Language of document : ECLI:EU:T:2005:176

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

25 mai 2005(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale PC WORKS – Marque figurative national antérieure W WORK PRO – Refus d’enregistrement – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T-352/02,

Creative Technology Ltd, établie à Singapour (Singapour), représentée par MM. M. Edenborough, barrister, J. Flintoft, S. Jones et P. Rawlinson, solicitors,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mmes B. Holst Filtenborg et S. Laitinen , en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

José Vila Ortiz, demeurant à Valence (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 4 septembre 2002 (affaire R 265/2001-4), relative à une opposition entre Creative Technology Ltd et M. José Vila Ortiz,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de MM. H. Legal, président, P. Mengozzi et Mme I. Wiszniewska-Białecka, juges,

greffier : M. H. Jung,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 25 novembre 2002,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 8 avril 2003,

à la suite de l’audience du 24 novembre 2004,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1       Le 4 novembre 1997, la requérante a présenté une demande d’enregistrement d’une marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2       La marque dont l’enregistrement à été demandé est le signe verbal PC WORKS. Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « appareils pour l’enregistrement, la transmission et la reproduction du son ou des images, haut-parleurs, amplificateurs, lecteurs de disques, lecteurs de bandes, lecteurs de disques compacts, tuners et pièces et parties constitutives de tous les produits précités ».

3       La demande a été publiée, le 26 octobre 1998, au Bulletin des marques communautaires n° 81/98.

4       Le 22 janvier 1999, M. J. Vila Ortiz a formé une opposition à la demande de la requérante, en vertu de l’article 42 du règlement n° 40/94, en invoquant un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement. L’opposition portait sur l’ensemble des produits visés par la demande de marque de la requérante et était fondée sur la marque figurative nationale reproduite ci‑après :

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5       Cette marque avait été enregistrée le 10 octobre 1994 en Espagne pour des « équipements électroniques audio ; haut-parleurs ; appareils pour la reproduction du son ; radios ; télévisions et appareils vidéo », relevant de la classe 9.

6       Par décision du 26 janvier 2001, la division d’opposition a estimé qu’il existait un risque de confusion entre les signes en conflit et a, en conséquence, rejeté la demande de la requérante pour l’ensemble des produits.

7       Le 19 mars 2001, la requérante a introduit un recours à l’encontre de la décision de la division d’opposition (affaire R 265/2001). Dans ce recours, elle a modifié la description des produits visés par sa demande en y ajoutant la précision suivante : « tous les produits précités concernant les ordinateurs et le matériel informatique ».

8       Par décision du 4 septembre 2002 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a confirmé la décision de la division d’opposition et a rejeté le recours. La chambre de recours a considéré que la demande de marque et la marque antérieure visaient en substance la même catégorie de produits, à savoir les appareils électriques destinés à reproduire des sons ou des images, et que les signes en conflit étaient similaires sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

 Conclusions des parties

9       Lors de l’audience, la requérante a déclaré se désister de son chef de conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à l’OHMI de faire droit à sa demande de marque.

10     La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée et la décision de la division d’opposition ;

–       condamner l’OHMI aux dépens de la présente procédure ainsi qu’aux dépens exposés devant la chambre de recours et la division d’opposition.

11     L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12     À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation du règlement n° 40/94, en ce que la chambre de recours aurait à tort conclu à l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit.

 Arguments des parties

13     La requérante relève que la comparaison entre deux marques afin d’apprécier l’existence d’un risque de confusion doit être effectuée en tenant compte de l’impression d’ensemble produite par chacun des signes. En revanche, il ne serait pas permis, lors d’une telle appréciation, de décomposer les signes en conflit afin d’en comparer les différents éléments constitutifs, notamment lorsque, comme en l’espèce, d’une part, il n’existe aucun indice permettant de conclure que le public ciblé se livrerait à une telle opération et que, d’autre part, les éléments dont se composent les signes en conflit ont, en eux-mêmes, un faible caractère distinctif, ce dernier résidant, pour chacune des marques en cause, essentiellement dans l’impression d’ensemble produite par l’interaction de ces différents éléments. Il est également inapproprié, selon la requérante, de conférer une protection étendue à une marque lorsque cette protection se fonde sur l’un de ses éléments constitutifs qui est doté d’un faible caractère distinctif.

