Language of document : ECLI:EU:T:2013:636

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

11 décembre 2013 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale SMARTBOOK – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑123/12,

Smartbook AG, établie à Offenburg (Allemagne), représentée par Mes C. Milbradt, A. Schwarz et F. Reiling, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme D. Walicka, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

soutenu par

Qualcomm, Inc., établie à Dover, Delaware (États-Unis), représentée par Mes A. Renck, A. Leister et V. von Bomhard, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 15 décembre 2011 (affaire R 799/2011-2), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal SMARTBOOK comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek (rapporteur), juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 15 mars 2012,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 14 juin 2012,

vu le mémoire en intervention déposé par Qualcomm, Inc. au greffe du Tribunal le 20 novembre 2012, vu les observations de la requérante sur le mémoire en intervention déposé au greffe du Tribunal le 10 janvier 2013,

à la suite de l’audience du 4 septembre 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 15 juillet 2009, la requérante, Smartbook AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal SMARTBOOK.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 16, et 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié. Lesdits produits et services correspondent à la description suivante :

–        classe 9 : « Ordinateurs, lecteurs de codes barres, ordinateurs blocs-notes, processeurs de données, calculatrices, périphériques informatiques, logiciels (préenregistrés), dispositifs d’enregistrement de temps, unités d’affichage visuel pour stylos électroniques, dictionnaires électroniques, circuits intégrés, publications électroniques (téléchargeables), logiciels de jeux, jeux conçus pour être utilisés avec des télévisions, appareils de jeux (conçus pour être utilisés avec des télévisions), lecteurs optiques de caractères, objectifs (lentilles) (optique) » ;

–        classe 16 : « Almanachs, cartes, journaux, publications concernant des questions d’actualité, images, figurines, photographies, tables arithmétiques, matériel d’enseignement (à l’exclusion des appareils), atlas, globes (terrestres) » ;

–        classe 28 : « Jeux (non conçus pour être utilisés avec des télévisions), balles pour jeux, jouets ».

4        Par courrier du 31 juillet 2009, l’examinateur a informé la requérante que la marque demandée ne semblait pas susceptible d’être enregistrée en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 pour les produits suivants compris dans la classe 9: « Ordinateurs, lecteurs de codes barres, ordinateurs blocs-notes, processeurs de données, calculatrices, périphériques informatiques, logiciels (préenregistrés), dispositifs d’enregistrement de temps, unités d’affichage visuel pour stylos électroniques, dictionnaires électroniques, circuits intégrés, publications électroniques (téléchargeables), logiciels de jeux, jeux conçus pour être utilisés avec des télévisions, appareils de jeux (conçus pour être utilisés avec des télévisions), lecteurs optiques de caractères ».

5        Le 19 août 2009, la requérante a déposé ses observations sur les motifs de refus partiel de la marque demandée. L’examinateur a répondu à ces observations le 10 novembre 2009. Dans ce courrier, l’examinateur a considéré que la marque demandée était descriptive et dépourvue de caractère distinctif pour les produits suivants compris dans la classe 9 : « Ordinateurs, lecteurs de codes barres, ordinateurs blocs-notes, processeurs de données, calculatrices, périphériques informatiques, logiciels (préenregistrés), dispositifs d’enregistrement de temps, unités d’affichage visuel pour stylos électroniques, dictionnaires électroniques, circuits intégrés, lecteurs optiques de caractères ».

6        Les 18 mai et 20 octobre 2010, la requérante a déposé de nouvelles observations sur les motifs de refus partiel d’enregistrement de la marque demandée.

7        Par décision du 10 mars 2011, l’examinatrice a, en vertu de l’article 37 du règlement n° 207/2009, rejeté la demande d’enregistrement pour les produits visés au point 5 ci-dessus en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du même règlement, au motif que la marque demandée était descriptive et dépourvue de caractère distinctif.

