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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

6 décembre 2023 (*)

« Recours en annulation – Aides d’État – Aide accordée par les autorités espagnoles en faveur de certains groupements d’intérêt économique (GIE) et de leurs investisseurs – Régime fiscal applicable à certains accords de location‑financement pour l’acquisition de navires (régime espagnol de leasing fiscal) – Décision déclarant l’aide pour partie incompatible avec le marché intérieur et ordonnant partiellement sa récupération – Disparition partielle de l’objet du litige – Non-lieu à statuer partiel – Désistement »

Dans les affaires jointes T‑392/14 à T‑394/14, T‑397/14, T‑426/14 à T‑429/14 et T‑461/14,

Gutser, SA, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Mes J. García Muñoz, J. Jiménez-Blanco et J. Corral García, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑392/14,

Ingeperfil, SL, établie à Barcelone, représentée par Mes García Muñoz, Jiménez-Blanco et Corral García, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑393/14,

Inmobiliaria Turon & Ros, SL, établie à Barcelone, représentée par Mes García Muñoz, Jiménez-Blanco et Corral García, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑394/14,

Sociedad Española Inmuebles y Locales, SL, établie à Madrid (Espagne), représentée par MesGarcía Muñoz, Jiménez-Blanco et Corral García, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑397/14,

Distribuidores y Transportistas de Productos Petrolíferos, SA, établie à Madrid, représentée par Mes García Muñoz, Jiménez-Blanco et Corral García, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑426/14,

Almoauto, SA, établie à Alcorcón (Espagne), représentée par Mes García Muñoz, Jiménez-Blanco et Corral García, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑427/14,

Gasiber 2000, SL, établie à Alcorcón, représentée par Mes García Muñoz, Jiménez-Blanco et Corral García, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑428/14,

Uriinmuebles, SL, établie à Madrid, représentée par Mes García Muñoz, Jiménez-Blanco et Corral García, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑429/14,

Arocasa, SA, établie à Madrid, représentée par Mes García Muñoz, Jiménez-Blanco et Corral García, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑461/14,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Carpi Badía et Mme P. Němečková, en qualité d’agents, assistés de Me M. Segura Catalán, avocate,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. A. Kornezov, président, G. De Baere et Mme S. Kingston (rapporteure), juges,

greffier : M. T. Henze, greffier adjoint,

vu la phase écrite de la procédure, notamment,

–        la décision du 2°septembre 2014 portant jonction des affaires T‑392/14 à T‑394/14, T‑397/14, T‑426/14 à T‑429/14 et T‑461/14 aux fins des phases écrite et orale de la procédure ainsi que de la décision mettant fin à l’instance,

–        la décision du 2 mars 2016 de suspendre la procédure jusqu’à la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591),

–        la décision du 21 novembre 2018 de suspendre la procédure jusqu’à ce que les décisions mettant fin à l’instance dans les affaires T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV soient passées en force de chose jugée,

–        la mesure d’organisation de la procédure du 23 février 2023 invitant les parties à se prononcer sur les conséquences à tirer de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), pour le traitement des affaires,

–        la réponse des requérantes du 3 mars 2023 contenant une demande de non-lieu à statuer, conformément à l’article 130, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal,

–        la réponse de la Commission du 16 mars 2023, selon laquelle l’ensemble des questions soulevées dans le cadre des présents recours ont été tranchées dans les recours concernés par l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60),

–        la mesure d’organisation de la procédure du 26 mai 2023 invitant les requérantes à préciser si, dans l’hypothèse où le Tribunal considérerait qu’il y a lieu de statuer, leurs demandes de non-lieu à statuer devraient être comprises comme  étant des demandes de désistement,

–        la réponse des requérantes du 6 juin 2023 indiquant, en substance, qu’elles se désisteraient dans les présentes affaires jointes, au cas où le Tribunal estimerait qu’il y avait lieu de statuer,

