Language of document : ECLI:EU:T:2020:396

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

9 septembre 2020 (*)

« FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Régime d’aides à la surface – Notion de “prairies permanentes” – Article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement (UE) no 1307/2013 – Système intégré de gestion et de contrôle – Contrôles clés – Règlement no 1306/2013 – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑46/19,

République hellénique, représentée par M. G. Kanellopoulos, Mmes E. Leftheriotou et A. Vasilopoulou, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. M. Konstantinidis, Mme J. Aquilina et M. A. Sauka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision d’exécution (UE) 2018/1841 de la Commission, du 16 novembre 2018, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2018, L 298, p. 34), en tant qu’elle concerne les dépenses effectuées par la République hellénique,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, M. Jaeger et Mme N. Półtorak (rapporteure), juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 4 mars 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Procédure administrative

1        Du 17 au 21 octobre 2016, la Commission européenne a procédé à une enquête, portant la référence AA/2016/013/GR, concernant les dépenses effectuées par la République hellénique au titre des régimes d’aide liée à la surface, dans le cadre des régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs.

2        Le 25 octobre 2016, l’Organismos pliromon kai elenchou koinotikon enischyseon prosanatolismou kai engyiseon (Opekepe, organisme de paiement et de contrôle des aides communautaires d’orientation et de garantie, Grèce) a transmis à la Commission, par courrier électronique, un tableau recensant différentes anomalies révélées lors de l’enquête.

3        Par lettre du 5 décembre 2016, la Commission a communiqué à la République hellénique ses constatations, conformément à l’article 34, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement d’exécution (UE) no 908/2014 de la Commission, du 6 août 2014, portant modalités d’application du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les règles relatives aux contrôles, les garanties et la transparence (JO 2014, L 255, p. 59). Elle a considéré que certaines dépenses n’avaient pas été effectuées conformément aux règles de l’Union européenne, en ce qu’un certain nombre de contrôles clés mis en place par les autorités grecques présentaient des faiblesses.

4        La République hellénique a répondu aux constatations de la Commission par lettre du 10 mars 2017.

5        Par lettre du 21 avril 2017, la Commission a invité les autorités grecques à une réunion bilatérale, conformément à l’article 34, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 908/2014. La République hellénique a communiqué ses observations et des informations supplémentaires à la Commission par lettre du 2 mai 2017. La réunion bilatérale s’est tenue le 10 mai 2017.

6        Par lettre du 9 juin 2017, la Commission a communiqué aux autorités grecques le procès-verbal de la réunion bilatérale et une liste d’informations supplémentaires demandées au cours de cette réunion, conformément à l’article 34, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement no 908/2014. La République hellénique a répondu à la demande d’informations supplémentaires par lettre du 11 septembre 2017 ainsi que par courrier électronique du 23 novembre 2017.

7        Par lettre du 9 mars 2018, la Commission a communiqué à la République hellénique les conclusions auxquelles elle était parvenue, conformément à l’article 34, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement no 908/2014. La Commission a également informé la République hellénique de la possibilité qui lui était offerte d’adresser une demande de conciliation motivée à l’organe de conciliation, en application de l’article 40, paragraphe 1, du règlement no 908/2014. Il ressort de cette communication que la Commission a estimé, en substance, que différentes faiblesses avaient été relevées dans les systèmes de gestion et de contrôle des dépenses de l’Union mis en place par les autorités grecques. En particulier, la Commission a reproché à la République hellénique, premièrement, de ne pas avoir correctement contrôlé l’admissibilité au régime de paiements directs de certaines surfaces en raison d’erreurs dans le système d’identification des parcelles agricoles (ci-après le « SIPA »), deuxièmement, de ne pas avoir mené des contrôles sur place de qualité suffisante et, troisièmement, de ne pas avoir mis en place de procédure permettant d’assurer le recouvrement des éventuels paiements indus ou des sanctions administratives. Elle a donc proposé, en raison de ces différentes lacunes, d’exclure du financement de l’Union un montant total de 24 851 438,56 euros.

8        La République hellénique n’a pas donné suite à l’invitation qui lui a été faite d’adresser une demande de conciliation à l’organe de conciliation.

9        Par lettre du 23 octobre 2018, la Commission a communiqué aux autorités grecques le rapport de synthèse arrêtant sa position définitive. Les principales lacunes relevées par la Commission à l’encontre des autorités grecques sont exposées ci-après.

 Contenu du rapport de synthèse

10      À la suite de son examen d’un échantillon de 812 parcelles de référence mises à jour dans le SIPA grec en 2015, la Commission a retenu trois catégories de lacunes dans des contrôles clés, qu’elle avait déjà identifiées dans sa lettre du 9 mars 2018 (voir point 7 ci-dessus) : des faiblesses dans les contrôles croisés visant à vérifier l’admissibilité des surfaces au régime de paiements directs en raison d’erreurs dans le SIPA, des faiblesses dans les contrôles sur place mis en œuvre par les autorités grecques ainsi que l’absence de procédure permettant d’assurer le recouvrement des éventuels paiements indus ou des sanctions administratives.