14     En l’espèce, la marque antérieure serait composée de trois éléments, la lettre « w », le mot « work » et le mot « pro », alors que la marque demandée comprendrait uniquement deux éléments, le mot « pc » et le mot « works ». Par ailleurs, alors que le caractère distinctif de la marque antérieure résulterait de l’interaction entre les éléments « w » et « work », le troisième composant jouant un rôle réduit dans l’impression d’ensemble produite par le signe, le caractère distinctif de la marque demandée reposerait sur l’interaction entre les mot « pc » et « works ».

15     Ainsi, la seule circonstance que les lettres composant le mot « work » sont communes aux deux signes en conflit ne suffirait pas à démontrer qu’il existe entre ces signes un risque de confusion.

16     S’agissant, notamment, de la comparaison entre les signes en conflit sur le plan visuel, la requérante fait observer que la marque antérieure est une marque figurative, alors que la marque demandée est une marque verbale. Elle souligne notamment que les trois éléments composant la marque antérieure sont disposés verticalement, l’élément constitué par la lettre « w » dominant l’impression d’ensemble, alors que les deux composants de la marque demandée sont disposés horizontalement.

17     Sur le plan phonétique, la marque antérieure serait désignée oralement soit par la prononciation successive des trois éléments « w  » « work »et « pro » qui la composent soit par la prononciation du seul mot « work », si l’on considère les éléments « w » et « pro » comme purement graphiques. En revanche, la marque demandée ne pourrait être désignée que par la prononciation conjointe des mots « pc works ». Quelle que soit la prononciation de la marque antérieure, celle-ci diffère, selon la requérante, de la marque demandée, la lettre « w » ne pouvant pas être confondue avec l’élément « pc » et le mot « work » n’étant pas susceptible d’être confondu avec l’élément verbal « pc works ».

18     Sur le plan conceptuel, la requérante estime que, à supposer que les mots « work » et « works » n’aient aucune signification pour le consommateur moyen espagnol, par rapport auquel le risque de confusion doit être apprécié, celui-ci ne sera pas amené à les associer et les considérera comme deux mots différents. En particulier, il ne sera pas en mesure de percevoir le mot « works » comme la forme plurielle du mot « work ». En revanche, selon la requérante, si l’on doit conclure que le public ciblé connaît suffisamment la langue anglaise pour saisir le sens de ces mots, il faudra admettre que celui-ci est également en mesure de s’apercevoir de la différente signification de ceux-ci.

19     En outre, la requérante souligne que les produits visés par la demande de marque de par leur nature font l’objet de décisions d’achat attentives de la part du consommateur pertinent, de sorte que celui-ci ne se déterminera à les acheter qu’après s’être assuré qu’ils correspondent effectivement à ses besoins. Cette circonstance réduirait ultérieurement le risque de confusion pour le public ciblé.

20     L’OHMI estime que la chambre de recours n’a commis aucune erreur de droit et qu’elle a correctement établi l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit.

 Appréciation du Tribunal

21     L’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 prévoit que, « sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure ».

22     Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement.

23     Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 31 à 33, et la jurisprudence citée].

24     En l’espèce, étant donné la nature des produits concernés, dont la désignation est reproduite aux points 2, 5 et 7 ci-dessus, le public ciblé, par rapport auquel l’analyse du risque de confusion doit s’effectuer, est composé de consommateurs moyens. Il résulte, en outre, de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 que le public ciblé est celui qui réside sur le territoire de l’État membre dans lequel la marque antérieure est protégée, à savoir, en l’espèce, l’Espagne.

25     Or, s’il est vrai que les produits offerts par la requérante, consistant en des pièces d’équipement audiovisuel à utiliser notamment en connexion avec un ordinateur, s’adressent à un public ayant des notions plus ou moins approfondies d’informatique et étant familiarisé avec l’utilisation de matériel électronique, il n’en reste pas moins que, à l’heure actuelle, l’offre et la consommation de tels produits et leur diffusion auprès d’un large public, composé essentiellement de jeunes, sont telles qu’ils ne peuvent pas être regardés comme réservés à un cercle restreint et spécialisé de consommateurs, bien qu’ils ne puissent pas être définis comme des produits de consommation de masse. De même, s’il est vrai que certains des produits concernés sont susceptibles, de par leur degré de sophistication et leur coût, de faire l’objet d’une décision d’achat plus attentive, cela ne vaut pas, ainsi qu’il a été à juste titre souligné par l’OHMI dans son mémoire en réponse, pour tous les produits en cause. Ainsi, il convient de considérer que le public ciblé est composé de consommateurs moyens normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés.