–        les observations de la Commission sur la demande de non-lieu à statuer déposées le 23 juin 2023,

rend la présente

Ordonnance

1        Par leurs recours fondés sur l’article 263 TFUE, Gutser, SA, la requérante dans l’affaire T‑392/14, Ingeperfil, SL, la requérante dans l’affaire T‑393/14, Inmobiliaria Turon & Ros, SL, la requérante dans l’affaire T‑394/14, Sociedad Española Inmuebles y Locales, SL, la requérante dans l’affaire T‑397/14, Distribuidores y Transportistas de Productos Petrolíferos, SA, la requérante dans l’affaire T‑426/14, Almoauto, SA, la requérante dans l’affaire T‑427/14, Gasiber 2000, SL, la requérante dans l’affaire T‑428/14, Uriinmuebles, SL, la requérante dans l’affaire T‑429/14, et Arocasa, SA, la requérante dans l’affaire T‑461/14, demandent l’annulation de la décision 2014/200/UE de la Commission, du 17 juillet 2013, concernant l’aide d’État SA.21233 C/11 (ex NN/11, ex CP 137/06) mise à exécution par l’Espagne – Régime fiscal applicable à certains accords de location-financement, également appelé « régime espagnol de leasing fiscal » (JO 2014, L 114, p. 1, ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

 Décision attaquée

2        À la suite de plaintes dénonçant le fait que le régime espagnol de leasing fiscal tel qu’il est appliqué à certains accords de location-financement pour l’acquisition de navires (ci-après le « RELF ») permettait aux compagnies maritimes d’acquérir des navires construits par des chantiers navals espagnols en bénéficiant de prix réduits de 20 à 30 %, la Commission européenne a ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, par la décision C(2011) 4494 final, du 29 juin 2011 (JO 2011, C 276, p. 5).

3        Au cours de la procédure formelle d’examen, la Commission a constaté que le RELF avait été utilisé, jusqu’à la date d’adoption de cette décision, pour des transactions consistant dans la construction de navires par les chantiers navals et leur acquisition par des compagnies maritimes ainsi que dans le financement de ces transactions par l’intermédiaire d’une structure juridique et financière ad hoc montée par une banque. Le RELF impliquait, pour chaque commande de navire, une compagnie maritime, un chantier naval, une banque, une société de location-vente et un groupement d’intérêt économique (GIE) constitué par cette banque et des investisseurs acquérant des participations dans ce GIE. Ce dernier prenait à bail le navire d’une société de location-vente dès le début de la construction de ce navire, puis louait celui-ci à une compagnie maritime sous couvert d’un contrat d’affrètement coque nue. Ledit GIE s’engageait à acheter ledit navire à la fin du contrat de location-vente tandis que la compagnie maritime s’engageait à l’acheter à la fin du contrat d’affrètement coque nue. Selon la décision attaquée, il s’agissait d’un montage fiscal destiné à générer des avantages fiscaux en faveur d’investisseurs regroupés au sein d’un GIE « fiscalement transparent » et à transférer une partie de ces avantages à une compagnie maritime sous la forme d’un rabais sur le prix du même navire.

4        La Commission a constaté que les opérations réalisées au titre du RELF combinaient cinq mesures prévues dans plusieurs dispositions du Real Decreto Legislativo 4/2004, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Impuesto sobre Sociedades (décret royal législatif 4/2004, par lequel est approuvé le texte refondu de la loi sur les impôts sur les sociétés), du 5 mars 2004 (BOE no 61, du 11 mars 2004, p. 10951, ci‑après la « loi sur l’impôt des sociétés »), et du Real Decreto 1777/2004, por el que se aprueba el Reglamento del Impuesto sobre Sociedades (décret royal 1777/2004, par lequel est approuvé le règlement de l’impôt sur les sociétés), du 30 juillet 2004 (BOE no 189, du 6 août 2004, p. 28377, ci-après le « règlement sur l’impôt des sociétés »). Ces cinq mesures étaient l’amortissement accéléré des actifs pris à bail prévu à l’article 115, paragraphe 6, de la loi sur l’impôt des sociétés, l’application discrétionnaire de l’amortissement anticipé résultant de l’article 48, paragraphe 4, et de l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés ainsi que de l’article 49 du règlement sur l’impôt des sociétés, les dispositions relatives aux GIE, le régime de la taxation au tonnage prévu aux articles 124 à 128 de la loi sur l’impôt des sociétés et les dispositions de l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés.

