CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MACIEJ SZPUNAR
présentées le 16 juin 2022 (1)
Affaire C‑265/21
AB,
AB-CD
contre
Z EF
[demande de décision préjudicielle formée par la cour d’appel de Bruxelles (Belgique)]
« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions en matière civile et commerciale – Règlement (CE) no 44/2001 – Article 5, point 1 – Compétence en matière contractuelle – Notion de “matière contractuelle” – Action visant à la constatation d’un titre de propriété fondé sur deux contrats successifs – Contrat à prendre en considération afin de déterminer le lieu d’obligation servant de base à la demande – Loi applicable aux obligations contractuelles – Règlement (CE) no 593/2008 »
I. Introduction
1. Les questions posées par la cour d’appel de Bruxelles (Belgique) portent, en substance, sur l’interprétation de l’article 5, point 1, du règlement (CE) nº 44/2001 (2) et de l’article 4 du règlement (CE) nº 593/2008 (3).
2. La première de ces dispositions, dont l’interprétation est au cœur de la présente demande de décision préjudicielle, établit les règles de compétences spéciales en matière contractuelle qui, dans certaines situations, permettent au demandeur d’attraire le défendeur devant les juridictions d’un autre État membre que celui de son domicile, en dérogeant à la règle générale de l’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 44/2001.
3. Dans la présente affaire, il s’agit de déterminer si cette disposition est applicable dans un litige concernant une action, fondée sur deux contrats, en reconnaissance d’un droit de propriété portant sur 20 œuvres d’art, en dépit de l’absence de lien contractuel direct entre les parties au litige, qui sont les descendants des parties au premier contrat.
4. Dans ce contexte, la juridiction de renvoi interroge la Cour, en substance, sur la portée de l’évolution de sa jurisprudence en la matière. Le présent renvoi préjudiciel conduira donc la Cour à se pencher, une nouvelle fois, sur la notion de « matière contractuelle », au sens de l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001. Il conviendra, en l’espèce, de fournir à la juridiction de renvoi les éléments qui lui permettront d’apprécier si les récents arrêts de la Cour (4) doivent être considérés comme opérant un revirement par rapport à la jurisprudence antérieure relative à l’interprétation de cette disposition.
5. Comme je l’exposerai en détail, je suis d’avis que l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001 a vocation à s’appliquer dans une situation telle que celle en cause dans l’affaire au principal.
II. Le cadre juridique
A. Le règlement nº 44/2001
6. Sous la section 1 du chapitre II du règlement nº 44/2001, intitulée « Dispositions générales », l’article 2, paragraphe 1, de celui-ci dispose :
« Sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. »
7. Sous la section 2 du chapitre II de ce règlement, intitulée « Compétences spéciales », l’article 5, point 1, de celui-ci prévoit :
« Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre :
1) a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ;
b) aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est :
– pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,
– pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ;
c) le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas ; »
B. Le règlement no 593/2008
8. L’article 4 du règlement no 593/2008, qui porte sur la loi applicable à défaut d’un choix exercé par les parties, dispose :
« 1. À défaut de choix exercé conformément à l’article 3 et sans préjudice des articles 5 à 8, la loi applicable au contrat suivant est déterminée comme suit :
a) le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle ;
b) le contrat de prestation de services est régi par la loi du pays dans lequel le prestataire de services a sa résidence habituelle ;
[...]
2. Lorsque le contrat n’est pas couvert par le paragraphe 1 ou que les éléments du contrat sont couverts par plusieurs des points a) à h) du paragraphe 1, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle.
3. Lorsqu’il résulte de l’ensemble des circonstances de la cause que le contrat présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé au paragraphe 1 ou 2, la loi de cet autre pays s’applique.
4. Lorsque la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 1 ou 2, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits. »
III. Les faits à l’origine du litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour
9. Les époux X EF et Y EF, parents de Z EF, le défendeur au principal, étaient des artistes allemands qui avaient notamment réalisé 20 panneaux typologies (ci‑après les « œuvres d’art ») ayant fait partie d’une exposition internationale qui s’est tenue au cours de l’année 1977.
10. CD, belle-mère de AB et mère de AB‑CD, les requérants au principal, exploitait une galerie d’art à Liège (Belgique). À la fin de l’année 1980 ou au début de l’année 1981, les œuvres d’art ont été remises à CD, ainsi que, par la suite, les certificats d’authenticité de ces œuvres.
11. Par convention du 26 janvier 2007, les requérants au principal ont acheté les œuvres d’art à CD. Cette dernière est décédée le 24 novembre 2007 et, cette même année, Y EF est également décédé.
12. Au mois d’août 2013, AB a confié les œuvres d’art à la société Christie’s en vue de leur vente aux enchères. Au cours de l’année 2014, cette société a contacté X EF, qui a affirmé être propriétaire de ces œuvres. La vente aux enchères des œuvres d’art a été suspendue.
13. Les requérants au principal affirment que ces œuvres avaient été achetées par CD, tandis que le défendeur au principal allègue qu’elles avaient été mises en dépôt auprès de la galerie de CD afin de les présenter au public en vue de leur vente.
14. Le 20 juin 2014, les requérants au principal ont introduit la présente procédure pour faire dire pour droit, en substance, qu’ils étaient les seuls propriétaires des œuvres d’art et faire interdiction à X EF de se prévaloir d’un titre de propriété à leur égard.
15. X EF ayant été citée devant le tribunal de première instance francophone de Bruxelles (Belgique), elle a soulevé, à titre principal et en se fondant sur le règlement no 44/2001, un déclinatoire de compétence et de juridiction en raison du fait que son domicile se trouvait en Allemagne. À titre subsidiaire, elle a conclu à l’irrecevabilité ou au défaut de fondement de la demande dirigée contre elle, tout en réclamant la restitution des œuvres d’art. Le 10 octobre 2015, X EF est décédée et le défendeur au principal a repris l’instance.
16. Par jugement du 22 novembre 2016, le tribunal de première instance francophone de Bruxelles s’est déclaré territorialement incompétent. À cet égard, il a jugé que sa compétence ne saurait être établie sur le fondement de l’article 5, point 1, du règlement no 44/2001, en raison du fait qu’il n’existait aucun lien contractuel entre les parties en cause.
17. Les requérants au principal ont interjeté appel de ce jugement devant la cour d’appel de Bruxelles. Ils soutiennent que CD a acquis les œuvres d’art par un contrat de vente, que l’action devait être qualifiée de « contractuelle », et que, le lieu d’exécution se situant en Belgique, les juridictions belges sont compétentes. En revanche, le défendeur au principal affirme que les œuvres d’art ont fait l’objet d’un contrat de dépôt et que, s’agissant, selon lui, d’une action en « revendication » de la propriété, la détermination de la juridiction compétente relève de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 44/2001, attribuant compétence aux tribunaux allemands.
