Language of document : ECLI:EU:C:2024:516

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

14 juin 2024 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑165/24 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 1er mars 2024,

OmniActive Health Technologies Ltd, établie à Mumbai (Inde), représentée par Me M. Hawkins, abogado, ainsi que par Mes C. Zimmer et T. Dolde, Rechtsanwälte,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Pharmaselect International Beteiligungs GmbH, établie à Vienne (Autriche),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, Mmes O. Spineanu-Matei et L. S. Rossi (rapporteure), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition de la juge rapporteure et l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, OmniActive Health Technologies Ltd demande l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 20 décembre 2023, Pharmaselect International et OmniActive Health Technologies / EUIPO – OmniActive Health Technologies et Pharmaselect International (LUTAMAX) (T‑221/22 et T‑242/22, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2023:858), par lequel celui-ci a rejeté partiellement le recours de Pharmaselect International Beteiligungs GmbH dans l’affaire T‑221/22 et intégralement celui de OmniActive Health Technologies dans l’affaire T‑242/22, tendant à l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 24 février 2022 (affaires jointes R 524/2021‑1 et R 649/2021‑1), relative à une procédure de déchéance entre OmniActive Health Technologies et Pharmaselect International Beteiligungs.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que les deux moyens de son pourvoi, tirés d’une violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), soulèvent des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

7        Par son premier moyen, la requérante soutient que le Tribunal, lors de son appréciation de l’usage sérieux de la marque contestée, a appliqué erronément l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001. En particulier, le Tribunal aurait considéré, aux points 52 et 55 de l’arrêt attaqué, que l’absence de prise en compte de la directive 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 juin 2002, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les compléments alimentaires (JO 2002, L 183, p. 51), était sans incidence sur le bien-fondé de la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le produit en cause relève de la catégorie des « compléments alimentaires à usage médical ou diététique », dès lors que la définition de la notion de « compléments alimentaires » qui avait été retenue était sensiblement proche de celle issue de l’article 2, sous a), de cette directive.

8        Ce faisant, le Tribunal aurait considéré uniquement pertinente et applicable cette dernière disposition, prise isolément, et non ladite directive dans son ensemble, en particulier son article 6, paragraphe 2. Or, l’unité du droit de l’Union exigerait que les actes législatifs soient appliqués dans leur intégralité, même en dehors de leur champ d’application principal, afin d’éviter des incohérences. En outre, la question de savoir si des actes législatifs de l’Union doivent être considérés dans leur intégralité et interprétés à la lumière de chacune de leurs dispositions dépasserait le cadre de la présente procédure ainsi que celui du droit des marques.

9        Par ailleurs, la requérante fait valoir qu’une telle erreur de droit a des implications importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union, étant donné que l’usage sérieux d’une marque sur le marché dépend de manière significative des actes législatifs pertinents régissant la commercialisation, l’étiquetage et la distribution de ces produits, notamment dans le secteur de la santé et de la nutrition.

10      Par son second moyen, la requérante allègue que le Tribunal, en considérant que les « compléments alimentaires à usage médical ou diététique » ne peuvent pas être divisés en sous-catégories, a commis une erreur dans l’application de l’article 58, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et a ainsi méconnu le principe selon lequel une marque ne doit être maintenue que dans la mesure où elle fait l’objet d’un usage sérieux sur le marché. Or, le marché des compléments alimentaires étant un marché très diversifié et en croissance, la capacité des concurrents à différencier leurs produits sur la base de sous-catégories spécifiques serait cruciale pour encourager l’innovation, répondre aux demandes des consommateurs et garantir une concurrence loyale.

11      En outre, la requérante affirme que la solution retenue par le Tribunal porte atteinte à l’unité du droit de l’Union et constitue une source d’insécurité juridique. En effet, ne pas tenir compte du fait que les compléments alimentaires peuvent être différenciés par leur substance active irait à l’encontre de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 2002/46, de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, ainsi que de la liste de termes établie par les offices harmonisés.

12      Enfin, la requérante soutient que la question relative à l’établissement de sous-catégories pour les compléments alimentaires est une question générale qui requiert une décision de la Cour, puisqu’elle concerne la concurrence loyale, la prévisibilité et la clarté du droit de l’Union. Elle souligne, à cet égard, que l’interprétation faite par le Tribunal dans l’arrêt attaqué empêcherait le développement du marché des compléments alimentaires, entraverait la concurrence et limiterait le choix des consommateurs, en plaçant ce marché dans une situation de désavantage par rapport à celui des produits pharmaceutiques, au regard duquel la jurisprudence établit des sous-catégories en fonction de l’indication thérapeutique du produit.

13      À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 18).

14      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 19).

15      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que la requérante met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 20).

16      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16, et du 8 mai 2024, Wyrębski/QC e.a., C‑689/23 P, EU:C:2024:397, point 21).

17      En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, de l’argumentation exposée aux points 7 à 9 de la présente ordonnance, relative à la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 lors de l’appréciation de l’usage sérieux de la marque contestée, il importe de relever que, si la requérante énonce l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal, elle n’explique pas, à suffisance de droit, ni, a fortiori, ne démontre, d’une manière respectant l’ensemble des exigences énoncées au point 15 de la présente ordonnance, en quoi son pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, qui justifierait l’admission du pourvoi.

18      En effet, il convient de rappeler que, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission du pourvoi, le requérant au pourvoi doit démontrer que, indépendamment des questions de droit qu’il invoque dans son pourvoi, ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, la portée de ce critère dépassant le cadre de l’arrêt sous pourvoi et, en définitive, celui de son pourvoi. Cette démonstration implique elle-même d’établir tant l’existence que l’importance de telles questions, au moyen d’éléments concrets et propres au cas d’espèce, et non pas simplement au moyen d’arguments d’ordre général (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, points 27 et 28, ainsi que du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, points 30 et 31).

19      Or, les simples allégations de la requérante selon lesquelles la question de savoir si les actes de droit dérivé doivent être considérés dans leur intégralité et interprétés à la lumière de l’ensemble de leurs dispositions est une question importante pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union, qui revêt une signification allant au-delà de la présente affaire, sont manifestement trop générales pour être de nature à constituer une telle démonstration (voir, par analogie, ordonnance du 27 octobre 2023, Wallmax/EUIPO, C‑495/23 P, EU:C:2023:824, point 17).

20      S’agissant, en second lieu, de l’argumentation résumée aux points 10 à 12 de la présente ordonnance, relative à la violation de l’article 58, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 du fait de l’absence de division de la notion des « compléments alimentaires à usage médical ou diététique » en sous‑catégories, force est de souligner que la requérante n’a pas respecté l’ensemble des exigences énoncées au point 15 de la présente ordonnance.

21      En effet, la requérante n’identifie aucun point de l’arrêt attaqué qu’elle entend remettre en cause, privant, en l’occurrence, le moyen invoqué de son contexte propre et le rendant, dès lors, insuffisamment précis. En outre, elle n’indique pas dans quelle mesure l’erreur de droit invoquée a exercé une influence sur le résultat de cet arrêt (voir, par analogie, ordonnance du 27 juin 2023, Haskovo Chamber of Commerce and Industry/EUIPO et Devin, C‑77/23 P, EU:C:2023:519, point 25).

22      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

23      Eu égard aux considérations qui précèdent, il n’y a pas lieu d’admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

24      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

25      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      OmniActive Health Technologies Ltd supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.