Language of document : ECLI:EU:T:2005:188

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

31 mai 2005 (*)

« Fonctionnaires – Promotion – Article 45 du statut – Examen comparatif des mérites – Prise en considération de l’activité effective accomplie au cours de la période de référence – Prise en considération de l’âge et de l’ancienneté – Recours en annulation – Recours en indemnité »

Dans l’affaire T-284/02,

Triantafyllia Dionyssopoulou, ancienne fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Me J. Martin, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme M. Sims et M. F. Anton, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision de ne pas promouvoir la requérante au grade C 2 au titre de l’exercice de promotion 2001 et, d’autre part, une demande de réparation du préjudice que la requérante aurait subi en raison de cette décision,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme I. Labucka, juges,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 janvier 2005,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1       Aux termes de l’article 5 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable à la présente espèce (ci-après le « statut ») :

« 1. Les emplois relevant du présent statut sont classés, suivant la nature et le niveau des fonctions auxquelles ils correspondent, en quatre catégories désignées dans l’ordre hiérarchique décroissant par les lettres A, B, C, D.

[…]

La catégorie C comporte cinq grades regroupés en carrières généralement étalées sur deux grades et correspondant à des fonctions d’exécution nécessitant des connaissances du niveau de l’enseignement moyen ou une expérience professionnelle d’un niveau équivalent.

[…]

3. Les fonctionnaires appartenant à une même catégorie ou à un même cadre sont soumis respectivement à des conditions identiques de recrutement et de déroulement de carrière.

4. La correspondance entre les emplois types et les carrières est établie au tableau figurant à l’annexe I.

Sur la base de ce tableau, chaque institution arrête, après avis du comité du statut visé à l’article 10, la description des fonctions et attributions que comporte chaque emploi type. »

2       L’article 45, paragraphe 1, premier alinéa, du statut prévoit :

« La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur de la catégorie ou du cadre auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l’objet. »

 Faits à l’origine du litige

3       Le 16 janvier 1982, la requérante est entrée au service du secrétariat général du Conseil, au sein du pool grec, en tant que fonctionnaire de grade C 5, échelon 3, et en qualité de secrétaire-dactylographe. Le 1er février 1983, elle a été promue au grade C 4. Le 1er février 1984, après concours interne, elle a été promue au grade C 3, échelon 1.

4       Depuis 1987, la requérante est atteinte d’une maladie ophtalmologique. Dans une note du 28 mars 1990, le Dr B., médecin-conseil, a constaté que, « d’une part, [elle était] inapte au travail sur écran de visualisation et, d’autre part, [elle ne pouvait] effectuer [à plein temps] un travail de dactylographie ». En conséquence, entre janvier 1989 et avril 1995, la requérante a travaillé à mi-temps. Par note du 26 janvier 1995, le Dr B. a informé M. T., directeur du personnel et de l’administration du Conseil, que la requérante était « apte à un travail [à plein temps] pour autant que la frappe dactylographique et le travail sur écran représentent moins de la moitié du temps de travail ». Ensuite, la requérante a repris ses activités à temps plein.

5       Le 24 avril 1995, la requérante a été détachée, à titre provisoire, à la direction générale A, direction III, service diffusion. Le 10 mai 1995, le Dr G., médecin-conseil, a adressé une note à M. T. dans laquelle il indiquait que la requérante s’était plainte auprès de lui du fait que la charge de travail au sein du service diffusion était trop lourde pour elle sur le plan physique. Selon le Dr G., un poste à l’enregistrement pouvait être envisagé pour la requérante en ce qu’il « permet la variation des tâches, [en ce que] la dactylographie ne se fait pas sur écran, [en ce que] le travail n’est pas répétitif et [en ce qu’il] demande certaines qualifications tant linguistiques que de gestion et de responsabilité ».

6       À la suite de cette note, la requérante a été détachée, à titre provisoire, le 15 mai 1995, à la coordination générale. Elle travaillait au service courrier, enregistrant le courrier entrant et sortant au secrétariat général du Conseil, et acheminant le courrier vers des services de la coordination centrale pour analyse et vers les services internes, l’administration et les archives centrales après traitement.

7       Dans le cadre de l’exercice de promotion 2001, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a annoncé, dans la communication au personnel n° 160/01 du 11 décembre 2001, sa décision de donner suite aux propositions de la commission consultative de promotion (ci-après la « CCP »). Celle-ci avait proposé un total de 30 fonctionnaires pour la promotion, ce qui correspondait au total des possibilités de promotion au grade C 2 pour l’année 2001. La requérante n’était pas reprise sur la liste des fonctionnaires proposés pour la promotion et n’a donc pas été promue. Le 13 février 2002, elle a introduit une réclamation auprès du secrétariat général du Conseil fondée sur l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision de l’AIPN de ne pas la promouvoir au grade C 2 pour l’année 2001 (ci-après la « décision attaquée »).

8       Par décision du 12 juin 2002, l’AIPN a rejeté la réclamation. Dans cette décision, l’AIPN expose :

« […]

Même si votre rapport de notation est bon, l’examen comparatif des mérites a montré que d’autres candidats à la promotion étaient plus méritants. Sans élément pertinent démontrant une lacune ou une irrégularité dans le cadre de la procédure suivie, je ne suis pas en mesure de changer le résultat de ces travaux.