18. En ce qui concerne la question de savoir si l’action des requérants au principal relève de la « matière contractuelle », au sens de l’article 5, point 1, du règlement no 44/2001, la juridiction de renvoi constate qu’il n’existe aucun lien contractuel direct entre les deux parties au litige. Toutefois, cette juridiction estime, compte tenu des récents arrêts de la Cour en la matière (5), qu’il est possible que l’exigence d’établir une obligation librement consentie n’implique plus, comme cela était le cas depuis l’arrêt Handte (6), que cette obligation ait été consentie entre les parties au litige, mais implique uniquement que le demandeur fonde l’action qu’il dirige contre le défendeur sur une obligation juridique librement consentie par une personne envers une autre (7). En effet, selon ladite juridiction, non seulement la Cour a précisé que la matière contractuelle comprend toutes les obligations qui trouvent leur source dans le contrat dont l’inexécution est invoquée à l’appui de l’action du demandeur (8), mais elle a également considéré que, tout comme une action paulienne, une action en indemnisation (9) relève de la notion de « matière contractuelle » dès lors que la cause de l’action est elle-même un engagement librement assumé (10).
19. Cette même juridiction estime que, même s’il s’agit de situations ponctuelles au-delà desquelles une telle interprétation ne saurait prospérer, la Cour a néanmoins affirmé que la règle de compétence spéciale en matière contractuelle, prévue à l’article 5, point 1, du règlement no 44/2001, repose non pas sur l’identité des parties mais sur la cause de l’action (11).
20. C’est dans ces conditions que la cour d’appel de Bruxelles a, par décision du 1er avril 2021, parvenue au greffe de la Cour le 26 avril 2021, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) La notion de “matière contractuelle” au sens de l’article 5, [point] 1, du [règlement no 44/2001] :
doit-elle s’interpréter comme imposant d’établir une obligation juridique librement consentie par une personne à l’égard d’une autre et sur laquelle se fonde l’action du demandeur et ce même si l’obligation n’a pas été librement consentie par le défendeur et/ou à l’égard du demandeur ?
En cas de réponse positive, quel doit être le degré de rattachement entre l’obligation juridique librement assumée et le demandeur et/ou le défendeur ?
2) La notion d’“action” sur laquelle “se fonde” le demandeur implique-t-elle, à l’instar du critère utilisé pour distinguer si une action relève de la matière contractuelle au sens de l’article 5, [point] 1, du [règlement no 44/2001] ou de la “matière délictuelle ou quasi délictuelle” au sens de l’article 5, [point] 3, du même règlement ([arrêt du 24 novembre 2020, Wikingerhof, C‑59/19, ci-après l’“arrêt Wikingerhof”, ECLI:EU:C:2020:950,] point 32), de vérifier si l’interprétation de l’obligation juridique librement assumée apparaît indispensable pour apprécier le fondement de l’action ?
3) L’action en justice par laquelle un demandeur entend dire pour droit qu’il est le propriétaire d’un bien dont il a la possession en se fondant sur un double contrat de vente, un premier qui aurait été passé par le copropriétaire originaire de ce bien (époux du défendeur, également copropriétaire originaire) avec le vendeur du demandeur, et un second passé entre ces deux derniers, relève-t-elle de la matière contractuelle au sens de l’article 5, [point] 1, du [règlement no 44/2001] ?
a) La réponse est-elle différente si le défendeur invoque le fait que le premier contrat n’était pas un contrat de vente mais un contrat de dépôt ?
b) Si un de ces cas de figure relève de la matière contractuelle, quel contrat doit être pris en considération pour déterminer le lieu de l’obligation qui sert de base à la demande ?
4) L’article 4 du [règlement no 593/2008] doit-il être interprété comme s’appliquant au cas de figure visé par la troisième question préjudicielle et, dans ce cas, quel contrat convient-il de prendre en considération ? »
21. Des observations écrites ont été déposées par les parties au principal, par le gouvernement belge ainsi que par la Commission européenne. Il n’a pas été tenu d’audience.
IV. Analyse
A. Sur la recevabilité de la quatrième question préjudicielle
22. Sans exciper formellement de l’irrecevabilité de la quatrième question préjudicielle, la Commission fait valoir que la juridiction de renvoi n’indique pas les raisons qui l’ont conduite à s’interroger sur l’application de l’article 4, paragraphe 1, du règlement nº 593/2008 aux contrats en cause dans le litige au principal.
23. Il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, laquelle est désormais reflétée à l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. La décision de renvoi doit en outre indiquer les raisons précises qui ont conduit le juge national à s’interroger sur l’interprétation du droit de l’Union et à estimer nécessaire de poser une question préjudicielle à la Cour (12).
24. En l’espèce, il y a lieu de constater que la juridiction de renvoi n’a pas exposé les raisons qui l’ont conduite à poser sa quatrième question et que, par conséquent, elle ne s’est pas conformée à l’exigence visée à l’article 94 du règlement de procédure de la Cour.
25. Je propose que la quatrième question soit déclarée irrecevable.
B. Sur le fond
26. Les trois premières questions préjudicielles visent, en substance, à l’interprétation de la notion de « matière contractuelle », au sens de l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001, telle qu’elle ressort de la jurisprudence de la Cour.
27. Les doutes de la juridiction de renvoi, qui concernent essentiellement la portée de l’évolution de l’abondante jurisprudence développée par la Cour au cours des 30 dernières années, tiennent, d’une part, au fait que l’interprétation donnée par la Cour de la notion de « matière contractuelle », au sens de l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001, ne serait pas uniforme et, d’autre part, au revirement de jurisprudence qu’aurait opéré la Cour en abandonnant l’interprétation restrictive de cette notion.
28. Dans les présentes conclusions, je présenterai brièvement, tout d’abord, quelques remarques liminaires relatives, notamment, au système, aux objectifs et à la genèse du règlement nº 44/2001 (titre 1). J’examinerai, ensuite, la jurisprudence pertinente de la Cour relative à la notion autonome de « matière contractuelle », au sens de l’article 5, point 1, de ce règlement, afin de clarifier la portée de son évolution et de proposer une réponse à la première question préjudicielle (titre 2) et, enfin, j’analyserai les deuxième et troisième questions préjudicielles (titres 3 et 4).
