Language of document : ECLI:EU:T:2024:418

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

26 juin 2024 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine – Gel des fonds – Liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Maintien du nom du requérant sur la liste – Notion de “femme ou homme d’affaires influents” – Article 2, paragraphe 1, sous f) et g), de la décision 2014/145/PESC – Article 3, paragraphe 1, sous f) et g), du règlement (UE) no 269/2014 – Erreur d’appréciation »

Dans l’affaire T‑740/22,

Dmitry Alexandrovich Pumpyanskiy, demeurant à Ekaterinbourg (Russie), représenté par Mes G. Lansky, P. Goeth, A. Egger et E. Steiner, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme S. Van Overmeire et M. B. Driessen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, R. Mastroianni et T. Tóth (rapporteur), juges,

greffier : Mme M. Zwozdziak-Carbonne, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 21 février 2024,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Dmitry Alexandrovich Pumpyanskiy, demande l’annulation de la décision (PESC) 2022/1530 du Conseil, du 14 septembre 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 149), et du règlement d’exécution (UE) 2022/1529 du Conseil, du 14 septembre 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « premiers actes de maintien »), de la décision (PESC) 2023/572 du Conseil, du 13 mars 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75 I, p. 134), et du règlement d’exécution (UE) 2023/571 du Conseil, du 13 mars 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75 I, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « deuxièmes actes de maintien »), et de la décision (PESC) 2023/1767 du Conseil, du 13 septembre 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 226, p. 104), et du règlement d’exécution (UE) 2023/1765 du Conseil, du 13 septembre 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 226, p. 3) (ci-après, pris ensemble, les « troisièmes actes de maintien »), en tant que ces actes (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués ») maintiennent son nom sur les listes annexées auxdits actes.

I.      Antécédents du litige

A.      Sur l’inscription initiale du nom du requérant sur les listes des personnes visées par les mesures restrictives

2        La présente affaire s’inscrit dans le contexte des mesures restrictives décidées par l’Union européenne eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.

3        Le requérant est de nationalité russe.

4        Le 17 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16).

5        À la même date, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6).

6        Le 25 février 2022, au vu de la gravité de la situation en Ukraine, le Conseil a adopté, d’une part, la décision (PESC) 2022/329 modifiant la décision 2014/145 (JO 2022, L 50, p. 1), et, d’autre part, le règlement (UE) 2022/330 modifiant le règlement no 269/2014 (JO 2022, L 51, p. 1), afin notamment d’amender les critères en application desquels des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes pouvaient être visés par les mesures restrictives en cause.

7        L’article 2, paragraphes 1 et 2, de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, se lit comme suit :

« 1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant :

[…]

f)      à des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes qui apportent un soutien matériel ou financier au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine, ou qui tirent avantage de ce gouvernement ; ou

g)      à des femmes et hommes d’affaires influents ou des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine,

et à des personnes physiques et morales, des entités ou des organismes qui leur sont associés, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent, dont la liste figure en annexe.

2. Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe, ou mis à leur profit. »

8        Les modalités de ce gel des fonds sont définies aux paragraphes suivants du même article.

9        L’article 1er, paragraphe 1, sous d) et e), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, proscrit l’entrée ou le passage en transit sur le territoire des États membres des personnes physiques répondant à des critères en substance identiques à ceux énoncés à l’article 2, paragraphe 1, sous f) et g), de cette même décision.

10      Le règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330, impose l’adoption des mesures de gel des fonds et définit les modalités de ce gel en des termes identiques, en substance, à ceux de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329. En effet, l’article 3, paragraphe 1, sous a) à g), de ce règlement reprend pour l’essentiel le contenu de l’article 2, paragraphe 1, sous a) à g), de ladite décision.

11      Par la décision (PESC) 2022/397 du Conseil, du 9 mars 2022, modifiant la décision 2014/145 (JO 2022, L 80, p. 31), et le règlement d’exécution (UE) 2022/396 du Conseil, du 9 mars 2022, mettant en œuvre le règlement no 269/2014 (JO 2022, L 80, p. 1) (ci-après les « actes initiaux »), le nom du requérant a été ajouté, respectivement, à la liste annexée à la décision 2014/145 et à celle figurant à l’annexe I du règlement no 269/2014 (ci-après les « listes en cause »), aux motifs suivants :

« [Le requérant] est président du conseil d’administration de PJSC Pipe Metallurgic Company [TMK] et président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara. Il soutient ainsi les autorités de la Fédération de Russie et des entreprises d’État, notamment les chemins de fer russes, Gazprom et Rosneft, et tire profit d’une coopération avec celles-ci. Il exerce donc des activités dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine.

Le 24 février 2022, à la suite des premières phases de l’agression russe contre l’Ukraine, Dmitry Alexandrovitch Pumpyansky, ainsi que 36 autres hommes d’affaires, ont rencontré le président Vladimir Poutine et d’autres membres du gouvernement russe pour discuter de l’incidence des choix à opérer à la suite des sanctions occidentales. Le fait qu’il ait été invité à participer à cette réunion montre qu’il appartient au cercle le plus proche du [président Vladimir] Poutine et qu’il soutient ou met en œuvre des actions ou des politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ainsi que la stabilité et la sécurité en Ukraine. Cela montre également qu’il fait partie des hommes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »

12      Le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne du 10 mars 2022 (JO 2022, C 144 I, p. 1) un avis à l’attention des personnes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par les actes attaqués. Cet avis indiquait, notamment, que les personnes concernées pouvaient adresser au Conseil une demande de réexamen de la décision par laquelle leurs noms avaient été inscrits sur les listes annexées auxdits actes, en y joignant des pièces justificatives.

13      Par courriel du 19 avril 2022, le requérant a demandé qu’il lui soit donné accès tous les documents produits et détenus par le Conseil et le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), ayant servi de fondement à l’adoption des mesures restrictives le concernant, en vue d’élaborer une demande de réexamen.

14      Par lettre du 28 avril 2022, le Conseil a répondu à la demande du requérant visée au point 13 ci-dessus et a transmis les informations figurant dans le dossier portant la référence WK 3051/2022 INIT, daté du 8 mars 2022 (ci-après le « premier dossier WK »).

15      Le requérant a introduit un recours devant le Tribunal de l’Union européenne, enregistré sous le numéro d’affaire T‑270/22, tendant à l’annulation des actes initiaux, pour autant que ces actes le concernaient. Ce recours a été rejeté par arrêt du 6 septembre 2023, Pumpyanskiy/Conseil (T‑270/22, non publié, sous pourvoi, EU:T:2023:490).

B.      Sur le maintien du nom du requérant sur les listes en cause jusqu’au 15 mars 2024

16      Le 14 septembre 2022, le Conseil a adopté les premiers actes de maintien, qui ont prolongé l’application des actes initiaux jusqu’au 15 mars 2023, sans apporter de modification aux motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause par rapport à ceux figurant dans les actes initiaux.

17      Le 24 novembre 2022, le requérant a introduit le présent recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑740/22, tendant à l’annulation des premiers actes de maintien, pour autant que ces actes le concernaient.

18      Par lettre du 22 décembre 2022, le Conseil a informé le requérant de son intention de maintenir les mesures restrictives à son égard et a transmis les informations figurant dans le dossier portant la référence WK 17688/2022, daté du 15 décembre 2022 (ci-après le « deuxième dossier WK »). Le requérant a répondu à cette lettre le 11 janvier 2023.

19      Par lettre du 6 février 2023, le Conseil a de nouveau informé le requérant de son intention de maintenir les mesures restrictives à son égard. Ce dernier a répondu à cette lettre le 14 février 2023.

20      Le 13 mars 2023, le Conseil a adopté les deuxièmes actes de maintien, qui ont prolongé les mesures prises à l’égard du requérant jusqu’au 15 septembre 2023. Les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause ont été modifiés comme suit :

« [Le requérant] est un homme d’affaires russe influent. Membre du Conseil de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de la Fédération de Russie et président de l’Union régionale des industriels et des entrepreneurs de Sverdlovsk (SOSPP). Il est [l’]ancien président du conseil d’administration de [la société] TMK […] et [l’]ancien président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara. À ces titres, il a soutenu les autorités de la Fédération de Russie et des entreprises d’État, notamment les chemins de fer russes, Gazprom et Rosneft, et a tiré profit d’une coopération avec celles-ci. Il a donc une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine.

