Language of document : ECLI:EU:T:2012:609

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

20 novembre 2012(*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire verbale PAGINE GIALLE – Motifs absolus de refus – Caractère distinctif – Absence de caractère descriptif – Absence de signes ou d’indications devenus usuels – Article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement (CE) n° 207/2009 – Caractère distinctif acquis par l’usage – Article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑589/11,

Phonebook of the World, établie à Paris (France), représentée par Me A. Bertrand, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. P. Bullock, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Seat Pagine Gialle SpA, établie à Milan (Italie), représentée par Me F. Jacobacci, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 4 août 2011 (affaire R 1541/2010‑2), relative à une procédure de nullité entre Phonebook of the World et Seat Pagine Gialle SpA,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 17 novembre 2011,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 23 février 2012,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 15 mars 2012,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 1er avril 1996, l’intervenante, Seat Pagine Gialle SpA, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal PAGINE GIALLE.

3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 16 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 16 : « Imprimés de tout type, y compris livres, revues, annuaires, catalogues, annuaires téléphoniques » ;

–        classe 35 : « Services de publicité et affaires ».

4        Par décision du 29 octobre 1997, l’examinateur a accepté l’enregistrement de la marque demandée.

5        L’examinateur a constaté que, pour le public italien, la marque PAGINE GIALLE était descriptive des produits et des services en cause, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009]. En effet, l’examinateur a relevé que l’expression « pagine gialle », qui signifie « pages jaunes » en italien, était couramment utilisée pour désigner l’annuaire répertoriant les numéros téléphoniques professionnels et les services liés, à savoir la publicité dans cet annuaire. Toutefois, sur la base d’une enquête produite par l’intervenante, l’examinateur a considéré que le signe PAGINE GIALLE avait acquis en Italie un caractère distinctif par l’usage, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 (devenu article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009). En effet, l’examinateur a relevé que trois quarts des personnes interrogées percevaient le signe en tant que marque de l’intervenante.

6        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 70/1999, du 6 septembre 1999. La marque a été enregistrée le 10 octobre 2002.

7        Le 27 novembre 2007, la requérante, Phonebook of the World, a déposé, au titre de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 [devenu article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009], une demande visant à faire déclarer la nullité de la marque communautaire au motif que cette marque avait été enregistrée en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement et de l’article 7, paragraphe 1, sous d), dudit règlement [devenu article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 207/2009. Elle faisait notamment valoir que le signe PAGINE GIALLE était une traduction en italien des mots « pages jaunes », qui sont une expression couramment utilisée pour désigner des annuaires téléphoniques professionnels.

8        Par décision du 23 avril 2010, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité dans son intégralité et confirmé que la marque avait acquis en Italie un caractère distinctif par l’usage au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009.

9        Le 9 juin 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’annulation.

10      Par décision du 4 août 2011 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours de la requérante.

11      Tout d’abord, la chambre de recours a constaté, au point 24 de la décision attaquée, que les parties ne contestaient pas que le signe PAGINE GIALLE se heurtait, en principe, aux motifs de refus énoncés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement n° 207/2009, vis-à-vis du public italien, mais qu’il avait acquis un caractère distinctif par l’usage en Italie au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009.

12      Ainsi qu’il ressort du point 25 de la décision attaquée, l’argument principal de la requérante devant la chambre de recours était axé sur le fait que le public à prendre en considération dans l’appréciation des motifs de refus prévus par l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, ne devait pas se limiter aux consommateurs italophones, étant donné que les consommateurs moyens de toute l’Union européenne reconnaîtraient l’expression « pagine gialle » comme étant la traduction italienne de « pages jaunes ».

13      La chambre de recours a, dès lors, estimé, au point 26 de la décision attaquée, que la question pertinente était celle de savoir, premièrement, si ces mots étaient compris par des consommateurs qui ne sont pas italophones, et, deuxièmement, comment ces consommateurs les percevaient par rapport aux produits et aux services concernés.

