Language of document : ECLI:EU:T:2012:610

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

20 novembre 2012 (*)

« Recours en annulation – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Délai de recours – Tardiveté – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑120/12,

Shahid Beheshti University, établie à Téhéran (Iran), représentée par Me J.‑M. Thouvenin, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme R. Liudvinaviciute-Cordeiro et M. A. Varnav, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2011/299/PESC du Conseil, du 23 mai 2011, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 136, p. 65), du règlement d’exécution (UE) n° 503/2011 du Conseil, du 23 mai 2011, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 136, p. 26), de la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 319, p. 71), du règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 319, p. 11), en ce que ces actes concernent la requérante, ainsi que de la décision contenue dans la lettre du Conseil adressée à la requérante le 5 décembre 2011,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe (rapporteur) et M. M. van der Woude, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits à l’origine du litige

1        La requérante, Shahid Beheshti University, est une université iranienne établie à Téhéran (Iran).

2        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires.

3        Le 26 juillet 2010, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39). L’article 20, paragraphe 1, de cette décision prévoit le gel des fonds et des ressources économiques des personnes et entités dont la liste figure à ses annexes I et II.

4        Le 25 octobre 2010, à la suite de l’adoption de la décision 2010/413, le Conseil a adopté le règlement (UE) n° 961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n° 423/2007 (JO L 281, p. 1). L’article 16, paragraphe 2, de ce règlement prévoit le gel des fonds et des ressources économiques des personnes physiques ou morales, entités ou organismes dont la liste est établie à l’annexe VIII dudit règlement.

5        Par la décision 2011/299/PESC, du 23 mai 2011, modifiant la décision 2010/413 concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 136, p. 65), et par le règlement d’exécution (UE) n° 503/2011, du 23 mai 2011, mettant en œuvre le règlement n° 961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 136, p. 26) (ci-après les « actes du 23 mai 2011 »), le Conseil a notamment décidé d’inscrire le nom de la requérante sur les listes des personnes et entités figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 (ci-après les « listes »).

6        Le 24 mai 2011, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis à l’attention des personnes auxquelles s’appliqu[ai]ent les mesures restrictives prévues par sa décision 2010/413 et par son règlement n° 961/2010 concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO C 153, p. 9), avis dans lequel il a notamment attiré l’attention des personnes et entités concernées quant à l’inscription de leur nom sur les listes et quant à la possibilité de contester ces actes, devant le Tribunal, dans les conditions prévues à l’article 275, deuxième alinéa, TFUE, et à l’article 263, quatrième et sixième alinéas, TFUE.

7        Par la décision 2011/783/PESC, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413 concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 319, p. 71), et le règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement n° 961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 319, p. 11) (ci-après, les « actes du 1er décembre 2011 »), le Conseil a, notamment, maintenu l’inscription du nom de la requérante sur les listes.

8        Le 2 décembre 2011, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis à l’attention des personnes et entités auxquelles s’appliqu[ai]ent l’article 19, paragraphe 1, point b), et l’article 20, paragraphe 1, point b), de sa décision 2010/413 (annexe II) ainsi que l’article 16, paragraphe 2, de son règlement n° 961/2010 (annexe VIII) (JO C 351, p. 15), avis dans lequel il a notamment attiré l’attention des personnes et entités concernées quant à l’inscription ou au maintien de leur nom sur les listes et quant à la possibilité de contester ces actes, devant le Tribunal, dans les conditions prévues à l’article 275, deuxième alinéa, TFUE, et à l’article 263, quatrième et sixième alinéas, TFUE.

9        Par lettre du 5 décembre 2011, adressée par courrier recommandé avec accusé de réception (ci-après la « lettre du 5 décembre 2011 »), le Conseil a, d’une part, informé la requérante de l’adoption des actes du 1er décembre 2011 par lesquels il avait notamment décidé de maintenir l’inscription de son nom sur les listes, ainsi que des motifs sur lesquels ces actes étaient fondés, et, d’autre part, adressé à la requérante une copie desdits actes. Par ailleurs, il a précisé qu’elle pouvait faire contrôler la légalité desdits actes devant le juge de l’Union européenne dans les conditions prévues à l’article 275, deuxième alinéa, TFUE, et à l’article 263, quatrième et sixième alinéas, TFUE.