[…]

Il y a lieu de constater que le statut ne confère aucun droit à la promotion, même aux fonctionnaires qui réunissent toutes les conditions pour pouvoir être promus. La jurisprudence confirme que ce n’est qu’à titre subsidiaire que l’AIPN peut prendre en considération l’âge des candidats et leur ancienneté dans le grade ou dans le service. Quant à l’appréciation des mérites, la jurisprudence confirme que l’AIPN n’est pas tenue de se baser uniquement sur les rapports de notation des candidats mais peut également fonder son appréciation sur d’autres aspects des mérites des fonctionnaires, tels que d’autres informations concernant leur situation administrative et personnelle, de nature à relativiser l’appréciation portée uniquement au vu des rapports de notation (arrêts du Tribunal du 25 novembre 1993, X/Commission, T‑89/91, T‑21/92 et T‑89/92, Rec. p. II‑1235, points 49 et 50, et du 21 octobre 1997, Patronis/Conseil, T‑168/96, RecFP p. I‑A‑299 et II‑833, point 35).

L’AIPN peut donc légalement prendre en considération, à titre subsidiaire, tous autres mérites étant égaux, la période d’activité effective des fonctionnaires promouvables pour les départager (voir arrêt Patronis/Conseil, précité, point 34), comme cela est prévu au secrétariat général du Conseil par l’avis amendé de la commission paritaire du 11 novembre 1997, publié dans la communication au personnel n° 159/98 en date du 27 novembre 1998. Compte tenu du nombre réduit de postes budgétaires disponibles, vos 143 jours d’absence pour maladie ont été pris en considération à titre subsidiaire. Il a été considéré en l’espèce que ce nombre de jours avait substantiellement écourté la durée effective de vos services et que les absences avaient excédé largement celles de chacun des fonctionnaires promus.

[…] »

 Procédure et conclusions des parties

9       Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 septembre 2002, la requérante a introduit le présent recours.

10     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 19 janvier 2005.

11     La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée ;

–       condamner le Conseil à lui payer la somme de 300 000 euros en réparation de tous préjudices confondus ;

–       à titre subsidiaire, accéder à sa demande de mesures d’instruction tendant à l’audition de témoins ;

–       condamner le Conseil aux dépens.

12     Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner chacune des parties à supporter ses propres dépens.

 Sur les conclusions en annulation

13     À l’appui de son recours en annulation, la requérante invoque deux moyens. Le premier est tiré d’une violation de l’article 45 du statut et d’une erreur manifeste dans la comparaison des mérites des fonctionnaires susceptibles d’être promus. Le second est tiré du prétendu harcèlement de la requérante.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 45 du statut et d’une erreur manifeste d’appréciation

14     Ce moyen se compose de trois griefs. Le premier grief est tiré de l’ancienneté dans le grade de la requérante. Le deuxième grief est tiré d’une contradiction entre la « maîtrise » de la requérante et son maintien au grade C 3. Le troisième grief est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation des mérites.

 Sur le premier grief, tiré de l’ancienneté dans le grade de la requérante

–       Arguments des parties

15     La requérante fait valoir que, eu égard à son âge et à son ancienneté dans le grade de 18 ans, à ses fonctions et à la qualité de ses notations, le refus persistant de la promouvoir, plus particulièrement, au titre de l’exercice 2001, est de nature à constituer un indice d’erreur manifeste d’appréciation et possiblement d’une discrimination. Elle avance, sous ce grief, que le refus persistant de la promouvoir est de nature à constituer non la preuve mais un indice d’une erreur manifeste d’appréciation, permettant d’écarter la présomption de légalité attachée aux actes des institutions communautaires. La requérante se demande « s’il est normal, au regard de la vocation à la carrière, sous-jacente dans le statut, que le fonctionnaire doté de notations de qualité stagne durant dix-sept années au même grade et se situe finalement dans le couloir inférieur des promotions de son grade ».

16     Le Conseil conteste l’argumentation de la requérante. Il fait notamment valoir que toute l’argumentation développée par cette dernière pour démontrer un prétendu refus persistant de la promouvoir ainsi que toutes ses allégations au sujet des faits ou des décisions de non-promotion antérieurs à l’exercice 2001 sont sans pertinence. Ainsi, l’allégation de la requérante selon laquelle l’absence de promotion pendant une période de 18 ans est un « indice » d’erreur manifeste d’appréciation de la part de l’AIPN serait sans pertinence dans le cadre de la présente affaire.

17     Il rappelle que, bien que, comme le Tribunal l’a précisé, le principe de vocation à la carrière impose aux institutions l’obligation du « maintien des chances d’évolution de carrière des intéressés conformément aux dispositions du statut » (arrêt du Tribunal du 26 juin 1996, De Nil et Impens/Conseil, T‑91/95, RecFP p. I‑A‑327 et II‑959, point 35), le statut ne confère toutefois aucun droit à la promotion, même aux fonctionnaires qui réunissent toutes les conditions pour pouvoir être promus (arrêt du Tribunal du 18 décembre 1997, Delvaux/Commission, T‑142/95, RecFP p. I‑A‑477 et II‑1247, point 39).

