Language of document : ECLI:EU:C:2017:75

Édition provisoire

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

1er février 2017 (*)

« Pourvoi – Aide accordée par la République italienne en faveur de Portovesme Srl – Régimes de tarif préférentiel d’électricité – Décision déclarant la mesure d’aide incompatible avec le marché intérieur »

Dans l’affaire C‑606/14 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 23 décembre 2014,

Portovesme Srl, établie à Rome (Italie), représentée par Mes G. Dore, M. Liberati, A. Vinci et F. Ciulli, avvocati,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. V. Di Bucci et É. Gippini Fournier, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. J. L. da Cruz Vilaça (rapporteur), président de chambre, Mme M. Berger, MM. A. Borg Barthet, E. Levits et F. Biltgen, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Portovesme Srl demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne, du 16 octobre 2014, Portovesme/Commission (T‑291/11, ci-après l’« arrêt attaqué » EU:T:2014:896), par lequel celui-ci a rejeté son recours visant à l’annulation de la décision 2011/746/UE de la Commission, du 23 février 2011, relative aux aides d’État C 38/B/04 (ex NN 58/04) et C 13/06 (ex N 587/05) mises à exécution par l’Italie en faveur de Portovesme Srl, ILA SpA, Eurallumina SpA et Syndial SpA (JO 2011, L 309, p. 1, ci-après la « décision litigieuse »).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

2        Le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), a été abrogé par le règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9).

3        L’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 659/1999 disposait :

« Les décisions visées aux paragraphes 2, 3 et 4 sont prises dans un délai de deux mois. Celui-ci court à compter du jour suivant celui de la réception d’une notification complète. La notification est considérée comme complète si, dans les deux mois de sa réception ou de la réception de toute information additionnelle réclamée, la Commission ne réclame pas d’autres informations. Le délai peut être prorogé par accord mutuel entre la Commission et l’État membre concerné. Le cas échéant, la Commission peut fixer des délais plus courts. »

4        L’article 7, paragraphe 6, de ce règlement prévoyait :

« Les décisions prises en application des paragraphes 2, 3, 4 et 5 doivent l’être dès que les doutes visés à l’article 4, paragraphe 4, sont levés. La Commission s’efforce autant que possible d’adopter une décision dans un délai de dix-huit mois à compter de l’ouverture de la procédure. Ce délai peut être prorogé d’un commun accord entre la Commission et l’État membre concerné. »

5        L’article 10, paragraphe 1, dudit règlement était rédigé en ces termes :

« Lorsque la Commission a en sa possession des informations concernant une aide prétendue illégale, quelle qu’en soit la source, elle examine ces informations sans délai. »

6        L’article 14 du règlement n° 659/1999, intitulé « Récupération de l’aide », disposait :

« 1.      En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire (ci‑après dénommée “décision de récupération”). La Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit communautaire.

2.      L’aide à récupérer en vertu d’une décision de récupération comprend des intérêts qui sont calculés sur la base d’un taux approprié fixé par la Commission. Ces intérêts courent à compter de la date à laquelle l’aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu’à celle de sa récupération.

3.      Sans préjudice d’une ordonnance de la Cour de justice [de l’Union européenne] prise en application de l’article [278 TFUE], la récupération s’effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin et en cas de procédure devant les tribunaux nationaux, les États membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit communautaire. »

7        Sous l’intitulé « Aide au fonctionnement », les points 4.15 à 4.17 des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale (JO 1998, C 74, p. 9), telles que modifiées le 9 septembre 2000 (JO 2000, C 258, p. 5) (ci-après les « lignes directrices de 1998 »), sont rédigés en ces termes :

« 4.15.      Les aides régionales destinées à réduire les dépenses courantes de l’entreprise (aides au fonctionnement) sont, en principe, interdites.

Exceptionnellement, peuvent cependant être octroyées des aides de ce type dans les régions bénéficiant de la dérogation de l’article [107, paragraphe 3, sous a), TFUE], à condition qu’elles soient justifiées en fonction de leur contribution au développement régional, de leur nature et que leur niveau soit proportionnel aux handicaps qu’elles visent à pallier [...] Il incombe à l’État membre de démontrer l’existence des handicaps et d’en mesurer l’importance. Ces aides au fonctionnement doivent être limitées dans le temps et dégressives.

4.16.      Exceptionnellement, dans les conditions décrites ci-dessous, des aides au fonctionnement qui ne sont pas à la fois dégressives et limitées dans le temps peuvent être autorisées.

4.16.1.      Dans les régions ultrapériphériques bénéficiant de la dérogation de l’article [107, paragraphe 3, sous a) et c), TFUE] ainsi que dans les régions à faible densité de population bénéficiant, soit de la dérogation de l’article [107, paragraphe 3, sous a), TFUE], soit, au titre du critère de la densité démographique indiqué au point 3.10.4, de la dérogation [sous c)], peuvent être autorisées des aides qui ne sont pas à la fois dégressives et limitées dans le temps destinées à compenser en partie les surcoûts de transport [...], dans le respect de conditions particulières [...] Il incombe à l’État membre de démontrer l’existence desdits surcoûts et d’en mesurer l’importance.

4.16.2.      En outre, dans les régions ultrapériphériques bénéficiant de la dérogation de l’article [107, paragraphe 3, sous a) et c), TFUE], peuvent être autorisées des aides qui ne sont pas à la fois dégressives et limitées dans le temps, dans la mesure où elles contribuent à compenser les coûts additionnels de l’exercice de l’activité économique inhérents aux facteurs identifiés à l’article [349 TFUE], dont la permanence et la combinaison nuisent gravement au développement de ces régions (éloignement, insularité, faible superficie, relief et climat difficiles, dépendance économique vis-à-vis d’un petit nombre de produits). Il incombe à l’État membre de mesurer l’importance des coûts additionnels et de démontrer le lien qui existe avec les facteurs de l’article [349 TFUE].

Les aides envisagées devront être justifiées en fonction de leur contribution au développement régional et de leur nature ; leur niveau devra être proportionnel aux coûts additionnels qu’elles visent à compenser.

Le niveau de la compensation des coûts additionnels sera aussi examiné sur la base du niveau de développement atteint par la région.

