Language of document : ECLI:EU:T:2024:59

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

7 février 2024 (*)

  « Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative BEAUTYBIO SCIENCE – Causes de nullité absolue – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001] – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑81/23,

Beauty Biosciences LLC, établie à Dallas, Texas (États-Unis), représentée par Me D. Mărginean, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. M. Eberl, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Société de Recherche Cosmétique SARL, établie à Luxembourg (Luxembourg), représentée par Me P. Wilhelm, avocat,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, R. Mastroianni (rapporteur) et I. Gâlea, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Beauty Biosciences LLC, demande l’annulation et la réformation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 20 décembre 2022 (affaire R 1039/2022-4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 18 février 2021, l’intervenante, la Société de Recherche Cosmétique SARL, a présenté à l’EUIPO une demande en nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande déposée le 23 juin 2017 pour le signe figuratif suivant :

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3        Les produits couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient à la description suivante : « Préparations de nettoyage corporel et de soins de beauté ; sérums de beauté ; masques pour le corps ; cosmétiques ; crèmes pour les yeux ; crèmes raffermissantes pour la peau ; sérums non médicamenteux pour la peau ; produits nettoyants pour la peau ; crèmes pour la peau ; hydratants pour la peau ; lotions toniques pour la peau ; préparations pour le soin de la peau ; crèmes nettoyantes ; savonnettes ; savons pour le visage ; masques gommants pour le visage ; masques pour le visage ; toniques à usage cosmétique ; préparations pour éclaircir la peau ; produits éclaircissants pour les cheveux ; soins hydratants ; produits cosmétiques de soins de beauté ; produits de maquillage pour la couleur des yeux ; crayons pour les yeux ; crayons pour les sourcils ; mascara ; rouge à lèvres ; brillants à lèvres ; crayons pour les lèvres ; fards à joues ; rouge à joues ; poudre libre pour le visage ; poudre compacte pour le visage ; correcteurs ; fonds de teint ; correcteurs destinés à camoufler les boutons et les imperfections ».

4        Les causes invoquées à l’appui de la demande en nullité étaient celles visées à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du même règlement.

5        Le 13 avril 2022, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001.

6        Le 10 juin 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

7        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. Premièrement, elle a considéré que le public pertinent se composait du grand public anglophone de l’Union européenne, faisant preuve d’un niveau d’attention moyen, même si les produits en cause pouvaient être achetés par des professionnels ou des spécialistes. Deuxièmement, selon elle, compte tenu de la signification claire des éléments « beauty », « bio » et « science » de la marque contestée, celle-ci est comprise comme faisant référence au fait que les produits en cause relevant de la classe 3 sont destinés à améliorer l’apparence d’une personne, qu’ils sont fabriqués de manière biologique et naturelle, à partir d’ingrédients naturels et dans le respect de la nature ainsi que de l’environnement, et qu’ils sont basés sur la recherche scientifique. Par ailleurs, la chambre de recours a ajouté que lesdits éléments de la marque contestée étaient couramment utilisés et compris au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de celle-ci et que leur signification n’a pas changé depuis. Troisièmement, la chambre de recours a considéré que les produits en cause devaient être considérés comme étant des produits cosmétiques ou des produits de beauté et que les ingrédients les composant constituaient une des caractéristiques essentielles étant donné que certains consommateurs préféraient les produits « cosmétiques » contenant des ingrédients biologiques. Quatrièmement, la chambre de recours a considéré qu’il existait un rapport suffisamment direct et concret entre la marque contestée et l’ensemble des produits en cause, de sorte que les consommateurs la percevront immédiatement comme une description de la nature et de la destination de ces produits. Ainsi, selon la chambre de recours, la marque contestée était descriptive, à la date de dépôt de sa demande d’enregistrement, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, pour tous les produits en cause compris dans la classe 3. Enfin, elle a considéré que, la marque contestée revêtant un caractère descriptif, ce motif justifiant à lui seul la nullité de ladite marque, il n’était pas nécessaire d’examiner le bien-fondé des arguments de la requérante tirés d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, rejeter la demande en nullité et maintenir l’enregistrement de la marque contestée ;

–        réformer la décision attaquée en rejetant la demande en nullité ;

–        condamner l’intervenante aux dépens exposés devant l’EUIPO et le Tribunal.

