Language of document : ECLI:EU:T:2012:133

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

20 mars 2012 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Nomination – Classement en grade – Règles transitoires de classement en grade lors du recrutement – Article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut – Principe d’égalité de traitement »

Dans les affaires jointes T‑441/10 P à T‑443/10 P,

ayant pour objet trois pourvois formés contre les arrêts du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 8 juillet 2010, Magazzu/Commission (F‑126/06), Sotgia/Commission (F‑130/06) et Kurrer/Commission (F‑139/06), et tendant à l’annulation de ces arrêts,


Christian Kurrer, demeurant à Watermael-Boitsfort (Belgique), représenté par Me M. Velardo, avocat,

partie requérante dans l’affaire T‑441/10 P,

Salvatore Magazzu, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me M. Velardo, avocat,

partie requérante dans l’affaire T‑442/10 P,

Stefano Sotgia, demeurant à Dublin (Irlande), représenté par Me M. Velardo, avocat,

partie requérante dans l’affaire T‑443/10 P,

les autres parties à la procédure étant

Commission européenne, représentée par M. J. Currall, en qualité d’agent,

partie défenderesse en première instance,

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. B. Driessen et Mme M. Simm, en qualité d’agents,

partie intervenante en première instance dans l’affaire F-139/06,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi (rapporteur) et S. Papasavvas, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 novembre 2011,

rend le présent

Arrêt

1        Par leurs pourvois introduits au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, les requérants, MM. Christian Kurrer, Salvatore Magazzu et Stefano Sotgia, demandent respectivement l’annulation des arrêts du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 8 juillet 2010, Kurrer/Commission (F‑139/06), Magazzu/Commission (F‑126/06) et Sotgia/Commission (F‑130/06) (ci-après, pris ensemble, les « arrêts attaqués »), par lesquels celui-ci a rejeté leurs recours tendant à l’annulation des décisions de la Commission des Communautés européennes de les classer, à la suite de leur recrutement en tant que fonctionnaires stagiaires, dans des grades inférieurs à ceux dans lesquels ils étaient classés en tant qu’agents temporaires (ci-après les « décisions attaquées »).

 Faits à l’origine des litiges

 Affaires F‑126/06 et F‑130/06

 Postes d’agent temporaire occupés par MM. Magazzu et Sotgia avant leur recrutement en tant que fonctionnaires

2        M. Magazzu, requérant dans l’affaire F‑126/06, a été recruté par la Commission en qualité d’agent temporaire, au sens de l’article 2, sous a), du régime applicable aux autres agents de l’Union (ci-après le « RAA »), le 1er décembre 2000, au grade A 5, échelon 3, et affecté à la direction générale (DG) « Santé et protection des consommateurs ». Son contrat a été renouvelé à plusieurs reprises jusqu’au 31 décembre 2005.

3        Par lettre du 24 mars 2004, la Commission lui a proposé de proroger la durée de son contrat d’agent temporaire jusqu’au 31 décembre 2005, mais l’a prévenu que son maintien en service au-delà de cette date n’était envisageable que s’il était lauréat d’un concours.

4        M. Sotgia, requérant dans l’affaire F‑130/06, a été recruté par la Commission en qualité d’agent temporaire au sens de l’article 2, sous a), du RAA, le 1er octobre 2001, au grade A 5, échelon 1, et affecté à la DG « Santé et protection des consommateurs ».

 Concours général EPSO/A/18/04 organisé par la Commission

5        Le 21 avril 2004, la Commission a publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO C 96 A, p. 1), conformément aux dispositions du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), un avis de concours général EPSO/A/18/04 visant à constituer une liste de réserve d’administrateurs de grades A 7 et A 6 dans le domaine de la santé publique et de la sécurité alimentaire.

6        Sous la rubrique intitulée « Rémunérations » des « Informations générales », l’avis de concours comportait la mention suivante :

« Traitement de base mensuel à la date du 1er mai 2004 :

grade A*6 (voir note [no ]1 de bas de page), premier échelon : 4 311,55 euros. »

7        Dans la note no 1 en bas de la première page, l’avis de concours précisait, en outre, ce qui suit :

« Ce concours est publié au niveau A 7/A 6 conformément aux dispositions du statut. Toutefois, la Commission a formellement transmis au Conseil [de l’Union européenne] une proposition de modification du statut. Cette proposition comporte notamment un nouveau système de carrière. Les lauréats de ce concours pourront se voir proposer un recrutement sur la base des dispositions du statut [tel que] modifié, suivant l’adoption de celles-ci par le Conseil. Selon les modalités établies à l’annexe XIII, section 2, articles 11 et 12, du statut […], les grades A 7/LA 7 et A 6/LA 6 sont remplacés, pendant la période de transition du 1er mai 2004 au 30 avril 2006, par le grade A*6 et après cette date par le grade AD 6. »

8        MM. Magazzu et Sotgia se sont portés candidats à ce concours.

9        Le 1er mai 2004, le grade A 5 qu’ils détenaient en qualité d’agents temporaires a été renommé grade A*11.

 Procédures de recrutement des requérants en tant que fonctionnaires

10      S’agissant de l’affaire F‑126/06, M. Magazzu a été informé de son inscription sur la liste d’aptitude le 13 septembre 2005.

11      Par décision du 13 décembre 2005, notifiée le 13 janvier 2006, M. Magazzu a été nommé fonctionnaire stagiaire de grade A*6, échelon 2, à compter du 1er janvier 2006. Il a été affecté à la DG « Santé et protection des consommateurs », au poste qu’il occupait en tant qu’agent temporaire. Il a continué à exercer les mêmes tâches et les mêmes responsabilités.

12      Le 30 mars 2006, M. Magazzu a introduit une réclamation contre cette décision au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, en ce que son classement avait été fixé au grade A*6, échelon 2.

13      Par décision du 13 juillet 2006, la Commission a rejeté sa réclamation.

14      S’agissant de l’affaire F‑130/06, les listes d’aptitude établies à l’issue du concours général EPSO/A/18/04 ont été publiées sur le site Internet de l’Office de sélection du personnel des Communautés européennes (EPSO) les 28 octobre et 18 novembre 2005.

