Language of document : ECLI:EU:T:2019:671

Affaire T466/17

Printeos, SA e.a.

contre

Commission européenne

 Arrêt du Tribunal (troisième chambre élargie) du 24 septembre 2019

« Concurrence – Ententes – Marché des enveloppes standard/sur catalogue et spéciales imprimées – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE – Annulation partielle pour violation de l’obligation de motivation – Décision modificatrice – Procédure de transaction – Amendes – Montant de base – Adaptation exceptionnelle – Plafond de 10 % du chiffre d’affaires global – Article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 – Principe non bis in idem – Sécurité juridique – Confiance légitime – Égalité de traitement – Cumul de sanctions – Proportionnalité – Équité – Compétence de pleine juridiction »

1.      Recours en annulation – Arrêt d’annulation – Effets – Obligation d’adopter des mesures d’exécution – Portée – Décision adoptée par la Commission au terme d’une procédure de transaction et constatant une infraction aux règles de concurrence – Annulation pour insuffisance de motivation – Annulation partielle circonscrite à la partie infligeant l’amende – Adoption d’une nouvelle décision infligeant une amende de même montant – Principe ne bis in idem – Inapplicabilité – Violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime – Absence

(Art. 101 et 266, 1er al., TFUE ; accord EEE, art. 53 ; charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 50)

(voir points 56-69)

2.      Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Fixation du montant de base – Amende infligée au terme d’une procédure de transaction – Non-application de la méthodologie prévue par les lignes directrices – Violation du principe d’égalité de traitement – Absence

(Art. 101, § 1, TFUE ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 ; communication de la Commission 2006/C 210/02, points 13 et 37)

(voir points 91-95, 98, 99, 103-135)

3.      Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Fixation du montant de base – Amende infligée au terme d’une procédure de transaction – Non-application de la méthodologie prévue par les lignes directrices – Violation du principe d’égalité de traitement – Impossibilité d’invoquer une illégalité commise en faveur d’autrui

(Art. 101, § 1, TFUE ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 ; communication de la Commission 2006/C 210/02, points 13 et 37)

(voir points 91-95, 98, 99, 136-146)

4.      Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Montant maximal – Application du montant maximal à toutes les entreprises sanctionnées ayant participé à une même infraction – Violation du principe d’égalité de traitement – Absence

(Règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 et 3)

(voir points 96, 97, 101, 102)

5.      Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Absence de prise en compte d’une amende infligée par une autorité nationale de concurrence – Territoire, comportements anticoncurrentiels et périodes distincts – Violation du principe d’équité – Absence

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53)

(voir points 152-158)

Résumé

Par son arrêt Printeos e.a./Commission (T‑466/17), du 24 septembre 2019, le Tribunal a rejeté le recours de plusieurs sociétés actives dans la vente d’enveloppes standard sur catalogue et d’enveloppes spéciales imprimées (ci-après les « requérantes »), tendant, à titre principal, à l’annulation partielle d’une décision de la Commission européenne (1) leur infligeant une amende pour infraction à l’article 101 TFUE (ci-après la « décision attaquée »). Cette infraction a pris la forme d’accords ou de pratiques concertées entre les requérantes et quatre autres groupes d’entreprises sur les territoires de plusieurs pays européens.

La décision attaquée a été adoptée à la suite de l’annulation partielle (2), pour insuffisance de motivation, d’une décision antérieure de la Commission (3) infligeant aux requérantes une amende de 4 729 000 euros, adoptée aux termes d’une procédure de transaction (ci-après la « décision initiale »). À la suite de cet arrêt, la Commission a adopté la décision attaquée, modifiant la décision initiale tout en infligeant une amende du même montant.