10      Le règlement n° 961/2010 ayant été abrogé par le règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 88, p. 1), le Conseil a inscrit le nom de la requérante sur la liste figurant à l’annexe IX de ce dernier règlement. Par conséquent, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, dudit règlement, les fonds et les ressources économiques de la requérante ont été gelés.

11      Le 2 août 2012, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 709/2012 mettant en œuvre le règlement n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 208, p. 2) et a, notamment, maintenu l’inscription de la requérante sur la liste de l’annexe IX du règlement n° 267/2012.

 Procédure

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 mars 2012, la requérante a introduit le présent recours.

13      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 6 juillet 2012, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal.

14      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 11 septembre 2012, la requérante a déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité.

15      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 25 octobre 2012, la requérante a demandé à pouvoir adapter ses conclusions en annulation, de façon à ce qu’elles visent également le règlement n° 267/2012, dans sa version modifiée par le règlement d’exécution n° 709/2012, pour autant qu’il la concerne.

 Conclusions des parties

16      Dans la requête et dans les observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité du Conseil ;

–        annuler les actes du 23 mai 2011 et les actes du 1er décembre 2011, pour autant qu’ils la concernent, ainsi que la décision contenue dans la lettre du 5 décembre 2011 ;

–        déclarer, en vertu de l’article 277 TFUE, l’inapplicabilité à son égard de la décision 2010/413 et du règlement n° 961/2010 ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

17      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ainsi que, pour le même motif, la demande formulée sur le fondement de l’article 277 TFUE ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

18      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

19      Le Tribunal s’estime, en l’espèce, suffisamment éclairé par les pièces du dossier pour statuer sur la demande du Conseil sans ouvrir la procédure orale.

20      Le Conseil excipe notamment de l’irrecevabilité du présent recours contre les actes du 23 mai 2011 et du 1er décembre 2011 au motif qu’il a été introduit hors délai. Par ailleurs, il fait valoir que le recours, en ce qu’il est dirigé contre la lettre du 5 décembre 2011, serait irrecevable dès lors que ladite lettre ne serait pas un acte distinct des actes du 1er décembre 2011 et, partant, ne serait pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

21      La requérante conteste le bien fondé de l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil. En effet, le délai de recours aurait commencé à courir à compter du 28 décembre 2011, date à laquelle le contenu de la lettre du 5 décembre 2011 aurait été porté à sa connaissance, ainsi que, par voie de conséquence, le contenu des actes du 23 mai 2011 et celui des actes du 1er décembre 2011.

22      À titre liminaire, premièrement, s’agissant de la recevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre la lettre du 5 décembre 2011, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9, et arrêt du Tribunal du 18 décembre 1992, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑10/92 à T‑12/92 et T‑15/92, Rec. p. II‑2667, point 28).

23      Or, il convient de constater que la lettre du 5 décembre 2011 avait pour objet, d’une part, d’informer la requérante de l’adoption des actes du 1er décembre 2011 et des motifs sur lesquels ces derniers étaient fondés et, d’autre part, de lui communiquer une copie desdits actes. Il en résulte que la lettre du 5 décembre 2011 ne contient aucun élément susceptible de produire des effets juridiques à l’égard de la requérante au sens de la jurisprudence rappelée au point 22 ci-dessus. Partant, il y a lieu de rejeter le recours comme irrecevable en ce qu’il est dirigé contre la lettre du 5 décembre 2011.

24      Deuxièmement, s’agissant de l’examen de la demande de la requérante de déclarer, en vertu de l’article 277 TFUE, l’inapplicabilité à son égard de la décision 2010/413 et du règlement n° 961/2010, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la possibilité offerte par l’article 277 TFUE d’invoquer l’illégalité d’un acte de portée générale ne constitue pas un droit d’action autonome et ne peut être exercée que de manière incidente, l’irrecevabilité de l’action principale entraînant dès lors celle de l’exception d’illégalité (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 juillet 1981, Albini/Conseil et Commission, 33/80, Rec. p. 2141, point 17, et ordonnance de la Cour du 16 novembre 2000, Schiocchet/Commission, C‑289/99 P, Rec. p. I‑10279, points 11 et 25).