9        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

10      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés devant l’EUIPO et le Tribunal.

 En droit

11      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 23 juin 2017, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p.1) tel que modifié (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

12      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par les parties dans leurs écritures à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 comme visant, respectivement, l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, d’une teneur identique.

13      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens tirés, le premier, de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement, en ce que la chambre de recours a conclu que la marque contestée était descriptive pour les produits en cause relevant de la classe 3, et, le second, de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement, en ce que la chambre de recours a considéré, à tort, que la marque contestée était dépourvue de caractère distinctif pour lesdits produits.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement

14      Le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, s’articule en trois branches tirées, la première, de la méconnaissance du principe de la charge de la preuve incombant à la demanderesse en nullité, la deuxième, du non-respect du principe de la présomption de validité dans le cadre de l’appréciation du caractère descriptif de la marque contestée et, la troisième, d’une erreur dans l’appréciation dudit caractère de ladite marque. Il convient d’examiner ensemble les première et deuxième branches de ce moyen.

 Sur les première et deuxième branches du premier moyen

15      La requérante fait valoir, d’une part, que la chambre de recours n’a pas tenu compte du fait que la charge de la preuve incombait à l’intervenante en tant que demanderesse en nullité. En effet, selon elle, cette dernière n’aurait présenté, durant la procédure devant l’EUIPO, que des arguments présentant un lien entre la marque contestée et la marque de l’Union européenne verbale antérieure BIO‑BEAUTÉ dont elle est titulaire et qui a été enregistrée sous le numéro 13609631. Cette dernière marque a fait l’objet de la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 28 septembre 2021 (affaires jointes R 1871/2020-4 et R 1891/2020-4). En outre, la requérante soutient que la division d’annulation puis la chambre de recours ont fondé leurs décisions sur des faits notoires sans prendre en considération l’absence d’arguments et de preuves soumis par l’intervenante au cours de la procédure devant elles. D’autre part, la requérante fait valoir que la marque contestée bénéficie d’une présomption de validité de sorte que l’intervenante ne pouvait pas se limiter à prouver la signification individuelle et réelle des éléments composant cette marque, dont la signification lexicale ne pouvait pas être ignorée par l’examinateur, lors de l’autorisation de son enregistrement, en 2017, sans émettre le moindre doute quant à son aptitude à être enregistrée.

16      La chambre de recours a considéré, premièrement, que la présente affaire est indépendante de la procédure de nullité concernant la marque de l’Union européenne BIO‑BEAUTÉ et que la division d’annulation a statué sur le cas d’espèce en fonction des particularités de l’affaire. En outre, la chambre de recours a relevé que les éléments de preuve supplémentaires produits par la requérante et l’intervenante, dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO, afin de déterminer si le terme « bio » était utilisé normalement par le public anglophone en rapport avec des produits cosmétiques, naturels, biologiques ou écologiques, étaient sans pertinence, étant donné que les conclusions de la division d’annulation étaient suffisamment étayées par des références à des dictionnaires, à des dispositions juridiques et à la jurisprudence de la Cour et du Tribunal.

17      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

18      En ce qui concerne la question de savoir si la chambre de recours peut fonder sa décision sur des faits notoires dans le cadre d’une procédure de nullité, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, conformément à l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, lors de l’examen des motifs absolus de refus, les examinateurs de l’EUIPO et, sur recours, les chambres de recours de l’EUIPO doivent procéder à l’examen d’office des faits afin de déterminer si la marque dont l’enregistrement est demandé relève ou non d’un des motifs absolus de refus d’enregistrement énoncés à l’article 7 de ce règlement. Il s’ensuit que les organes compétents de l’EUIPO peuvent être amenés à fonder leurs décisions sur des faits qui n’auraient pas été invoqués par le demandeur [voir arrêt du 10 juin 2020, Louis Vuitton Malletier/EUIPO – Wisniewski (Représentation d’un motif à damier), T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 21 et jurisprudence citée].