–       Appréciation du Tribunal

18     Il est de jurisprudence constante que, pour évaluer les mérites à prendre en considération dans le cadre d’une décision de promotion au titre de l’article 45 du statut, l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation et le contrôle du juge communautaire doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et aux moyens qui ont pu conduire l’administration à son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le Tribunal ne saurait donc substituer son appréciation des qualifications et mérites des candidats à celle de l’AIPN (arrêts du Tribunal du 6 juin 1996, Baiwir/Commission, T‑262/94, RecFP p. I‑A‑257 et II‑739, point 66, et du 9 avril 2003, Tejada Fernández/Commission, T‑134/02, RecFP p. I‑A‑125 et II‑609, point 41).

19     Il est également de jurisprudence constante que le statut ne confère aucun droit à une promotion, même aux fonctionnaires qui réunissent toutes les conditions pour pouvoir être promus (arrêts Baiwir/Commission, précité, point 66, et Tejada Fernández/Commission, précité, point 41). Pour un candidat, ni le fait d’avoir assuré l’intérim dans l’emploi concerné ni une longue période de service dans le grade inférieur ne constituent des éléments d’appréciation décisifs pouvant l’emporter sur l’intérêt du service, qui constitue le critère déterminant pour le choix parmi les candidats à une promotion (arrêt de la Cour du 5 février 1987, Huybrechts/Commission, 306/85, Rec. p. 629, point 10, et arrêt du Tribunal du 29 mai 1997, Contargyris/Conseil, T‑6/96, RecFP p. I‑A‑119 et II‑357, point 121).

20     L’AIPN est appelée à faire un examen comparatif des mérites des candidats dans le cadre de chaque exercice de promotion. Le fait qu’un candidat ait de bons mérites mais n’ait pas été promu lors d’un exercice antérieur ne lui garantit pas qu’il sera promu lors de l’exercice suivant et n’implique aucune présomption concernant l’appréciation de ses mérites lors d’un exercice ultérieur. En effet, une décision de promotion dépend non des seules qualifications et capacités du candidat mais de leur appréciation en comparaison de celles des autres candidats ayant vocation à être promus, et ce lors de chaque nouvel exercice de promotion.

21     En l’espèce, il ressort de la réponse de l’AIPN du 12 juin 2002 à la réclamation de la requérante que, même si le rapport de notation de cette dernière était bon, « l’examen comparatif des mérites a[vait] montré que d’autres candidats à la promotion étaient plus méritants » (voir point 8 ci-dessus). Or, la requérante n’a nullement démontré que l’AIPN a commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant de la promouvoir de préférence à une des 30 personnes qui ont été promues. En effet, ses écritures ne contiennent aucun élément concret susceptible de remettre en question le bien-fondé de la comparaison des mérites effectuée par l’AIPN.

22     De plus, au vu de la jurisprudence invoquée au point 19 ci-dessus, l’âge et l’ancienneté de la requérante n’entraînent pas un renversement de la présomption de validité s’attachant à la décision attaquée et ne sont pas des indices d’une erreur manifeste.

23     Il y a lieu d’ajouter qu’il ressort du dossier que près de la moitié des 30 personnes qui ont été promues étaient plus âgées que la requérante. Il s’ensuit que l’affirmation de celle-ci selon laquelle il y aurait eu une discrimination eu égard à son âge ne saurait être retenue.

24     Il s’ensuit que le premier grief doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le deuxième grief, tiré de la contradiction entre la « maîtrise » de la requérante et son maintien au grade C 3

–       Arguments des parties

25     La requérante estime qu’il y a une contradiction entre sa « maîtrise » et son maintien au grade C 3. Elle relève que l’article 5, paragraphe 4, du statut renvoie à un tableau à l’annexe I du statut, qui établit la correspondance entre les emplois types et les carrières et qui fixe la correspondance entre le grade C 2 et l’emploi type « secrétaire et sténodactylographe ». Il ressortirait de ses rapports de notation et d’autres éléments de preuve qu’elle accomplissait parfaitement des tâches relevant de la fonction de secrétaire.

26     Dans sa réplique, la requérante critique l’allégation du Conseil selon laquelle elle n’accomplit pas des tâches de secrétaire. L’administration aurait dû prendre en compte sa situation pour lui permettre d’utiliser ses potentialités par un travail à temps plein. Cependant, depuis 1993, et malgré les conseils des propres médecins-conseils, le Conseil n’aurait fait aucune tentative à cet égard. Dès lors, la requérante aurait été laissée dans une situation humiliante et indigne des éminentes qualités que l’administration elle-même reconnaissait qu’elle possédait dans les appréciations des notations.