Enfin, ces aides seront approuvées par la Commission pour une période s’achevant au plus tard à l’issue de la période de validité des cartes des aides d’État à finalité régionale en vigueur au moment de l’approbation du régime par la Commission afin que la réévaluation régulière de leur niveau assure leur pertinence à long terme vis-à-vis de la situation de la région concernée.

4.17.      Les aides au fonctionnement ayant pour objet de promouvoir les exportations [...] entre les États membres sont à exclure. »

 Le droit italien

8        L’article 1er du décret du président du Conseil des ministres du 6 février 2004 (GURI n° 93, du 21 avril 2004, p. 5, ci-après le « décret du 6 février 2004 ») dispose :

« Les conditions [tarifaires] prévues au point 2 du décret du ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat du 19 décembre 1995 [ont été étendues] à la fourniture d’énergie destinée à la production et à la transformation de l’aluminium, du plomb, de l’argent et du zinc dans les limites des structures existantes à la date d’entrée en vigueur du présent décret situées dans des territoires insulaires caractérisés par une absence ou une insuffisance de connexion aux réseaux nationaux de gaz et d’électricité .»

9        Le décret du ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat, du 19 décembre 1995 (GURI n° 39, du 16 février 1996, p. 8, ci-après le « décret du 19 décembre 1995 ») est composé de cinq points. Le point 1 prévoit que « le barème de la fourniture d’électricité pour la production d’aluminium primaire figurant au tableau A-9 joint en annexe de la décision n° 15 du 14 décembre 1993 est abrogé à partir du 1er janvier 1996 » et que, « en remplacement, s’appliquent les tarifs par tranches horaires prévus au tableau A-6 de cette mesure. »

10      Le point 2 de ce décret dispose que « le régime de surtaxes prévu par la décision n° 13 du [Comitato interministeriale dei prezzi (Comité interministériel des prix, Italie)] du 24 juillet 1992 et ses modifications ultérieures, applicables à toutes les fournitures [d’électricité] destinées à la production d’aluminium primaire dans les limites des structures existantes à la date d’entrée en vigueur du présent décret, est abrogé au 31 décembre 2005 ».

 Les antécédents du litige et la décision litigieuse

11      Alumix disposait de sites de production d’aluminium situés en Sardaigne, à Portovesme (Italie) et à Fusina (Italie). À l’occasion de la privatisation d’Alumix, dont la majorité des actifs a été cédée à Alcoa Trasformazioni, le décret ministériel du 19 décembre 1995 a redéfini les conditions tarifaires de la fourniture d’électricité pour la production d’aluminium de première fusion.

12      Ainsi, le point 1 du décret du 19 décembre 1995 a abrogé l’ancien barème des prix de fourniture de l’électricité prévu par la décision n° 15 du Comité interministériel des prix, du 14 décembre 1993, (ci‑après la « décision n° 15/1993 »), et l’a remplacé, à compter du 1er janvier 1996, par les tarifs par tranches horaires prévus au tableau A 6 de cette mesure. Aux termes du point 2 de ce décret, l’application du régime de surtaxe thermique prévu par la décision n° 13 du Comité interministériel des prix, du 24 juillet 1992, et par ses modifications ultérieures (ci-après la « décision n° 13/1992 »), a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2005. Le montant de la surtaxe thermique intégrée au tarif de l’électricité en vigueur jusqu’au 1er janvier 1996 (ci-après le « tarif pré-Alumix ») était égal au tiers de celui de la surtaxe thermique exigée avant l’adoption de cette décision. Ce tarif a été appliqué antérieurement à la privatisation d’Alumix.

13      Lors de la privatisation d’Alumix, le gouvernement italien a également adopté des mesures visant à réduire les tarifs d’électricité applicables aux fonderies d’aluminium de Portovesme et de Fusina. Trois tarifs différents ont été adoptés. Le premier, qui concernait le site de Portovesme, était défini en fonction d’un coût marginal de production d’électricité, fixé à 36 lires italiennes (ITL) (environ 0, 019 euros) par kilowatt/heure. La fourniture en électricité du site de production de Fusina faisait l’objet de deux contrats, l’un conclu entre l’Ente nazionale per l’energia elettrica (ENEL) et SAVA, une filiale d’Alumix, et l’autre prévoyant un tarif calculé à partir du coût marginal moyen de l’électricité produite, soit 39 ITL (environ 0, 020 euros) par kilowatt/heure. À la date de l’adoption par la Commission de la décision de clôture ayant fait l’objet de la communication adressée aux autres États membres et autres intéressés, conformément à l’article 93, paragraphe 2, du traité [CE], concernant une aide d’État du gouvernement italien en faveur d’Alumix (JO 1996, C 288, p. 4) (ci-après la « décision Alumix »), les premier et troisième tarifs constituaient la dernière évolution des tarifs préférentiels de l’électricité (ci-après le « tarif Alumix »). Alcoa Trasformazioni a bénéficié de ces tarifs à la suite de la privatisation d’Alumix.

14      Dans sa décision Alumix, la Commission a considéré que l’application du tarif pré-Alumix constituait une aide d’État en ce qu’elle aboutissait à ce qu’Alumix, pour le site de Portovesme, bénéficiait d’une réduction de ses coûts de production par la réduction de la surtaxe thermique alors que d’autres industries du reste de l’Italie n’en bénéficiaient pas. Elle a toutefois conclu que cette aide relevait des dérogations prévues à l’article 92, paragraphe 3, du traité CE relatives à la poursuite de l’objectif de développement régional.

15      En ce qui concerne le tarif Alumix, la Commission a considéré qu’il ne comportait « aucun élément d’aide d’État au sens de l’article 92, paragraphe 1, du traité CE ».

16      Le décret du 6 février 2004 a étendu les conditions tarifaires prévues par le décret du 19 décembre 1995 à la fourniture d’énergie destinée à la production et à la transformation de l’aluminium, du plomb, de l’argent et du zinc dans les limites des structures situées dans des territoires insulaires caractérisés par une absence ou une insuffisance de connexion aux réseaux nationaux de gaz et d’électricité. Cette extension, temporaire, devait prendre fin au plus tard le 30 juin 2007. Portovesme, une société productrice de métaux non ferreux en a été bénéficiaire pour ses usines situées en Sardaigne, à Portoscuso (Italie) et à San Gavino (Italie).