15      Par décision du 11 avril 2006, M. Sotgia a été nommé fonctionnaire stagiaire de grade A*6, échelon 2, à compter du 16 avril 2006. Il a été affecté à la DG « Santé et protection des consommateurs », au poste qu’il occupait en tant qu’agent temporaire. Il a continué à exercer les mêmes tâches et les mêmes responsabilités.

16      Le 6 juillet 2006, M. Sotgia a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre cette décision, en ce que son classement avait été fixé au grade A*6, échelon 2.

17      Par décision du 3 août 2006, la Commission a rejeté sa réclamation.

 Affaire F‑139/06

18      Le 25 juillet 2002, la Commission a publié au Journal officiel (JO C 177 A, p. 25) l’avis de concours général COM/A/3/02 visant à constituer une liste de réserve d’administrateurs de grades A 7 et A 6 dans le domaine de la recherche.

19      Au titre D intitulé « Informations générales », sous la rubrique « Conditions de recrutement », l’avis de concours précisait ce qui suit :

« L’inscription des lauréats sur les listes de réserve leur donne vocation à être recrutés en tant que fonctionnaires stagiaires au fur et à mesure des besoins des services de la Commission […]. »

20      En outre, dans un nota bene figurait la mention suivante :

« La Commission a formellement transmis au Conseil une proposition de modification du statut. Cette proposition comporte notamment le nouveau système de carrière. Les lauréats de ce concours pourraient donc se voir proposer un recrutement sur la base des dispositions du nouveau statut, suivant l’adoption de celles-ci par le Conseil. »

21      M. Kurrer s’est porté candidat à ce concours.

22      Il a été engagé par la Commission en tant qu’agent temporaire au sens de l’article 2, sous a), du RAA, à compter du 16 janvier 2004 pour une période de trois ans. Il a été initialement classé au grade A 7.

23      Le 1er mai 2004, le grade qu’il détenait a été renommé grade A*8.

24      La liste d’aptitude établie à l’issue du concours général COM/A/3/02 a été publiée au Journal officiel le 18 mai 2004. M. Kurrer figurait parmi les lauréats.

25      Par décision du 27 mars 2006, M. Kurrer, qui était classé au grade A*8, échelon 4, en tant qu’agent temporaire, a été nommé fonctionnaire stagiaire de grade A*6, échelon 2, avec effet au 1er avril 2006. Il a été affecté à la DG « Recherche ».

26      Le 30 juin 2006, M. Kurrer a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre cette décision, en ce que son classement avait été fixé au grade A*6, échelon 2, plutôt qu’au grade A*8, échelon 4, et en ce que les points de promotion qu’il avait accumulés lui avaient été retirés.

27      Par décision du 30 août 2006, la Commission a rejeté sa réclamation.

28      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal de la fonction publique les 30 octobre, 13 novembre et 11 décembre 2006, les requérants ont respectivement formé des recours visant à l’annulation des décisions les nommant fonctionnaires stagiaires dans la mesure où elles les classaient à des grades inférieurs à ceux dont ils disposaient antérieurement en qualité d’agents temporaires.

 Arrêts attaqués

29      Par les arrêts attaqués, le Tribunal de la fonction publique a rejeté les recours des requérants, au motif que, notamment, par ses décisions respectives de classement des requérants, la Commission n’avait pas violé l’article 5, paragraphes 3 et 4, de l’annexe XIII du statut, dans sa version issue du règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO L 124, p. 1).

30      À cet égard, aux points 36 à 51 de l’arrêt Magazzu/Commission, auxquels correspondent essentiellement les points 35 à 50 de l’arrêt Sotgia/Commission et, en substance, les points 47 à 61 de l’arrêt Kurrer/Commission, il est constaté ce qui suit :

« 36      Aux termes de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut, les agents temporaires inscrits avant le 1er mai 2006 ‘sur une liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie ou sur une liste de candidats lauréats d’un concours interne’ sont, si le recrutement a lieu après le 1er mai 2004, classés ‘dans le même grade et le même échelon que ceux qu’ils détenaient en qualité d’agent temporaire dans l’ancienne catégorie et, à défaut, au premier échelon du grade de base de la nouvelle catégorie’.

37      Le paragraphe 3 de l’article 5 de l’annexe XIII du statut, invoqué par le requérant, se borne à prévoir que les articles 1 à 11 de ladite annexe ‘s’appliquent aux agents temporaires recrutés avant le 1er mai 2004 qui sont recrutés après cette date comme fonctionnaires conformément au paragraphe 4’, ce qui, en l’espèce, soulève la question de savoir si le requérant a effectivement été recruté au titre de l’article 5, paragraphe 4. [Ce point ne figure pas dans l’arrêt Kurrer/Commission.]

38      Afin de déterminer si, ainsi que le prétend le requérant, l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut lui était applicable au moment de son recrutement en qualité de fonctionnaire stagiaire, il convient de délimiter le champ d’application personnel de cette disposition.

39      En premier lieu, l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut vise les agents temporaires qui étaient inscrits ‘sur une liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie’. À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 45, paragraphe 2, du statut, dans sa version applicable jusqu’au 30 avril 2004, le passage de fonctionnaires ou d’agents dans une autre catégorie ne pouvait avoir lieu qu’après concours. Il convient d’admettre, ainsi que l’a fait observer la Commission au cours de l’audience, que, en mentionnant précisément les agents temporaires ‘inscrits sur une liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie’, le législateur a entendu viser les candidats ayant passé avec succès ce type de concours.