19      Néanmoins, dans le cadre d’une procédure de nullité, la chambre de recours ne saurait être contrainte d’effectuer une nouvelle fois l’examen d’office des faits pertinents mené au moment de l’enregistrement par les instances compétentes de l’EUIPO. Il ressort, en effet, des dispositions des articles 52 et 55 du règlement no 207/2009 que la marque de l’Union européenne est considérée comme étant valide jusqu’à ce qu’elle soit déclarée nulle par l’EUIPO à la suite d’une procédure de nullité. Elle bénéficie donc d’une présomption de validité, qui constitue la conséquence logique du contrôle mené par l’EUIPO dans le cadre de l’examen d’une demande d’enregistrement (voir arrêt du 10 juin 2020, Représentation d’un motif à damier, T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 22 et jurisprudence citée).

20      Cette présomption de validité limite l’obligation de l’EUIPO, figurant à l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, d’examiner d’office les faits pertinents qui pourraient l’amener à appliquer les motifs absolus de refus à l’examen de la demande d’une marque de l’Union européenne mené par les instances de l’EUIPO lors de la procédure d’enregistrement de ladite marque. Or, dans le cadre d’une procédure de nullité, la marque de l’Union européenne enregistrée étant présumée valide, il appartient à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause sa validité. Ainsi, selon les termes de cette disposition, dans les procédures de nullité engagées en vertu de l’article 52 du même règlement, l’EUIPO limite son examen aux moyens et arguments soumis par les parties (voir arrêt du 10 juin 2020, Représentation d’un motif à damier, T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 23 et jurisprudence citée).

21      Toutefois, si cette présomption de validité de l’enregistrement limite l’obligation de l’EUIPO d’examiner les faits pertinents, elle ne saurait, pour autant, l’empêcher, notamment au vu des éléments invoqués par la partie qui remet en cause la validité de la marque contestée, de se fonder non seulement sur ces arguments ainsi que sur les éventuels éléments de preuve joints par cette partie à sa demande en nullité, mais également sur les faits notoires relevés par l’EUIPO dans le cadre de la procédure de nullité. Ainsi, lorsqu’une partie a contesté la validité d’une marque enregistrée en se fondant sur des éléments au soutien de sa demande en nullité, il incombe à la chambre de recours d’examiner ces éléments ainsi que l’existence de faits notoires que l’examinateur aurait, le cas échéant, omis de prendre en considération, dans le cadre de la procédure d’enregistrement (voir arrêt du 10 juin 2020, Représentation d’un motif à damier, T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, points 24 et 25 et jurisprudence citée).

22      À cet égard, c’est à bon droit que la chambre de recours a rappelé au point 18 de la décision attaquée que les instances de l’EUIPO peuvent prendre en considération, outre les arguments et les faits avancés par les parties, des faits notoires, c’est-à-dire des faits qui sont susceptibles d’être connus par toute personne ou qui peuvent être connus par des sources généralement accessibles, pour savoir si un motif de refus s’opposait à l’enregistrement de la marque contestée au moment du dépôt de la demande de son enregistrement. Les informations issues de dictionnaires standard font partie des faits notoires provenant de sources généralement accessibles [voir arrêt du 14 septembre 2022, Task Food/EUIPO – Foodtastic (ENERGY CAKE), T‑686/21, non publié, EU:T:2022:545, point 54 et jurisprudence citée].

23      En l’espèce, en examinant le caractère descriptif de la marque contestée, la chambre de recours a, notamment au point 33 de la décision attaquée, pris en considération, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 21 ci-dessus, les arguments et les éléments de preuve invoqués par le demandeur en nullité au soutien de sa demande en nullité ainsi que les faits notoires que l’examinateur aurait omis de prendre en considération dans le cadre de son analyse de la demande d’enregistrement de la marque contestée en 2017.