17      Les autorités italiennes n’ont pas notifié à la Commission le décret du 6 février 2004. À la suite d’une plainte, la Commission a adressé à la République italienne deux demandes d’éclaircissements par courriers datant des 22 janvier et 19 mars 2004. Cette dernière a répondu à ces demandes par courriers des 9 février, 9 juin et 20 septembre 2004. Par la décision n° 148/04 du 9 août 2004, l’Autorità per l’energia elettrica e il gas (Autorité italienne pour l’énergie électrique et le gaz, Italie, ci-après l’« AEEG ») a mis en œuvre ledit décret du 6 février 2004 à la demande du gouvernement italien.

18      Le 16 novembre 2004, la Commission a notifié à la République italienne l’ouverture, conformément à l’article 88, paragraphe 2, CE, d’une procédure concernant l’aide d’État C 38/2004 (ex NN 58/04) – Aide en faveur de la société Portovesme. À la suite de cette notification, l’AEEG a interrompu, le 17 décembre 2004, l’application du décret du 6 février 2004.

19      Le 14 mars 2005, a été adopté le décret-loi du président de la République n° 35 (GURI n° 62, du 16 mars 2005, p. 4), converti en loi, après modifications, par la loi n° 80 du 14 mai 2005 (supplément ordinaire à la GURI n° 111, du 14 mai 2005) (ci-après la « loi n° 80/2005 »), dont l’article 11, paragraphe 11, prorogeait l’application du tarif préférentiel accordé à Alcoa Trasformazioni, tandis que l’article 11, paragraphe 12, prorogeait celle du tarif préférentiel accordé à Portovesme jusqu’au 31 décembre 2010. Si la seconde disposition a été notifiée à la Commission le 23 novembre 2005, la première ne l’a pas été.

20      La Commission et la République italienne ont échangé diverses informations par courriers des22 décembre 2005 et 3 mars 2006. Le 26 avril 2006, la Commission a notifié à la République italienne sa décision d’ouvrir une procédure concernant l’aide d’État C 13/06 (ex N 587/05) – Tarif d’électricité préférentiel consenti à certaines industries grosses consommatrices d’énergie en Sardaigne. La Commission a adressé, le 22 août 2006, une demande de précisions complémentaires à la République italienne, laquelle y a répondu le 28 septembre 2006.

21      Le 29 octobre 2008, la Commission a décidé d’examiner le tarif préférentiel en distinguant la situation d’Alcoa Trasformazioni de celle des nouveaux bénéficiaires, dont Portovesme.

22      Le 23 février 2011, la Commission a adopté la décision litigieuse dans laquelle elle a, d’une part, constaté que l’aide résultant de la loi n° 80/2005 était incompatible avec le marché intérieur et interdit à la République italienne de la mettre à exécution et, d’autre part, considéré que l’aide issue du décret du 6 février 2004 était incompatible avec le marché intérieur et ordonné à la République italienne de procéder à sa récupération auprès de ses bénéficiaires, dont Portovesme pour un montant de 12 845 892,82 euros.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 juin 2011, Portovesme a demandé l’annulation totale ou partielle de la décision litigieuse.

24      À l’appui de son recours, elle a présenté onze moyens.

25      Le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité.

 Les conclusions des parties au pourvoi

26      Portovesme demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué et, par voie de conséquence, d’annuler la décision litigieuse ;

–        à titre subsidiaire, d’accueillir le pourvoi et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour un nouvel examen du recours en première instance, et

–        de condamner la Commission aux dépens exposés tant en première instance que devant la Cour.

27      La Commission demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi par voie d’ordonnance, comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement inopérant ainsi que, en toute hypothèse, non fondé ;

–        à titre subsidiaire, de rejeter le pourvoi comme étant en partie irrecevable et en partie inopérant et, en toute hypothèse non fondé ;

–        de condamner Portovesme aux dépens exposés tant en première instance que devant la Cour.

 Sur le pourvoi

28      Portovesme invoque sept moyens au soutien de son pourvoi.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des principes du délai raisonnable et de la protection de la confiance légitime

 Argumentation des parties

29      Par son premier moyen, Portovesme critique les points 60 à 64 et 66 à 78 de l’arrêt attaqué.

30      Par la première branche de ce moyen, elle reproche, premièrement, au Tribunal de ne pas avoir examiné si la Commission avait, comme il lui appartient de le faire en vertu de l’article 7, paragraphe 6, du règlement n° 659/1999, indiqué les raisons objectives ayant rendu impossible l’adoption de la décision litigieuse dans le délai imparti par cette disposition ou la conclusion d’un accord entre cette institution et la République italienne permettant une prorogation de ce délai.

31      Deuxièmement, Portovesme reproche au Tribunal d’avoir fait une application erronée du principe du délai raisonnable. En effet, le Tribunal aurait considéré à tort que la Commission avait été saisie conjointement de la prorogation du tarif préférentiel accordé à Alcoa Trasformazioni et de l’extension de ce tarif à de nouveaux bénéficiaires, ce qui aurait rendu la procédure administrative très complexe.

32      En outre, en qualifiant de pertinent aux fins de l’établissement du délai raisonnable de cette procédure le recours introduit par Alcoa Trasformazioni contre la décision d’ouverture d’une procédure d’examen formel portant sur la prorogation du tarif préférentiel dont celle-ci bénéficiait, le Tribunal aurait commis une erreur de droit. Le principe du délai raisonnable serait privé de son sens si, pour chaque affaire caractérisée par une durée excessive de procédure, était retenue une circonstance spécifique différente de celles légalement admises pour justifier cette durée.

33      Par ailleurs, Portovesme critique le point 73 de l’arrêt attaqué dans lequel le Tribunal a transposé, dans le domaine des aides d’État, la jurisprudence issue de l’arrêt du 18 janvier 2012, Djebel – SGPS/Commission (T‑422/07, non publié, EU:T:2012:11), en matière de droit de la concurrence. Le principe du délai raisonnable, qui a été consacré par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, serait une composante du principe de bonne administration. Ainsi, le non-respect du principe du délai raisonnable pourrait entraîner l’annulation de l’acte adopté tardivement, indépendamment de l’éventuelle atteinte portée par la durée excessive aux droits de la défense des parties impliquées, uniquement au motif que ce non-respect serait contraire aux principes de bonne administration et de sécurité juridique.