Le 24 février 2022, après les premières phases de l’agression russe contre l’Ukraine, [le requérant] ainsi que 36 autres hommes d’affaires ont rencontré le président Vladimir Poutine et d’autres membres du gouvernement russe pour discuter de l’incidence des choix à opérer à la suite des sanctions occidentales. Le fait qu’il ait été invité à participer à cette réunion montre qu’il appartient au cercle le plus proche [du président] Vladimir Poutine et qu’il soutient ou met en œuvre des actions ou des politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ainsi que la stabilité et la sécurité en Ukraine. Cela montre aussi qu’il est un des hommes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »

21      Ainsi, la modification au regard des actes initiaux et des premiers actes de maintien consistait dans l’actualisation des fonctions du requérant. Les motifs précisent, d’une part, sa qualité de membre du conseil de la Chambre de commerce et d’industrie de la Fédération de Russie (ci-après la « CCI ») et président de l’Union régionale des industriels et des entrepreneurs de Sverdlovsk (ci-après la « SOSPP ») et, d’autre part, ses anciennes fonctions de président du conseil d’administration de la société TMK et de président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara.

22      Par lettre du 14 mars 2023, le Conseil a notifié au requérant la décision 2023/572 en lui indiquant qu’« [il] a[vait] conclu, après avoir examiné [ses] observations, qu’elles ne remett[ai]ent pas en doute [son] appréciation selon laquelle des mesures restrictives devraient [lui] être appliquées ».

23      Par lettre du 21 avril 2023, le Conseil a confirmé que l’ensemble des informations pertinentes relatives au maintien du nom du requérant sur les listes en cause par les deuxièmes actes de maintien figuraient dans le deuxième dossier WK.

24      Le 5 juin 2023, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2023/1094, modifiant la décision 2014/145 (JO 2023, L 146, p. 20), et le règlement (UE) 2023/1089, modifiant le règlement no 269/2014 (JO 2023, L 146, p. 1).

25      La décision 2023/1094 a modifié, à partir du 7 juin 2023, les critères d’inscription des noms des personnes visées par le gel des fonds, le texte de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 étant remplacé par le texte suivant :

« g)      à des femmes et hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie et aux membres de leur famille proche ou à d’autres personnes physiques, qui en tirent avantage, ou à des femmes et hommes d’affaires, des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine ; ou. »

26      Le règlement 2023/1089 a modifié de façon similaire le règlement no 269/2014.

27      Le 19 juin 2023, le Conseil a informé le requérant de son intention de maintenir les mesures restrictives à son égard et a communiqué le dossier portant la référence WK 8176/2023 INIT (ci-après le « troisième dossier WK »).

28      Le 10 juillet 2023, le Conseil a de nouveau indiqué au requérant son intention de renouveler les mesures restrictives imposées à son égard, en se fondant sur les dossiers portant les références WK 5142/2023 INIT, WK 8998/2023 INIT et WK 8835/2023 INIT.

29      Le 18 août 2023, le Conseil a réitéré son intention de maintenir les mesures restrictives à son égard et a communiqué au requérant le dossier portant la référence WK 5142/2023 ADD 1.

30      Le 13 septembre 2023, le Conseil a adopté les troisièmes actes de maintien, qui ont prolongé les mesures restrictives prises à l’égard du requérant jusqu’au 15 mars 2024. Les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause ont été modifiés comme suit :

« [Le requérant] est un homme d’affaires russe influent exerçant des activités en Russie. Il est vice-président, membre du bureau du conseil d’administration de l’Union russe des industriels et entrepreneurs (RSPP), coprésident de la commission de la politique industrielle et de la réglementation technique de la RSPP. Il est membre du conseil de la [CCI] et président de [la SOSPP].

Il a occupé des postes élevés dans de grandes [sociétés] métallurgiques russes. Il est [l’]ancien président du conseil d’administration de [la société] TMK […] et [l’]ancien président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara. À ce titre, il a soutenu les autorités de la Fédération de Russie et des entreprises d’État, notamment les chemins de fer russes, Gazprom et Rosneft, et a tiré profit d’une coopération avec celles-ci. Il a donc une activité dans des secteurs économiques constituant une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine.

Le 24 février 2022, après les premières phases de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, [le requérant] ainsi que 36 autres femmes et hommes d’affaires ont rencontré le président […] Vladimir Poutine et d’autres membres du gouvernement russe pour discuter de l’incidence des choix à opérer à la suite des sanctions occidentales. Le fait qu’il ait été invité à participer à cette réunion montre qu’il appartient au cercle le plus proche du président […] Vladimir Poutine et qu’il soutient ou met en œuvre des actions ou des politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine ainsi que la stabilité et la sécurité en Ukraine.

En outre, il s’est vu décerner la médaille de quatrième classe de l’ordre du “Mérite pour la patrie”, l’Ordre de l’honneur. Il a figuré parmi les femmes et hommes d’affaires russes influents qui ont participé au congrès de l’Union russe des industriels et des entrepreneurs [(RSPP)] en mars 2023, au cours duquel le président […] Vladimir Poutine a prononcé un discours et a exhorté les milliardaires à faire passer “le patriotisme avant le profit”. Ces éléments montrent qu’il est un homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie ainsi qu’un homme d’affaires intervenant dans des secteurs économiques constituant une source substantielle de revenus pour le gouvernement de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »

31      Par lettre du 15 septembre 2023, le Conseil, en se référant aux observations présentées par le requérant dans les lettres des 31 mai, 13 juin, 3 et 24 juillet et 31 août 2023, a informé ce dernier que, selon lui, ces observations ne mettaient pas en cause l’appréciation selon laquelle des mesures restrictives devaient être maintenues à son égard et que, par conséquent, il avait décidé de maintenir son nom sur les listes en cause.

II.    Conclusions des parties

32      À la suite des adaptations de la requête, le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer l’inapplicabilité, d’une part, de l’article 2, paragraphe 1, sous f) et g), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, et de l’article 3, paragraphe 1, sous f) et g), du règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330 et, d’autre part, de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2023/1094, et de l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2023/1089 ;

–        annuler les actes attaqués, en ce qu’ils le visent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

33      À la suite des observations sur l’adaptation de la requête, le Conseil conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        rejeter comme étant irrecevable, ou à titre subsidiaire comme étant non fondée, la seconde demande d’adaptation de la requête ;

–        condamner le requérant aux dépens.

34      Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, le Conseil a indiqué renoncer au deuxième chef de conclusions, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

III. En droit

A.       Sur la demande de jonction

35      Dans le mémoire en défense, le Conseil formule une demande de jonction de la présente affaire avec les affaires T‑270/22, Pumpyanskiy/Conseil, T‑272/22, Pumpyanskaya/Conseil, T‑291/22, Pumpyanskiy/Conseil, T‑734/22, Pumpyanskiy/Conseil et T‑737/22, Pumpyanskaya/Conseil, aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance.

36      Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, le Conseil a indiqué renoncer à cette demande, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

B.      Sur les conclusions en annulation

37      À l’appui de son recours, le requérant soulève, en substance, cinq moyens, tirés, le premier, d’une violation des droits de la défense, le deuxième, d’une erreur d’appréciation, le troisième, d’une violation de l’obligation de motivation, le quatrième, d’une violation du principe de proportionnalité et des droits fondamentaux et, le cinquième, de l’illégalité, au titre de l’article 277 TFUE, des critères d’inscription retenus dans les actes attaqués.

38      Le Tribunal estime qu’il convient d’examiner d’abord le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation.

39      S’agissant des premiers et des deuxièmes actes de maintien, le requérant reproche au Conseil d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation des faits en maintenant son nom sur les listes en cause sur le fondement des critères concernant :

–        les « personnes physiques ou morales […] qui apportent un soutien matériel ou financier au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine, ou qui tirent avantage de ce gouvernement » [ci-après le « critère f) »] [critère prévu à l’article 2, paragraphe 1, sous f), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, à l’article 3, paragraphe 1, sous f), du règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330 et, en substance, à l’article 1er, paragraphe 1, sous d), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329] ;

–        les « femmes et hommes d’affaires influents […] ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine » [ci-après le « critère g) initial »] [critère prévu à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, à l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330 et, en substance, à l’article 1er, paragraphe 1, sous e), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329].

40      Quant aux troisièmes actes de maintien, le requérant reproche au Conseil d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en maintenant son nom sur les listes en cause sur le fondement du critère concernant les « femmes et hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie […] ou [les] femmes et hommes d’affaires […] ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine » [ci-après le « critère g) modifié »] [critère prévu à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2023/1094, à l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2023/1089 et, en substance, à l’article 1er, paragraphe 1, sous e), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2023/1094].