24      En particulier, dans sa demande en nullité, l’intervenante avait soutenu que la marque contestée, étant composée de termes couramment utilisés ne formant pas une combinaison inhabituelle dans l’esprit du public pertinent à la date du dépôt de la demande d’enregistrement, devait être déclarée invalide pour absence de caractère distinctif, surtout si elle était descriptive par rapport aux produits concernés. En outre, le demandeur en nullité avait fourni des éléments de preuve relatifs à la signification du mot « science » (annexes 4 à 6 de la demande en nullité).

25      C’est donc au vu des arguments et des éléments de preuve invoqués par le demandeur en nullité que la chambre de recours a examiné le caractère descriptif de la marque contestée. En effet, contrairement aux allégations de la requérante, la chambre de recours s’est limitée à examiner les arguments et les éléments de preuve invoqués par le demandeur en nullité tout en considérant que le bien-fondé de ceux-ci était étayé par des faits notoires.

26      Partant, c’est à bon droit que, outre les arguments et les éléments de preuve invoqués par l’intervenante dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO, la chambre de recours a pris en compte des faits notoirement connus, à savoir la signification des mots « beauty », « bio » et « science » figurant dans la version en ligne de l’Oxford English Dictionnary, afin de conclure au caractère descriptif de la marque contestée à l’égard des produits en cause, conformément à la jurisprudence citée aux points 21 et 22 ci-dessus. Dès lors, cette circonstance ne saurait révéler ni une erreur dans la dévolution de la charge de la preuve ni une méconnaissance de la présomption de validité dont bénéficient les marques enregistrées.

 Sur la troisième branche du premier moyen

27      Dans le cadre de la troisième branche du premier moyen, la requérante soutient que la chambre de recours a violé l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement, en concluant, à tort, que la marque contestée était, dans son ensemble, descriptive des produits en cause relevant de la classe 3.

28      En effet, selon elle, il existe une différence perceptible entre les éléments « beauty », « bio » et « science » pris isolément et leur combinaison en tant que « beautybio science », prise dans son ensemble. Plus particulièrement, elle soutient que si, pour le public pertinent, les termes « beauty » et « bio » peuvent faire partie des expressions utilisées dans le langage courant pour désigner la fonction des produits cosmétiques, leur combinaison, en revanche, est inhabituelle d’un point de vue syntaxique et ne constitue pas une expression courante de la langue anglaise permettant de désigner lesdits produits ou de décrire leurs caractéristiques essentielles. La requérante fait valoir que le terme « bio » est perçu par le public pertinent comme un adjectif devant être placé avant un substantif dans une expression, alors que, en l’espèce, ledit terme est placé après le nom « beauty », ce qui crée une perception non naturelle du signe dans son ensemble. De plus, elle soutient que, même si le terme « bio » était perçu comme un substantif, la manière correcte de faire référence à la qualité relative à la beauté serait l’utilisation du terme « beautiful » et non pas, comme dans la marque contestée, du terme « beauty ». S’agissant du troisième élément de la marque contestée, à savoir le terme « science », la requérante fait valoir qu’il est utilisé à des degrés divers dans presque tous les secteurs d’activité. Toutefois, selon elle, cela ne signifie pas que le consommateur perçoive automatiquement le sens littéral de ce terme. Ainsi, sa perception peut être différente en fonction des éléments verbaux qui l’accompagnent. Elle ajoute que les éléments de preuve fournis par l’intervenante permettant d’étayer l’utilisation dudit terme en lien avec les produits en cause ne démontrent que l’utilisation de ce terme dans des articles scientifiques et pas la manière dont ce terme est perçu sur le marché par le public pertinent. Enfin, la requérante rappelle qu’un signe n’a besoin que d’un degré minimum de caractère distinctif pour être enregistré.