 Faiblesses dans les contrôles croisés visant à vérifier l’admissibilité des surfaces au régime de paiements directs en raison d’erreurs dans le SIPA

11      S’agissant des faiblesses dans les contrôles croisés visant à vérifier l’admissibilité des surfaces au régime de paiements directs, d’une part, la Commission a observé que, sur la base de l’examen d’un échantillon de 812 parcelles de référence mises à jour dans le SIPA en 2015, la superficie totale déclarée était supérieure de 0,94 % à la superficie maximale admissible (ci-après la « SMA ») aux fins des mesures liées à la surface. Au sein de cet échantillon, s’agissant plus particulièrement des parcelles qualifiées de « prairies permanentes », la Commission a relevé que la surévaluation de la superficie déclarée, par rapport à la SMA, était de 1,94 %.

12      D’autre part, la Commission a constaté que, dans le SIPA grec, lorsqu’une parcelle de référence présentait différentes caractéristiques agricoles, seule la superficie de cette parcelle correspondant à la définition de « prairies permanentes » était correctement délimitée et identifiée, alors que, selon les cas, les parties de cette parcelle correspondant à la définition de « terres arables » ou de « cultures permanentes » devraient également apparaître.

13      La Commission a donc estimé, à la suite de ces deux constats relatifs au SIPA, que les systèmes de contrôles croisés mis en place par les autorités grecques en application des articles 28 et 29 du règlement d’exécution (UE) no 809/2014 de la Commission, du 17 juillet 2014, établissant les modalités d’application du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les mesures en faveur du développement rural et la conditionnalité (JO 2014, L 227, p. 69), et visant à vérifier l’admissibilité des surfaces au régime de paiements directs présentaient des faiblesses.

14      Pour le premier de ces deux constats, la Commission a estimé qu’une correction forfaitaire de 2 % sur les paiements directs était appropriée. Elle a également considéré qu’une correction forfaitaire pour le second de ces constats, qui pourrait être fixée à 0,6 %, serait entièrement absorbée par la correction forfaitaire de 2 % déjà appliquée.

 Faiblesses dans les contrôles sur place mis en œuvre par les autorités grecques

15      Premièrement, la Commission a estimé que les contrôles sur place des surfaces admissibles au régime de paiement de base (ci-après le « RPB ») n’étaient pas satisfaisants et ne permettaient pas de vérifier la conformité avec les critères d’admissibilité, en raison du fait que, pour les agriculteurs dont les parcelles n’étaient pas totalement situées dans la zone de télédétection, l’admissibilité au RPB avait été déterminée à l’aide d’images contenues dans le SIPA ou par le recours au site Internet Google Earth. Or, de telles données, qui ne proviennent par ailleurs pas nécessairement de l’année de demande concernée, ne seraient pas de nature à répondre aux exigences de qualité et de précision minimales requises pour permettre un contrôle approprié.

16      Deuxièmement, s’agissant des contrôles sur place des agriculteurs soumis à une obligation de diversification de leurs cultures, dans le cadre des pratiques en faveur du verdissement ouvrant droit à un paiement au titre du régime de paiement unique à la surface, la Commission a relevé que ces contrôles étaient limités aux seules surfaces de terres arables appartenant à ces agriculteurs. Or, de l’avis de la Commission, cette procédure ne permettrait pas de s’assurer que les agriculteurs en cause respecteraient effectivement les obligations qui leur sont imposées dans le cadre de la diversification des cultures ou qu’ils en seraient régulièrement dispensés, en raison du non-dépassement de certains seuils. Selon la Commission, seul un contrôle sur place incluant également les surfaces de cultures permanentes et de prairies permanentes de l’exploitation visitée permet de vérifier le respect des obligations de diversification des cultures qui s’imposent aux agriculteurs.

17      Troisièmement, la Commission a relevé que les contrôles sur place des surfaces mises en jachère n’avaient pas permis d’exclure que ces sols soient toujours considérés comme étant des surfaces admissibles au RPB, alors que tel ne devrait plus être le cas.

18      Il s’ensuit que, pour l’ensemble de ces constats, la Commission a considéré que les contrôles sur place mis en œuvre par les autorités grecques en application des articles 37 à 41 du règlement no 809/2014 présentaient certaines faiblesses.

19      La Commission a donc estimé, d’une part, qu’une correction ponctuelle sur les paiements directs d’un montant de 250,31 euros pour l’exercice 2017 était appropriée du fait des faiblesses dans les contrôles sur place liés au verdissement et, d’autre part, qu’une autre correction ponctuelle sur les paiements directs, d’un montant de 352 101,86 euros pour l’exercice 2016 et de 96 241,19 euros pour l’exercice 2017, était appropriée en raison des faiblesses dans les contrôles sur place des surfaces admissibles au RPB.

 Absence de procédure permettant d’assurer le recouvrement des éventuels paiements indus ou des sanctions administratives

20      En troisième et dernier lieu, la Commission a relevé que, en Grèce, il n’existait pas de procédure permettant d’assurer le recouvrement des éventuels paiements indus ou des sanctions administratives. Toutefois, elle a estimé que la correction financière forfaitaire de 2 % sur les paiements directs appliquée à la suite des constats relatifs aux faiblesses dans le SIPA permettait de couvrir le risque financier que l’absence de ce type de procédure faisait courir.