41      En substance, le requérant fait valoir que, dans les actes attaqués, le Conseil n’apporte pas, conformément à la charge de la preuve qui lui incombe, d’éléments concrets, précis et concordants permettant de constituer une base factuelle suffisante afin d’étayer le maintien de son nom sur les listes en cause en application des critères f) et des critères g).

42      Le Conseil conteste le bien-fondé de ce moyen.

43      À titre liminaire, il importe de relever que le deuxième moyen doit être considéré comme tiré d’une erreur d’appréciation, et non d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, s’il est vrai que le Conseil dispose d’un certain pouvoir d’appréciation pour déterminer au cas par cas si les critères juridiques sur lesquels se fondent les mesures restrictives en cause sont remplis, il n’en reste pas moins que les juridictions de l’Union doivent assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company/Conseil, T‑565/12, EU:T:2014:608, points 54 et 55, et du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 61 et jurisprudence citée).

44      Par ailleurs, il convient de souligner que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs, ou à tout le moins l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119, et du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 128).

45      Il n’est pas requis que le Conseil produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’acte dont il est demandé l’annulation. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étaient les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 122, et du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 67).

46      L’appréciation du caractère suffisamment solide de la base factuelle retenue par le Conseil doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre l’entité sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime ou, en général, les situations combattues (voir arrêt du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 99 et jurisprudence citée). Selon la jurisprudence, les articles de presse peuvent être utilisés aux fins de corroborer l’existence de certains faits lorsqu’ils sont suffisamment concrets, précis et concordants quant aux faits qui y sont décrits (voir arrêt du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 108 et jurisprudence citée).

47      C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étaient les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 121 et 122, et du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company/Conseil, T‑565/12, EU:T:2014:608, point 57).

48      Par ailleurs, il convient de rappeler que les mesures restrictives ont une nature conservatoire et, par définition, provisoire, dont la validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à leur adoption ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui leur est associé. C’est ainsi qu’il incombe au Conseil, lors du réexamen périodique de ces mesures restrictives, de procéder à une appréciation actualisée de la situation et d’établir un bilan de l’impact de telles mesures, en vue de déterminer si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés par l’inscription initiale des noms des personnes et des entités concernées sur la liste en cause ou s’il est toujours possible de tirer la même conclusion concernant lesdites personnes et entités (arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, points 58 et 59 ; voir, également, arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 67 et jurisprudence citée).

49      Pour justifier le maintien du nom d’une personne sur la liste, il n’est pas interdit au Conseil de se fonder sur les mêmes éléments de preuve ayant justifié l’inscription initiale, la réinscription ou le maintien précédent du nom de la personne concernée sur la liste, pour autant que, d’une part, les motifs d’inscription demeurent inchangés et que, d’autre part, le contexte n’ait pas évolué d’une manière telle que ces éléments de preuve seraient devenus obsolètes. Ce contexte inclut non seulement la situation du pays à l’égard duquel le système de mesures restrictives a été établi, mais également la situation particulière de la personne concernée (voir arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 78 et jurisprudence citée).

50      C’est à l’aune de ces principes jurisprudentiels qu’il convient de déterminer si le Conseil a commis une erreur d’appréciation en considérant que, en l’espèce, il existait une base factuelle suffisamment solide pouvant justifier le maintien du nom du requérant sur les listes en cause.

51      À cet égard, une distinction doit être faite entre les différents actes de maintien. En effet, les premiers visent le requérant en tant que président du conseil d’administration de la société TMK et président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara, les deuxièmes le visent en tant que membre de la CCI, président de la SOSPP, ancien président du conseil d’administration de la société TMK et ancien président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara (voir point 20 ci-dessus), et les troisièmes le visent en tant que vice-président et membre du bureau du conseil d’administration de l’Union russe des industriels et entrepreneurs (ci-après la « RSPP »), coprésident de la commission de la politique industrielle et de la réglementation technique de la RSPP, membre du conseil de la CCI, président de la SOSPP, ancien président du conseil d’administration de la société TMK et ancien président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara (voir point 30 ci-dessus).

a)      Sur les premiers actes de maintien

52      À titre liminaire, il y a lieu de souligner qu’il est constant entre les parties que, d’une part, les motifs du maintien du nom du requérant sur les listes en cause sont demeurés les mêmes que ceux des actes initiaux et que, d’autre part, le Conseil s’est fondé sur les mêmes éléments de preuve que ceux figurant dans le premier dossier WK, portant tous une date antérieure au 9 mars 2022. Il convient de relever qu’il s’agit d’éléments d’information publiquement accessibles, à savoir des liens vers des sites Internet, des articles de presse et des captures d’écran relatifs au requérant.

53      Il convient donc de vérifier si ces éléments de preuve soumis par le Conseil satisfont à la charge de la preuve qui lui incombe et constituent un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants pour étayer les motifs d’inscription des premiers actes de maintien.

1)      Sur l’application au requérant du critère g) initial

54      S’agissant de l’interprétation de ce critère, il convient de rappeler que le critère g) initial implique la notion d’influence en lien avec l’exercice d’une « activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement [de la Fédération de Russie] », sans autre condition concernant un lien avec le régime. Le Conseil vise en effet, par ce critère, à exploiter l’influence que la catégorie de personnes visée est susceptible d’exercer sur le régime russe en l’espèce, en les poussant à faire pression sur ce gouvernement pour qu’il modifie sa politique. Par ailleurs, il y a lieu de considérer que la notion d’« hommes d’affaires influents » doit être comprise comme visant l’importance de ces derniers au regard, notamment, de leurs statuts professionnels, de l’importance de leurs activités économiques, de l’ampleur de leurs possessions capitalistiques ou de leurs fonctions au sein d’une ou de plusieurs entreprises dans lesquelles ils exercent ces activités (arrêts du 13 septembre 2023, Rashnikov/Conseil, T‑305/22, non publié, sous pourvoi, EU:T:2023:530, point 67, et du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 143).

55      Une telle interprétation est corroborée par le fait que l’objectif des mesures restrictives est de faire pression sur le gouvernement de la Fédération de Russie et d’accroître le coût des actions de celle-ci visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (arrêts du 13 septembre 2023, Rashnikov/Conseil, T‑305/22, non publié, sous pourvoi, EU:T:2023:530, point 68, et du 8 novembre 2023, Mazepin/Conseil, T‑282/22, non publié, sous pourvoi, EU:T:2023:701, point 55).

56      L’objectif mentionné au point précédent implique que, par l’expression « qui fournissent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie », ce sont les secteurs économiques et non les hommes d’affaires qui sont visés, ce qui correspond à l’un des objectifs visés par les mesures restrictives, à savoir affecter les secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour la Fédération de Russie (arrêts du 13 septembre 2023, Rashnikov/Conseil, T‑305/22, non publié, sous pourvoi, EU:T:2023:530, point 69, et du 8 novembre 2023, Mazepin/Conseil, T‑282/22, non publié, sous pourvoi, EU:T:2023:701, point 56).

57      De ce fait, il y a lieu d’interpréter le critère g) initial en ce sens, d’une part, qu’il a vocation à s’appliquer à des femmes et hommes d’affaires influents dans le sens décrit au point 54 ci-dessus et, d’autre part, que ce sont les secteurs économiques dans lesquels interviennent ces personnes qui doivent constituer une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie (arrêts du 13 septembre 2023, Rashnikov/Conseil, T‑305/22, non publié, sous pourvoi, EU:T:2023:530, point 70, et du 8 novembre 2023, Mazepin/Conseil, T‑282/22, non publié, sous pourvoi, EU:T:2023:701, point 57).

58      C’est donc à l’aune de cette interprétation du critère g) initial qu’il convient d’examiner le bien-fondé du motif de maintien retenu dans les premiers actes de maintien.

59      Le requérant conteste que ce critère puisse lui être appliqué. Il estime, en substance, que les premiers actes de maintien sont entachés d’une erreur d’appréciation dès lors que, d’une part, le Conseil n’a tiré aucune conséquence du changement de sa situation personnelle et que, d’autre part, ces actes seraient fondés exclusivement sur des faits passés, obsolètes et inexacts. En particulier, il fait grief au Conseil de persister à alléguer à tort dans les motifs qu’il est toujours le président du conseil d’administration de la société TMK et président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara, alors qu’il aurait quitté ces fonctions le 9 mars 2022, soit plus de six mois avant l’adoption des premiers actes de maintien. Il souligne, en substance, que cela est d’autant plus surprenant que le Conseil aurait admis, tant dans l’affaire initiale T‑270/22, Pumpyanskiy/Conseil, que dans la présente affaire, qu’il avait effectivement démissionné de ces fonctions en mars 2022. Cela serait également corroboré par les motifs des deuxièmes actes de maintien qui mentionnent désormais expressément qu’il s’agit d’anciennes fonctions. Selon lui, le fait qu’il n’occupe plus ces fonctions au sein de la société TMK et du groupe Sinara, ce qui constituait le fondement de son inscription initiale sur les listes en cause, ferait donc obstacle à ce qu’il soit qualifié d’homme d’affaires influent au sens du critère g) initial.