14      À cet égard, la chambre de recours a considéré, au point 28 de la décision attaquée, que la requérante n’avait pas démontré que les consommateurs de l’Union disposaient d’une connaissance de la langue italienne leur permettant de comprendre l’expression « pagine gialle ». En outre, elle a relevé, aux points 29 à 31 de la décision attaquée, que la requérante n’avait pas prouvé que ces consommateurs comprendraient que cette expression est la traduction des mots espagnols « páginas amarillas », des mots portugais « paginas amarelas », des mots anglais « yellow pages » ou des mots français « pages jaunes ».

15      Sur cette base, la chambre de recours a estimé, au point 34 de la décision attaquée, que les consommateurs de l’Union, qui ne comprennent pas l’italien, ne comprendraient pas la signification de l’expression « pagine gialle » et ne la percevraient pas comme une description des produits et des services concernés, mais comme une expression totalement fantaisiste ayant un caractère distinctif. La chambre de recours a également constaté que cette expression n’était pas devenue usuelle dans le langage courant ou dans les habitudes des consommateurs non italophones.

16      Dans ces conditions, la chambre de recours a conclu, au point 34 de la décision attaquée, que, dans tous les États membres de l’Union à l’exception de l’Italie, l’expression « pagine gialle » n’était pas dépourvue de caractère distinctif conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, n’était pas descriptive conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement, et n’était pas générique au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous d), dudit règlement. En conséquence, il n’était pas nécessaire, pour le titulaire de la marque communautaire, de produire des éléments de preuve, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, démontrant que cette expression avait acquis la capacité de distinguer les produits et services concernés de ceux d’autres entreprises dans tous les États membres de l’Union hors l’Italie, étant donné que le signe PAGINE GIALLE possédait, ab initio, ce caractère distinctif dans tous ces territoires.

 Conclusions des parties

17      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler l’enregistrement de la marque PAGINE GIALLE pour les produits et services relevant des classes 16 et 35 ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

18      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

19      Au soutien de son recours, la requérante avance, en substance, un seul moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec l’article 52, paragraphe 1, sous a), du même règlement.

20      La requérante soutient, en effet, que l’expression « pages jaunes » en français ou « yellow pages » en anglais est un terme descriptif pour des annuaires téléphoniques professionnels au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, et qu’elle est de ce fait également dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement. Elle fait valoir également que son enregistrement comme marque communautaire est contraire à l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 207/2009, car l’expression « pages jaunes » est une dénomination générique courante pour ces annuaires. Il en irait de même pour la traduction de cette expression dans les différentes langues parlées en Europe, et, en particulier, pour l’expression « pagine gialle » en italien.

21      Le Tribunal examinera les arguments de la requérante dans un ordre partiellement différent de celui de la requête. Avant d’effectuer cet examen, il convient de préciser la portée du litige devant le Tribunal.

 Sur la portée du litige

22      Il y a lieu de relever que la portée de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement n° 207/2009, que la requérante allègue, ne ressort pas clairement de la requête.

23      En effet, la requérante insiste sur l’absence de caractère distinctif de la marque PAGINE GIALLE, sa nature descriptive et le caractère usuel acquis par le signe, sans pour autant indiquer si elle estime que ces motifs de refus existent à l’égard du public italien ou dans l’ensemble de l’Union.

24      Toutefois, dans la mesure où la requérante ne conteste pas que la marque communautaire a acquis un caractère distinctif par l’usage en Italie, conformément à l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, il convient de constater que le moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du même règlement serait, en tout état de cause, inopérant en ce qui concerne la perception de la marque communautaire par le public italien.

25      La requérante souligne qu’une partie significative des consommateurs de l’Union seraient en mesure de comprendre que le signe PAGINE GIALLE signifie « pages jaune » ou « yellow pages ». Ce faisant, la requérante semble faire valoir que les motifs prévus par l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement n° 207/2009 pourraient être opposés dans l’ensemble de l’Union et non uniquement en Italie.