1. Remarques liminaires
29. En premier lieu, il convient de rappeler que le règlement nº 44/2001, qui a remplacé la convention du 27 septembre 1968 (13), s’inspire de cette convention et s’inscrit dans sa continuité (14). Partant, et ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, l’interprétation fournie par la Cour en ce qui concerne les dispositions de ladite convention vaut également pour celles de ce règlement, lorsque les dispositions de ces instruments peuvent être qualifiées d’« équivalentes » (15). Tel est le cas de l’article 5, point 1, de la convention de Bruxelles et de l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001, qui sont rédigés en des termes quasi identiques. Tel est également le cas de la notion de « matière contractuelle », au sens de l’article 5, point 1, de ce règlement, dès lors que les modifications apportées à cette disposition ne concernent que le critère de rattachement retenu pour déterminer la juridiction compétente à l’égard des contrats de vente de marchandises et de fourniture de services, en gardant pour le reste inchangée la substance de la disposition correspondante de la convention de Bruxelles (16). Dans la mesure où la juridiction de renvoi interroge la Cour sur l’évolution de sa jurisprudence récente relative à cette notion, je me référerai également, dans les présentes conclusions, à la jurisprudence pertinente relative à l’article 7, point 1, du règlement no 1215/2012 qui a remplacé le règlement nº 44/2001.
30. En second lieu, il importe de souligner que, selon une jurisprudence constante, il y a lieu d’interpréter l’article 5, point 1, du règlement no 44/2001 à la lumière de la genèse, des objectifs et du système de ce règlement (17). Plus précisément, s’agissant de la notion de « matière contractuelle », au sens de cette disposition, il convient de rappeler que, depuis l’arrêt Peters Bauunternehmung (18), portant sur l’interprétation de la convention de Bruxelles, la Cour a jugé à maintes reprises que cette notion ne saurait être comprise comme renvoyant à la qualification que la loi nationale applicable donne au rapport juridique en cause devant la juridiction nationale. Ladite notion doit, au contraire, être interprétée de manière autonome, en se référant au système et aux objectifs du règlement no 44/2001, en vue d’assurer l’application uniforme de celle-ci dans tous les États membres (19). Ainsi, même si la Cour ne donne pas une définition générale et abstraite de la notion de « matière contractuelle », elle a toutefois tracé les contours de cette notion au cas par cas, en tenant compte des modifications législatives et en indiquant s’il existait ou non une obligation contractuelle.
31. À cet égard, la Cour s’efforce, encore aujourd’hui, de définir le système et les objectifs du règlement nº 44/2001 depuis la « naissance » de ce règlement sous la forme de la convention de Bruxelles. Il me semble important de procéder à un bref rappel, d’une part, de la portée des conditions d’application de l’article 5, point 1, dudit règlement et, d’autre part, des difficultés posées par cette disposition dans le contexte d’une jurisprudence particulièrement abondante (20).
32. En ce qui concerne, tout d’abord, le système du règlement nº 44/2001, il y a lieu de rappeler que c’est dans l’arrêt Peters Bauunternehmung (21) que la Cour s’est prononcée pour la première fois sur l’articulation entre la règle générale de la compétence des juridictions de l’État membre du domicile du défendeur, prévue à l’article 2, paragraphe 1, de ce règlement, et la compétence spéciale en « matière contractuelle », prévue à l’article 5, point 1, dudit règlement. Dans cet arrêt, la Cour a jugé que « [l]’article 5 de la [convention de Bruxelles] prévoit des attributions de compétences spéciales dont le choix dépend d’une option du demandeur, par dérogation à la règle de compétence générale édictée par l’article 2, alinéa 1, de [cette] convention » (22). Cette appréciation a été itérativement rappelée par la Cour dans sa jurisprudence (23).
33. S’agissant, ensuite, des objectifs du règlement nº 44/2001, il convient de relever que, selon le considérant 11 de ce règlement, les règles de compétence doivent présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur, et que cette compétence doit toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. En outre, le considérant 12 du règlement nº 44/2001 énonce que le for du domicile du défendeur doit être complété par d’autres fors autorisés en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter une bonne administration de la justice.
34. Enfin, il me faut également rappeler que la genèse de l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001 met en évidence que les règles de compétence spéciales reposent sur la considération selon laquelle « il existe un lien de rattachement étroit entre la contestation et le tribunal qui est appelé à en connaître » (24). Partant, les options ouvertes au demandeur par cette disposition répondent aux exigences du principe de proximité (25).
35. C’est à la lumière de ces remarques liminaires que je vais maintenant analyser les questions posées par la juridiction de renvoi.
2. Sur la première question préjudicielle
36. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001 doit être interprété en ce sens que son application présuppose la détermination d’une obligation juridique librement consentie par une personne à l’égard d’une autre et sur laquelle se fonde l’action du demandeur, même lorsque cette obligation ne lie pas directement les parties au litige. Dans l’affirmative, cette juridiction demande quel doit être le degré de rattachement entre l’obligation contractuelle et ces parties. Par cette question, la juridiction de renvoi demande à la Cour de confirmer l’interprétation de la notion de « matière contractuelle », telle qu’elle ressort de la jurisprudence récente de la Cour.
37. En ce qui concerne, en premier lieu, les particularités de la présente affaire, les requérants au principal fondent leur action en reconnaissance du droit de propriété sur un contrat de vente conclu entre la mère de l’un deux, une galeriste qui aurait acquis les œuvres d’art d’un couple d’artistes, parents du défendeur au principal. Ce dernier soutient que le contrat en cause était non pas un contrat de vente mais un contrat de dépôt.
38. Comme le constate la juridiction de renvoi, le contrat en cause n’a pas été conclu par les parties au principal, qui ne sont donc pas directement liées par voie contractuelle.
39. S’agissant, en second lieu, des observations écrites présentées par les parties, les requérants au principal et le gouvernement belge estiment que la notion de « matière contractuelle » doit recevoir une interprétation large permettant également à des tiers d’invoquer l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001. Toutefois, le gouvernement belge fait valoir qu’il convient d’appliquer le critère énoncé dans l’arrêt flightright non pas aux situations où se pose la question de savoir qui est le propriétaire d’un bien, comme c’est le cas en l’espèce, mais uniquement aux situations où la demande est fondée sur l’obligation contractuelle elle-même. Selon ce gouvernement, la jurisprudence récente de la Cour a tendance à conduire à un « forum shopping », au détriment de la sécurité juridique.