8        Le 12 avril 2011, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de l’examinatrice.

9        Par décision du 15 décembre 2011 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a partiellement fait droit au recours et a annulé la décision de l’examinatrice en ce qui concerne les « lecteurs de codes barres, calculatrices, dispositifs d’enregistrement de temps, circuits intégrés, logiciels de jeux, jeux conçus pour être utilisés avec des télévisions, appareils de jeux (conçus pour être utilisés avec des télévisions) ». Elle a considéré que l’examinatrice n’avait pas présenté de preuve ni de motif démontrant que la marque demandée ait jamais été associée à ces produits ou qu’elle était descriptive, ou dépourvue de caractère distinctif, pour lesdits produits. Dès lors, la chambre de recours a annulé la décision de l’examinatrice et autorisé l’enregistrement de la marque demandée en ce qui concerne ces produits.

10      En revanche, le recours a été rejeté pour le reste. La chambre de recours a considéré que, en ce qui concerne les autres produits concernés, les éléments de preuve démontraient que la marque demandée était d’un usage générique au moment du dépôt de la demande d’enregistrement. En effet, le terme « smartbook » faisait pratiquement partie du langage courant pour une nouvelle génération d’ordinateurs, même si leurs nouvelles caractéristiques n’étaient pas encore connues ou comprises correctement par le grand public. La chambre de recours en a conclu que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif pour certains produits concernés. Dès lors, elle a estimé qu’il n’était pas nécessaire de déterminer si le signe verbal SMARTBOOK devait également être refusé à l’enregistrement, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement n° 207/2009.

11      Plus particulièrement, la chambre de recours a conclu que l’enregistrement de la marque demandée devait être rejeté en ce qui concerne les produits relevant des catégories suivantes : les « ordinateurs », les « ordinateurs blocs-notes » et les « processeurs de données », qui sont, selon elle, tous des ordinateurs pouvant, dès lors, revêtir la forme d’un « smartbook ». Il en va de même pour les « périphériques informatiques », les « lecteurs optiques de caractères », les « unités d’affichage visuel pour stylos électroniques », les « publications électroniques (téléchargeables) » et les « dictionnaires électroniques », étant donné qu’ils comprennent des appareils dépendants et des logiciels d’applications pertinents, à exploiter sur un ordinateur « smartbook ». Selon la chambre de recours, tous ces produits sont étroitement liés au dispositif informatique central, de sorte qu’ils sont tous couverts par le terme « smartbook ». En outre, elle a considéré que l’enregistrement devait également être rejeté pour les « logiciels (préenregistrés) » étant donné qu’il s’agit d’un terme suffisamment large pour inclure le logiciel de système d’exploitation pour un « smartbook » qui constitue, en substance, la machine virtuelle.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 mars 2012, la requérante a introduit le présent recours.

13      Par ordonnance du 5 octobre 2012, le président de la septième chambre du Tribunal a admis l’intervention de Qualcomm, Inc. Celle-ci a déposé son mémoire dans le délai imparti. Le 10 janvier 2013, la requérante a déposé des observations sur ledit mémoire en intervention.

14      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

15      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 4 septembre 2013.

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

17      L’OHMI et l’intervenante, Qualcomm Inc., concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du litige

18      En premier lieu, il convient d’observer que l’OHMI, soutenu par l’intervenante, oppose une fin de non-recevoir partielle au recours introduit par la requérante en ce qu’il vise la décision attaquée dans son intégralité, c’est-à-dire aussi la partie dans laquelle cette dernière lui a été favorable.

19      Aux termes de l’article 65, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, le recours devant le Tribunal contre une décision d’une chambre de recours de l’OHMI « est ouvert à toute partie à la procédure devant la chambre de recours pour autant que la décision de celle-ci n’a pas fait droit à ses prétentions ».