34      Par la seconde branche du premier moyen, Portovesme reproche au Tribunal d’avoir violé l’article 14 du règlement n° 659/1999 en jugeant qu’elle ne pouvait fonder sa confiance légitime sur une décision concernant une autre société à propos d’un tarif ayant évolué. Elle soutient qu’elle ne pouvait pas considérer que le tarif préférentiel dont elle bénéficiait était incompatible avec le marché intérieur dans la mesure où le décret du 6 février 2004 a seulement étendu, à d’autres bénéficiaires qu’Alcoa Trasformazioni, un régime tarifaire approuvé par la Commission et appliqué pendant dix-huit années sans que celle-ci ait jamais exprimé de doute quant à sa compatibilité.

35      La Commission considère que le premier moyen est inopérant, irrecevable et non fondé.

 Appréciation de la Cour

36      S’agissant, en premier lieu, de la première branche du premier moyen en ce qu’elle est tirée d’une violation de l’article 7, paragraphe 6, du règlement n° 659/1999, il ressort sans équivoque du libellé de cette disposition que celle-ci ne s’applique que dans le cas d’une aide notifiée (arrêt du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C‑630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387, point 74).

37      Or, en l’espèce, ainsi qu’il est mentionné au point 17 du présent arrêt, l’extension du bénéfice du tarif préférentiel à Portovesme, résultant de l’adoption du décret du 6 février 2004, n’a pas fait l’objet d’une notification à la Commission.

38      Dès lors, l’argument tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 6, du règlement n° 659/1999 doit être rejeté comme non fondé.

39      Concernant, en deuxième lieu, la première branche du premier moyen en ce qu’elle est tirée du non-respect du principe du délai raisonnable par la Commission, il convient de rappeler que la violation de ce principe n’est susceptible de justifier l’annulation d’une décision prise à l’issue d’une procédure administrative que dans la mesure où elle emporte également une violation des droits de la défense de l’entreprise concernée (voir, par analogie, arrêts du 9 juin 2016, PROAS/Commission, C‑616/13 P, EU:C:2016:415, point 74, ainsi que du 8 mai 2014, Bolloré/Commission, C‑414/12 P, non publié, EU:C:2014:301, points 84 et 85).

40      Dès lors, c’est à bon droit que le Tribunal a considéré, au point 73 de l’arrêt attaqué, que le non-respect du principe du délai raisonnable est, à défaut d’une violation des droits de la défense, sans incidence sur la validité d’une procédure administrative.

41      Il y a donc lieu d’écarter l’argument tiré de ce non-respect comme non fondé. Par conséquent, le surplus de l’argumentation développée par Portovesme relative à une prétendue violation du principe du délai raisonnable est inopérante et doit être rejetée.

42      En troisième lieu, il convient de constater que, au soutien de la seconde branche du premier moyen, tirée de la violation du principe de protection de la confiance légitime, Portovesme se borne à réitérer des arguments déjà soutenus dans le cadre de sa requête en annulation présentée devant le Tribunal, sans invoquer d’erreur de droit commise par ce dernier dans l’arrêt attaqué.

43      Or, un pourvoi qui se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont été présentés devant le Tribunal, sans expliquer les raisons pour lesquelles ce dernier aurait commis une erreur de droit en les rejetant, constitue une demande qui vise à obtenir un réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, laquelle échappe à la compétence de la Cour (ordonnance du 31 mars 2011, EMC Development/Commission, C‑367/10 P, non publiée, EU:C:2011:203, point 102).

44      Partant, la seconde branche du premier moyen, tirée de la violation du principe de protection de la confiance légitime, doit être rejetée comme irrecevable.

45      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen du pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué en ce qui concerne la violation du devoir de diligence et d’impartialité

 Argumentation des parties

46      Portovesme considère que l’arrêt attaqué, et plus précisément ses points 80 à 88, est entaché d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation, le Tribunal ayant omis de statuer sur la violation, par la Commission, de son devoir de diligence et d’impartialité.

47      À cet égard, Portovesme soutient que, dans le cadre du deuxième moyen de son recours en annulation, elle a reproché à la Commission de ne pas avoir explicité la teneur du décret du 6 février 2004 et du point 2 du décret du 19 décembre 1995, ni examiné la décision n° 13/1992 instaurant le tarif pré-Alumix à laquelle renvoyaient les décrets du 6 février 2004 et du 19 décembre 1995. Le Tribunal, en s’abstenant de se prononcer sur ces points, aurait placé Portovesme dans l’impossibilité de comprendre si le Tribunal a rejeté ledit moyen au motif que l’exposé du cadre normatif national présenté par la Commission était correct ou du fait de l’absence d’une violation du devoir de diligence et d’impartialité. L’arrêt serait ainsi entaché d’un défaut de motivation.

48      En outre, Portovesme fait valoir qu’elle a été tardivement informée, au cours de la procédure devant le Tribunal, du postulat sur lequel reposait la constatation par la Commission de l’incompatibilité de l’aide prévue par le décret du 6 février 2004, selon lequel ce décret renvoyait, d’une part, au point 2 du décret du 19 décembre 1995 et à la décision n° 13/1992, instaurant le tarif pré-Alumix, et, d’autre part, au point 1 de ce décret et à la décision n° 15/1993, de telle sorte qu’elle n’a pas pu exercer ses droits de la défense et a été privée de son droit à un débat contradictoire.

49      Le Tribunal aurait omis d’examiner l’argument selon lequel, faute pour la Commission d’avoir examiné la décision n° 204/99 de l’AEEG, elle aurait affirmé, à tort, que le tarif préférentiel appliqué à Alcoa Trasformazioni ne relevait de la catégorie des « frais généraux du système électrique » instituée par la législation italienne, dont le financement pèse sur l’ensemble des usagers, qu’à partir de l’année 2004 et non de l’année 1999 comme l’indiquerait la décision de la Commission 2010/460/CE, du 19 novembre 2009, relative aux aides d’État C 38/A/04 (ex NN 58/04) et C 36/B/06 (ex NN 38/06) mises à exécution par l’Italie en faveur d’Alcoa Trasformazioni (JO 2010, L 227, p. 62).

