Language of document : ECLI:EU:T:2024:421

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

26 juin 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne tridimensionnelle – Forme de phares d’automobile – Motif absolu de refus – Caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑260/23,

Volvo Personvagnar AB, établie à Göteborg (Suède), représentée par Mes H.-A. Odh et E. Esaiasson, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. T. Frydendahl, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, M. G. Hesse et Mme B. Ricziová (rapporteure), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Volvo Personvagnar AB, demande l’annulation et la réformation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 9 mars 2023 (affaire R 1129/2022-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 16 septembre 2021, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe tridimensionnel suivant :

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3        La marque demandée désignait les produits des classes 11 et 12 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 11 : « Dispositifs d’éclairage et réflecteurs d’éclairage de véhicules ; projecteurs pour véhicules ; projecteurs pour véhicules à moteur ; parties et composants de ceux-ci » ;

–        classe 12 : « Véhicules et moyens de transport ; véhicules terrestres et moyens de transport ; voitures ; pièces et composants de véhicules non compris dans d’autres classes ».

4        Par décision du 6 juin 2022, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement de ladite marque, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

5        Le 28 juin 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinateur.

6        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours pour tous les produits en cause au motif que la conception de la marque demandée ne différait pas sensiblement des phares avant à LED couramment utilisés dans l’industrie automobile et que, par conséquent, cette marque était dépourvue du caractère distinctif minimal requis en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, la réformer et accueillir la demande d’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens tant de la présente instance que de la procédure devant l’EUIPO ;

–        accorder un traitement confidentiel aux annexes A.1 et A.3 de la requête.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

 En droit

 Sur la demande de traitement confidentiel

9        En ce qui concerne la demande visant à accorder un traitement confidentiel aux annexes A.1 et A.3 de la requête, formulée par la requérante dans son troisième chef de conclusions, il convient de relever que cette dernière n’a fourni, dans la requête, aucune motivation de nature à expliquer le contenu de cette demande. Cependant, il convient de noter que la requérante a également introduit, le 16 mai 2023, une demande, séparée de la requête et fondée sur l’article 66 bis du règlement de procédure du Tribunal, visant à ce que celui-ci omette l’ensemble de données contenues dans lesdites annexes envers le public, en précisant que les documents en question avaient déjà fait l’objet d’un traitement confidentiel dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO. Par conséquent, il y a lieu d’interpréter le troisième chef de conclusions de la requérante comme ayant le même contenu que la demande séparée, à laquelle le Tribunal a déjà fait droit par décision du 28 juin 2023. Il n’y a donc pas lieu de se prononcer une nouvelle fois sur une telle demande.

 Sur la compétence du Tribunal

10      La deuxième partie du premier chef de conclusions de la requérante tend à ce que le Tribunal réforme la décision attaquée et accueille la demande d’enregistrement de la marque demandée.

11      Cette demande peut être comprise comme visant à ce que le Tribunal réforme la décision attaquée au sens de l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, en adoptant la décision que la chambre de recours aurait dû prendre, conformément aux dispositions dudit règlement. Or, les instances de l’EUIPO compétentes en la matière n’adoptent pas de décision formelle constatant l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne qui pourrait faire l’objet d’un recours. Par conséquent, la chambre de recours n’est pas compétente pour connaître d’une demande visant à ce qu’elle enregistre une marque de l’Union européenne. Dans ces circonstances, il n’appartient pas davantage au Tribunal de connaître d’une demande de réformation visant à ce qu’il modifie la décision d’une chambre de recours en ce sens [voir, en ce sens, arrêt du 12 avril 2011, Euro-Information/OHMI (EURO AUTOMATIC PAYMENT), T‑28/10, EU:T:2011:158, point 13 et jurisprudence citée].

12      Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter la deuxième partie du premier chef de conclusions de la requérante pour cause d’incompétence.

 Sur le fond

13      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Ce moyen est articulé en quatre griefs, le premier, concernant le public pertinent, le deuxième, tiré du fait que la marque demandée diverge de manière significative des formes couramment utilisées dans l’industrie automobile, le troisième, concernant le travail de conception en amont et, le quatrième, tiré du fait que ladite marque est distinctive en raison des éléments figuratifs distinctifs qu’elle incorpore.