29      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

30      Conformément à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, la nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée, notamment sur demande présentée auprès de l’EUIPO, lorsqu’elle a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 dudit règlement.

31      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ». Selon le paragraphe 2 du même article, le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

32      Ces signes ou indications sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service [arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 30, et du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, EU:T:2002:41, point 37].

33      Pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêts du 12 janvier 2005, Deutsche Post EURO EXPRESS/OHMI (EUROPREMIUM), T‑334/03, EU:T:2005:4, point 25 et jurisprudence citée, et du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, EU:T:2005:247, point 25 et jurisprudence citée].

34      L’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent [voir arrêt du 25 octobre 2005, Peek & Cloppenburg/OHMI (Cloppenburg), T‑379/03, EU:T:2005:373, point 37 et jurisprudence citée].

35      Il y a lieu de rappeler que, par l’emploi, à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, des termes « l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci », le législateur de l’Union a, d’une part, indiqué que ces termes devaient tous être considérés comme correspondant à des caractéristiques de produits ou de services et, d’autre part, précisé que cette liste n’était pas exhaustive, toute autre caractéristique de produits ou de services pouvant également être prise en compte [voir arrêt du 7 mai 2019, Fissler/EUIPO (vita), T‑423/18, EU:T:2019:291, point 42 et jurisprudence citée].

36      Le choix, par le législateur de l’Union, du terme « caractéristique » met en exergue le fait que les signes visés à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 ne sont que ceux qui servent à désigner une propriété, facilement reconnaissable par le public pertinent, des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé. Ainsi, un signe ne saurait être refusé à l’enregistrement sur le fondement de cette disposition que s’il est raisonnable d’envisager qu’il sera effectivement reconnu par le public pertinent comme une description de l’une desdites caractéristiques [voir, en ce sens, arrêts du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 50, et du 3 juillet 2013, Airbus/OHMI (NEO), T‑236/12, EU:T:2013:343, point 32].

37      De plus, s’il est indifférent qu’une telle caractéristique soit essentielle ou accessoire sur le plan commercial, une caractéristique, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, doit néanmoins être objective et inhérente à la nature du produit ou du service ainsi qu’intrinsèque et permanente pour ce produit ou ce service (voir arrêt du 7 mai 2019, vita, T‑423/18, EU:T:2019:291, point 44 et jurisprudence citée).

38      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que la marque contestée était descriptive des produits en cause relevant de la classe 3.

39      Il convient de rappeler que, s’agissant de marques constituées de plusieurs éléments, un éventuel caractère descriptif peut être examiné, en partie, pour chacun de ces éléments, pris séparément, mais doit, en tout état de cause, être constaté également pour l’ensemble qu’ils composent. En effet, une marque constituée d’éléments dont chacun est descriptif des caractéristiques des produits ou des services qu’elle vise est elle‑même descriptive des caractéristiques de ces produits ou de ces services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, sauf s’il existe un écart perceptible entre cette marque et la simple somme des éléments qui la composent. Cela suppose que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits ou services, ladite marque crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui la composent. Ainsi, puisque le public pertinent percevra la marque demandée dans son ensemble, c’est le caractère éventuellement descriptif de l’ensemble de la marque, et non des différents éléments de celle-ci, pris isolément, qui importe [voir arrêt du 9 septembre 2020, Daw/EUIPO (SOS Loch- und Rissfüller), T‑626/19, non publié, EU:T:2020:399, point 31 et jurisprudence citée].

40      En premier lieu, s’agissant de la détermination du public pertinent et de son niveau d’attention, la chambre de recours a constaté que les produits en cause s’adressaient au grand public dont le niveau d’attention était moyen, même s’ils pouvaient être achetés par des professionnels ou des spécialistes. En outre, elle a considéré que le public pertinent se composait du public anglophone de l’Union, à savoir le public du Royaume-Uni, de l’Irlande, des pays scandinaves, des Pays-Bas, de la Finlande ou encore de Malte et de Chypre. Les parties n’ont pas contesté ces appréciations de la chambre de recours.