26     En application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et à la lumière des considérations qui précèdent, il y donc lieu de procéder à la comparaison, d’une part, des produits concernés et, d’autre part, des signes en conflit.

 Sur les produits en cause

27     Selon une jurisprudence constante, il y a lieu, pour apprécier la similitude entre les produits ou services en cause, de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent les rapports entre ces produits ou services. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Institut für Lernsysteme/OHMI – Educational Services (ELS), T‑388/00, Rec. p. II‑4301, point 51).

28     En l’espèce, l’opposition se fonde sur une marque antérieure enregistrée pour des produits relevant de la classe 9 et est dirigée contre l’enregistrement de la marque demandée pour des produits relevant de la même classe.

29     Il convient de relever que la requérante ne conteste pas la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les marques en cause visent en substance le même type de produits, à savoir des appareils électriques destinés à reproduire des sons et des images.

30     Cette conclusion doit être retenue.

31     La précision introduite, devant la chambre de recours (voir point 7 ci-dessus), par la requérante dans la désignation des produits visés par sa demande d’enregistrement, restreignant celle-ci aux seuls appareils et pièces d’équipement destinés à être utilisés en connexion avec des ordinateurs et du matériel informatique, ne modifie pas une telle appréciation. En effet, la seule circonstance que la même précision ne figure pas dans la description des produits de l’opposante ne suffit pas à infirmer la conclusion selon laquelle les produits en cause partagent la même nature et sont susceptibles d’avoir une même destination. À cet égard, il y a lieu de considérer, ainsi qu’il a été à juste titre relevé par l’OHMI au point 21 de son mémoire en réponse, que la description des produits désignés par la marque antérieure est suffisamment large pour comprendre également les produits visés par la marque demandée.

 Sur les signes en cause

32     En l’espèce, la marque antérieure consiste en un signe mixte, figuratif et verbal, composé de trois éléments disposés verticalement dont le premier est constitué par un signe reproduisant un disque noir dans lequel est inscrit un « w » majuscule et de couleur blanche, le deuxième consiste en le mot « work » écrit en lettres majuscules de couleur noire et le troisième consiste en un rectangle noir dans lequel sont inscrites trois petites lettres majuscules de couleur blanche, espacées, formant le mot « pro ». La marque demandée est constituée de l’élément verbal « pc works ».

33     En ce qui concerne, tout d’abord, la comparaison des deux marques en cause sur le plan visuel, il convient de rappeler, à titre liminaire, que le Tribunal a déjà précisé que rien ne s’oppose à ce que soit vérifiée l’existence d’une similitude visuelle entre une marque verbale et une marque figurative, étant donné que ces deux types de marques ont une configuration graphique capable de donner lieu à une impression visuelle [arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, Vedial/OHMI – France Distribution (HUBERT), T‑110/01, Rec. p. II‑5275, point 51].

34     Il y a ensuite lieu de rappeler que le Tribunal a jugé qu’une marque complexe, verbale et figurative, ne peut être considérée comme étant semblable à une autre marque, elle-même identique ou semblable à l’un des composants de la marque complexe, que si celui-ci constitue l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par la marque complexe. Tel est le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 33].

35     En l’espèce, il convient d’observer, tout d’abord, que l’un des éléments de la marque antérieure, à savoir le mot « work » est très semblable à l’un des éléments verbaux dont se compose la marque demandée.

36     Ensuite, il y a lieu de relever que, s’agissant de la comparaison visuelle des signes en cause, la chambre de recours a considéré que les mots « work » et « works » constituent, sur le plan visuel, les éléments dominants, respectivement, de la marque antérieure et de la marque demandée.