25      Partant, en l’espèce, la recevabilité de la demande de la requérante, formée sur le fondement de l’article 277 TFUE, dépend de la recevabilité du recours au principal visant à faire annuler les actes du 23 mai 2011 et les actes du 1er décembre 2011, en ce qu’ils concernent la requérante.

26      À titre principal, s’agissant de l’examen de la recevabilité du recours au principal au regard du délai imparti, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance. Selon l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsqu’un délai pour l’introduction d’un recours contre un acte d’une institution commence à courir à partir de la publication de l’acte, ce délai court à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de la publication de l’acte au Journal officiel de l’Union européenne. Conformément aux dispositions de l’article 102, paragraphe 2, du même règlement, ce délai doit, en outre, être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

27      Par ailleurs, il convient de rappeler que la Cour a jugé de façon constante qu’il ne pouvait être dérogé à l’application des réglementations communautaires concernant les délais de procédure que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, de cas fortuit ou de force majeure, conformément à l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice, étant donné que l’application stricte de ces règles répondait à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice (voir ordonnance de la Cour du 8 novembre 2007, Belgique/Commission, C‑242/07 P, Rec. p. I‑9757, point 16, et la jurisprudence citée).

28      En l’espèce, il est constant que les actes du 23 mai 2011 ont été publiés au Journal officiel de l’Union européenne le 24 mai 2011 et que les actes du 1er décembre 2011 l’ont été au Journal officiel de l’Union européenne le 2 décembre 2011.

29      Le délai de recours de deux mois a commencé à courir, conformément à l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, quatorze jours après ces publications et a expiré, en application de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, s’agissant des actes du 23 mai 2011, le 17 août 2011 à minuit et, s’agissant des actes du 1er décembre 2011, le 27 février 2012 à minuit. Étant donné que la requête a été déposée au greffe du Tribunal le 9 mars 2012, le présent recours, en ce qu’il est dirigé contre les actes du 23 mai 2011 et les actes du 1er décembre 2011, a donc été introduit tardivement.

30      En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit de l’Union, qui est aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010, C83, p. 389). Ce principe implique que l’autorité de l’Union qui adopte un acte entraînant des mesures restrictives à l’égard d’une personne ou d’une entité lui communique les motifs sur lesquels cet acte est fondé, dans toute la mesure du possible, soit au moment où cet acte est adopté, soit, à tout le moins, aussi rapidement que possible après qu’il l’a été, afin de lui permettre d’exercer, dans les délais, son droit de recours (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, non encore publié au Recueil, point 47, et la jurisprudence citée).

31      Or, même à supposer que, ainsi que le soutient la requérante, il découle de cette considération que, aussi longtemps qu’une telle communication n’a pas été effectuée, le délai de recours pour l’introduction d’un recours en annulation de l’acte en question ne commence pas à courir à l’égard des personnes ou entités visées au point précédent, le présent recours est, tout de même, tardif.

32      En effet, à titre liminaire, il convient de relever que la requérante soutient que les actes du 23 mai 2011 ne lui ont pas été notifiés et qu’elle en aurait pris connaissance uniquement à la suite de la communication des actes du 1er décembre 2011, par la lettre du 5 décembre 2011.

33      À ce titre, le Tribunal constate que, s’agissant des actes du 1er décembre 2011, le Conseil a annexé à son exception d’irrecevabilité une copie d’un accusé de réception (ci-après l’« accusé de réception ») et fait valoir qu’il concernait la lettre du 5 décembre 2011. Cet accusé, d’une part, porte une signature que le Conseil attribue à la requérante et, d’autre part, indique, comme date de réception, le 17 décembre 2011. En revanche, s’agissant des actes du 23 mai 2011, le Conseil s’est contenté d’annexer à son exception d’irrecevabilité une copie de la lettre du 24 mai 2011 qu’il aurait adressée à la requérante afin, d’une part, de l’informer de l’adoption des actes du 23 mai 2011 et des motifs sur lesquels ils étaient fondés et, d’autre part, de lui adresser une copie desdits actes.