41      En ce qui concerne la perception de la marque contestée par le public pertinent, il ressort de la décision attaquée que, afin d’apprécier son caractère descriptif, la chambre de recours a, tout d’abord, pris en compte les trois éléments verbaux qui la composaient, à savoir « beauty » et « bio », écrits ensemble sans espace, ainsi que l’élément « science », placé en dessous en lettres roses plus petites. En particulier, elle a relevé que la définition dans la version en ligne de l’Oxford English Dictionnary, tout d’abord, du terme « beauty » était « qualité d’une personne (en particulier une femme) qui est très agréable à regarder ; perfection physique perçue ; harmonie attrayante des traits, de la silhouette ou du teint ; grâce, élégance ou charme exceptionnels de l’apparence », ensuite, la définition du terme « bio » était « formation de mots temporaires et de formations ad hoc ayant trait à la vie et aux organismes vivants (réels et fictifs) et (dans une utilisation ultérieure) à la biotechnologie ou à la durabilité environnementale » et, enfin, celle du terme « science » était « un domaine particulier de connaissances ou d’études ; une branche reconnue de l’apprentissage ».

42      En l’espèce, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours, que la marque contestée est composée des éléments « beauty » et « bio » écrits ensemble sans espace et du terme « science » écrit en dessous en lettres roses plus petites. Tout d’abord, s’agissant de l’élément « beauty », selon la jurisprudence, il s’agit d’un mot faisant partie du vocabulaire de base de la langue anglaise [arrêt du 10 février 2021, Biochange Group/EUIPO – mysuperbrand (medical beauty research), T‑98/20, non publié, EU:T:2021:69, point 60], qui est utilisé dans le domaine des produits « cosmétiques » [arrêt du 13 septembre 2010, Procter & Gamble/OHMI – Prestige Cosmetics (P&G PRESTIGE BEAUTE), T‑366/07, non publié, EU:T:2010:394 point 34].

43      Ensuite, s’agissant du mot « bio », il convient de rappeler que si, au sens strict, sa fonction première est d’indiquer un rapport avec la vie, les êtres vivants et leur étude ou encore des secteurs de production utiles pour l’homme, le Tribunal a toutefois déjà eu l’occasion de souligner que ce terme avait acquis un sens différent dans le langage courant. En particulier, dans le commerce, son utilisation comme préfixe ou suffixe a acquis aujourd’hui une portée hautement évocatrice, qui peut éventuellement être perçue d’une manière différente selon le produit mis en vente auquel il est rattaché, mais qui, de manière générale, renvoie à l’idée de respect de l’environnement, de l’utilisation de matières naturelles, voire de procédés de fabrication écologiques [voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2010, Kerma/OHMI (BIOPIETRA), T‑586/08, EU:T:2010:171, point 25, et du 21 février 2013, Laboratoire Bioderma/OHMI – Cabinet Continental (BIODERMA), T‑427/11, non publié, EU:T:2013:92, points 45 et 46].

44      Enfin, s’agissant du mot « science », la chambre de recours a, à juste titre, considéré qu’il pouvait être associé à la signification selon laquelle les produits en cause ont été élaborés en se basant sur la recherche scientifique.

45      En second lieu, il convient d’examiner si, conformément à la jurisprudence citée aux points 33 à 37 ci-dessus, il existe, du point de vue du public pertinent ainsi défini, un rapport suffisamment direct et concret entre la marque contestée et les produits en cause compris dans la classe 3.

46      En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la combinaison « beautybio science » est perçue de manière différente que chaque élément pris isolément, il convient de constater, à l’instar de la chambre de recours et des considérations précédentes, qu’il s’agit d’une simple combinaison de trois éléments descriptifs, de sorte que la marque contestée est descriptive dans son ensemble. En effet, ladite combinaison s’entend en rapport avec des produits de beauté ou des cosmétiques comme fournissant des informations selon lesquelles ces produits d’embellissement sont fabriqués de manière naturelle, à partir de matériaux naturels, dans le respect de la nature et de l’environnement, et qu’ils sont élaborés en se basant sur la recherche scientifique. Ainsi, il convient de constater que, au sens de la jurisprudence citée au point 39 ci-dessus, l’expression « beautybio science » ne crée pas auprès du public pertinent une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les trois éléments qui la composent.