20      En l’espèce, et ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus, par les points 1 à 3 du dispositif de la décision attaquée, la chambre de recours a accueilli partiellement le recours introduit par la requérante devant elle et a autorisé l’enregistrement de la marque demandée pour les « lecteurs de codes barres, calculatrices, dispositifs d’enregistrement de temps, circuits intégrés, logiciels de jeux, jeux conçus pour être utilisés avec des télévisions, appareils de jeux (conçus pour être utilisés avec des télévisions) ». C’est uniquement par le point 4 du dispositif, par lequel la chambre de recours a confirmé la décision de l’examinatrice « pour le reste », que la décision attaquée n’a pas fait droit aux prétentions de la requérante. 

21      Dans les observations sur le mémoire en intervention ainsi que lors de l’audience, la requérante a précisé que son recours était dirigé uniquement contre la partie de la décision attaquée qui rejetait la demande d’enregistrement de la marque demandée pour certains produits de la classe 9.

22      Dès lors, il convient de considérer que le recours vise uniquement le point 4 du dispositif de la décision attaquée, par lequel la chambre de recours a rejeté la demande d’enregistrement de la marque demandée pour certains produits de la classe 9.

23      En second lieu, il y a lieu de relever que, par ledit point 4 du dispositif de la décision attaquée, la chambre de recours a confirmé la décision de l’examinatrice « pour le reste ».

24      Dans les motifs de la décision attaquée, la chambre de recours, en énumérant les produits pour lesquels l’examinatrice avait refusé l’enregistrement de la marque demandée, a mentionné notamment les « publications électroniques (téléchargeables) » (points 2 et 6 de la décision attaquée). Ensuite, la chambre de recours s’est posé la question de savoir si l’enregistrement de la marque demandée devait être rejeté pour tous les produits pour lesquels, selon elle, l’examinatrice a jugé ladite marque susceptible de faire l’objet d’une opposition et, notamment, pour les « publications électroniques (téléchargeables) » (point 42 de la décision attaquée). Elle en a conclu que la demande d’enregistrement de la marque demandée devait être rejetée, notamment, pour ledit produit (point 43 de la décision attaquée).

25      Pourtant, il ressort de la décision de l’examinatrice que celle-ci a fait droit à la demande de la requérante pour les « publications électroniques (téléchargeables) » et a donc autorisé l’enregistrement de la marque demandée pour ce produit (voir points 5 et 7 ci-dessus).

26      La requérante a formé un recours contre ladite décision de l’examinatrice uniquement en ce que celle-ci a rejeté la demande d’enregistrement. En effet, elle n’aurait pas, en tout état de cause, été recevable à contester la décision en question, dans la mesure où elle a fait droit à la demande d’enregistrement [ordonnance du Tribunal du 11 mai 2006, TeleTech Holdings/OHMI – Teletech International (TELETECH INTERNATIONAL), T-194/05, Rec. p. II-1367, point 22 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2011, Völkl/OHMI – Marker Völkl (VÖLKL), T-504/09, Rec. II-8179, point 55].

27      À cet égard, il convient aussi de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante qu’un recours porté devant le Tribunal en vertu de l’article 65 du règlement n° 207/2009 vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours. En application de l’article 76 dudit règlement, ce contrôle doit se faire au regard du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [voir arrêt du Tribunal du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T-57/03, Rec. p. II-287, point 17, et la jurisprudence citée].

28      Or, il résulte de ce qui précède que les « publications électroniques (téléchargeables) » n’ont pas fait partie du contexte factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours parce que, d’une part, l’enregistrement pour ce produit avait été accueilli et, d’autre part, la requérante n’a jamais contesté cette partie de la décision de l’examinatrice devant la chambre de recours.