50      La Commission considère que le présent moyen est, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

51      En deuxième lieu, Portovesme n’aurait pas expliqué les conséquences dommageables des erreurs commises lors de la définition du cadre normatif national sur les appréciations de la Commission et du Tribunal. Dès lors, les arguments invoqués par Portovesme seraient irrecevables.

52      En troisième lieu, la Commission affirme que ces arguments sont non fondés puisque Portovesme avait connaissance de ce que le régime tarifaire dont elle bénéficiait était qualifié de « frais généraux du système électrique » et qu’il était financé au moyen d’un prélèvement imposé aux consommateurs d’électricité.

53      Dans son mémoire en réplique, Portovesme conteste être irrecevable en son second moyen d’annulation et affirme qu’elle n’a soulevé l’argument relatif à l’interprétation du droit national applicable qu’à titre accessoire, dans le seul but de caractériser le défaut de motivation de l’arrêt attaqué. Elle ajoute que, au lieu de se prononcer sur le caractère suffisamment précis et complet de la présentation par la Commission du cadre normatif national, le Tribunal se serait contenté d’interpréter lui-même le décret du 6 février 2004 et le mécanisme d’aide en cause au regard des décisions nos 13/1992 et 15/1993. L’interprétation du droit italien retenue par la Commission, selon laquelle le décret du 6 février 2004 renverrait tant au point 2 qu’au point 1 du décret du 19 décembre 1995, n’aurait pas été discutée par la République italienne et la Commission durant la procédure formelle d’examen ni mentionnée dans l’arrêt attaqué.

 Appréciation de la Cour

54      Par son deuxième moyen, Portovesme reproche, en substance, au Tribunal d’avoir omis de statuer sur le deuxième moyen qu’elle a soulevé dans son recours en première instance, tiré de la violation des devoirs de diligence et d’impartialité.

55      Cependant, ainsi qu’il ressort du point 81 de l’arrêt attaqué, le deuxième moyen invoqué par Portovesme devant le Tribunal reposait sur la prémisse selon laquelle cette dernière bénéficiait du tarif pré-Alumix.

56      Or, le Tribunal a considéré que cette prémisse était erronée en constatant, au point 87 de l’arrêt attaqué, que Portovesme ne s’est vu appliquer ni le tarif pré-Alumix ni le tarif Alumix.

57      Dès lors, le Tribunal a pu conclure, au point 88 de l’arrêt attaqué, au rejet de ce moyen, sans entacher son raisonnement d’un défaut de motivation.

58      Partant, le deuxième moyen du pourvoi doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 19 TUE

 Argumentation des parties

59      Par son troisième moyen, Portovesme reproche au Tribunal d’avoir, aux points 85 à 88 de l’arrêt attaqué, interprété l’article 1er du décret du 6 février 2004 alors que le juge national est seul compétent pour interpréter son droit national aux termes de la jurisprudence de la Cour en matière de renvoi préjudiciel. Portovesme fait valoir que le Tribunal n’est pas compétent pour interpréter le droit national italien, en particulier si, pour ce faire, il ne se fonde sur aucun élément d’interprétation retenu par les juridictions nationales ou le législateur national. Le Tribunal aurait, ainsi, outrepassé sa compétence en interprétant, au point 85 de l’arrêt attaqué, l’article 1er du décret du 6 février 2004 d’une manière contraire à son libellé.

60      La Commission rétorque que la nature du recours en annulation est fondamentalement différente de celle du renvoi préjudiciel. Ainsi, le Tribunal, lorsqu’il est saisi d’un recours en annulation, serait tenu de résoudre les questions de droit national pertinentes pour apprécier la légalité de l’acte attaqué et d’interpréter les dispositions du droit national qu’elles aient ou non déjà été interprétées par les juges nationaux. Le troisième moyen serait, dès lors, non fondé.

61      Dans son mémoire en réplique, Portovesme soutient que, si le Tribunal est amené à apprécier les faits du litige lorsqu’il statue sur un recours en annulation, le droit national devrait toutefois être pris en compte en tant que simple élément de fait et soumis à la charge de l’exposé des faits et de la preuve. Ainsi, c’est à tort que le Tribunal aurait retenu une interprétation du décret du 6 février 2004 sans indiquer sur quels éléments de preuve, exposés par la Commission, il s’est fondé.

 Appréciation de la Cour

62      En premier lieu, en ce que Portovesme, en se fondant sur une jurisprudence relative au renvoi préjudiciel, reproche au Tribunal d’avoir procédé à une interprétation du droit national dans le cadre d’un recours en annulation, il convient de relever que le Tribunal est compétent pour constater et pour apprécier les faits dans le cadre des litiges dont il est saisi sur le fondement de l’article 230 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 6 avril 2006, General Motors/Commission, C‑551/03 P, EU:C:2006:229, point 51, et du 3 avril 2014, France/Commission, C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 78).

63      Cet argument doit donc être rejeté comme non fondé.

64      En deuxième lieu, Portovesme reproche au Tribunal une interprétation du droit national non conforme à son libellé.

65      À cet égard, il convient de rappeler que, pour ce qui est de l’examen, dans le cadre d’un pourvoi, des appréciations du Tribunal à l’égard du droit national, la Cour n’est compétente que pour vérifier s’il y a eu une dénaturation de ce droit (voir arrêt du 3 avril 2014, France/Commission, C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 79 et jurisprudence citée).

66      Dans la mesure où Portovesme n’a pas invoqué une telle dénaturation à l’appui de l’argument tiré d’une interprétation erronée des éléments de droit national, celui-ci est irrecevable.

67      En troisième lieu, Portovesme reproche au Tribunal d’avoir retenu, à tort, une interprétation du décret du 6 février 2004 sans indiquer sur quels éléments de preuve, exposés par la Commission, il s’était fondé. Cet argument, qui relève du fond, a été soulevé dans le mémoire en réplique, sous l’intitulé « sur le caractère manifestement fondé du troisième moyen ».