26      Partant, il y a lieu d’examiner si la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement n° 207/2009, en ce qu’elle n’aurait pas reconnu l’absence de caractère distinctif de la marque, sa nature descriptive et le caractère usuel acquis par le signe dans l’ensemble de l’Union, hors Italie.

 Sur la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement n° 207/2009, en ce que la chambre de recours n’aurait pas retenu ces motifs de refus dans l’ensemble de l’Union

27      Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

28      Conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci, ne peuvent pas être enregistrées.

29      L’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement nº 207/2009 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose à l’enregistrement d’une marque que lorsque les signes ou les indications dont cette marque est exclusivement composée sont devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce pour désigner les produits ou les services pour lesquels ladite marque est présentée à l’enregistrement [voir, par analogie, arrêt de la Cour du 4 octobre 2001, Merz & Krell, C‑517/99, Rec. p. I‑6959, point 31, et arrêt du Tribunal du 5 mars 2003, Alcon/OHMI — Dr. Robert Winzer Pharma (BSS), T‑237/01, Rec. p. II‑411, point 37].

30      Il ressort de la jurisprudence que, tant le caractère distinctif que le caractère descriptif d’un signe doivent être appréciés, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent [arrêt du Tribunal du 14 avril 2005, Celltech/OHMI (CELLTECH), T‑260/03, Rec. p. II‑1215, point 28]. Il en va de même concernant le caractère usuel d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 207/2009 [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 mars 2006, Telefon & Buch/OHMI – Herold Business Data (WEISSE SEITEN), T‑322/03, Rec. p. II‑835, point 49].

31      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, à bon droit, aux points 25 et 26 de la décision attaquée, que le public pertinent se composait de consommateurs moyens au sein de l’Union, hors Italie. Les parties sont toutefois en désaccord devant le Tribunal quant aux connaissances linguistiques de ce public et à la perception du signe par ce dernier.

32      En premier lieu, la requérante insiste sur le fait que l’italien est l’une des langues principales de l’Union dans la mesure où, d’une part, tous les pays abritent une grande communauté de citoyens d’origine italienne et, d’autre part, l’italien est une langue étrangère enseignée dans tous les pays de l’Union. Dans ces conditions, au moins 30 millions de consommateurs en Europe, hors Italie, seraient en mesure de comprendre sans aucun doute la signification de l’expression « pagine gialle » comme renvoyant à « pages jaunes ». Il s’ensuit, selon la requérante, que la chambre de recours aurait refusé de tirer toutes les conséquences du constat selon lequel l’expression « pagine gialle » est dépourvue de caractère distinctif en italien.

33      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

34      À cet égard, force est de constater que le seul élément concret que la requérante apporte pour démontrer la connaissance de la langue italienne par le public pertinent concerne un tableau indiquant que plus de 200 000 élèves en France ont étudié l’italien entre 1997 et 2007. À cet égard, en tout état de cause, l’intervenante fait observer, à juste titre, que ce document a été présenté pour la première fois devant le Tribunal. Cette pièce est dès lors irrecevable et ne peut pas être prise en compte aux fins du présent litige (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, Rec. p. I‑2213, point 54).

35      En revanche, la chambre de recours a fondé son analyse quant aux connaissances linguistiques du public pertinent en se référant à une enquête (Eurobaromètre) menée en 2006 par la Commission européenne. Or, cette enquête, dont la valeur probante n’a pas été contestée par la requérante, n’identifie aucunement l’italien comme une des deuxièmes langues généralement connues par le public pertinent européen.

36      Il s’ensuit que la chambre de recours a conclu, à bon droit, au point 28 de la décision attaquée, que l’italien ne figure pas parmi les langues étrangères maîtrisées par la quasi-totalité du public pertinent.

37      En deuxième lieu, la requérante invoque l’application pleine, entière et directe de l’arrêt WEISSE SEITEN, précité. En effet, dans cet arrêt, le Tribunal aurait considéré que l’expression allemande « weisse Seiten » (« pages blanches ») ne pouvait pas être enregistrée comme marque communautaire pour des annuaires téléphoniques pour particuliers, car elle était devenue usuelle en tant que dénomination générique de ces annuaires.