14      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

15      Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée).

16      Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).

17      Les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques. Toutefois, dans le cadre de l’application de ces critères, la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par la forme du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou sur celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (arrêts du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 30, et du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, EU:C:2011:680, points 45 et 46).

18      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’apprécier le moyen unique de la requérante.

19      En raison de leur connexité, il y a lieu d’examiner les deuxième et quatrième griefs ensemble.

20      Par son deuxième et son quatrième grief, la requérante soutient que c’est à tort que la chambre de recours a constaté que la marque demandée ne différait pas sensiblement, ou du moins substantiellement, des phares avant à LED couramment utilisés dans l’industrie automobile. La requérante estime que ladite marque diffère, sensiblement et significativement, de tels phares en raison des éléments figuratifs distinctifs qu’elle incorpore, notamment de la forme en « Y », bien que la forme de base soit la forme du produit en lui-même. Les détails intégrés dans cette marque contribueraient au caractère distinctif de celle-ci. Selon elle, les phares représentés par la marque demandée sont perçus comme une indication d’origine par le public pertinent.

21      Selon la requérante, c’est à tort que la chambre de recours s’est limitée aux phares à LED, sans prendre en compte des modèles de phares plus anciens. Cependant, la requérante soutient que, même en limitant l’appréciation aux phares à LED, il peut être constaté qu’aucune autre forme de phares avant sur le marché ne présente la même forme en « Y » caractéristique de la marque demandée. Elle fonde son argument sur l’avis de l’expert produit en annexe A.1 de la requête ainsi que sur les extraits d’images de phares sur Google, joints en annexes A.4 à A.6.

22      En outre, la requérante se fonde sur l’enregistrement de la marque de l’Union européenne figurative no 16 791 956, qui consiste en une version en forme de « T » du marteau de Thor et qui a été enregistrée par l’EUIPO comme ayant un caractère distinctif nécessaire, entre autres pour les phares de voiture. La requérante soutient également que cette même appréciation a été retenue par l’office des marques de Norvège, de Suisse, de Turquie, d’Australie et de Russie, en renvoyant à l’annexe A.19 de la requête.

23      De plus, selon la requérante, les enregistrements des marques de l’Union européenne nos 3 354 412 et 2 521 979, représentant des calandres de véhicules, démontrent que le consommateur moyen est capable de percevoir la conception de pièces automobiles sur la face avant des voitures comme une indication de l’origine. La requérante soutient que le consommateur moyen a l’habitude de percevoir les phares avant comme un moyen d’identifier l’origine commerciale du produit, en se fondant sur l’avis de l’expert, joint en annexe A.1 de la requête, ainsi que sur l’étude de marché et sur un accord de licence produits respectivement en annexe A.2 et en annexe A.3. La chambre de recours aurait écarté, à tort, l’étude de marché au motif qu’elle se rapportait à la manière dont le signe était utilisé.

24      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante. Il affirme que la question décisive est celle de savoir si la forme constituant la marque demandée s’écarte de manière significative des formes communément présentes sur le marché pertinent et peut être perçue par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale. À ce titre, l’EUIPO estime qu’il ne saurait être reproché à la chambre de recours de s’être appuyée sur l’existence du segment des phares à LED et que ladite marque peut être considérée comme une simple variante de formes déjà présentes sur le marché, en particulier sur la base des exemples de phares similaires mentionnés par l’examinateur.

25      De plus, l’EUIPO considère que l’affirmation de la requérante fondée sur la déclaration d’un expert en matière de design, selon laquelle le public pertinent est habitué à identifier l’origine commerciale d’un produit par ses phares, doit être rejetée comme étant non fondée et que cet avis d’expert peut permettre de tirer des conclusions concernant des caractéristiques distinctives des designs, mais ne peut pas « équivaloir au respect de l’exigence légale relative au caractère distinctif » au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Pour ce qui est des annexes A.2 et A.3 de la requête, l’EUIPO soutient que c’est à juste titre que la chambre de recours a retenu que l’usage de ces documents pouvait être pertinent aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, mais non dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

26      En l’espèce, la chambre de recours, après avoir constaté que le public pertinent était composé à la fois du grand public et des professionnels, a souligné que la marque demandée représentait un phare avant sur une voiture ou un autre véhicule sous trois angles différents. Elle a d’abord observé que la conception extérieure du phare lui-même se caractérisait par un effilement vers la partie droite du côté et ne différait pas sensiblement de la norme et de la pratique du secteur pour les phares avant de véhicules.