68      Or, comme le souligne la Commission, Portovesme n’a été autorisée, par la décision du président de la Cour du 28 avril 2015, à déposer un mémoire en réplique qu’aux fins de répondre aux exceptions d’irrecevabilité soulevées par la Commission dans son mémoire en réponse, conformément à l’article 175, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.

69      Dès lors, ledit argument doit être rejeté comme irrecevable.

70      Partant, le troisième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement et de l’article 108 TFUE

 Argumentation des parties

71      Par la première branche de son quatrième moyen, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement, Portovesme fait valoir que le Tribunal a statué ultra petita en examinant les mesures prévues par la loi n° 80/2005. Portovesme critique l’arrêt attaqué, d’une part, en ce qu’il distingue les mesures instaurées par le décret du 19 décembre 1995 et celles résultant du décret du 6 février 2004 et, d’autre part, en ce qu’il y est considéré que la déclaration d’incompatibilité de la prorogation, après le 31 décembre 2005, des aides accordées à Alcoa Trasformazioni implique nécessairement que les aides accordées avant cette date sont incompatibles. En se référant au deuxième moyen du présent pourvoi, Portovesme soutient que le tarif préférentiel dont elle a bénéficié était analogue à celui accordé à Alcoa Trasformazioni considéré comme compatible par la Commission. Dans la mesure où elle serait placée dans une situation comparable à celle d’Alcoa Trasformazioni, la décision litigieuse aurait été prise en violation du principe d’égalité de traitement.

72      La seconde branche du quatrième moyen est tirée de la violation de l’article 108 TFUE. Selon Portovesme, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en qualifiant l’aide dont elle bénéficiait d’aide « nouvelle » soumise à l’obligation de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Le Tribunal aurait ainsi confondu le tarif Alumix et le tarif pré-Alumix prévu par la décision n° 13/1992. Portovesme soutient que l’extension d’une aide, en faveur d’une entreprise opérant dans le même domaine et dans la même région que ceux du bénéficiaire initial, ne pourrait être qualifiée d’aide nouvelle. Or, l’aide accordée à Portovesme par le décret du 6 février 2004 serait la même que celle dont a bénéficié Alcoa Trasformazioni jusqu’au 31 décembre 2005 en vertu de la décision n° 13/1992. Portovesme se fonde, à cet égard, sur l’arrêt du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission (T‑195/01 et T-207/01, EU:T:2002:111), dans lequel le Tribunal aurait jugé, que, en l’absence de modifications substantielles, la simple extension à de nouveaux bénéficiaires d’une aide ne justifierait pas la qualification de celle-ci d’aide nouvelle.

73      La Commission considère que la première branche porte sur des questions de droit national et est, dès lors, irrecevable et que la seconde branche est irrecevable, inopérante et non fondée.

74      Dans son mémoire en réplique, Portovesme estime avoir indiqué avec précision les faits et les éléments de preuve que le Tribunal aurait dénaturés, renvoyant à cet égard aux arguments avancés dans le cadre du premier moyen du pourvoi. Elle ajoute que le Tribunal a outrepassé sa compétence en donnant une interprétation de l’article 1er du décret du 6 février 2004 contraire à son libellé.

 Appréciation de la Cour

75      Par la première branche du quatrième moyen, Portovesme reproche au Tribunal d’avoir distingué les mesures instaurées par le décret du 19 décembre 1995, dont a bénéficié la société Alcoa Trasformazioni, lesquelles ont été considérées compatibles avec le marché intérieur par la Commission, de celles résultant du décret du 6 février 2004 qui étaient applicables à Portovesme.

76      Un tel examen de la comparabilité de la situation de la requérante avec celle d’Alcoa Trasformazioni relève cependant d’une appréciation des faits.

77      Or, conformément aux articles 256 TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments qui lui ont été présentés, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir arrêt du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, EU:C:2007:635, point 97 et jurisprudence citée).

78      Dès lors qu’aucune dénaturation des faits pertinents n’a été invoquée par Portovesme, la première branche du quatrième moyen est irrecevable.

79      Par la seconde branche de ce moyen, Portovesme reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en considérant que l’aide instaurée par le décret du 6 février 2004 constituait une aide nouvelle soumise à l’obligation de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

80      Afin d’étayer son argumentation, Portovesme a, dans son pourvoi, renvoyé intégralement aux arguments exposés dans son mémoire en réplique déposé devant le Tribunal.

81      Or, un pourvoi qui se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont été présentés devant le Tribunal, sans expliquer les raisons pour lesquelles ce dernier aurait commis une erreur de droit en les rejetant, constitue une demande qui vise à obtenir un réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, laquelle échappe à la compétence de la Cour (voir, en ce sens, ordonnance du 31 mars 2011, EMC Development/Commission, C‑367/10 P, non publiée, EU:C:2011:203, point 102).

82      Partant, la seconde branche de ce moyen doit être écartée comme irrecevable.

83      En conséquence, le quatrième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE

 Argumentation des parties

84      Par son cinquième moyen, qui vise les points 96 à 106 de l’arrêt attaqué, Portovesme reproche au Tribunal d’avoir qualifié le tarif préférentiel, instauré par le décret du 6 février 2004, d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Elle réitère les arguments déjà soutenus dans sa requête devant le Tribunal, selon lesquels une subvention publique accordée par un État membre aux entreprises chargées de l’exécution d’obligations de service public, afin de compenser le coût de cette exécution, ne constitue pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE dans la mesure où cette compensation ne procure pas un avantage sélectif à son bénéficiaire qui fausse ou menace de fausser la concurrence.

85      Portovesme critique, en outre, le point 98 de l’arrêt attaqué au motif que la finalité compensatoire d’une mesure doit être prise en considération tant pour apprécier si une aide est susceptible de relever d’un programme tel que celui de développement économique régional que pour exclure l’application du critère de l’avantage concurrentiel et déterminer, ainsi, si cette mesure constitue ou non une aide d’État. Or, le Tribunal n’aurait pas tenu compte de ce que le tarif préférentiel accordé à Portovesme aurait eu pour objectif d’éliminer la situation de handicap dans laquelle cette dernière se trouvait.