40      L’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut vise également, plus largement, les agents temporaires ‘inscrits sur une liste de candidats lauréats d’un concours interne’. Bien qu’un concours de ‘passage de catégorie’ soit également, par nature, un concours interne, il convient d’interpréter la disposition en cause de façon à lui conférer un effet utile, en évitant, dans la mesure du possible, toute interprétation qui conduirait à la conclusion que cette disposition est redondante. Au regard des explications fournies par la Commission au cours de l’audience, il apparaît que le législateur a entendu viser par ‘concours interne’ les concours dits de titularisation dont l’objet est de permettre, dans le respect de l’ensemble des dispositions statutaires régissant l’accès à la fonction publique européenne, le recrutement, en tant que fonctionnaires, d’agents qui ont déjà une certaine expérience de l’institution et qui ont fait preuve de leur aptitude à occuper les postes à pourvoir (voir, en ce qui concerne la portée des concours de titularisation, arrêts du Tribunal de première instance du 6 mars 1997, de Kerros et Kohn-Bergé/Commission, T‑40/96 et T‑55/96, RecFP p. I‑A‑47 et II‑135, points 45 et 46, et du 12 novembre 1998, Carrasco Benítez/Commission, T‑294/97, RecFP p. I‑A‑601 et II‑1819, point 51). Cette interprétation est corroborée par les termes du paragraphe 2 de l’article 5 de l’annexe XIII du statut, lesquels ne visent que les fonctionnaires inscrits ‘sur une liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie’, sans faire mention des fonctionnaires ‘inscrits sur une liste de candidats lauréats d’un concours interne’. Une telle mention aurait manqué de justification dès lors qu’il n’y a précisément pas matière à titularisation d’agents qui sont déjà fonctionnaires.

41      En second lieu, l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut dispose que les intéressés sont classés ‘dans le même grade et le même échelon que ceux qu’ils détenaient en qualité d’agent temporaire dans l’ancienne catégorie et, à défaut, au premier échelon du grade de base de la nouvelle catégorie’. Il découle de cette rédaction que les intéressés doivent avoir changé de catégorie à l’occasion de leur recrutement.

42      Il y a lieu de souligner, à cet égard, qu’à chacun des grades des deux nouveaux groupes de fonctions AD et AST il est possible de faire correspondre un grade de l’une des anciennes catégories A*, B*, C* et D*. Ainsi, les grades AD 16 à AD 5 correspondent aux anciens grades A*16 à A*5, les grades AST 11 à AST 3, aux anciens grades B*11 à B*3, les grades AST 7 à AST 1, aux anciens grades C*7 à C*1, et les grades AST 5 à AST 1, aux anciens grades D*5 à D*1, de telle sorte qu’il est toujours possible de vérifier s’il y a eu un changement de catégorie à la suite du recrutement, en qualité de fonctionnaire, d’un agent temporaire inscrit sur une liste de lauréats de concours avant le 1er mai 2006. Il n’existe cependant pas d’ancien grade B*2 correspondant au grade AST 2 (anciennement C*2), raison pour laquelle le législateur a prévu la possibilité de classer le fonctionnaire stagiaire, non pas dans le même grade et le même échelon que ceux détenus en qualité d’agent temporaire dans l’‘ancienne catégorie’, mais au premier échelon du grade de base de la ‘nouvelle catégorie’.

43      Il ressort de ce qui précède que, pour que soit applicable l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut, il faut qu’il y ait passage d’une ‘ancienne catégorie’ à une ‘nouvelle catégorie’, à l’issue soit d’un concours qui conduit à l’établissement d’une ‘liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie’, soit d’un concours interne de titularisation, ayant eu pour effet d’entraîner un tel passage de catégorie.

44      Le législateur s’est ainsi écarté, dans le cadre de l’exercice de son large pouvoir d’appréciation en matière à la fois de dispositions transitoires et de critères de classement, de la règle générale en matière de classement de fonctionnaires nouvellement recrutés, énoncée à l’article 31, paragraphe 1, du statut, tel que complété par l’article 12, paragraphe 3, et l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe XIII dudit statut, concernant les lauréats inscrits sur une liste d’aptitude avant le 1er mai 2006 et recrutés respectivement entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006, et après le 1er mai 2006, en réservant le bénéfice du classement dans un grade autre que celui indiqué dans l’avis de concours aux agents recrutés en qualité de fonctionnaires stagiaires ayant déjà une expérience de l’institution et fait preuve, à l’issue des concours visés ci-dessus, de leur aptitude à occuper des postes dans une catégorie supérieure.

45      Or, en l’espèce, il y a lieu de constater, d’une part, que le requérant, agent temporaire lauréat, avant le 1er mai 2006, du concours EPSO/A/18/04 [(MM. Magazzu et Sotgia), COM/A/3/02 (M. Kurrer)], ne relève d’aucune des deux catégories de candidats lauréats de concours visés à l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut.

46      D’autre part, initialement classé au grade A 5 [(MM. Magazzu et Sotgia), A 7(M. Kurrer)], lors de son engagement, au 1er décembre 2000, en tant qu’agent temporaire, le requérant a vu son grade renommé grade A*11 [(MM. Magazzu et Sotgia), A*8 (M. Kurrer)], au 1er mai 2004, en application de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut. Ainsi, tant à la date de son inscription sur la liste d’aptitude du concours EPSO/A/18/04 [(MM. Magazzu et Sotgia), COM/A/3/02 (M. Kurrer)], antérieure au 1er mai 2006, qu’à la date de sa nomination en qualité de fonctionnaire stagiaire, le 1er janvier 2006 [(M. Magazzu, date non indiquée au point 45 de l’arrêt Sotgia/Commission) et le 1er avril 2006 (M. Kurrer)], le requérant était, en tant qu’agent temporaire, classé dans un grade de la catégorie A*.

47      Le recrutement du requérant, le 1er janvier 2006 [(M. Magazzu), le 16 avril 2006 (M. Sotgia) et le 1er avril 2006 (M. Kurrer)], en tant que fonctionnaire stagiaire n’a donc pas eu pour effet d’opérer un passage de catégorie.

48      L’interprétation de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII défendue par le requérant, selon laquelle cette disposition viserait tous types de concours, même les concours généraux, et sans qu’il y ait nécessairement ‘passage de catégorie’ des lauréats, méconnaît la portée même de la disposition transitoire en cause, telle que circonscrite ci-dessus. En effet, comme indiqué au point 44 du présent arrêt [au point 43 de l’arrêt Sotgia/Commission et au point 54 de l’arrêt Kurrer/Commission], l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII s’écarte de la règle générale énoncée à l’article 31, paragraphe 1, du statut, selon laquelle un fonctionnaire nouvellement recruté est classé au grade indiqué dans l’avis de concours, étant entendu que pour trouver application aux concours organisés avant la mise en place de la nouvelle structure de carrière une telle règle doit être complétée par les règles de conversion contenues à l’article 12, paragraphe 3, et à l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut. Or, il n’y a aucune raison de penser, en l’absence d’indication précise en ce sens, que le législateur ait voulu étendre le bénéfice du régime de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut aux lauréats d’un concours général, lequel s’adresse principalement aux candidats extérieurs aux institutions de l’Union, ainsi qu’aux fonctionnaires et agents, lesquels peuvent également être admis à se présenter à un tel concours (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 5 décembre 1974, Van Belle/Conseil, 176/73, Rec. p. 1361, point 8).