 Décision attaquée

21      Par la décision d’exécution (UE) 2018/1841, du 16 novembre 2018, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2018, L 298, p. 34, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a notamment écarté du financement de l’Union, s’agissant de la République hellénique, un montant de 24 851 438,56 euros, en raison :

–        de faiblesses dans les contrôles croisés visant à vérifier l’admissibilité des surfaces au régime de paiements directs en raison d’erreurs dans le SIPA à la suite de sa mise à jour, pour les années de demandes 2015 et 2016, pour lesquelles elle a décidé d’une correction forfaitaire de 2 % sur les paiements directs, d’un montant de 12 342 563,07 euros pour l’exercice 2016 et de 12 060 282,13 euros pour l’exercice 2017 ;

–        de faiblesses dans les contrôles sur place liés au verdissement, pour l’année de demande 2016, pour lesquelles elle a décidé d’une correction ponctuelle sur les paiements directs d’un montant de 250,31 euros pour l’exercice 2017 ;

–        de faiblesses dans les contrôles sur place des surfaces admissibles au RPB pour les années de demandes 2015 et 2016, pour lesquelles elle a décidé d’une correction ponctuelle sur les paiements directs d’un montant de 352 101,86 euros pour l’exercice 2016 et de 96 241,19 euros pour l’exercice 2017.

 Procédure et conclusions des parties

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 janvier 2019, la République hellénique a introduit le présent recours.

23      Le 21 janvier 2020, au titre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, de son règlement de procédure, le Tribunal a posé aux parties des questions écrites. En particulier, la Commission a été invitée à produire tout document, tel que, par exemple, des comptes rendus de visites sur place ou des procès-verbaux, lui ayant permis de conclure à l’inéligibilité de certaines surfaces, en ce que ces dernières ne correspondaient pas à la qualification de « prairies permanentes ». Les parties ont répondu dans le délai imparti.

24      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 4 mars 2020. Lors de l’audience, la République hellénique a produit une série de documents, à propos desquels la Commission a présenté des observations écrites le 10 mars 2020. La phase orale de la procédure a été clôturée par décision du 17 avril 2020.

25      La République hellénique conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle lui applique une correction financière d’un montant total de 24 851 438,56 euros pour les dépenses effectuées au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) (ci-après le « fonds ») ;

–        condamner la Commission aux dépens.

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République hellénique aux dépens.

 En droit

27      À l’appui de son recours, la République hellénique soulève trois moyens, tirés :

–        premièrement, de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la PAC et abrogeant le règlement (CE) no 637/2008 du Conseil et le règlement (CE) no 73/2009 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 608), en ce que la Commission a fait une mauvaise application de la notion de « prairies permanentes » ;

–        deuxièmement, de la violation de l’article 296 TFUE, de l’article 18, paragraphe 5, du règlement délégué (UE) no 640/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement no 1306/2013 en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les conditions relatives au refus ou au retrait des paiements et les sanctions administratives applicables aux paiements directs, le soutien au développement rural et la conditionnalité (JO 2014, L 181, p. 48), des lignes directrices pour l’évaluation de la qualité du SIPA et du principe de proportionnalité, en ce que la Commission a décidé d’imposer une correction financière forfaitaire de 2 % ;

–        troisièmement, de la violation de l’article 296 TFUE, en ce que la Commission a décidé d’imposer des corrections ponctuelles, en sus d’une correction forfaitaire.

28      Les deux premiers moyens sont dirigés contre la partie de la décision attaquée concernant les corrections forfaitaires et le troisième moyen est dirigé contre la partie de ladite décision concernant les corrections ponctuelles. Ainsi, le Tribunal estime opportun de traiter conjointement les deux premiers moyens, avant de s’attacher à l’analyse du troisième moyen.

 Sur la recevabilité des documents produits pour la première fois lors de l’audience

29      Lors de l’audience, la République hellénique a produit une série de documents, consistant en des vues extraites du site Internet Google Earth, venant au soutien de l’argumentation développée dans le cadre du premier moyen du recours, selon laquelle la Commission aurait, dans le cas d’espèce, fait une mauvaise application de la notion de « prairies permanentes ». La Commission a fait observer que le dépôt de ces documents était tardif, au sens de l’article 85 du règlement de procédure. Elle a cependant pris position sur leur pertinence et leur valeur probante dans ses observations écrites formulées à la suite de l’audience et déposées le 10 mars 2020

30      Aux termes de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, « [à] titre exceptionnel les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuves avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié ». Par ailleurs, cette disposition doit être lue à la lumière de l’article 92, paragraphe 7, dudit règlement, qui prévoit que la preuve contraire et l’ampliation des offres de preuves restent réservées (voir, en ce sens, arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, EU:C:1998:608, points 71 et 72, et du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T‑303/02, EU:T:2006:374, point 189). Or, en l’espèce, il convient de constater qu’il ressort des plaidoiries de la République hellénique devant le Tribunal que ces documents ont été présentés en réaction aux réponses formulées par la Commission dans le cadre de la mesure d’organisation de la procédure visée au point 23 ci-dessus.

31      Au vu des éléments exposés aux points 29 et 30 ci-dessus, il convient d’admettre la recevabilité des documents en question.

 Sur le fond

 Sur les deux premiers moyens, tirés de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 ainsi que de la violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne les corrections forfaitaires

32      La République hellénique soutient, en substance, que l’appréciation de la Commission selon laquelle la superficie déclarée des parcelles qualifiées de « prairies permanentes » aurait été surévaluée de 1,94 % par rapport à la SMA procède d’une erreur d’interprétation et d’application de la notion de « prairies permanentes », telle qu’elle ressort de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013.