27     Le chef de la centrale dactylographique aurait précisé le 2 juillet 1996, en ce qui concerne le rapport de notation de la requérante pour la période 1993/1995, que « son exonération, pour raisons de santé, du travail sur ordinateur ne lui [avait] pas permis pendant sa permanence au pool grec d’être appréciée comme elle l’aurait mérité ». Dans son rapport de notation pour la période 1987/1989, l’administrateur principal Mme M. aurait émis « une réserve sur le lien établi par Mme P. dans la partie générale entre les absences pour cause de maladie et la ‘défaillance de la contribution de [la requérante]’ ».

28     L’utilisation de données médicales concernant la requérante serait une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1). Cet article ne permettrait l’usage de données médicales que si elles sont traitées « loyalement et licitement ». Si la requérante n’avait pu participer pleinement à toutes les tâches du service, ce serait seulement en raison d’absences justifiées pour raisons médicales. Il serait déloyal de faire usage de données médicales pour prétendre que les absences de la requérante établiraient un lien avec sa contribution au service et son rendement.

29     La requérante aurait déjà constaté, dans sa note du 2 octobre 1991, jointe à son rapport de notation pour la période 1989/1991, que Mme P., sa supérieure hiérarchique, refusait de l’affecter à la coordination du pool, qui était l’unique solution pour qu’elle puisse reprendre ses fonctions à temps plein et lui offrir la meilleure occasion de prouver qu’elle disposait de toutes les qualifications professionnelles requises, en attendant la réponse à ses demandes répétées de changement d’affectation. Par ailleurs, la requérante affirme qu’il ne peut pas être contesté que, espérant correspondre aux exigences du service malgré son état de santé, elle ne désirait pas s’installer dans un « système d’exemption ». Il ressortirait de ses rapports qu’elle a, en fait, travaillé sur des traitements de texte.

30     Selon la requérante, il découle de ce qui précède qu’elle n’a pas été soumise à des conditions identiques de déroulement de carrière par rapport à ses collègues, ni d’une manière générale ni jusqu’à la période de promotion faisant l’objet du présent recours. En effet, son « rendement » aurait été évalué de la même manière que ses collègues  alors qu’elle se trouvait dans une situation juridique et médicale différente du fait de ses problèmes de santé.

31     Le Conseil prétend que ce grief est non fondé en ce que les éléments invoqués ne sont pas de nature à démontrer que l’AIPN a violé une disposition du statut, en particulier l’article 5, ou un quelconque principe de droit, ni qu’elle a commis une erreur manifeste d’appréciation.

–       Appréciation du Tribunal

32     L’argument de la requérante selon lequel il y aurait « une contradiction entre [sa] maîtrise et [son] maintien au grade C 3 » se fonde sur un tableau figurant à l’annexe I du statut, qui établit la correspondance entre les emplois types et les carrières et qui fixe la correspondance entre le grade C 2 et l’emploi type « secrétaire et sténodactylographe ».

33     Il suffit de constater, à cet égard, que l’annexe I du statut prévoit que la carrière C 2/C 3 englobe les fonctions de secrétaire sténodactylographe et de commis. La copie de l’annexe I du statut jointe à la réplique correspond à l’annexe I contenue dans la version du statut de mars 1992 et n’est donc pas applicable en l’espèce.

34     Dans sa réplique, la requérante expose que l’article 5, paragraphe 3, du statut n’a pas été respecté lors de l’examen comparatif des mérites en ce que, d’une part, l’AIPN aurait dû l’affecter à des tâches différentes lorsqu’elle travaillait au sein du pool grec, entre 1987 et 1995, pour lui permettre d’utiliser ses potentialités par un travail à plein temps et, d’autre part, sa réaffectation au service courrier de la coordination générale en 1995 a porté atteinte à ses possibilités de promotion.

35     À cet égard, le Tribunal rappelle que l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal dispose que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Or, le grief de la requérante tiré d’une violation de l’article 5, paragraphe 3, du statut ne constitue pas une ampliation du premier moyen énoncé antérieurement dans la requête, mais un grief entièrement nouveau et est, dès lors, irrecevable.

36     En tout état de cause, ce grief est dépourvu de pertinence dans le cadre du présent recours en ce que la requérante n’a pas démontré que le fait que des tâches différentes ne lui aient pas été confiées entre 1987 et 1995 et sa réaffectation au service courrier de la coordination générale en 1995 ont eu un impact sur ses perspectives de promotion lors de l’exercice de promotion de 2001. Au vu du temps écoulé, la non-affectation de la requérante à d’autres tâches entre 1987 et 1995 n’est certainement pas pertinente à cet égard. Quant à sa réaffectation à la coordination générale en mai 1995, il convient de constater que la requérante n’a jamais soulevé d’objection à l’encontre de celle-ci et qu’il ressort de ses propres rapports de notation qu’elle a pu démontrer ses qualités professionnelles dans son nouveau poste. En outre, selon le DG., ce poste était bien adapté à ses capacités (voir point 5 ci-dessus). Il y a lieu d’ajouter que la requérante n’a pas établi que les tâches qu’elle a exercées pendant la période de référence pour l’exercice de promotion 2001 n’ont pas été considérées sur un pied d’égalité avec celles exercées par les autres fonctionnaires ayant vocation à la promotion au grade C 2 lors de l’examen comparatif de leurs mérites respectifs.