49      Ne saurait non plus être accueillie la thèse du requérant selon laquelle l’interprétation large de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut s’imposerait pour garantir l’égalité de traitement entre les agents temporaires lauréats d’un concours général ou interne. En effet, force est de constater que les agents temporaires d’un concours organisé en vue de pourvoir à des emplois de la catégorie à laquelle ils appartiennent déjà ne se trouvent pas dans la même situation que celle des lauréats d’un concours ayant pour objet ou pour effet de permettre le passage dans une catégorie supérieure et donc un avancement décisif dans leur carrière. La circonstance que le législateur ait veillé, en adoptant l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut, à ce que ces derniers agents puissent exceptionnellement être nommés, en qualité de fonctionnaires stagiaires, dans le grade qu’ils détenaient dans l’ancienne catégorie n’a pas pour résultat d’opérer une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate, au regard de l’objectif poursuivi par le législateur, par rapport aux agents temporaires recrutés en tant que fonctionnaires, à l’issue d’un concours général, dans la catégorie à laquelle ils appartenaient (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 16 mars 2004, Afari/BCE, T‑11/03, RecFP p. I‑A‑65 et II‑267, point 65).

50      De surcroît, la thèse du requérant serait de nature à rompre l’égalité de traitement entre les lauréats d’un même concours, lesquels, selon la jurisprudence, se trouvent dans une situation de fait et de droit comparable et doivent, en l’absence de raisons objectives justifiant une différenciation, pouvoir bénéficier du même traitement, notamment en matière de classement (voir, par exemple, arrêt du Tribunal de première instance du 9 juillet 1997, Monaco/Parlement, T‑92/96, RecFP p. I‑A‑195 et II‑573, point 55). Il est vrai que, dans leurs arrêts Centeno Mediavilla, la Cour et le Tribunal de première instance ont admis que les lauréats d’un même concours général aient pu être traités différemment en matière de classement. Toutefois cette différence de traitement, qui, en l’occurrence, s’était opérée selon que le recrutement avait eu lieu avant ou après l’entrée en vigueur de la réforme du statut, pouvait objectivement se justifier par la nécessité de préserver la liberté du législateur de l’Union d’apporter à tout moment aux règles du statut les modifications qu’il estime conformes à l’intérêt du service, même si ces dispositions s’avèrent moins favorables aux fonctionnaires que les anciennes (arrêt de la Cour [du 22 décembre 2008,] Centeno Mediavilla [e.a./Commission, C‑443/07 P, Rec. p. I‑10945], point 79, et arrêt du Tribunal de première instance [du 11 juillet 2007,] Centeno Mediavilla [e.a./Commission, T‑58/05, Rec. p. II‑2523], point 86).

51      Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen, tel que redéfini par le requérant lors de l’audience. [Ce point ne figure pas dans l’arrêt Kurrer/Commission.] »

31      Par ailleurs, aux points 61 et 65 de l’arrêt Kurrer/Commission, le Tribunal de la fonction publique a ajouté ce qui suit :

« 61      Enfin, le requérant ne saurait se prévaloir de la pratique du Parlement ou de la Cour des comptes dès lors qu’il n’est pas établi que l’interprétation retenue par la Commission des dispositions en cause de l’annexe XIII du statut est erronée en droit.

[…]

65      Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le second moyen et, par voie de conséquence, le recours dans son ensemble. »

 Sur le pourvoi

 Procédure

32      Par mémoires séparés déposés au greffe du Tribunal le 20 septembre 2010, les requérants ont formé les présents pourvois.

33      Le 20 décembre 2010, la Commission a déposé les mémoires en réponse dans les trois affaires sous pourvoi.

34      Par lettres séparées du 13 janvier 2011, les requérants ont demandé, en vertu de l’article 143 du règlement de procédure du Tribunal, l’autorisation de déposer des mémoires en réplique, demandes auxquelles le Tribunal n’a pas fait droit.

35      Par lettres motivées séparées, déposées au greffe du Tribunal le 22 février 2011, les requérants ont demandé, en vertu de l’article 146 du règlement de procédure, à être entendus dans le cadre de la phase orale de la procédure.

36      Par ordonnance du président de la chambre des pourvois du Tribunal du 18 novembre 2011, les parties ayant été entendues, les affaires T‑441/10 P, T‑442/10 P et T‑443/10 P ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt, conformément aux articles 50 et 144 du règlement de procédure.

37      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 29 novembre 2011.

 Conclusions des parties

38      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les arrêts attaqués ;

–        annuler les décisions attaquées ;

–        à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique ;

–        condamner la Commission aux dépens des deux instances.

39      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les pourvois ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

 Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens de pourvoi

–       Observations liminaires

40      Le Tribunal estime que les deuxième, troisième et quatrième moyens de pourvoi, tirés, respectivement, de la violation des règles sur l’interprétation du droit de l’Union, de la violation du principe d’égalité de traitement et de la violation du droit de l’Union, se recoupent dans une large mesure. Dès lors, il convient de les apprécier conjointement.

41      Selon les requérants, dans les arrêts attaqués, le Tribunal de la fonction publique aurait fait une application erronée de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut, qui serait, de surcroît, incompatible avec le principe d’égalité de traitement. En effet, cette disposition serait applicable tant aux agents temporaires ayant été reçus à un concours de passage dans une autre catégorie ou à un concours interne qu’à ceux ayant été reçus à un concours général ou dit « externe ». Ainsi, les requérants, lauréats d’un concours général, pourraient se prévaloir du droit à se voir classés, en tant que fonctionnaires, dans le même grade de leur catégorie que celui dans lequel ils étaient classés antérieurement en tant qu’agents temporaires.