Le Tribunal a jugé, en premier lieu, que la Commission pouvait, lorsque l’annulation d’un acte de l’Union reposait sur un vice procédural, tel que l’insuffisance de motivation, et que le juge de l’Union n’avait pas fait usage de son pouvoir de pleine juridiction pour réformer l’amende infligée, adopter une nouvelle décision infligeant une amende à l’égard des requérantes sans encourir les griefs du moyen tiré d’une violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de ne bis in idem. À cet égard, le Tribunal a précisé que l’application du principe ne bis in idem supposait qu’il eût été statué sur la matérialité de l’infraction ou que la légalité de l’appréciation portée sur celle-ci eût été contrôlée. Dès lors, le principe ne bis in idem ne s’opposait pas en soi à une reprise des poursuites ayant pour objet le même comportement anticoncurrentiel lorsqu’une première décision avait été annulée pour des motifs de forme sans qu’il eût été statué au fond sur les faits reprochés, la décision d’annulation ne valant pas alors « acquittement » au sens donné à ce terme dans les matières répressives. Le Tribunal a considéré que cette approche valait également en cas d’annulation, pour insuffisance de motivation, d’une décision infligeant une amende, lorsque cette décision avait été adoptée aux termes d’une procédure de transaction.

S’agissant, en deuxième lieu, du moyen tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement dans la détermination du montant de l’amende, le Tribunal a considéré que, aux fins du contrôle du respect de ce principe, il y avait lieu d’opérer une distinction entre, d’une part, la détermination obligatoirement égalitaire du montant de base des amendes à infliger aux entreprises concernées et, d’autre part, l’application à l’égard desdites entreprises du plafond de 10 %, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003 (4), qui est susceptible de varier en fonction de leurs chiffres d’affaires globaux respectifs. En effet, si la Commission pouvait valablement choisir une méthode de calcul du montant de base qui était fondée sur la valeur des ventes effectuées au cours d’une année entière couverte par l’infraction pour caractériser l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise qui y avait participé, elle était tenue de respecter, dans ce contexte, le principe d’égalité de traitement. En revanche, l’application du plafond de 10 % pour déterminer le montant final des amendes n’était, en principe, tributaire ni de cette importance économique de l’infraction, ni du poids relatif de chaque entreprise participante, ni de la gravité ou de la durée de ladite infraction commise par celle-ci, mais revêtait un caractère purement automatique qui était lié exclusivement à son chiffre d’affaires global, de sorte que ladite application était ipso facto conforme au principe d’égalité de traitement.

Toutefois, le Tribunal a jugé erronée l’analyse de la Commission selon laquelle le résultat de l’application du plafond de 10 % à un stade intermédiaire du calcul des amendes à infliger produisait ipso facto des résultats conformes au principe d’égalité de traitement. À cet égard, le Tribunal a relevé que, en suivant une telle approche, qui ne relevait pas du champ d’application de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, la Commission faisait usage de son pouvoir d’appréciation au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (5). À l’issue d’un examen de l’adaptation des montants de base réalisée en application de cette approche à l’égard des différents groupes d’entreprises destinataires de la décision attaquée, le Tribunal a considéré qu’un de ces groupes avait bénéficié, sans justification objective, d’un traitement plus favorable. Pour autant, le Tribunal a jugé que les requérantes ne sauraient invoquer, à leur profit, l’illégalité résultant d’une telle inégalité de traitement.

En ce qui concerne l’application parallèle de l’article 101 TFUE et le droit national de la concurrence, en l’occurrence au sujet des effets sur le territoire espagnol du comportement des requérantes, qui faisait l’objet du troisième moyen tiré d’une violation du principe d’équité, le Tribunal a constaté d’emblée que la décision attaquée ne portait pas sur ce territoire et que l’autorité espagnole de la concurrence avait sanctionné des comportements intervenus durant une période différente. Le Tribunal a retenu que, dans de telles circonstances, une sanction complète et suffisamment dissuasive du comportement anticoncurrentiel des requérantes exigeait précisément de tenir compte de l’ensemble de ses effets sur ces différents territoires, y compris dans le temps, de sorte qu’il ne saurait être reproché à la Commission de n’avoir pas réduit, pour ces mêmes motifs, l’amende infligée aux requérantes dans les décisions initiale et attaquée.


1      Décision C(2017) 4112 final de la Commission, du 16 juin 2017, modifiant la décision C(2014) 9295 final, du 10 décembre 2014, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (AT.39780 – Enveloppes).


2      Arrêt du Tribunal du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T‑95/15, EU:T:2016:722).


3      Décision C(2014) 9295 final de la Commission, du 10 décembre 2014, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (AT.39780 – Enveloppes).


4      Règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).


5      JO 2006, C 210, p. 2.