33      En effet, selon la République hellénique, les différences qui ont été constatées par la Commission dans son examen des 151 parcelles enregistrées comme étant des « prairies permanentes », à savoir, principalement, une surévaluation par rapport à la SMA pour dix de ces parcelles, proviendraient du fait que la Commission aurait examiné l’admissibilité d’une surface à un droit à paiement en raison de sa qualification de « prairie permanente » en appliquant une définition trop restrictive de cette notion. De l’avis de la République hellénique, la Commission considérerait que les portions des parcelles de « prairies permanentes » qui sont couvertes de végétation boisée ou ligneuse sont exclues de tout droit à paiement en tant que « prairies permanentes ».

34      Or, la République hellénique fait valoir qu’une surface agricole couverte par une végétation boisée et ligneuse doit être considérée comme étant une surface admissible à un droit à paiement en tant que « prairie permanente », indépendamment du critère de la végétation qui s’y développe, dès lors que cette surface est adaptée au pâturage et qu’une activité pastorale y est effectivement exercée. Ainsi, les surfaces agricoles qui présentent les caractéristiques des pâturages de type « méditerranéen », dont la végétation est constituée de broussailles et de plantes ligneuses, doivent être admissibles à un droit à paiement en tant que « prairies permanentes ».

35      Pour appuyer sa démonstration, la République hellénique cherche principalement appui sur l’arrêt du 15 mai 2019, Grèce/Commission (C‑341/17 P, EU:C:2019:409) et les conclusions de l’avocate générale Kokott dans cette affaire (C‑341/17 P, EU:C:2018:981). Dans cet arrêt, il a été jugé, notamment, que « le critère déterminant quant à la définition de “pâturages permanents” n’[était] pas le type de végétation couvrant la surface agricole, mais l’utilisation effective de ladite surface pour une activité agricole typique aux fins de “pâturages permanents” » (arrêt du 15 mai 2019, Grèce/Commission, C‑341/17 P, EU:C:2019:409, point 54).

36      La République hellénique en déduit que le critère de l’admissibilité d’une surface à un droit à paiement en raison de sa qualification de « prairie permanente » fondé sur le type de végétation qui couvre cette surface doit être écarté, de sorte que les constatations de la Commission, selon lesquelles la superficie déclarée des parcelles qualifiées de « prairies permanentes » aurait été surévaluée, sont infondées.

37      La République hellénique ajoute que le constat selon lequel, d’une part, la superficie totale déclarée était supérieure de 0,94 % à la SMA aux fins des mesures liées à la surface et, d’autre part, cette surévaluation de la superficie déclarée, par rapport à la SMA, était de 1,94 % au sein des parcelles qualifiées de « prairies permanentes » a été tiré par la Commission de manière injustifiée, sans que celle-ci expose la méthodologie sur laquelle elle s’est fondée, ni qu’elle détaille ses calculs. Pour la République hellénique, la décision attaquée serait donc entachée d’un défaut de motivation.

38      La Commission conteste cette argumentation et répond que, dans la décision attaquée, elle a décidé d’une correction forfaitaire de 2 % sur les paiements directs après avoir constaté que les systèmes de contrôles croisés mis en place par les autorités grecques en application des articles 28 et 29 du règlement no 809/2014 et visant à vérifier l’admissibilité des surfaces au régime de paiements directs présentaient des faiblesses, à la suite de la mise à jour du SIPA en 2015. Elle ajoute que les autorités grecques avaient admis, dans le cadre de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, l’existence de telles faiblesses.

39      La Commission fait également valoir que, en toute hypothèse, les dix parcelles litigieuses, dont il a été jugé qu’une partie de leur superficie déclarée avait été surévaluée par rapport à la SMA aux fins des mesures liées à la surface, n’appartenaient à aucune des trois catégories de terres, visées par l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, pouvant être assimilées à des « prairies permanentes ».

40      En outre, la Commission relève qu’aucun désaccord ou débat sur l’interprétation de la notion de « prairies permanentes » n’est apparu au cours de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée et fait valoir que cette dernière repose sur l’acceptation commune, par la Commission et la République hellénique, de la non-admissibilité d’une partie de la superficie des « prairies permanentes » aux fins des mesures d’aides liées à la surface.

41      Par ailleurs, la Commission fait valoir que la décision attaquée a été adoptée à la suite de nombreux échanges entre les autorités grecques et ses services au cours de la procédure administrative, de sorte que la République hellénique n’est pas fondée, dans le cadre du présent recours, à soutenir qu’elle ignorait la méthodologie sur laquelle la Commission s’est appuyée pour calculer les pourcentages d’erreur retenus aux fins des corrections financières forfaitaires imposées, de sorte qu’aucune violation de l’obligation de motivation ne saurait lui être reprochée.

42      À titre liminaire, il convient de rappeler que les fonds agricoles européens ne financent que les interventions effectuées conformément aux dispositions de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2014, Pays-Bas/Commission, C‑610/13 P, non publié, EU:C:2014:2349, point 59 et jurisprudence citée).