42      Il convient donc d’examiner, d’abord, si, dans les arrêts attaqués, le Tribunal de la fonction publique a correctement interprété la portée, en particulier le champ d’application ratione personae, de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut (voir points 38 à 48 de l’arrêt Magazzu/Commission, points 37 à 47 de l’arrêt Sotgia/Commission et points 48 à 58 de l’arrêt Kurrer/Commission) et, ensuite, si cette interprétation est conforme au principe d’égalité de traitement (voir points 49 et 50 de l’arrêt Magazzu/Commission, points 48 et 49 de l’arrêt Sotgia/Commission et points 59 et 60 de l’arrêt Kurrer/Commission).

–       Sur le champ d’application ratione personae de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut

43      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut dispose ce qui suit :

« Les agents temporaires inscrits avant le 1er mai 2006 sur une liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie ou sur une liste de candidats lauréats d’un concours interne sont classés, si le recrutement a lieu après le 1er mai 2004, dans le même grade et le même échelon que ceux qu’ils détenaient en qualité d’agent temporaire dans l’ancienne catégorie et, à défaut, au premier échelon du grade de base de la nouvelle catégorie. »

44      Certes, les requérants étaient des agents temporaires inscrits sur les listes d’aptitude respectives des concours en cause avant le 1er mai 2006 et ont été recrutés en tant que fonctionnaires après le 1er mai 2004. Force est toutefois de constater que, d’une part, les requérants figuraient sur ces listes d’aptitude en tant que lauréats de concours généraux et non en tant que « candidats aptes à passer dans une autre catégorie » ou « candidats lauréats d’un concours interne » au sens de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut et que, d’autre part, le recrutement des requérants en tant que fonctionnaires sur le fondement desdites listes n’impliquait pas pour eux un passage de catégorie au sens strict, dès lors qu’ils avaient la qualité d’agent temporaire de l’ancienne catégorie A avant ces recrutements et qu’ils ont été nommés fonctionnaires de la nouvelle catégorie A, certes avec un grade inférieur à celui qui leur était attribué en tant qu’agents temporaires, après ce recrutement (voir points 45 à 47 de l’arrêt Magazzu/Commission, points 44 à 46 de l’arrêt Sotgia/Commission et points 55 à 57 de l’arrêt Kurrer/Commission). En effet, le remplacement de l’ancienne catégorie A par la nouvelle catégorie A au titre de la réforme du statut intervenue le 1er mai 2004 ne peut être considéré comme un passage dans une autre catégorie au sens de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut (voir également article 1er, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut, lu en conjonction avec l’article 12, paragraphe 3, de ladite annexe).

45      Il y a néanmoins lieu d’examiner si, ainsi que l’allèguent les requérants, les termes « candidats aptes à passer dans une autre catégorie » ou « candidats lauréats d’un concours interne » doivent être interprétés comme englobant également les agents temporaires qui sont des candidats lauréats de concours généraux, interprétation que le Tribunal de la fonction publique a rejeté comme étant contra legem. En effet, ainsi que les requérants l’ont expliqué à l’audience et comme en témoignent les cas d’espèce, il n’est pas rare que des agents temporaires travaillant au sein des institutions se portent candidats à des concours généraux pour augmenter leurs chances de recrutement en tant que fonctionnaires statutaires.

46      À cet égard, il y a lieu de relever que, aux points 39 à 43 de l’arrêt Magazzu/Commission, aux points 38 à 42 de l’arrêt Sotgia/Commission et aux points 49 à 53 de l’arrêt Kurrer/Commission, le Tribunal de la fonction publique était fondé à considérer, en substance, que, en vertu des dispositions expresses et claires de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut, tant le concours de passage dans une autre catégorie que le concours interne doivent avoir pour effet de permettre au lauréat d’un tel concours de changer de catégorie, ce que ne permet normalement pas la réussite à un concours général.

47      Par ailleurs, est également dépourvu d’erreur de droit le constat exposé au point 44 de l’arrêt Magazzu/Commission, au point 43 de l’arrêt Sotgia/Commission et au point 54 de l’arrêt Kurrer/Commission, selon lequel, en substance, l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut crée une exception transitoire à la règle générale prévue à l’article 31, paragraphe 1, du statut disposant que « [l]es candidats […] sont nommés au grade du groupe de fonctions indiqué dans l’avis de concours auquel ils ont été reçus ». En effet, en application de cette disposition transitoire, le candidat agent temporaire a droit au maintien exceptionnel, au sein de la nouvelle catégorie à laquelle il accède, du grade et de l’échelon dont il disposait au sein de l’ancienne catégorie et préalablement à son recrutement en tant que fonctionnaire.

48      Ainsi que le soutient la Commission, le caractère d’exception à un principe général de cette règle transitoire requiert que soit interprété strictement son libellé (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 8 décembre 2005, Reynolds/Parlement, T‑237/00, RecFP p. I‑A‑385 et II‑1731, point 101). Or, une interprétation littérale stricte de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut exige précisément de considérer, comme l’a fait le Tribunal de la fonction publique dans les arrêts attaqués, que, d’une part, cette disposition ne vise pas les agents temporaires lauréats d’un concours général, un tel concours n’étant normalement pas susceptible d’aboutir à un recrutement avec passage dans une autre catégorie, et que, d’autre part, son libellé ne laisse aucune marge d’appréciation à l’administration pour l’interpréter et l’appliquer différemment.

49      Contrairement à ce que relèvent les requérants, une interprétation téléologique et contextuelle de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut ne permet pas d’infirmer cette appréciation. Quoique les requérants fassent valoir à juste titre que tous les agents temporaires, quel que soit le type de concours auquel ils se présentent, disposent d’une certaine expérience professionnelle au sein des institutions, il n’en demeure pas moins que le législateur de l’Union a délibérément exclu du champ d’application de cette disposition les agents temporaires lauréats d’un concours général. Ainsi que l’explique la Commission, si le bénéfice de cette règle transitoire exceptionnelle a été réservé aux agents temporaires lauréats d’un concours de passage dans une autre catégorie ou d’un concours interne, c’est dans l’objectif d’encourager ces agents à participer à un tel concours pour obtenir la titularisation en tant que fonctionnaires combinée avec un passage dans une autre catégorie. En revanche, le concours général est ouvert à l’ensemble des intéressés, même extérieurs aux institutions (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 5 décembre 1974, Van Belle/Conseil, 176/73, Rec. p. 1361, point 8), et n’est dès lors pas conçu pour combiner le recrutement et la titularisation avec un tel passage dans une autre catégorie. Dans ces conditions, comme le constate le Tribunal de la fonction publique au point 48 de l’arrêt Magazzu/Commission, au point 47 de l’arrêt Sotgia/Commission et au point 58 de l’arrêt Kurrer/Commission, il n’y a aucune raison de penser que le législateur ait voulu étendre le bénéfice du régime de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut aux agents temporaires lauréats d’un concours général.