37     À cet égard, s’agissant, en premier lieu, de la marque antérieure, il convient de souligner que l’élément constitué par le mot « work » occupe une position centrale par rapport aux autres éléments graphiques du signe et constitue proportionnellement le composant le plus significatif en taille de celui-ci. En outre, l’élément graphique constitué par le rectangle noir contenant les lettres « pro », figurant juste en dessous du mot « work », produit, de par ses dimensions et sa couleur, un effet de surlignement, qui, d’une part, alimente l’impression que ledit élément n’a qu’une fonction secondaire par rapport à l’élément constitué du mot « work » et, d’autre part, contribue à renforcer l’impact visuel de ce dernier. Enfin, en ce qui concerne l’élément constitué par le disque noir contenant la lettre « w », il y lieu de considérer que son impact visuel est tout à fait moindre par rapport à celui de l’élément reproduisant le mot « work », en raison essentiellement de sa taille plus réduite. Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en concluant qu’un tel élément domine l’impression visuelle d’ensemble de la marque antérieure.

38     En ce qui concerne, en second lieu, la marque demandée, il y lieu de considérer le mot « works » comme dominant par rapport au mot « pc », qui, tout en étant le premier élément du signe, est néanmoins doté d’un impact visuel bien inférieur, du fait qu’il occupe une portion d’espace correspondant à un peu plus d’un tiers de celle occupée par le mot « works ». Par conséquent, ce n’est pas à tort que la chambre de recours a conclu que ce dernier constitue l’élément dominant l’impression visuelle d’ensemble de la marque demandée.

39     À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer qu’il existe une forte similitude visuelle entre les signes en conflit du fait que leurs éléments dominants se composent pour la plupart des mêmes signes graphiques, à savoir les lettres « w » « o » « r » et « k », disposées dans une même séquence, reproduisant le mot « work », et qu’ils diffèrent uniquement en ce que la marque demandée rajoute à cette séquence un signe de plus, à savoir la lettre « s ».

40     Sur le plan phonétique, la chambre de recours a considéré, tout comme l’OHMI dans son mémoire en réponse, qu’il est peu probable que les consommateurs espagnols désignent la marque de l’opposante en prononçant tous ses éléments verbaux, à savoir « w », « work » et « pro ». En effet, ne se livrant pas à une analyse en détail de la marque, ils auraient plutôt tendance à se concentrer sur le mot « work », en percevant l’élément constitué par la lettre « w » comme purement décoratif et en négligeant l’élément « pro » en raison de sa petite taille.

41     Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que la conclusion à laquelle a abouti la chambre de recours est le résultat d’une analyse combinant des critères d’appréciation à la fois visuels et phonétiques. Il importe donc d’examiner si une telle démarche s’avère compatible avec une correcte appréciation du degré de similitude entre deux marques en conflit, afin d’établir l’existence d’un éventuel risque de confusion.

42     À cet égard, il convient de relever que, au sens strict, la reproduction phonétique d’un signe complexe correspond à celle de tous ses éléments verbaux, indépendamment de leurs spécificités graphiques, qui relèvent plutôt de l’analyse du signe sur le plan visuel.

43     Cependant, dans le cadre de l’appréciation des similitudes visuelles, phonétiques et conceptuelles entre deux marques en conflit, visant à établir ou à exclure l’existence d’un risque de confusion pour le public pertinent, il y a lieu de tenir compte de l’impression d’ensemble produite sur le public ciblé par chacun des deux signes.

44     Or, dans le cas d’une marque complexe, verbale et figurative, les éléments verbaux sont à la fois des éléments figuratifs, qui, en fonction de leurs particularités graphiques, sont capables de produire un impact visuel plus ou moins accentué. Ainsi, dans le cas où un tel signe se compose de plusieurs éléments verbaux, il n’est pas exclu que certains d’entre eux soient susceptibles, par exemple à cause de leur taille, de leur couleur ou de leur position, d’attirer davantage l’attention du consommateur, de sorte que ce dernier, devant indiquer oralement le signe, sera amené à prononcer uniquement ces éléments et à négliger les autres. L’impression visuelle induite par les particularités graphiques des éléments verbaux d’un signe complexe est donc susceptible d’influencer la représentation sonore du signe.