29      Il convient donc de considérer que c’est par erreur que, aux points 2, 6, 42 et 43 de la décision attaquée, la chambre de recours a mentionné les « publications électroniques (téléchargeables) » parmi les produits pour lesquels l’examinatrice avait refusé la marque demandée à l’enregistrement. Interrogé sur cette situation lors de l’audience, l’OHMI s’est référé au point 5 du mémoire en réponse, auquel il avait énuméré les produits pour lesquels la chambre de recours avait rejeté l’enregistrement, et a précisé que cette énumération ne contenait, notamment, pas les « publications électroniques (téléchargeables) ».

30      Il en résulte que la mention des « publications électroniques (téléchargeables) » dans les motifs de la décision attaquée est sans objet et que le contrôle de légalité de cette décision, auquel il convient de procéder en l’espèce, portera sur les produits suivants, appartenant à la classe 9 : « Ordinateurs, ordinateurs blocs-notes, processeurs de données, périphériques informatiques, logiciels (préenregistrés), unités d’affichage visuel pour crayons électroniques, dictionnaires électroniques, lecteurs optiques de caractères » (ci-après les « produits en cause »).

 Sur le fond

31      À l’appui de son recours, la requérante soulève, en substance, deux moyens d’annulation, tirés de la violation, respectivement, de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, et de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

32      La requérante soutient que la chambre de recours a considéré à tort que le terme « smartbook » désignait une catégorie de produits. Une telle catégorie n’aurait existé ni au moment de la demande d’enregistrement, ni au moment de l’introduction du recours. Au contraire, la marque demandée serait fantaisiste et donc suffisamment distinctive pour pouvoir être enregistrée.

33      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que la marque demandée se composait de deux mots courants en anglais, « smart » et « book ». Selon elle, il était notoire que le mot « smart » était fréquemment utilisé pour désigner des appareils « intelligents » – par exemple, ceux qui incorporent une puce ou qui sont en tout ou en partie informatisés –, alors que le mot «book » n’était manifestement pas un terme informatique, mais désignait un ensemble de pages de papier imprimées, qui sont reliées. Elle en a conclu que, même considérée dans son ensemble, la marque demandée ne décrivait pas littéralement ou immédiatement, du moins sans autres opérations mentales, un ordinateur ou l’une de ses caractéristiques et n’était donc pas descriptive des produits en cause (point 15 de la décision attaquée).

34      En revanche, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve présentés par l’examinatrice et par l’intervenante donnaient une forte indication du fait que le terme « smartbook » était passé dans le langage courant dans le monde informatique et qu’il désignait un appareil rapide, léger, doté de caractéristiques de connectivité supérieure, combinant celles d’un téléphone mobile sophistiqué (« smartphone ») et d’un petit ordinateur portable (« notepad »). Elle a relevé que ces éléments de preuve contenaient des références à « smartbook » et que ce dernier était manifestement un terme générique pour les appareils informatiques (point 32 de la décision attaquée).

35      La chambre de recours en a conclu que les éléments de preuve présentés et analysés démontraient que la marque demandée « était d’un usage générique au moment du dépôt de la demande » d’enregistrement, même si « le nombre d’entreprises utilisant le terme pour des produits informatiques à ce moment-là n’était pas énorme » et que, [e]n outre, les coupures de presse et les articles montr[ai]ent qu’au moment en question le mot ‘smartbook’ avait déjà été adopté comme faisant pratiquement partie du langage courant pour une nouvelle génération d’ordinateurs, même si leurs nouvelles caractéristiques n’étaient pas encore connues ou comprises correctement par le grand public ». Selon elle, le terme « smartbook », utilisé légitimement par un certain nombre d’opérateurs pour désigner des produits similaires ou identiques ou à ceux de la requérante, ne pouvait pas remplir la fonction essentielle de la marque qui est celle de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par celle-ci. La chambre de recours en a conclu que la marque demandée devait être rejetée en ce qui concerne les ordinateurs et les dispositifs associés, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 (point 41 de la décision attaquée).