50      Par conséquent, les griefs tirés de la mauvaise interprétation de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut doivent être rejetés dans leur totalité.

–       Sur la compatibilité de l’application de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut avec le principe d’égalité de traitement

51      S’agissant du moyen tiré de la violation du principe d’égalité de traitement, il y a lieu de constater, d’abord, que, ainsi que les parties l’ont reconnu à l’audience, ce moyen ne consiste pas à invoquer une exception d’illégalité au sens de l’article 277 TFUE, mais à inviter le Tribunal à interpréter plus largement l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut, ce qui, selon les requérants, serait la seule façon de se conformer à ce principe général du droit de l’Union.

52      Il y a lieu de rappeler, ensuite, la jurisprudence concernant l’application et le respect tant par l’administration que par le législateur de l’Union du principe général d’égalité de traitement (arrêt de la Cour du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission, C‑443/07 P, Rec. p. I‑10945, point 78).

53      Aux termes de cette jurisprudence, le principe d’égalité exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts de la Cour du 11 septembre 2007, Lindorfer/Conseil, C‑227/04 P, Rec. p. I‑6767, point 63, et du 17 juillet 2008, Campoli/Commission, C‑71/07 P, Rec. p. I‑5887, point 50).

54      Dès lors, il y a inégalité de traitement lorsque deux catégories de personnes, dont les situations factuelle et juridique ne présentent pas de différences essentielles, se voient appliquer un traitement différent ou lorsque des situations différentes sont traitées de manière identique. Ainsi, des agents placés dans des situations identiques doivent être soumis aux mêmes règles et le législateur de l’Union doit tenir compte des différences objectives de conditions ou de situations dans lesquelles se trouvent placés les intéressés. En outre, dans une matière qui relève de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, tel que l’édiction de règles transitoires visant à garantir la transition équitable d’un ancien régime statutaire à un nouveau, le principe d’égalité est méconnu lorsque l’institution concernée procède à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 février 2009, Commission/Bertolete e.a., T‑359/07 P à T‑361/07 P, RecFP p. I-B-1-5 et II-B-1-21, point 38, et la jurisprudence qui y est citée).

55      Au regard de ces principes, il convient de vérifier si le Tribunal de la fonction publique était en droit de considérer que, en l’espèce, les requérants, en tant que lauréats d’un concours général, se trouvaient dans une situation factuelle et juridique différente de celle de tout autre agent temporaire lauréat d’un concours de passage dans une autre catégorie ou d’un concours interne (voir points 49 et 50 de l’arrêt Magazzu/Commission, points 48 et 49 de l’arrêt Sotgia/Commission et points 59 et 60 de l’arrêt Kurrer/Commission). En effet, le contrôle du respect du principe général d’égalité de traitement relève d’une question de droit, ce qui implique la compétence du Tribunal pour vérifier la comparabilité des différentes situations en cause, telles qu’elles ont été retenues dans les arrêts attaqués (voir, en ce sens, arrêt Lindorfer/Conseil, point 53 supra, point 64, et arrêt Commission/Bertolete e.a., point 54 supra, point 39). À cet égard, pour établir correctement la comparabilité desdites situations, il convient de tenir compte de l’objectif poursuivi par la réglementation pertinente (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, Rec. p. I‑9895, point 26 ; du 12 mai 2011, Luxembourg/Parlement et Conseil, C‑176/09, Rec. p. I-3727, point 32, et arrêt Commission/Bertolete e.a., point 54 supra, points 43 et suivants).

56      En l’espèce, le Tribunal de la fonction publique a considéré que les agents temporaires candidats à un concours organisé en vue de pourvoir à des emplois de la catégorie à laquelle ils appartiennent déjà, tels que les requérants, ne se trouvaient pas dans la même situation que celle des lauréats d’un concours ayant pour objet ou pour effet de permettre le passage dans une catégorie supérieure et donc un avancement décisif dans leur carrière. Il a ajouté que la circonstance que le législateur ait veillé, en adoptant l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut, à ce que ces derniers agents puissent exceptionnellement être nommés, en qualité de fonctionnaires stagiaires, dans le grade qu’ils détenaient dans l’ancienne catégorie, n’avait pas pour résultat d’opérer une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate, au regard de l’objectif poursuivi par le législateur, par rapport aux agents temporaires recrutés en tant que fonctionnaires, à l’issue d’un concours général, dans la catégorie à laquelle ils appartenaient (point 49 de l’arrêt Magazzu/Commission, point 48 de l’arrêt Sotgia/Commission et point 59 de l’arrêt Kurrer/Commission).

57      Cette appréciation ne souffre d’aucune erreur de droit, dès lors que, en l’espèce, un traitement différent de situations égales ou comparables ne peut être caractérisé.

58      D’une part, alors même que les intéressés, dont les situations doivent être comparées en l’espèce, sont tous des agents temporaires ayant participé à un concours aux fins de leur recrutement en tant que fonctionnaires, il n’en demeure pas moins que la situation juridique de ceux qui sont lauréats d’un concours de passage dans une autre catégorie ou d’un concours interne, suivant les termes de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut, n’est ni identique ni comparable, au regard de l’objectif poursuivi par la réglementation transitoire pertinente, avec celle des agents temporaires lauréats d’un concours général (voir point 49 ci-dessus). En effet, si les concours de passage dans une autre catégorie ou les concours internes visent à permettre aux seuls agents temporaires lauréats de ces concours de se voir recrutés avec un passage dans une catégorie supérieure, ce qui implique effectivement un avancement décisif dans leur carrière, les lauréats d’un concours général n’ont vocation à accéder qu’à la catégorie de fonctionnaires définie dans l’avis de concours, et ce indépendamment de leur statut professionnel antérieur, par exemple en qualité d’agents temporaires, et de leur expérience acquise soit à l’intérieur, soit à l’extérieur des institutions.