40. Le défendeur au principal et la Commission font valoir, notamment, que, afin de qualifier l’action de « contractuelle », il doit exister un lien contractuel entre les parties en cause. À cet égard, le défendeur au principal rappelle que les compétences spéciales sont d’interprétation stricte afin de préserver l’objectif de prévisibilité et de sécurité juridique du règlement nº 44/2001. Quant à la Commission, elle soutient que, en tenant compte de la jurisprudence établie par la Cour dans l’arrêt Handte (26), dans une situation où le demandeur fonde son action sur plusieurs contrats successifs, la compétence spéciale en matière contractuelle ne s’applique pas, le demandeur et le défendeur n’étant pas parties au même contrat. Elle considère donc qu’il convient d’appliquer la règle générale de compétence des juridictions de l’État membre du domicile du défendeur.
41. Compte tenu de la formulation de la première question préjudicielle et des observations des parties, j’estime nécessaire d’analyser la jurisprudence pertinente de la Cour.
a) La jurisprudence pertinente de la Cour relative à la notion de « matière contractuelle », au sens de l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001
42. L’article 5, point 1, sous a), du règlement nº 44/2001 dispose qu’une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre, en matière contractuelle, devant la juridiction « du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ». Pour déterminer la compétence judiciaire au titre de cette disposition et répondre à la question de savoir si un litige peut être qualifié de litige « en matière contractuelle », la Cour a donné une interprétation autonome de la notion de « matière contractuelle » en s’orientant, dans un premier temps, vers une interprétation restrictive de cette notion puis, dans un second temps, vers une interprétation plus large de celle-ci. Ces deux approches déterminent de manière différente l’obligation servant de base à la demande et, donc, le lieu d’exécution de cette obligation. Certes, la Cour a jugé que « l’obligation dont le lieu d’exécution détermine la compétence judiciaire au titre [de l’]article 5, point 1, [du règlement nº 44/2001] est celle qui découle du contrat et dont l’inexécution est invoquée pour justifier l’action en justice » (27). Malgré la clarté de cet énoncé, l’identification de cette obligation n’est toutefois pas toujours évidente, comme le montrent les difficultés rencontrées lors de l’interprétation de la notion de « matière contractuelle » (28).
43. Dans ce contexte, la question qui se pose est celle de savoir si la Cour a abandonné l’interprétation restrictive en faveur d’une interprétation plus large, en opérant ainsi un revirement par rapport à sa jurisprudence antérieure. Cette interrogation se trouve au cœur des doutes qui sont à l’origine des présentes questions préjudicielles. Pour mieux saisir la portée de cette jurisprudence et être en mesure de proposer une réponse utile, il me semble nécessaire d’identifier, dans ladite jurisprudence, ces deux lignes d’interprétation et leur évolution, ainsi que les objectifs de prévisibilité et/ou de proximité du règlement nº 44/2001 sur lesquels la Cour s’est fondée pour retenir l’une ou l’autre interprétation.
1) Sur l’interprétation restrictive de la notion de « matière contractuelle » : l’exigence de l’existence d’un contrat entre les parties au litige
44. La notion de « matière contractuelle », au sens de l’article 5, point 1, du règlement no 44/2001, constitue une notion autonome du droit de l’Union, qui sert à délimiter le champ d’application de cette disposition (29).
45. Pour tracer les contours de cette notion autonome, la Cour a retenu, au début des années 80, une interprétation restrictive de la règle spéciale de compétence ouverte au demandeur en matière contractuelle (ci-après l’« interprétation restrictive »). Les arrêts Peters Bauunternehmung et Handte sont à l’origine de cette ligne jurisprudentielle.
46. Dans l’arrêt Peters Bauunternehmung (30), la Cour s’est prononcée sur l’articulation entre les règles spéciales et la règle générale de compétence (31). La doctrine a considéré que, dans cet arrêt, la Cour s’était prononcée « en faveur d’une interprétation restrictive de tout ce qui apparaît comme une exception à l’article 2 de la convention de Bruxelles » (32).
47. La Cour a ensuite affirmé, dans l’arrêt Kalfelis (33), que, en tant que dérogations au principe général, les règles de compétence spéciale étaient d’interprétation stricte (34), en précisant ultérieurement qu’elles « ne sauraient donner lieu à une interprétation allant au-delà des hypothèses envisagées par la convention [de Bruxelles] » (35). Bien que cette approche n’ait pas eu, à mon avis, pour objectif de limiter le champ d’application de la « matière contractuelle » (36) en retenant une interprétation stricte de la notion d’« obligation contractuelle », la Cour a néanmoins retenu, dans les arrêts postérieurs, une interprétation restrictive de cette dernière notion en se fondant sur le fait qu’il s’agissait d’une des exceptions à la règle générale de compétence.
48. Dans l’arrêt Handte (37), la Cour s’est prononcée, pour la première fois, sur la notion de « matière contractuelle », au sens de l’article 5, point 1, de la convention de Bruxelles, en affirmant que cette notion « ne saurait être comprise comme visant une situation dans laquelle il n’existe aucun engagement librement assumé d’une partie envers une autre ». Ainsi, en se fondant sur le principe de prévisibilité du for dans lequel le demandeur doit introduire sa demande (38), la Cour a jugé que « l’article 5, point 1, de [cette] convention doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas à un litige opposant le sous-acquéreur d’une chose au fabricant, qui n’est pas le vendeur, en raison des défauts de la chose ou de l’impropriété de celle-ci à l’usage auquel elle est destinée » (39).
49. À partir de cet arrêt, il est devenu clair que l’interprétation restrictive retenue par la Cour limitait la notion de « matière contractuelle » en ce sens que cette disposition n’était applicable qu’aux relations entre les contractants du contrat en cause, c’est-à-dire aux seuls litiges entre les parties aux contrats. En effet, pour qualifier l’action, l’élément décisif pris en compte par la Cour était la relation contractuelle entre les parties au litige.
50. À cet égard, il me semble important de souligner que, dans cette ligne jurisprudentielle (40), la Cour, en interprétant l’article 5, point 1, de la convention de Bruxelles ou du règlement nº 44/2001 à la lumière des objectifs et du système de cette convention ou de ce règlement, a fondé la notion autonome de « matière contractuelle », principalement, sur l’objectif de prévisibilité (41).
51. Si cette interprétation restrictive de l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001 et, donc, de la notion de « matière contractuelle », longtemps reprise dans la jurisprudence (42), a été bien accueillie par une partie de la doctrine (43), elle a toutefois également fait l’objet de critiques de certains auteurs en ce qui concerne non seulement l’approche stricte relative à l’articulation entre la règle générale et les règles spéciales, mais également la définition restrictive de la notion de « matière contractuelle » et, partant, d’« obligation contractuelle » donnée par la Cour dans sa jurisprudence.