43      La finalité de la procédure d’apurement de conformité est de vérifier si les restitutions et les interventions ont été effectuées selon les règles de l’Union et de garantir de ce fait les mêmes conditions concurrentielles aux opérateurs économiques. Cette finalité serait mise en péril si la Commission pouvait, après avoir constaté l’irrégularité d’une pratique nationale, se prévaloir d’une marge d’appréciation pour l’accepter ou la rejeter du financement de l’Union, en fonction de ses effets plus ou moins graves pour le budget national ou pour le revenu des agriculteurs (voir, en ce sens, arrêts du 7 février 1979, Pays-Bas/Commission, 11/76, EU:C:1979:28, points 18 à 21, et du 18 avril 2002, Belgique/Commission, C‑332/00, EU:C:2002:235, points 44 à 46).

44      Lorsque la Commission refuse de mettre à la charge du fonds certaines dépenses pour cause de violations des dispositions du droit de l’Union imputables à un État membre, il lui appartient non de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par elles, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres. Cet allégement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes des fonds agricoles européens, et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (arrêts du 11 janvier 2001, Grèce/Commission, C‑247/98, EU:C:2001:4, points 7 à 9, et du 17 mai 2013, Grèce/Commission, T‑294/11, non publié, EU:T:2013:261, point 21).

45      En effet, la gestion du financement des fonds agricoles européens repose principalement sur les administrations nationales chargées de veiller à la stricte observation des règles de l’Union et est fondée sur la confiance entre les autorités nationales et les autorités de l’Union. Seul l’État membre est en mesure de connaître et de déterminer avec précision les données nécessaires à l’élaboration des comptes de ces fonds, la Commission ne jouissant pas de la proximité nécessaire pour obtenir les renseignements dont elle a besoin auprès des agents économiques (voir, en ce sens, arrêts du 7 octobre 2004, Espagne/Commission, C‑153/01, EU:C:2004:589, point 133 et jurisprudence citée, et du 4 septembre 2009, Autriche/Commission, T‑368/05, non publié, EU:T:2009:305, point 182 et jurisprudence citée).

46      Ainsi, il y a lieu de vérifier si l’État membre concerné a démontré l’inexactitude des appréciations de la Commission ou l’absence de risque de perte ou d’irrégularité pour le fonds sur la base de l’application d’un système de contrôle fiable et efficace (arrêt du 17 mai 2013, Grèce/Commission, T‑294/11, non publié, EU:T:2013:261, point 22 ; voir également, en ce sens, arrêt du 24 février 2005, Grèce/Commission, C‑300/02, EU:C:2005:103, point 95).

47      En outre, il convient de rappeler que l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. Dans cette perspective, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, points 146 et 147).

48      En particulier, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (arrêt du 19 juin 2014, FLS Plast/Commission, C‑243/12 P, EU:C:2014:2006, point 49). Ainsi, l’obligation de motivation ne se réduit pas au respect des droits de la défense, mais participe à la réalisation d’un objectif plus général, visant à garantir que le juge de l’Union puisse exercer son contrôle de la légalité de l’acte attaqué devant lui.

49      Ainsi, lorsque la Commission entend imposer à un État membre des corrections forfaitaires au motif qu’elle aurait constaté, notamment, des faiblesses dans le SIPA et dans les contrôles sur place, il lui appartient de justifier ces corrections en exposant, avec précision, notamment dans ses échanges avec l’État membre concerné ainsi que dans le rapport de synthèse, les éléments fondant le doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard des chiffres communiqués par les autorités nationales ou des résultats des contrôles effectués par ces dernières (voir, en ce sens, arrêt du 15 mai 2019, Grèce/Commission, C‑341/17 P, EU:C:2019:409, points 60 et 62), de sorte que lesdits éléments doivent apparaître dans les actes établis par la Commission durant la procédure d’apurement ainsi que dans les motifs de la décision prise à l’issue de celle-ci.

50      En l’espèce, il y a lieu de relever que la disposition pertinente, aux fins de l’appréciation des deux premiers moyens du recours, est l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, en vigueur au moment des faits et qui définit la notion de « prairies permanentes » en ces termes :

« 1. Aux fins du présent règlement, on entend par :

[…]

h)       “prairies permanentes et pâturages permanents” (ci-après dénommés conjointement “prairies permanentes”), les terres consacrées à la production d’herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans au moins ; d’autres espèces adaptées au pâturage comme des arbustes et/ou des arbres peuvent être présentes, pour autant que l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées restent prédominantes ; les prairies permanentes peuvent également comprendre, lorsque les États membres le décident, des surfaces adaptées au pâturage et relevant des pratiques locales établies dans lesquelles l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas traditionnellement ;

[…] »

51      Le Tribunal observe qu’il ressort du libellé de cette disposition que trois catégories de terres peuvent, aux fins des mesures d’aides liées à la surface, être qualifiées de « prairies permanentes » :

–         les terres consacrées à la production d’herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées ;

–         les terres où d’autres espèces adaptées au pâturage, comme des arbustes et/ou des arbres sont présentes, pour autant que l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées restent prédominantes, et

–         lorsque les États membres le décident, les terres adaptées au pâturage et relevant des pratiques locales établies où l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas traditionnellement.

52      D’emblée, force est de constater que l’argumentation de la République hellénique, développée à partir de l’arrêt du 15 mai 2019, Grèce/Commission (C‑341/17 P, EU:C:2019:409), et des conclusions de l’avocate générale Kokott dans cette affaire (C‑341/17 P, EU:C:2018:981) (voir point 35 ci-dessus), est dénuée de pertinence aux fins de la résolution du présent litige. À cet égard, il y a lieu de relever que, dans cette précédente affaire, était en cause non pas l’interprétation de la notion de « pairies permanentes », au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, mais l’interprétation de la notion de « pâturages permanents », telle qu’elle résultait de la définition contenue à l’article 2, premier alinéa, du règlement (CE) no 796/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs (JO 2004, L 141, p. 18), tel que modifié par le règlement (CE) no 972/2007 de la Commission, du 20 août 2007 (JO 2007, L 216, p. 3).