60      Le Conseil conteste les arguments du requérant. En substance, il fait valoir que, s’il semble effectivement qu’à la suite de l’inscription de son nom sur les listes en cause par les actes initiaux, le requérant a démissionné de ses fonctions au sein de la société TMK et du groupe Sinara le 9 mars 2022, tous les éléments de preuve disponibles tendent à indiquer qu’il conserve une influence sur ces deux sociétés et pourrait facilement être nommé de nouveau à ces fonctions. Selon le Conseil, il ne se serait pas complètement retiré de la société TMK et du groupe Sinara en concluant les transactions de vente et de transfert de ses actions et il conserverait donc la propriété effective de ces deux sociétés. Le Conseil ajoute que, à supposer que le requérant ait quitté ses fonctions au sein de ces deux sociétés, cela ne serait d’aucune utilité dès lors qu’une personne ne peut pas automatiquement échapper à sa réinscription par une simple démission. Tel serait également le cas si la personne a déjà démissionné au moment de l’adoption d’un acte la désignant comme exerçant la fonction visée. Or, en l’espèce, une totale incertitude planerait sur la question de savoir dans quelle mesure le requérant continuerait de contrôler la société TMK et le groupe Sinara, et s’il ne les contrôle plus, sur le délai dans lequel il pourrait être réintégré par les propriétaires actuels des sociétés qui ne sont pas des propriétaires bénéficiaires.

61      En l’espèce, il importe de rappeler que le nom du requérant a été inscrit initialement sur les listes en cause par les actes initiaux aux motifs, en substance, qu’il était un homme d’affaires influent au sens du critère g) initial en raison, d’une part, de ses fonctions de président du conseil d’administration de la société TMK et de président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara et, d’autre part, de sa participation à la réunion du 24 février 2022 avec le président Vladimir Poutine. Le Tribunal a constaté le caractère établi de ces motifs dans l’arrêt du 6 septembre 2023, Pumpyanskiy/Conseil (T‑270/22, non publié, sous pourvoi, EU:T:2023:490, points 47 à 69).

62      Quant aux premiers actes de maintien, ils ne comportent aucun changement par rapport aux actes initiaux (voir points 16 et 52 ci-dessus). Force est donc de constater que la base factuelle du motif retenu dans lesdits actes à l’égard du requérant, qui se rattache au critère g) initial, se réfère exclusivement à ses fonctions au sein de la société TMK et du groupe Sinara ainsi qu’à la réunion du 24 février 2022.

63      Dans ce contexte, il importe donc de vérifier si, en application de la jurisprudence mentionnée au point 48 ci-dessus, le Conseil pouvait, au terme de son appréciation actualisée de la situation effectuée dans le cadre du réexamen des mesures restrictives en cause, continuer à se référer à des faits déjà retenus dans les actes initiaux concernant le requérant pour justifier le maintien de ces mesures restrictives à son égard. À cette fin, il convient d’examiner s’il ressort du premier dossier WK que le requérant pouvait être considéré, à la date d’adoption des premiers actes de maintien, comme un homme d’affaires influent au sens du critère g) initial tel que défini au point 54 ci-dessus.

64      À cet égard, il y a lieu de relever d’emblée que, s’il est vrai que le contexte général de la situation de l’Ukraine, en ce qui concerne les menaces pour son intégrité territoriale, sa souveraineté et son indépendance, est resté inchangé depuis l’adoption des actes initiaux, il n’en est pas de même de la situation du requérant.

65      En effet, il ressort des documents transmis par le requérant en annexe à la requête, consistant en une attestation de démission émanant de lui, un extrait du site Internet de la société TMK, un registre de société et un avis d’un cabinet d’avocats, que ce dernier n’occupait plus, au moment de l’adoption des premiers actes de maintien, ni les fonctions de président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara ni celles de membre du conseil d’administration de la société TMK. Cela est d’ailleurs pleinement corroboré par les écritures du Conseil dans la présente affaire dans le cadre desquelles il reconnaît expressément que le requérant avait démissionné desdites fonctions le 9 mars 2022.

66      Il y a donc lieu d’en conclure que la base factuelle du motif retenu dans les premiers actes de maintien à l’égard du requérant, qui se rattache au critère g) initial, est erronée en ce qu’elle fait référence à des fonctions que celui-ci n’occupait plus. C’est donc à juste titre que le requérant soutient que le Conseil a commis une erreur d’appréciation en considérant que, à la date d’adoption des premiers actes de maintien, il pouvait être qualifié d’homme d’affaires influent au sens du critère g) initial en se fondant sur les fonctions de président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara ainsi que sur celles de membre du conseil d’administration de la société TMK.

67      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments du Conseil mentionnés au point 60 ci-dessus.

68      En premier lieu, il convient de rejeter l’argument selon lequel le requérant conserverait une influence sur ces deux sociétés et pourrait facilement être nommé de nouveau à ces fonctions.

69      En effet, il y a lieu de rappeler que c’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à ces dernières d’apporter la preuve négative de l’absence du bien-fondé desdits motifs (voir point 47 ci-dessus). En outre, selon une jurisprudence constante, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté. Le Conseil ne peut, par conséquent, invoquer devant le Tribunal, pour justifier le bien-fondé de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause et celui de son maintien, des éléments sur lesquels il ne s’est pas fondé lors de l’adoption des actes attaqués (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2021, Al Tarazi/Conseil, T‑260/19, non publié, EU:T:2021:187, point 69 et jurisprudence citée).

70      Or, en l’espèce, force est de constater que la prétendue influence qu’aurait conservé le requérant n’est nullement étayée par des éléments de preuve figurant dans le premier dossier WK, et qu’elle ne se rattache pas aux motifs qui sont exclusivement fondés sur les fonctions de président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara ainsi que sur celles de membre du conseil d’administration de la société TMK. Il y a lieu d’ajouter que le Conseil a lui-même concédé, dans son mémoire en défense, qu’une totale incertitude planait sur la question de savoir dans quelle mesure le requérant continuerait de contrôler la société TMK et le groupe Sinara. De même, lors de l’audience, le Conseil a reconnu qu’il ne disposait d’aucune preuve démontrant que le requérant aurait conservé une telle influence. Par ailleurs, il y a lieu de relever que, à supposer établi que le requérant puisse effectivement être à nouveau nommé à ces fonctions, il n’en demeure pas moins que, au jour de l’adoption des premiers actes de maintien, il n’occupait plus lesdites fonctions.

71      En deuxième lieu, doit être rejeté comme inopérant l’argument selon lequel, en substance, le requérant ne se serait pas complètement retiré de la société TMK et du groupe Sinara en concluant les transactions de vente et de transfert de ses actions et conserverait donc la propriété effective de ces deux sociétés. En effet, indépendamment de la question de savoir si le requérant a réellement cédé ses actions de la société TMK et du groupe Sinara en mars 2022, il y a lieu de rappeler que c’est en raison de ses fonctions au sein de la société TMK et du groupe Sinara que le Conseil a considéré qu’il était un homme d’affaires influent au sens du critère g) initial et qu’il devait être maintenu sur les listes en cause par les premiers actes de maintien. Contrairement à ce que pourrait laisser entendre le Conseil, les motifs des premiers actes de maintien ne reposent ni sur le contrôle de la société TMK ou du groupe Sinara par le requérant, ni sur le fait qu’il en était l’actionnaire. Dès lors, quand bien même le requérant n’aurait pas cédé ses actions de ces deux sociétés, cela n’aurait aucune incidence sur la légalité des premiers actes de maintien (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 6 septembre 2023, Pumpyanskiy/Conseil, T‑270/22, non publié, sous pourvoi, EU:T:2023:490, point 63).

72      En troisième lieu, ne saurait non plus prospérer l’argument selon lequel, à supposer que le requérant ait quitté ses fonctions au sein de ces deux sociétés, cela ne serait d’aucune utilité dès lors qu’une personne ne peut pas automatiquement échapper à sa réinscription par une simple démission.