27      Ensuite, la chambre de recours a limité son appréciation aux phares avant à LED couramment utilisés dans l’industrie automobile, car, selon elle, il était considéré comme un fait notoire que le segment des éclairages à LED dans le secteur automobile était désormais le type d’éclairage dominant dans les nouveaux modèles de véhicules. Elle a affirmé que leur apparence était caractérisée par une ou plusieurs lignes lumineuses droites ou incurvées, ou par une autre forme géométrique simple lumineuse.

28      En ce qui concerne la marque demandée, la chambre de recours a indiqué qu’elle était constituée d’une forme graphique claire et géométrique avec une ligne horizontale claire se terminant par une forme verticale avec de petits angles. Cette forme ressemblait dans une certaine mesure à un « Y » horizontal. La chambre de recours a retenu que, bien que cette forme soit assez grande pour être visible lors d’une utilisation normale du produit et ait un impact suffisant sur l’impression générale donnée par la marque demandée, sa conception ne différait pas sensiblement des phares avant à LED couramment utilisés dans l’industrie automobile. La chambre de recours s’est notamment fondée sur un exemple de phare utilisé par l’examinateur, afin de démontrer que les différences étaient limitées. Enfin, elle a précisé que, contrairement à ce qu’indiquait l’expert, rien ne prouvait que la partie significative du grand public, qui considérerait que les phares avant d’une voiture ou d’un véhicule, et donc également la marque demandée, constituaient principalement un élément fonctionnel et de design d’un modèle de voiture ou de véhicule, ou des commerçants percevraient ladite marque comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause.

29      Par conséquent, selon la chambre de recours, la marque demandée était dépourvue dans son ensemble du caractère distinctif intrinsèque minimal requis pour l’enregistrement en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 pour tous les produits en cause.

30      À cet égard, il convient de rappeler que, lorsque la chambre de recours conclut à l’absence de caractère distinctif intrinsèque de la marque demandée, elle peut fonder son analyse sur des faits notoires, à savoir des faits résultant de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation des produits de consommation générale, lesquels faits sont susceptibles d’être connus de toute personne et sont notamment connus des consommateurs de ces produits. Dans un tel cas, la chambre de recours n’est pas obligée de présenter des exemples d’une telle expérience pratique [voir arrêt du 29 juin 2015, Grupo Bimbo/OHMI (Forme d’une tortilla mexicaine), T‑618/14, non publié, EU:T:2015:440, point 30 et jurisprudence citée]. Un requérant est en droit de présenter devant le Tribunal des documents afin soit d’étayer soit de contester devant ce dernier l’exactitude d’un fait notoire [arrêt du 10 juin 2020, Louis Vuitton Malletier/EUIPO – Wisniewski (Représentation d’un motif à damier), T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 30].

31      Dans la mesure où la requérante n’avance aucun argument et ne produit aucun élément de preuve devant le Tribunal afin de remettre en cause l’exactitude du fait notoire invoqué par la chambre de recours selon lequel le segment des éclairages à LED dans le secteur automobile était désormais le type d’éclairage dominant dans les nouveaux modèles de véhicules, cette dernière pouvait fonder son raisonnement sur ce fait notoire et limiter son appréciation audit segment, les produits visés par la marque demandée appartenant à cette catégorie.

32      Ainsi, il y a lieu d’examiner si, après avoir limité son appréciation au segment des éclairages à LED, c’est à tort que la chambre de recours a conclu que la marque demandée ne différait pas de manière significative des normes et des habitudes du secteur, à savoir des formes pertinentes présentes sur le marché.

33      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, en ce qui concerne les marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit lui‑même, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine, n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 (voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 39 et jurisprudence citée ; du 7 mai 2015, Voss of Norway/OHMI, C‑445/13 P, EU:C:2015:303, point 91 et jurisprudence citée, et du 12 décembre 2019, EUIPO/Wajos, C‑783/18 P, non publié, EU:C:2019:1073, point 24 et jurisprudence citée).