34      Partant, eu égard à l’importance que revêt le principe général du droit de l’Union à un recours juridictionnel, tel qu’il est rappelé au point 30 ci-dessus, en l’absence d’une quelconque preuve par le Conseil de la réception par la requérante de la lettre du 24 mai 2011, il y a lieu, d’une part, de considérer que l’adoption des actes du 23 mai 2011 n’a été portée à la connaissance de cette dernière qu’à la suite de la réception par celle-ci, le 17 décembre 2011, de la lettre du 5 décembre 2011 et, d’autre part, d’examiner la recevabilité du recours, en ce qu’il tend à faire annuler les actes du 23 mai 2011 et les actes du 1er décembre 2011, au regard du délai imparti pour exercer le recours, en prenant en considération la date du 17 décembre 2011.

35      À ce dernier titre, il convient de relever que la requérante ne conteste pas que l’accusé de réception, d’une part, correspond à l’envoi par le Conseil de la lettre du 5 décembre 2011 et, d’autre part, porte l’adresse de son siège et a été signé et daté le 17 décembre 2011.

36      En revanche, elle conteste l’opposabilité de la date de cet accusé de réception et ce pour les motifs suivants. À titre principal, premièrement, la lettre du 5 décembre 2011 n’aurait été adressée à aucun destinataire précis. Deuxièmement, l’accusé de réception n’aurait pas été signé par une personne liée à la requérante et ne porterait pas de tampon de celle-ci. Troisièmement, l’emploi d’une langue autre que celle de la requérante aurait non seulement retardé la transmission de la lettre du 5 décembre 2011 aux services compétents de l’entité, mais aussi le moment où elle a pu comprendre l’objet de la notification. À titre subsidiaire, premièrement, l’application du délai de distance forfaitaire de dix jours, prévu à l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, aurait conduit en l’espèce à une violation du principe de non discrimination. Deuxièmement, les délais de recours n’ayant pas été indiqués dans la lettre du 5 décembre 2011, ils ne seraient pas opposables à la requérante.

37      S’agissant des deux premiers arguments exposés à titre principal par la requérante, arguments qui portent, en substance, sur les conditions dans lesquelles la lettre du 5 décembre 2011 a été adressée à la requérante et réceptionnée par cette dernière, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que, selon une jurisprudence constante, la notification par lettre recommandée avec accusé de réception signé permet de déterminer avec certitude le dies a quo du délai de recours (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 30 mai 1984, Ferriera Vittoria/Commission, 224/83, Rec. p. 2349, point 9, et la jurisprudence citée) et, en second lieu, que l’existence d’une notification valable au siège social de l’entité concernée n’est nullement subordonnée à la prise de connaissance effective par la personne qui, selon les règles internes de l’entité destinataire, est compétente en la matière et qu’une décision est notifiée dans des conditions régulières, dès lors qu’elle est communiquée à son destinataire et que celui-ci est mis en mesure d’en prendre connaissance (arrêt de la Cour du 26 novembre 1985, Cockerill-Sambre/Commission, 42/85, Rec. p. 3749, point 10 ; voir, en ce sens, arrêt Ferriera Vittoria/Commission, précité, point 10).

38      Par ailleurs, la notification d’un acte au siège ou à l’adresse mentionnée dans les documents officiels d’une entité répond au critère de sécurité juridique et met, en outre, l’entité en mesure de prendre connaissance de l’acte notifié. Il en résulte que de telles entités n’ont aucun droit d’exiger de la Commission la notification à un endroit autre que ledit siège social, voire à une personne déterminée (arrêt Cockerill-Sambre/Commission, point 37 supra, point 11).