86      La Commission soutient, notamment, que le cinquième moyen du pourvoi est irrecevable en ce qu’il ne fait que réitérer les arguments invoqués par Portovesme dans sa requête en annulation sans établir les erreurs de droit qu’aurait commises le Tribunal.

87      Dans son mémoire en réplique, se fondant sur le point 47 de l’arrêt du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission (C-630/11 P à C-633/11 P, EU:C:2013:387), Portovesme affirme que l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission est non fondée. Elle précise avoir fourni des arguments spécifiques visant à critiquer les motifs figurant aux points 98 et 101 à 104 de l’arrêt attaqué.

 Appréciation de la Cour

88      En premier lieu, pour conclure à la violation par le Tribunal de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce qu’il a jugé que le tarif préférentiel instauré par le décret du 6 février 2004 constituait un avantage et qu’il faussait la concurrence, Portovesme renvoie à ses écritures déposées devant le Tribunal sans chercher à démontrer en quoi cette juridiction aurait commis une erreur de droit.

89      Compte tenu de la jurisprudence rappelée au point 81 du présent arrêt, cet argument doit être rejeté comme irrecevable.

90      En second lieu, Portovesme reproche au Tribunal d’avoir violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE en s’abstenant de tenir compte de la finalité compensatoire de la mesure nationale aux fins de la qualification d’aide d’État, plus précisément afin d’exclure l’existence d’un avantage sélectif.

91      À cet égard, il importe de rappeler que la circonstance qu’un État membre cherche à rapprocher, par des mesures unilatérales, les conditions de concurrence existant dans un certain secteur économique de celles prévalant dans d’autres États membres ne saurait enlever à ces mesures le caractère d’aides (voir arrêts du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, EU:C:2004:234, point 67, ainsi que du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 95).

92      Cela vaut également pour les mesures destinées à compenser d’éventuels désavantages auxquels les entreprises installées dans une certaine région d’un État membre sont exposées. En effet, il résulte du texte même de l’article 107, paragraphe 3, sous a) et c), TFUE que des avantages dont la portée est limitée à une partie du territoire de l’État membre soumis à la discipline des aides sont susceptibles de constituer des avantages sélectifs (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 96).

93      C’est donc à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 98 de l’arrêt attaqué, que l’objectif de la mesure en cause ne devait pas être pris en compte afin de déterminer si elle constitue ou non un avantage sélectif.

94      Il en résulte que le cinquième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation concernant la nature sélective de la mesure et/ou d’une insuffisance de motivation

 Argumentation des parties

95      Par son sixième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir, aux points 54 à 57 et 99 de l’arrêt attaqué, rejeté le quatrième moyen en annulation soulevé devant le Tribunal, par lequel elle a contesté le caractère sélectif de la mesure instaurée par le décret du 6 février 2004 en se fondant sur la jurisprudence issue de l’arrêt du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke (C‑143/99, EU:C:2001:598), selon laquelle ne revêt pas un tel caractère une mesure qui, quoique constitutive d’un avantage pour son bénéficiaire, se justifie par la nature ou l’économie générale du système dans lequel elle s’inscrit.

96      À cet égard, Portovesme a fait valoir, devant le Tribunal, que l’adoption du décret du 6 février 2004 était justifiée par la nature et la structure générale du système régissant les services d’utilité publique instauré par la loi n° 481, du 14 novembre 1995, sur la concurrence et la réglementation des services d’utilité publique, en vertu de laquelle la production et la fourniture d’électricité devaient, en tant que service d’intérêt public, s’effectuer dans des conditions optimales, garantissant la protection des intérêts des utilisateurs et des consommateurs. L’instauration, temporaire, du tarif préférentiel résultant de l’adoption du décret du 6 février 2004 répondrait à trois objectifs posés par ladite loi n° 481. Le premier objectif serait d’assurer la sécurité du réseau de distribution d’électricité en Sardaigne en évitant que les productions nécessitant la consommation d’une quantité importante d’énergie ne déclinent. Le deuxième objectif serait de lutter contre l’augmentation du nombre de centrales en fonction mais non productives dont le coût est supporté par les consommateurs. Le troisième objectif serait d’éviter qu’un déclin des entreprises grandes consommatrices d’électricité ne se répercute sur le tissu économique de zones déjà défavorisées.

97      Le Tribunal aurait, selon Portovesme, omis de se prononcer sur l’argument selon lequel, au vu de la structure générale du système dans lequel s’inscrivait le décret du 6 février 2004, la condition de sélectivité de l’aide n’aurait pas été remplie et s’en serait tenu à analyser un éventuel défaut de motivation de la Commission quant à l’existence, en l’espèce, de cette condition. Ainsi, l’arrêt attaqué ne permettrait pas de comprendre, y compris implicitement, si le Tribunal a rejeté le quatrième moyen en annulation soulevé devant celui-ci au motif que l’adoption du décret du 6 février 2004 ne pouvait être justifiée par la structure du système dans lequel elle s’inscrivait. Partant, il serait entaché d’un défaut de motivation.

98      La Commission estime que le sixième moyen du pourvoi est non fondé

 Appréciation de la Cour

99      En premier lieu, le Tribunal a répondu à l’argument relatif à la sélectivité de la mesure, aux points 54 à 57 de l’arrêt attaqué, au regard de l’obligation de motivation pesant sur la Commission.

100    En second lieu, dans la mesure où la requérante soutenait que l’aide en cause était destinée à compenser le handicap structurel de la région où se trouve son site de production, le Tribunal, aux points 98 et 99 de l’arrêt attaqué, a examiné le critère de sélectivité au regard du particularisme régional.

101    Il ne ressort certes pas de ces points de l’arrêt attaqué que le Tribunal a explicitement répondu à l’argument résumé aux points 95 à 97 du présent arrêt, ce que ne conteste d’ailleurs pas la Commission.

102    Toutefois, l’obligation de motivation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux parties intéressées de connaître les raisons pour lesquelles les mesures en question ont été prises et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêts du 25 octobre 2001, Italie/Conseil, C‑120/99, EU:C:2001:567, point 28, ainsi que du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 372).