5        Conformément à l’article 115, paragraphe 6, de la loi sur l’impôt des sociétés, l’amortissement accéléré commençait à la date à laquelle l’actif pris à bail était en état de fonctionner, c’est-à-dire pas avant que cet actif ne fût remis au preneur et que celui-ci commençât à l’utiliser. Néanmoins, l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés prévoyait que le ministère de l’Économie et des Finances espagnol pouvait, sur la demande formelle du preneur, fixer une date antérieure pour le début de l’amortissement concerné. L’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés imposait deux conditions générales pour l’amortissement anticipé. Les conditions spécifiques applicables aux GIE figuraient à l’article 48, paragraphe 4, de la loi sur l’impôt des sociétés. La procédure d’autorisation prévue à l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés était détaillée à l’article 49 du règlement sur l’impôt des sociétés.

6        Le régime de la taxation au tonnage a été autorisé en tant qu’aide d’État compatible avec le marché intérieur en vertu des orientations communautaires sur les aides d’État au transport maritime du 5 juillet 1997 (JO 1997, C 205, p. 5), telles que modifiées par la communication C(2004) 43 de la Commission (JO 2004, C 13, p. 3) (ci-après les « orientations maritimes »), par la décision C(2002) 582 final de la Commission, du 27 février 2002, concernant l’aide d’État N 736/2001 mise à exécution par l’Espagne – Régime pour la taxation des sociétés de transport maritime en fonction du tonnage (JO 2004, C 38, p. 4), modifiée par la décision C(2004) 1931 final de la Commission, du 2 juin 2004, concernant l’aide d’État N 528/2003 mise à exécution par l’Espagne – Modification du régime pour la taxation des sociétés de transport maritimes en fonction du tonnage (JO 2005, C 77, p. 29). Dans le cadre de ce régime, les entreprises inscrites à l’un des registres des compagnies maritimes et qui ont obtenu une autorisation de l’administration fiscale à cette fin sont imposées non pas en fonction de leurs gains et de leurs pertes, mais sur la base de leur tonnage. La législation espagnole permet aux GIE de s’inscrire à l’un de ces registres, bien qu’ils ne soient pas des compagnies maritimes.

7        L’article 125, paragraphe 2, de la loi sur l’impôt des sociétés prévoyait une procédure spéciale pour les navires déjà acquis au moment du passage au régime de la taxation au tonnage et pour les navires usagés acquis lorsque l’entreprise bénéficiait déjà de ce régime. En appliquant normalement ledit régime, les plus-values éventuelles étaient imposées en passant sous le même régime et il était supposé que la taxation des plus-values, quoique retardée, avait lieu lorsque le navire était vendu ou démoli. Toutefois, par dérogation à cette disposition, l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés disposait que, lorsque les navires étaient achetés par l’intermédiaire d’une option d’achat dans le cadre d’un contrat de location-vente préalablement approuvé par les autorités fiscales, ils étaient considérés comme étant des navires neufs et non usagés, au sens de l’article 125, paragraphe 2, de la loi sur l’impôt des sociétés, sans tenir compte du fait qu’ils étaient déjà amortis, de telle sorte que les plus-values éventuelles n’étaient pas taxées. Cette dérogation, qui n’avait pas été notifiée à la Commission, n’a été appliquée qu’aux contrats de location-vente spécifiques approuvés par les autorités fiscales dans le cadre de demandes d’application de l’amortissement anticipé en vertu de l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés, c’est-à-dire pour des navires récemment construits et donnés à bail, achetés au moyen d’opérations relevant du RELF et, à une seule exception près, sortis de chantiers navals espagnols.