37     En ce qui concerne l’affirmation de la requérante selon laquelle l’usage de ses données médicales viole l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 45/2001, celle-ci est irrecevable dès lors qu’elle n’a été formulée ni dans la réclamation ni dans la requête et que la requérante n’explicite pas les éléments sur lesquels elle fonde cette affirmation ni la pertinence dudit règlement en l’espèce. 

38     Enfin, s’agissant de l’argument selon lequel le rendement de la requérante a été évalué de façon identique par rapport à ses collègues alors qu’elle se trouvait dans une situation juridique et médicale différente du fait de ses problèmes de santé, il convient de noter que, comme le relève à juste titre le Conseil, l’AIPN est obligée, en vertu de l’article 5, paragraphe 3, du statut, de soumettre les fonctionnaires appartenant à une même catégorie ou à un même cadre à des conditions identiques de déroulement de carrière. En conséquence, la requérante ne saurait prétendre à un droit à un traitement différencié par rapport à tout autre fonctionnaire ayant vocation à la promotion au grade C 2 en raison d’une situation juridique et médicale différente du fait de ses problèmes de santé.

39     Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’écarter le deuxième grief de la requérante.

 Sur le troisième grief, tiré d’une erreur manifeste dans l’appréciation des mérites

–       Arguments des parties

40     La requérante relève, tout d’abord, qu’il ressort de la décision portant rejet de la réclamation du 12 juin 2002 que l’AIPN a pris en considération, « à titre subsidiaire, tous autres mérites étant égaux », la période d’activité effective de la requérante (voir point 8 ci-dessus). En agissant ainsi, l’AIPN aurait méconnu l’annexe de l’avis rendu par la commission paritaire du 16 juillet 1993 selon laquelle l’absence pour maladie ne devrait pas constituer un élément à prendre en considération par les commissions consultatives de promotion. Dès lors, les 143 jours d’absence pour maladie de la requérante, s’étalant sur trois années, n’auraient pu être pris en considération pour l’appréciation de ses mérites.

41     Selon la requérante, sa situation n’est pas comparable à celle de la requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Patronis/Conseil, précité. Dans cette dernière affaire, l’intéressée serait venue deux à trois après-midis par semaine pour assurer le bon fonctionnement de sa section. La requérante, elle, aurait dû s’absenter seulement trois heures par semaine « ou les récupérait dans la même semaine ». Compte tenu de sa rapidité d’exécution, vantée dans les rapports de notation, ses absences ne seraient pas de nature à rendre son rendement inférieur à celui de tout autre fonctionnaire méritant moins apte à la rapidité d’exécution et à l’efficacité. La requérante souligne que, bien qu’elle ait été gênée par la maladie, elle luttait avec courage et constance pour maintenir la qualité de ses services durant plusieurs années.

42     Dans sa réplique, la requérante prétend que, si l’avis du 16 juillet 1993 de la commission paritaire a été modifié le 27 novembre 1998, jusqu’à cette dernière date toutefois, cet avis n’avait pas été respecté à son égard. Conformément à la jurisprudence, ledit avis constituerait une règle de conduite indicative que l’administration s’impose à elle-même et dont elle ne peut s’écarter sans en préciser les raisons qui l’ont amenée à le faire, sous peine d’enfreindre le principe de l’égalité de traitement (arrêt du Tribunal du 9 juillet 1997, Monaco/Parlement, T‑92/96, RecFP p. I‑A‑195 et II‑573, point 46). La requérante ajoute que la méconnaissance de l’avis du 16 juillet 1993 jusqu’au 27 novembre 1998 a pu exercer une influence notable sur l’évolution de sa carrière au travers des rapports de notation qui s’influencent nécessairement tandis que le fonctionnaire concerné subit les effets psychologiques de l’incertitude et de l’inquiétude résultant de la discrimination.

43     Par ailleurs, la requérante considère que le nouvel avis du 11 novembre 1997 qui a été amendé en date du 12 novembre 1998 et a été publié dans la communication au personnel nº 159/98 du 27 novembre 1998 est contraire à l’économie générale du statut qui est fondée sur le principe de non-discrimination et d’égalité entre hommes et femmes en vue de remédier aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes dans les domaines couverts par le statut. Une règle de conduite adoptée par une institution et qui restreint, en violation du statut, l’exercice d’un droit statutaire de ses agents ne saurait être considérée comme conforme au statut du seul fait que l’AIPN se réserve la possibilité de prendre des décisions discrétionnaires dans des cas particuliers (arrêt du Tribunal du 8 novembre 1990, Bataille e.a./Parlement, T‑56/89, Rec. p. II‑597, point 49).

44     La requérante ajoute que la décision portant rejet de sa réclamation se réfère aux absences dans le chef des fonctionnaires promus sans préciser s’il s’agit d’absences pour maladie ou d’absences volontaires. Cette distinction pourrait être déterminante pour l’appréciation comparative des mérites sur la base du principe que l’on ne peut comparer que des choses comparables. Dès lors, la requérante demande au Tribunal de contrôler le nombre et la nature des absences des candidats promus pour les trois années en cause.