39      En l’espèce, ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, d’une part, la lettre du 5 décembre 2011 a été adressée à la requérante, à l’adresse de son siège, et, d’autre part, l’accusé de réception, sur lequel est reproduit le nom de la requérante et l’adresse de son siège, a été signé, paraphé et daté le 17 décembre 2011. Dès lors, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 37 et 38 ci-dessus, c’est à tort que la requérante se prévaut de l’absence de notification de la lettre du 5 décembre 2011 à une personne ou à un service déterminé en son sein.

40      Ensuite, c’est également à tort que la requérante conteste l’opposabilité de la date figurant sur l’accusé de réception au motif que la personne l’ayant signé ne serait pas liée à elle et qu’aucun tampon n’aurait été apposé sur ledit accusé. En effet, au regard de la jurisprudence rappelée aux points 37 et 38 ci-dessus, la lettre du 5 décembre 2011 ayant été notifiée à l’adresse du siège de la requérante, l’argument pris de l’absence de tampon apposé sur l’accusé de réception est inopérant. En outre, la requérante ne saurait, sans apporter un quelconque élément de preuve, exciper de ce que la personne ayant accusé réception de ladite lettre serait étrangère à ses services. Or, en l’espèce, la requérante se contente d’affirmer dans des termes généraux et hypothétiques qu’il ressort d’une enquête menée par elle que l’accusé de réception « a probablement été transmis par le transporteur en dehors des heures administratives de l’université, et a tout aussi probablement été signé par une personne sans fonction administrative à l’université ».

41      Il résulte des points 39 et 40 ci-dessus que, d’une part, la lettre du 5 décembre 2011 a été notifiée à la requérante de manière régulière le 17 décembre 2012 et que, d’autre part, la requérante a été mise en mesure de prendre connaissance, à ladite date, du contenu de ladite lettre et, partant, du contenu non seulement des actes du 1er décembre 2011 qui étaient joints en annexes, mais aussi, au regard des considérations exposées au point 34 ci-dessus, des actes du 23 mai 2011.

42      Par conséquent, le délai de recours de deux mois, majoré du délai de distance forfaitaire de 10 jours, contre les actes du 23 mai 2011 et ceux du 1er décembre 2011 a commencé à courir, conformément à l’article 101, paragraphe 1, sous a), du règlement de procédure, le jour qui suit celui de la notification de la lettre du 5 décembre 2011 et a expiré, en application de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, le 27 février 2012 à minuit. Étant donné que la requête a été déposée au greffe du Tribunal le 9 mars 2012, le présent recours, en ce qu’il était dirigé contre les actes du 23 mai 2011 et les actes du 1er décembre 2011, a été introduit tardivement.

43      Nonobstant le fait que la requérante n’a pas formellement invoqué, sur le fondement de la jurisprudence rappelée au point 27 ci-dessus, l’existence d’un cas fortuit ou d’un cas de force majeure, qui permettrait, sur la base de l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53 dudit statut, de déroger au délai dont elle disposait pour déposer le présent recours, il y lieu de constater que la conclusion tirée au point 42 ci-dessus ne saurait être modifiée au regard des autres arguments exposés par la requérante.

44      S’agissant de l’argument pris de ce que la transmission de la lettre du 5 décembre 2011 à la personne ou au service compétent au sein de l’entité ayant été destinataire de la notification, à savoir la requérante, ainsi que la compréhension de l’objet de ladite lettre auraient été retardées en raison de la rédaction de cette dernière en anglais, langue qui n’est pas celle de la requérante, à savoir le persan, il convient de constater qu’il porte sur les conditions dans lesquelles, postérieurement à la notification régulière de la lettre du 5 décembre 2011, cette dernière a été transmise au sein de l’entité en cause.

45      Or, en premier lieu, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les problèmes de transmission intérieure qu’une entité destinataire d’une notification est susceptible de rencontrer ne constituent ni un cas fortuit ni un cas de force majeure, au sens de l’article 45, paragraphe 2, du statut de la Cour, cas dans lesquels l’expiration d’un délai ne saurait être opposé (voir, en ce sens, arrêt Cockerill-Sambre/Commission, point 37 supra, point 12). En second lieu, il ressort également de la jurisprudence que les questions liées au fonctionnement des services d’un requérant ne peuvent pas, à elles seules, conférer un caractère excusable à l’erreur commise, notamment s’agissant de l’introduction tardive d’un recours (voir, en ce sens, ordonnance Belgique/Commission, point 27 supra, point 29, et la jurisprudence citée).