8        En appliquant l’ensemble de ces mesures, le GIE recueillait les avantages fiscaux en deux temps. Dans un premier temps, un amortissement anticipé et accéléré du coût du navire pris en location-vente était appliqué au titre du régime normal de l’impôt sur les sociétés, qui se traduisait par des pertes importantes pour ce GIE, lesquelles, en raison de la transparence fiscale des GIE, pouvaient être déduites des recettes propres des investisseurs au prorata de leur participation dans ledit GIE. Alors que cet amortissement anticipé et accéléré est normalement compensé, par la suite, par l’augmentation des impôts à acquitter lorsque ce navire est entièrement amorti ou lorsque ce dernier est vendu en générant une plus-value, l’économie fiscale résultant du transfert des pertes initiales aux investisseurs était conservée, dans un second temps, grâce au fait que le même GIE passait sous le régime de la taxation au tonnage, qui permettait l’exonération totale des bénéfices résultant de la vente dudit navire à la compagnie maritime.

9        Tout en considérant que le RELF devait être décrit comme un « système », la Commission a analysé également chacune des mesures en cause individuellement. Par la décision attaquée, elle a décidé que, parmi ces mesures, celles résultant de l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés relatives à l’amortissement anticipé, de l’application du régime de la taxation au tonnage à des entreprises, à des navires ou à des activités non éligibles et de l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés, constituaient une aide d’État aux GIE et à leurs investisseurs mise illégalement à exécution par le Royaume d’Espagne depuis le 1er janvier 2002, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Elle a déclaré que les mesures fiscales en cause étaient incompatibles avec le marché intérieur, hormis dans la mesure où l’aide correspondait à une rémunération conforme au marché pour l’intervention d’investisseurs financiers et où elle était transférée à des entreprises de transport maritime pouvant bénéficier des dispositions des orientations maritimes. Elle a décidé que le Royaume d’Espagne devait mettre un terme à l’application de ce régime d’aide dans la mesure où il était incompatible avec le marché intérieur et devait récupérer l’aide incompatible auprès des investisseurs des GIE qui en avaient bénéficié, sans que ces bénéficiaires puissent transférer la charge de la récupération de cette aide à d’autres personnes.

10      Néanmoins, la Commission a décidé qu’il ne serait pas procédé à la récupération de l’aide octroyée dans le cadre d’opérations de financement pour lesquelles les autorités nationales compétentes s’étaient engagées à concéder le bénéfice des mesures par un acte juridiquement contraignant adopté avant le 30 avril 2007, date de publication au Journal officiel de l’Union européenne de sa décision 2007/256/CE, du 20 décembre 2006, concernant le régime d’aide mis à exécution par la France au titre de l’article 39 CA du code général des impôts – Aide d’État C 46/04 (ex NN 65/04) (JO 2007, L 112, p. 41).

 Autres recours introduits contre la décision attaquée

11      Par arrêt du 17 décembre 2015, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 et T‑719/13, EU:T:2015:1004), le Tribunal a accueilli deux autres recours introduits, contre la décision attaquée, par le Royaume d’Espagne et par Lico Leasing, SA et Pequeños y Medianos Astilleros Sociedad de Reconversión, SA (ci-après « PYMAR »), sur le fondement du moyen tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et de l’article 296 TFUE, et il a annulé la décision attaquée.

12      Par arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591), la Cour a annulé l’arrêt du 17 décembre 2015, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 et T‑719/13, EU:T:2015:1004), et renvoyé les affaires T‑515/13 et T‑719/13 devant le Tribunal.

13      Par arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), le Tribunal a rejeté les recours.

14      Par arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a partiellement annulé l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), et, statuant de manière définitive dans les deux recours concernés, elle a partiellement annulé la décision attaquée.

15      Dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a, d’abord, rejeté les pourvois s’agissant de l’argumentation des parties requérantes concernant la prétendue absence de sélectivité du RELF. Elle a également rejeté les pourvois s’agissant des moyens portant sur l’application des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, tout en relevant une erreur de droit commise par le Tribunal, mais demeurant sans incidence sur son appréciation. Enfin, elle a accueilli le moyen du Royaume d’Espagne tiré d’un défaut de motivation de l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), en ce qui concerne la récupération de l’aide en cause. Elle a considéré que, en se limitant à constater que les parties requérantes n’avaient pas contesté la désignation des bénéficiaires effectuée dans la décision attaquée et en se référant à la logique ainsi qu’au contenu de cette décision, alors qu’il se déduisait du moyen soulevé que ces parties faisaient valoir, implicitement, mais nécessairement, qu’elles n’avaient pas été les seules bénéficiaires de l’aide en cause, une grande partie de cette dernière ayant été transférée aux compagnies maritimes, le Tribunal n’avait pas répondu à ce moyen. Elle a conclu que le Tribunal avait commis une violation de l’obligation de motivation et elle a annulé ledit arrêt du Tribunal à cet égard.