52. En premier lieu, s’agissant du système du règlement nº 44/2001, les auteurs opposés à cette approche considèrent que la seule existence de la règle générale de l’article 2 de ce règlement ne doit pas conduire à faire prévaloir une interprétation étroite, voire restrictive, de l’article 5 de celui-ci, et qu’une telle interprétation ne saurait être établie au détriment de la cohérence globale dudit règlement (44), à savoir assurer dans la mesure du possible l’égalité et l’uniformité des droits et des obligations qui en découlent (45). Notamment, certains auteurs soulignent qu’il s’agit uniquement d’éviter, ainsi que l’a jugé la Cour, « une interprétation allant au-delà des hypothèses envisagées » par le système du règlement nº 44/2001 (46) et qu’il serait donc erroné de déduire de la formulation de l’article 5, point 1, de ce règlement que cette disposition est une exception qu’il convient d’appliquer moins fréquemment que l’article 2 dudit règlement (47). En effet, la simple existence de règles spéciales de compétence, en tant que telles, renforce la possibilité que le défendeur soit attrait devant la juridiction d’un autre État membre que celle de l’État membre de son domicile. Cette possibilité permet de garantir un équilibre entre les intérêts du demandeur et ceux du défendeur (48).
53. Je partage cet avis. Une telle approche ressort clairement de l’arrêt Peters Bauunternehmung, dans l equel la Cour avait déjà précisé que « si l’article 5 [de la convention de Bruxelles] prévoit des attributions de compétences spéciales dont le choix dépend du demandeur, c’est en raison de l’existence, dans certaines hypothèses bien déterminées, d’un lien de rattachement particulièrement étroit entre une contestation et la juridiction qui peut être appelée à en connaître en vue de l’organisation utile d’un procès » (49). Il en ressort clairement que la Cour interprète cette disposition en se référant, notamment, à l’objectif de proximité.
54. Cela m’amène à rappeler, en second lieu, que la définition de la notion de « matière contractuelle », au sens de l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001, telle qu’ébauchée par la Cour dans l’arrêt Handte (50), a également fait l’objet de critiques. En effet, plusieurs auteurs ont considéré que cette approche restrictive accordait un rôle trop réduit au for contractuel au détriment, notamment, du principe de proximité (51) et qu’il convenait de donner « une interprétation plus large adaptée aux enjeux économiques sous-jacents » (52).
55. Partant, pour les raisons exposées aux points précédents (53), je suis d’avis que l’interprétation stricte de l’articulation entre la règle générale et les règles spéciales ne doit pas conduire à donner une interprétation restrictive de la notion de « matière contractuelle » ni, en conséquence, de celle d’« obligation contractuelle » (54). Une interprétation plus large de la notion de « matière contractuelle » permet de prendre en compte l’objectif de proximité et de bonne administration de la justice (55). Ainsi que la doctrine l’a récemment relevé, une interprétation trop dogmatique et privilégiant de manière excessive la sécurité juridique et, donc, l’objectif de prévisibilité par rapport à la bonne administration de la justice et à l’objectif de proximité risque de causer un dysfonctionnement du système (56). En effet, selon moi, la cohérence globale du règlement nº 44/2001 implique la prise en compte, dans l’interprétation de l’article 5, point 1, de ce règlement, de l’équilibre entre l’objectif de proximité et de bonne administration de la justice et l’objectif de prévisibilité et de sécurité juridique (57). Cet équilibre entre les objectifs dudit règlement permet également de garantir un équilibre entre les intérêts du demandeur et ceux du défendeur. Il suffit de rappeler, à cet égard, qu’il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que la notion autonome de « matière contractuelle » doit se référer au système et aux objectifs du même règlement, en vue d’assurer l’application uniforme de celle-ci dans tous les États membres (58). En tout état de cause, l’interprétation de l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001 ne doit pas vider de son contenu cette disposition et doit permettre à la règle de compétence spéciale qui y est énoncée de produire son effet utile (59). La question, à ce stade, est celle de savoir si l’orientation de la jurisprudence de la Cour vers une interprétation plus large de cette disposition le permet. Je pense que oui.
2) Sur l’évolution de la jurisprudence de la Cour vers une interprétation plus large : l’exigence de l’identification d’une obligation juridique librement consentie par une personne à l’égard d’une autre et sur laquelle se fonde l’action du demandeur
56. Il convient de rappeler que, dans ses premiers arrêts portant sur l’interprétation de l’article 5, point 1, de la convention de Bruxelles, la Cour a jugé que cette disposition était applicable « même si la formation du contrat qui est à l’origine du recours est litigieuse entre les parties » (60). Il ressort déjà de cette considération, ainsi que le relèvera plus tard l’avocat général Jacobs (61), que la Cour n’avait pas estimé que le champ d’application de cette disposition devait être défini de façon étroite. Dans ses conclusions, celui-ci a rappelé que la Cour avait déjà jugé que le champ d’application de ladite disposition s’étendait aux « liens étroits de même type que ceux qui s’établissent entre les parties à un contrat », y compris le lien que l’adhésion à une association crée entre des associés (62). Selon lui, une telle approche semble refléter l’intention implicite des termes utilisés dans les différentes versions linguistiques de cette disposition (63).
57. Quelques années plus tard, dans l’arrêt Tacconi (64), la Cour a affirmé clairement que « l’article 5, point 1, [du règlement nº 44/2001] n’exige pas la conclusion d’un contrat » (65), en précisant que « l’identification d’une obligation est néanmoins indispensable à l’application de cette disposition, étant donné que la compétence de la juridiction nationale est fixée, en matière contractuelle, en fonction du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée » (66). Toutefois, cet arrêt semble encore limiter l’applicabilité de l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001 aux situations dans lesquelles il existe un engagement librement assumé d’une partie envers une autre, c’est-à-dire une obligation qui lie les parties au litige.
58. Une telle limitation a été abandonnée dans l’arrêt Engler (67), dans lequel la Cour a confirmé que l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001 n’exige pas la conclusion d’un contrat (68). La Cour a clairement indiqué, eu égard à sa jurisprudence antérieure (69), que l’application de la règle de compétence spéciale prévue en matière contractuelle à cette disposition « n’est pas interprétée de manière étroite par la Cour » (70). Elle a jugé que l’application de cette disposition « présuppose la détermination d’une obligation juridique librement consentie par une personne à l’égard d’une autre et sur laquelle se fonde l’action du demandeur » (71). Cette définition plus large de la notion de « matière contractuelle » est désormais constante dans la jurisprudence de la Cour (72). Ladite définition impose que soient remplies deux conditions cumulatives pour qu’une demande relève de cette matière : elle doit, d’une part, concerner une obligation juridique librement consentie par une personne à l’égard d’une autre et, d’autre part, être fondée sur cette obligation.
i) Sur la première condition : la demande doit concerner une obligation juridique librement consentie par une personne à l’égard d’une autre
59. Il ressort de la jurisprudence de la Cour que cette première condition concerne plusieurs types d’obligations juridiques (73). Tout d’abord, dans l’arrêt Kareda (74), la Cour a précisé cette première condition à la lumière de sa jurisprudence antérieure (75). Dans le cadre d’une interprétation plus large de la notion de « matière contractuelle », elle a jugé que les obligations contractuelles incluent toutes les obligations qui trouvent leur source dans un contrat (76).