59      Dès lors, en l’espèce, les requérants, en tant que lauréats d’un concours général, ne se trouvaient pas dans une situation juridique comparable avec celle de lauréats d’un concours de passage dans une autre catégorie ou d’un concours interne. À cet égard, compte tenu de la distinction opérée entre ces types de concours et de l’objectif poursuivi par le législateur de l’Union, les requérants ne sauraient invoquer, au soutien de leur argumentation sur la comparabilité de leur situation individuelle avec celle d’agents temporaires lauréats d’un concours de passage dans une autre catégorie ou d’un concours interne, que leur expérience professionnelle, l’expertise et l’ancienneté acquises comme agents temporaires avant leur recrutement seraient néanmoins comparables avec celles de ces autres agents temporaires, ledit législateur n’ayant pas reconnu ces aspects comme étant des critères de comparaison ou de différenciation juridiquement pertinents et ne laissant à l’administration aucune marge d’appréciation à cet égard (voir point 48 ci-dessus).

60      D’autre part, il convient de rappeler que les requérants ne contestent pas la légalité en tant que telle de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut au regard du principe d’égalité de traitement (voir point 51 ci-dessus). Néanmoins, il y a lieu de préciser que le fait pour le législateur de l’Union d’avoir opéré une telle distinction entre les situations en cause dans le cadre de l’application d’une règle transitoire de portée générale ne constitue pas une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate au regard de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause. Eu égard à son large pouvoir d’appréciation en la matière, il est loisible au législateur de ne pas prendre en considération le fait que, en pratique, certains agents temporaires sont susceptibles de participer non seulement à des concours de passage dans une autre catégorie ou à des concours internes, mais également à des concours généraux afin d’améliorer leur chances de recrutement et de titularisation en tant que fonctionnaires. Au contraire, en opérant la différenciation susvisée, le législateur poursuit un objectif légitime en offrant, dans l’intérêt de l’organisation efficace des services des institutions, une incitation particulière aux agents temporaires les plus expérimentés de se porter candidats à un concours de passage dans une autre catégorie ou à un concours interne pour leur permettre d’accélérer leur carrière. Or, il n’est pas arbitraire de ne pas accorder le même avantage aux agents temporaires lauréats d’un concours général qui, en fonction de leur situation individuelle, ne leur ouvre pas nécessairement la possibilité d’un passage dans une autre catégorie et pour lequel l’ensemble des candidats ne peut s’attendre qu’à un recrutement conforme à celui prévu dans l’avis de concours, même si ces agents peuvent disposer de qualités professionnelles comparables à celles de certains agents temporaires se présentant à un concours de passage dans une autre catégorie ou à un concours interne. À cet égard, les requérants ne sauraient pas plus se plaindre de ce que, avant l’expiration de leurs contrats d’agent temporaire, aucun concours interne n’aurait été organisé par l’administration pour leur permettre de bénéficier de l’application de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut, cette circonstance, à elle seule, n’étant pas imputable au législateur en tant que tel et n’infirmant pas la conclusion selon laquelle les requérants n’étaient pas susceptibles de changer de catégorie au sens de cette disposition, même lors d’un éventuel recrutement à la suite d’un concours interne.

61      Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’application à leur égard, lors de leur recrutement en tant que fonctionnaires stagiaires, de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut a donné lieu à un traitement inégal interdit par le principe d’égalité de traitement. Par ailleurs, cette appréciation n’est pas remise en cause par l’arrêt de la Cour du 8 septembre 2011, Rosado Santana (C‑177/10, Rec. p. I-7907), que les requérants ont invoqué lors de l’audience, dès lors que, d’une part, cet arrêt ne se réfère qu’à l’égalité de traitement entre « travailleurs à durée déterminée » et ceux « à durée indéterminée comparable » et que, d’autre part, il n’a aucune incidence sur l’appréciation de la comparabilité des situations d’agents temporaires lauréats de différents types de concours qui est en cause dans le cas d’espèce.

62      Dès lors, les requérants n’ayant établi ni la comparabilité des situations en cause ni que la Commission, en suivant le choix du législateur de l’Union, ait procédé à une différenciation arbitraire, il convient de rejeter le présent moyen comme non fondé, sans qu’il soit besoin d’apprécier si le Tribunal de la fonction publique était également fondé à considérer que l’argumentation des requérants était susceptible de créer un problème d’inégalité de traitement entre les lauréats d’un même concours (point 50 de l’arrêt Magazzu/Commission, point 49 de l’arrêt Sotgia/Commission et point 60 de l’arrêt Kurrer/Commission).

63      Enfin, dans la mesure où les requérants font également valoir, dans ce contexte, de manière très succincte et peu intelligible, que l’application prétendument erronée de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut entraînerait une perte illégale de grades et d’échelons contraire au « principe de la progression du salaire » ou à la « vocation à la carrière », il y a lieu de comprendre et de rejeter cet argument comme faisant partie intégrante des illégalités reprochées à la Commission dans le cadre des deuxième, troisième et quatrième moyens. À supposer même que cet argument ait un caractère autonome, il y a lieu de le rejeter pour manque de clarté.

64      En tout état de cause, les requérants ne sont pas parvenus à démontrer l’existence d’un « principe de la progression du salaire » ou d’une « vocation à la carrière », qui serait applicable tant aux fonctionnaires titulaires qu’aux agents temporaires et qui exigerait de les traiter sur un pied d’égalité. À cet égard, c’est à tort que les requérants invoquent l’arrêt de la Cour du 9 octobre 2008, Chetcuti/Commission (C‑16/07 P, Rec. p. I‑7469), qui ne se réfère qu’au point de savoir si la situation statutaire des agents auxiliaires est comparable avec celle des fonctionnaires et des agents temporaires (points 40 à 50), mais dont il ne ressort pas que ces fonctionnaires et agents se trouveraient par principe dans une situation identique ou comparable quant à l’évolution de leur carrière ou à la progression de leur salaire.