73      D’une part, il convient de relever que cet argument ne se rattache pas aux motifs des premiers actes de maintien et ne figure ni dans les motifs desdits actes ni dans le premier dossier WK. D’autre part, et en tout état de cause, quand bien même le Conseil pourrait se prévaloir d’un tel argument, il y a lieu de considérer que les anciennes fonctions du requérant au sein de la société TMK et du groupe Sinara ne sauraient suffire à justifier, à elles seules, le maintien de son nom sur les listes en cause, qui se fondent sur un réexamen périodique des mesures restrictives afin de permettre au Conseil de tenir compte des éventuels changements de circonstances concernant, notamment, la situation individuelle des personnes visées par celles-ci. En effet, les premiers actes de maintien représentent l’aboutissement de cet exercice de réexamen périodique.

74      Premièrement, le Conseil ne saurait présumer, du seul fait que le requérant a été président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara ou membre du conseil d’administration de la société TMK lors de l’inscription initiale de son nom sur les listes en cause, qu’il peut être qualifié d’homme d’affaires influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, même plusieurs mois après avoir quitté de telles fonctions. En effet, cela conduirait à figer la situation du requérant et à priver de tout effet utile l’exercice de réexamen périodique prévu, notamment, à l’article 6, troisième alinéa, de la décision 2014/145 et à l’article 14, paragraphe 4, du règlement no 269/2014, tels que modifiés (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 septembre 2021, Ghaoud/Conseil, T‑700/19, non publié, EU:T:2021:576, point 85 et jurisprudence citée).

75      Deuxièmement, il n’est pas non plus possible de considérer que le seul fait que le requérant exerçait lesdites fonctions dans un passé peu éloigné de l’adoption des premiers actes de maintien puisse constituer une preuve suffisante de ce que sa qualité d’homme d’affaires influent perdurait. En effet, il ressort de la jurisprudence mentionnée au point 46 ci-dessus que le bien-fondé du maintien du nom du requérant sur les listes en cause doit être examiné dans son contexte global et non de manière isolée.

76      Il est vrai qu’il ressort de la jurisprudence que la circonstance qu’une personne a cessé d’exercer ses fonctions au sein d’une structure n’implique pas, à elle seule, que ces anciennes fonctions sont dénuées de pertinence, dans la mesure où ses activités passées pourraient influencer son comportement. La jurisprudence a cependant précisé que, prises isolément, les anciennes fonctions d’une personne ne sauraient justifier l’inscription du nom de cette dernière sur les listes en cause. Dès lors, si le Conseil entend se fonder sur les anciennes fonctions du requérant, il lui incombe d’avancer des indices sérieux et concordants permettant raisonnablement de considérer qu’il a maintenu, à la date d’adoption des premiers actes de maintien, des liens avec la société TMK et le groupe Sinara, justifiant le maintien de son nom sur lesdites listes, après la cessation de ses fonctions de président et membre des conseils d’administration de ces deux sociétés (voir, par analogie, arrêts du 6 septembre 2013, Bateni/Conseil, T‑42/12 et T‑181/12, non publié, EU:T:2013:409, points 64 et 65, et du 18 février 2016, Jannatian/Conseil, T‑328/14, non publié, EU:T:2016:86, point 40).

77      Or, en l’espèce, s’agissant des premiers actes de maintien, le Conseil a reconnu ne pas disposer de nouveaux éléments de preuve par rapport à ceux figurant dans le premier dossier WK et sur lesquels il s’est fondé pour adopter les actes initiaux. Il est donc constant que le Conseil n’a pas présenté d’indices sérieux et concordants, au sens de la jurisprudence rappelée au point 76 ci-dessus, permettant raisonnablement de considérer que le requérant maintenait, à la date d’adoption des premiers actes de maintien, des liens avec la société TMK et avec le groupe Sinara ainsi qu’avec les secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie.

78      En quatrième lieu, il convient de rejeter l’argument selon lequel le requérant serait toujours membre de la RSPP. En effet, sauf à admettre une substitution de motifs, il ne saurait être admis que le Conseil se prévale de cet élément d’information dès lors qu’il ne figure nullement dans le premier dossier WK et qu’il ne se rattache pas aux motifs des premiers actes de maintien.

79      Enfin, en cinquième lieu, doit être rejeté l’argument tiré de la participation du requérant à la réunion du 24 février 2022 avec le président Vladimir Poutine. En effet, force est de constater que le Conseil n’explique nullement comment, à la date d’adoption des premiers actes de maintien et des mois après la réunion du 24 février 2022 qui constitue un évènement isolé, le fait d’avoir participé à cette réunion permet de considérer que le requérant est un homme d’affaires influent exerçant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie au sens du critère g) initial.

80      Il résulte des considérations qui précèdent que le premier motif d’inscription des premiers actes de maintien qui se rattache au critère g) initial n’est pas suffisamment étayé.

81      Il convient, dès lors, d’examiner le second motif d’inscription.

2)      Sur l’application au requérant du critère f)

82      Le requérant fait valoir que ce critère n’est pas suffisamment reflété dans les premiers actes de maintien et conteste en tout état de cause qu’il puisse lui être appliqué. En substance, il estime que, tout comme pour le critère g) initial, le fait qu’il ait vendu les participations qu’il détenait dans la société TMK et dans le groupe Sinara et qu’il ait démissionné de ses fonctions au sein des conseils d’administration de ces deux sociétés ferait obstacle à ce que le critère f) lui soit appliqué.

83      Le Conseil conteste cette argumentation en faisant valoir, en substance, que le critère f) est suffisamment reflété dans les motifs des premiers actes de maintien et que l’argumentation développée dans le cadre du critère g) initial est applicable.

84      Sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la question de savoir si le critère f) n’est pas suffisamment reflété dans les premiers actes de maintien, il convient de souligner que la base factuelle du motif retenu dans lesdits actes à l’égard du requérant, qui se rattache au critère f), se réfère exclusivement à ses fonctions au sein de la société TMK et du groupe Sinara.

85      Or, à cet égard, l’argumentation du Conseil doit être rejetée pour les mêmes raisons que celles évoquées aux points 64 à 79 ci-dessus, dans le cadre du critère g) initial, qui s’appliquent mutatis mutandis au critère f).

86      En effet, dès lors que les motifs des premiers actes de maintien, qui se rattachent au critère f), font référence à des fonctions que le requérant n’occupait plus, le Conseil a commis une erreur d’appréciation en considérant que, à la date d’adoption desdits actes, le requérant pouvait être qualifié de personne physique qui apporte un soutien matériel ou financier au gouvernement de la Fédération de Russie. À l’instar du critère g) initial, il y a lieu d’ajouter que le Conseil ne saurait présumer, du seul fait que le requérant a été président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara ou membre du conseil d’administration de la société TMK lors de l’inscription initiale de son nom sur les listes en cause, qu’il peut être qualifié de personne physique qui apporte un soutien matériel ou financier au gouvernement de la Fédération de Russie, même plusieurs mois après avoir quitté de telles fonctions. Il n’est pas non plus possible de considérer que le seul fait que le requérant exerçait lesdites fonctions dans un passé peu éloigné de l’adoption des premiers actes de maintien puisse constituer une preuve suffisante de ce que son éventuel soutien matériel ou financier au gouvernement de la Fédération de Russie perdurait.

87      Il y a lieu de conclure que, concernant les premiers actes de maintien, le Conseil ne pouvait se fonder sur les fonctions du requérant afin de démontrer que les conditions du critère f) étaient remplies.

88      Partant, il convient d’accueillir le deuxième moyen du recours et d’annuler les premiers actes de maintien, en ce qu’ils visent le requérant, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres arguments et sur les autres moyens invoqués par ce dernier à leur égard ni sur le premier chef de conclusions.

b)      Sur les deuxièmes actes de maintien

89      À titre liminaire, il convient de rappeler que les motifs des deuxièmes actes de maintien ont été modifiés par rapport à ceux retenus dans les actes initiaux et dans les premiers actes de maintien dès lors qu’ils visent désormais le requérant en tant que membre de la CCI, président de la SOSPP, ancien président du conseil d’administration de la société TMK et ancien président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara (voir points 20 et 51 ci-dessus). Par ailleurs, il importe de souligner que, pour justifier le maintien du nom du requérant sur les listes en cause dans les deuxièmes actes de maintien, le Conseil s’est fondé, en plus des éléments de preuve figurant dans le premier dossier WK, sur ceux figurant dans le deuxième dossier WK comportant neuf éléments de preuve d’information publiquement accessibles. Ces éléments consistent en des liens vers des sites Internet des deux sociétés TMK et le groupe Sinara, de la CCI et de la SOSPP et en des articles de presse (voir points 20 et 23 ci-dessus).