60. Ensuite, elle a inclus également les obligations qui trouvent leur fondement dans « des liens étroits de même type que ceux qui s’établissent entre les parties à un contrat » (77).
61. Enfin, dès lors que, pour qu’une action relève de la matière contractuelle, il faut identifier l’obligation qui sert de base à la demande sans que l’existence d’un contrat soit exigée (78), la Cour a considéré, notamment, que les obligations qui s’imposent en raison non pas d’un accord de volonté, mais d’un engagement unilatéral volontaire d’une personne à l’égard d’une autre (79), ainsi que les relations contractuelles tacites (80), relèvent de la « matière contractuelle ».
62. Toutefois, les deux conditions en cause étant cumulatives, l’application de l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001 ne dépend pas uniquement de l’identification d’une obligation. Encore faut-il que la demande soit fondée sur cette obligation.
ii) Sur la seconde condition : la demande doit être fondée sur cette obligation
63. Dans l’arrêt flightright (81), la Cour a précisé que la règle de compétence spéciale en matière contractuelle prévue à l’article 5, point 1, sous a), du règlement no 44/2001 et à l’article 7, point 1, sous a), du règlement no 1215/2012 repose non pas sur l’identité des parties mais sur la cause de l’action (82).
64. À cet égard, ainsi que l’a indiqué l’avocat général Saugmandsgaard Øe, « [p]ar cette condition, la Cour réserve [...] [les] demandes qui sont de nature contractuelle, c’est-à-dire [...] celles qui soulèvent, au fond, principalement des questions de droit des contrats – ou, dit autrement, des questions relevant du domaine de la loi du contrat (dite “lex contractus”), au sens du règlement [nº 593/2008]. La Cour assure ainsi, en accord avec l’objectif de proximité sous-tendant cette disposition, que le juge du contrat se prononce essentiellement sur pareilles questions » (83). Celui-ci a souligné que, étant donné que ces dispositions relatives à la règle de compétence spéciale en matière contractuelle ne s’appliquent pas uniquement aux contrats, il visait par là « toutes les règles de droit qui imposent des obligations en raison d’un engagement volontaire d’une personne à l’égard d’une autre » (84).
b) Conclusion intermédiaire
65. Eu égard aux considérations qui précédent, il y a lieu de constater, en premier lieu, que la jurisprudence de la Cour relative à l’interprétation de la notion de « matière contractuelle », au sens de l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001, ne saurait être considérée comme uniforme, ce qui explique les difficultés rencontrées par les juridictions nationales pour déterminer, encore aujourd’hui, si les litiges relèvent ou non de cette matière (85).
66. En effet, initialement, la Cour s’est orientée vers une interprétation restrictive de la notion de « matière contractuelle », en considérant que seuls les litiges trouvant leur origine dans un contrat entre les parties au litige relevaient de cette matière (86). Dans le cadre de cette interprétation, la Cour s’est référée, essentiellement, à l’objectif de prévisibilité et de sécurité juridique de la convention de Bruxelles ou du règlement nº 44/2001 (87).
67. La Cour s’est ensuite orientée vers une interprétation plus large de la notion de « matière contractuelle », en considérant qu’un litige relève de cette notion lorsque le demandeur fonde l’action qu’il dirige contre le défendeur sur une obligation juridique librement consentie par une personne envers une autre. C’est dans l’arrêt Engler (88) que la Cour a, pour la première fois, indiqué clairement qu’elle n’interprète « pas [l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001] de manière étroite ». C’est ensuite dans les arrêts Kareda (89) et flightright (90), confirmés dans la jurisprudence ultérieure (91), qu’elle a abandonné définitivement l’interprétation restrictive de cette disposition fondée sur l’approche « personnaliste » de la matière contractuelle (92), issue de l’arrêt Handte (93), pour adopter une interprétation plus large.
68. En second lieu, il ressort de cette interprétation plus large que l’action d’un demandeur, même introduite contre un tiers, doit être qualifiée de « contractuelle », au sens de l’article 5, point 1, du règlement no 44/2001, dès lors qu’elle se fonde sur une obligation juridique consentie par une personne à l’égard d’une autre (94). Par conséquent, la circonstance que, en l’espèce, les deux parties au litige ne sont pas directement liées par un contrat ne saurait remettre en cause la qualification de cette action comme relevant de la « matière contractuelle ». En effet, seul importe le fait que l’obligation juridique dont se prévalent les requérants au principal soit née d’un contrat, entendu comme un accord entre deux personnes, ou d’une relation juridique qui peut être assimilée à un contrat dans la mesure où elle crée des « liens étroits de même type que ceux qui s’établissent entre les parties à un contrat » (95).
69. Dans le cadre de cette interprétation plus large, il ressort des arrêts Kareda et flightright que la Cour s’est référée non seulement à l’objectif de prévisibilité et de sécurité juridique mais également à celui de proximité et de bonne administration de la justice (96).
70. Ainsi, lorsque l’obligation contractuelle sur laquelle est fondée l’action du demandeur a été identifiée, il y a lieu de déterminer s’il existe un lien de rattachement particulièrement étroit entre la demande et la juridiction qui peut être appelée à en connaître, ou si l’application de l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001 permet de faciliter la bonne administration de la justice (97). À mon sens, il y a donc lieu de veiller au respect de l’équilibre entre l’objectif de prévisibilité et de sécurité juridique et celui de proximité et de bonne administration de la justice de ce règlement (98).
71. À cet égard, je rappelle que la Cour a jugé, d’une part, qu’il est indispensable d’éviter, dans la mesure du possible, une multiplication des juridictions compétentes par rapport à un même contrat, afin de prévenir le risque de contrariété de décisions et de faciliter ainsi la reconnaissance et l’exécution des décisions judiciaires en dehors de l’État dans lequel elles ont été rendues (99). En effet, ce sont des raisons de bonne administration de la justice et d’organisation utile du procès qui ont motivé l’adoption du critère de compétence de l’article 5, point 1, de la convention de Bruxelles, la juridiction du lieu où doit être exécutée l’obligation stipulée au contrat et servant de base à l’action judiciaire étant normalement celle qui est la plus apte à statuer, notamment pour des motifs de proximité du litige et de facilité d’administration des preuves (100).