65      Il résulte des considérations qui précèdent que les deuxième, troisième et quatrième moyens doivent être rejetés dans leur ensemble.

 Sur le premier moyen de pourvoi, tiré du défaut de motivation des arrêts attaqués

66      Par le premier moyen de leurs requêtes, les requérants reprochent, en substance, au Tribunal de la fonction publique de n’avoir pas répondu suffisamment aux arguments avancés en première instance selon lesquels la pratique de la Commission aboutirait à une discrimination entre agents temporaires selon que ceux-ci travailleraient soit au sein de la Commission, soit au sein du Parlement européen et de la Cour des comptes, ces deux dernières institutions faisant une application différente de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut. En outre, dans la mesure où le Tribunal de la fonction publique se serait prononcé à cet égard au point 61 de l’arrêt Kurrer/Commission, cette motivation serait « erronée » et « illogique ».

67      Dans la mesure où le présent moyen vise à remettre en cause le bien-fondé des considérations du Tribunal de la fonction publique concernant l’application de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut et du principe d’égalité de traitement, il suffit de relever que cette argumentation est inopérante dans le cadre du contrôle du respect de l’obligation de motivation des arrêts et qu’elle a été rejetée au fond aux points 43 à 63 ci-dessus.

68      Par ailleurs, le point 61 de l’arrêt Kurrer/Commission ne souffre ni d’une erreur de droit ni d’un défaut de motivation, étant donné que l’interprétation donnée par la Commission de la portée de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut est correcte (voir points 43 à 50 ci-dessus). Dans ce contexte, c’est à bon droit que la Commission avance que le passage selon lequel « il n’est pas établi que l’interprétation retenue par la Commission des dispositions en cause de l’annexe XIII du statut est erronée en droit » ne fait que décrire cette même conclusion de manière négative et que le terme « établi » n’est pas lié à une éventuelle application des règles de preuve ou à une appréciation factuelle, mais reflète un jugement en droit.

69      S’agissant du prétendu défaut de motivation des arrêts Magazzu/Commission et Sotgia/Commission, la Commission est fondée à objecter que l’argumentation fondée sur une prétendue différence entre la pratique de la Commission et celle du Parlement européen et de la Cour des comptes a été soulevée pour la première fois de cette façon devant le juge de pourvoi.

70      En effet, dans les écritures de première instance de M. Sotgia, requérant dans l’affaire F‑130/06, ne se trouve aucune trace de cette argumentation, ce que celui-ci a reconnu à l’audience. M. Sotgia a ainsi renoncé à ce moyen, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

71      S’agissant du moyen de M. Magazzu, requérant dans l’affaire F‑126/06, force est de constater que ce n’est que dans les parties factuelles de la requête et de la réplique de première instance que se trouve une référence à la pratique du Parlement européen, complétée par un développement rudimentaire de cet argument au point 54 de ladite réplique.

72      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’obligation pour le Tribunal de la fonction publique de motiver ses arrêts en vertu de l’article 36 du statut de la Cour, lu en conjonction avec l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I du même statut (arrêt du Tribunal du 8 juin 2009, Krcova/Cour de justice, T‑498/07 P, RecFP p. I-B-1-35 et II-B-1-197, point 34), ne lui impose pas de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles les mesures en question ont été prises et au juge de pourvoi de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle juridictionnel (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance de la Cour du 21 janvier 2010, Iride et Iride Energia/Commission, C‑150/09 P, non publiée au Recueil, point 42, et arrêt de la Cour du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C‑201/09 P et C‑216/09 P, Rec. p. I-2239, point 78). En effet, cette obligation ne saurait être interprétée comme impliquant que le Tribunal de la fonction publique fût tenu de répondre dans le détail à chaque argument invoqué par le requérant, en particulier s’il ne revêtait pas un caractère suffisamment clair et précis et ne reposait pas sur des éléments de preuve circonstanciés (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 2 mars 2010, Doktor/Conseil, T‑248/08 P, point 64, et la jurisprudence qui y est citée).

73      Dès lors que M. Magazzu n’a invoqué l’argument tiré de la pratique du Parlement européen qu’au stade de la réplique de première instance, ce qu’il a reconnu à l’audience, et ce seulement à titre d’exemple au soutien du moyen de la violation du principe d’égalité de traitement, auquel le Tribunal de la fonction publique a répondu aux points 49 et 50 de l’arrêt Magazzu/Commission, il suffit de constater qu’il n’était pas nécessaire pour ce Tribunal de donner une réponse expresse à cet argument, d’autant qu’il était non fondé en droit (voir point 68 ci-dessus).

74      Par conséquent, s’agissant des pourvois dans les affaires T‑441/10 P et T‑442/10 P, il y a lieu de rejeter le moyen tiré du défaut de motivation des arrêts attaqués comme manifestement non fondé.

75      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, les présents pourvois doivent être rejetés dans leur totalité.

 Sur les dépens

76      Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens.

77      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

78      Les requérants ayant succombé en leurs conclusions et la Commission ayant conclu en ce sens, ils supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission dans le cadre de la présente instance.

79      Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. Dès lors, le Conseil supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

1)      Les pourvois sont rejetés.

2)      MM. Christian Kurrer, Salvatore Magazzu et Stefano Sotgia supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne dans le cadre de la présente instance.

3)       Le Conseil de l’Union européenne supportera ses propres dépens.

Jaeger

Azizi

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 mars 2012.

Signatures

Table des matières


Faits à l’origine des litiges

Affaires F‑126/06 et F‑130/06

Postes d’agent temporaire occupés par MM. Magazzu et Sotgia avant leur recrutement en tant que fonctionnaires

Concours général EPSO/A/18/04 organisé par la Commission

Procédures de recrutement des requérants en tant que fonctionnaires

Affaire F‑139/06

Arrêts attaqués

Sur le pourvoi

Procédure

Conclusions des parties

En droit

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens de pourvoi

– Observations liminaires

– Sur le champ d’application ratione personae de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut

– Sur la compatibilité de l’application de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut avec le principe d’égalité de traitement

Sur le premier moyen de pourvoi, tiré du défaut de motivation des arrêts attaqués

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.