30/77, Rec. p. 1999, point 14), et du 7 décembre 1995, Rockfon (C‑449/93, Rec. p. I‑4291, point 28). Voir, également, point 62 et note en bas de page 32 de mes conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 28 juin 2007, Albert Reiss Beteiligungsgesellschaft (C‑466/03, Rec. p. I‑5357); concernant les problèmes d’interprétation du droit de l’Union, voir Stotz, R., «Die Rechtsprechung des EuGH» dans Riesenhuber, K., Europäische Methodenlehre, deuxième édition, Walter de Gruyter, 2010, paragraphe 22, points 13 et suivants.


25 —      Arrêts Profisa (précité à la note 21, point 13), ainsi que, récemment encore, du 7 juillet 2011, IMC Securities (C‑445/09, Rec. p. I‑5917, point 25 et jurisprudence citée).


26 —      Voir Colneric, N., Auslegung des Gemeinschaftsrechts und gemeinschaftsrechtskonforme Auslegung, ZEuP, 2005, p. 225 et 227.


27 —      Voir position commune no 48/2000 du 28 septembre 2000, susmentionnée au point 9, et point 10 des présentes conclusions.


28 —      À lire sous http://www.wipo.int/treaties/fr/ip/berne/index.html


29 —      Cela fait référence au traité de l’OMPI sur le droit d’auteur (WCT) et au traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (WPPT). Ces deux traités ont été ratifiés par la Communauté européenne le 14 décembre 2009. Voir, à cet égard, décision 2000/278/CE du Conseil, du 16 mars 2000, relative à l’approbation, au nom de la Communauté européenne, du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur et du traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et sur les phonogrammes - Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur (WCT) - Traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (WPPT) (JO L 89, p. 6).


30 —      En ce sens également son quarante-quatrième considérant.


31 —      Comme l’indique explicitement le quinzième considérant de la directive InfoSoc.


32 —      Arrêt Football Association Premier League e.a. (précité à la note 18, point 189).


33 —      Arrêts Bouchereau (précité à la note 24, point 14); du 7 décembre 2000, Italie/Commission (C‑482/98, Rec. p. I‑10861, point 49); du 1er avril 2004, Borgmann (C‑1/02, Rec. p. I‑3219, point 25), et Profisa (précité à la note 21, point 14).


34 —      Souligné par nous.


35 —      Schack, H., Urheber-und Urhebervertragsrecht, cinquième édition, Mohr Siebeck, Tübingen, 2010, point 1225.


36 —      Aperçu aux points 30 et suivants des observations de DR et TV2,; voir également Mayer, H.-P., Richtlinie 2001/09/CE zur Harmonisierung bestimmter Aspekte des Urheberrechts und der verwandten Schutzrechte in der Informationsgesellschaft, EuZW, 2002, p. 325.


37 —      Ainsi, sur l’article 5, paragraphe 2, de la directive InfoSoc, amendement 39 de la résolution législative portant avis du Parlement européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information [COM(97)0628 C4-0079/98 97/0359(COD)] (JO 1999, C 150, p. 171, 179).


38 —      Voir, par exemple, arrêts du 16 juillet 2009, Infopaq International (C‑5/08, Rec. p. I‑6569, points 56 à 59), ainsi que du 1er décembre 2011, Painer (C‑145/10, Rec. p. I‑12533, points 109 et 110).


39 —      Dans la mesure où la condition «pour ses propres émissions» est de surcroît remplie.


40 —      Voir quarante-quatrième considérant de la directive InfoSoc.


41 —      Sur la convention de Berne et la notion anglaise de «by means of its own facilities» (par ses propres moyens), voir von Lewinski, S., International Copyright Law and Policy, Oxford, 2008, p. 165.


42 —      Sur les «doutes sérieux au regard du droit établi par la convention» à l’égard d’une «interprétation extensive du libellé de la loi» pour la notion de propres moyens à la lumière du quarante et unième considérant, voir Melichar, F., dans Schricker, G., Loewenheim, U., Urheberrecht — Kommentar, quatrième édition, Verlag C. H. Beck, Munich, 2011, paragraphe 55, point 5 et références citées.


43 —      Walter, M. M., et von Lewinski, S., European Copyright Law — A Commentary, Oxford, 2010, p. 1039. Les auteurs de cet ouvrage se prononcent au contraire, en invoquant les normes de la convention de Berne, avec véhémence contre la sous-traitance des «activités d’enregistrement à une autre société» («recording activity to another company»). Sur la convention de Berne et la notion anglaise de «by means of its own facilities» (par ses propres moyens), voir von Lewinski, S., op. cit., p. 165, point 5.191: «[…] this excludes the possibility of the organization putting someone else in charge of this task» («cela exclut la possibilité pour l’organisme de confier cette tâche à un tiers»).