72. La Cour a également jugé, d’autre part, que le principe de sécurité juridique exige que les règles de compétence qui dérogent au principe général énoncé à l’article 2 du règlement nº 44/2001, telles que celle de l’article 5, point 1, de ce règlement, soient interprétées de façon à permettre à un défendeur normalement averti de prévoir raisonnablement devant quelle juridiction, autre que celle de l’État de son domicile, il pourrait être attrait (101).
73. En l’occurrence, l’argument du défendeur au principal selon lequel il ne pouvait pas prévoir être attrait devant la juridiction de renvoi, qui est la juridiction du lieu d’exécution des obligations dans lequel les œuvres d’art se trouvaient durant plus de 30 ans, ne saurait prospérer.
74. Cette appréciation est conforme au principe de proximité et de sécurité juridique et garantit l’équilibre entre les intérêts du demandeur et ceux du défendeur. En outre, une telle solution permet que la règle de compétence énoncée à l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001 produise son effet utile.
75. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose de répondre à la première question préjudicielle que l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001 doit être interprété en ce sens que son application présuppose la détermination d’une obligation juridique librement consentie par une personne à l’égard d’une autre et sur laquelle se fonde l’action du demandeur, même lorsque cette obligation ne lie pas directement les parties au litige. Dans l’interprétation de cette disposition, la juridiction nationale doit veiller au respect de l’équilibre entre l’objectif de prévisibilité et de sécurité juridique et celui de proximité et de bonne administration de la justice.
3. Sur la deuxième question préjudicielle
76. Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si une action relève de la « matière contractuelle », au sens de l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001, lorsqu’il apparaît indispensable d’examiner l’obligation contractuelle ou, le cas échéant, le contenu du ou des contrats en cause afin d’apprécier le fondement de l’action du demandeur pour établir la nature juridique de cette obligation. Par cette question, elle demande à la Cour de confirmer si le critère énoncé par la Cour au point 32 de l’arrêt Wikingerhof peut s’appliquer, par analogie, pour apprécier le fondement d’une action en reconnaissance d’un droit de propriété, telle que celle en cause au principal. Toutefois, compte tenu du fait que, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, le demandeur invoquait dans sa requête la violation d’une obligation imposée par la loi, et plus précisément par le droit de la concurrence (102), je considère que ce critère n’est pas applicable en l’espèce. Pour ces raisons, j’estime qu’il est nécessaire de reformuler ladite question afin de permettre à la Cour d’y apporter une réponse utile.
77. Par conséquent, je suis d’avis que la deuxième question posée par la juridiction de renvoi doit être reformulée de telle sorte que, par cette question, cette juridiction cherche à savoir si, au stade de la vérification de la compétence, pour apprécier le fondement d’une action du demandeur en vue d’établir si cette action relève de la « matière contractuelle », au sens de l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001, la juridiction saisie est tenue d’examiner l’obligation contractuelle ou, le cas échéant, le contenu du ou des contrats en cause.
78. Il me semble que la jurisprudence apporte la réponse à cette question. En effet, la Cour a jugé que l’objectif de sécurité juridique exige que le juge national saisi puisse aisément se prononcer sur sa propre compétence, sans être contraint de procéder à un examen de l’affaire au fond (103). En ce qui concerne l’application de cette exigence dans le cadre de la compétence spéciale, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, la Cour a considéré, d’une part, que le juge appelé à trancher un litige issu d’un contrat peut vérifier, même d’office, les conditions essentielles de sa compétence, au vu d’éléments concluants et pertinents fournis par la partie intéressée, établissant l’existence ou l’inexistence du contrat (104). D’autre part, elle a précisé que, au stade de la vérification de la compétence, la juridiction saisie n’apprécie ni la recevabilité ni le bien-fondé de la demande selon les règles du droit national, mais identifie uniquement les points de rattachement avec l’État du for justifiant sa compétence, en vertu de l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001. Ainsi, cette juridiction peut considérer comme établies, aux seules fins de vérifier sa compétence en vertu de cette disposition, les allégations pertinentes du demandeur quant à la nature juridique des obligations sur lesquelles se fonde son action (105). La Cour a encore précisé que, dans le cadre de la vérification de la compétence au titre du règlement nº 44/2001, la juridiction saisie d’un litige doit apprécier tous les éléments dont elle dispose, y compris, le cas échéant, les contestations émises par le défendeur (106).
79. La circonstance que l’action en cause au principal est une action en reconnaissance d’un droit de propriété est sans incidence sur le fait que cette action relève de la « matière contractuelle » et, partant, sur l’application de l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001. En effet, seul importe le fait que l’obligation juridique sur laquelle se fonde l’action des requérants au principal est née d’un contrat original, ainsi que je l’ai indiqué au point 68 des présentes conclusions. Je relève également que l’action introduite par les requérants au principal est fondée sur l’allégation selon laquelle CD aurait acquis, par ce premier contrat, le droit de propriété portant sur les œuvres d’art.
80. Par conséquent, je propose de répondre à cette question que, pour apprécier le fondement d’une action du demandeur en vue de déterminer si cette action relève de la « matière contractuelle », au sens de l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001, la juridiction saisie n’est pas tenue d’examiner, au stade de la vérification de la compétence, l’obligation contractuelle ou, le cas échéant, le contenu du ou des contrats en cause. Afin de vérifier si les conditions essentielles de sa compétence sont remplies, cette juridiction identifie uniquement les points de rattachement avec l’État du for justifiant sa compétence en vertu de cette disposition et apprécie tous les éléments dont elle dispose, notamment les allégations pertinentes du demandeur quant à la nature des obligations sur lesquelles se fonde son action et, le cas échéant, les contestations émises par le défendeur. La circonstance que l’action en cause au principal est une action en reconnaissance d’un droit de propriété est sans incidence sur le fait que cette action relève de la « matière contractuelle » et, partant, sur l’application de l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001.
4. Sur la troisième question préjudicielle
81. Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’une action en reconnaissance d’un droit de propriété portant sur un bien meuble, lorsqu’elle est fondée sur deux contrats qui ne lient, ni l’un ni l’autre, les parties au litige, relève de la « matière contractuelle », au sens de cette disposition, et, le cas échéant, lequel de ces contrats doit être pris en compte pour déterminer le lieu de l’obligation qui sert de base à la demande.