103    Or, en l’espèce, le Tribunal, au point 97 de l’arrêt attaqué, a souligné que, compte tenu de la très forte consommation d’électricité inhérente à l’activité de Portovesme, il n’était pas douteux que le tarif préférentiel lui profite et constitue ainsi un avantage pour elle.

104    Au point 98 de cet arrêt, il a ensuite considéré que cette conclusion ne pouvait être infirmée par les divers arguments de la requérante, relatifs à la fonction de péréquation de l’aide en cause, destinée à compenser le handicap structurel sarde.

105    À cet égard, le Tribunal a rappelé que l’objectif de cette mesure ne pouvait être pris en compte au stade de la qualification de l’aide. Il a également précisé que cet objectif pouvait cependant permettre à ladite mesure d’être éligible au titre d’un programme spécifique, portant, notamment, sur les aides d’État à finalité régionale, ce qui ferait l’objet d’un examen dans le cadre du dixième moyen.

106    Il s’ensuit que, à supposer même que le décret du 6 février 2004 ait pu être justifié par la nature ou la structure générale du système dans lequel il s’inscrivait, cet élément ne pouvait être pris en considération au stade de la qualification des mesures prévues par ce décret en tant qu’avantage sélectif.

107    Partant, le Tribunal a répondu implicitement à l’argument de la requérante et le sixième moyen tiré d’un défaut de motivation doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le septième moyen, tiré d’une violation de l’article 174 TFUE et de l’article 107, paragraphe 3, TFUE

 Argumentation des parties

108    Par la première branche du septième moyen, Portovesme reproche au Tribunal d’avoir, aux points 128 à 138 de l’arrêt attaqué, considéré que l’article 174 TFUE n’est pas applicable en l’espèce au motif que les politiques de concurrence et de cohésion économique sociale sont distinctes et que la Commission n’est pas tenue de faire prévaloir les objectifs de la politique de cohésion économique et sociale sur les objectifs de la politique de la concurrence. Selon Portovesme, un tel raisonnement est en contradiction avec le libellé des articles 174 et 175 TFUE qui indique clairement que l’objectif de cohésion économique et sociale doit orienter l’ensemble des politiques et des actions de l’Union, y compris celles en matière de concurrence.

109    Par la deuxième branche du septième moyen, Portovesme reproche au Tribunal d’avoir retenu une appréciation erronée de l’article 107, paragraphe 3, sous a) à c), TFUE, aux points 128 à 138 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal se serait limité à apprécier les effets de l’aide instaurée par le décret du 6 février 2004 au regard des lignes directrices de 1998, lesquelles ne sont pas contraignantes, au lieu d’en apprécier les effets au regard des dispositions du traité FUE.

110    Par la troisième branche du septième moyen, Portovesme fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’application des lignes directrices de 1998 en ce qu’il a qualifié, à tort, l’aide concernée d’« aide au fonctionnement ». En outre, à supposer même que l’aide concernée constituait bien une aide au fonctionnement, c’est toujours à tort que le Tribunal a considéré que cette aide ne remplissait pas les conditions de compatibilité.

111    La Commission soutient que ce moyen est manifestement irrecevable, inopérant et dépourvu de tout fondement.

112    Dans son mémoire en réplique, Portovesme fait valoir que l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission est non fondée. Pour cela, elle réitère les arguments avancés dans le cadre du cinquième moyen.

 Appréciation de la Cour

113    S’agissant de la première branche du septième moyen, par laquelle Portovesme reproche au Tribunal de ne pas avoir fait application de l’article 174 TFUE, il convient de rappeler que le contrôle des aides d’État doit être opéré sur le fondement des articles 107 et 108 TFUE.

114    C’est, dès lors, à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 125 de l’arrêt attaqué, que le neuvième moyen soulevé devant lui par la requérante était sans incidence sur la solution du litige en ce qu’il portait sur la violation de l’article 174 TFUE.

115    La première branche du septième moyen doit donc être rejetée comme non fondée.

116    Par la deuxième branche du septième moyen, Portovesme reproche au Tribunal d’avoir violé l’article 107, paragraphe 3, sous a) à c), TFUE en se limitant à examiner la mesure en cause au regard des lignes directrices de 1998.

117    Il importe cependant de relever que l’argumentation soulevée, à cet égard, par Portovesme repose sur des éléments factuels sans que soit invoquée une quelconque dénaturation.

118    Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 77 du présent arrêt, l’appréciation des faits ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments qui lui ont été présentés, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, EU:C:2007:635, point 97 et jurisprudence citée).

119    Dès lors, la deuxième branche du septième moyen doit être rejetée comme irrecevable.

120    Par la troisième branche du septième moyen, Portovesme reproche au Tribunal d’avoir violé les lignes directives de 1998.

121    Cependant, par cette branche, Portovesme se limite à affirmer que le Tribunal aurait jugé à tort que l’aide instaurée par le décret du 6 février 2004 constituait une « aide au fonctionnement » et non une « aide à finalité régionale », sans que puisse être identifiée l’erreur de droit reprochée au Tribunal.

122    Or, il ressort de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les arguments de droit qui soutiennent de manière spécifique la demande d’annulation de l’arrêt attaqué, sous peine d’irrecevabilité du moyen concerné (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 29 et jurisprudence citée).

123    Ne répond pas à ces exigences et doit être déclaré irrecevable un moyen dont l’argumentation n’est pas suffisamment claire et précise pour permettre à la Cour d’exercer son contrôle de la légalité, notamment parce que les éléments essentiels sur lesquels le moyen s’appuie ne ressortent pas de façon suffisamment cohérente et compréhensible du texte de ce pourvoi, qui est formulé de manière obscure et ambiguë à cet égard (voir, arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 30 et jurisprudence citée).

124    La troisième branche du septième moyen doit donc être rejeté comme irrecevable.

125    Partant, le septième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

126    Aucun des moyens soulevés par Portovesme au soutien de son pourvoi n’étant susceptible de prospérer, il y a lieu de rejeter ce dernier dans son intégralité.

 Sur les dépens

127    En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

128    Portovesme ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à la condamnation de celle-ci, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Portovesme Srl est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.