53      En effet, dans cette précédente affaire, la question principale était celle de l’étendue de la notion de « pâturages permanents », dont la définition était contenue à l’article 2 du règlement no 796/2004 et selon laquelle ces derniers étaient des « terres consacrées à la production d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans ou davantage, à l’exclusion des terres relevant de régimes de jachère ».

54      Or, contrairement à ce que tente de faire valoir la République hellénique, la question de l’étendue de la notion de « prairies permanentes » se pose dans la présente affaire dans des termes différents de ceux de la précédente affaire qu’elle vise. En effet, la définition contenue à l’article 2 du règlement no 796/2004 n’est plus applicable depuis le 1er janvier 2015 et la définition de la notion de « pâturages permanents » a été modifiée par la nouvelle définition énoncée à l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, laquelle prévoit désormais expressément et sans ambiguïté que les « prairies permanentes » peuvent « comprendre, lorsque les États membres le décident, des surfaces adaptées au pâturage et relevant des pratiques locales établies dans lesquelles l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas traditionnellement ». En outre, l’article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1307/2013 ajoute que « [l]es États membres peuvent décider de considérer comme prairies permanentes des surfaces adaptées au pâturage et relevant des pratiques locales établies, où l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas traditionnellement, au sens du paragraphe 1, point h) ».

55      Ainsi, il ne peut qu’être constaté que la troisième hypothèse prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 consacre, aux côtés du critère fondé sur le type de végétation et à l’instar de l’appréciation portée par la Cour dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 mai 2019, Grèce/Commission (C‑341/17 P, EU:C:2019:409), le critère de l’utilisation effective de la surface aux fins de sa qualification de « prairie permanente », pour autant que celle-ci soit effectivement adaptée au pâturage et relève des pratiques locales établies, où l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas traditionnellement.

56      Il s’ensuit qu’il y a lieu d’écarter l’argumentation de la République hellénique portant sur l’étendue de la notion de « prairies permanentes » et selon laquelle, en substance, le critère de l’admissibilité d’une surface à un droit à paiement fondé sur le type de végétation qui couvre cette surface devrait être mis de côté, au profit d’un critère fondé sur l’utilisation effective de cette surface, dès lors qu’un tel critère est bel et bien prévu à l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, aux côtés d’un critère fondé sur le type de végétation.

57      S’agissant de l’argumentation de la République hellénique selon laquelle, en substance, la Commission n’aurait pas correctement appliqué le critère fondé sur l’utilisation effective d’une surface, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, pour décider de son admissibilité ou non à un droit à paiement en raison de sa qualification de « prairie permanente » et n’aurait pas expliqué les raisons pour lesquelles certaines surfaces admises au bénéfice de l’aide ne respectaient pas les critères d’admissibilité, en violation de l’obligation de motivation, il convient de relever ce qui suit.

58      Premièrement, il ressort de la lettre du 5 décembre 2016 (voir point 3 ci-dessus) que la Commission a constaté, à la suite de la visite sur place en octobre 2016 de quatorze parcelles qualifiées par les autorités grecques de « prairies permanentes », une surévaluation de la superficie totale déclarée, par rapport à la SMA, de 1,94 %. Cette surévaluation totale nette résultait, selon la Commission, d’une surévaluation de dix des quatorze parcelles visitées, deux parcelles étant sous-évaluées et deux autres étant correctement évaluées. Ces constats ont été résumés dans un tableau, joint à la lettre du 5 décembre 2016.

59      Il y a lieu de relever que, dans cette lettre du 5 décembre 2016, la Commission n’a pas avancé d’éléments permettant de comprendre les raisons pour lesquelles certaines surfaces admises au bénéfice de l’aide ne respectaient pas lesdits critères d’admissibilité et qu’elle s’est limitée à transmettre aux autorités grecques un tableau qui correspondait en tous points à celui qui avait préalablement été communiqué par ces dernières par courrier électronique du 25 octobre 2016 (voir point 2 ci-dessus). Lors de l’audience, la République hellénique a expliqué que ce tableau avait été établi conjointement par les autorités grecques et les contrôleurs de la Commission, lors des contrôles sur place, et qu’il laissait apparaître les résultats de ces contrôles ainsi que les objections chiffrées formulées par la Commission. En outre, le Tribunal observe que, dans le mémoire en défense, la Commission prétend qu’un « rapport détaillé des résultats des contrôles sur place […] figure à la page 4 de la lettre de constatations du 5 décembre 2016 (annexe A.3 de la requête) ». Or, dans le document visé ne figure qu’un tableau pointant, parcelle par parcelle, une surévaluation ou une sous-évaluation de la superficie par rapport à la SMA, sans qu’aucune explication des raisons pour lesquelles certaines surfaces admises au bénéfice de l’aide étaient surévaluées ou sous-évaluées soit avancée.