16      Statuant définitivement sur le litige, la Cour a accueilli le moyen soulevé par Lico Leasing et PYMAR par lequel ces parties faisaient valoir que les investisseurs n’avaient pas été les seuls bénéficiaires de l’aide en cause, une grande partie de cette dernière ayant été transférée aux compagnies maritimes. Elle a, partant, annulé l’article 1er de la décision attaquée en ce qu’il désigne les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision ainsi que l’article 4, paragraphe 1, de la même décision en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide en cause auprès des investisseurs des GIE qui ont bénéficié de celle-ci.

 Conclusions des parties

17      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler intégralement les articles 1er à 6 de la décision attaquée, dans la mesure où ils qualifient le RELF d’aide d’État bénéficiant à certains GIE et à leurs investisseurs ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’article 4 de ladite décision, en ce qu’elle ordonne la récupération des aides ;

–        condamner la Commission aux dépens.

18      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 3 mars 2023, les requérantes ont présenté une demande de non-lieu à statuer conformément à l’article 130, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

19      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 6 juin 2023, en réponse à une question écrite du Tribunal, les requérantes, à titre principal, ont maintenu leurs demandes que le Tribunal constate qu’il n’y a plus lieu à statuer et, à titre subsidiaire, ont déclaré se désister de leurs recours en renonçant à l’instance au cas où le Tribunal estimerait que lesdits recours n’ont pas perdu leur objet. Dans une telle hypothèse, elles concluent à ce que chaque partie supporte ses propres dépens, conformément à l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, étant donné que la Cour, dans son arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), a partiellement annulé la décision qui fait l’objet des présents recours, en accueillant un moyen qui a également été soulevé par les requérantes dans le présent litige.

20      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

21      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 16 mars 2023, la Commission soutient que les recours doivent être rejetés comme étant non fondés, sauf en ce qui concerne les quatrièmes moyens, sur lesquels il n’y aura plus lieu de statuer lorsqu’elle aura adopté les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

22      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 23 juin 2023, la Commission a relevé qu’elle n’avait aucune observation sur la demande de désistement déposée par les requérantes. En ce qui concerne les dépens dans le cas d’un tel désistement, elle a demandé que les requérantes soient condamnées à supporter leurs propres dépens, ainsi que les trois quarts des dépens exposés par la Commission, comme il a été jugé par la Cour dans son arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

 En droit

 Sur la demande de non-lieu à statuer

23      En vertu de l’article 130, paragraphes 2 et 7, du règlement de procédure, à la suite d’une demande présentée par une partie, le Tribunal peut constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

24      En l’espèce, les requérantes demandent qu’il soit constaté que leurs recours sont devenus sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer. Par ailleurs, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sur ces demandes sans poursuivre la procédure.

25      Il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, l’objet du litige, tel qu’il a été déterminé par la requête introductive d’instance, doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 42 et jurisprudence citée, et ordonnance du 14 janvier 2014, Miettinen/Conseil, T‑303/13, non publiée, EU:T:2014:48, point 16 et jurisprudence citée).

26      Ainsi, dans le cadre d’un recours introduit en vertu de l’article 263 TFUE, l’annulation de la décision attaquée en cours d’instance privait de son objet le recours en ce qui concerne les conclusions tendant à l’annulation de ladite décision (voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, EU:C:2004:234, point 37, et du 19 octobre 2005, CDA Datenträger Albrechts/Commission, T‑324/00, EU:T:2005:364, points 116 et 117).