34      Il y a également lieu de rappeler que la nouveauté ou l’originalité ne sont pas des critères pertinents pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque, de sorte que, pour qu’une marque puisse être enregistrée, il ne suffit pas qu’elle soit originale, mais il faut qu’elle se différencie substantiellement des formes de base du produit en cause, communément utilisées dans le commerce, et qu’elle n’apparaisse pas comme une simple variante de ces formes [voir arrêt du 26 novembre 2015, Établissement Amra/OHMI (KJ Kangoo Jumps XR), T‑390/14, non publié, EU:T:2015:897, point 25 et jurisprudence citée].

35      De plus, il ne suffit pas que la forme constituant la marque demandée diffère, s’agissant de certaines caractéristiques physiques du produit, d’autres formes disponibles sur le marché pour le même produit, mais il faut encore que ces caractéristiques soient suffisamment marquées pour permettre aux consommateurs de distinguer le produit proposé sous le signe envisagé de ceux d’autres entreprises sur la seule base de sa forme [voir arrêt du 8 novembre 2023, Papier-Mettler/EUIPO (Forme d’un sac), T‑114/23, non publié, EU:T:2023:703, point 47 et jurisprudence citée].

36      Même si l’existence de caractéristiques particulières ou originales ne constitue pas une condition sine qua non de l’enregistrement, il n’en reste pas moins que leur présence peut, au contraire, conférer le degré requis de distinctivité à une marque qui en serait autrement dépourvue [arrêt du 10 octobre 2007, Bang & Olufsen/OHMI (Forme d’un haut-parleur), T‑460/05, EU:T:2007:304, point 43].

37      En l’espèce, la marque demandée représente un phare avant de voiture ou d’un autre véhicule. Il y a lieu de constater, comme le confirme également l’annexe A.1 de la requête, que les phares avant sont devenus un élément essentiel de l’aspect des véhicules et de la différenciation des différents modèles existants sur le marché fabriqués par les divers constructeurs de ces produits. Dès lors, ils sont des éléments qui peuvent être intrinsèquement utiles dans l’individualisation visuelle d’un modèle, d’une gamme, voire de tous les modèles d’un même constructeur de véhicules à moteur par rapport aux autres modèles [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 6 mars 2003, DaimlerChrysler/OHMI (Calandre), T‑128/01, EU:T:2003:62, point 42].

38      Comme cela a été mis en avant dans l’avis d’un expert, produit en annexe A.1 de la requête, la conception des phares avant est importante pour souligner l’origine commerciale et le fait qu’ils peuvent être perçus à plus grande distance, à la lumière du jour et dans l’obscurité, les rend particulièrement efficaces en tant que porteurs de signes distinctifs.

39      La marque demandée est constituée d’une forme géométrique graphique claire avec une ligne lumineuse horizontale, divisée par une ligne horizontale foncée. La ligne horizontale lumineuse se termine par une forme verticale avec de petits angles qui ressemblent à un « Y » horizontal. Cette forme est claire, ce qui contraste fortement avec l’arrière-plan foncé du phare, et ressemble à un marteau qui est nettement visible le jour et dans l’obscurité.

40      La requérante ne conteste pas la constatation de la chambre de recours au point 29 de la décision attaquée, selon laquelle la conception extérieure du phare lui-même se caractérise par un effilement vers la partie droite du côté et ne diffère pas sensiblement de la norme et de la pratique du secteur pour les phares avant de véhicules.

41      Toutefois, la requérante fonde ses arguments sur la forme en « Y » horizontal à l’intérieur du phare représenté par la marque demandée. À cet égard, au point 34 de la décision attaquée, la chambre de recours a admis que cette forme en « Y » horizontal représentée dans ladite marque était assez grande pour être visible lors d’une utilisation normale du produit et avait un impact suffisant sur l’impression générale donnée par cette marque. En outre, ainsi que le confirme la chambre de recours dans la décision attaquée, cette forme claire contraste fortement avec l’arrière-plan foncé.