60      Deuxièmement, aucun des échanges ultérieurs entre la Commission et la République hellénique ne permet de percevoir les raisons pour lesquelles certaines surfaces admises au bénéfice de l’aide ne respectaient pas les critères d’admissibilité. La Commission se contente en effet, dans ses lettres des 21 avril et 9 juin 2017 et 9 mars 2018, ainsi que dans le rapport de synthèse communiqué le 23 octobre 2018, de répéter que, à la suite de la mise à jour du SIPA grec en 2015, une surévaluation de la superficie déclarée des parcelles de « prairies permanentes » de 1,94 %, par rapport à la SMA, a été observée.

61      Troisièmement, il convient de constater que la Commission ne fait valoir, dans le cadre du présent recours, aucun élément permettant de compléter ce début de motivation en ce qui concerne les raisons pour lesquelles certaines surfaces admises au bénéfice de l’aide ne respectaient pas les critères d’admissibilité.

62      Quatrièmement, en réponse aux questions écrites posées par le Tribunal aux parties le 21 janvier 2020, au titre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure (voir point 23 ci-dessus), à propos desquelles les parties ont de surcroît pu s’exprimer oralement lors de l’audience, la Commission n’a pas apporté de justifications convaincantes permettant de comprendre les raisons pour lesquelles les surfaces litigieuses ne respectaient pas les critères d’admissibilité en raison de leur impossible qualification de « prairies permanentes ».

63      À cet égard, le Tribunal observe que, dans de précédentes affaires où se posaient des questions similaires, la pratique de la Commission était différente et de nombreux exemples concrets avaient été mentionnés pour justifier que certaines surfaces ne pouvaient pas être qualifiées de « prairies permanentes ». En effet, il y a lieu de relever que la Commission avançait, dans ces précédentes affaires, de nombreuses explications, précises et détaillées, des raisons pour lesquelles certaines parcelles devaient être exclues de la qualification de « prairies permanentes » (voir, en ce sens, arrêts du 30 mars 2017, Grèce/Commission, T‑112/15, EU:T:2017:239, point 40, et du 1er février 2018, Grèce/Commission, T‑506/15, non publié, EU:T:2018:53, point 60).

64      En outre, il y a également lieu de relever que, bien qu’elle y ait explicitement été invitée par le Tribunal, la Commission est restée en défaut de produire tout document, tel que des comptes rendus des visites sur place ou des procès-verbaux, permettant d’expliciter et de comprendre les motifs de sa décision. Tout au plus convient-il de relever que la Commission a produit, en réponse à la mesure d’organisation de la procédure visée au point 23 ci-dessus, une ortho-photographie et trois photographies, censées représenter, sous différents angles, l’une des dix parcelles visées aux points 33, 39, 58 et 59 ci-dessus, sans toutefois que ces différentes photographies aient été accompagnées d’explications précises, leur exactitude ayant par ailleurs été contestée par la République hellénique lors de l’audience, en prenant notamment appui sur les documents visés au point 29 ci-dessus.

65      Ainsi, il ressort de l’analyse menée aux points 58 à 64 ci-dessus que, dans les circonstances particulières de la présente affaire, il y a lieu de constater que les raisons pour lesquelles certaines surfaces ne pouvaient pas être qualifiées de « prairies permanentes » ne ressortent pas de façon précise, claire et non équivoque des éléments du dossier, de sorte que le Tribunal se trouve être dans l’incapacité d’exercer son contrôle de l’application, en l’espèce, de la notion de « prairies permanentes », telle que définie à l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, et ainsi que l’examen du premier moyen du recours le requiert.

66      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la partie de la décision attaquée concernant les corrections forfaitaires, même lue à la lumière de l’ensemble des éléments qui composent le dossier devant le Tribunal, n’est pas motivée conformément aux exigences rappelées aux points 47 à 49 ci-dessus, de sorte que, sans qu’il soit nécessaire d’analyser les autres arguments avancés par la République hellénique au soutien de sa demande d’annulation de la partie de la décision attaquée concernant les corrections forfaitaires, il convient d’annuler partiellement cette décision en tant que la Commission a décidé d’une correction forfaitaire de 2 % sur aides directes découplées, d’un montant de 12 342 563,07 euros pour l’exercice 2016 et de 12 060 282,13 euros pour l’exercice 2017, en raison de l’existence de faiblesses dans les contrôles croisés visant à vérifier l’admissibilité des surfaces au régime de paiements directs.

 Sur le troisième moyen, tiré d’un défaut de motivation en ce qui concerne les corrections ponctuelles

67      Par son troisième moyen, la République hellénique soutient que la décision attaquée serait entachée d’un défaut de motivation s’agissant des corrections financières ponctuelles imposées en sus des corrections forfaitaires. En substance, la République hellénique reproche à la Commission d’avoir fondé le calcul des corrections ponctuelles en cause uniquement sur les données et estimations communiquées par les autorités grecques au cours de la procédure administrative, alors que de telles données ne devraient servir, selon la République hellénique, qu’à réfuter les constatations de la Commission et non, au contraire, à les étayer. De l’avis de la République hellénique, une telle pratique serait par ailleurs contraire au principe de coopération loyale, prévu à l’article 4, paragraphe 3, TUE, en vertu duquel l’Union et les États membres se respectent et s’assistent mutuellement dans l’accomplissement des missions découlant des traités.

68      La Commission conteste cette argumentation.

69      À titre liminaire, il convient d’observer que, par son argumentation, la République hellénique fait en réalité valoir une erreur de droit quant à la détermination de l’étendue de la perte réelle pour le fonds, en ce que, en substance, selon elle, la Commission n’était pas fondée à se prévaloir de données communiquées par les autorités grecques pour procéder à cette détermination.