90      Il convient donc de vérifier si l’ensemble des éléments de preuve soumis par le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe et constitue un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants pour étayer les motifs d’inscription des deuxièmes actes de maintien.

1)      Sur l’application au requérant du critère g) initial

91      D’emblée, il importe de rappeler que ce critère implique en l’espèce, d’une part, que le requérant puisse être qualifié d’« homme d’affaires influent » dans le sens défini au point 54 ci-dessus et, d’autre part, qu’il ait une activité dans des « secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie ».

92      Le requérant fait valoir, en substance, que ni ses anciennes fonctions au sein des conseils d’administration de la société TMK et du groupe Sinara, [confidentiel] (1) ne permettent de considérer que les conditions du critère g) initial sont remplies. Il ajoute que, depuis qu’il a vendu ses actions de la société TMK et du groupe Sinara en mars 2022, il n’est plus qu’une personne privée et n’exerce plus aucune activité économique en Russie ou ailleurs, si bien qu’il ne saurait être qualifié d’« homme d’affaires influent » au sens dudit critère.

93      Le Conseil conteste les arguments du requérant. En substance, premièrement, il fait valoir que le requérant a été invité à la réunion du 24 février 2022 en raison du poste élevé qu’il occupait au sein de la RSPP qui est une organisation qui rassemble la quasi-totalité des principaux industriels de Russie. Le fait que le requérant reste une figure de premier plan de la RSPP et qu’il ait participé à la réunion du 24 février 2022 confirme qu’il est un « homme d’affaires influent ». Deuxièmement, le Conseil estime, en substance, que rien ne prouverait que le requérant ne contrôlerait plus l’une des deux sociétés TMK et le groupe Sinara ni qu’il aurait réellement vendu les participations qu’il détenait dans lesdites sociétés. Troisièmement, le Conseil souligne que le requérant ne conteste pas être membre de la CCI et président de la SOSPP et considère donc qu’il reste une figure importante du monde des affaires en Russie.

94      Dans ce contexte, il importe donc de vérifier si, en application de la jurisprudence mentionnée au point 48 ci-dessus, le Conseil pouvait, au terme de son appréciation actualisée de la situation effectuée dans le cadre du réexamen des mesures restrictives en cause et sur la base de nouveaux éléments, considérer que le maintien de ces mesures restrictives à l’égard du requérant était justifié. À cette fin, il convient d’examiner s’il ressort des premier et deuxième dossiers WK que le requérant pouvait être considéré, à la date d’adoption des deuxièmes actes de maintien, comme un homme d’affaires influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie au sens du critère g) initial tel que défini au point 54 ci-dessus.

95      En l’espèce, force est de constater que la base factuelle du motif retenu dans lesdits actes à l’égard du requérant, qui se rattache au critère g) initial, se réfère exclusivement à ses anciennes fonctions au sein des conseils d’administration de la société TMK et du groupe Sinara, à sa participation à la réunion du 24 février 2022 et à sa qualité de membre de la CCI et de président de la SOSPP (voir point 20 ci-dessus).

96      En premier lieu, s’agissant des anciennes fonctions du requérant au sein des conseils d’administration de la société TMK et du groupe Sinara, il y a lieu de considérer que si de telles fonctions pouvaient suffire à justifier en elles-mêmes l’inscription initiale du nom du requérant sur les listes en cause (voir point 61 ci-dessus), il n’en est pas de même pour ce qui est du maintien de son nom sur ces listes, qui se fondent sur un réexamen périodique des mesures restrictives afin de permettre au Conseil de tenir compte des éventuels changements de circonstances concernant, notamment, la situation individuelle des personnes visées par celles-ci.

97      En effet, le Conseil ne saurait présumer, du seul fait que le requérant a été président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara ou membre du conseil d’administration de la société TMK lors de l’inscription initiale de son nom sur les listes en cause, qu’il peut être qualifié d’homme d’affaires influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, même un an après avoir quitté ces fonctions (voir point 74 ci-dessus). Il n’est pas non plus possible de considérer que le seul fait que le requérant exerçait lesdites fonctions un an avant l’adoption des deuxièmes actes de maintien puisse constituer une preuve suffisante de ce que sa qualité d’homme d’affaires influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie perdurait (voir point 75 ci-dessus).

98      Il est vrai qu’il ne saurait être exclu d’emblée que l’ancien président et membre des conseils d’administration de la société TMK et du groupe Sinara puisse toujours être qualifié d’homme d’affaires influent, même après sa démission, qui plus est lorsque cette démission est concomitante de son inscription initiale sur les listes en cause. Toutefois, lorsque l’existence de cette qualification est contestée, il appartient au Conseil d’avancer des indices suffisamment probants permettant raisonnablement de considérer que l’intéressé exerce toujours une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, justifiant l’inscription de son nom sur la liste, même après sa démission (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 3 juillet 2014, Alchaar/Conseil, T‑203/12, non publié, EU:T:2014:602, point 150 et jurisprudence citée).

99      Le Conseil n’a cependant fourni aucun élément probant relatif au requérant dans les premier et deuxième dossiers WK ou dans le cadre du présent recours permettant d’expliquer les raisons pour lesquelles celui-ci devait être considéré comme étant toujours un homme d’affaires influent et comme ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie au sens du critère g) initial. Au contraire, ainsi que l’observe à juste titre le requérant, il ressort des pièces nos 1, 2, 8 et 9 du deuxième dossier WK, consistant en deux articles de presse et en des extraits des sites Internet de la société TMK et du groupe Sinara, que celui-ci a quitté ses fonctions en mars 2022 au sein de la société TMK et du groupe Sinara.

100    Dans ses observations sur le mémoire en adaptation ainsi qu’à l’audience, le Conseil se borne à alléguer que le requérant reste une figure de premier plan de la RSPP, qu’il a participé à la réunion du 24 février 2022 et que rien ne prouverait qu’il ne contrôlerait plus la société TMK ou le groupe Sinara ni qu’il aurait réellement vendu les participations qu’il détenait dans lesdites sociétés.

101    Une telle allégation ne saurait toutefois prospérer.

102    En effet, premièrement, à supposer que le rôle du requérant au sein de la RSPP puisse être un indice permettant de le qualifier d’« homme d’affaires influent », il ne saurait être accepté, sauf à admettre une substitution de motifs, que le Conseil se prévale de ce rôle dès lors que cela ne se rattache pas aux motifs des deuxièmes actes de maintien et qu’il ne figure nulle part dans les premier et deuxième dossiers WK.

103    Deuxièmement, dès lors que les motifs des deuxièmes actes de maintien ne reposent ni sur le contrôle de la société TMK ou du groupe Sinara par le requérant, ni sur le fait qu’il en était l’actionnaire, il y a lieu de rejeter comme inopérant l’argument selon lequel, en substance, rien ne prouverait que le requérant ne contrôlerait plus l’une des deux sociétés ni qu’il aurait réellement vendu ses participations. En tout état de cause, il y a lieu de souligner que le Conseil a lui-même concédé dans ses écritures qu’une totale incertitude planait sur la question de savoir dans quelle mesure le requérant continuerait de contrôler la société TMK et le groupe Sinara. De même, lors de l’audience, le Conseil a reconnu qu’il ne disposait d’aucune preuve démontrant que le requérant aurait conservé une influence sur ces deux sociétés (voir point 70 ci-dessus).

104    Troisièmement, doit être rejeté l’argument tiré de la participation du requérant à la réunion du 24 février 2022. En effet, force est de constater que le Conseil n’explique nullement comment, à la date d’adoption des deuxièmes actes de maintien, et plus d’un an après la réunion du 24 février 2022 qui constitue un évènement isolé, le fait d’avoir participé à cette réunion permet de considérer que le requérant est un homme d’affaires influent exerçant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie au sens du critère g) initial.

105    En second lieu, s’agissant de la qualité de membre de la CCI et de président de la SOSPP du requérant, elle ne permet pas, dans les circonstances de l’espèce, et compte tenu du fait que celui-ci a démissionné de ses fonctions au sein des conseils d’administration de la société TMK et du groupe Sinara, de le qualifier d’« homme d’affaires influent » ni de considérer que ce dernier exerce une activité dans des « secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie » au sens du critère g) initial.

106    En effet, il convient de constater que les seuls éléments de preuve des premier et deuxième dossiers WK relatifs à la qualité de membre de la CCI et de président de la SOSPP du requérant sont les pièces nos3, 5 et 7 du deuxième dossier WK.