42      De plus, la combinaison des éléments qui constituent la marque demandée, notamment la forme graphique claire et géométrique avec une ligne horizontale se terminant par une forme verticale avec de petits angles, formant un « Y » horizontal, n’est pas commune et confère à cette marque une apparence particulière qui la différencie de manière significative des autres formes de phares avant à LED qui existent sur le marché. Il ne s’agit pas d’une forme habituelle des produits du secteur concerné ou encore d’une simple variante de celle-ci, mais d’une forme suffisamment marquée et ayant une apparence particulière, qui, compte tenu également du résultat esthétique d’ensemble, est de nature à retenir l’attention du public concerné et à permettre à ce dernier de distinguer les produits visés par la demande d’enregistrement de ceux ayant une autre origine commerciale. Cela est également confirmé par les exemples dans la décision attaquée, plus particulièrement par l’exemple de phares avant mentionné au point 34 de ladite décision, qui, contrairement à ce que soutient la chambre de recours, démontre que les caractéristiques de la marque demandée ne sont pas similaires aux autres phares avant à LED présents sur le marché.

43      En effet, l’exemple de phares avant mentionné au point 34 de la décision attaquée est caractérisé par deux lignes lumineuses horizontales fines situées dans la partie basse du phare, les deux extrémités de la première ligne présentant des bords recourbés vers le haut. Les bords de la seconde ligne sont recourbés, une vers le haut et l’autre vers le bas. La conception du phare lui-même est caractérisée par le fait que l’un des angles inférieurs est pointu et allongé. Cet exemple se distingue, de manière significative, de la forme particulière représentant un « Y » horizontal de la marque demandée, située au milieu du phare, tandis que ce sont les angles supérieurs du phare qui sont pointus.

44      Partant, les phares en cause diffèrent, de manière significative, des autres formes de phares présentes habituellement sur le marché concerné. Les caractéristiques qui composent les phares en cause permettent l’individualisation visuelle des modèles de phares avant et de voitures appartenant à la requérante et permettent de les distinguer des modèles de phares et de voitures provenant d’autres constructeurs. Dès lors, il convient de considérer que la marque demandée, prise dans son ensemble, est dotée du minimum de caractère distinctif requis.

45      Par conséquent, la conclusion de la chambre de recours, selon laquelle la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif, procède d’une application erronée de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

46      Par cette conclusion, la chambre de recours a méconnu l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, dont il découle qu’un minimum de caractère distinctif suffit pour que le motif de refus défini dans cet article ne soit pas applicable [voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2003, Nestlé Waters France/OHMI (Forme d’une bouteille), T‑305/02, EU:T:2003:328, point 42 et jurisprudence citée].

47      Les deuxième et quatrième griefs étant fondés, il convient de faire droit au moyen unique de la requérante et, en conséquence, d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs invoqués.

 Sur les dépens

48      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

49      En l’espèce, la requérante a conclu à la condamnation de l’EUIPO aux dépens exposés devant le Tribunal.

50      L’EUIPO ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens, ainsi que ceux de la requérante au titre de la présente procédure, conformément aux conclusions de cette dernière.

51      Par ailleurs, la requérante a également conclu à la condamnation de l’EUIPO aux dépens exposés au cours de la procédure devant ce dernier.

52      À cet égard, aux termes de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, seuls les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Dès lors, la demande de la requérante concernant les dépens afférents à la procédure devant l’examinateur, qui ne constituent pas des dépens récupérables, est irrecevable [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 novembre 2005, Simonds Farsons Cisk/OHMI – Spa Monopole (KINJI by SPA), T‑3/04, EU:T:2005:418, points 77 et 78]. En revanche, s’agissant des dépens relatifs à la procédure devant la chambre de recours, il y a lieu de condamner l’EUIPO également aux dépens exposés par la requérante aux fins de cette procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Volvo Personvagnar AB relatives au traitement confidentiel des annexes A.1 et A.3 de la requête.

2)      La décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 9 mars 2023 (R 1129/2022-5) est annulée.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      L’EUIPO est condamné aux dépens, y compris ceux exposés aux fins de la procédure devant la chambre de recours.

Kowalik-Bańczyk

Hesse

Ricziová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 juin 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : le suédois.