36      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. Selon le paragraphe 2 du même article, le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

37      Selon une jurisprudence constante, les marques visées par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 sont celles qui sont réputées incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service en cause afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêts du Tribunal du 20 mai 2009, CFCMCEE/OHMI (P@YWEB CARD et PAYWEB CARD), T‑405/07 et T‑406/07, Rec. p. II‑1441, point 33, et du 21 janvier 2011, BSH/OHMI (executive edition), T‑310/08, non publié au Recueil, point 23].

38      Le caractère distinctif d’un signe doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent [arrêt de la Cour du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C-398/08 P, Rec. p. I-535, point 34; et arrêt du Tribunal du 12 mars 2008, Compagnie générale de diététique/OHMI (GARUM), T-341/06, non publié au Recueil, point 30].

39      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que les signes descriptifs visés à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 sont, également, dépourvus de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement. À l’inverse, un signe peut être dépourvu de caractère distinctif au sens dudit article 7, paragraphe 1, sous b), pour des raisons autres que son éventuel caractère descriptif (arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C-51/10 P, Rec. p. I-1541, point 46, et ordonnance de la Cour du 26 avril 2012, Deichmann/OHMI, C-307/11 P, non publiée au Recueil, point 46).

40      Il existe donc un certain chevauchement entre le champ d’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et celui de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement, la première de ces dispositions se distinguant toutefois de la seconde en ce qu’elle couvre l’ensemble des circonstances dans lesquelles un signe n’est pas de nature à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises [arrêt Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, point 39 supra, point 47, ordonnance Deichmann/OHMI, point 39 supra, point 47 ; arrêt du Tribunal du 25 avril 2013, Bayerische Motoren Werke/OHMI (ECO PRO), T‑145/12, non publié au Recueil, point 19].

41      Ainsi, lorsque, dans le domaine visé par la marque, le public pertinent perçoit un signe comme fournissant des informations sur la nature des produits qu’elle désigne et non comme indiquant l’origine des produits en cause, la marque ne satisfait pas aux conditions prévues par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 [arrêt du Tribunal du 10 décembre 2008, Bateaux mouches/OHMI – Castanet (BATEAUX MOUCHES), T‑365/06, non publié au Recueil, point 19 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, Rec. p. I‑3297, point 69, et la jurisprudence citée].

42      Il s’agit donc de vérifier si, en l’espèce, la chambre de recours a pu valablement considérer que, pour les produits en cause, le signe « smartbook » ne pouvait pas assurer la fonction essentielle d’une marque, qui est celle de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’indication d’origine du produit ou du service désigné par elle en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance commerciale [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 17 janvier 2013, Solar-Fabrik/OHMI (Premium XL et Premium L), T‑582/11 et T‑583/11, non publié au Recueil, point 14].

43      En ce qui concerne le public pertinent, force est de constater que celui-ci n’est défini ni dans la décision attaquée ni dans celle de l’examinatrice. Or, lorsque, comme en l’espèce, les produits sur lesquels porte la demande d’enregistrement sont destinés à l’ensemble des consommateurs, il convient de considérer, à l’instar de l’OHMI et de l’intervenante dans leurs mémoires, que le public pertinent est constitué par le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir arrêt de la Cour du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C-329/02 P, Rec. p. I-8317, point 24, et la jurisprudence citée).

44      La chambre de recours est parvenue à la conclusion que le terme « smartbook » était utilisé de manière générique au moment du dépôt de la demande de marque pour désigner une nouvelle génération d’ordinateurs sur la base des éléments de preuve, mentionnés aux points 20 à 29 de la décision attaquée, sous forme d’articles et de pages Internet mentionnant une nouvelle catégorie de produit informatique, la comparant aux ordinateurs portables et aux « smartphones » et l’attribuant à différents fabricants. La chambre de recours a analysé les différentes catégories de produits en cause et en a conclu que l’enregistrement de la marque demandée ne devait pas être autorisé pour certains d’entre eux (point 43 de la décision attaquée, et point 11 ci-dessus). La requérante conteste la conclusion générale sur l’absence de caractère distinctif de la marque demandée de façon générale et non par rapport à des produits spécifiques.