45     La requérante ajoute qu’il ressort du guide de la notation du Conseil figurant dans la communication au personnel n° 99/89 du 28 juillet 1989 que des considérations extérieures à l’exercice des fonctions de l’intéressé sont proscrites (II.B.3). En outre, ce guide ne mentionnerait pas de considération d’ordre médical pouvant affecter le « rendement du fonctionnaire » (II.B.3.d.4) et notamment, comme dans le cas présent, lorsque c’est le médecin-conseil lui-même qui a conseillé la requérante et a demandé à l’administration qu’elle soit détachée au service en question sans que cela puisse affecter, selon lui, son rendement.

46     Le Conseil conteste le bien-fondé de l’argumentation de la requérante. Il se déclare disposé à fournir au Tribunal toutes les données demandées par la requérante, dont les relevés d’absences des fonctionnaires promus.

–       Appréciation du Tribunal

47     Dans le cadre du troisième grief du présent moyen, la requérante soutient, en substance, que l’AIPN n’était pas en droit de tenir compte de ses jours d’absence dans l’appréciation des mérites des candidats à la promotion. Elle invoque, à cet égard, l’avis rendu par la commission paritaire du 16 juillet 1993 selon lequel l’absence pour maladie ne devrait pas constituer un élément à prendre en considération par les commissions consultatives de promotion.

48     Force est de constater que l’avis de la commission paritaire du 16 juillet 1993, invoquée par la requérante, a été annulé et remplacé par un avis du 11 novembre 1997, qui a été amendé en date du 12 novembre 1998 et a été publié dans la communication au personnel n° 159/98 du 27 novembre 1998. Selon ce dernier avis, l’AIPN est en droit de prendre en considération « à titre subsidiaire, tous autres mérites étant égaux, la période d’activité effective des fonctionnaires promouvables pour les départager ». Dès lors, chaque CCP est autorisé à consulter, à titre subsidiaire, tous autres mérites étant égaux, des relevés récapitulatifs des congés pour raison de maladie ou d’accident portant sur les trois dernières années de tous les fonctionnaires promouvables.

49     Dans sa réplique, la requérante affirme que même si l’avis du 16 juillet 1993 de la commission paritaire a été modifié le 27 novembre 1998, jusqu’à cette dernière date, cet avis n’avait pas été respecté à son égard. Cet argument ne saurait être retenu, dès lors que le présent recours vise seulement la non-promotion de la requérante lors de l’exercice de promotion 2001 et non des exercices antérieurs.

50     Il y a également lieu de rejeter l’argumentation de la requérante selon laquelle l’avis du 27 novembre 1998 constitue une violation des principes de non-discrimination et d’égalité des chances entre hommes et femmes. En effet, tous les fonctionnaires promouvables sont considérés sur un pied d’égalité en application dudit avis. Il y a lieu d’ajouter à cet égard que le Tribunal a jugé dans son arrêt Patronis/Conseil, précité, que, compte tenu du nombre réduit de postes budgétaires disponibles, le Conseil avait légalement pris en considération, à titre subsidiaire, la période d’activité effective de la requérante dans cette affaire (points 34 et 35).

51     Il s’ensuit que, en l’espèce, l’AIPN était, par principe, en droit de prendre en considération, à titre subsidiaire, la période d’activité effective des candidats à la promotion. Il convient de noter, à cet égard, que seul un nombre réduit de postes budgétaires était disponible, à savoir 30 postes au total pour 174 fonctionnaires.

52     Par ailleurs, il y a lieu de relever que la possibilité pour l’AIPN de prendre en considération à titre subsidiaire les périodes d’activité effective de certains fonctionnaires promouvables pour les départager n’implique pas qu’elle est obligée d’effectuer une telle répartition selon un calcul strict des périodes d’absence respectives. Elle est en droit de tenir compte, ce faisant, des circonstances particulières des fonctionnaires concernés qui sont à l’origine des absences.

53     Dans sa réplique, la requérante reproche à l’AIPN d’avoir, dans la réponse à la réclamation, fait référence aux absences des fonctionnaires sans préciser s’il s’agissait d’absences pour maladie ou d’absences volontaires. En réponse à la demande de la requérante visant à ce que le Tribunal contrôle le nombre et la nature des absences en question dans le chef des fonctionnaires promus, le Conseil a communiqué au Tribunal en annexe à la duplique un tableau des congés de maladie cumulés des 30 fonctionnaires promus pendant la période de trois ans de 1998 à 2001.

54     Il ressort de ce tableau qu’un seul des 30 fonctionnaires promus avait un total d’absences (148 jours) très proche de celui de la requérante (143 jours). À supposer même que ce fonctionnaire ait figuré parmi les fonctionnaires qu’il a fallu départager en raison de leurs mérites égaux, ce qui n’a pas été établi, il n’en résulte pas que la requérante aurait dû être promue à sa place. L’AIPN était en droit de prendre en considération la nature et la cause des absences. À cet égard, il convient de faire observer que 72 jours d’absence dudit fonctionnaire étaient dus à un accident.

55     Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que la requérante n’a pas démontré d’erreur manifeste d’appréciation de la part de l’AIPN dans la comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables.