27      En effet, par l’annulation de l’acte attaqué, la partie requérante a obtenu le seul résultat que son recours aurait pu lui procurer et il n’y a, dès lors, plus matière à décision du juge de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 8 mars 1993, Lezzi Pietro/Commission, C‑123/92, EU:C:1993:87, point 10).

28      Par ailleurs, l’autorité absolue dont jouit un arrêt d’annulation d’une juridiction de l’Union s’attache tant au dispositif de l’arrêt qu’aux motifs qui en constituent le soutien nécessaire (voir arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, EU:C:2004:234, point 36 et jurisprudence citée).

29      En l’espèce, il convient de constater que, dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour n’a annulé la décision attaquée que partiellement. Comme il a été relevé au point 16 ci-dessus, elle a annulé l’article 1er de la décision attaquée en ce qu’il désigne les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision ainsi que l’article 4, paragraphe 1, en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide en cause auprès des investisseurs des GIE qui ont bénéficié de celle-ci.

30      Aux points 138 et 139 de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a précisé que la Commission avait commis une erreur de droit en ce qui concerne l’identification des bénéficiaires, dès lors que les GIE étaient tenus, en vertu de contrats juridiquement contraignants conclus avec les compagnies maritimes et soumis à l’administration fiscale, de transférer aux compagnies maritimes une partie de l’avantage fiscal obtenu.

31      Or, dans le cadre de leurs recours, les requérantes, qui sont neuf entreprises ayant effectué des investissements dans des GIE dans le cadre du RELF, soutiennent, en substance, par leurs quatrièmes moyens, que la Commission a erronément considéré les investisseurs des GIE comme étant des bénéficiaires de l’aide, les véritables bénéficiaires du RELF étant les compagnies maritimes ou les chantiers navals. Ainsi, elles demandent que le Tribunal annule intégralement les articles 1er à 6 de la décision attaquée, en ce qu’ils qualifient le RELF d’aide d’État bénéficiant à certains GIE et à leurs investisseurs.

32      Il s’ensuit que, dans la mesure où les requérantes contestent la désignation des GIE et leurs investisseurs en tant que seuls bénéficiaires de l’aide en cause, ainsi que la motivation de cette conclusion, l’annulation partielle de la décision attaquée prononcée par la Cour leur a donné le résultat qu’elles visaient par une partie de leurs recours, à savoir la disparition de cet aspect de la décision de l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 16 septembre 2014, Justice & Environment/Commission, T‑405/10, non publiée, EU:T:2014:821, point 20 et jurisprudence citée).

33      En effet, même à supposer que les griefs par lesquels les requérantes contestent l’exclusion des chantiers navals et des compagnies maritimes du cercle de bénéficiaires du RELF soient fondés en droit, ils ne conduiraient pas à une annulation de la décision attaquée allant au-delà de l’annulation de celle-ci prononcée par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C-649/20 P, C-658/20 P et C-662/20 P, EU:C:2023:60). En particulier, le grief, à le supposer fondé, selon lequel d’autres participants au RELF, tels que notamment les chantiers navals, doivent être considérés comme faisant partie du cercle de bénéficiaires du RELF, aurait entraîné l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée, dans la mesure où il désigne les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide en cause. Or, comme rappelé aux points 16 et 29 ci-dessus, cet article a été partiellement annulé, dans cette mesure, par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C-649/20 P, C-658/20 P et C-662/20 P, EU:C:2023:60).

34      Dans ces conditions, conformément à l’article 266, paragraphe 1, TFUE, il incombera à la Commission de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C-649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20°P, EU:C:2023:60), y compris en ce qui concerne la détermination du cercle des bénéficiaires du RELF.

35      Dès lors, les présents recours sont devenus sans objet dans cette mesure.

36      Le Tribunal constate qu’il y a, en revanche, toujours lieu de statuer sur les chefs de conclusions des requérantes en ce qu’ils visent l’annulation de parties de la décision attaquée n’ayant pas été annulées par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

37      Comme il a été relevé au point 16 ci-dessus, dans ledit arrêt, la Cour a annulé l’article 1er de la décision attaquée en ce qu’il désigne les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision ainsi que l’article 4, paragraphe 1, en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide en cause auprès des investisseurs des GIE qui ont bénéficié de celle-ci. Or, par leurs recours, les requérantes ont demandé que le Tribunal annule intégralement les articles 1er à 6 de la décision attaquée, en ce qu’ils qualifient le RELF d’aide d’État bénéficiant à certains GIE et à leurs investisseurs.