46      En l’espèce, la requérante impute le retard pris tant dans l’acheminement de la lettre du 5 décembre 2011 vers les services qu’elle estime compétents que, par voie de conséquence, dans la prise de connaissance de l’objet de ladite lettre par ces derniers, à la langue dans laquelle la lettre du 5 décembre 2011 était rédigée, à savoir l’anglais. En effet, la personne ayant accusé réception de la lettre du 5 décembre 2011 n’aurait pas été en mesure de comprendre cette langue.

47      Or, premièrement, ainsi qu’il a été rappelé au point 37 ci-dessus, la connaissance effective du contenu de l’acte notifié par une personne compétente selon les règles internes de fonctionnement de l’entité destinataire ne peut avoir d’influence sur le point de départ du délai de recours.

48      Deuxièmement, au regard de la jurisprudence rappelée au point 45 ci-dessus, les questions liées à la transmission, au sein de l’entité destinataire d’une notification, à une personne ou un service compétent d’un courrier régulièrement notifié ne peuvent non plus avoir d’influence sur le point de départ du délai de recours.

49      Troisièmement, il convient de rappeler que la notification de la lettre du 5 décembre 2011 a été effectuée, ce que la requérante ne conteste pas, par courrier recommandé avec accusé de réception. Une telle norme d’expédition et de distribution d’un courrier postal permet notamment de disposer de la preuve juridique de l’expédition puis de la réception, à une date précise, dudit courrier par son destinataire. Or, force est de constater que cette norme d’acheminement d’un courrier postal est connue des services en charge, en Iran, de la distribution du courrier postal. En effet, lesdits services ont, ainsi que le prouve l’accusé de réception de la lettre du 5 décembre 2011, distribué ladite lettre à son destinataire nommément désigné, en l’occurrence la requérante, et ce en veillant à ce que l’accusé de réception soit daté, signé par le destinataire, puis renvoyé à l’expéditeur. Dès lors, au regard du formalisme que recouvre, par sa nature même, l’envoi d’un courrier recommandé avec un accusé de réception, il y a lieu de considérer qu’une personne ou une entité destinataire d’un tel courrier est tenue, en vertu de son obligation de diligence, de prendre toutes les mesures nécessaires en interne afin de garantir le traitement spécifique qu’il requiert. De telles mesures doivent notamment permettre d’assurer le traitement d’un courrier recommandé, acheminé au niveau international et rédigé dans une langue différente de celle du pays dans lequel le destinataire réside ou est établi. Or, en l’espèce, force est de constater que la requérante, en ce qu’elle se contente de faire état de difficultés rencontrées par la personne ayant accusé réception de la lettre du 5 décembre 2011 pour acheminer en interne ladite lettre vers un service compétent, n’a pas mis en œuvre un traitement diligent à la suite de la notification de ladite lettre.

50      Quatrièmement, l’allégation selon laquelle la langue dans laquelle la lettre du 5 décembre 2011 était rédigée aurait été à l’origine d’un retard quant à sa transmission en interne vers les services compétents est non seulement non étayée, mais également incohérente par rapport au deuxième argument soulevé par la requérante à titre principal, selon lequel elle ignore qui est la personne qui a réceptionné ladite lettre le 17 décembre 2011 et suppose qu’il s’agit d’une personne non liée à elle. Si tel était le cas, le Tribunal constate que la requérante ne peut affirmer, sans se contredire, d’un côté, qu’elle ignore qui était la personne qui a réceptionné ladite lettre et, d’un autre côté, que cette personne ne comprenait pas la langue anglaise.