45     En l’espèce, ainsi qu’il a été relevé au point 37 ci-dessus, le mot « work » domine l’impression visuelle d’ensemble de la marque antérieure et constitue l’élément verbal susceptible d’attirer davantage l’attention et d’être immédiatement perçu et facilement retenu. Les autres éléments verbaux du signe n’ont à cet égard qu’un moindre impact. En effet, d’une part, l’élément « pro » sera difficilement retenu à cause de sa petite taille et il ne sera pas immédiatement perçu en tant que mot, les trois lettres le composant étant très écartées les unes des autres. D’autre part, le signe « w », se composant d’une lettre isolée, qui, au demeurant, n’est pas d’usage très commun dans la langue espagnole, sera plutôt perçu comme un élément décoratif.

46     Il découle de ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant comme probable que le consommateur espagnol ciblé indique oralement la marque de l’opposante en prononçant uniquement le mot « work ». La comparaison sur le plan phonétique devant se faire entre la forme sonore des signes « work » et « pc works », il convient de conclure à l’existence d’une certaine similarité, les deux signes partageant dans une même séquence la plupart des lettres dont ils se composent.

47     La chambre de recours a conclu à l’existence d’une similitude entre les deux signes en conflit également sur le plan conceptuel, en admettant que le public concerné connaisse la signification des mots anglais « work » et « works ». Dans son mémoire en réponse, l’OHMI a précisé que les marques en cause évoquent une même idée, à savoir celle d’« un effort physique destiné à la réalisation de quelque chose ».

48     À cet égard, il convient tout d’abord de relever que le mot « pc » figurant dans la marque demandée revêt un caractère descriptif par rapport aux produits concernés, s’agissant, en anglais comme en espagnol, d’un sigle pour « ordinateur personnel ». Du point de vue conceptuel, l’élément distinctif de cette marque est donc constitué par le mot « works ». S’agissant de la marque antérieure, il y a lieu de considérer, pour des raisons analogues à celles exposées aux points 43 à 45 ci-dessus et en l’absence d’éléments figuratifs non verbaux dotés de force évocatrice autonome, que l’élément dominant sur le plan conceptuel est constitué par le mot « work ».

49     Ensuite, il y a lieu de considérer comme vraisemblable, ainsi que la requérante elle-même semble le reconnaître, l’assertion selon laquelle le public ciblé, étant composé de consommateurs familiarisés avec l’utilisation d’ordinateurs, a une connaissance de la langue anglaise suffisante pour comprendre la signification du mot « work » et pour reconnaître la forme plurielle de celui-ci dans le mot « works ».

50     Dans ces circonstances, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que les deux marques en conflit sont similaires également sur le plan conceptuel.

51     Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que, sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, la marque demandée et la marque antérieure sont similaires.

 Sur le risque de confusion

52     Il est de jurisprudence constante que l’appréciation du risque de confusion, qui doit être effectuée en tenant compte de tous les facteurs pertinents, doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants de celles-ci (arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C-251/95, Rec. p. I‑6191, point 23, et ELS, précité, point 62). En effet, le consommateur moyen du type de produit ou service en cause, dont la perception des marques joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale du risque de confusion, perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen des différents détails (arrêt SABEL, précité, point 23).

53     En l’espèce, compte tenu des similitudes entre les signes en conflit et du fait que ceux-ci désignent des produits de même nature, il y a lieu de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant qu’il existe, en l’espèce, un risque concret que le public pertinent puisse se méprendre quant à l’origine commerciale de ces produits.

54     Au vu de tout ce qui précède, les conclusions en annulation de la requérante doivent être rejetées.

 Sur les dépens

55     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

56     En vertu de l’article 136, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il n’en va pas de même des frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’opposition et la demande de la requérante tendant à ce que ces dépens lui soient remboursés doit être, en tout état de cause, écartée pour ce motif. Doit également être rejetée la demande de la requérante visant à ce que lui soient remboursés les dépens exposés aux fins de la procédure devant la chambre de recours, dès lors que les conclusions en annulation ont été rejetées.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante est condamnée aux dépens.

Legal

Mengozzi

Wiszniewska-Białecka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 mai 2005

Le greffier

 

       Le président

H. Jung

 

       H. Legal


* Langue de procédure : l'anglais.