38      Ainsi, il y a toujours lieu de statuer sur les présents recours en ce que les requérantes invoquent, dans le cadre de leurs premiers moyens, une violation des formes substantielles, ainsi que des articles 20 et 21 et de l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dans le cadre des deuxièmes et troisièmes moyens, une violation des articles 107 et 108 TFUE en raison de la qualification d’aide d’État du RELF, en l’absence, respectivement, d’un caractère sélectif et d’un effet sur le commerce entre les États membres, dans le cadre des quatrièmes moyens, l’inclusion erronée des investisseurs des GIE parmi des bénéficiaires de l’aide en cause et un défaut de motivation à cet égard et, dans le cadre des cinquièmes moyens, une violation des principes de sécurité juridique, de confiance légitime et d’égalité de traitement ainsi que de l’article 14 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1).

39      En effet, si ces autres moyens étaient accueillis, ils seraient susceptibles d’entraîner l’annulation de parties de la décision attaquée qui n’ont pas été annulées par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

40      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il n’y a plus lieu de statuer sur les recours pour autant qu’ils tendent à l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée en ce qu’il désigne les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision et de l’article 4, paragraphe 1, de ladite décision en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide visée dans cette décision auprès des investisseurs des GIE qui en ont bénéficié, et que la demande de non-lieu à statuer doit être rejetée pour le surplus.

 Sur les désistements

41      Les requérantes ont déclaré se désister de leurs recours en renonçant à l’instance, au sens de l’article 125 du règlement de procédure, dans l’hypothèse où le Tribunal considérerait qu’il y a lieu de statuer sur les recours. Tel est le cas en l’espèce, puisque le Tribunal considère qu’il y a toujours lieu de statuer sur les chefs de conclusions des requérantes en ce qu’ils visent l’annulation de parties de la décision attaquée n’ayant pas été annulées par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

42      Partant, il y a lieu de rayer les affaires jointes T‑392/14, T‑393/14, T‑394/14, T‑397/14, T‑426/14, T‑427/14, T‑428/14, T‑429/14 et T‑461/14 du registre.

 Sur les dépens

43      Aux termes de l’article 136, paragraphe 1, du règlement de procédure, la partie qui se désiste est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens par l’autre partie dans ses observations sur le désistement. Toutefois, aux termes du paragraphe 2, du même article, à la demande de la partie qui se désiste, les dépens sont supportés par l’autre partie, si cela apparaît justifié en vertu de l’attitude de cette dernière.

44      En outre, aux termes de l’article 137, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

45      Compte tenu des circonstances du cas d’espèce, et notamment du fait que le non-lieu à statuer partiel, ainsi que les désistements, résultent, en substance, de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), lequel donne satisfaction, en partie, aux requérantes, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur les recours dans la mesure où ils sont dirigés contre l’article 1er  de la décision 2014/200/UE de la Commission, du 17 juillet 2013, concernant l’aide d’État SA.21233 C/11 (ex NN/11, ex CP 137/06) mise à exécution par l’Espagne – Régime fiscal applicable à certains accords de location-financement, également appelé « régime espagnol de leasing fiscal », en ce qu’il désigne les groupements d’intérêt économique et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision, et l’article 4, paragraphe 1, de ladite décision, en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide visée dans cette décision auprès des investisseurs des groupements d’intérêt économique qui en ont bénéficié.

2)      La demande de non-lieu à statuer est rejetée pour le surplus.

3)      Les affaires jointes T392/14, T393/14, T394/14, T397/14, T426/14, T427/14, T428/14, T429/14 et T461/14 sont rayées du registre du Tribunal.

4)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 6 décembre 2023.

Le greffier

 

Le président

T. Henze, greffier adjoint

 

A. Kornezov


*      Langue de procédure : l’espagnol.