47      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que la marque contestée désigne des caractéristiques des produits en cause compris dans la classe 3, à savoir qu’ils apportent la beauté ou l’améliore en étant des produits conçus de manière naturelle, biologique et écologique, élaborés en se basant sur la recherche scientifique. Ainsi que l’a considéré à juste titre la chambre de recours, il convient de constater que ce message est clair, direct et explicite et que, par conséquent, il existe bien, du point de vue du public pertinent, un lien suffisamment direct et concret entre la marque contestée et les produits en cause, au sens de la jurisprudence citée au point 33 ci-dessus.

48      Il résulte de ce qui précède que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que la marque contestée était descriptive des produits en cause compris dans la classe 3, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

49      Il y a lieu, dès lors, de rejeter le premier moyen.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement

50      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en considérant que la marque contestée était descriptive des produits en cause et qu’elle était, dès lors, dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

51      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

52      Ainsi qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, il suffit qu’un des motifs absolus de refus s’applique pour que le signe ne puisse être enregistré comme marque de l’Union européenne [arrêts du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, EU:C:2002:506, point 29, et du 7 octobre 2015, Chypre/OHMI (XAΛΛOYMI et HALLOUMI), T‑292/14 et T‑293/14, EU:T:2015:752, point 74].

53      En l’espèce, il résulte de l’examen effectué aux points 31 à 48 ci-dessus que le signe présenté à l’enregistrement revêt un caractère descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 et que ce motif justifie à lui seul le refus d’enregistrement contesté, de sorte qu’il n’est pas utile, en tout état de cause, d’examiner le bien‑fondé du moyen tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement (voir, en ce sens, ordonnance du 13 février 2008, Indorata-Serviços e Gestão/OHMI, C‑212/07 P, non publiée, EU:C:2008:83, point 28).

54      Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le second moyen et, partant, de rejeter le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande visant à rejeter la demande en nullité et maintenir l’enregistrement de la marque contestée, formulée dans la seconde partie du premier chef de conclusions de la requérante.

55      Par voie de conséquence, le deuxième chef de conclusions de la requérante visant à ce que la décision attaquée soit réformée pour les produits en cause doit également être rejeté.

 Sur les dépens

56      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

57      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’intervenante au cours de la procédure devant le Tribunal, conformément aux conclusions de cette dernière. En revanche, l’EUIPO n’ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’en cas de convocation à une audience, il convient, en l’absence d’organisation d’une audience, de décider que l’EUIPO supportera ses propres dépens.

58      En outre, la requérante et l’intervenante ont également présenté des conclusions tendant au paiement des dépens exposés devant l’EUIPO. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, seuls les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables.

59      Dès lors, les demandes de la requérante et de l’intervenante concernant les dépens afférents à la procédure de nullité, qui ne constituent pas des dépens récupérables, sont irrecevables [arrêt du 6 juin 2019, Torrefazione Caffè Michele Battista/EUIPO – Battista Nino Caffè (BATTISTINO), T‑221/18, non publié, EU:T:2019:382, point 76]. S’agissant des dépens relatifs à la procédure devant la chambre de recours, il suffit de relever que, étant donné que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaquée, c’est le dispositif de celle-ci qui continue à régler les dépens en cause [voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2019, Lotte/EUIPO – Générale Biscuit-Glico France (PEPERO original), T‑459/18, non publié, EU:T:2019:119, point 194]

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Beauty Biosciences LLC supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Société de Recherche Cosmétique SARLau cours de la procédure devant le Tribunal.

3)      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera ses propres dépens.

Spielmann

Mastroianni

Gâlea

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 février 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.