82. En l’occurrence, par leur action, les requérants au principal cherchent à faire reconnaître leur droit de propriété sur les œuvres d’art. Ainsi que je l’ai déjà indiqué, les particularités de cette affaire tiennent au fait que leur action en reconnaissance de leur droit de propriété est fondée sur deux contrats en dépit de l’absence de lien contractuel direct entre eux et le défendeur au principal.
83. S’agissant, en premier lieu, du point de savoir si une situation telle que celle en cause au principal, dans laquelle les contrats sur lesquels se fonde l’action du demandeur ne lient pas les parties au litige, relève de la « matière contractuelle », je considère, comme il ressort de ma proposition de réponse à la première question, que tel est le cas. En outre, il résulte de l’argumentation développée par la juridiction de renvoi qu’il est possible d’identifier une obligation juridique librement consentie entre deux personnes, à savoir CD et le couple d’artistes, sur laquelle se fonde l’action des requérants au principal. Cette obligation existe indépendamment du type de contrat (contrat de vente ou de dépôt) conclu entre CD (107) et le couple d’artistes. Dès lors, la nature juridique du contrat original qui aurait été conclu entre ces deux parties est sans importance lorsque l’on doit déterminer si la juridiction de renvoi peut identifier une obligation contractuelle, au sens de la jurisprudence de la Cour.
84. S’agissant, en second lieu, de la question de savoir quel contrat doit être pris en compte pour déterminer le lieu de l’obligation qui sert de base à la demande, il convient de rappeler que le litige au principal trouve son origine dans le premier contrat, dont la qualification est au cœur du litige. Autrement dit, ce premier contrat est la source originale des droits et obligations litigieux. Si la qualification dudit contrat, de « contrat de vente » ou de « contrat de dépôt », est essentielle pour déterminer si la propriété des œuvres d’art a été transférée à CD, c’est non pas à la Cour mais à la juridiction de renvoi qu’il appartient d’y procéder. En effet, l’analyse de ce même contrat aux fins de déterminer sa nature juridique relève du fond de l’affaire.
85. Certes, il n’est pas nécessaire de déterminer si le premier contrat est un contrat de vente ou un contrat de dépôt pour répondre à la question de savoir si le litige au principal relève du champ d’application de l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001. Cependant, la qualification de ce contrat s’avère indispensable pour déterminer quelle disposition s’applique en l’espèce, l’article 5, point 1, sous a), ou l’article 5, point 1, sous b), de ce règlement, cette dernière disposition concernant uniquement la vente de marchandises et la fourniture de services. En outre, la distinction entre ces deux dispositions n’est pas sans incidence sur la détermination des juridictions compétentes en matière contractuelle (108).
86. La juridiction de renvoi n’a pas spécifiquement abordé la question de l’applicabilité, en l’espèce, desdites dispositions, pas plus qu’elle n’a demandé à la Cour de l’éclairer sur ce point. Les parties ne se sont pas davantage penchées sur cette question, qui n’a pas fait l’objet de débat entre elles. Partant, je me limiterai à formuler les remarques suivantes.
87. Tout d’abord, j’observe que, pour déterminer si l’article 5, point 1, sous b), du règlement nº 44/2001 a vocation à s’appliquer au litige au principal, la juridiction de renvoi doit apprécier si, en l’espèce, ce premier contrat peut être qualifié de « contrat de vente de marchandises » ou de « contrat de prestation de services ». Dans l’affirmative, elle doit déterminer le lieu où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées (109), ou, le cas échéant, où les services ont été ou auraient dû être fournis (110). À cet égard, je rappelle que cette disposition définit de manière autonome les critères de rattachement pour les contrats de vente de marchandises et de fourniture de services (111).
88. Si la juridiction de renvoi considère que l’article 5, point 1, sous b), du règlement nº44/2001 n’a pas vocation à s’appliquer au litige au principal (112), elle devra alors appliquer l’article 5, point 1, sous a), de ce règlement qui concerne tous les types de contrats sauf ceux énoncés à l’article 5, point 1, sous b), dudit règlement. Dans ce cas, pour déterminer le lieu d’exécution de l’obligation en cause, au sens de l’article 5, point 1, sous a), du même règlement, cette juridiction devra appliquer le principe issu de l’arrêt Industrie Tessili Italiana Como (113), selon lequel, d’une part, une action peut être introduite devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation sur laquelle est fondée cette action et, d’autre part, ce lieu doit être déterminé conformément à la loi qui régit cette obligation contractuelle litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie (114).
89. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la troisième question préjudicielle qu’une action en reconnaissance d’un droit de propriété portant sur un bien meuble, lorsqu’elle est fondée sur deux contrats qui ne lient pas directement les parties au litige, relève de la « matière contractuelle », au sens de l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001. Le contrat à prendre en compte pour déterminer le lieu de l’obligation qui sert de base à la demande est le contrat original faisant l’objet du litige.
V. Conclusion
90. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour d’apporter la réponse suivante aux questions préjudicielles soumises par la cour d’appel de Bruxelles (Belgique) :
1) L’article 5, point 1, du règlement (CE) nº 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale doit être interprété en ce sens que son application présuppose la détermination d’une obligation juridique librement consentie par une personne à l’égard d’une autre et sur laquelle se fonde l’action du demandeur, même lorsque cette obligation ne lie pas directement les parties au litige. Dans le cadre de l’interprétation de cette disposition, la juridiction nationale doit veiller au respect de l’équilibre entre l’objectif de prévisibilité et de sécurité juridique et celui de proximité et de bonne administration de la justice.
2) Aux fins d’apprécier le fondement d’une action en vue de déterminer si elle relève de la « matière contractuelle », au sens de l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001, la juridiction saisie n’est pas tenue d’examiner, au stade de la vérification de la compétence, l’obligation contractuelle ou, le cas échéant, le contenu du ou des contrats en cause. Afin de vérifier si les conditions essentielles de sa compétence sont remplies, cette juridiction identifie uniquement les points de rattachement avec l’État du for justifiant sa compétence en vertu de cette disposition et apprécie tous les éléments dont elle dispose, notamment les allégations pertinentes du demandeur quant à la nature des obligations sur lesquelles se fonde son action et, le cas échéant, les contestations émises par le défendeur. La circonstance que l’action en cause au principal est une action en reconnaissance d’un droit de propriété est sans incidence sur le fait que cette action relève de la « matière contractuelle » et, partant, sur l’application de l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001.
3) L’action en reconnaissance d’un droit de propriété portant sur un bien meuble, lorsqu’elle est fondée sur deux contrats qui ne lient pas directement les parties au litige, relève de la « matière contractuelle », au sens de l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001. Le contrat à prendre en compte pour déterminer le lieu de l’obligation qui sert de base à la demande est le contrat original faisant l’objet du litige.