51      S’agissant de l’argument tiré de ce que l’application du délai forfaitaire de distance de 10 jours serait constitutive d’une discrimination à l’égard de la requérante, il y a lieu de rappeler que le principe d’égalité de traitement, qui constitue un principe fondamental de droit, interdit que des situations comparables soient traitées de manière différente ou que des situations différentes soient traitées de manière égale, à moins que de tels traitements ne soient objectivement justifiés (voir arrêt du Tribunal du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec. p. II‑3967, point 56, et la jurisprudence citée).

52      Or, force est de constater que, premièrement, et contrairement aux allégations de la requérante, l’établissement dans un pays tiers éloigné du siège de la Cour n’est pas de nature à placer la requérante dans une situation objectivement différente, au regard de l’application du délai de distance, de celle d’une entreprise établie dans l’Union qui ferait l’objet d’une sanction de même nature. À cet égard, il suffit de rappeler que des requérants établis dans les territoires d’outre mer faisant partie de l’Union à une distance équivalente, voire supérieure, à celle séparant la requérante du siège de la Cour sont soumis au même délai de distance forfaitaire de dix jours.

53      Deuxièmement, le délai de distance constituant un simple allongement du délai de procédure (ordonnance du Tribunal du 20 novembre 1997, Horeca-Wallonie/Commission, T‑85/97, Rec. p. II‑2113, point 26) qui permet de tenir compte du temps nécessaire pour acheminer, par la voie postale, un recours au greffe de la juridiction de l’Union compétente, la circonstance que la langue de la requérante n’est pas une langue officielle de l’Union ne saurait avoir une quelconque incidence sur ledit délai.

54      Il résulte des considérations qui précèdent que l’argument relatif au délai forfaitaire de distance doit être rejeté comme non fondé.

55      S’agissant de l’argument tiré de ce que les délais de recours n’ayant pas été notifiés à la requérante, ils ne sauraient lui être opposés, il suffit de relever que, premièrement, le Conseil a explicitement et notamment renvoyé, non seulement dans les avis publiés le 24 mai 2011 et le 1er décembre 2011, mais aussi dans la lettre du 5 décembre 2011, aux dispositions de l’article 263, alinéa 6, TFUE qui fixent de manière explicite le délai dont dispose une partie pour introduire un recours en annulation. Deuxièmement, aucune disposition du droit de l’Union ne prévoit ni n’est susceptible d’être interprétée en ce sens que les délais impartis pour introduire un recours devant une juridiction de l’Union doivent être indiqués explicitement dans des actes tels que des lettres ayant pour objet de communiquer un acte de l’Union. Partant, cet argument doit être rejeté comme non fondé.

56      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le présent recours, en ce qu’il tend à obtenir l’annulation des actes du 23 mai 2011 et des actes du 1er décembre 2011 a été introduit tardivement et, partant, doit être déclaré irrecevable. Au regard de la jurisprudence rappelée au point 24 ci-dessus, il y a également lieu de déclarer l’exception d’illégalité soulevée par la requérante, sur le fondement de l’article 277 TFUE, irrecevable.

57      S’agissant de la demande de la requérante, en date du 25 octobre 2012, visant à adapter ses conclusions, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la recevabilité d’un recours s’appréciant au moment de son introduction, un requérant ne saurait être autorisé à adapter ses conclusions et moyens, de façon à viser la survenance de nouveaux actes durant l’instance, que pour autant que sa demande d’annulation de l’acte initialement attaqué ait été elle-même recevable à la date de son introduction (voir ordonnance du Tribunal du 18 novembre 2005, Selmani/Conseil et Commission, T‑299/04, non publiée au Recueil, points 69 et 70, et la jurisprudence citée).

58      En l’espèce, ainsi qu’il a déjà été conclu au point 56 ci-dessus, le recours, en ce qu’il tend à faire annuler les actes du 23 mai 2011 et les actes du 1er décembre 2011, étant irrecevable, il y a également lieu, au regard de la jurisprudence rappelée au point précédent, de déclarer la demande d’adaptation des conclusions irrecevable.

59      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être déclaré irrecevable dans son intégralité.

 Sur les dépens

60      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Shahid Beheshti University supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

Fait à Luxembourg, le 20 novembre 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       I. Pelikánová


* Langue de procédure : le français.