38      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

39      À cet égard, il y a lieu de relever que les mots « weisse Seiten » et « pagine gialle » appartiennent à deux langues différentes, à savoir l’allemand et l’italien. Or, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt WEISSE SEITEN, précité, la question de savoir si le public de l’Union comprenait les termes allemands « weisse Seiten » ne se posait pas, dans la mesure où le public pertinent en l’espèce était germanophone. Ainsi qu’il résulte des points 34 à 36 ci-dessus, il n’existe pas d’éléments permettant de conclure dans la présente affaire que le public pertinent de l’Union, hors Italie, est en mesure de comprendre la signification des termes « pagine gialle ». Par ailleurs, contrairement à la présente affaire, le titulaire de la marque WEISSE SEITEN n’avait pas revendiqué que le signe avait acquis un caractère distinctif par l’usage au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009.

40      Il y a donc lieu de conclure que la présente affaire ne peut pas être résolue sur la base des considérations du Tribunal dans l’arrêt WEISSE SEITEN, précité.

41      En troisième lieu, la requérante se réfère à des textes officiels émanant des institutions de l’Union, à des textes historiques ainsi qu’à des sites Internet, afin de démontrer que les différentes versions linguistiques de l’expression « pagine gialle » décrivent depuis plus de cent ans le marché des annuaires téléphoniques professionnels et, partant, que cette expression ne serait pas perçue comme une marque permettant d’identifier les produits d’une entreprise spécifique. La requérante ajoute que, dans sa décision du 19 mars 2002(affaire R 1161/2000‑1), la première chambre de recours de l’OHMI aurait reconnu que « nul ne peut revendiquer un droit privé sur aucune traduction de l’expression YELLOW PAGES ».

42      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

43      À cet égard, force est de constater que les nombreuses références faites par la requérante à des textes officiels et historiques ainsi qu’à des sites Internet sont dépourvues de pertinence. En effet, la requérante ne démontre pas que les consommateurs de l’Union seront en mesure de faire un lien entre cette expression italienne et les expressions équivalentes dans d’autres langues de l’Union. En effet, l’ensemble de ces textes se réfère à l’utilisation des termes « pages jaunes » et « pages blanches » dans les langues officielles ou comprises dans les États concernés, mais n’offre aucune indication quant à la compréhension de ces termes dans d’autres langues.

44      Quant à la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 19 mars 2002, la requérante se livre à une lecture erronée de son point 25. En effet, la chambre de recours s’est bornée à constater que le titulaire de la marque communautaire YELLOW PAGES ne pouvait revendiquer de droit privé sur des traductions de l’expression « yellow pages » dans d’autres langues, telles que la traduction italienne « pagine gialle ». Au demeurant, la chambre de recours a relevé, au point 24 de ladite décision, que les consommateurs moyens anglais ne comprenaient pas la signification de l’expression italienne « pagine gialle ». Ainsi, la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 19 mars 2002 est, en tout état de cause, davantage de nature à confirmer qu’à infirmer l’analyse de la chambre de recours dans la décision attaquée.

45      Il résulte de l’ensemble de ces considérations que la chambre de recours n’a commis aucune erreur en considérant, au point 34 de la décision attaquée, que le public pertinent n’était pas en mesure de comprendre l’expression « pagine gialle » comme une description ou désignation usuelle des produits et des services en cause et qu’il la percevrait, en revanche, comme une expression fantaisiste pourvue de caractère distinctif.

46      Dans ces conditions, la chambre de recours n’a pas violé l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement n° 207/2009, en ne retenant pas ces motifs de refus dans l’ensemble de l’Union, hors Italie.

47      Il convient dès lors de rejeter le recours, sans qu’il soit besoin d’examiner la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante. 

 Sur les dépens

48      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Phonebook of the World est condamnée aux dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 novembre 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.