70      D’emblée, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la gestion du financement du fonds repose principalement sur les administrations nationales chargées de veiller à la stricte observation des règles de l’Union et est fondée sur la confiance entre les autorités nationales et les autorités de l’Union. Seul l’État membre est en mesure de connaître et de déterminer avec précision les données nécessaires à l’élaboration des comptes du fonds, la Commission ne jouissant pas de la proximité nécessaire pour obtenir les renseignements dont elle a besoin auprès des agents économiques (voir arrêt du 7 octobre 2004, Espagne/Commission, C‑153/01, EU:C:2004:589, point 133 et jurisprudence citée).

71      En outre, il convient de relever que, s’agissant de la méthode d’évaluation des corrections financières, le point 1.3.3 des lignes directrices relatives au calcul des corrections financières dans le cadre des procédures d’apurement de conformité et d’apurement des comptes (ci-après les « lignes directrices de 2015 »), envisage trois hypothèses :

–        premièrement, lorsque les services de la Commission constatent qu’un paiement spécifique concerne une demande qui ne satisfait pas aux règles de l’Union, le préjudice financier causé au budget de l’Union est clair : sauf si le paiement indu a déjà été détecté par les organismes nationaux de contrôle et que les mesures de réparation et de recouvrement appropriées ont été prises, il convient que les services de la Commission refusent son financement par le budget de l’Union. Cette correction est dite « calculée » ;

–        deuxièmement, lorsque les montants indûment dépensés ne peuvent être mis en évidence en déployant des efforts proportionnés, les services de la Commission peuvent fonder l’évaluation du préjudice financier sur l’examen effectué par l’État membre sur un échantillon représentatif de dossiers et sur l’extrapolation des résultats à l’ensemble de la population dans laquelle la non-conformité constatée peut raisonnablement se produire. Cette correction est dite « extrapolée » ;

–        troisièmement, lorsque les conditions permettant de calculer ou d’extrapoler les montants à exclure du financement de l’Union ne sont pas réunies, les services de la Commission appliquent les corrections forfaitaires appropriées. À ce titre, il est rappelé que lorsqu’un ou deux contrôles clés ne sont pas effectués en respectant le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés par les règlements, les lignes directrices de 2015 prévoient qu’il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 5 %.

72      En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que les corrections ponctuelles imposées l’ont été en raison, d’une part, de faiblesses dans les contrôles sur place liés au verdissement et, d’autre part, de faiblesses dans les contrôles sur place des surfaces admissibles au RPB. L’ensemble de ces contrôles sur place étant des contrôles clés, une correction forfaitaire de 5 % aurait pu être décidée, en application des lignes directrices de 2015, si les conditions permettant de calculer ou d’extrapoler les montants à exclure du financement de l’Union n’avaient pas été réunies.

73      Toutefois, il ressort également des éléments du dossier que de telles conditions ont été réunies, dès lors que l’évaluation du risque financier effectuée dans la présente affaire résulte à la fois de calculs et d’une extrapolation.

74      En effet, en premier lieu, s’agissant de la correction ponctuelle imposée en raison de faiblesses dans les contrôles sur place liés au verdissement pour l’année de demande 2016, il y a lieu de constater que le montant de cette correction correspond à celui calculé par les autorités grecques et soumis à la Commission au cours de la procédure administrative.

75      En deuxième lieu, s’agissant de la correction ponctuelle imposée en raison de faiblesses dans les contrôles sur place des surfaces admissibles au RPB pour l’année de demande 2016, force est également de constater que le montant de cette correction correspond à celui calculé par les autorités grecques et soumis à la Commission au cours de la procédure administrative.

76      En troisième lieu, s’agissant de la correction ponctuelle imposée en raison de faiblesses dans les contrôles sur place des surfaces admissibles au RPB pour l’année de demande 2015, en l’absence de calcul détaillé fourni par les autorités grecques, la Commission a extrapolé le montant communiqué pour l’année de demande 2016 aux dépenses effectuées en 2015.

77      Il s’ensuit que, la Commission ayant pu déterminer, sur la base d’une évaluation du risque qu’il revenait aux autorités grecques de proposer lors de la procédure d’apurement, les dépenses irrégulières et donc le montant des pertes financières subies par l’Union, c’est à juste titre qu’elle a, conformément aux lignes directrices de 2015, telles que rappelées au point 71 ci‑dessus, conclu au rejet des sommes correspondant au montant des pertes.

78      Dès lors, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en appliquant les corrections ponctuelles en cause.

79      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’écarter le troisième moyen et, partant, de rejeter la demande d’annulation de la partie de la décision attaquée concernant les corrections ponctuelles.

 Sur les dépens

80      Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. En l’espèce, il y a lieu de décider que, le recours ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision d’exécution de la Commission (UE) 2018/1841, du 16 novembre 2018, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), est annulée en tant qu’elle impose à la République hellénique une correction forfaitaire de 2 % sur les aides directes découplées, d’un montant de 12 342 563,07 euros pour l’exercice 2016 et de 12 060 282,13 euros pour l’exercice 2017.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission européenne et la République hellénique supporteront leurs propres dépens.

Kanninen

Jaeger

Półtorak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 septembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : le grec.