107    Or, s’il est vrai que lesdits éléments suffisent à établir que le requérant est bien membre de ces deux organisations, ce qui n’est au demeurant pas contesté, ils ne comportent que très peu d’informations quant à la nature, à l’objet et au rôle respectif en Russie de ces deux organisations.

108    Par ailleurs, et en tout état de cause, force est de constater que ces trois éléments de preuve ne permettent pas, à eux seuls, de qualifier le requérant d’« homme d’affaires influent » et encore moins d’« homme d’affaires influent » ayant une « activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement russe ».

109    En effet, il y a lieu de rappeler que ce critère implique la notion d’influence liée à l’exercice d’une « activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement russe » (voir point 54 ci-dessus). Or, le Conseil n’explique nullement comment, alors que le requérant a démissionné de ses fonctions des conseils d’administration de la société TMK et du groupe Sinara, le fait d’être membre de la CCI et président de la SOSPP permet de considérer qu’il est un « homme d’affaires influent » et qu’il exerce une activité dans un secteur économique qui fournit une source substantielle de revenus au gouvernement russe.

110    À défaut d’élément de preuve additionnel des premier et deuxième dossiers WK qui serait susceptible d’étayer, voire de suggérer que le requérant est un « homme d’affaires influent », il y a lieu de considérer que le Conseil n’a pas apporté, au sens de la jurisprudence rappelée au point 46 ci-dessus, et en ce qui concerne les deuxièmes actes de maintien, d’indices suffisamment concrets, précis et concordants susceptibles d’étayer de manière suffisante le motif d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause au titre du critère g) initial.

111    Il convient, dès lors, d’examiner le second motif d’inscription.

2)      Sur l’application au requérant du critère f)

112    À l’instar des premiers actes de maintien, le requérant conteste que ce critère puisse lui être appliqué, et ce d’autant plus qu’il ressort des motifs des deuxièmes actes de maintien que le Conseil concède que le prétendu « soutien » au gouvernement de la Fédération de Russie constitue tout au plus une activité du passé.

113    Le Conseil conteste cette argumentation en faisant valoir, en substance, que rien ne prouverait que le requérant ne contrôlerait plus la société TMK ou le groupe Sinara, ni qu’il aurait réellement vendu les participations qu’il détenait dans lesdites sociétés.

114    D’emblée, il convient de souligner que la base factuelle du motif retenu dans les deuxièmes actes de maintien à l’égard du requérant, qui se rattache au critère f), se réfère exclusivement à ses anciennes fonctions au sein de la société TMK et du groupe Sinara.

115    Or, à cet égard, ainsi que cela a été mentionné au point 86 ci-dessus, il suffit de relever que le Conseil ne saurait présumer, du seul fait que le requérant a été président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara ou membre du conseil d’administration de la société TMK lors de l’inscription initiale de son nom sur les listes en cause, qu’il peut être qualifié de personne physique qui apporte un soutien matériel ou financier au gouvernement de la Fédération de Russie, même un an après avoir quitté de telles fonctions. Il n’est pas non plus possible de considérer que le seul fait que le requérant exerçait lesdites fonctions un an avant l’adoption des deuxièmes actes de maintien puisse constituer une preuve suffisante de ce que son éventuel soutien matériel ou financier au gouvernement de la Fédération de Russie perdurait. Enfin, il y a lieu d’ajouter que, dès lors que les motifs des deuxièmes actes de maintien ne reposent ni sur le contrôle de la société TMK ou du groupe Sinara par le requérant, ni sur le fait qu’il en était l’actionnaire, il y a lieu de rejeter comme inopérant l’argument selon lequel, en substance, rien ne prouverait que le requérant ne contrôlerait plus l’une des deux sociétés ni qu’il aurait réellement vendu ses participations (voir points 71 et 101 ci-dessus).

116    Il y a lieu de conclure que, concernant les deuxièmes actes de maintien, le Conseil ne pouvait se fonder sur les anciennes fonctions du requérant afin de démontrer que les conditions du critère f) étaient remplies.

117    Partant, il convient d’accueillir le deuxième moyen du recours et d’annuler les deuxièmes actes de maintien, en ce qu’ils visent le requérant, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres arguments et sur les autres moyens invoqués par ce dernier à leur égard ni sur le premier chef de conclusions.

c)      Sur les troisièmes actes de maintien

118    Il convient de relever que pour justifier le maintien du nom du requérant sur les listes en cause, il est constant entre les parties que le Conseil s’est fondé, d’une part, sur le critère f) et, d’autre part, sur le critère g) modifié.

1)      Sur l’application au requérant du critère g) modifié

119    À titre liminaire, il y a lieu de souligner qu’il n’est pas contesté que le Conseil a considéré que le requérant répondait à chacune des deux hypothèses du critère g) modifié, à savoir celle de l’« homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie » et celle de l’« homme d’affaires ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie ». Il n’est pas non plus contesté que la base factuelle des motifs retenus dans les troisièmes actes de maintien à l’égard du requérant, qui se rattache au critère g) modifié, se réfère, premièrement, à ses fonctions au sein des trois organisations, à savoir la RSPP, la CCI et la SOSPP, deuxièmement, à ses anciennes fonctions de président du conseil d’administration de la société TMK et de président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara (voir point 30 ci-dessus) et, troisièmement, au fait que le requérant a participé à la réunion du 24 février 2022, au congrès de la RSPP de mars 2023 et qu’il s’est vu décerner la médaille de quatrième classe de l’ordre du « Mérite pour la patrie ».

120    Par ailleurs, il convient de constater que, pour justifier le maintien du nom du requérant sur les listes en cause dans les troisièmes actes de maintien, le Conseil s’est fondé, en plus des éléments de preuve figurant dans les deux premiers dossiers WK, sur ceux figurant dans les troisième à septième dossiers WK. Ces éléments de preuve consistent notamment en des articles de presse, des extraits de site Internet ainsi que des extraits de registre de sociétés.

121    Le requérant conteste que l’une des deux hypothèses du critère g) modifié puisse lui être appliquée. Premièrement, s’agissant de ses fonctions au sein de la RSPP et de la CCI, il reproche au Conseil de ne pas avoir tenu compte du fait qu’il avait démissionné les 2 et 4 septembre 2023, ce qu’il a porté à la connaissance du Conseil le 5 septembre 2023. Deuxièmement, en ce qui concerne ses anciennes fonctions au sein des sociétés TMK et le groupe Sinara, elles seraient trop anciennes. Il en va de même s’agissant de la médaille de quatrième classe de l’ordre du « Mérite pour la patrie » qui date de 2014 ainsi que de sa participation au congrès de la RSPP en mars 2023. Troisièmement, il prétend que la seule fonction qu’il exerçait encore au jour de l’adoption des troisièmes actes de maintien, [confidentiel] pour considérer qu’il répond à l’une des deux hypothèses du critère g) modifié.

122    Le Conseil conteste les arguments du requérant. S’agissant de sa prétendue démission de ses fonctions au sein de la CCI et de la RSPP, il estime que non seulement elle lui aurait été notifiée au-delà du délai fixé mais elle serait aussi fondée sur des allégations émanant du requérant sans qu’il ait été possible d’obtenir une confirmation de source indépendante. En outre, le Conseil fait valoir que, contrairement à ce que prétend le requérant, ce dernier n’est pas un simple particulier qui n’est plus impliqué dans une activité commerciale en Russie. Quant à la circonstance selon laquelle [confidentiel], le Conseil estime qu’il convient d’apprécier les éléments de manière globale et non de manière isolée comme le fait le requérant.

123    En l’espèce, il convient de vérifier si, conformément à la jurisprudence citée au point 48 ci-dessus, le Conseil a dûment tenu compte de l’évolution de la situation du requérant aux fins de décider du maintien de son nom sur les listes en cause et s’il pouvait notamment, au terme de son appréciation actualisée de la situation effectuée dans le cadre du réexamen des mesures restrictives en cause et sur la base de nouveaux éléments, continuer à se référer en partie à des faits passés et déjà retenus tant dans les actes initiaux que dans les premiers et les deuxièmes actes de maintien. À cette fin, il convient donc d’examiner s’il ressort des sept dossiers WK que le requérant pouvait être considéré, à la date d’adoption des troisièmes actes de maintien, comme un « homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie » ou comme un « homme d’affaires ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie », au sens du critère g) modifié.