56     Partant, le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le second moyen, tiré du harcèlement de la requérante

 Arguments des parties

57     La requérante prétend qu’il ressort du statut et de la jurisprudence que le fonctionnaire doit être respecté, aidé si nécessaire et même faire l’objet de sollicitude s’il est confronté à des difficultés indépendantes de sa volonté (arrêts du Tribunal du 16 mars 1993, Blackman/Parlement, T‑33/89 et T‑74/89, Rec. p. II‑249, point 96, et du 16 juillet 1998, Y/Parlement, T‑144/96, RecFP p. I‑A‑405 et II‑1153, point 48). Bien que l’obligation d’assistance prévue par l’article 24 du statut soit conçue avant tout en vue de protéger les fonctionnaires contre des attaques émanant de tiers, cette obligation existerait également dans le cas où l’auteur des faits envisagés par cette disposition est un autre fonctionnaire de la Communauté (arrêt du Tribunal du 11 octobre 1995, Baltsavias/Commission, T‑39/93 et T‑553/93, RecFP p. I‑A‑233 et II‑695, point 58).

58     La requérante renvoie à la résolution du Parlement européen sur le harcèlement au travail (2001/2339/DIN) du 31 janvier 2002 qui définit le harcèlement comme étant « toute conduite abusive de la part d’un individu ou d’un groupe de personnes, se manifestant de façon durable, répétitive et/ou systématique par des comportements, des paroles, des actes, des gestes et des écrits qui peuvent porter atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne ».

59     La requérante prétend que, entre 1982 et 1995, elle a fait l’objet d’une « inimitié radicale et d’une hostilité constante » de la part de Mme P. Ce harcèlement aurait été intentionnel et personnel. La requérante cite plusieurs exemples à l’appui de son affirmation. Elle reproche notamment à ses supérieurs hiérarchiques d’avoir :

–       ignoré/méconnu sa situation médicale ;

–       refusé de lui confier un travail autre que dactylographique ;

–       contrarié l’évolution de sa carrière.

60     Le Conseil fait observer que ce grief n’est tiré d’aucune violation d’un article spécifique du statut ni d’un principe général du droit. De plus, il conteste la pertinence d’un tel grief dans le cadre d’une affaire dirigée uniquement contre une décision de non-promotion. Les faits allégués par la requérante au soutien de son grief ne seraient pas pertinents parce qu’ils ne se sont pas déroulés pendant la période couverte par l’exercice de promotion 2001, à savoir 1997 à 1999, mais pendant une période antérieure à celui-ci.

 Appréciation du Tribunal

61     Lors de l’audience, le Conseil a excipé de l’irrecevabilité de ce moyen au motif qu’il n’avait pas été soulevé dans la réclamation. Bien que cette fin de non-recevoir n’ait pas été soulevée dans les écritures, elle doit être examinée, dès lors que la question de la concordance entre la réclamation et le recours est d’ordre public (arrêts du Tribunal du 29 mars 1990, Alexandrakis/Commission, T‑57/89, Rec. p. II‑143, point 8, et du 16 juillet 1992, Della Pietra/Commission, T‑1/91, Rec. p. II‑2145, point 25).

62     Dans les recours intentés par des fonctionnaires, les conclusions devant le Tribunal ne peuvent avoir que le même objet que celles exposées dans la réclamation et ne peuvent contenir que des chefs de contestation reposant sur la même cause que ceux invoqués dans la réclamation, même si ces chefs de contestation peuvent, devant le Tribunal, être développés par la présentation de moyens et d’arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 20 mai 1987, Geist/Commission, 242/85, Rec. p. 2181, point 9, et du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, Rec. p. 99, point 10 ; arrêt Alexandrakis/Commission, précité, points 8 à 10).

63     En effet, la procédure précontentieuse prévue à l’article 90 du statut a pour objet de permettre un règlement amiable des différends surgis entre les fonctionnaires et l’administration. Pour qu’une telle procédure puisse atteindre son objectif, il faut que l’AIPN soit en mesure de connaître de façon suffisamment précise les critiques que les intéressés formulent à l’encontre de la décision contestée (arrêts de la Cour du 1er juillet 1976, Sergy/Commission, 58/75, Rec. p. 1139 ; du 17 février 1977, Reinarz/Commission et Conseil, 48/76, Rec. p. 291, et du 14 mars 1989, Del Amo Martinez/Parlement, 133/88, Rec. p. 689, point 9).

64     La réclamation ne comporte manifestement aucune indication qui ait pu permettre à l’AIPN de discerner, directement ou indirectement, un grief tiré d’un prétendu harcèlement.

65     Contrairement à ce que la requérante a soutenu lors de l’audience, la dernière phrase de la réclamation, aux termes de laquelle « [l]e désintérêt dans lequel [la requérante] se sent confinée de la part de l’autorité est de nature à porter gravement atteinte à [s]on moral et à ne pas répondre au mieux à l’intérêt même du service », est trop vague pour constituer le fondement d’un moyen aussi important et grave que celui de harcèlement. La référence à un simple désintérêt ne saurait être interprétée par l’institution comme relevant d’un tel moyen.