45      Le Tribunal considère que les arguments et les éléments de preuve présentés par la requérante ne sauraient remettre en cause cette conclusion de la chambre de recours.

46      Ainsi, la requérante fait valoir que l’objectivité des preuves mentionnées par la chambre de recours est très douteuse, étant donné que, dans la plupart des cas, elles ne proviendraient pas d’une source neutre, mais d’entreprises qui auraient des intérêts personnels manifestes à utiliser le terme « smartbook » pour désigner une catégorie de produits fabriqués par elles. Cependant, à l’instar de l’OHMI, il y a lieu d’observer que la conclusion de la chambre de recours est fondée sur des sources générales, qui donnent des informations sur la perception du grand public, dont notamment le quotidien The Guardian très diffusé au Royaume-Uni, et le magazine informatique de renommée mondiale PCWorld, ainsi que les pages des sites Internet « desarolloweb.com », « Gizmodo.com » et « news.cnet.com » (points 21, 23, 24, 28 et 29 de la décision attaquée). La requérante ne conteste pas le contenu de ces documents. En outre, en analysant les différentes preuves, la chambre de recours a distingué, d’une part, les sources indépendantes et, d’autre part, les informations provenant d’entreprises du secteur informatique et a expressément indiqué qu’il convenait d’apprécier avec circonspection la valeur de ces dernières (point 19 de la décision attaquée). Le site Internet Wikipedia a également été écarté, étant donné que cette encyclopédie en ligne peut être modifiée et éditée par des parties intéressées (point 30 de la décision attaquée). Il convient aussi de préciser que les éléments de preuve mentionnés par la chambre de recours ne font pas uniquement référence à un seul fabricant de « smartbooks » mais à plusieurs. De plus, il convient de préciser que, si certains de ces éléments portent une date postérieure à celle de la demande d’enregistrement de la marque demandée, ils gardent néanmoins toute leur valeur probante en l’espèce, puisqu’il convient de considérer qu’ils se réfèrent à la période pendant laquelle la demande d’enregistrement a été introduite.

47      En revanche, les éléments de preuve présentés par l’intervenante concernant l’usage du terme « smartbook », datés, eux aussi, postérieurement à la date de demande d’enregistrement doivent être rejetés comme irrecevables. En effet, sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur la pertinence de ces pièces pour l’analyse de la situation au moment de la demande d’enregistrement, il convient d’observer que celles-ci n’ont pas été présentées lors de la procédure devant l’OHMI. Or, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des éléments de preuve présentés pour la première fois devant lui [arrêt du Tribunal du 27 octobre 2005, Éditions Albert René/OHMI – Orange (MOBILIX), T‑336/03, Rec. p. II‑4667, point 16].

48      La requérante soutient aussi que la circonstance que personne n’utilise actuellement le terme « smartbook » comme pour désigner une catégorie de produits démontre qu’une telle catégorie de produits n’a jamais existé. Elle-même utiliserait la « marque SMARTBOOK » pour commercialiser des miniportables, des ordinateurs bloc-notes, des ordinateurs personnels et non pour un type déterminé ou une catégorie d’ordinateurs portables. À cet égard, il convient de rappeler que le caractère distinctif d’un signe doit exister au moment de la demande d’enregistrement. Par ailleurs, la requérante n’avance aucune preuve à l’appui de cette argumentation. En outre, il y a lieu d’observer que le fait que la requérante utilise sa raison sociale pour les différents produits qu’elle fabrique et met sur le marché ne saurait empêcher que, parallèlement et notamment au moment de la demande d’enregistrement, le terme « smartbook » ait été adopté dans le monde informatique pour une nouvelle génération d’ordinateurs, désignant un appareil rapide, léger, doté de caractéristiques de connectivité supérieure, combinant celles d’un téléphone mobile sophistiqué (« smartphone ») et d’un petit ordinateur portable (« notepad ») (voir points 32 et 41 de la décision attaquée).