124    En premier lieu, s’agissant des anciennes fonctions du requérant au sein des conseils d’administration de la société TMK et du groupe Sinara, l’argumentation du Conseil doit être rejetée pour les mêmes raisons que celles évoquées aux points 96 et 97 ci-dessus, qui s’appliquent mutatis mutandis s’agissant des deux hypothèses du critère g) modifié. En effet, le Conseil ne saurait présumer, du seul fait que le requérant a été président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara ou membre du conseil d’administration de la société TMK lors de l’inscription initiale de son nom sur les listes en cause, qu’il peut être qualifié d’« homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie » ou d’« homme d’affaires ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie », un an et demi après avoir quitté de telles fonctions. Il n’est pas non plus possible de considérer que le seul fait que le requérant exerçait lesdites fonctions un an et demi avant l’adoption des troisièmes actes de maintien puisse constituer une preuve suffisante de ce que sa qualité d’« homme d’affaires influent » ou d’« homme d’affaires » au sens du critère g) modifié perdurait.

125    À l’instar des deuxièmes actes de maintien, force est de constater que le Conseil n’a fourni aucun élément probant relatif au requérant dans les sept dossiers WK ou dans le cadre du présent recours permettant d’expliquer les raisons pour lesquelles celui-ci devait toujours être considéré comme un « homme d’affaires influent » ou un « homme d’affaires » au sens du critère g) modifié.

126    Dans ses observations sur le second mémoire en adaptation ainsi qu’à l’audience, le Conseil allègue, en substance, que le requérant resterait très impliqué dans des activités commerciales importantes, que ce soit par l’intermédiaire de la société TMK, du groupe Sinara ou de la société DRV Invest JSC. Il ajoute que le fait d’avoir participé à la réunion du 24 février 2022 et d’avoir reçu la médaille de quatrième classe de l’ordre du « Mérite pour la patrie » prouverait également que les conditions du critère g) modifié seraient remplies.

127    Une telle allégation ne saurait toutefois prospérer.

128    Premièrement, s’agissant de la prétendue implication du requérant dans la société TMK et le groupe Sinara, il convient de rappeler que le Conseil a lui-même concédé dans ses écritures qu’une totale incertitude planait sur la question de savoir dans quelle mesure le requérant continuerait de contrôler la société TMK et le groupe Sinara. De même, lors de l’audience, le Conseil a reconnu qu’il ne disposait d’aucune preuve démontrant que le requérant aurait conservé une influence sur la société TMK et sur le groupe Sinara (voir points 70 et 103 ci-dessus).

129    Deuxièmement, il y a lieu de rejeter l’argument selon lequel il ressortirait d’une annexe de la requête que le requérant serait très impliqué dans des activités commerciales par l’intermédiaire de la société DRV Invest JSC. En effet, force est de constater que, quand bien même le Conseil aurait eu connaissance de l’existence de cette société avant l’adoption des troisièmes actes de maintien, cet élément d’information ne se rattache pas aux motifs desdits actes et ne figure nullement dans les sept dossiers WK. Par conséquent, sauf à admettre une substitution de motifs, le Conseil ne peut se prévaloir de cette information contenue dans une annexe de la requête pour justifier le bien-fondé des troisièmes actes de maintien (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 6 septembre 2023, Shulgin/Conseil, T‑364/22, non publié, EU:T:2023:503, points 66, 67, 119 et 120).

130    Troisièmement, doit être rejeté l’argument tiré de la participation du requérant à la réunion du 24 février 2022. En effet, force est de constater que le Conseil n’explique nullement comment, à la date d’adoption des troisièmes actes de maintien, et plus d’un an et demi après la réunion du 24 février 2022, le fait d’avoir participé à cette réunion permet de considérer que le requérant est un « homme d’affaires influent » ou un « homme d’affaires » au sens du critère g) modifié. Il en va de même de la médaille de quatrième classe de l’ordre du « Mérite pour la patrie » qui, ainsi que le relève à juste titre le requérant, lui a été décernée plus de neuf ans avant l’adoption des troisièmes actes de maintien.

131    En second lieu, s’agissant des fonctions du requérant au sein des trois organisations, à savoir la RSPP, la CCI et la SOSPP, elle ne permettent pas, à l’instar des deuxièmes actes de maintien (voir points 105 à 110 ci-dessus), et compte tenu du fait que celui-ci a démissionné de ses fonctions au sein des conseils d’administration de la société TMK et du groupe Sinara, de le qualifier d’« homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie » ni d’« homme d’affaires ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie » au sens du critère g) modifié.

132    En effet, il convient de constater que les seuls éléments de preuve des sept dossiers WK relatifs aux fonctions du requérant au sein de ces trois organisations sont les pièces nos3, 5 et 7 du deuxième dossier WK, les pièces nos 1 à 9 du troisième dossier WK ainsi que la pièce no 1 du dossier WK 8998/2023 INIT.

133    Or, s’il est vrai qu’il ressort de ces éléments de preuve que le requérant était bien membre de ces trois organisations, ces éléments ne comportent que très peu d’informations quant à la nature, à l’objet et au rôle respectif en Russie de ces trois organisations. Ainsi que le relève, en substance, le requérant dans son second mémoire en adaptation, ces éléments de preuve se bornent à mentionner l’existence de réunions de la SOSPP, d’un accord de coopération entre chambres régionales ou encore sa qualité de membre de la RSPP et la tenue du congrès de la RSPP en mars 2023 auquel il a participé.

134    Par ailleurs, et en tout état de cause, force est de constater que, quelles que soient les fonctions exercées par le requérant au sein de ces trois organisations et bien qu’il ait participé au congrès de la RSPP de mars 2023 en sa qualité de membre, le Conseil n’explique nullement comment, alors que le requérant a démissionné de ses fonctions au sein des conseils d’administration de la société TMK et du groupe Sinara, le fait d’être membre de ces trois organisations permet de considérer qu’il est un « homme d’affaires influent » dans un quelconque secteur d’activité économique en Russie ou un « homme d’affaires » ayant une « activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement russe ».

135    À défaut d’élément de preuve additionnel des sept dossiers WK qui serait susceptible d’étayer, voire de suggérer que le requérant est un « homme d’affaires influent » ou un « homme d’affaires » au sens du critère g) modifié, il y a lieu de considérer que, appréciés dans leur globalité, les éléments de preuve sur lesquels le Conseil s’est fondé aux fins de l’adoption des troisièmes actes de maintien ne sauraient être considérés comme étant un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants susceptibles d’étayer de manière suffisante le motif d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause au titre de ce critère.

2)      Sur l’application au requérant du critère f)

136    Le requérant conteste que ce critère puisse lui être appliqué au motif, en substance, que le Conseil concède que le prétendu « soutien » au gouvernement de la Fédération de Russie constitue tout au plus une activité du passé.

137    D’emblée, il convient de souligner que la base factuelle du motif retenu dans les troisièmes actes de maintien à l’égard du requérant, qui se rattache au critère f), se réfère exclusivement à ses anciennes fonctions au sein de la société TMK et du groupe Sinara.

138    Or, à cet égard, il suffit de renvoyer aux raisons invoquées aux points 86 et 115 ci-dessus, qui s’appliquent mutatis mutandis s’agissant des troisièmes actes de maintien et du critère f).

139    Il y a lieu de conclure que, concernant les troisièmes actes de maintien, le Conseil ne pouvait se fonder sur les anciennes fonctions du requérant afin de démontrer que les conditions du critère f) étaient remplies.

140    Partant, il convient d’accueillir le deuxième moyen du recours et d’annuler les troisièmes actes de maintien, en ce qu’ils visent le requérant, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres arguments et sur les autres moyens invoqués par ce dernier à leur égard ni sur le premier chef de conclusions.

IV.    Sur les dépens

141    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

142    En l’espèce, le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux du requérant, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision (PESC) 2022/1530 du Conseil, du 14 septembre 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, le règlement d’exécution (UE) 2022/1529 du Conseil, du 14 septembre 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, la décision (PESC) 2023/572 du Conseil, du 13 mars 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, le règlement d’exécution (UE) 2023/571 du Conseil, du 13 mars 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, la décision (PESC) 2023/1767 du Conseil, du 13 septembre 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, et le règlement d’exécution (UE) 2023/1765 du Conseil, du 13 septembre 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, sont annulés, dans la mesure où le nom de M. Dmitry Alexandrovich Pumpyanskiy a été maintenu sur la liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’appliquent ces mesures restrictives.

2)      Le Conseil de l’Union européenne est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de M. Alexandrovich Pumpyanskiy.

Spielmann

Mastroianni

Tóth

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 juin 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1            Données confidentielles occultées.