66     Ainsi, le moyen relatif au prétendu harcèlement n’ayant pas été invoqué dans la réclamation, il doit être rejeté comme irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 juin 2004, Liakoura/Conseil, T‑330/03, non encore publié au Recueil, point 65).

67     En tout état de cause, la requérante n’a pas établi le moindre lien entre le harcèlement dont elle aurait été la victime entre 1982 et 1995 et l’acte attaqué. Elle fait valoir que Mme P. était l’auteur de ce harcèlement. Toutefois la décision de non-promotion a été prise en décembre 2001 par l’AIPN. La requérante n’a pas précisé comment le prétendu harcèlement aurait eu un impact sur la décision attaquée.

68     Dans ces conditions, les conclusions en annulation doivent être rejetées.

 Sur les conclusions en indemnité

 Arguments des parties

69     La requérante fait valoir que le préjudice moral subi par un fonctionnaire en raison d’une faute de service de nature à engager la responsabilité de l’administration ouvre droit à l’allocation de dommages-intérêts lorsque, compte tenu des circonstances de l’espèce, l’annulation de l’acte illégal attaqué ne saurait constituer en elle-même une réparation adéquate de ce préjudice (arrêts du Tribunal du 27 février 1992, Plug/Commission, T‑165/89, Rec. p. II‑367, et du 28 septembre 1999, Frederiksen/Parlement, T‑48/97, RecFP p. I‑A‑167 et II‑867). Selon la requérante, si l’annulation du refus de promotion était de nature, en raison des circonstances de l’espèce, à ne pouvoir constituer en elle-même une réparation adéquate du préjudice, a fortiori faudrait-il tirer des conclusions identiques à défaut d’annulation.

70     Le comportement fautif que la requérante impute en l’espèce à l’administration comporte plusieurs volets.

71     Le Conseil estime n’avoir commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité.

 Appréciation du Tribunal

72     Il ressort de la jurisprudence que, dans le système des voies de recours instauré par les articles 90 et 91 du statut, un recours en indemnité, qui constitue une voie de droit autonome par rapport au recours en annulation, n’est recevable que s’il a été précédé d’une procédure précontentieuse conforme aux dispositions statutaires (arrêt du Tribunal du 28 juin 1996, Y/Cour de justice, T‑500/93, RecFP p. I‑A‑335 et II‑977, point 64). Ce n’est que s’il existe un lien direct entre le recours en annulation et le recours en indemnité que ce dernier est recevable, en tant qu’accessoire au recours en annulation, sans devoir être nécessairement précédé tant d’une demande invitant l’AIPN à réparer le préjudice prétendument subi que d’une réclamation contestant le bien-fondé du rejet implicite ou explicite de la demande. En revanche, lorsque le préjudice allégué ne résulte pas d’un acte dont l’annulation est poursuivie, mais de plusieurs fautes et omissions prétendument commises par l’administration, la procédure précontentieuse doit impérativement débuter par une demande invitant l’AIPN à réparer ce préjudice (arrêt Y/Cour de justice, précité, point 66).

73     Dans la mesure où la demande d’indemnité en l’espèce est fondée sur le prétendu harcèlement subi par la requérante, il convient de constater qu’elle ne présente aucun lien avec la demande en annulation de la décision de non-promotion. Cette demande en indemnité n’ayant pas été précédée d’une procédure précontentieuse (voir point 66 ci-dessus), elle doit être rejetée comme irrecevable.

74     Par ailleurs, pour autant que la demande d’indemnité est fondée sur la non-promotion de la requérante, elle présente un lien direct avec le recours en annulation. Toutefois, cette demande doit être rejetée comme non fondée en ce que, comme il a été constaté ci-dessus, l’illégalité du comportement du Conseil concernant la non-promotion n’est pas établie (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 février 1994, Latham/Commission, T‑3/92, RecFP p. I‑A‑23 et II‑83, point 66 ; voir, également, arrêt Della Pietra/Commission, précité, point 34, et arrêt du Tribunal du 15 mai 1997, N/Commission, T‑273/94, RecFP p. I‑A‑97 et II‑289, point 159).

75     Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter les conclusions en indemnité.

 Sur la demande de mesures d’instruction

76     La requérante demande au Tribunal d’ordonner la citation et l’audition comme témoins de 20 personnes désignées dans la requête. Elle fait valoir que ces personnes devraient être entendues sur les faits décrits dans leurs déclarations écrites jointes en annexe à la requête.

77     Le Conseil ne se prononce pas sur cette demande.

78     Il ressort des déclarations des témoins proposés que leurs témoignages concernaient le moyen tiré du harcèlement de la requérante. Ce moyen étant irrecevable (voir points 61 à 68 ci-dessus), le Tribunal considère qu’il n’y a pas lieu de donner suite à la demande d’audition des témoins.

79     Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

80     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. La requérante ayant succombé, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Cooke

García-Valdecasas

Labucka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 31 mai 2005.

Le greffier

 

Le président

H. Jung

 

J. D. Cooke


* Langue de procédure : le français.