49      Quant à l’affirmation de la requérante selon laquelle la marque demandée est fantaisiste et donc suffisamment distinctive, il suffit d’observer que celle-ci n’apporte aucun élément de preuve à l’appui d’une telle conclusion, susceptible de remettre en cause la valeur probante des éléments de preuve sur lesquels la chambre de recours s’est appuyée dans la décision attaquée.

50      La requérante fait référence à la même étude que celle déjà présentée dans le cadre de la procédure devant la chambre de recours en soutenant que celle-ci illustre le faitque la majorité du public ne sait pas ce qu’il convient d’entendre par le terme « smartbook » et que le public ne comprend dès lors pas le terme comme désignant une catégorie de produits ou comme étant purement descriptif. Cette étude, qui avait initialement été présentée dans le cadre de la procédure d’enregistrement allemande et ne concerne donc que le public allemand, avait déjà été analysée par la chambre de recours. Au point 40 de la décision attaquée, celle-ci a fait observer que lorsqu’il avait été demandé à une partie du public s’ils avaient « jamais entendu, lu ou vu le terme ‘smartbook’ en relation avec des appareils informatiques portables », seuls les 52,4 % de l’échantillon ont répondu « non », tandis que le pourcentage ayant répondu « oui » ou « je crois bien » était proche de 48 %, soit près de la moitié de l’échantillon, ce qui, selon la chambre de recours, constitue une proportion considérable. Dans la présente procédure, la requérante renvoie de manière générale à ladite étude, mais ne remet pas en question cette constatation de la chambre de recours.

51      En ce qui concerne les enregistrements de la marque demandée dans deux États membres auxquels fait référence la requérante, il convient de relever que la chambre de recours n’est pas liée par les décisions intervenues dans certains États membres en matière de marques, le système des marques communautaires étant un système autonome dont l’application est indépendante de tout système national [arrêt du Tribunal du 14 juillet 2011, Winzer Pharma/OHMI – Alcon (OFTAL CUSI), T‑160/09, non publié au Recueil, point 81]. Les enregistrements éventuels existant dans les États membres ne constituent qu’un fait qui peut être pris en considération dans le contexte de l’enregistrement d’une marque communautaire et la marque demandée doit être appréciée sur le fondement de la réglementation communautaire, pertinente (arrêt de la Cour du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, Rec. p. I‑9375, point 72).

52      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la chambre de recours a correctement conclu que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Dès lors, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009

53      Il y a lieu de rappeler que la chambre de recours a fondé sa décision de rejet uniquement sur l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 (point 41 de la décision attaquée, et points 10 et 33 ci-dessus).

54      En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 207/2009, il suffit qu’un des motifs absolus de refus s’applique pour que le signe en cause ne puisse être enregistré comme marque communautaire [voir arrêt du Tribunal du 13 septembre 2012, Sogepi Consulting y Publicidad/OHMI (ESPETEC), T‑72/11, non publié au Recueil, point 40, et la jurisprudence citée].

55      Se fondant sur cette jurisprudence, la chambre de recours a renoncé à l’examen de la demande d’enregistrement conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement n° 207/2009 (point 45 de la décision attaquée).

56      Le moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 doit donc être rejeté comme étant inopérant.

57      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours et de confirmer la décision attaquée en ce qu’elle rejette l’enregistrement de la marque demandée pour les produits suivants, appartenant à la classe 9 : « Ordinateurs, ordinateurs blocs-notes, processeurs de données, périphériques informatiques, logiciels (préenregistrés), unités d’affichage visuel pour crayons électroniques, dictionnaires électroniques, lecteurs optiques de caractères ».

 Sur les dépens

58      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Smartbook AG est condamnée aux dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 décembre 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.